DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1901-1902 N° 89
CONTRIBUTION
AL'ÉTUDE
DE
L'ALBUMINURIE ORTHOSTATIQUE
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
Présentée et soutenue publiquement le 19 juillet 1902
PAR
Marie-Louis-Aristide
PREPINné à Lathus (Vienne), le 22 juillet 1874
EXAMINATEURS DE LA THÈSE
MM. VERGELY Professeur, Président.
PITRES
Professeur, I BENECH
Agrégé, > Juges.
RENTES
Agrégé,
I
fenL^gnemen/médic1"4! aUX 9uesOons qui lui
serontfaites
sur les diverses parties detours
imprimerie deslis frères
1902
FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE
M. DE NAB1AS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire PROFESSEURS
MM. M1CE DUPUY MOUSSOUS.
Professeurs honoraires.
MM.
i PICOT Clinique interne PITRES
MM.
DEMONS.
LANELONGUE.
Clinique externe Pathologie et théra¬
peutiquegénérales. VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments LEFOUR.
Anatomie patholo¬
gique COYNE.
Anatomie CANN1EU.
Anatomiegénérale et
histologie V1AULT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
Médecine légale MORAGHE.
Physiquebiologique et
électricité médicale. BERGONIE.
Chimie BLAREZ.
Histoire naturelle GU1LLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
Matièremédicale deNABIAS.
Médecine expérimen¬
tale FERRE.
Clinique ophtalmolo¬
gique BADAL,
Clinique des maladies chirurgicales desen¬
fants PIÉCHAUD.
Clinique gynécolo¬
gique BOURSIER.
Clinique médicale des
maladies des enfants. A. MOUSSOUS.
Chimiebiologique DENIGES.
Physique pharmaceu¬
tique S1GALAS.
Pathologie exotique.. LE DANTEC.
AGRÉGÉS EN EXERCICE
section de médecine (Patlioloçjie interneet Médecinelégale)
MM. SABRAZÈS.
HOBBS.
MONGOUR.
MM. CABANNES.
N.
section de chirurgieet accouchements
Pathologie externe.
MM. VILLAR.
CIIAVANNAZ.
BRAQUEHAYE BÉGOUIN.
Accouchements. MM. FIEUX.
ANDER0D1AS.
Anatomie
Chimie,
section des sciences anatomiques et physiologiques
( MM. GENTES. I Physiologie MM. PACI10N.
CAVAL1E. Histoire naturelle..
section des sciences physiques MM. BENECH. ] Pharmacie
bejlle.
m. dupouy.
COURS COMPLÉMENTAIRES
Clinique des maladiescutanées etsyphilitiques MM.
Clinique des maladies des voies urinaires Maladies dularynx, des oreilles et du nez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Physiologie Embryologie Ophtalmologie
Hydrologie et Minéralogie
Le Secrétaire de la Faculté
DUBREU1LH.
POUSSON.
moure.
regis.
rondot.
denuce.
fieux.
pachûn. r
princeteal lagrange.
carres.
lemaire.
Par délibération du5août1879, la Faculté a arrêtéque les opinionsémise^ .eurî, Thèses qui lui sontprésentées doivent être considéréescomme propresaleuis
etqu'elle n'entend leur donnerni approbationni improbation.
A MON
PÈRE
ET A MAMÈRE
A MES
FRÈRES
A MES PARENTS ET AMIS
A MONSIEUR LE DOCTEUR TAYAC
MÉDECIN-MAJOR DE lre CLASSE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
Amon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR VERGELY
PROFESSEUR DE PATHOLOGIE ET DE THÉRAPEUTHIQUE GÉNÉRALES
A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'IIONNEUR
AYANT-PROPOS
Arrivé an terme de nos études, nous croirions manquer à
tous nos devoirs si nous ne profitions pas de l'occasion qui
nousestofferte par notretravail inaugural pour remerciertous
ceux qui, de près ou de loin, nous ont aidé de leurs conseils.
Que tous soient assurés de notre reconnaissance.
Le choix du
sujet
de notre thèse nous a été inspiré par M. le D1'Tayac.
Qu'il nous soit permis de lui exprimer icitoute notre gratitude, et de lui adresser nos plus sincères
remerciements.
Nous remercions également M. le professeur
Vergely
dutrèsgrand
honneur qu'il nous faitenvoulant bien accepter la présidence de notre thèse.1
INTRODUCTION
Dans Je groupe un peu confus des albuminuries intermit¬
tentes, ditesfonctionnelles, on commence à isoler deux types
cliniques
différentsassez caractérisés : l'un, dans lequel I albu¬minurie est
cyclique,
survient à une certaine heure de lajournée,
puis diminue etdisparaît
: c'est la maladie dePavy,
proprement dite; l'autre, dans lequel l'albuminurie
indépen¬
dante'de l'alimentation et non cyclique n'est influencée que
parla station debout, avec ou sans
fatigue.
L'étude de cette dernière modalité d'albuminurie est rela¬
tivement récente, et nous avons jugé bon, dans notre thèse
inaugurale,
de réunir les diverses observations recueilliesjusqu'ici,
en y joignant une observation personnelle, li nesagit pas évidemment d'une entité morbide nouvelle; l'albu¬
minurie
orthostatique
ne serait qu'une forme particulièredalbuminurie;mais son
diagnostic
ferme n'estpas indifférent,car de lui découlera un pronostic etun traitement spécial.
Cette étudesera divisée en six parties :
bâbord nous donnerons
l'abrégé historique
de l'albuminurieintermittente,
puis l'histoire clinique de la maladie, en citant lesdiverses observations recueilliesjusqu'à
cejour
ainsi que 'a nôtre personnelle; enfin, en autant de chapitres, noustraiterons de la
symptomatologie,
del'étiologie,
de la patho- génie, dudiagnostic,
pronostic et traitement de cette singu¬lièreattention.
HISTORIQUE
L'albuminurie orthostatique a été
étudiée
parHirling,
Rooke, Oswakl, Lecorché et Talamon, Bertrand, Klemperer, Heubner, Merklen, P. Marie, Pribram, Teissier, Achard et Lœper,Mery
etTouchard, Aubertin, Lenoir et Courcoux.Merklen, dans sa Contribution à Vétude de l albuminurie intermittente
périodique
(extrait desArchives générales de
médecine, août 1888), rapporte troisobservations
demalades
dont la station debout influait sur la cause provocatrice des
crises
albuminuriques,
et Bertrand, dans sathèse
inaugu¬rale
(1890),
Contribution à Vétude de l'albuminurie intermit¬tente non cyclique chez les gens bien portants,
signale dans
one
longue
observation personnelle la môme influence sur 1apparition de l'albuminedans les urines. Une observation de MM. Achard et Lœper (22juin
1900,Société médicale des Hôpitaux),
deux du 14juin 1901 (mêmeSociété)
deMM. Mery
et
Touchard,
un travail de M. Aubertin, interne des hôpitaux,sur le môme sujet (Presse médicale, 9 octobre 1901), une
observation de MM. Lenoir et Courcoux
(Société médicale des Hôpitaux,
8 octobre 1901), enfin unedernière observation de
M. le D' Tayac : tel est l'historique de cette affection.
Comme
011 le voit, cette modalité d'albuminurie préoccupe les cher¬
cheurs. Ils la
dégagent
de la modalité de Pavy, de laquelletout la
différencie;
mais les observateurs ne sont pasd'accord
surla
pathogénie.
C'est là le point obscur surlequel
nous;i"onsessayer
non pas de faire la lumière complète, mais,du
moins, d'apporter notre
contingent de nouvelles
observa¬tions. Ce n'est, en effet, que par ce moyen que l'on peut espérer arriver à un
diagnostic précis
et à untraitement
rationnel.
Avant de passer à la
deuxième partie de
cetravail, il
nousa semblé utile de résumer en quelques lignes les diverses
formes d'albuminuries observées, afin de bien montrerla diffé¬
rence qui existe entre ces
diverses modalités cliniques
etla
modalité qui nous occupe.
1° Albuminurie dite
physiologique.
—Même
avantBright,
plusieurs médecins avaientsignalé la
présencede l'albumine
dans les urines de personnes bien portantes en apparence.
Gùbler, Semmola, Jaccoud, considéraientl'albuminurie comme liée àune super-albuminoseou à
l'élimination d'une albumine
modifiée. Dans ces dernières années, une théorie plus
radicale
encore s'est fait jour.
Senator, son ardent défenseur, considère l'éliminationnor¬
male d'une certaine quantité d'albumine commeun
acte phy¬
siologique. Lccorché et Talamon et, avec eux,
la plupart des
auteurs-défendent une opinion inverse. Pour
la majorité des
médecins, l'influence du froid et, en particulier,
du bain froid
prolongé serait une des causes
occasionnelles les moins
con¬testables : il en serait de môme du rôle de la fatigue,
des
exercices musculaires exagérés et des
marches forcées. Pour
Senator, lapremière condition pour affirmer
chez
unindividu
l'existence de l'albuminurie physiologique,
c'est l'absence de
tout état morbide actuel ou antérieur ; mais dans
combien de
cas la santé est-elle bonne en apparence, alors que
la destruc- j
tion organique se poursuit? Lecorché et
Talamon désignent
sous le nom d'albuminurie minima toute albuminurie
oscil¬
lant autour de 50 centigrammespour 1.000
centimètres cubes,
et ils admettent l'idée d'une néphrite parcellaire.
D'après eux.
;l'albuminurie dite cyclique, fonctionnelle,
paroxystique, tem¬
poraire, intermittente des adolescents,
appartiendrait à l'albu¬
minurie minima. Pour Teissier, cette albuminurie
physiolo¬
gique serait due à un trouble passager de la
fonction rénah j
sous l'influence d'un acte physiologique régulier. Comme origine, l'auteur écarte
complètement l'action antérieure
sur le rein d'une maladie infectieuse, comme la scarlatine ou la diphtérie; enrevanche,
iladmet l'hérédité
arthritique alaquelle viennent
s'adjoindre les
héréditéscollatérales
: tuber¬culose, cardiopathies, mal de Bright.
En résumé, celte
hypothèse d'albuminurie physiologique,
défendue vigoureusement par Senator, a été battue en brèche
par un très grand nombre d'observateurs, et il faudrait
rechercher la cause dans une tare antérieure du côté du rein,
tarerendue manifeste par
des conditions
de fatigue ou desurmenage.
Nous avons insisté sur l'albuminurie physiologique, afin de
montrerla relationqui existe entre la conception de Lecorché, Talamon, Teissier et celle de l'albuminurie orthostatique,
relation qui ressort de l'étude à laquelle nous nous sommes livré. Nous devons ajouter que nos observations nous ont toujours montré cette tare primitive; mais, contrairement à lopinion de Teissier, cette tare aurait été provoquée par une maladie infectieuse. Nousadmettons
cependant
aveclui l'héré¬
dité
arthritique.
Il existe encore une albuminurie dite intermittente, cyclique des adolescents que
Pavy
adécrite, dans
laquellecettealbuminurieestcyclique, survientà une certaine heure de
'ajournée,
puis diminue et disparait. Cette modalité se dis- linguede l'albuminurie dite physiologiqueparles
symptômes généraux, de l'albuminurie orthostatique parcequ'elle apparaîtdans
l'après-midi
et non après le lever, de l'albuminurie pré- 'uherculeuse parce qu'elle disparaît sans être suivie d acci¬dents degranulie. Cette formeclinique
aurait, d'après Teissier,
desrapports étroits avecla goutte et le rhumatisme.
" est
beaucoup
question, depuis un certain temps, d'une rlilsse particulière d'albuminurie n'ayant aucun rapport avec ''s Aérations passagères ou permanentesdu rein. Des albu-
nunes modifiées pourraient franchir le
glomérule,
comme leln|lt '!l
peptone ou la pro-peptone, sans
lésions préalables du
filtre; les matières
albuminoïdes éliminées seraient
lepro¬duit d'élaborations vicieuses, soit au niveau du tube digestif,
soit dans l'intérieur des
glandes qui lui
sont annexées. Ceseraientles albuminuries ditesdigestives, dont il existeraitune variété dite albuminurie hépatogène.
2° Albuminuries
pathologiques.
—Les
preuvesabondent
pour
établir la fréquence des albuminuries accidentelles, de
l'albuminurie pathologique
consécutive
auxmaladies les plus
légères etles plus rapides
;il
enest de même dans les intoxi¬
cations aiguës. Dans
les maladies du
cœur,dans les névroses
et dans certaines irritations cutanées, l'albumine fait souvent
son apparition
dans les urines
; cesont les albuminuries
mécaniques par
modification de la circulation. Enfin,
aucoursdes néphrites chroniques,
la sérine et la globuline
se ren¬contrent dans l'urine à peu près dans
les
mêmesproportions
où elles existent dans le sang.
Cet exposé clinique et
historique terminé,
nousabordons
immédiatement la série des observations recueillies.
OBSERVATIONS
OBSERVATION T (RÉSUMÉE)
(Archives générales de médecine, Dr Mekklen)
Ils'agit d'un jeune homme, âgé de 16 ans, d'unebonne santé
habi¬
tuelle, mais fils de père et mère arthritiques, lui-même présentant
les attributs du lymphatisme, à savoir: cyanose et refroidissement
habituel des extrémités, teint pâle, développement exagéré des
membres parrapportau tronc, maigreur, peaufine, sujetteà 1 acné.
Versla findu mois de septembre dernier, cejeune hommefut pris
deuxfoisde suite, aprèsunepromenade àcheval, d'une obnubilation
subiteetd'ailleurs fugace de lavue. Consulté àcesujet, monmaître,
M. ErnestBesnier, recommanda un examendes urines, au point de
vue de l'albumine. C'estalors que je vis le malade et que je lui
découvris une albumine assez prononcée. Cela était d'autant plus
surprenantque l'intégrité des organes et de la santé générale ne concordait guère avec l'idée d'une néphrite. Je demandai quelques joursdobservation, etrecommandai provisoirement le séjour à la
chambreetlerégimelacté.
Lexamen des urines fut fait quotidiennementpendantla semaine quisuivit,etvoici ce qu'il permit deconstateravec une parfaite régu¬
larité: albumine en quantité notable (nuage opalescent et quelque-
lois précipitélégèrement rétractilepar les réactifs appropriés) dans
les urines de midi à minuit. Nous nous trouvions donc en pré¬
senced'unealbuminurie intermittente, et cette non-continuité, jointe
àl'absence detout autre symptôme, semblait exclure l'idéedetoute lésion rénale; d'ailleurs, l'examen microscopique des urines, faità
plusieurs reprises, n'avaitpas révélé de cylindres. Pour compléterce
diagnostic purementnégatif, M. Besnier estimaqu'unexamenophtal- moscopique serait utile, mais cet examen donna unrésultatnégatif.
Les analyses d'urines par M. Yvon et par M. André montrèrent
une urine peu riche en urée (15 grammes par24 heures)et en acide urique (0,059), renfermant 0,18 d'albuminepar litre etcontenantde
très raresleucocytes, et quelques cellules épilhéliales.
D'après ces examens, nous diminuâmes la rigueur du régime auquel étaitsoumisle malade. Il reprit sesoccupations journalières,
et l'analyse des urines faite quotidiennement parle Dr Th. Guyot
donna des résultats identiques à ceux quej'avais obtenus moi-même.
Le 14février 1885, notremalade fut atteint, à la suite d'unrefroi¬
dissement, de pleurésie diapliragmatique et de congestion pleuro- pulmonaire. Fièvrevive pendant 20jours,état grave, avectempéra¬
ture oscillant entre 39 et 40°. Or, chose étrange ! l'albuminurie fit complètement défaut durant le cours de cet état fébrile. Jamais l'urine, examinée chaque jour, età des heures diverses, ne contint d'albumine, alors que nous nous attendions avec crainte etcuriosité
à unerecrudescence duphénomène.
La fièvretombée, etle malade entréenconvalescence,la première
alimentation ne ramène pas l'albuminurie. Celle-ci ne reparaît qu'après le premier exercice quele malade prend dans son appar¬
tement,exerciceconsistant seulement dans la marche nécessairepour passer d'une pièce dans uneautre. Depuis cette époque, les mêmes phénomènes se sontreproduits, mais très atténués etavec moins
de
régularité. Certains jours, l'albumine faitcomplètement défaut,puis
reparaît, mais en très petite quantité. 11 y a certainement un amen¬
dement des accidents, et, d'ailleurs,notremalade a reprislesappa¬
rences de la santé.
A cette observation, reproduite telle qu'ellea été publiée en
1885,
nous pouvons actuellement (1888) ajouter les renseignements
sui¬
vants. Notre malade estactuellement un grand et vigoureux
jeune
homme, dont la santé n'a pas subi la moindre atteinte
depuis
3ans. Lesexamens d'urine n'ont pasétécontinués, mais,
récemment.
— 11 —
nous avons pu examiner l'urine émise aux diverses heures de la journée, etnousn'avons trouvé
nulle
partde
traced'albumine.
Il est à remarquer que cette
observation
nefait
pasmention
desantécédents morbides du sujet.
OBSERVATION II
{Archivesgénérales de médecine, DrMekklen)
G... (Henri), cordonnier, âgé de 17ans, entre, le 22juin 1885, à l'hôpital Saint-Louis, salle Cazenave, n° 71.
Cejeunehommeestatteint d'une éruption confluente d'acné poly¬
morphede la face, du doset de lapoitrine, et de séborrhée du cuir chevelu, affection dont le début remonte à un an. L'examen des urines dénote l'existence d'une quantité notable d'albumine, consta¬
tationd'autantplusinattenduequelemaladene présente aucun signe
denéphrite oud'altération rénale. Ses antécédents héréditairessont
sansintérêts : son pèreest mort subitementen 1870; sa mère, âgée
de 57 ans, est bien portante. Comme antécédents personnels, il signale une fluxion de poitrine et une fièvre typhoïde à l'âge de
8ans.
Lexamen de sa santéne révèle queles attributs du tempérament
dit
lymphatique
: extrémités cyanosées etfroides, teintpâle, dispro¬portion entrele développement des moitiés supérieure et inférieure
ducorps. Lecœur estnormal, etl'estomac non dilaté.
Soupçonnant unealbuminurie intermittente,je fais recueillir dans
desverresdistincts l'urine émise àchaque miction, et, le lendemain,
jeconstate quel'urine de la nuit, celle rendue à 5 heuresdu matin,
examinéeparla chaleuretl'acidenitrique, resteabsolumentlimpide,
alorsque 1urine dujour contientunenotable quantité d'albumine.
'°ur contrôler l'influence vraisemblable du séjour au lit surla disparition del'albumine,-j'engage le malade àrester couché toute
unejournée.Or, dans aucun des verres d'urine rendue pendant ce
temps,pasplus que dans celle émise le lendemain matin à 5 heures
etdemie, onne trouve d'albumine.
12
Lejeudi et le
dimanche étant les jours réservés
pourles visites
faites aux malades, ceux-ci restent couchés pendant l'après-midi.
A plusieurs reprises, je
fais examiner l'urine rendue à 4 heures,
après la visite :
elle
necontient
pasplus d'albumine
quecelle de la
nuit. La première urine
albumineuse
estrendue à 10 heures du
matin, quandle malade s'est
levé de
5à 7 heures.
Ces constatations ont été renouvelées à plusieurs reprises:une seule fois pendant le séjour du
malade à l'hôpital, l'urine du matin
contenait unléger nuage d'albumine.
OBSERVATION 111
(.Archives généralesdemédecine, DrMerklen)
Le o septembre, nous recevons à
la consultation de l'hôpital
Saint-Antoine le sieur P..., ébéniste, âgéde 21 ans.11 se
dit atteint
de syphilis etd'albuminurie.
C'estungarçon peu robuste, nerveux et
impressionnable, présen¬
tant quelques-uns des attributs de
l'hystérie. D'ailleurs
sonpère,
actuellement tuberculeux, se seraittoujours fait remarquerpar
son
nervosisme, sa vivacité et sa mobilité de caractère. Le
malade dit
êtretrès sensible aufroid et avoir des excès alcooliques.
Comme antécédents, P... mentionneuneblennorrhagie aveccys¬
tite en 1885, et la syphilisen 1886. Il prenddu
protoiodure et entre
à Saint-Antoine en mai 1887 pour des douleurs
lombaires. On lui
trouvede l'albumine.
Soigné pendant un mois et demi par le régime
lacté joint à un
traitement antisyphilitique, il sort guéri,etn'ayant
plus d'albumine,
s'il faut l'en croire.
C'est encore de douleurs lombaires dont le malade se
plaint
enentrantdans notre service le 5septembre.
De plus, il accuse de la céphalée nocturne, et a une
légère bron¬
chite. L'examen des urines révèle l'existence d'une
quantité notable
d'albumine, alorsque ni ducôté ducœurni du côté des
organes des
sens on netrouve rien qui puisse fairesonger à une
néphrite.
Diagnostic. —
Albuminurie intermittente.
$septembre. —Le
malade
selève à midi. Les urines émises avant
ne contiennent pas
d'albumine;
on entrouve,
aucontraire, dans
cellesdel'après-midi,
le malade ayant marché au jardin.
11. —Le maladereste couché toute la
journée.
12.— Lemaladeatoujours des râles
de bronchite et de la cépha¬
lalgie. Les douleurs
de reins ont beaucoup diminué. 11 se lève, se
promènedans le
jardin de 10 heures à midi et de 2 heures à 7 heures
du soir.L'examen des urines montrela présence de
l'albumine dans
lesurinescorrespondantes.
13. — Le malade reste levé de 6 à 8 heures du
matin,
etde 3
a7heures du soir. Mais il n'était pas sortide la
salle à
causedu froid.
L'urine seule de4 heures estalbumineuse.
14. — Le malade va aujardin de 11 heures
à 4 heures.
L'urine seule de 3 heures estalbumineuse.
Les15, 16, 17. — Mêmesrésultats.
18. — Le maladereste couchétoutela journée.Absence
complète
d'albumine.
19. — Le malade selève de midi à6 heures. Très peu
d'albumine
dans les urines de 2 heures; quantité
notable dans celles de
5heures.
20. 21, 22, 23, 24, 25. —Mêmes remarques.
26. — Le malade se lève un peu avant la
visite
etdans l'après-
midi. Pour là première fois, les urines
de 8 heures du matin ren¬
iement une assez forte proportion
d'albumine, ainsi
quecelles de
2heures etde 5 heures.
27. — Albuminedansles urinesdel'après-midi.
Quelques plaques
muqueuses ayant reparu dans la gorge,
le malade est mis
ausirop
detiibert : 2cuillerées à café.
28,29, 30. — Mêmeshabitudes, mêmes résultats.
iu octobre. — On supprime le sirop
Gibert,
surla demande du
malade, qui,dit-il,ne peut le supporter.
L'urine du matin n'est plus
tdbumineuse,
tandis que celle de 2 heures etde 5 heures de l'après-
midicontientencorede l'albumine.
A partir de ce moment, l'albumine n'apparaît
plus
quedans les
titinesde3 heures etde 5 heures de l'après-midi.
— 14 —
Lesdouleurs desreins et la toux ayantcessé, lemaladedemande
àsortir, etpart le 12 octobre àVincennes.
N. B. — La quantité des urines par 24 heures a varié pendant
son séjour de 4.100 à 1.500 grammes : l'albumine oscillaitentre50
et25 centigrammes.
OBSERVATION IV (RÉSUMÉE)
(Thèseinaugurale, Bertrand; Paris. 1890)
Le nommé S..., Léon, âgé de 27 ans, ébéniste, entrele 22janvier
à l'hôpital Saint-Antoine, salle Broussais, n° 12, dans leservicede
M. le Dr Tapret.
11 présente dans ses antécédents héréditaires peu de choses à 1 signaler : un grand-père mort aveugle ethydropique à 82ans;un père irritable et nerveux, mais bien portant; une mèretubercu¬
leuse (?) et rhumatisante; six frères ou sœursnévropathes etbron¬
chitiques.
Lui-même s'est bien portéjusqu'à l'âge de 2 ans. A cetteépoque, ;
il aurait eu uneczéma généralise, ayant duré 7 ans. De 7à
15
ans,|
il jouit dune bonne santé, mais il est trèsnerveuxettrèsirritable
à
l'école et à l'atelier.
A 15 ans, après un travail fatigant, ayantdonné lieu àune
suda-
;tion abondante, il tombe dans un baquet d'eau froide, a une
bron¬
chite qui lui dure 2 mois et, depuis, il dit avoir toussé
toujours.
A 20 ans, envoyé à Belfort, faire son service militaire, il
attribue
au climat froid du pays une recrudescence de sa toux. Il
s'aperçoità
cette époque qu'àla suitedes marches et des exercicesmilitaires,
il
avait des céphalalgies assez intenses, quelquefois des
troubles
visuels : ses urines devenues plus abondantes et plus fréquentes
ne
furent pas examinées.
En 1886, il entre à l'hôpitalpour sa toux, y reste 4 mois
et est
réformé commetuberculeux. Userappellequ'à sonentrée à
l'hôpital,
il avait de la bouffissure de la face et des membres inférieurs,q11' disparut par le repos.
— 15 —
Rentré dans laviecivile, il reste faible, impressionnable,sansgoût
pourle travail,et ayant à la suite de la moindre fatigue des douleurs
vaguesdans les membresetdes céphalalgies frontalesintenses.
Enjuin 1888,il entre à Saint-Antoine dansle service de M. le D'Tapret:«Quintes detouxincessantes, pénibles, expectoration abon¬
dante, muco-purulente, ne renfermant pas de bacilles », tels étaient
lesphénomènes morbidesà son entrée. Un autre fut la présence de
l'albumine dans l'urine. L'analyse de 1urine ayant été laitecomme pourtouslesmalades, le lendemain de son entrée, dénota une quan¬
tité assez considérable d'albumine qui disparut pendant quelque temps,le malade ayant été gardéau lit, et reparut dès qu il put se lever. Ce fait intéressabeaucoup M. le Dr Tapret, cartoujours 1 albu¬
minurie coïncida avec la marche etla fatigue, pour cesser avec le
repos. Lemaladereste3 mois àl'hôpital, passe 15jours àVincennes,
etvachezson frère àChantilly.
Peuaprès, fatigué à nouveau, il se rend à la consultation de la Pitié: M. le D1' Marie, suppléant alors M. le Dr Hutiriel, le prend
dansson service, etpendant3 mois le gardeen observation.
Làencoreles mômes causesproduisent les mêmes effets,etl'albu¬
minurie estconstamment la suite de la fatigue, même de la simple
stationdebout. Il sort de l'hôpitaltrèsamélioré, dit-il,après untrai¬
tementayant eu pourbase les antinerveux: antipyrineet valériane.
11vaàVincennes d'où on le renvoie à la Pitié. M. le Dr Hirtz, alorssuppléant, le garde20jours environ, etlui donne comme trai¬
tementdu sulfate dequinine, de l'ergotine. L'état ne s'améliorant
pas,M. Hirtz l'envoieà laclinique de l'Hôtel-Dieu.
M. le professeur Germain Sée lemet en observation, faitune cli¬
niquesurlui(novembre 1889), mais le renvoie peu après,pour faire placeauxgrippés.
11 retourne chezsonfrère,yreste2mois,etrevientà Saint-Antoine,
service de M. le D1' Tapret, quinous suggèrel'idée de prendrece cas
pathologique
comme sujet de notrethèse inaugurale.Pemaladeestunhomme petit, malingre, àfigure pâle etanémiée.
Upèse57
kilogrammes,
etnous dit n'avoir jamais pesé davantage.1asdœdème de la faceet des membres.
Pexamendespoumonsrestenégatifà gauche. Adroite, on trouve
une.expiration soufflante au sommet et en
arrière et des frottements
à la base. Ilnetousse d'ailleurspaset ne crachepas
davantage.
Rien aucœur : lesbruits sontbien frappés. Lepouls, unpeudur,
estrégulier : 70 pulsations à
la minute. Les artères sont élastiques.
L'appareildigestifne présente
rien à signaler
:appétit bon, diges¬
tionfacile,selles régulières :rien à l'estomac, au
foie
età la
rate.Le système nerveux, par contre, est assez
gravement touché:
anesthésie pharyngée:
liémianestliésie gauche complète
pourla dou¬
leur,partiellepour letact etla
température. Le côté gauche d'ailleurs
se couvre de sueurs, à la suite d'unefatigue, ledroitrestant
intact.
Pas detroubles de la motilité.
Les organesdes sens sontsains:lavueest
excèllente, et l'examen
ophtalmoscopique n'ajamais
permis de découvrir la moindre lésion
de l'organe visuel.
Rien àsignaler du côté de
l'appareil génito-urinaire, sinon la cica¬
trice d'un chancre induré, que le malade avoue
avoir
eu en1883.
Le malade estmisaurepos pendantunmois,
pendant lequel 1 urine
examinée journellementnous donne toujours un
résultat identique.
Les urines examinéesjournellementdu 24janvier
1890
au10 mars
donnenttoujours de l'albumine dans la
position debout
;cette albu¬
minecesse complètementdès que le malade est
couché.
L'influence de l'alimentation a éténulle.
Enfin, enjuin, amélioration très notable,presque
plus d'albumine,
même quand lemaladereste longtemps
debout.
OBSERVATION Y
(Achard et Loeper, Sociétémédicale des Hôpitaux, 22juin
1900)
B... (Jeanne), âgée de 12 ans,entre
àl'hôpital Tenon, salle Mage11
die, n° 6, le 20 avril 1900, pour quelques maux
de tête et une albu
minurieintermittente.
Elleestla plus jeune d'unefamille dequatre
enfants bien poi'tantb.
Sa mère perdit trois enfants en bas âge
de phénomènes menmg1
— 17 —
tiquesetde diarrhéeinfantile. Iln'y a aucune tarespécifique, aucun
stigmate de syphilis héréditairedans la famille.
11 y a 6 ans environ, la malade fut soignée àl'hôpital Trousseau
pour une affection fébrile grave accompagnéede phénomènes con- vulsifs.
Elle resta 6 semaines à l'hôpital et sortit bien portante. Il est
impossible desavoir exactementde quelle maladie elle fut atteinte.
Samèreprétend qu'ellenesouffrait pasde lagorge etn'avaitaucune
éruption. Toujoursest-il qu'à cetteépoque elle eut un peu d'albumi¬
nurie.
Il y a 3 ans, elle eut la fièvre typhoïde, dont elle guérit facile¬
ment etsanscomplications.
Depuis cette époque, elle souffre fréquemment de la tête, a
quelques
éblouissements,
des bourdonnements d'oreille, des four¬millements dans les doigts.
C'estpources
phénomènes qu'elle s'estprésentéeàl'hôpitalTenon,
oùon la soigne de temps à autre depuis 2 ans. On lui trouva de
l'albumine,
et on la mit au lait. L'albuminurie diminuasans dispa¬raîtrecomplètement. Onlui trouva mêmequelques signes de néphrite
chronique,
des crampes dans les mollets, des vertiges, de lapol- lakiurie nocturne, et un certain degré de polyurie. Quant àl'albu¬mine, elle
n'atteignit
jamais un taux élevé et ne dépassa pas- grammes.
Cenefutqu'en avril 1900 queM. Lamy, à la consultationde l'hô- pilal, saperçutque son albuminurie disparaissaitabsolument par le
repos. On la fit coucher 4 heures dans une salle, etl'on constata la
disparition complète de
l'albumine, qui reparut lorsque la malade eutmarché. C'estL alors qu'ellefut admiseà l'hôpital.
examendes différents appareils ne présente riende bienparticu-
ier. Le cœur est
unpeu gros, dépassant la ligne mamelonnaire, la pointe dans lecinquièmeespace.Lesbruits sonténergiques, 1impul-
si°n forte, le deuxième bruit très claqué à la base. Il n'y apas
débauche
de bruit degalop. Lesartères périphériquesse soulèvent
magiquement,
le pouls radial estun peutendu. Aux orifices, on ne•encontrerien
d'anormal,
nisouffle, nibruitextracardiaqueouliqui¬da.Iln'yapas d'anémie, pas de bruits dans les vaisseauxdu cou.
Le foie est absolument normal, et la matité n'estpasaugmentée:
le poumon respirenormalement, les sommets sont
sains.
Lapalpation de la régionlombaire est un peu
sensible
;d'ailleurs,
la malade se plaint de douleurs dans les reins, exagéréesparlasta¬
tion debout.
Lesjambes ne sont pas œdématiées.
Les urines sont abondantes; elles dépassent 1.500 centimètres
cubeset même 2litres.Elles contiennent à l'entrée 0e1',25d'albumine parlitre, pas d'urobiline, pas de
diazo-réaction,
une traced'indican,
Pas de cylindres. Sa densité est assezfaible : 1,016.
Les urines pré¬
sentent des flocons ayant l'apparence de mucus. L'acide
nitrique
y fait apparaître uneteinte rosée assez prononcée.Dès son entrée, on mit la petite malade au régime lacté
absolu,
etonluiprescrivit lereposcomplet aulit.L'albumine
disparut complè¬
tementdes urines au bout de 24heures. Elle ne variait, d'ailleurs,
pas avecla période de jeûne ou de digestion.
Le troisième jour, on permit à l'enfant de se
lever pendant
3 heures. Après ce temps, un léger louche apparut en
chauffant
l'urine. Quelques heures au lit suffisaient à rendrel'urine
complète¬
mentnormale.
La petite malade eut alorstoutes ses libertés. Elle
aidait
aunet¬
toyagede la salle, servait le repas à ses voisines, se
promenait an
jardin,etpendant cettepériode d'albuminurie, qui,d'ailleurs, cessait
le matin pour reprendre quelques heures après, on examina
ses
urines au point de vue cryoscopique, et l'on fit les
calculs relatifs
aux molécules cholorées etaux molécules élaborées. Les
recherches
donnèrent lerésultat suivant :
P = 3o kilogrammes,
V=1.200 centimètres cubes, NaCl:= lia'1',5 par litre, .
A(sang)= — 0°,56, A(urine)= — 1,40,
A(urine)_
A(sang)
,J'
cest-à-dire des chiffres voisins de 1 état normal. Lerapport ■> corn-
était nnpeu plus élevé, ce qui indiquaitun cer- paréaurapport
traces tleu-j-chromogène
Ces chiffres sont à pen près normaux pour le premier jour,
indiquent
une certaineprolongation et,par suite,éveillentdesdoutessur1
intégrité
parfaite desreins,ilny
avait à cetteépoque que 0gr,20 d'albuminepar litre.
Ala même époque, on lit une injection de phloridzine. Le sucre apparut dans l'urine dès lapremière heure; la réaction lut surtout parente à la seconde et disparut après la troisième heure. La quantité totale de glycosefut de l*r,190 en 3 heures.
— 20 —
f
L'albumine, dosée à ce moment par M. Meillère, donna les
chiffres de 0,15 de sérine et0,10de globuline. Il n'y avaitpasdans
l'urine depeptones oud'albumines
anormales.
Le 22 mai, on obligea lamalade à garder le litet, dèsquel'albu¬
minurie eutdisparu,onlui fit ànouveau une injection
de phloridzine.
La quantité de glycose fut sensiblement égale : lgr,31.
L'apparition
du sucre fut aussi précoce, mais la disparition plus
rapide
àla
deuxièmeheure.
Du bleu injecté le 23 mai donna :
23 MAI
(3.400 cm3)24 MAI 25 MAI 26 MAI 27 MAI 28MAI 29 MAI
Bleu 9 traces traces traces traces traces linà2h.
Bleu + chromogène.. 24 — — — — — —
En somme, les chiffres du premier jour sont
sensiblement les
mêmes qu'à la premièreexploration, mais
la prolongation est
un peu plus marquée.Les résultats de la cryoscopie,obtenusle jour même
de 1 élimina¬
tion dubleu, furent:
4,700,
2,880.
Le point cryoscopique A fut un peu plus
faible,
cequi s'explique
par la quantité considérable d'urine émise :
3.500, 2.300 centimètres cubes et 34,5, 23°'',04 de chlorure
total.
Le 6juin, le dosage de l'urée donne 17gr,50parlitre,
soit, dans les
i.200 centimètres cubes d'urine de 24 heures, 21 grammes.
L'acide
oxalique s'ytrouvedans la proportion de 0gr,25.
La maladequitte l'hôpital.
Enfin, le 14 juin, Jeanne B... vint de nouveau à
l'hôpital. Elle se
plaignait de céphalée, d'une certaine gêne de la
respiration, dormait
moins bien la nuit.
AY P ~~
oV
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P —