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La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1989

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La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1989

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1989. La Semaine judiciaire , 1990, vol. 112, no. 32, p. 641-670

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12172

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La jurisprudence

sur le contrat de travail à Genève en 1989

par

Gabriel AUBERT

professeur

à

la Faculté de droit

Faisant suite à celles publiées dans la Semaine judiciaire de 1986 (p. 289 ss.), 1987 (p. 545 ss.), 1988 (p. 561 ss.) et 1989 (p. 665 ss.), la présente chronique expose et commente quelques décisions significatives rendues dans des affaires genevoises en 1989

*.

.. Les ouvrages et les articles cités dans le texte sont les suivants: Aubert. G. : Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, Lausanne 1984; Aubert, G.: Contrat de tra- vail et autorisation de travail, SJ 1988, p. 619; Berenstein. A.,' La nouvelle loi suisse sur la résiliation du contrat de travail. in Mélanges Thndogan, Ankara 1990.

p. 491 ; Brunner, Ch.. Büh/er, J.-M. et Waeber, J.-B.. Commentaire du contrat de travail, Berne 1989; Bois, Ph. el Schweizer, Ph.: Congé abusif, droit transitoire, Pladoyer 1989, no 4, p. 58; Broggini. G.,' Intertemporales Privatrecht, in Schwei- zerisches Privatrecht, t. l, Bâle 1967: Deschenaux. H et Sieinauer, P.-H.: Le nou- veau droit matrimonial, Berne 1987; Fritz. M.: Les nouvelles dispositions sur le congé dans le droit du contrat de travail, Union centrale des associations patro- nales, Zurich 1988; Giesker-Zeller, H.: Die Grundprinzipien des Uebergangs- rechtes zum Schweizerischen Zivilgesetzbuche, Revue de droit suisse, vol. 34, 1915,

p.

1; Grise~ A.: 'Ihrité de droit administratif, Neuchâtel 1984; Meier, K.:

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1. Art. 328 CO ; 28a CC Harcèlement sexuel; action en consta- tation de droit; faute concomitante (CA, I, 2.11.1989).

Se plaignant d'avoir été la victime de manœuvres de harcèlement sexuel de la part de X., son supérieur hiérarchique, manœuvres que l'employeur ne s'était jamais préoccupé d'interrompre, T. a ouvert action en constatation de droit devant la juridiction des prud 'hom- mes. A l'appui de sa demande, elle expose que X. lui avait soumis, à son lieu de travail, mais hors la présence de témoins, des revues et des dessins pornographiques de couples dans des positions diver- ses et qu'il lui avait aussi chanté et tenu des propos obscènes et pro- vocants. Sans contester la validité de son licenciement, T. estime que ce dernier est lié à son refus de donner suite aux sollicitations de X.

Conformément à la jurisprudence la plus récente, le droit fédéral.

régit exhaustivement la recevabilité de l'action en constatation de droit. Le droit cantonal ne dispose donc plus en la matière de la moindre latitude pour aggraver ou au contraire faciliter les condi- tions d'admission de telles demandes (ATF 110 II 352 ~ JT 1985 I 354). Une action en constatation de droit peut être intentée dans tous les cas où elle est nécessaire pour que le droit privé fédéral trouve son application (ATF 92 II 107 = JT 1966 I 630). Le deman- deur doit, dans cette optique, démontrer l'existence d'un intérêt suffisant, soit juridique, soit de fait, pour autant que ce dernier soit essentiel et digne de protection (ATF 110 II 352 = JT 1985 I 354).

T. s'est plainte de ce que les manœuvres de harcèlement sexuel de son chef d'atelier, jointes à l'absence de toute mesure de la part de son employeur pour faire cesser cette conduite, avaient porté atteinte à ses droits de la personnalité et avaient, dans le même temps, contrevenu à la règle posée à l'article 328 CO.

Die neuen Bestimmungen des Arbeitsvertragsrechts zurn Kündigungsschutz, Plâdoyer 1988, no 5/6, p. 44; Mutzner, p.: Schweizerisches Zivilgesetzbuch, Schlusstite1, Anwendungs- und EinführungshestÎmmungen • in "Commentaire bernois", Berne 1916; Rtlpp, F. : Frerndenpolizeiliche Arbeitsbewilligung und Arbeitsvertrag, in Pri- vatrecht, Oeffentliches Recht, Strafrecht, Festgabe zurn Schweizerischen Juristentag 1985, Brue 1985, p. 277; Rehbinder. M: Der Arbeitsvertrag (art. 319-33Oa CO), in

"Commentaire bernois", Berne 1985; Reichel, A.: Schlussititel, Anwendungs- und Einführungsbestimmungen zum schweizerischen Zivilgesetzbuch, in "Commentaire zurichois", Zurich 1916; Roubier, P.: Le droit transitoire, Paris 1960; SchOnenberger, W. et Jaggi, P.: Das Obligationenrecht in "Commentaire zurichois", Zurich 1973, Allg. Einleitung; Staehlin, A.: Der Einzelarbeitsvertrag (art. 319-330a CO), in "Com- mentaire zurichois", Zurich 1984; Stau./fer, w.: Obligationenrecht, Schluss- und Uebergangsbestimmungen, in "Commentaire bernois", Berne 1940; 1èrcier, p.: Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984.

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Conformément à l'art. 28a al. 1 ch. 3 CC, les atteintes au droit de la personnalité peuvent faire l'objet d'une action en constata- tion de droit lorsque le. trouble créé subsiste encore. Dans le cas d'espèce, T. ne travaille certes plus chez E. Pareille circonstance ne suffit toutefois pas à exclure l'application de l'article 28a al. 1 ch.

3 CC. Le trouble, selon la norme précitée, n'implique pas nécessai- rement que l'atteinte elle-même aux droits de la personnalité risque de se reproduire à l'avenir aux dépens de la victime. JI suffit qu'une insécurité ou des doutes subsistent entre les parties quant à la Iicéité du comportement en cause, en contribuant de la sorte à engendrer de fausses impressions et des risques de confusion aux dépens de la victime (1èrr:ier, p. 127, no 929).

Or, T. a été en définitive licenciée, avec préavis; E. a, ce faisant, précisé que le congé avait été décidé en raison de la mauvaise qualité du travail fourni, d'absences injustifiées, d'arrivées tardives et de l'inaptitude de l'intéressée à s'adapter au sein de l'entreprise.

Exprimée en ces termes, la résiliation est donc susceptible d' engen- drer un trouble à long terme, ne serait-ce que sous forme d'une mauvaise réputation attachée à la personne de T. Le trouble subsiste ainsi même à l'heure actuelle. La résiliation a par ailleurs été noti- fiée conformément à l'article 336b (ancien) CO, de sorte que les possibilités offertes à l'employée de réclamer des dommages- intérêts paraissent très aléatoires. Les conditions posées pour la recevabilité d'une action en constatation de droit sont en consé- quence réunies, ainsi que la jurisprudence l'a déjà admis dans un cas très voisin (JAR 1985, p. 221-222).

JI importe de déterminer en premier lieu si les actes que T. impute à X. et que ce dernier a contestés ont ou non été commis. En sus de T., trois autres ouvrières sont venues indiquer avoir été elles- mêmes victimes de manœuvres identiques de la part du chef d' ate- lier. L'une d'entre elles a ajouté qu'une quatrième collègue avait dû pareillement en pâtir. En outre, l'une des victimes s'est confiée à une employée; celle-ci, non sans réticence, a fini par l'admettre.

Compte tenu de l'ensemble de ces témoignages, émanant de per- sonnes différentes, mais tous concordants sur la conduite de X., la Chambre d'appel s'estime convaincue que les allégations de T. correspondent à la réalité.

La Chambre n'a par ailleurs pas d' hésitation à considérer que les agissements de X. constituaient bien une atteinte aux -droits de la personnalité de T. Au sein d'une entreprise, rien n'interdit certes

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à un cadre ou à un contremaître d'user de séduction pour tenter de gagner les sentiments d'une personne placée sous ses ordres. Sa conduite doit cependant se limiter à ce qui est admis par les bonnes mœurs. L'intéressé a de surcroît l'obligation de faire preuve d'une prudence d'autant plus grande que des rapports de hiérarchie le liant à celui ou à celle à qui il s'adresse. Les liens de subordination ne doivent donc en aucun cas être mis à profit pour réussir là où un tiers échouerait. En l'occurrence et en faisant même abstrac- tion de tout rapport hiérarchique, les limites de la bienséance la plus élémentaire ont été largement transgressées. X. a eu envers T. des paroles et des gestes indignes. Le chef d'atelier a par ailleurs abusé pendant longtemps de son rang aux dépens de sa victime.

Il reste à déterminer si la demande est fondée en tant qu'elle est dirigée contre E. Selon l'article 328 al. 1 CO, l'employeur protège et respecte, dans ses rapports de travail, la personnalité du travail- leur; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au main- tien de la moralité. Les obligations ainsi définies tendent en particu- lier à la préservation de l'intégrité psychique de l'employé et à la sauvegarde de son honneur (Staehelin, n. 6-7 ad art. 328; Rehbin- der, n. 4 ad art. 328). Même si les exigences à respecter doivent être déterminées sur la base de critères objectifs et même si elles sont susceptibles de varier suivant la nature de la profession exercée (Staehelin, n. 12 ad art. 328; Rehbinder, n. 5-6 ad art. 328), les limi- tes de l'admissible ont été, en l'occurrence et comme déjà indiqué, largement franchies.

En vertu de l'article lOI CO, l'employeur répond des actes de ses auxililaires (in casu, X.), même si ceux-ci excèdent le cadre de leur compétence et agissent au mépris d'instructions reçues (ATF 92 II 15 = JT 1966 1 526). Aucune preuve libératoire analogue à celles prévues à l'article 55 CO n'est reconnue.

La mise en œuvre des articles 101 et 328 CO appelle cependant une réserve, en ce sens qu'un employé atteint dans sa santé ou son honneur par un collègue de travail ou un supérieur hiérarchique doit porter les faits à la connaissance de l'employeur lorsqu'il peut supposer que celui-ci les ignore. S'il s'en abstient, l'on peut en déduire de sa part une renonciation à s'en prévaloir (cf. par analo- gie SJ 1943, p. 622-623 à propos de l'obligation du locataire de signaler les défauts apparents survenant en cours de bail). En l'espèce, T. est allée se plaindre auprès de la responsable du per- sonnel, mais les griefs ont été formulés en des termes confus, ce

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que l'appelante elle-même a admis, au moins implicitement. T. n'a de surcroît pas précisé ses accusations par écrit, notamment dans la lettre qu'elle a adressée au directeur général le 1er octobre 1988 ou postérieurement. Sous cet angle, elle a commis une faute.

La carence de l'employée n'était néanmoins pas de nature à libérer E. de se obligations. La responsable du personnel a en effet reconnu avoir recueilli des confidences d'une autre employée, un an auparavant, sur des manœuvres de harcèlement sexuel de la part de X. Simultanément, une autre ouvrière s'est plainte sur le même sujet. En outre, le service du personnel avait enregistré 1'appel du mari d'une employée, qui critiquait la sévérité excessive du chef d'atelier; or, une trop grande sévérité peut constituer un indice d'abus sexuels dans des rapports de travail.

Lorsque T. s'est présentée chez la responsable du service du per- sonnel, celle-ci a bien compris que parmi les griefs évoqués figu- raient des problèmes de revues pornographiques. Cette succession d'éléments aurait dû éveiller la méfiance chez l'employeur et appe- ler des mesures autres qu'un simple entretien avec X. Le cas échéant, T. aurait dû être reconvoquée, puis invitée à préciser ses griefs par écrit, indépendamment d'investigations complémentai- res, même si celles-ci, entreprises ultérieurement, fi' ont rien donné.

Une légère faute concomitante peut donc être reprochée à T. du fait de ses propos trop vagues.

Al' appui de sa défense, E. a relevé que le congé notifié à son employée trouvait son origine dans des circonstances autres que les manœuvres de harcèlement sexuel dont elle a été la victime. La légitimité de la résiliation n'est pas l'objet de la présente action.

Al' époque où elle est intervenue, elle n'avait du reste pas, selon la législation en vigueur, à être motivée. La Chambre d'appel pour- rait donc se dispenser d'entrer en matière sur la question. Elle observera simplement que les critiques formulées par X. à l'encon- tre de sa subordonnée, de 1986 à 1988, souffrent d'un manque total de crédibilité compte tenu des faits que la présente procédure a révélés.

Note: 1. La décision de première instance, qui niait l'existence de harcèlement sexuel en l'espèce, a été reproduite en partie in JAR 1989, p. 170. Lorsque les témoins craignent de parler, l'instruction du dossier se révèle particulièrement difficile. Il n'est donc pas surprenant que les faits n'aient pu être pleinement établis que sous la présidence d'un juge de carri.ère.

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2. Sous le nouveau droit du licenciement, la salariée qui serait congédiée pour s'être plainte de harcèlement sexuel bénéficierait de l'article 336 al. 1 lit. d CO: la résiliation constituerait en effet une mesure de représailles contre une employée qui a fait valoir de bonne foi le droit au respect de sa personnalité selon l'article 328 CO. Pour leur part, les collègues de travail qui, ayant témoigné contre leur employeur, seraient licenciés par celui-ci à titre de vengeance pourraient invoquer l'article 336 al. 1 lit. e CO: le congé aurait été prononcé à cause de l'accomplissement, par le travail- leur, de l'obligation légale de témoigner (SJ 1988, p. 586). Il faut rappeler que, en cas de licenciement abusif, le salarié peut exiger une indemnité, mais non pas la réintégration (art. 336a CO). Même s'ils touchent une indemnité, la victime du harcèlement sexuel ou les témoins risquent bel et bien leur place de travail à raison de leurs propos devant la justice.

3. L'arrêt ci-dessus reproche à la salariée une faute concomi- tante. Cette manière de voir soulève plusieurs objections.

D'abord, selon l'article 44 al. 1 CO, une telle faute joue un rôle lors de la fixation de l'indemnité due par l'auteur de la violation du contrat (art. 99 al. 3 CO). On voit mal quelle fonction elle peut remplir dans le cadre d'une action en constatation de droit, à l'occasion de laquelle la salariée ne demande précisément pas une indemnité.

En second lieu, la Chambre expose que la salariée qui ne se serait pas plainte auprès de ses supérieurs hiérarchiques de l'atteinte à ses droits de la personnalité pourrait être réputée avoir renoncé à s'en prèvaloir. Les juges ont perdu de vue que l'article 328 CO revêt un caractère impératif (art. 362 CO), de sorte que la salariée ne peut, durant le contrat et le mois qui suit la fin de celui-ci, renoncer au bénéfice de la protection qui en découle (art. 341 al. 1 CO).

Troisièmement, il faut rappeler que, selon l'article 328 CO, l'employeur n'a pas seulement l'obligation de respecter la person- nalité du travailleur: il doit aussi, comme le montre le texte lui- même, veiller au maintien de la moralité dans l'établissement. En l'espèce, il apparaît que E., qui avait pourtant reçu des plaintes au sujet du comportement de X., n'a rien entrepris pour élucider sérieusement les critiques formulées et pour faire cesser les agisse- ments allégués; d'ailleurs, il a nié toute violation de ses obligations du début à la fin de la procédure. Il est dès lors fort douteux que des plaintes plus insistantes l'eussent rangé à son devoir.

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La Chambre aurait dû constater, au contraire, que, malgré les démarches de plusieurs ouvrières, l'employeur n'a pas satisfait à son obligation d'intervenir activement pour maintenir la moralité dans l'entreprise.

Au surplus, en imposant des exigences sévères quant au contenu et à la forme (écrite!) des griefs que la victime doit faire valoir pour bénéficier de la protection légale, la Chambre d'appel oublie les risques de représailles auxquels s'exposaient T. et ses collègues. Cet oubli est d'autant plus regrettable que les juges ont eux-mêmes observé que T. a été licenciée en raison de ses plaintes et de sa résis- tance aux provocations de son chef. Il paraît difficile de reprocher une faute concomitante à la victime qui est allée si loin dans la protection de ses droits qu'elle en a perdu son emploi.

2. Art. 336 CO et 2 CC Licenciement pour cause d'activité syndicale .. abus de droit .. droit transitoire (CA, IV, 19.1.1989).

T. a appris le métier de monteur copiste offset. X., au service de qui il avait travaillé durant une quinzaine d'années, s'est déclaré entièrement satisfait de ses prestations. Le 8 mars 1985, T. a été engagé par Y. comme photographe de reproduction. Selon le contrat, il bénéficiait d'une période de formation de six mois. Son salaire mensuel brut s'élevait à fr. 3800. Au début du mois d'août 1986, Y. a déposé son bilan et licencié T. Sous la plume de E., Y. a délivré à T. un certificat de travail élogieux.

E. SA, dirigée par E., a repris les actifs de Y. Président de la section genevoise de l'Union suisse des lithographes (U.S.L.), T. a eu des entretiens avec le personnel de la société en faillite et les syndicats, dans le but de maintenir des emplois par la constitution de l'entreprise E. SA. T. a commencé à travailler au service de E. SA dès le 1er septembre 1986, en qualité de photographe de reproduction. Son salaire mensuel brut s'élevait à fr. 4000. E. SA n'a pas été admise comme membre de l'association patronale partie à la convention collective de la branche. T. fut ultérieurement élu membre du comité central de l'U.S.L.

Le 17 juin 1987 au matin, E. a convoqué une assemblée du personnel afin d'expliquer sa décision, prise le jour précédent, de résilier abruptement le contrat la liant à un de ses employés du fait que celui-ci venait de lui annoncer qu'il avait reçu un ordre de marche pour le 13 juillet, après avoir fait avancer la date de son

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école de recrues. Après cette réunion, le cas de ce travailleur fut à nouveau examiné lors d'un entretien entre T. et E. dans le bureau de ce dernier. E. rétracta le congé deux jours plus tard.

Lors de ce même entretien du 17 juin, E. reprocha à T. de ne pas l'avoir informé plus tôt qu'il devait participer l'après-midi même à une délégation des syndicats de la branche, afin de rencontrer la direction d'une autre entreprise, alors qu'il connaissait la date depuis plus d'une semaine. E. demanda à T. de renoncer à partici- per à cette réunion, car l'entreprise en cause comptait parmi ses clients. Après que T. eut expliqué qu'il était trop tard pour trouver un remplaçant, mais qu'il essaierait de le faire à l'avenir dans cette affaire, E. autorisa T. à se rendre à la réunion.

Par pli recommandé du 20 juillet 1987, E. résiliait le contrat de travail de T. avec effet au 30 septembre 1987. Une grande partie des ouvriers de l'entreprise s'opposa à ce congé, de même que l'Union des syndicats du canton de Genève. Par pli du 12 août 1987, E.

informait l'U.S.L. que le congé donné à T. était dû "au manque de qualité de son travail" et que son activité syndicale n'était pas en cause.

Saisi du différend par requête de l'U.S.L., l'Office cantonal de conciliation a considéré que l'audition des parties et les pièces produites n'avaient pas permis de mettre en èvidence de prime abord des manquements de T. et qu'il apparaissait au contraire que c'était en grande partie son activité syndicale qui avait déplu à son employeur. L'Office a invité T. à soumettr.e son litige à un tribunal arbitral ou aux tribunaux de prud'hommes. Il a aussi invité E. à retirer le congé si ce dernier était déclaré abusif.

T. réclame fr. 24.300 à titre d'indemnité pour résiliation abusive de son contrat de travail.

Le caractère abusif du congé donné par l'employeur en raison de l'exercice conforme au droit d'une activité syndicale a été reconnu par la jurisprudence .dans le cadre de l'article 2 al. 2 CC (cf. SJ 1989, p. 674 SS, note Aubert, avec références). Il a été confirmé par le législateur lors de la révision du droit du licencie- ment le 18 mars 1988 (art. 336 al. 2 lit. a CO). Les nouvelles régies ne sont évidemment pas applicables en l'espèce, dès lors que le congé litigieux a été donné avant leur entrée en vigueur le 1er janvier 1990.

Pour que la résiliation soit considérée comme abusive au sens de l'article 2 al. 2 CC, il faut un lien de causalité entre le motif qui n'est pas digne de protection et le congé lui-même, en ce sens que

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ce motif doit avoir influencé de manière décisive la résolution de l'employeur de mettre fin aux rapports de travail. Il n'appartient pas au juge d'examiner si le motif invoqué par l'employeur est sérieux ou non. Ce motif doit en revanche être réel et non abusif.

En l' espéce, E. a donné le congé sans le motiver mais a, par la suite, déclaré avoir résilié le contrat en raison de la mauvaise qualité du travail de T. E. a exposé que, dès 1987, le travail de T. était devenu insuffisant par rapport aux exigences de sa clientèle. T., en raison de son manque de formation professionnelle, n'aurait en particulier pas acquis les connaissances suffisantes pour effectuer des travaux en couleurs; même dans le domaine du noir et blanc, activité qu'il exerçait déjà au service de Y., il avait des lacunes par rapport à un homme de métier. E. a précisé avoir dit à T., lors de leur entretien du 17 juin 1987, que son travail était insuffisant, ce que ce dernier conteste absolument. E. a toutefois admis que la situation ne s'était pas dégradée entre cet entretien et le moment où il a donné le congé à T.

Le témoin Z. a également déclaré avoir reproché à plusieurs reprises à T. la mauvaise qualité de son travail, ainsi que la lenteur mise à l'accomplir. Ces faits sont expressément contestés par T. Z.

a ajouté que des clients s'étaient plaints de l'exécution défectueuse de travaux confiés à T. ; certains travaux avaient dû être refaits par un collègue de travail. Celui-ci, entendu comme témoin assermenté, a expressément contesté avoir dû refaire des travaux mal effectués par T. Au surplus? il convient de tenir compte avec circonspection des déclarations de Z., dans la mesure où celui-ci est signataire de la lettre de congé.

Selon plusieurs témoins, T. avait acquis les connaissances profes- sionnelles nécessaires pour bien effectuer son travail; l'on n'avait pas constaté l'existence de manquements. A leur connaissance, aucun reproche n'avait été adressé à T. quant à la qualité de son travail. Un cadre technico-commercial chez Y. a déclaré n'avoir jamais entendu parler de plaintes de la part de clients ou de la direc- tion en rapport avec les capacités professionnelles de T. ; il a précisé que T. s'était adapté assez facilement aux changements techniques pour accomplir des travaux en couleurs.

Ainsi, E. SA, qui affirme avoir résilié le contrat en raison de la mauvaise qualité du travail accompli par T., n'a toutefois apporté aucune preuve à l'appui de ses dires. Elle n'a pas été en mesure

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de donner ne serait-ce qu'un seul exemple concret de travail mal effectué ou de client mécontent des tâches exécutées par T. Les manquements reprochés à ce dernier sont ainsi restés vagues et imprécis. E. connaissait d'ailleurs bien les capacités professionnel- les de T. puisqu'il avait travaillé avec lui au sein de Y. et qu'il n'avait pas hésité à l'embaucher en qualité de photographe de reproduction dès la constitution de E. SA., après lui avoir de sur- croît délivré un certificat de travail élogieux. Les précédents employeurs de T. s'étaient également déclarés entièrement satisfaits de ses prestations et de son comportement. Il faut d'ailleurs tenir compte du fait que, dans le domaine de l'imprimerie, un travail de photo-lithographie n'est jamais livré au client sans avoir préalable- ment été soumis au chef d'atelier. Il est ainsi dans le cours ordinaire des choses, dans cette branche professionnelle, de refaire certains travaux sans que l'on puisse attribuer une quelconque responsabi- lité aux travailleurs qui les ont exécutés. Le matériel utilisé par E.

SA pour effectuer les travaux de photographie de reproduction n'était pas de la meilleure qualité, parce qu'ancien, même s'il était suffisant pour accomplir un travail convenable. Enfin, il faut pren- dre en compte le fait que E. a tardé à préciser les motifs du renvoi de T. (que celui-ci estimait abusil), alors que, dans un autre cas de congédiement d'un de ses employés, il avait aussitôt tenté de justi- fier sa décision. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Chambre d'appel considère que les prétendus manquements pro- fessionnels de T. ne constituent pas le véritable motif du congé.

Il apparaît bien au centraire que c'est l'activité syndicale exercée par T. qui est à l'origine de la décision de E. et qui a influencé l'employeur de manière décisive. Il est établi que la déclaration de congé se réfère à l'entretien du 17 juin entre E. et T. La Chambre d'appel a la conviction que seuls certains aspects de l'activité syndicale de T. ont été en cause lors de cette discussion. C'est au cours de celle-ci que T. a défendu un autre employé de E. SA avec succès puisque E. a rétracté le congé donné à ce travailleur alors qu'il avait préalablement tenté de justifier ce congé en présence de l'ensemble du personnel. Il n'est d'ailleurs pas contesté que E. a été très gêné par le fait que ce sont les membres de la direction d'une de ses clientes que devait rencontrer son employé en qualité de délégué de l'U.S.L. afin de la faire renoncer à son projet de déplacer la fabrication de son journal dans un autre canton. La Chambre d'appel considère que ce sont ces deux éléments qui

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sont à la base du congé querellé. Le renvoi de T. est ainsi dû de façon nettement prépondérante à son activité syndicale. Or, celle-ci a été exercée conformément à la loi et au contrat. Le fait que T.

ait peut-être tardé à informer son employeur de sa participation à la réunion avec une autre entreprise n'est pas pertinent à cet égard puisque, d'une part, E. autorisait T. à exercer une partie de ses acti- vités syndicales durant ses heures de travail (heures d'absence qu'il compensait par la suite) et que, d'autre part, il n'a pas été allégué que l'absence de T. durant l'après-midi en question ait perturbé l'organisation de l'entreprise. Ainsi, le congé est abusif au sens de l'article 2 al. 2 Cc.

Le Tribunal des prud'hommes a arrêté en équité à trois mois de salaire l'indemnité nette due par E. SA à T. en application des articles 41 et 49 CO. Il s'est notamment inspiré pour ce faire du montant de la réparation stipulée par l'article 36 de la convention de la branche en cas de résiliation injustifiée du contrat liant un employeur à un membre du comité de section de l'U.S.L., tout en considérant que cette convention n'était qu'indirectement applica- ble en l'espèce du fait que les parties au contrat individuel de travail (qui contenait une référence expresse à cette convention) n'étaient pas liées à celle-ci au sens de l'atticle 356b CO. La Chambre d'appel considère que le montant de l'indemnité ainsi fixée n'est nullement critiquable.

Note: 1. La Chambre d'appel utilise ici une expression patticu- lièrement heureuse, qui s'applique également sous l'empire du nouveau droit: le motif de la résiliation énoncé par ]' employeur doit être, d'une part, réel et, d'auue part, non abusif.

La décision donne à entendre que, en l'espèce, l'employeur aurait dû prouver le caractère réel du motif invoqué par lui, soit l'inaptitude professionnelle du travailleur. Formulé hors de son contexte, un tel principe se heurterait à la règle selon laquelle la preuve du caractère abusif du licenciement incombe au salarié (art.

8 CC), sauf lorsque celui-ci bénéficie de la protection spéciale de l'article 336 al. 2 lit. b CO, conférée aux représentants des travail- leurs. On peut se demander toutefois si la Chambre d'appel n'a pas voulu exprimer une opinion plus nuancée, qui correspond au bon sens: lorsque le travailleur parvient à présenter aux juges des indices suffisamment forts pour faire apparaître comme non réel le motif avancé par l'employeur, ce dernier ne peut rester inactif;

il n'a pas d'autre issue que d'apporter des preuves à l'appui de ses propres allégations.

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2. Le nouvel article 336 CO énonce les cas dans lesquels, à partir du 1er janvier 1989, la résiliation du contrat de travail doit être considérée comme abusive. Ce faisant, il concrétise en grande partie le principe renfermé à l'article 2 al. 2 CC (SJ 1989, p. 674, note Aubert; SJ 1988, p. 586, note Aubert; ATF III Il 243

=

JT 19861 80; JAR 1984, p. 171 et 122-123; TF, rr, 20.7.1983, cité in Aubert, Quatre cents arrêts ... , no 185; CA, VIII, 18.6.1981, ibid., no 166; ATF 107 Il 170-171

=

SJ 1981, p. 548 = JT 1981 1 287;

SJ 1981, p. 318; sur les rapports entre le nouvel art. 336 CO et l'art. 2 CC, cf. Berenstein, p. 489-490).

Toutefois, le nouveau texte ne se borne pas à une telle concrétisa- tion. II étend la protection du travailleur au-delà de celle résultant de la disposition générale. Ainsi, l'article 336 CO, globalement, ne réprime pas le congé manifestement abusif, mais le congé abusif tout court. Plus particulièrement et par exemple, l'article 336 al.

2 lit. b CO institue une nouvelle protection beaucoup plus vigou- reuse au bénéfice des représentants élus des travailleurs, dépassant de loin celle découlant de l'article 2 al. 2 CC (exigence d'un motif de résiliation justifié, prouvé par l'employeur).

On peut donc se demander si les règles nouvelles posées à l' arti- cle 336 CO, dans la mesure où elles débordent le cadre de l'article 2 al. 2 CC, déploient un effet rétroactif, leur permettant de s' appli- quer à une rèsiliation prononcée avant le 1er janvier 1989.

Comme on le verra plus bas (note ad arrêt 3 infra), selon l'article 2 des dispositions transitoires du code civil, le nouveau droit ne s'applique à des résiliations prononcées avant son entrée en vigueur que s'il revêt un caractère d'ordre public, c'est-à-dire s'il traduit

« des conceptions fondamentales de politique sociale et d'éthique»

(ATF 100 Il 105 = JT 1975 1 136, ad 142, avec réf.; cf. Bois et Schweizer, p. 58; Meier, p. 51; Mutzner, n. 22 ad art. 2).

A notre avis, l'article 2 al. 2 du code civil (en liaison d'ailleurs avec l'art. 20 CO) vise tous les licenciements qui, à raison de leur but, sont contraires à l'ordre public au sens rappelé ci-dessus. C'est en effet son rôle. Comme il s'applique évidemment aux licencie- ments prononcés avant le 1er janvier 1990, la question de savoir si le nouvel article 336 CO offre lui aussi une protection d'ordre public ne présente aucune portée pratique. II n'y a donc pas de place pour une application rétroactive du nouveau droit en matière de congés abusifs.

(14)

C'est ainsi à juste titre que la Chambre d'appel a examiné le licenciement prononcé avant le 1er janvier 1989 à la lumière de l'article 2 CC et non pas à celle de l'article 336 al. 2 lit. a CO.

3. Art. 336c CO Résiliation du contrat de travail en temps inop·

portun .. droit transitoire (CA, IX, 29.1.1990)

T. fut engagé le 6 novembre 1970 comme chef-comptable. Le 22 septembre 1988, il fut victime d'un accident non professionnel, à la suite duquel il fut totalement incapable de travailler. Par lettre du 22 novembre 1988, E. a résilié le contrat de travail. T. a reçu son salaire jusqu'au 28 février 1989. Il n'a recouvré sa capacité de travail qu'à 50 '10, dès la mi-mars 1989.

T. ne conteste pas que le délai de protection contre le congé fIxé par l'ancien article 336e al. 1 lit. b a été respecté, mais il estime que c'est le nouvel article 336c al. 1 lit. b, entré en vigueur le 1er janvier 1989 qui est applicable en l'espèce, car cette disposition serait d'ordre public; elle empêcherait ainsi le congé de déployer ses effets ou, à tous le moins, les reporterait jusqu'au 30 juin 1989.

La loi fédérale du 18 mars 1988 portant révision du titre X du code des obligations ne renferme pas de dispositions transitoires particulières relatives au nouveau droit sur la protection contre les congés. Il y a dès lors lieu de se référer à cet égard au titre fInal du code civil, qui contient les règles générales de droit intertemporel (ci-après: DT; ATF 41 II 274

=

JT 19161 130; ATF 94 II 240

=

JT 1970 1 162).

L'article 1 DT pose le principe général de la non-rétroactivité des lois. On peut déduire de cette disposition que la force obligatoire et les effets des actes juridiques, tels que la résiliation du contrat de travail, accomplis avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, in casu le 1er janvier 1989, restent soumis, même après cette date, à la loi en vigueur à l'époque où ces actes ont eu lieu. Ainsi, dans la mesure où le congé a été notifié à T. en 1988, il continue à être régi, quant à sa validité et à ses effets juridiques, par l'ancien droit.

On ne saurait en particulier, comme le soutient subsidiairement T., soumettre à deux droits différents l'acte lui-même, soit, d'une part, la résiliation, et, d'autre part, ses effets.

Il sied toutefois de faire exception à ce principe lorsque les nouvelles règles ont été édictées dans l'intérêt de l'ordre public et des bonnes moeurs, puisque de telles normes sont applicables

(15)

rétroactivement (art. 2 DT). Il ne suffit cependant pas qu'une disposition soit impérative, comme l'est le nouvel article 336c CO, pour que l'on puisse admettre son caractère d'ordre public (ATF 100 II 105 = JT 1975 1 136, 142-143 avec réf.). Elle ne l'acquiert que dans la mesure où elle est l'expression des concep- tions fondamentales du législateur en matière de politique sociale et d'éthique. En d'autres termes, une institution de l'ancien droit ne peut être jugée contraire à l'ordre public que lorsque, dans l'espèce considérée, les effets juridiques découlant de l'ancien droit seraient contraire à l'ordre public et aux mœurs selon les concep- tions du nouveau droit (cf. arrêt précité).

La Chambre d'appel considère que l'alinéa 1 lit. b du nouvel article 336c CO ne revêt pas un caractère d'ordre public, puisque son seul effet est de prolonger à cent quatre-vingts jours, à partir de la sixième année de service, la période de protection contre la résiliation en temps inopportun qui était, sous l'empire de l'ancien droit, de huit semaines. L'accroissement de cette période de protec- tion contre le congé n'appartient manifestement pas aux principes fondamentaux de l'ordre juridique actuel.

En conséquence, E. a valablement résilié le contrat pour le terme du 28 février 1989. La prétention de T. en paiement de son salaire pour les mois de mars à septembre 1989 doit être rejetée.

Note: 1. Les dispositions générales du titre final du code civil, concernant le droit transitoire, sont applicables au droit des obli- gations, à moins que le législateur n'ait adopté lui-même des dispositions transitoires spéciales (Sch6nenberger et Jiiggi, n. 73 ad Allg. Einleitung; Broggini, p. 430; Stauffer, n. 3 ad art. 1; Reichel, n. 1 ad Vorbem.; Mutzner, n. 14 ad Einl. et n. 32 ad art.!). Comme l'admet la Chambre d'appel, dès lors que la loi fédérale du 18 mars 1988 portant révision du titre X du code des obligations ne renferme pas de disposition transitoire particulière à ce domaine, il faut se référer au titre final du code civil (Praxis 1990, p. 609;

RJN 1989, p. 79-80). C'est ainsi à tort qu'une circulaire non publiée de l'Office fédéral de la justice, adressée le 12 décembre 1988 aux juridictions du travail, considère qu'il n'y a pas lieu d'appliquer ces dispositions transitoires au nouveau droit du licenciement, car elles ne conduiraient pas toujours à des résultats satisfaisants (p. 2 et 3 de ladite note; voir aussi, pour une appli- cation pointilliste du titre final: Bois et Schweizer, p. 58).

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2. Selon la jurisprudence et la doctrine, s'agissant de la fin des contrats, le fait ou acte décisif est la résiliation; les effets de cette dernière dépendent du moment où elle s'est produite (dans ce sens le Tribunal fédéral, ATF 16, 1890, p. 361-362, qui vise la « auf- hebende Tatsache»; d'une façon générale Braggini, p. 434-438;

Stauffer, n. 44 ad art. l, vise également la « aufhebende Tatsache»;

Reichel, n. 7 ad art. 1, vise expressément la «Kündigung»; voir aussi Mutzner, n. l, 15, 32, 67, 71 et 73-74 ad art. 1; Giesker-Zeller, . p. 23).

Les règles de droit transitoire posées par le titre final distinguent entre trois types de normes applicables (voir en général: Desche- naux et Steinauer, p. 552-553).

a) Normes dis positives Si le nouveau droit est dispositif, la volonté des parties prévaut. Lorsqu'ils n'ont rien prévu dans leur accord, les contractants sont réputés avoir admis l'application du droit en vigueur lors de la conclusion du contrat, de sorte que ce droit s'applique même après la modification de la loi (art. 1

m;

ATF 18, 1892, p. 782; ATF 16, 1890, p. 114). Ainsi, dans l'hypo- thèse où la loi nouvelle est dis positive, les normes applicables à la résiliation du contrat intervenue avant ou après leur entrée en vigueur seront celles voulues par les parties ou, à défaut de convention à cet égard, celles en vigueur lors de la conclusion du contrat.

b) Normes impératives En deuxième lieu, lorsque les règles du nouveau droit s'appliquent indépendamment de la volonté des par, ties, c'est-à-dire lorsqu'eUes revêtent un caractère impératif, elles régissent tous les actes accomplis après leur entrée en vigueur.

L'ancien droit ne leur est donc plus applicable (art.3

m;

RJN 1989, p. 79-80; ATF 22, 1896, p. 843; ATF 20, 1894, p. 177; Brag- gini, p. 443 ss; Mu/zner, n. 29 ad art. 3).Ainsi, dans l'hypothèse où elles sont impératives, les nouvelles normes s'appliquent à la résiliation du contrat si cette résiliation est intervenue après leur entrée en vigueur.

c) Normes d'ordre public Enfin, lorsque les règles du nouveau droit sont établies dans l'intérêt de l'ordre public et des bonnes mœurs, elles l'emportent sur l'ancien droit, qui n'est plus applica- ble (art. 2 m). Selon une partie de la doctrine, les règles d'ordre public ne s'appliquent sans autre préalable qu'aux faits ou aux actes intervenus après leur entrée en vigueur; dans cette perspec- tive, il n'y aurait pas de distinction importante, quant à leurs effets, entre les règles impératives et celles d'ordre public (cf. Braggini,

(17)

p. 450 ss; Reichel, n. 52 ad art. 2; moins clair, Mutzner, n. 16, 17 et 38 ad art. 2). Cette interprétation ne peut être suivie. D'abord, on voit mal pourquoi le législateur aurait édicté deux fois la même règle dans des articles distincts et successifs du titre final (les arti- cles 2 et 3). En second lieu, le texte même de l'article 2, alinéa 2 DT indique que «fie peuvent plus ( ... ) recevoir aucune applica- tion», dès l'entrée en vigueur du nouveau droit, les règles de l'ancien droit contraires à l'ordre public ou aux mœurs, sans distin- guer selon que les faits ou actes en cause se sont produits ou ont été accomplis sous l'ancien ou sous le nouveau droit (cf. l'art. 2 al. 1 : « à tous les faits>,). Ainsi, les normes d'ordre public s'appli- quent dès leur entrée en vigueur à tous les faits ou actes postérieurs.

ou antérieurs à cette entrée en vigueur.

Les règles d'ordre public sont celles qui traduisent des principes fondamentaux de l'ordre juridique actuel, soit des conceptions fondamentales de politique sociale et d'éthique (ATF 100 II 105 = ~T 1975 1 136, ad 142, avec réf.). Certes, l'idée d'une protec- tion contre le congé en temps inopportun est solidement ancrée dans notre législation et dans notre conception de la politique sociale. Il n'apparaît pas, toutefois, que des périodes de protection plus étendues que par le passé fassent partie, à compter du 1er jan- vier de cette année, des conceptions fondamentales de notre droit, à tel point que l'application de l'ancienne réglementation serait incompatible avec l'ordre public. Au contraire, il n 'y a rien de choquant à ce que les tribunaux appliquent à une résiliation pro- noncée en 1988 les dispositions en vigueur à l'époque en matière de protection contre le congé en temps inopportun (dans le même sens, Meier, p. 51; contra: Office fédéral de la justice, avis précité, p. 7).

3. Dans l'affaire résumée ci-dessus, la Chambre d'appel admet, à juste titre, que les règles d'ordre public déploient un effet rétroac- tif; considérant toutefois que le nouvel article 336c CO ne revêt pas un tel caractère d'ordre public, elle refuse de l'appliquer à une rési- liation prononcée avant le 1er janvier 1990. Cette constatation n'épuise toutefois pas le sujet. En effet, le nouvel article 336c CO étant impératif, il fallait examiner les effets de l'article 3 lJf. Même si l'on peut regretter que la Chambre d'appel n'ait pas fondé sa décision sur cette disposition, force est de constater que le résultat n'en eût pas été modifié, puisque, comme on l'a vu ci-dessus, les dispositions impératives nouvelles ne régissent que les résiliations prononcées depuis le 1er janvier 1989.

(18)

4. En cette matière controversée, il a été soutenu en France que les délais qui ont commencé de courir sous la loi ancienne, sans avoir expiré, sont calculés à la lumière de la loi nouvelle (Roubier, p. 300, 409-410 et 565). Dans le domaine de la prescription, le droit suisse a adopté une règle analogue (cf. art. 49 DT).

Appliqué au «délai» de protection prévu par l'article 336c al. 1 lit. b CO, un tel principe ne modifiait pas la solution retenue ici par la Chambre d'appel, puisque la période de protection (huit semaines dès le début de l'incapacité de travail), prévue par l'ancien droit, avait d'ores et déjà expiré sous l'empire de celui-ci, avant le 1er janvier 1989; sauf à ouvrir la porte à un effet véritable- ment rétroactif du nouveau droit, il n'était pas possible de la faire renaitre le 1er janvier 1989.

La solution de Roubier ne saurait jouer un rôle que dans l'hypo- thèse, différente, où la période de protection n'est pas arrivée à son terme sous l'ancien droit et doit continuer à courir sous le nouveau.

L'application par analogie de l'article 49 DT (concernant la pres- cription) nous paraît difficile, car cette disposition comporte des nuances qui s'appliquent mal aux périodes d'incapacité de travail.

De plus, on ne verrait guère que la loi doive régir de façon identique la durée d'un délai de prescription, dont l'échéance paralyse les droits des parties, et celle de la protection contre la résiliation, dont les effets, au contraire, prolongent les droits et obligations des parties, c'est-à-dire le contrat lui-même. A notre avis, dans le domaine du licenciement, il vaut mieux s'en teuir à la jurispru- dence et à la doctrine, qui, comme d'ailleurs l'article 1 DT, sou- mettent à un seul régime la validité de la résiliation du contrat et les effets de celle-ci, de telle sorte que les régies impératives nou- velles ne s'appliquent qu'aux résiliations prononcées aprés leur entrée en vigueur.

4_ Art. 337c al. 1 CO Réduction de la créance du travailleur en cas de licenciement immédiat injustifié (TF, rr, 31.5.1989).

E. a licencié T. avec effet immédiat, de façon injustifiée. Selon elle, la cour cantonale se serait trompée sur la nature juridique de l'indemuité due à T. Il s'agirait non d'un salaire, mais de dommages-intérêts. Comme T. aurait commis une faute concomi- tante, E. conclut à ce que l'indemnité allouée par la cour cantonale soit réduite de 60 "70.

(19)

3.- a) Contrairement à ce qu'affirme E., la cour cantonale n'a pas ignoré la nature juridique de la créance du travailleur frappé d'un licenciement immédiat injustifié. L'article 337c al. 1 aCO - en vigueur lors du jugement - reconnaît expressément un droit au salaire. En examinant l'existence d'une éventuelle faute concur- . rente, au sens de l'article 44 CO, la cour cantonale a respecté la

jurisprudence du Tlibunal fédéral, qui admet que, lorsque le tra- vailleur n'a plus à effectuer le travail, sa créance ressemble à une créance en dommages-intérêts et peut être réduite selon les circons- tances par application analogique de cette disposition (ATF 97 II 150 = JT 1972 1 159; arrêt non publié du 11 février 1986 cité par Aubert, SJ 1987 p. 560).

b) Quant aux conditions d'application de l'article 44 CO, le juge ne peut réduire l'indemnité due au travailleur que s'il hésite à tel point, avant de reconnaître l'absence de justification du licen- ciement avec effet immédiat, qu'il paraît équitable d'adopter une solution nuancée et de libérer l'employeur d'une partie de l'indem- nité due (Aubert, in SJ 1987, p. 563 s). En l'espèce,l'arrêt attaqué retient que ne s'est réalisée aucune des conditions auxquelles E., dans sa lettre du 21 septembre 1987, soumettait l'éventualité d'un congé immédiat. Quant aux événements antérieurs à cette date, E.

a estimé qu'ils ne méritaient qu'un avertissement. Il n'y a ainsi pas place pour la moindre hésitation permettant de réduire les sommes dues au travailleur.

Note: De vives controverses ont entouré la jurisprudence du Tri- bunal fédéral permettant de réduire, par application analogique de l'article 44 CO, le salaire dû au travailleur en cas de licenciement immédiat injustifié (cf. SJ 1987, p. 558, note Aubert, avec réf.).

Dans l'arrêt résumé ci-dessus, le Tribunal fédéral infléchit sa pratique pour n'admettre une telle réduction qu'à des conditions strictes, c'est-à-dire dans les seuls cas où le caractère injustifié du licenciement est si peu évident que le juge hésite fortement avant de le déclarer tel.

Le nouveau droit du licenciement apporte un changement nota- ble sur de point. En indiquant à l'article 337c al. 1 CO que, en cas de licenciement immédiat injustifié, le salarié a droit à « ce qu'il aurait gagné» jusqu'à l'échéance normale du contrat, le législateur a voulu marquer que ce montant n'est pas susceptible de réduction: Comme le montrent les travaux préparatoires, le juge

(20)

peut tenir compte d'une éventuelle faute concomitante du travail- leur non pas dans l'application de l'article 337c al. 1 CO, mais dans celle de l'article 337c al. 3 CO (pénalité supplémentaire). C'est ce qu'a déclaré le Conseil fédéral (FF 1984 II 635, avec renvois à la jurisprudence et à la doctrine). Cette manière de voir a été confir- mée par le rapporteur de la Commission du Conseil national, qui n'a pas été contredit: «N ach der neuen Version wird der Anspruch zu einem Schadenersatzanspruch besonderer Art, der beispiels- weise nicht der tllIgemeinen Herabsetzungsklausel wegen Selbstver- schuldens unterliegt» (BOCN 1985, p. 1153; nous soulignons).

II suit, à notre avis, qu'une réduction de la créance fondée sur l'article 337c al. 1 CO n'est plus possible (dans le même sens, Berenstein, p. 491). Le contraire est soutenu par Fritz, qui, sur ce point, passe sous silence le message du Conseil fédéral et les débats devant le Conseil national (p. 43) et par Brunner, Bühler et Waeber (p. 192), qui, tout en citant le message, entend.ent ici faire abstrac- tion de la volonté du législateur.

5. Art. 342 al. 2 CO Conditions de travail des étrangers; portée de l'autorisation flXant un salaire iriférieur à celui prévu dans la convention collective de la branche; treizième mois non visé dans l'autorisation (CA XI, 30.1.1989).

T. a commencé à travailler au service de E., entreprise de parcs et jardins, en 1977, comme aide-jardinier. Les premières années, T., de nationalité yougoslave, travailla sans se trouver au bénéfice d'un titre de séjour ou de travail valable. A partir de 1984, E. solli- cita et obtint l'autorisation d'occuper T. comme saisonnier. Les formules de demande d'autorisation, approuvées d'année en année, indiquaient sous la rubrique «salaire» fr. 11.50 l'heure pour 1984 et 1985, fr. 12.50 l'heure pour 1986 et 1987. La convention collective de la branche fixait le salaire horaire minimum suivant pour les aides jardiniers ayant plus de quatre ans de pratique:

fr. 12 pour 1984, fr. 12.70 pour 1985, fr. 13.59 pour 1986 et fr. 13.87 pour 1987. Elle prévoyait en outre le droit à un treizième mois, calculé, pour les saisonniers, à 8.,. du revenu total réalisé en cours d'année jusqu'en 1985 et 8,3 % dès 1986.

E. n'est pas membre d'une association professionnelle signataire de la convention collective. Il n'a pas signé, auprés de l'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail, un engagement individuel de respecter les clauses d'une convention collective.

(21)

T. cessa de travaiUer au service de E. le 18 décembre 1987. Par demande déposée le 10 décembre 1987, il a assigné E. en paiement de fr. 35.855 avec intérêts pour arriérés de salaire, etc., en faisant valoir que les dispositions de droit public en matière d'emploi des étrangers lui donnaient le droit à la rémunération prévue par la convention collective.

A teneur des prescriptions de droit public en matière d'emploi des étrangers (art. 9 de l'ordonnance limitant le nombre des étran- gers, ci·après OLE, R.S. 823.21), les autorités cantonales ne peu- vent octroyer l'autorisation de travailler à des étrangers que si l'employeur accorde à ceux-ci les mêmes conditions de rémunéra- tion qu'à un travailleur suisse. Pour déterminer le salaire, les auto- rités cantonales se réfèrent notamment aux usages et aux conven- tions collectives dans la profession. A teneur même de l'article 9 al. 2 OLE, lequel fait référence à d'autres critères, le salaire de réfé- rence ne semble pas correspondre nécessairement à ceux prévus dans la convention collective de la branche. A cet égard, il sied de rappeler que la convention collective est un contrat entre partenai- res sociaux, relevant, sauf décision d'extension, uniquement du droit privé, les salaires minimum étant fIxés indépendamment d'une intervention étatique.

En l'espèce, E. a sollicité et obtenu, d'année en année, des auto- risations de travail à des salaires inférieurs à ceux prévus par la con- vention collective. Certes, selon ses propres déclarations, il connais- sait le taux horaire minimum fIxé par ce texte. Toutefois, il convient de tenir compte du fait que, systématiquement et pendant des années, E. s'est vu accorder l'autorisation nécessaire pour l'emploi de saisonniers à des tarifs inférieurs. De ce fait, E. pouvait de bonne foi penser respecter les obligations légales liées à l'emploi de tra- vailleurs étrangers, particulièrement en ce qui concerne le salaire horaire.

Il s'ensuit que T., qui avait accepté les conditions faites par son patron, n'est pas fondé à réclamer la différence entre le salaire reçu et celui stipulé dans la convention collective.

La rémunération globale d'un travailleur ne se compose généra- lement pas seulement du salaire horaire. Dans la branche, confor- mément à la convention collective, il est ainsi d'usage de verser un treizième mois. Ce dernier doit dès lors être considéré comme un élément de salaire faisant naturellement partie de la rémunération

(22)

globale des travailleurs. En vertu des règles susvisées de l'OLE, l'étranger y a. droit au même titte qu'un travailleur suisse. Il est à préciser que les autorisations accordées à E. ne comportent que l'indication, sous la rubrique «salaire», du taux horaire accordé à l'étranger et ne fait nullement référence à d'autres avantages salariaux; E. ne saurait dès lors s'en prévaloir pour refuser à T.

le droit au treizième mois.

Note: Par définition, le, travail noir se cache. On le rencontre rarement dans les annales judiciaires. Pourtant, en 1989, la Cham- bre d'appel des prud' hommes a jugé, dans ce domaine, plusieurs affaires suscitant des problèmes délicats.

Rappelons d'abord que le contrat de travail passé avec un étran- ger non muni d'une autorisation d'exercer une activité lucrative n'est pas nul (ATF 114 II 279 = SJ 1988, p. 609 = JT 1988 1 537 = JAR 1989, p. 101; cf. Aubert, Contrat de travail..., p. 619).

La question qui surgit est de savoir si son contenu est laissé à la libre convention des parties.

La réglementation fédérale pose le principe que les travailleurs étrangers doivent être traités de la même façon que les Suisses;

ils ne peuvent en effet bénéficier d'une autorisation que si l'employeur leur accorde les mêmes conditions de rèmunération et de travail en usage dans la localité et la profession qu'il accorde aux Suisses (art. 9 al. IOLE). Pour déterminer les salaires et les conditions de travail en usage dans la localité et la profession,

\'autorité tient compte des prescriptions légales, des salaires et des conditions pratiqués pour un travail semblable dans la même entre- prise et dans la même branche, des conventions collectives et des contrats-types de travail, ainsi que des relevés statistiques sur les salaires établis par l'OFIAMT chaque année (art. 9 al. 2 OLE).

Comme on sait, il s'agit de protéger non seulement les étrangers, mais aussi la main d' œuvre indigène, qui ne pourrait admettre la concurrence de travailleurs acceptant, pour pouvoir vivre en Suisse, des conditions d'engagement inférieures aux leurs (Ropp, p. 284).

Malgré la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui n'a nuJlement examiné la portée de l'article 342 al. 2 CO en la matière (ATF 112 Il 507

=

JT 1987 1 80

=

JAR 1988 p. 184), la pratique cantonale admet à juste titre que les conditions de travail fixées par l'autorité déploient des effets de droit civil, de sorte que le salarié étranger peut s'en prévaloir devant les juridictions du travail (JAR 1989,

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p. 137 et 138; JAR 1987, p. 293; JAR 1986, p. 180-181; SJ 1986, p. 307, note Aubert; SJ 1987, p. 570, note Aubert; contra: JAR 1989, p. 136).

Lorsque J'autorité administrative s'est prononcée sur le contenu des conditions de travail, le juge civil doit en principe se considérer comme lié par cette décision (Grisel, p. 190). En revanche, lorsque l'autorité administrative ne s'est pas prononcée, le juge civil s'estime en général compétent pour trancher les questions préjudi- cielles dont dépend le sort du litige (Grisel , p. 188).

En l'espèce, la Chambre d'appel s'est sentie, à raison, liée par la décision administrative concernant le montant du salaire horaire.

En revanche, elle est allée plus loin que cette dernière s'agissant du treizième mois, au motif implicite que la décision était lacunaire sur ce point. Il est à tout le moins douteux qu'elle ait été compé- tente pour revoir le prononcé administratif.

La Chambre d'appel n'a pas eu à résoudre une question voisine, qui ne manque pas d'importance. En l'absence de permis de tra- vail, l'autorité, par définition, n'a pas fixé les conditions d' enga- gement. Est-à-dire que les parties seraient libres de déterminer ces conditions comme il leur plaît?

Dans la réglementation du travail des étrangers, le principe de l'égalité de traitement avec la main d'oeuvre suisse joue un rôle fon- damental. Il ne serait pas admissible de laisser des employeurs peu scrupuleux et des salariés en position de faiblesse y échapper en s'abstenant, tout simplement, de solliciter l'autorisation de travail requise. L'on doit donc, à notre avis, reconnaître pleinement l'effet civil impératif de l'article 9 OLE. Ainsi, dans la mesure où elles sont inférieures à celles qui eussent été déterminées en application de cette disposition, les conditions de travail fIxées dans le contrat individuel sont nulles: le juge civil doit faire prévaloir le respect de l'article 9 OLE et défmir lui-même, à titre préjudiciel, les conditions d'engagement conformes à l'ordonnance (art. 342 al. 2 CO; pour un autre cas de fIxation du salaire selon l'usage, cf. l'art. 322 CO; contra: Rapp, p. 284). C'est le seul moyen d'empêcher effIcacement que les employeurs ne retirent un profIt injustifIé d'une violation de la réglementation sur le travail des étrangers. Dès lors que la loi prévoit elle-même une construction qui permet d'atteindre ce but, il s'impose d'autant plus de ne pas rendre le travail noir plus favorable aux employeurs que le travail dûment déclaré.

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6. Art. 342 aI. 2 CO Conditions de travail des étrangers; portée de J'autorisation ]vcant un salaire supérieur à celui prévu dans la convention collective de la branche; simulation; abus de droit;

dénonciation au Procureur général (CA, III, 11.1.1990).

T. a travaillé du 8 septembre 1986 au 31 décembre 1988. pour E., entreprise de mécanique de précision. Il était au bénéfice d'une autorisation de travail pour frontalier. La demande, signée à la fois par l'employeur et par le frontalier, indique que ce dernier devait être engagé en qualité de mécanicien opérateur pour un salaire de fr. 25 l'heure. Le 20 août 1987, E. et T. ont renouvelé la demande d'autorisation de travail pour frontalier; le salaire indiqué est cette fois de fr. 17 l'heure. Enfin, une nouvelle demande a été déposée par E. et T. le 24 août 1988; le salaire prévu est de fr. 18,25 l'heure.

En réalité, dès le premier mois de son engagement et jusqu'au 30 septembre 1987, T. a été payé fr. 17 l'heure. Du 1" octobre au 31 décembre 1987, il a reçu fr. 18 l'heure; du 1" janvier au 31 juillet 1988, fr. 18,25 l'heure; enfin du 1" août au 31 décembre 1988, fr. 19,25 l'heure.

T. a assigné E. en paiement, notamment, deOfr. 19.508 d'arriérés de salaires pour la période de septembre 1986 à août 1987. Ce mon- tant comprend la différence entre les fr. 25 indiqués dans la deman- de et les fr. 17 effectivement reçus par T.

Il est vrai, selon la jurisprudence de la Chambre d'appel et l'avis de Gabriel Aubert, que l'employeur est en principe lié vis-à-vis de l'Etat par une obligation de droit public de respecter le salaire indi- qué dans la demande d'autorisation d'emploi, car, en acceptant ladite demande, les autorités fixent implicitement comme condi- tion à cette acceptation le respect des conditions énoncées dans la formule de demande (art. 342 al. 2 CO; 8J 1987, p. 570, note Aubert; 8J 1986, p. 307, note Aubert).

Reste toutefois à déterminer si le travailleur peut dans tous les cas réclamer à son profit le montant du salaire qui figure dans la demande d'autorisation d'emploi. La Chambre d'appel considère que tel n'est pas le cas. En effet, afin de pou voir faire valoir ses droits valablement, l'employé doit être de bonne foi. A supposer qu'il ne le soit pas, l'exercice de son droit, en principe reconnu par la Chambre d'appel, se heurte à l'article 2 al. 2 CC, qui prescrit que l'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi.

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Tel est le cas en l'espèce pour les motifs suivants. T. a rédigé lui- même un curriculum vitae indiquant que le salaire réclamé par lui était de fr. 18 l'heure. Il a reçu dès le mois de septembre 1986 un salaire de fr. 17 l'heure, ce qui ressort clairement des décomptes de salaire qui lui ont été remis par E. T. n'a apporté aucune preuve des protestations qu'il aurait émises en recevant un salaire de fr. 17 l' heure. En outre, les années suivantes, T. a reçu des rému- nérations très inférieures aux fr. 25 figurant dans la première demande d'autorisation de travail. Il a lui-même signé deux demandes d'autorisation de travail portant sur des salaires horaires de plusieurs francs inférieurs à celui de la première demande.

Enfin, le salaire de fr. 25 l'heure était de très loin plus haut que les salaires du marché pour un employé ayant les qualifications de T.: le chef d'atelier gagnait en 1986 fr. 23 l'heure, ce qui aurait correspondu à fr. 380 de moins, par mois, que le salaire réclamé par T.

Il résulte de ces différents éléments que la Chambre d'appel considère comme établi que les parties sont convenues d'un salaire de fr. 17 l' heure; elles ont inscrit le salaire de fr. 25 sur la demande destinée aux autorités afin d'obtenir de celles-ci un avis favorable.

La demande de T. doit donc être rejetée. Il est donné acte à T.

de ce que son employeur s'est engagé à lui payer fr. 800,65, somme correspondant à la différence entre le salaire payé au début des relations contractuelles et celui prévu par la convention collective.

Au vu de ce qui précède, la demande d'autorisation de travail pour frontalier, du 5 juin 1986, constitue probablement un faux dans les titres, les signataires ayant délibérément menti à l'autorité dans le but de se procurer une autorisation qu'elles n'auraient peut-être pas obtenue autrement. Copie du présent arrêt sera en conséquence transmise à Monsieur le Procureur général, qui exa- minera l'opportunité d'ouvrir une information pénale. Pour les mêmes motifs, la Chambre d'appel, qui désapprouve fermement un tel mode de faire de la part d'un employeur, transmettra égaIe- ment copie du présent arrêt à l'Office cantonal de l'emploi pour information.

Note: La Chambre d'appel applique ici l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). A notre avis, il eût été plus correct de mettre en oeuvre l'article 18 CO: en cas de simulation, il faut donner effet à la commune et réelle intention des parties. Dans la mesure où elle dépassait le salaire usuel dans la branche pour

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l'emploi effectivement considéré par les parties, la rémunération contractuelle ne se heurtait pas à l'effet civil impératif de l'article 9 OLE (pour un autre exemple de simulation, cf. CA, VI, 2.10.1989). Notons que, pendant une courte période, le salaire contractuel était inférieur au salaire fixé par la convention collec- tive de la branche; l'employeur a spontanément accepté de verser la différence.

7. Art. 342 al. 2 CO; art. 14 LAVS Conditions de travail des étrangers; conditions de travail inférieures à celles prevues à la convention collective étendue .. accord entre la salariée et l'em- ployeur, qui s'entendent pour ne pas verser les cotisations A VS ..

action de la salariée, qui demande le respect de la convention collective .. abus de droit (CA, VI, 14.3.1989).

De 1977 à 1982, puis dès 1984, T., de nationalité étrangère, a travaillé en tant que serveuse au restaurant E. Son horaire était de 52,5 heures par semaine. Elle recevait un salaire de fr. 2.200 par mois. L'emploi n'a pas fait l'objet d'une autorisation de travail, du moins, semble-t-il, jusqu'en 1986. Il ressort de décomptes concernant mai et juin 1987 que des cotisations sociales ont été déduites; on ignore si elles ont été versées aux caisses compétentes.

Le 23 novembre 1987, après une période d'hospitalisation attestée par un certificat médical, T. voulut reprendre son travail; E. lui déclara abruptement qu'elle ne faisait plus partie de son personnel et qu'elle avait été remplacée. E. dut verser les cotisations sociales arriérées. T. exigea, notamment, la rémunération des congés heb- domadaires qui n'avaient pas été accordés. E. résista, en expliquant qu'il avait toujours été convenu entre les parties que le salaire de fr. 2.200 représentait la rémunération globale de l'employée. Selon lui, un salaire très différent aurait été convenu en 1984 si T. avait été régulièrement déclarée dès le début auprès des autorités.

En fait, durant tout l'emploi, T. a touché un salaire net supérieur au salaire brut prévu à la convention collective nationale de la branche, étendue par arrêté du Conseil fédéral. Cette différence en faveur de T. dépasse au total le montant réclamé par T. pour la rétribution des jours de congé non pris.

Il ressort de la procédure qu'en 1984 les parties sont convenues d'un salaire net de fr. 2.200 par mois, avec un horaire de travail hebdomadaire bien déterminé, sans versement de la moindre

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