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Goutte et hyperuricémie

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40 | La Lettre du Rhumatologue • N° 438 - janvier 2018

Actualités à l’ACR 2017

Goutte et hyperuricémie

Gout and hyperuricemia

Thao Pham*

* Service de rhumatologie, hôpital Sainte-Marguerite, CHRU de Marseille.

Épidémiologie

Incidence de la goutte en fonction de l’uricémie à l’échelon individuel

L’hyperuricémie est le principal facteur de risque de développer une goutte. Cependant, la relation entre uricémie et goutte incidente est encore peu claire, l’évaluation du risque variant selon les différentes études publiées. Par exemple, l’incidence annuelle de la goutte chez l’homme en cas d’uricémie supérieure à 80 mg/ l varie de 18 à 33 pour 1 000 patients- années en fonction des cohortes étudiées. L’objectif de ce travail était d’examiner le lien entre l’uricémie et l’incidence de la goutte. Les auteurs ont fait une recherche systématique dans la littérature de toutes les études longitudinales dans lesquelles les infor- mations individuelles sur l’uricémie et la survenue de la goutte étaient disponibles (Dalbeth N, 2843).

À partir de 1 936 articles initialement sélectionnés sur PubMed, 4 cohortes ont été retenues : Athero­

sclerosis Risk in Communities Study, Coronary Artery Risk Development in Young Adults Study, et les cohortes Original et Offspring de la Framingham Heart Study ; 23 articles ont été totalement détaillés pour finalement retenir ces 4 cohortes, incluant 18 899 individus initialement sans goutte. La durée moyenne de suivi était de 11,2 ans, soit un suivi total de 212 363 patients-années.

L’incidence cumulée de la goutte sur 15 ans était de 3,20 %, allant de 1,12 %, pour les individus dont l’uri- cémie initiale était inférieure à 60 mg/l, à 48,6 %, pour ceux dont l’uricémie initiale dépassait 100 mg/l (tableau).

Sans surprise, le risque était plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Cependant, l’inci- dence des femmes se rapprochait nettement de celle des hommes quand l’uricémie initiale était supérieure à 90 mg/l (figure 1).

Ces données montrent le rôle majeur de l’hyper- uricémie dans la survenue de la goutte, avec un OR allant de 2,7 (IC95 : 2,0-3,6) à 64,0 (42,5-96,1) pour des uricémies entre 60 et 70 mg/ l et au-delà de 100 mg/ l, respectivement. On notera cependant que 50 % des patients ayant une uricémie supérieure à 100 mg/ l n’ont pas encore eu de crise de goutte après 15 ans de suivi. Le rôle de l’hyperuricémie est majeur, mais elle ne semble pas être le seul facteur responsable de l’incidence de la goutte.

Les fils de la goutte

Le caractère familial de la goutte et de l’hyper uricémie est bien connu. En revanche, on connaît moins bien la prévalence des dépôts de cristaux d’acide urique chez des individus à haut risque génétique de goutte.

L’équipe de Nottingham a envoyé à tous les patients goutteux qui avaient déjà participé à une étude dans le service un courrier comprenant un kit à poster à leurs fils expliquant l’objectif de cette nouvelle étude ( Abhishek A, 2847). Le recrutement s’est aussi fait auprès des patients goutteux suivis dans le service, ainsi que via Facebook et les journaux locaux. Les candidats ont été sélectionnés par un questionnaire téléphonique élaboré à partir des critères de Mexico de 2010. Les patients retenus ont ensuite été vus lors d’une visite unique comprenant la collecte des données démographiques, un examen clinique, un pré- lèvement sanguin et une échographie. Cette dernière était faite en insu du taux d’uricémie et recherchait le signe du double contour, des tophus et agrégats, des dépôts hyperéchogènes, un épanchement et un signal doppler aux métatarsophalangiennes (MTP), chevilles, 2e métacarpophalangienne, poignets et coudes. Plus de 1 400 parents ont été contactés ; 206 fils de goutteux étaient intéressés, et 131 ont été inclus dans l’étude. Leurs principales caractéristiques étaient les suivantes : âge moyen : 43,8 ans ; IMC : Tableau. Incidence cumulée de la goutte en fonction de l’uricémie initiale et de la durée de suivi.

Uricémie initiale n 3 ans 5 ans 10 ans 15 ans

< 60 mg/l 12 103 0,21 % 0,33 % 0,79 % 1,12 %

60-69 mg/l 3 848 0,37 % 0,66 % 1,98 % 3,70 %

70-79 mg/l 1 870 0,92 % 1,91 % 6,37 % 9,00 %

80-89 mg/l 758 4,00 % 6,94 % 11,32 % 16,28 %

90-99 mg/l 230 8,31 % 14,02 % 24,18 % 35,21 %

≥ 100 mg/l 80 10,00 % 26,25 % 40,00 % 48,57 %

Total 18 889 0,60 % 1,10 % 2,40 % 3,20 %

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La Lettre du Rhumatologue • N° 438 - janvier 2018 | 41

Actualités à l’ACR 2017

Points forts

3 ans 5 ans 10 ans 15 ans

Hommes

Uricémie (mg/l) à l’inclusion 50

40 30 20 10

0 Total < 60 60-69 70-79 80-89 90-99 ≥ 100

Incidence cumulée (%) Incidence cumulée (%)

Femmes

Uricémie (mg/l) à l’inclusion 50

40 30 20 10

0 Total < 60 60-69 70-79 80-89 90-99 ≥ 100

Figure 1. Incidence cumulée de la goutte en fonction de l’uricémie initiale.

» Chez les fils des patients goutteux, la prévalence de l’hyperuricémie et des dépôts asymptomatiques de cristaux d’acide urique est élevée.

» L’association uricase pégylée + rapamycine encapsulée permet de réduire durablement l’uricémie en limitant la formation d’anticorps antimédicament.

» Les traitements hypo-uricémiants pourraient améliorer la fonction endothéliale artérielle des patients goutteux.

Mots-clés

Goutte Uricémie Rapamycine Hypo-uricémie

Highlights

»Sons of people with gout have high prevalence of hyper- uricemia, and asymptomatic monosodium urate crystal deposition.

»Pegylated uricase with rapamycin enables sustained reduction of serum uric acid levels by reducing formation of antidrug antibodies.

»Hypouricemiant treatments could increase arterial endo- thelial function in patients with gout.

Keywords

Gout Uricemia Rapamycin Hypouricemia 27,1 kg/m2 ; consommation alcoolique : 78 %, avec une

prise hebdomadaire moyenne de 10 unités d’alcool riche en purines ; hypertension, hyperlipidémie ou diabète : 14 % ; débit de filtration glomérulaire : 85 ml/mn ; uricémie : 64,1 mg/l ; uricémie supérieure à 60 mg/l : 64,1 % ; uricémie supérieure à 70 mg/l : 29 %. L’échographe a mis en évidence des dépôts de cristaux d’acide urique, c’est-à-dire un signe du double contour ou des agrégats intra- articulaires, chez 29,8 % de l’ensemble de la population et chez 36,9 % des patients dont l’uricémie dépassait 60 mg/l. Éton- namment, ces dépôts étaient également présents chez 18,8 % des patients dont l’uricémie se situait entre 50 et 57 mg/ l et chez 21,4 % des patients de 20 à 30 ans. Les autres anomalies échographiques étaient elles aussi fréquentes, notamment l’épanchement articulaire, dans 58,8 % des cas, et les calcifications tendineuses, dans 21,4 % des cas.

Ainsi, les fils des patients goutteux ont une préva- lence élevée d’hyperuricémie et de dépôts asymp- tomatiques de cristaux d’acide urique. Ces dépôts sont principalement situés dans la 1re MTP.

Traitements de la goutte et de l’hyperuricémie

L’association uricase pégylée + rapamycine encapsulée : un traitement prometteur

L’uricase, enzyme mammifère métabolisant l’acide urique, est un traitement efficace de l’hyper uricémie.

Sa forme pégylée, disponible en autorisation tempo-

raire d’utilisation en France, est souvent associée à d’importantes réactions allergiques, probablement du fait de la formation d’anticorps antimédicament.

Le SEL-212 est l’association d’une nouvelle uricase pégylée, la pegsiticase, à la rapamycine. La rapa- mycine encapsulée permettait de limiter la réaction immunitaire en augmentant la tolérance anti- génique. Une étude de phase I évaluant le SEL-212 a démontré la régulation des anticorps antimédica- ment et le contrôle persistant de l’uricémie pendant au moins 30 jours après une dose unique. Les objectifs de cette étude de phase II étaient d’évaluer l’effica cité et la tolérance du SEL-212 (Sands E, 2091).

Soixante patients atteints de goutte symptomatique (au moins 1 tophus, crise de goutte dans les 6 mois ou arthropathie goutteuse) et ayant une uricémie supérieure à 60 mg/l ont été inclus pour tester de la pegsiticase à 0,2 ou 0,4 mg/kg, soit seule, soit administrée avec de la rapamycine (0,05 ou 0,08 ou 0,10 mg/ kg). La rapamycine était perfusée tous les mois pendant les 3 mois précédant les 2 perfusions mensuelles de pegsiticase.

En l’absence de rapamycine, les perfusions de pegsiticase étaient associées à la production d’anti- corps antimédicament dans 100 % des cas et à une perte de l’efficacité thérapeutique avec réaugmen- tation de l’uricémie au bout de 2 à 3 semaines.

En revanche, en présence de la rapamycine, l’effet hypo-uricémiant de la pegsiticase était maintenu plusieurs mois, et la production d’anticorps anti- médicament était faible. On a observé peu de réactions aux perfusions en cas d’association. Ces résultats encourageants doivent être confirmés par des études de phase III.

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Actualités à l’ACR 2017

Période (mn)

À l’inclusion

0 1 6 8

Occlusion Hyperémie réactive

Gonflement Dégonflement

Avant-bras gonflé Avant-bras dégonflé

A B C

Contrainte de cisaillement PAS de relâchement Figure 2. Mesure de la FMD.

Uricémie p < 0,001 12 NS

10 8 6 4 2 0

Pré-traitement Colchicine Colchicine + XOI

Uricémie (mg/dl)

Protéine C réactive p = 0,04 NS 7

6 5 4 3 2 1 0

Pré-traitement Colchicine Colchicine + XOI

hsCRP (mg/l)

Flow-mediated Dilation p = 0,14 p = 0,28 4

3 2 1 0

Pré-traitement Colchicine Colchicine + XOI

FMD (% variation)

Figure 3. Impact de la colchicine et des traitements hypo-uricémiants sur l’uricémie, la CRP et la FMD.

Goutte et hyperuricémie

Amélioration de la fonction endothéliale artérielle sous hypo-uricémiant

Plusieurs études ont montré un lien entre goutte, augmentation du risque cardiovasculaire et morta- lité. L’hyperuricémie est associée à une dysfonction endothéliale, dysfonction qui joue un rôle crucial dans la fonction cardiovasculaire et rénale. Le test de vasodilatation dépendante du flux sanguin (FMD [Flow­Mediated Dilation]) est l’évaluation non inva- sive la plus couramment utilisée de la fonction endothéliale vasculaire.

➤ Un premier travail prospectif a évalué la FMD et les autres facteurs de risque cardiovasculaires chez 150 patients goutteux (Aranda EC, 2062). Leurs principales caractéristiques étaient les suivantes : sexe masculin : 97 % ; âge : 56 ans ; durée moyenne de la maladie : 10 ans ; tophus : 22,5 % ; anté- cédents familiaux : 42 % ; HTA : 47,3 % ; diabète : 4,6 % ; dyslipidémie : 56,7 % ; fumeur : 20,6 % ; IMC :

28 kg/m2, VS : 10 mm/h, CRP : 27 mg/l ; uricémie : 69 mg/l. Un patient avait un antécédent d’AVC ; 17 avaient des antécédents ischémiques (11 syn- dromes de menace, 6 infarctus du myocarde).

La FMD était mesurée par échographie 2D haute résolution (figure 2). La valeur moyenne, chez les 147 patients évalués, était de 0,60 ± 0,52. L’analyse multivariée montre qu’il s’agit d’un facteur indépen- dant, seulement corrélé négativement à la vitamine D.

➤ Une autre équipe a évalué l’effet sur la FMD d’un traitement par colchicine seule et par l’as- sociation colchicine + hypo-uricémiant (Igel T, 1144). Trente-quatre patients goutteux, répondant aux critères ACR, non traités, ont été inclus dans l’étude. La FMD était mesurée à l’inclusion, après 6-8 semaines de traitement par colchicine puis après 20 semaines de traitement par l’association colchi- cine + traitement hypo-uricémiant. Cette mesure a aussi été réalisée chez 64 sujets sains. Les carac- téristiques des patients étaient les suivantes : sexe masculin : 100 % ; âge : 57,9 ans ; IMC : 30,3 kg/m2 ; fumeurs : 29,4 % ; tophus : 32,4 % ; HTA : 70,6 % ; coronaro pathie : 20,6 % ; uricémie : 90,6 mg/l ; CRP : 4,4 mg/l ; VS : 14,5 mm. La FMD initiale était à 2,2 ± 0,5 chez les sujets goutteux, versus 3,6 ± 0,3 (p = 0,02). La figure 3 montre l’effet de la colchicine et des traitements hypo-uricémiants sur l’uricémie, la CRP et la FMD. On observe une tendance, non statistiquement significative, à l’amélioration de la FMD sous traitement hypo-uricémiant. La variation de la CRP et la variation de la FMD étaient fortement corrélées (r = 0,49). Ces données nécessitent d’être confirmées sur un plus grand échantillon, avec une analyse plus fine des différents facteurs pouvant influencer la FMD, mais elles pourraient être un argument pour un traitement de l’hyperuricémie

asymptomatique. ■

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec AbbVie, Biogen, BMS, Janssen, Lilly, Medac, MSD, Nordic, Novartis, Pfizer, Roche Chugai, Sandoz, Sanofi, UCB.

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