• Aucun résultat trouvé

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail"

Copied!
38
0
0

Texte intégral

(1)

Proceedings Chapter

Reference

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail. In: Aubert, Gabriel.. et al.

Journée 1997 de droit du travail et de la sécurité sociale. Zürich : Schulthess, 1999. p.

89-125

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12623

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

\

JURISPRUDENCE

SUR LA RESILIATION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Gabriel AUBERT

professeur à l'Université de Genève

Lors de la joum6e 1997 de droit du travail ont été présentés plusieurs arrêts du Tribunal fédéral qui venaient d'être publiés ou qui ont été publi6s depuis lors. Comme il nous semblait inutile de les repro- duire ici, nous avons préféré recueillir quelques décisions difficilement accessibles touchant un domaine d'importance pratique quotidienne: la résiliation du contrat de travail. Nous passerons en revue la résiliation par l'employeur (I) et la résiliation par le salarié (II).

J. RESILIATION PAR L'EMPLOYEUR A. Licenciement abusif

1. Licenciement d'une représentante du personnel

1. - Art. 336 al. 2 let. a et b CO; art. 357a CO. Sentence du Tribunal arbitral institué par la convention collective de la SSR, sous la présidence de M. J.-F. Egli, ancien président du Tribunal fédé- ral, 18 mars 1998.

Faits (résumé):

Yvette Rielle est entrée le 20 mai 1970 comme employ~ à la SSR, soit au Service des ondes courtes, en qualité de collaboratrice spécia- lisée. Depuis le 1er avril 1973, elle a été au service de la Radio suisse romande (RSR) en tant que journaliste stagiaire et elle y a obtenu un

(3)

engagement de journaliste depuis le 1er avril 1974. En novembre 1983, son contrat renouvelé la désigne comme «rédacteur journaliste». Elle a exercé des activités syndicales, dans le cadre de la FERTS, dont en 1986 un supérieur considérait qu'elles absorbaient une part importante de son temps. A la fm de l'année 1990, elle a été élue présidente natio- nale de la FERTS, fonction qu'elle exerce encore actuellement.

Dans le cadre du programme «Espace 2» de la RSR, Yvette Rielle a dirigé dès 1985 la production d'une émission hebdomadaire de quelque 60 minutes, intitulée «L'éternel présenb>, de nature thématique et ésoté- rique, diffusée le dimanche matin, ainsi que, depuis le début de 1992, une émission quotidienne, sur cinq jours de la semaine, de cinq minu- tes, intitulée «Demain la veille».

Comme présidente du syndicat FERTS, elle disposait de facilités dans l'accomplissement de son travail professionnel; elle bénéficiait d'un bureau propre et pouvait vouer une partie de son temps à la FERTS.

Son activité de présidente nationale de la FERTS l'a conduite, comme telle, à se trouver en discussion et parfois en opposition avec les organes dirigeants de la SSR. Deux litiges relatifs à la compensation du renchérissement ont abouti devant le Tribunal arbitral prévu par la Convention collective de travail (CCT) conclue entre la SSR d'une part, le Syndicat suisse des mass média (SSM) et la FERTS d'autre part; l'un s'est terminé à l'avantage de la SSR (par sentence du 2 septembre 1992), alors que l'autre a fait l'objet d'une transaction (du 23 aoÛt 1996). Le renouvellement de la CCT a été précédé d'importantes discussions et a abouti, le 16 décembre 1994, à la signature d'une nouvelle CCT, entrée en vigueur le 1er janvier 1995. Elle contenait en particulier, comme innovation, une garantie des situations acquises, en faveur du personnel. L'article 5, alinéa 4 CCT dispose: «une modifica- tion ne peut être apportée au contrat de travail individuel que sous forme écrite et avec le consentement préalable de la personne concer- née. Si l'accord n'est pas réalisé concernant ( ... ) b) la modification de la fonction-clé ( ... ) et que l'employeur soit conduit pour cette raison à résilier les rapports de travail, la personne sera réputée licenciée sans faute de sa part».

A la suite de modifications apportées au programme d'Espace 2, l'émission «Demain la veille» fut supprimée le 31 octobre 1994, alors que l'émission «L'éternel présenb> fut supprimée dès le 3 septembre 1995. Yvette Rielle et la SSR échangèrent de nombreuses opinions, lettres et notes concernant l'activité professionnelle à exercer par Yvette Rielle au sein de la RSR, spécialement à la suite de la suppres- sion de ces deux émissions. Se fondant sur le préambule de la CCT et

(4)

\

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail 91 l'art. 5 al. 4 CCT, Yvette Rielle estimait avoir droit au maintien de la

«fonction-clé» exercée par elle, c'est-à-dire, selon elle, celle de

«productrice» d'émission, alors que la RSR était de l'avis que la

«fonction-clé» correspondant à l'activité d'Yvette Rielle était celle de

<<journaliste», conformément à son contrat de travail écrit, et que son employeur pouvait aussi - sans modifier l'objet du contrat - lui confier un travail de journaliste dans le cadre d'une émission produite par un autre collègue. En tant que Présidente nationale de la PERTS, Yvette Rielle pensait qu'il était de son devoir de veiller au maintien des fonctions acquises, selon sa compréhension de la CCT, spécialement en ce qui concerne sa propre activité professionnelle. Cela contribua à alourdir le climat des relations de travail entre la SSR et Yvette Rielle.

La mise à disposition d'un local de travail pour Yvette Rielle fut aussi une source de difficultés. Selon ce qu'elle a exposé, elle eut le sentiment d'être mise à l'écart, en raison de ses prises de position syndicales, alors qu'au contraire, selon la SSR, son «unité d'entreprise» (UE) qu'est la RSR estima que sa collaboratrice ne déployait pas les efforts auxquels elle était tenue par contrat.

Par lettre du 29 juillet 1996, la RSR déclara résilier le contrat de travail; cette résiliation, tenue pour non fautive, permettait à Yvette Rielle d'obtenir une indemnité en capital selon l'article 45, lettre a CCT.

Pour ce qui la concerne personnellement, Yvette Rielle n'a pas mis en cause son licenciement, en réservant les droits de la PERTS.

Droit (extraits):

2. Exception d'incompétence

La dMenderesse soutient que le Tribunal arbitral serait compétent pour connaître de la conclusion nO 1 de la demande tendant à la constatation d'une violation de l'art. 43 CCT. En revanche, il serait incompétent pour connaître des conclusions nos 2 et 3 tendant au paie- ment de sommes d'argent.

La compétence de la Commission de concertation et partant celle du Tribunal arbitral ont pour objet les «litiges ( ... ) concernant a) les contrats de travail ( ... ) (et) b) les rapports entre les parties contrac- tantes ... ». L'expression, large, de «litiges» vise aussi bien les préten- tions en constatation que celles en exécution (notamment en paiement).

L'interprétation de la défenderesse non seulement ne repose pas sur le texte déterminant, mais elle irait à l'encontre du but de la clause compromissoire: en son absence, les parties devraient s'adresser à la juridiction officielle; ce serait un non-sens de prévoir une compétence

(5)

différente d'une part pour la constatation de droit et d'autre part pour l'exécution des obligations (y compris celle de payer des dommages et intérêts). fi faut en effet relever que la violation d'obligations assumées par une

ccr

peut causer un dommage et entraîner l'obligation de le réparer (art.97 CO; VISCHER, Commentaire ad 357a CO n. 67;

VISCHER, Der Arbeitsvertrag, SPR VII, III, p. 260 ss, 264). Le Tribunal de céans est donc compétent.

4. Recevabilité de la conclusion en constatation

Par sa conclusion nO 1, la demanderesse requiert la constatation que la procédure de l'art. 43

ccr

n'a pas été suivie dans le cas d'Yvette Rielle.

·Les parties à une CCT ont, en soi, un intérêt au respect des disposi- tions conventionnelles dans les rapports de travail, même lorsqu'elles n'ont pas la possibilité d'exercer une action en exécution. La faculté doit donc leur être largement accordée d'exercer une action en consta- tation (VISCHER, ad 357a CO n. 68; le même, Der Arbeitsvertrag, p. 264), spécialement en vue d'éviter qu'une violation de la convention ne se renouvelle à l'avenir.

Dans le cas particulier, la demanderesse fait valoir que la procédure spéciale de conciliation, en matière de licenciement, telle qu'elle est prévue à l'art. 43 CCT, n'a pas été observée par l'employeur, signa- taire de la

ccr.

A supposer que le grief soit fondé, soucieuse de défen- dre les intérêts de ses membres, la demanderesse peut faire valoir l'intérêt à ce que cette disposition soit correctement appliquée à l'avenir. La demanderesse a donc intérêt à la constatation demandée. La conclusion est recevable (au fond, voir ci-dessous consid 14).

6. Droits du travailleur et droits du syndicat

La défenderesse fait valoir que le syndicat n'aurait pas qualité pour agir à la suite de la résiliation du contrat de travail, les droits à une réparation éventuelle n'appartenant qu'au travailleur.

Le moyen, qui se rapporte à l'existence et la titularité du droit, relève du fond.

a) Comme la SSR le remarque à juste titre, le syndicat n'a point qualité pour demander la réparation d'un dommage subi personnelle- ment par le travailleur, lequel a seul qualité pour en exiger la couver- ture. Tel n'est toutefois pas le fondement de la présente demande. Le syndicat n'agit pas non plus comme un tiers touché indirectement, en raison de l'effet «réflexe» du dommage subi par la victime directe. Le sYndicat agit au contraire comme étant une personne lésée directement

(6)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail 93 par la violation (prétendue) d'un contrat (la CCT) qui le lie personnel- lement à l'employeur.

b) Dans le cas particulier, il n'y a pas non plus identité dans la nature du dommage entre celui que peut avoir subi le travailleur et le prétendu dommage dont le syndicat demande la couverture; le travail- leur aurait pu demander des dommages-intérêts compensant la perte de son droit au salaire, alors que le syndicat demande réparation en raison de la perte des avantages qui lui étaient consentis par la CCT sous forme de mise à disposition gratuite d'une partie du temps pour lequel le délégué syndical était engagé et rétribué.

Sans doute, le travailleur aurait-il pu éviter une partie de ce dommage à son syndicat, s'il avait pu obtenir sa réintégration dans le personnel de la défenderesse. Dans le cas particulier, la demanderesse a toutefois renoncé à contester la résiliation; par ailleurs, à l'audience du 23 octobre 1997, les intéressés et notamment la SSR ont indiqué qu'ils ne tenaient pas une telle réintégration pour opportune.

Dans ces circonstances, il y a lieu de s'en tenir aux conséquences de la résiliation et l'absence de contestation de la résiliation ne saurait être imputée à la demanderesse (pour avoir omis d'entreprendre une démar- che propre à éviter ou diminuer le dommage).

7. Demande de réparation morale

a) La demanderesse requiert une indemnité pour tort moral de Fr. 50'000 parce qu'elle «a vivement souffert des attaques livrées par la SSR contre sa présidente. En particulier, elle a dO résister aux atteintes à sa position de partenaire loyal et sérieux, que la SSR a entre- pris de déconsidérer en s'attaquant.à sa présidente».

b) Les personnes morales peuvent acquérir tous les droits et assu- mer toutes les obligations qui ne sont pas inséparables des conditions naturelles de l'homme, telles que le sexe, l'âge ou la parenté (art. 53 CC). Ainsi la protection de la personnalité s'étend-elle également aux personnes morales (ATF 121 III 171, 108 II 241,95 II 488, 90 II 463, 83 II 254, 71 IV 36 et la jurisprudence citée), auxquelles peut être allouée le cas échéant une réparation morale (A TF 95 II 488, 64 II 21 et la jurisprudence citée). Celle-ci doit tenir compte cependant de la manière propre dont une personne morale peut être atteinte.

En matière délictuelle, l'art. 49 CO ne prévoit l'octroi d'une telle réparation que «pour autant que la gravité de l'atteinte (à la person- nalité) le justifie». Cette règle s'applique aussi aux conséquences de l'in- exécution d'une obligation contractuelle (art. 99 al. 3 .cO, ATF 116 II 520).

(7)

c) Il est difficile, dans le cadre d'un examen objectif, d'attribuer les actes de la RSR et de la SSR à une volonté délibérée de celles-ci de nuire à la FERTS et à sa présidente. Il apparaît plutôt que ces diffi- cultés proviennent d'une lecture différente de la CCT (préambule et art. 5 al. 4 lettre b) par l'une et l'autre partie: la garantie de la situa- tion acquise s'attachant selon la SSR à la déflIÙtion des fonctions dans le contrat de travail (journaliste, pouvant mais ne devant pas nécessaire- ment exercer des fonctions de producteur) et selon la FERTS, aux fonctions effectivement exercées (droit à être producteur, si un tel travail avait été exercé précédemment); chaque partie s'est crispée sur sa propre interprétation et l'on peut regretter que l'une et l'autre ne se soient pas suffisamment souciées de résoudre la difficulté par les voies juridiques conventionnelles, en aménageant leurs relations de travail à cette fm. Par ailleurs, jusqu'à la résiliation, les parties au contrat de travail n'ont pas manqué de correspondre dans des termes polis et déférents.

L'image et la considération de la FERTS n'en ont pas été affectées.

A l'égard des travailleurs, l'attitude d'Yvette Rielle était propre à leur faire penser qu'elle défendait avec persévérance et courage une thèse favorable aux travailleurs.

Dans ces conditions, même si la FERTS a ressenti - à tort ou à raison - que les mesures prises à l'égard d'Yvette Rielle la touchaient personnellement, on ne saurait raisonnablement y voir une grave atteinte à sa personnalité.

9. Résiliation pour activités syndicales

c) Il sied de rechercher si une telle résiliation, lorsqu'elle est dépourvue de motifs justifiés, pourrait aussi violer les obligations de l'employeur à l'égard du syndicat, découlant de la CCT.

Rien ne s'oppose à ce qu'une même règle de droit protège des inté- rêts différents de sujets de droit distincts, autorisés les uns et les autres à faire valoir la règle en leur faveur (cf. ATF 116 II 304 pour le concours de droits issus du contrat individuel de travail et de droits des partenaires sociaux fondés sur une CCT).

Or il est évident qu'une résiliation - abusive au sens du contrat individuel de travail - peut également représenter la violation d'obligations bilatérales (ou plurilatérales) assumées par l'employeur partie à une CCT à l'égard d'un (ou plusieurs) syndicat(s), ces obliga- tions pouvant avoir été contractées explicitement ou résulter implicite- ment du système contractuel choisi.

Une résiliation, prononcée sans motifs justifiés à l'encontre du président d'un syndicat. également délégué syndical à la Commission de

"

"I! ' 1" :: ~.

"1

(8)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail 95 concertation prévue par la CCT, en raison d'un différend sur l'inter- prétation de la CCT, irait à l'encontre des dispositions de celle-ci consacrant la paix du travail, illimitée, (art. 50 al. 1 CCI), reconnais- sant le rôle constructif des syndicats (cf. ATF 121 III 172) et obligeant les parties à trouver une solution à leurs différends dans la concertation et au besoin dans l'arbitrage (art. 51 à 54 CCT) (cf. sur la paix du travail, par ex. VISCHER, ad 357a CO n. 21 ss, spécialement n. 46 au sujet d'une résiliation d'un contrat de travail, en tant que violation de la paix du travail, lorsque la résiliation vise un représentant syndical).

d) Cela étant, il n'apparaît point nécessaire de rechercher si l'art. 336 al. 2 lettre b CO, au vu de sa fmalité, devrait également s'appliquer lorsque le travailleur (comme en l'espèce) exerce une acti- vité de représentation syndicale dans un organe paritaire prévu par une CCT, voire s'i! représente simplement le syndicat dans des négociations menées avec l'employeur.

10_ Résiliation pour activités syndicales et prétentions du travallJeur

Dans le cas particulier, la présidente de la FERTS était la représen- tante élue de la FERTS dans la Commission de concertation; sa qualité de présidente nationale de ce syndicat lui valait d'être reconnue comme représentante autorisée du syndicat par la SSR lors des discussions entre partenaires sociaux et notamment lors de la signature de la CCT, et elle lui faisait bénéficier aussi d'un statut interne lui permettant de consa- crer une partie importante de son temps de travail payé par l'em- ployeur, à son activité syndicale (art. 28 CCT).

Vu les liens contractuels unissant les partenaires sociaux, une rési- liation du contrat de travail d'Yvette Rielle en l'absence de motifs justi- fiés aurait été contraire à la CCT. La lettre d du préambule de la CCI prévoit, en effet, que «la SSR reconnaît le rôle constructif des associa- tions contractantes du personnel. Les parties contractantes veillent à l'approfondissement de leur partenariat». La SSR participe aussi à cette fin au financement des syndicats par une contribution (art. 3 CCT) et la mise à disposition du temps payé en faveur des représentants syndi- qués (art. 28 CCT). Les art.48 à 54 CCT règlent avec précision les relations entre partenaires sociaux; l'art. 50 CCI y prévoit la paix du travail illimitée et le devoir de négocier (<<tout moyen de combat ... est interdit, même si le conflit ne se rapporte pas à la CCT». «L'employeur s'engage à négocier avec les associations du personnel tout ce qui a trait

aux conditions générales de travail ... »); l'art. 51 CCI prévoit expres- .,-"' sément: «Les parties contractantes veillent à l'observation loyale de la

CCT en général et dans chaque cas particulier. Elles sont tenues de se

(9)

signaler les abus ( ... ). En cas de litige entre les parties contractantes sur l'application ou l'interprétation de la Ccr,les associations du personnel chercheront à s'entendre avec la direction de l'unité d'entreprise ou la direction générale avant de saisir la Commission de concertation». En outre, les art. 52 et 53 CCT instituent une Commission de concertation et un Tribunal arbitral pour permettre de résoudre les difficultés au sujet desquelles les parties n'ont pas pu s'entendre directement. Or une résiliation du contrat de travail de la présidente nationale portait atteinte directement à la tête de l'association du personnel, partenaire dans le cadre de la CCT; la divergence d'interprétation entre le syndicat et la SSR quant à la portée de la lettre c du préambule et de l'art. 5 al. 4 lettre b CCT étant à l'origine de la difficulté, une résiliation en l'absence de motifs justifiés et avant que le problème litigieux n'ait été résolu par la voie conventionnelle aurait été à l'encontre des disposi- tions de la CCT.

11. Motif justifié de résiliation

Lorsque l'art. 336 al. 2 lettre b CO est applicable, la résiliation du contrat de travail ne peut être licite que si l'employeur peut se préva- loir d'un motif justifié de résiliation, dont le fardeau de la preuve lui incombe (cf. par ex. AUBERT, Droit collectif du travail et protection contre le licenciement, in La révision de la loi sur le travail, p. 65;

STAEHELIN, Commentaire zurichois, ad 336 CO n. 33; STREIFFNoN KAENEL, Arbeitsvertrag, Zurich 1992, ad 336 CO n. 12; ZOSS, La résiliation abusive du contrat de travail, thèse Lausanne 1997, p. 246).

Au regard du but de la CCT, il doit en être de même d'une résilia- tion prononcée par l'employeur et imposée à un travailleur qui exerce en même temps une activité syndicale dirigeante, du moins dans les circonstances de la présente espèce. Par ailleurs, la répartition du fardeau de la preuve ne joue pas de rôle décisif en l'occurrence.

Le motif justifié de résiliation n'équivaut pas au juste motif permettant une résiliation immédiate du contrat de travail (art. 337 CO), mais est un motif qui, pour un employeur raisonnable, ne permet pas d'éviter la séparation (BRÛHWILER, Kommentar zum Einzel- arbeitsvertrag, Berne 1996, ad 336 CO n. 8; ATF 105 II 201 pour l'art. 340c CO; VISCHER, Der Arbeitsvertrag, p. 170). Il peut résider dans un comportement fautif du travailleur ou dans des causes objec- tives (TF in JAR 1995, 194).

a) Le fait que la SSR ait reconnu, lors de la résiliation, que celle-ci était intervenue sans faute - certes en vue de l'application de l'art. 5 al. 4 CCT - se concilie toutefois assez difficilement avec la thèse des

(10)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de .travail 97 motifs justifiés imputables à Yvette Rielle; d'autre part la défenderesse n'a guère invoqué de cause «objective» à l'origine du différend.

d) On saurait difficilement voir un motif justifié de résiliation dans les besoins impérieux de l'entreprise, qui se seraient opposés à une occupation même temporaire de la demanderesse jusqu'au moment où leur difficulté aurait été résolue. En effet, la défenderesse exploite une grande entreprise avec de nombreux employés, notamment journalistes;

il n'est guère concevable qu'un emploi n'ait pas pu être trouvé pendant ce temps-là en faveur d'une travailleuse ayant bénéficié de très bonnes qualifications professionnelles de la part de son employeur.

e) Les rapports entre la RSR (UE de la SSR) et Yvette Rielle étaient devenus très tendus - à la suite de la prétention de celle-ci de se voir confier une activité de «productrice» sur la base de son interprétation de la CCT, contestée par la SSR - , au point que la SSR n'avait plus guère confié de travail à cette employée. Son souci de se séparer d'elle était dans une certaine mesure devenu compréhensible. Toutefois, cela n'était pas là la seule solution pour mettre fin à la difficulté. En effet, les institutions prévues par la CCT pennettaient de résoudre le problème de l'interprétation à donner à l'art. 5 aL 4 lettre b CCT et de son application au statut personnel d'Yvette Rielle; du reste, avant même la déclaration de résiliation, des procédures de concertation avaient été entamées à ce sujet et, en l'absence de conciliation, elles auraient permis de conduire au besoin à une issue arbitrale. Par ailleurs, il eÛt sans doute été possible de trouver un «modus vivendi»

jusqu'à la solution du différend. Au besoin, l'employeur aurait pu donner des instructions précises concernant le travail à effectuer par Yvette Rielle, sous réserve d'une adaptation ultérieure, en fonction de la solution trouvée au problème de l'interprétation de l'art. 5 al. 4 lettre b CCT. C'est du reste dans ce sens que, dans sa lettre du 28 septembre 1995 adressée au directeur de la RSR, Yvette Rielle se déclarait disposée à accepter un travail, à titre intérimaire, même si elle l'estimait inférieur à ce à quoi elle pouvait prétendre.

Il en résulte que la SSR ne pouvait pas se fonder sur un motif justi- fié de résiliation.

12. Résiliation en raison de prétentions du travailleur

a) Dans le contrat individuel de travail, la loi tient également pour abusif un congé donné «parce que l'autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail» (art. 336 al. 1 lettre d

CO). ...--'

(11)

Les prétentions résultant du contrat de travail peuvent également se fonder sur la CCT qui est applicable. La prétention peut être adressée à une autorité ou directement à la partie adverse (qui sera en général l'employeur) par écrit ou même oralement. Elle peut s'exprimer aussi par voie d'exception, lorsqu'une partie s'oppose à une demande de l'autre partie, tenue pour contraire au droit, par exemple lorsque le travailleur s'oppose à une modification des conditions de travail pendant la durée du contrat (BRUNNERlBÜHLER/W AEBER, Commen- taire du contrat de travail, Lausanne 1996, ad 336 CO n. 7;

STAEHELIN, ad 336 CO n. 24), car le travailleur a le droit d'exécuter la prestation de travail pour laquelle il a été engagé (ZOSS, p. 204).

La partie exerce de bonne foi une prétention lorsqu'elle pense, de manière plausible, avoir des raisons suffisantes de la faire valoir. Il n'est pas nécessaire que la prétention soit fondée (TF in JAR 1995, 128;

1994204; BRÜHWILER, ad 336 CO n. 5; BRUNNER!BÜIll.ERIW AEBER, ad 336 CO n. 7; REHBINDER, Commentaire bernois, ad 336 CO n. 6;

STREIFFNON KAENEL, ad 336 CO n. 8). La bonne foi se présume (art. 3 al. 1 CC; TF in JAR 1992, 359; BRÜHWll..ER, loc. cit.; Zoss, loc. cit.). La protection s'étend également à une demande relative à un avantage contractuel qui pouvait être raisonnablement espéré (augmen- tation usuelle de traitement; TF in JAR 1994,204; zoss, p. 205).

Si le fardeau de la preuve de la causalité incombe à celui qui invo- que le congé abusif (art. 8 CC), une preuve absolue n'est guère possi- ble et le juge devra bien souvent fonder sa conviction sur des indices et la vraisemblance qui en résulte (BRÜHWll..ER, ad 336 CO n. 5;

BRUNNERlBÜHLERlWAEBER, ad 336 CO n.7; REHBINDER, ad 336 CO n. 11; STAEHELIN, ad 336 CO n. 25; VISCHER, p. 171).

b) Pour les motifs indiqués ci-dessus, la règle de l'art. 336 al. 1 lettre d CO doit aussi être prise en considération, dans les relations entre l'employeur et un syndicat parties à une CCT, lorsqu'il s'agit de savoir si la résiliation du contrat du représentant syndical viole la CCT et que la résiliation a pour origine une prétention du travailleur au sujet de laquelle les parties divergent d'opinion quant à son existence et son étendue.

A tout le moins, lorsque le différend a trait à une divergence d'interprétation entre l'employeur et le syndicat, l'obligation contrac- tuelle de résoudre les différends par la concertation et l'arbitrage pour- rait aussi s'opposer à une résiliation avant qu'une solution n'ait été recherchée par celte voie.

(12)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail

13. Résiliation pour prétention du travailleur au cas particulier

99

a) Dans le cas particulier, en demandant en vain à son employeur de lui confier une activité de productrice, Yvette Rielle a fait valoir une prétention au sens de l'art. 336 al. 2 lettre b CO, qu'on considère son attitude comme une demande propre ou comme une exception opposée à l'intention manifestée par l'employeur de lui confier certains travaux.

La prétention se fondait sur le contrat de travail et les droits qui en découlaient quant à l'application de la CCT. Elle s'inscrivait dans le cadre du contrat de travail existant et elle n'avait point pour objet une modification de ce contrat.

Cette prétention a été contestée, ce qui a donné lieu à des positions opposées qui ont été à l'origine du différend entre Yvette Rielle et la SSR

A ce stade, il n'y a pas lieu d'examiner lequel avait raison, soit quel était l'objet exact du contrat de travail et si les attributions de travail envisagées par l'employeur lui étaient conformes. Il suffit de constater qu'il y avait à ce sujet une prétention et un différend, et par ailleurs qu'Yvette Rielle était «de bonne foi» au sens de l'art. 336 al. 1 lettre d CO; en effet, elle paraît avoir cru au bien-fondé de sa prétention et celle-ci n'était pas évidemment mal fondée. L'attitude même de l'employeur donne à penser qu'il a lui-même éprouvé des doutes sur ce point, si l'on en juge par un article de journal rapportant les paroles du directeur de la RSR «<1' article 5 de la convention ... nous empêche de modifier le statut de collaborateurs sans leur accord. Ainsi, si un jour- naliste est producteur, et que son émission est supprimée, on ne peut lui confier un travail de reporter ou de correspondant au Palais fédéral») et par le fait que la RSR a tenu la résiliation d'Yvette Rielle pour non fautive, comme si elle répondait aux conditions de l'art. 5 al. 4 lettre b CCT, en tant que conséquence d'un changement de fonctions contrac- tuelles.

A cela s'ajoute la considération que la résiliation était aussi abusive, dans les relations bilatérales entre employeur et travailleur, selon l'art. 336 al. 1 lettre d CO, «parce que l'autre partie (faisait) valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail" et partant qu'elle était également abusive, au regard de la CCT, dans les rapports entre partenaires sociaux.

En effet, l'essentiel du différend entre la RSR et Yvette Rielle provenait de la prétention de cette dernière à être maintenue dans son statut contractuel, ce qui selon elle n'aurait pas été le cas, alors que cette qualification a toujours été contestée par l'employeur.

(13)

En outre, le déroulement des événements montre clairement que la résiliation a été la conséquence de la prétention d'Yvette Rielle - jugée inadmissible par la SSR. Sans doute est-il vraisemblable que la SSR n'ait pas entendu exercer des «représailles», mais plutôt tirer la consé- quence de prétentions dont l'admission l'aurait entravée dans l'organisation de son travail.

n

n'importe, car la volonté de nuire ou de prendre une revanche n'est pas une condition d'application de cette disposition: il suffit que la résiliation soit une conséquence de l'exercice de la prétention.

Les conditions d'application de l'art. 336 ai. 2 lettre b CO étaient donc remplies.

b) Le caractère abusif de la résiliation doit également être pris en considération dans le cadre des relations entre partenaires sociaux, en raison de la nature de la contestation (l'attitude de la travailleuse correspondant à celle du syndicat au sujet d'une interprétation contro- versée de la CCT) et des mécanismes mis en place par la CCT pour résoudre les différends.

14. Violation de l'art. 43 CCT

La demanderesse se prévaut aussi d'une violation de l'article 43 CCT, parce que la résiliation n'aurait pas été précédée d'une concer- tation.

Selon cette disposition intitulée «Protection en cas de licenciement», en son alinéa 1: «A partir de 10 ans de service, le licenciement éventuel doit être précédé d'une concertation entre les partenaires sociaux à l'échelon de \a direction de l'unité d'entreprise, en vue d'étudier les mesures alternatives envisageables (recyclage, changement de poste au sein de l'entreprise, retraite anticipée, etc.). La personne concernée peut y renoncer».

La défenderesse soutient que cette disposition aurait été respectée parce que les organes de concertation de la SSR et de son unité d'entreprise se seraient occupés du cas d'Yvette Rielle avant que son contrat de travail ne fût résilié.

La procédure préalable de concertation qui doit précéder une rési- liation doit être présentée comme telle. pour pouvoir remplir sa fonc- tion. Celle-ci tend, en effet, à la recherche paritaire d'une solution permettant d'éviter une résiliation ou d'en atténuer les effets. Tel n'a pas été le cas en \' espèce, car la procédure à laquelle se réfère la défen- deresse avait pour objet la «situation» d'Yvette · Rielle, sans que l'employeur eût mentionné alors son projet de résilier le contrat de cette travailleuse.

(14)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail lOI Même si Yvette Rielle a renoncé ultérieurement à contester la rési- liation,le syndicat peut encore se prévaloir d'une violation de l'art. 43 CCT, commise antérieurement.

La conclusion est fondée.

15. Réparation du dommage

La demanderesse fonde sa demande sur la considération qu'Yvette Rielle consacrait le cinquième de son temps - soit un jour par semaine - à son activité syndicale, aux frais de la SSR, de telle sorte qu'elle demande le paiement de 20% de son salaire annuel de Fr. 112'000, pendant le nombre d'années précédant sa retraite, soit 7 ans; elle obtient ainsi un montant total de Fr. 156'800.

La défenderesse conteste les bases de ce calcul. Elle relève qu'Yvette Rielle a en fait consacré énormément de son temps de travail à son activité syndicale. La demanderesse ne peut pas demander de compensation au-delà de ce qui est dO par la SSR pour l'activité syndi- cale aux termes de l'art. 28 CCT. Les statuts de la PERTS ne prévoi- raient pas de rétribution en faveur du président (ou de la présidente).

Au demeurant, il y aurait lieu d'escompter la nomination d'un nouveau président en la personne d'un membre du personnel, qui bénéficierait à son tour des avantages de l'art. 28 CCT.

Dès lors, le Tribunal doit-il fixer «ex aequo et bono» le montant du dommage et de la réparation. Il prend en considération les éléments suivants. La résiliation du contrat individuel de travail a déjà donné lieu à une indemnisation substantielle de la travailleuse qui continue à exer- cer la fonction de présidente nationale de la demanderesse. Les indica- tions nécessaires font défaut quant à l'attachement de la PERTS à la personnalité de sa présidente, qui auraient pennis de supputer les probabilités d'une reconduction de son mandat, en l'absence de résilia- tion. On peut se demander si, n'exerçant plus d'activité professionnelle au sein de la défenderesse, Yvette Rielle sera en mesure d'exercer longtemps les fonctions de présidente de la demanderesse. Celle-ci diminuerait indéuiablement le montant du dommage invoqué en choisis- sant à terme comme président un travailleur de la SSR, bénéficiant des avantages prévus par la CCT. La même incertitude existe en ce qui concerne l'appréciation du temps rémunéré qui aurait été laissé à l'avenir à la disposition de la présidente de la PERTS pour lui permet- tre d'exercer son activité syndicale; il n'est pas exclu que la SSR s'en soit tenue à ce sujet à une application stricte de la CCT. Sur la base de ces éléments, une réparation de Fr. 40'000, valeur au jour du jugement,

apparaît équitable au Tribunal. 0"'"

(15)

Note

1. Cette sentence a été rendue en application d'une des conventions d'entreprise les plus importantes de Suisse, qui couvre environ six mille salariés dans un secteur quasi-public. Elle montre que, même dans une telle entreprise, dont la direction est plus proche des milieux politiques que du «business», la liberté syndicale s'exerce difficilement.

2. L'apport essentiel de cette sentence réside dans le lien qu'elle établit entre, d'une part, la protection des représentants élus des travail- leurs et, d'autre part, celle des dirigeants syndicaux désignés par leur organisation. Les premiers sont protégés par l'art. 336 al. 1 let. b CO. Quant aux seconds, comme il résulte de l'argumentation du Tribunal arbitral, ils tirent leur protection du droit collectif du travail. En effet, le respect de la convention collective exige que l'employeur ne licencie pas sans motif justifié les dirigeants syndicaux qui sont ses interlocuteurs dans le cadre de la négociation de la convention ou de sa mise en oeuvre.

En outre, l'employeur ne démontre un motif justifié de résiliation que s'il établit qu'il ne peut pas reclasser le salarié dans un emploi comparable. Cette obligation de reclassement ne découle pas directement du texte de la loi, mais des exigences en matière de preuve. L'employeur qui peut reclasser le travailleur dans l'entre- prise et s' y refuse sera présumé n'avoir pas de motif justifié de le licencier.

3. Le Tribunal arbitral a rejeté la conclusion du syndicat tendant au paiement d'une indemnité pour tort moral. Toutefois, en obligeant un partenaire social à mettre en jeu le poste de travail de sa prési- dente pour défendre ses objectifs (qui tendaient au respect de la convention collective), l'employeur lui a infligé une atteinte qui dépasse de loin la mesure supportable dans le cadre de relations professionnelles fondées sur la bonne foi. A notre avis, une telle

«capitis diruinutio» (au sens presque littéral) aurait justifié l'alloca- tion d'une indemnité pour tort moral.

2. Indemnité pour licenciement abusif et tort moral

2. - Art. 49, 336a et 337c al. 3 CO. Tribunal fédéral, 1ère Cour civile, 12 août 1997, cause nO 4C.459/1996.

4. - c) L'indemnité prévue à l'art. 336a CO vise non seulement la punition de l'auteur du congé abusif, mais aussi la réparation du tort

(16)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail 103 moral subi par le travailleur licencié (ATF 123 III 391 consid. 3). Du fait de sa finalité réparatrice, ladite indemnité ne laisse guère de place à l'application cumulative de l'art. 49 CO, car elle embrasse toutes les atteintes à la personnalité du travailleur qui découlent de la résiliation abusive du contrat. Demeure réservée l'hypothèse dans laquelle une telle atteinte serait à ce point grave qu'un montant correspondant à six mois de salaire du travailleur ne suffIrait pas à la réparer. Sous cette réserve, l'application de l'art. 49 CO, parallèlement à l'art. 336a CO, ne saurait entrer en ligne de compte que dans des circonstances excep- tionnelles. On songe ici, par exemple, à des reproches de caractère düfamatoire, n'ayant aucun lien de connexité avec la relation de travail, que l'employeur adresserait au travailleur à l'occasion de son licencie- ment, ou encore au dénigrement du second par le premier vis-à-vis de tiers et notamment des employeurs potentiels du travailleur congédié.

En l'espèce, les circonstances retenues par la cour cantonale, sous l'angle de l'art. 49 CO, ressortissent toutes au licenciement en cause.

Qu'il s'agisse des moda1ités du congé, de la durée des rapports de travail, de l'état de démoralisation et de dépression de T. après la rési- liation du contrat, ainsi que de la faute concurrente commise par cette dernière, tous ces éléments peuvent être rattachés à la relation de travail et au congédiement de la danseuse. On cherche en vain, dans les constatations de fait de la cour cantonale, une atteinte à la personnalité de T. qui mt exorbitante de cette relation et des circonstances dans lesquelles il y a été mis fin. Dans ces conditions, la Chambre d'appel n'aurait pas dO faire application de l'art. 49 CO. Ce n'est pas dire qu'il faille nécessairement corriger le dispositif de son arrêt. Au contraire, force est d'admettre qu'elle aurait tout aussi bien pu aboutir au même résultat en tenant compte des circonstances précitées, non pas en liaison avec l'art. 49 CO, mais en tant qu'éléments pertinents au regard de l'art. 336a al. 2 CO. En d'autres termes sa décision sur ce point, sinon le fondement juridique de celle-ci, ne prête pas le flanc à la critique dans la mesure où elle ne révèle aucun abus du large pouvoir d'appré- ciation qui était le sien.

Note

Ainsi, en principe, l'indemnité pour licenciement abusü (comme l'indemnité pour licenciement avec effet immédiat injustifié) comprend la réparation du tort moral. L'arrêt réserve une excep- tion dans les cas où le dommage causé n'a pas de lien de connexité avec la relation de travail. A notre avis, c'est plutôt avec le licen- ciement que le tort moral ne doit pas avoir de rapport de connexité (cf. SJ 1999, p. 282).

."....

(17)

B. Licenciement en temps inopportun:

chevauchement de deux périodes de protection

3. - Art. 336c al. 1 let b CO. Tribunal Fédéra~ 1ère Cour civile, 3 mars 1998. cause nO 4C.303/1997.

Faits (résumé):

T., enceinte, fut absente notamment du 18 mars 1993 au 29 avril 1993, date de son accouchement. Ensuite, elle a bénéficié d'un congé maternité jusqu'au 30 juin 1993. L'employeur a payé le salaire de T. en rapport avec ses absences jusqu'à cette date.

Dès le 1er juillet 1993, T. fut totalement incapable de travailler en raison d'une maladie. Elle n'annonça pas l'incapacité de travail à l'employeur et ne lui communiqua aucun certificat médical. T. ne reçut ni indemnité ni salaire à compter du 1er juillet 1993.

Par lettre du 19 octobre 1993, E. confirma à T. que son poste avait été repourvu. En conséquence, E. résiliait le contrat de travail avec effet au 31 décembre 1993.

Droit (extraits):

2. - a) T. a accouché le 29 avril 1993. Comme le relève la cour cantonale, la période de protection de seize semaines après l'accouchee ment, selon l'art. 336c al. 1 let. c CO, est venue à échéance le 19 aoÜt 1993. Cependant, T. est devenue totalement incapable de travailler, pour cause de maladie, dès le 1er juillet 1993; cette incapacité de travail a duré jusqu'au 31 juillet 1994.

• Les deux parties admettent que la seconde période d'incapacité de travail poUr cause de maladie a ouvert une nouvelle période de 'protec- tion de 90 jours, selon l'art. 336c al. 1 let. b CO.

A suivre la cour cantonale et T., la seconde périOde de protection a commencé à courir non pas le 1er juillet 1993, puisqUe la travailleuse était déjà protégée selon l'art. 336c al. 1 let. c CO, mais le 20 aoOt 1993, soit après l'expiration de la période de protection liée à la gros- sesse. La seconde période de protection serait parvenue à son terme le 17 novembre 1993. Le congé notifié par E. à fm octobre 1993 serait donc nul, en application de l'art. 336c al. 2 CO.

b) Selon la jurisprudence, les éventualités prévues par les diffé- rentes lettres de l'art. 336c al. 1 CO font chacune courir une période de protection. indépendante l'une de l'autre; il y a en quelque sorte cumul «<interlittéral») de ces périodes (ATF 120 II 124 consid. 3c). De

(18)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail 105 plus, lorsqu'un employé est incapable de travailler pour cause de mala- dies ou d'accidents successifs n'ayant aucun lien entre eux, chaque nouvelle maladie ou chaque nouvel accident fait courir ,un nouveau délai légal de protection durant lequel l'employeur ne peut valablement résilier le contrat de travail; il y a ainsi cumul «intralittéral» des éven- tualités prévues à l'art. 336c CO (ATF 120 II 124 consid. 3d).

Examinant l' hypothèse dans laquelle se sont succédé deux accidents, le Tribunal fédéral a retenu la date du second accident comme point de départ de la seconde période de protection, alors même que la période de protection provoquée par le premier accident n'était pas entièrement écoulée (ATF 120 II 124 consid. 3b et 3e). II a admis, en d'autres tennes, que la seconde période de protection commence dès que les conditions de sa naissance sont remplies, même si le travailleur se trouve encore au hénéfice d'une autre période de protection précé- demment ouverte.

II n'y a aucune raison de remettre en cause cette jurisprudence récente, au reste approuvée par la doctrine dominante (cf. REHBINDER,

Commentaire bernois, n. 8 ad art. 336c CO; BRÜHWD..ER, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2e éd., n.8b ad art. 336c CO; STAEHEUN, Commentaire zurichois, n. 24 ad art. 336c CO; VISCHER, Der Arbeitsvertrag, 2e éd. in: Schweizerisches Privatrecht, VII/l, III, p. 175; TH. GEISER, Küodigungsschutz bei Krankheit in: AJP 1996, p. 550 ss, spéc. p. 555).

Ainsi, en jugeant que la période de protection liée à la maladie de T. n'a commencé à courir qu'à l'expiration de la période de protection découlant de sa grossesse, la cour cantonale a mal interprété l'art. 336c al. 1 CO. Contrairement à ce qu'elle a retenu, le congé donné à la fin octobre 1993 était pleinement valable en regard de cette disposition.

Note

Le Tribunal fédéral tire ici de l'ATF 120 II 124 consid. 3b et 3e une conséquence implicite: le fait que deux périodes de protection se chevauchent n'entraîne aucun avantage particulier pour le travailleur: les deux périodes courent parallèlement, sans que leur chevauchement entraîne la prolongation de l'une d'entre elles.

L'opinion contraire avait été soutenue par W. GLOOR in Maternité, protection contre le congé, droit au salaire, Revue syndicale suisse

1991, p. 171.

.y""

(19)

C. Licenciement immédiat 1. Licenciement immédiat fondé sur des SOupçons

4. - Art. 337 CO. Tribunal fédéral, 1ère Cour civile, 2 avril 1998, cause nO 4C. 393/1997.

Faits (résumé):

T. a été engagée par la E. comme employée de bureau, dès le 1er aoo.t 1994, à Genève, moyennant un salaire mensuel de Fr. 4'000 payé treize fois l'an. En cas d'incapacité de travail due à la maladie, elle avait droit à son plein salaire pendant deux ans. A la suite d'un accident au pied, T. a été à 100% incapable de travailler du 27 mars 1995 au 2juin 1995, puis à 50% du 3 juin 1995 au 2 juillet 1995. Cependant, dès le 20 juin 1995, sa capacité de travail a été considérée comme nulle.

Un certificat médical, daté du 3 juillet 1995, établit son incapacité totale de travailler, à raison de troubles urologiques.

Le 29 novembre 1995, E. a résilié avec effet immédiat le contrat de travail de T., au motif que cette dernière travaillait pour le compte de la société à responsabilité limitée X., à Plan-les-Ouates, société infor- matique exploitée par son mari, alors qu'elle s'était déclarée incapable de travailler auprès de son employeur:

Droit (extraits):

1. - T. reproche à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 337 CO en admettant que E. avait eu un juste motif de la licencier avec effet immédiat.

b) aa) Selon l'art. 321 a al. 1 CO, le travailleur sauvegarde fidèle- ment les intérêts légitimes de l'employeur. Il viole gravement son obli- gation de fidélité s'il travaille pour un tiers durant une prétendue période d'incapacité de travail; dans un tel cas, l'employeur peut le licencier avec effet immédiat sans avertissement (STREIfF/VON KAENEL, Leiûaden zum Arbeitsvertragsrecht, 5ème éd., Zurich 1992, n. 5d ad art. 337 CO, p. 370; BRÜHWILER, Kommentar zum Einzel- arbeitsvertrag, 2e éd., n. 2b ad art. 337 CO, p. 363 en haut;

STAEHELIN, Commentaire zurichois, n. 15 ad art. 337 CO; Tercier, Les contrats spéciaux, 2e éd., n. 2895; G. AUBERT, Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, Lausanne 1984, n.254; DECURTINS, Die fristlose Entlassung, n. 80 p. 112).

(20)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail 107

En l'occurrence, il résulte des constatations de fait de la cour canto- nale que T., qui avait présenté à E. des certificats médicaux établissant son incapacité totale de travail, travaillait en réalité plusieurs heures par jour dans l'entreprise de son mari, où elle répondait au téléphone, accueillait les clients, établissait et signait des factures et assistait à certains entretiens professionnels avec son mari. Dans de telles circons- tances, le rapport de confiance entre T. et E. était irrémédiablement rompu. Peu importe que T. n'ait pas travaillé à plein temps dans l'en- treprise de son mari. Le grief doit donc être rejeté.

2. - T. fait grief aux juges précédents d'avoir admis l'existence de justes motifs quand bien même l'employeur, au moment de la congédier sur-le-champ, n'avait pas, à la suivre, la preuve des faits qu'il lui reprochait, mais uniquement des soupçons.

Elle se trompe. En effet, il est admis que le licenciement immédiat est justifié lorsque l'employeur qui a résilié le contrat sur la base de soupçons parvient à établir les circonstances à raison desquelles le rapport de confiance entre les parties doit être considéré comme irré- médiablement rompu; c'est seulement si les soupçons se révèlent mal fondés que l'employeur supporte, en principe, les conséquences de l'absence de preuve et que le licenciement immédiat doit être considéré comme injustifié (STRElFF/VON KAENEL, n. 10 ad art. 337 CO;

VISCHER, Der Arbeitsvertrag, 2e éd. p. 179; BRÜHWILER, n. 13 ad art.337 CO; BRUNNER1BÜHLERlWAEBER, n.8 ad art.337 CO;

STAEHELIN, n. 23 ad art. 337 CO; REHBINDER, Commentaire bernois, n. 12 ad art. 337 CO; DECURTINS, op. cit., p. 24/25; AUBERT, n. 250; RAPP, Die frisdose Kündigung des Arbeitsvertrages, in BJM 1978 p. 172). Le grief tombe, dès lors, à faux.

Note

A notre avis, le juge ne peut pas trancher abstraitement la question de savoir si des soupçons mal fondés justifient un licenciement immédiat, car l'art. 337 al. 3 CO lui laisse un large pouvoir d'appréciation, que rien ne permet d'encadrer rigidement.

Certes, d'une manière générale, de tels soupçons ne sauraient justi- fier un licenciement immédiat. Seules sont décisives, cependant, toutes les circonstances du cas particulier. Certains auteurs réser- vent les cas où le travailleur, par son comportement, a suscité ou renforcé les soupçons, devenant ainsi responsable de la rupture des rapports de confiance entre les parties (STREIFF/VON KAENEL, n. ID ad art.337 CO; REHBINDER, n. 12 ad art. 337 CO; ,y"' BRÜHWILER, n. 13 ad art. 337 CO; DECURTINS, Die frisdose Endassung, Berne 1981, p. 24-25; AUBERT, Quatre cents arrêts sur

(21)

le contrat de travail, nO 250, p. 144). Selon STAEHELIN, si le licen- ciement immédiat doit être considéré comme justifié sur la base de soupçons qui se révèlent mal fondés, des solutions nuancées sont possibles; le salarié pourra être indemnisé sur la base de l'art. 337b al. 2 CO (STAEHELIN, ibid.; voir aussi RAPP, p. 172).

2. Licenciement immédiat fondé sur un comportement exté- rieur à l'entreprise; motifs invoqués après la résiliation S. - Art. 337 CO. Tribunal fédéral, 1ère Cour civile, 18 décembre 1997, cause nO 4C.500/1996.

Faits (résumé):

Le 1er janvier 1991, E. a engagé T. en qualité de fondé de pouvoir, chargé de la direction de l'entreprise, moyennant un salaire mensuel de Fr. 7.200 brut plus une gratification annuelle correspondant à un mois de salaire.

E., par pli recommandé du 26 mai 1993, a licencié T. avec effet immédiat.

Droit (extraits):

2. - a) Dans son arrêt du 13 décembre 1995 (ATF 121 III 467), le Tribunal fédéral a considéré comme définitivement jugé que les motifs indiqués dans la lettre de licenciement n'étaient pas propres à justifier la résiliation immédiate du contrat de travail. En effet, les griefs diri- gés par E. contre l'arrêt cantonal, sur ce point, étaient irrecevables faute de motivation suffisante. TI fallait donc admettre que le prélève- ment de Fr. 3'500, reproché à T. par E., ne pouvait justifier un congé abrupt (consid. 3b). Le Tribunal fédéral a cependant invité la cour cantonale à déterminer si les détournements CODlDÙS par T. à Prilly étaient antérieurs au congé. Dans l'affirmative, il appartiendrait aux magistrats cantonaux de décider si ces infractions auraient pu conduire E., à supposer qu'elle les ait connues, à admettre que le rapport de confiance entre les parties était rompu et à résilier immédiatement le contrat de travail de T. (consid. Sb in fine).

b) La Chambre d'appel a ordonné l'apport de la procédure pénale conduite contre T. devant le Tribunal correctionnel du district de Morges. Il en résulte que T., pour payer des factures arriérées et pour ses besoins personnels, a détourné, au détriment des participants à la cagnotte du café-restaurant X. à Prilly, un montant de Fr. 71' 506, dont seuls Fr. 11'801,05 ont été récupérés à son domicile et restitués aux

(22)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail 119

4. Résiliation notifiée pendant un congé non payé

7. - Art. 337 CO. Tribunal fédéral, 1ère Cour civile, 3 mars 1998, cause nO 4C.303/1997.

Faits (résumé):

Le 31 octobre 1989, E. a engagé T. comme secrétaire de direction à mi-temps. Le salaire mensuel brut, payable treize fois l'an, était de Fr. 2'400. Dès le 1er janvier 1990, T. occupa son emploi à plein temps;

son salaire mensuel, payable treize fois l'an, se montait en dernier lieu à Fr. 5'410.

En juin 1993, T. sollicita de son employeur une suspension du contrat de travail du 1er juillet au 31 décembre 1993; cette demande était motivée, notamment, par son désir de continuer d'allaiter. Après avoir d'abord refusé cette demande, l'employeur y accéda en juillet 1993. TI déclara, cependant, que le poste de l'intéressée serait repourvu et qu'il n'était pas en mesure de lui garantir, à son retour, une place au secrétariat de la direction générale. Par lettre du 19 octobre 1993, E. confirma à T. que son poste avait été repourvu. En conséquence, E. résiliait le contrat de travail avec effet au 31 décembre 1993.

Droit:

4. - E. soutient que, pendant la suspension du contrat, elle pouvait résilier ce dernier, en respectant le délai de congé, avec effet au 31 décembre 1993. La cour cantonale n'a pas exaruiné cette question, car elle a admis, à tort que la résiliation notifiée en octobre 1993 était nulle.

b) L'autorité cantonale n'a pas constaté la volonté réelle des parties quant aux règles qui devaient s'appliquer si un licenciement intervenait durant le congé non payé. TI faut donc rechercher comment, de bonne foi, T. pouvait comprendre, à ce sujet, les déclarations de E.

E. a promis à T. de reprendre les rapports de travail en janvier 1994, sous la seule réserve qu'un poste lui serait attribué dans un autre service qu'à la direction générale. T. pouvait donc légitimement s'at- tendre que, le contrat n'étant que suspendu, ses droits et obligations recommenceraient le 1er janvier 1994; en particulier, ses droits liés à l'ancienneté qu'elle avait acquise dans l'entreprise avant le 30 juin 1993 subsistaient intacts. En d'autres termes, E. s'est engagée à reprendre T. à son service le 1er janvier 1994, moyennant un salaire inchangé, pendant une période équivalant, au minimum, au délai de congé de deux mois pour la fin d'un mois, soit jusqu'au 31 mars 1994.

~~

(23)

détenteurs de comptes. Les détournements avaient commencé dès le début de janvier 1993. T. a expliqué au Tribunal correctionnel que, tout au long de l'année 1993, il avait pensé pouvoir restituer les montants prélevés quand il aurait reçu les sommes qu'il réclamait à son ancien employeur devant la justice genevoise. Le Tribunal correc- tionnel a retenu que les fautes commises par T. étaient indéniablement graves, que ses prélèvements systématiques s'étaient déroulés sur une période relativement longue, qu'il n'avait n'a rien remboursé à ses victimes et n'avait manifesté aucun repentir avant l'audience. Vu l'absence de circonstances atténuantes, T. a été condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis.

Statuant sur renvoi, la Chambre d'appel a retenu que, si E. avait connu et invoqué la procédure vaudoise au moment où elle a décidé de licencier T., ce grief lui aurait remémoré les difficultés dans lesquelles évoluait ce dernier. Il lui aurait appartenu, au terme de quinze ans de collaboration non litigieuse, de s'enquérir des causes de cette situation.

C'est ainsi qu'elle aurait été amenée à considérer la situation farniJiale et financière difficile de T. Il n'aurait pas pu lui échapper que T. lui avait jusqu'alors toujours remboursé les avances consenties, de même que le prélèvement opéré dans la caisse. Dans un tel contexte, elle aurait eu beaucoup de peine à démontrer que les infractions commises dans le canton de Vaud, pour inacceptables qu' eJ1es fussent par ailleurs, avaient rompu le lien de confiance, du moins au point de justifier un renvoi immédiat.

3. - A raison de son obligation de fidélité, le travailleur est tenu de sauvegarder les intérêts légitimes de son employeur (art. 32la al. 1 CO) et, par conséquent, de s'abstenir de tout ce qui peut lui nuire (ATF 117 Il 72 consid. 4a et 560 consid. 3a). La commission d'une infraction pénale par le travailleur, en dehors des rapports de service, peut justifier un licenciement immédiat en particulier lorsque cette infraction risque de porter une atteinte importante à la respectabilité de l'employeur (STREIFF 1 VON KAENEL, Leitfaden zum Arbeits- vertragsrecht, 5ème éd., Zurich 1992, n.5a ad art. 337, p. 369;

STAEHELIN, Commentaire zurichois, n. 22 ad art. 337, p.625 en haut; REHBINDER, Commentaire bernois, n.9 ad art. 337, p. 131;

VISCHER, Der Arbeitsvertrag, 2ème éd., Bâle 1994, p. l79;

BRÜHWILER, Kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, 2ème éd., Berne 1996, n.2b ad art. 337, p.362 en haut; d'un autre avis, BRUNNER/BÜHLERlWAEBER, n. 8 ad art. 337, p. 227). Le comporte- ment des cadres doit être apprécié avec une rigueur accrue, eu égard au ,..,-' crédit particulier et à la responsabilité que leur confère leur fonction ' dans l'entreprise (ATF non publié du Il octobre 1994, dans la

(24)

110 Gabriel AUBERT cause 4C.246/1994, reproduit in 5J 1995 p. 811; 104 II 28 consid. 1;

5TAEHELIN, n.8 ad art. 32la CO; REHBINDER, n.9 ad art. 32la CO).

b) En l'espèce, T. a commis une infraction dénotant une évidente malhonnêteté, pendant une période assez longue, au détriment de plusieurs personnes dont il avait accepté de gérer les dépôts. Il a trahi leur confiance d'une façon pénalement répréhensible. Vu sa position dirigeante dans l'entreprise, son comportement mettait manifestement en péril la respectabilité de cette dernière. Quoi qu'en pense la Chambre d'appel, on ne voit pas quelles explications rassurantes T. aurait pu donner si E. l'avait interrogé sur les faits qui lui étaient reprochés dans le canton de Vaud. Du reste, il ne paraissait pas enclin à dire la vérité sur ces faits, puisque, après la découverte des infractions commises à Pril1y, il n'a pas craint de mentir à la Chambre d'appel, en prétendant que ces infractions étaient la conséquence de son licencie- ment, alors même qu'elles avaient commencé plusieurs mois avant le congé abrupt. T. a aussi tenté d'égarer le Tribunal correctionnel de Morges, en prétendant qu'il avait pensé, tout au long de l'année 1993, indemniser les plaignants au moyen des sommes qu'il avait réclamées à son employeur devant la justice genevoise, en se gardant bien de préci- ser que, jusqu'à son licenciement immédiat, à fin mai 1993, il avait été payé régulièrement par E. et qu'il ne l'avait assignée en justice que le 4 juin 1993. Enfm, il est établi que T. a remboursé à E. le montant de Fr. 3'500 durant le premier semestre de 1993, soit pendant une période où il s'appropriait systématiquement les versements des dépo- sants à Prilly. Vu la simultanéité de ces opérations, E. aurait légiti- mement pu craindre d'être désintéressée au moyen de sommes détour- nées. C'est assez dire que, si E. avait connu l'abus de confiance commis dans le canton de Vaud, les rapports de confiance entre les parties auraient été trop gravement ébranlés pour que l'on pOt exiger d'elle qu'elle poursuivît la relation de travail jusqu'à l'échéance du délai de congé. Dans ces circonstances, il est superflu d'examiner si la cour cantonale a commis une inadvertance manifeste en ignorant la pièce du dossier pénal qui prouve que T. a fait signer un décompte à l'une de ses victimes vaudoises sur du papier à lettres à en-tête de son employeur.

En considérant que, parce qu'ils étaient étrangers aux rapports de travail, les faits ayant donné lieu à la procédure pénale instruite dans le canton de Vaud ne pouvaient, rétrospectivement, justifier un licencie- ment immédiat, la Chambre d'appel a méconnu la notion de juste motif au sens de l'art. 337 CO. De tels faits, replacés comme il se doit dans leur contexte, étaient au contraire de nature à établir, a posteriori, le bien-fondé du jugement de valeur que E. avait porté sur T. lorsqu'elle

(25)

5. - La résiliation notifiée par E. en octobre 1993 avait les appa- rences d'une résiliation ordinaire, moyennant un délai de congé de deux mois pour la fm d'un mois. Toutefois, étant donné que le contrat de travail était alors suspendu, elle devait déployer les mêmes effets qu'un licenciement immédiat. car E. se libérait de tout délai de congé effectif.

Pour sa part, T. était abruptement privée des droits qu'elle pouvait faire valoir pendant le délai de congé, du 1er janvier au 31 mars 1994.

Il se justifie donc d'appliquer à cette résiliation, par analogie, les règles relatives au licenciement immédiat (dans le même sens, arrêt du 12 mars 1992 dans la cause 4C.175/1991 in: SJ 1993 p. 361, consid. 3blbb; BRÛHWILER, op. cit., n. 1 ad art. 337c CO; d'un autre avis, A. VON KAENEL, Die Entschadigung aus ungerechtfertigter fristloser Entlassung nach Art. 337c Abs. 3 OR, thèse Zurich 1995, p. 65, note 256).

Note

Le Tribunal fédéral a alloué à la salariée le gain manqué selon l'art. 337c al. 1 et une indemnité selon l'art. 337c al. 3 CO.

n.

REsILIATION PAR LE SALARIE

A. Notion: démission Imposée

8. - Art. 337 et 341 CO. Tribunal fédéral, 1ère Cour civile, 15 décembre 1997, cause n04C.321/1997.

Faits (résumé):

E., active dans le commerce de vêtements et de lingerie, a engagé T. comme directeur à compter du 1er septembre 1991. Le contrat prévoit un délai de congé de quatre mois. Le dernier salaire mensuel brut de T., versé treize fois l'an, était de Fr. 9'950.

Lors d'un entretien qui eut lieu en aollt 1995, E. a menacé de licen- cier T. avec effet immédiat; elle y a renoncé sur l'insistance de ce dernier. Les parties ont alors signé un accord selon lequel elles mettaient fin à leur contrat avec effet au 31 aollt 1995, pour des raisons strictement économiques. Elles ont, simultanément, conclu un second accord aux termes duquel T. continuait de travailler pour E. jusqu'au 30 septembre 1995, en cas de besoin jusqu'au 31 octobre 1995 au plus tard, moyennant une rémunération équivalant à la différence entre son

(26)

Jurisprudence sur la résiliation du contrat de travail III

avait appris que ce dernier avait prélevé indÜment Fr. 3'500 dans la caisse de l'entreprise et à confirmer indirectement la gravité de cet agissement au point de le faire apparaître, à la lumière des circons- tances nouvelles, comme un motif suffisant pour justifier l'interruption immédiate des rapports de travail. il suit de là que l'arrêt attaqué doit être annulé, ce qui entraîne le rejet de ce chef de la demande.

Note

1 . En cas de résiliation avec effet immédiat, la jurisprudence n'admet qu'à des conditions restrictives l'invocation de motifs qui existaient lors de la résiliation, mais qui étaient inconnus de son auteur (ATF 121 III 467, consid. 5a). La portée de ces conditions restric- tives n'est pas claire. Le Tribunal fédéral par2.1"t exiger un rapport de connexité entre un motif déjà invoqué et le motif découvert après la notification du congé, comme si le second ne pouvait servir qu'à renforcer le premier (voir l'ATF 121 III 467, cons id. 5a précité et le dernier alinéa de l'arrêt ci-dessus).

Pour notre part, nous comprenons mal cette exigence. Comme le rappelle l'art. 337 al. 2 et 3 CO, qui renvoie à l'art. 4 CC, le juge doit trancher en équité. Or, il peut se révéler équitable de tenir compte, dans l'examen des justes motifs, de faits antérieurs à la résiliation et sans rapport avec les motifs déjà connus. Admettre le contraire reviendrait à récompenser par principe le salarié qui serait parvenu à cacher des faits de nature à justifier un licencie- ment immédiat.

Ainsi, un travailleur est congédié abruptement pour avoir insulté un supérieur; l'insulte n'étant pas prouvée, la résiliation est, a priori, injustifiée. Cependant, il apparaît que l'intéressé, avant le licencie- ment, a dérobé le porte-monnaie d'un collègue. On ne voit pas pourquoi le juge ne pourrait pas tenir compte de ce vol, alors qu'il serait habilité, par hypothèse, à prendre en considération le fait, parvenu ultérieurement à la connaissance de l'employeur, que l'intéressé a gravement insulté ... un client.

2. Autre est la question de savoir si l'employeur peut invoquer, à l'appui d'une résiliation immédiate, des faits qui sont survenus après le licenciement. Le Tribunal fédéral y a répondu clairement par la négative (ATF 121 111 467 consid. 5a).

Néanmoins, cela ne signifie pas, à notre avis, qu'un fait postérieur au licenciement, qui aurait justifié une résiliation avec effet immé-

diat, demeure sans conséquence sur les droits du salarié. .,--.

Selon le Conseil fédéral, un motif qui se produit après le licencie- ment abrupt peut justifier une nouvelle résiliation avec effet

Références

Documents relatifs

Ces dispositions sont absolument impératives (art. Ignorant ses droits selon l'art. pouvait encore prétendre à son salaire. Les deux parties étaient dans l'erreur

Il faut rappeler que, ayant droit à quatre semaines de vacances chaque année de service (art. La vérilication se fait facilement. Soit un salarié gagnant fr. Il

C'est l'employeur qui fixe la date des vacances (art. Il n'est en effet pas d'usage qu'un travailleur en voyage fasse suivre- sa correspondance. La résiliation expédiée

L'application par analogie de l'article 49 DT (concernant la pres- cription) nous paraît difficile, car cette disposition comporte des nuances qui s'appliquent mal aux

En réalité, tant l'exigence de concessions réciproques que celle d'un intérêt suffisant sont des indices pennettant de conclure à l'existence d'un réel consentement

Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas

- En l’espèce, les comportements invoqués comme motif de licenciement immédiat n’ont, soit pas été établis (consid. 4.2.1), soit sont antérieurs à la

« 1°/ que si aucun délai n'est imparti au salarié pour demander sa réintégration, lorsque son licenciement est nul pour porter atteinte à une liberté fondamentale, le salarié