Etude de la stabilit´e de quelques syst`emes non-lin´eaires
A. Lesfari
E. mail : Lesfariahmed@yahoo.fr http://lesfari.com
On consid`ere le syst`eme d’´equations diff´erentielles non-lin´eaires du premier ordre
suivant : ½
˙
x(t) =f(x, y),
˙
y(t) =g(x, y).
On suppose que f et g sont des fonctions continˆument diff´erentiables. Un point (x0, y0) est dit point d’´equilibre (ou point stationnaire) du syst`eme ci-dessus si et seulement si f(x0, y0) = g(x0, y0) = 0. Nous allons utiliser la m´ethode de Laplace pour ´etudier la stabilit´e du syst`eme ci-dessus et d´ecrire quelques crit`eres n´ecessaires et suffisants de stabilit´e. Posons ∆x=x−x0 et ∆y=y−y0. D’o`u
∆ ˙x(t) =f(x+ ∆x, y+ ∆y),
∆ ˙y(t) =g(x+ ∆x, y+ ∆y).
En utilisant la formule de Taylor `a l’ordre 1, on obtient
∆ ˙x(t) =f(x0, y0) +∂f
∂x∆x+∂f
∂y∆y,
∆ ˙y(t) =g(x0, y0) + ∂g
∂x∆x+∂g
∂y∆y.
Orf(x0, y0) =g(x0, y0) = 0, donc le syst`eme ci-dessus s’´ecrit sous forme matricielle µ ∆ ˙x
∆ ˙y
¶
= Ã ∂f
∂x ∂f
∂g ∂y
∂x ∂g
∂y
!
(x0,y0)
µ ∆x
∆y
¶ .
Soient ∆X(p) = L{∆x(t)} et ∆Y(p) = L{∆y(t)} les transform´ees de Laplace de
∆x(t) et ∆y(t) respectivement. En appliquant la transform´ee de Laplace aux deux membres des ´equations ci-dessus, on obtient
p
µ ∆X(p)
∆Y(p)
¶
−
µ ∆x(0)
∆y(0)
¶
= Ã ∂f
∂x ∂f
∂g ∂y
∂x ∂g
∂y
!
(x0,y0)
µ ∆X(p)
∆Y(p)
¶ , d’o`u
µ ∆X(p)
∆Y(p)
¶
=
à p−∂f∂x −∂f∂y
−∂x∂g p− ∂g∂y
!−1
(x0,y0)
µ ∆x0
∆y0
¶ .
1
Si toutes les valeurs propres de la matrice à p−∂f∂x −∂f∂y
−∂g∂x p−∂g∂y
!
(x0,y0)
,
se trouvent dans le demi-plan gauche : Rep <0, alors les trajectoires correspondant au syst`eme ci-dessus dans le plan desx,y, s’approchent du point d’´equilibre (x0, y0) lorsque t tend vers l’infini. On dit dans ce cas que le syst`eme (ou la solution, ou encore la position d’´equilibre (x0, y0)) est asymtotiquement stable. Si au moins une valeur propre poss`ede une partie r´eelle positive, le syst`eme en question est instable au point (x0, y0). En cas de nullit´e des parties r´eelles la stabilit´e d´epend des termes de la s´erie de Taylor de degr´e sup´erieur `a 1; il n’existe pas dans ce cas de crit`ere exhaustif de stabilit´e (on parle d’´equilibre indiff´erent).
En g´en´eral la solution du syst`eme non-lin´eaire ci-dessus ne s’exprime pas `a l’aide de fonctions ´el´ementaires. Pour l’´etude de la stabilit´e (asymptotique) de ce syst`eme on d´eveloppe, lorsque ceci est possible, les fonctions f et g en s´erie de Taylor1 au voisinage du point (x0, y0). Comme pr´ec´edemment, on ne retient que les termes lin´eaires et l’analyse de la stabilit´e se r´eduit `a la d´etermination du signe des parties r´eelles des valeurs propres, c’est-`a-dire des racines du polynˆome carat´eristique li´e au syst`eme.
Il est possible de faire cette analyse sans calculer explicitement les racines du polynˆome caract´eristique consid´er´e. Supposons par exemple que le polynˆome car- act´eristique s’´ecrit sous la forme
P(λ) =a0λn+a1λn−1+· · ·+an, a0 >0
o`u lesai, sont des coefficients r´eels. Alors une condition n´ecessaire pour que toutes les parties r´eelles des racines de l’´equationP(λ) = 0, soient n´egatives est que tous les ai >0. Cette condition n’est suffisante que pourn≤2. Pour obtenir des conditions qui sont `a la fois n´ecessaires et suffisantes, on utilise le crit`ere suivant que l’on appelle crit`ere de Routh ou de Routh-Hurwitz : pour que toutes les racines de l’´equation P(λ) = 0 aient des parties r´eelles n´egatives, il faut et il suffit que tous les mineurs principaux de la matrice de Hurwitz
a1 a0 0 0 0 0 ... 0 a3 a2 a1 a0 0 0 ... 0 a5 a4 a3 a2 a1 a0 ... 0 ... ... ... ... ... ... ... ...
0 0 0 0 0 0 ... 0
.
1Rappelons que si F est une fonction d´efinie sur un ouvert Ω deRn `a valeurs dansRp et siF est de classeC2 sur Ω, alors on a la formule de Taylor d’ordre 2 :
F(a+h) =F(a) + Xn i=1
∂F
∂xi(a)hi+1 2
Xn i,j=1
∂2F
∂xi∂xj(a)hihj+o(khk2), a∈Ω
soient strictement positifs. Les mineurs principaux de cette matrice sont
∆1=a1,∆2 =
¯¯
¯¯ a1 a0 a3 a2
¯¯
¯¯, ...,∆n=
¯¯
¯¯
¯¯
¯¯
¯¯
a1 a0 0 ... 0 a3 a2 a1 ... 0 a5 a4 a3 ... 0 ... ... ... ... ...
0 0 0 0 an
¯¯
¯¯
¯¯
¯¯
¯¯ .
La condition n´ecessaire et suffisante de Routh-Hurwitz signifie que :
∆1 >0, ∆2 >0, ... ∆n>0.
Or ∆n= ∆n−1.an, donc on peut remplacer ∆n>0 par an>0.
Par ailleurs Li´enard et Chipart ont formul´e d’autres conditions n´ecessaires et suffisantes de stabilit´e contenant moins d’in´egalit´es sur les mineurs ∆i que ci-dessus.
Plus pr´ecis´ement, pour que l’´equationP(λ) = 0 ait toutes ses racines `a parties r´eelles n´egatives, il faut et il suffit que tous lesai>0 et que
∆n−1>0, ∆n−3>0, ∆n−5>0, ...
o`u les ∆i sont les mˆemes que ci-dessus.
D’autres conditions n´ecessaires et suffisantes de stabilit´e ont ´et´e obtenu par Mikha¨ılov. Son crit`ere s’´enonce comme suit : on poseλ=iω, d’o`u
P(λ) =P(iω) =u(ω) +iv(ω), o`u
u(ω) = an−an−2ω2+an−4ω4− · · · v(ω) = an−1ω−an−3ω3+an−5ω5− · · ·
Etant donn´e le param`etre´ ω, la grandeurP(iω) peut ˆetre repr´esent´ee sur le planuov sous la forme d’un vecteur. Alors pour que le syst`eme en question soit stable, il faut et il suffit que : lorsqueω varie de 0 `a +∞, le vecteur f(iω) tourne d’un angle nπ2 dans le sens positif et ne passe pas par l’origine des coordonn´ees. Une autre fa¸con de formuler le crit`ere de Mikha¨ılov est le suivant : le syst`eme en question est stable si et seulement sianan−1 >0 et que les racines des polynˆomes u(ω) = 0, v(ω) = 0, soient toutes positives , distinctes et alternantes (c’est-`a-dire qu’entre deux racines arbitraires de l’une de ces ´equations, on trouve une racine de l’autre ´equation).
Enfin et comme nous l’avons d´ej`a signal´e, en cas de nullit´e des parties r´eelles c’est-`a-dire lorsque les racines de l’´equation caract´eristique sont situ´ees sur l’axe imaginaire, le probl`eme de la stabilit´e de la solution du syst`eme `a ´etudier se com- plique alors consid´erablement.
Exemple 1. D´eterminons les positions d’´equilibre du syst`eme ci-dessous et ´etudions
sa stabilit´e : ½
˙
x(t) = ln(y2−x),
˙
y(t) =x−y−1.
Ici, on a f(x, y) = ln(y2−x) et g(x, y) = x−y−1. Les points d’´equilibre (x0, y0) sont d´etermin´es par les ´equations
˙
x(t) = ln(y2−x) = 0, y(t) =˙ x−y−1 = 0,
c’est-`a-direln(x2−3x+ 1) = 0, y=x−1d’o`u(x0, y0) = (3,2)et(x0, y0) = (0,−1).
Pour (x0, y0) = (3,2), on a à p−∂f∂x −∂f∂y
−∂x∂g p−∂g∂y
!
(3,2)
= Ã
p+y21−x −y22y−x
−1 p+ 1
!
(3,2)
=
µ p+ 1 −3
−1 p+ 1
¶ .
Les racines de l’´equation caract´eristique :p2+ 2p−2 = 0, sont −1±√
3et puisque l’une des parties r´eelles de ces racines est positive, on en d´eduit que le point d’´equilibre (3,2) du syst`eme propos´e est instable. De mˆeme pour (x0, y0) = (0,−1), on a
à p−∂f∂x −∂f∂y
−∂x∂g p− ∂g∂y
!
(3,2)
=
µ p+ 1 2
−1 p+ 1
¶ .
Les racines de l’´equation caract´eristique :p2+ 2p+ 3 = 0, sont −1±i√
2 et puisque les parties r´eelles de ces racines sont n´egatives, on en d´eduit que le point d’´equilibre (3,2) du syst`eme propos´e est asymptotiquement stable.
Exemple 2. Le pendule simple est constitu´e par un point mat´eriel suspendu `a l’extr´emit´e d’un fil (ou une tige th´eoriquement sans masse) astreint `a se mouvoir sans frottement sur un cercle vertical. On d´esigne parl la longueur du fil (c’est-`a- dire le rayon du cercle), g l’acc´el´eration de la pesanteur et x l’angle instantan´e du fil avec la verticale. L’´equation du mouvement est
¨ ϕ+g
l sinϕ= 0.
Appliquons la m´ethode de Laplace `a l’´etude du mouvement du pendule simple d´ecrit par l’´equation diff´erentielle non-lin´eaire du seconde ordre ci-dessus. En posantω2 =
g
l, x = ϕ(t) et y = ˙ϕ(t), l’´equation diff´erentielle ci-dessus se ram`ene au syst`eme suivant
˙
x(t) = ϕ˙=y=f(x, y),
˙
y(t) = ϕ¨=−ω2sinx=g(x, y).
Pour d´eterminer les points d’´equilibre (x0, y0) du syst`eme, il suffit de r´esoudre les
´equations f(x, y) = 0, g(x, y) = 0. Les points d’´equilibre sont donc donn´es par (x0, y0) = (kπ,0) o`u k∈ Z. La fonction sinx ´etant p´eriodique, il suffit d’examiner la nature des points (0,0) et (π,0). Pour (x0, y0) = (0,0), on a
à p−∂f∂x −∂f∂y
−∂x∂g p− ∂g∂y
!
(0,0)
=
µ p −1
ω2cosx p
¶
(0,0)
=
µ p −1 ω2 p
¶ .
Les racines de l’´equation caract´eristique : p2+ω2 = 0, sont p =±iω. Comme ces racines se trouvent sur l’axe imaginaire Rep = 0, on en d´eduit que l’´equilibre est indiff´erent. Explicitement, on a
µ ∆X(p)
∆Y(p)
¶
=
µ p −1 ω2 p
¶−1µ
∆x0
∆y0
¶
= 1
p2+ω2
µ p 1
−ω2 p
¶ µ ∆x0
∆y0
¶ .
D’o`u
∆X(p) = p
p2+ω2∆x0+ 1
p2+ω2∆y0,
∆Y(p) = − ω2
p2+ω2∆x0+ p
p2+ω2∆y0, et par cons´equent
∆x(t) = ∆x0cosωt+ ∆y0sinωt ω ,
∆y(t) = −∆x0ωsinωt+ ∆y0cosωt.
On montre ais´ement que la trajectoire du syst`eme en question dans le plan (x, y) est une ellipse centr´ee `a l’origine. Cette trajectoire ne s’approche ni ne s’´eloigne de l’origine lorsque t−→ 0. L’origine est un point d’´equilibre ni stable ni instable; on dit qu’il est un centre. Pour(x0, y0) = (π,0), on a
à p−∂f∂x −∂f∂y
−∂g∂x p−∂g∂y
!
(π,0)
=
µ p −1
ω2cosx p
¶
(π,0)
=
µ p −1
−ω2 p
¶ .
Les racines de l’´equation caract´eristique : p2−ω2 = 0, sont p = ±ω. Une de ces racines se trouve dans le demi-plan droite Re p >0, donc le syst`eme en question est instable au point (π,0). Explicitement, on a
µ ∆X(p)
∆Y(p)
¶
=
µ p −1
−ω2 p
¶−1µ
∆x0
∆y0
¶
= 1
p2−ω2
µ p 1 ω2 p
¶ µ ∆x0
∆y0
¶ .
D’o`u
∆X(p) = p
p2−ω2∆x0+ 1
p2−ω2∆y0,
∆Y(p) = ω2
p2−ω2∆x0+ p
p2−ω2∆y0, et par cons´equent
∆x(t) = ∆x0coshωt+ ∆y0sinhωt ω ,
∆y(t) = ∆x0ωsinhωt+ ∆y0coshωt.
On montre que la trajectoire du syst`eme en question dans le plan (x, y) est une Hyperbole. Ce qui explique que le point d’´equilibre(π,0)est instable car la trajectoire s’´eloigne de ce point lorsque t −→ 0. Dans ce probl`eme, on peut distinguer trois types de trajectoires : celles qui correspondent aux petites oscillations, celles (les s´eparatrices) qui joignent deux cols et enfin celles qui correspondent `a une rotation compl`ete autour du point de suspension du pendule.
References
[1] Lesfari, A. : Distributions, Analyse de Fourier et Transformation de Laplace (Cours et exercices), 380 pages, ISBN : 978-2-7298-7629-6 , ´editions Ellipses, Paris, Octobre 2012.