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Goutte et hyperuricémie

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54 | La Lettre du Rhumatologue • N° 428 - janvier 2017

ACTUALITÉS À L’ACR 2016

Goutte et hyperuricémie

Gout and hyperuricemia

Thao Pham*

* Service de rhumatologie, hôpital Sainte-Marguerite, CHU de Marseille.

Épidémiologie

L’uricémie n’est mesurée au moins 1 fois par an que chez 35 % des patients atteints de goutte incidente

Un travail rétrospectif mené à partir d’une base de données d’assurance maladie israélienne a décrit la prise en charge des gouttes dans les 5 années suivant leur diagnostic (Jaffe D, 1225). Les cas de goutte incidents entre 2003 et 2009 étaient retenus selon les critères suivants : diagnostic posé dans un hôpital ou par un rhumatologue ou diagnostic posé par un généraliste à au moins 2 consultations avec une uri- cémie supérieure à 360 µmol/ l ou un traitement par colchicine ou allopurinol. Les 15 598 sujets retenus étaient principalement des hommes (79,7 %) ; l’âge moyen était de 59 ans ; 15,2 % étaient fumeurs, 32,4 % étaient obèses et 37,5 % avaient un haut niveau socioéconomique.

La fréquence du suivi avec mesure de l’uricémie au cours des 5 premières années était la suivante : 34,9 % des patients avaient bénéficié d’au moins 1 dosage de l’uricémie par an ; 42,8 % avaient eu 3 ou 4 dosages en 5 ans ; 20,5 % avaient eu moins de 1 dosage par an, et 1,8 %, aucun dosage. À la fin du suivi, l’uricémie n’était inférieure à la cible de 360 μmol/ L que pour 25,6 % des patients.

Ces résultats sont cohérents avec ceux de travaux précédents, et confirment le mauvais suivi des patients goutteux, ce qui explique la difficulté d’atteindre le taux cible.

Évaluation de l’uricémie capillaire

Une idée originale de l’équipe de Thomas Bardin (Paris) pourrait améliorer les choses : évaluer la vali- dité de l’uricémie capillaire en la comparant avec le dosage de l’uricémie plasmatique (Fabre S, 218).

Deux cent cinq patients diabétiques devant faire une glycémie capillaire ont été inclus, ce qui permettait d’éviter une ponction supplémentaire pour l’éva- luation de l’uricémie capillaire. Les patients inclus étaient des hommes dans 65,4 % des cas, l’âge

moyen était de 58,4 ans, et 2 % d’entre eux étaient goutteux. L’uricémie plasmatique moyenne était de 309 ± 90 μmol/ L, et l’uricémie capillaire moyenne, de 301 ± 83 μmol/ L (p = 0,0085). Même si la différence entre les 2 mesures était significative, la corrélation entre elles était excellente : R

2

= 0,76 et coefficient de corrélation de Pearson = 0,87 (IC

95

: 0,84-0,90). Cette méthode capillaire mesure les valeurs d’uricémie entre 180 et 1 190 μmol/ L. Parmi les 205 patients, 21 avaient des valeurs hors limites : 19 “low” et 2 “high”. Les patients ayant une évaluation “high” avaient des uricémies plasmatiques à 303 et 213 μmol/ L. Sur les 19 patients ayant une évaluation “low”, 11 avaient une uricémie plasmatique < 180 μmol/ L.

La mesure de l’uricémie capillaire est donc un outil fiable qui pourrait permettre de surveiller plus faci- lement l’uricémie de nos patients. En revanche, la mesure capillaire sous-estime le taux d’acide urique, et les auteurs proposent d’adapter la cible en visant les 320 μmol/ L capillaires au lieu de 360 μmol/ L plasmatiques (sensibilité : 83 %, spécificité : 92 %).

La normalisation de l’hyperuricémie améliore-t-elle l’insuffisance rénale dans la goutte ?

L’importance d’atteindre la cible a été mise en exergue pendant une session plénière. En effet, des travaux récents avaient montré qu’améliorer l’hyperuricémie des patients insuffisants rénaux pouvait réduire la progression de l’atteinte rénale. L’objectif de l’étude présentée était de déterminer si le fait de traiter et d’atteindre l’objectif d’une uricémie inférieure à 360 µmol/ L (60 mg/ L) pouvait non pas seulement limiter la dégradation de la fonction rénale, mais même l’améliorer (Levy G, 912). Ce travail rétrospectif a été mené à partir d’une base de données de plus de 4 millions de patients suivis en Californie. Les patients inclus dans l’analyse avaient une uricémie supérieure à 70 mg/ L selon un bilan biologique fait pendant la période 2008-2014. Les autres critères d’inclusion étaient les suivants : absence de traitement hypo- uricémiant dans l’année précédant la date index et suivi de 1 an après l’instauration du traitement.

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La Lettre du Rhumatologue • N° 428 - janvier 2017 | 55

ACTUALITÉS À L’ACR 2016

Points forts

Anakinra Prednisone 0

– 20

– 40

EV A douleur (0-100 mm ± éc ar t t ype) – 60

H6 H12 H24 H48 H72 J7

Figure 1. Anakinra versus prednisone : variation moyenne de l’EVA douleur depuis l’inclusion.

» L’uricémie capillaire peut utilement remplacer l’uricémie plasmatique pour le suivi des patients hyper­

uricémiques.

» Normaliser l’hyperuricémie améliore les insuffisances rénales modérées.

» L’anakinra, un inhibiteur de l’interleukine 1, peut être une alternative intéressante dans le traitement des crises aiguës microcristallines.

» Le vérinurad, inhibiteur d’URAT1, est un uricosurique prometteur.

Mots­clés

Goutte

Chondrocalcinose Hyperuricémie Anakinra Vérinurad

Highlights

» Immediate uric acid mea­

surement in capillary blood samples usefully replaces plasma measurement for patients monitoring.

» Normalizing hyperuricemia improves moderate renal insuf­

ficiency.

» Anakinra may be an inte­

resting alternative in the treat­

ment of acute microcrystalline flares.

» Verinurad, an URAT1 inhi­

bitor, is a promising uricosuric treatment.

Keywords

Gout Pseudo­gout Hyperuricemia Anakinra Verinurad La fonction rénale et l’uricémie ont été recueillies

pendant une période de suivi allant de 3 à 12 mois après la date index. Le critère principal d’évaluation était une variation de 30 % (amélioration ou aggrava- tion) du débit de filtration glomérulaire (DFG). Parmi plus de 4 millions de patients suivis, 133 265 avaient une uricémie supérieure 70 mg/ L, 19 840 ont béné- ficié d’une évaluation de la fonction rénale à la date index et pendant la période de suivi, et, après exclu- sions, la population étudiée était de 12 751 patients.

Parmi eux, on retrouvait un nombre certain d’insuf- fisants rénaux :

➤ stade 2 (60 ≤ DFG < 90 ml/mn) : 4 343 sujets ;

➤ stade 3 (30 ≤ DFG < 60 ml/mn) : 6 299 ;

➤ stade 4 (15 ≤ DFG < 30 ml/mn) : 2 109.

Sur l’ensemble des 12 751 patients analysés, 2 690 ont commencé un traitement hypo-uricémiant, et 13,1 % d’entre eux ont vu leur DFG augmenter de 30 %, contre 11,4 % chez les patients non traités (p < 0,001).

La probabilité d’amélioration du DFG de 30 % chez les patients traités par hypo-uricémiant est résumée dans le tableau.

En conclusion, la fonction rénale s’est moins dégradée chez les patients qui ont atteint l’objectif d’une uricémie inférieure à 60 mg/ L. Les patients insuffisants rénaux de stade II et III avaient plus de chances de voir s’améliorer leur fonction rénale lorsque leur uricémie était normalisée. Ce n’était pas le cas des patients dont l’insuffisance rénale était sévère (stade IV), ce qui suggère qu’une prise en charge trop tardive ne permettrait pas de récupérer la fonction rénale. Le “treat-to-target” doit rester un objectif dans la prise en charge de l’hyperuricémie.

Thérapeutique

Anakinra et microcristaux

A. Dumusc et al. ont présenté le premier essai contrôlé randomisé évaluant l’efficacité de l’inhibi- tion de l’interleukine 1 dans la crise de chondro- calcinose (Dumusc A, 214). Cette étude en double aveugle a comparé l’effet de l’anakinra, un anta- goniste du récepteur de l’interleukine 1, à celui de la prednisone. L’étude, commencée en 2012, a été arrêtée en 2015 en raison d’un taux d’inclusions trop

faible. En effet, seuls 30 % des 50 patients prévus ont été inclus, en raison de critères d’inclusion très stricts : crise évoluant depuis moins de 5 jours, mise en évidence des cristaux de pyrophosphate de calcium dans le liquide articulaire et aucun traite- ment par corticoïdes en cours, quelle que soit la voie d’administration. Le critère principal d’évaluation était l’évolution de l’EVA douleur à 72 heures. L’ana- kinra était administré à 100 mg s.c./ j + placebo de la prednisone pendant 3 jours. Les patients recevaient soit la prednisone p.o. à 30 mg/ j (n = 7), soit de l’ana- kinra 100 mg s.c./ j (n = 8) + placebo de l’autre traite- ment pendant 3 jours. Les principales caractéristiques à l’inclusion étaient les suivantes : âge = 69 ans ; sexe masculin : 53 % ; durée moyenne des crises : 2,5 jours ; CRP : 80 mg/l ; EVA douleur : 60 mm.

Chez les patients traités par anakinra, la douleur a baissé de façon importante et rapide (figure 1), sans que la différence avec les patients traités par prednisone soit significative. La diminution de l’EVA était de 40 % dans le groupe anakinra et de 20 % dans le groupe prednisone, mais la différence n’était pas statistiquement significative, probablement en Tableau. Probabilité d’amélioration du débit de filtration glomérulaire de 30 % sous hypo-uricémiant.

Patients (n = 354) OR (IC

95

) p

IR stade II 2,26 (1,16­4,41) 0,017

IR stade III 2,23 (1,65­3,00) < 0,01

IR stade IV 1,5 (0,95­2,37) 0,081

Total 1,78 (1,42­2,23) < 0,001

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ACTUALITÉS À L’ACR 2016

Vérinurad + allopurinol Variation prédite

Variation observée (moyenne)

Allopurinol 600 mg/j Allopurinol 300 mg × 2/j Allopurinol 300 mg –30

–40 –50 –60 –70 Modific ation maximale de l ’uric émie (%) depuis l ’inclusion –80

0 5 10 15 20 25 30

Vérinurad (mg)

Figure 3. Vérinurad en association avec l’allopurinol : variation maximale de l’uricémie depuis l’inclusion.

Vérinurad en association avec fébuxostat 40 mg fébuxostat 80 mg

Fébuxostat 40 mg

Fébuxostat 80 mg –30

–40 –50 –60 –70 –80 –90

5 10 15 20

Vérinurad (mg) Modific ation maximale de l ’uric émie (%) depuis l ’inclusion

Figure 2. Vérinurad en association avec le fébuxostat : variation maximale de l’uricémie depuis l’inclusion.

Goutte et hyperuricémie

raison d’un manque de puissance de l’étude. La tolé- rance était bonne ; aucune infection n’a été observée dans les 28 jours suivant la dernière injection.

L’anakinra est aussi un traitement efficace de la crise de goutte. Alors qu’il n’a pas l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication, il est utilisé dans les crises de goutte résistant aux traitements habi- tuels ou lorsque ceux-ci sont contre- indiqués. Il y a peu de données sur son efficacité et sa tolérance dans les cas de goutte complexes, par exemple en présence d’une insuffisance rénale sévère ou d’une greffe. C. Palma et al. (215) rapportent de façon rétrospective leur expérience chez 18 patients : 3 patients étaient greffés (2 greffes hépatiques et 1 rénale), 2 avaient une valve cardiaque, 7 étaient traités par antibiotiques concomitamment au trai- tement par anakinra (indications : pneumopathie à

Klebsiella, infection urinaire à entérocoque, colite à Clostridium difficile, ulcère du pied). Le score moyen de comorbidité de Charlson (0-30) était de 7,6 et le DFG moyen, de 49 ml/ mn. Treize des 18 patients avaient résisté à un traitement par corticothérapie par voie générale et 1 par voie intra-articulaire.

Le traitement par anakinra a été rapidement effi- cace, dès la première injection (une seule injection pour 4 patients, 2 ou 3 injections pour les 14 autres).

Ces données sont plutôt rassurantes quant à la tolé- rance de l’anakinra chez les patients présentant de lourdes comorbidités, même s’il ne semble pas recommandé de l’utiliser en période infectieuse.

Un nouvel uricosurique : le vérinurad Le vérinurad est un inhibiteur d’URAT1, le principal transporteur de réabsorption de l’acide urique. Une première étude menée chez l’adulte sain (Gillen M, 190) a montré que cette molécule est mieux absorbée à jeun, sa concentration plasmatique pouvant diminuer jusqu’à 50 % si elle est prise en période postprandiale. La fraction d’excrétion rénale de l’acide urique dépend de la dose de vérinurad ; elle est maintenue pendant 36 à 48 heures après une prise unique de traitement. La dose maximale testée, de 40 mg/j, a induit une diminution de l’uricémie de 60 %. Le vérinurad a une demi-vie de 13 heures et est très peu éliminé par le rein (2 %).

Deux autres études de développement du produit se sont intéressées, en ouvert, à la pharmaco- dynamique du vérinurad en combinaison avec un inhibiteur de la xanthine oxydase (allopurinol ou fébuxostat) chez des patients goutteux ( Fleischmann R, 196 et 197).

Le premier travail a comparé différentes associations de vérinurad (de 2,5 à 20 mg/ j) et de fébuxostat (de 40 à 80 mg/ j) chez 64 patients goutteux, dont les principales caractéristiques étaient les suivantes : âge : 49 ans ; indice de masse corporelle (IMC) : 32,7 kg/ m

2

; uricémie : 92,6 mg/L.

La baisse de l’uricémie était proportionnelle à la dose de vérinurad utilisée, et plus importante avec le fébuxostat 80 mg qu’avec le fébuxostat 40 mg (figure 2).

Des résultats similaires ont été observés dans l’étude comparant différents dosages de vérinurad et d’allopurinol chez 41 patients goutteux (âge : 49 ans ; IMC : 31,8 kg/ m

2

; uricémie : 91 mg/ L) [figure 3].

Aucun effet indésirable grave n’a été observé dans les différentes études présentées d’une durée maxi- male de 1 mois. Les études sur le vérinurad sont pour l’instant suspendues, du fait de la restructuration du laboratoire qui en assurait le développement. ■ L’auteur déclare

ne pas avoir de liens d’intérêts.

0056_LRH 56 30/01/2017 15:08:30

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