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La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1986

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La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1986

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1986. La Semaine judiciaire , 1987, vol. 109, no. 34, p. 545-575

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12175

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La jurisprudence

sur le contrat de travail

à Genève en 1986

par Gabriel AUBERT professeur à la Faculté de droit

Faisant suite à celle publiée dans la Semaine judiciaire de 1986 (p. 289 ss.), la présente chronique expose et commente quelques décisions significatives du Tribunal fédéral et de la Chambre d'appel dans des affaires genevoises en 1986.

La plupart des arrêts touchent une matière fréquemment abor- dée par la juridiction prud'homale: celle du licenciement. Nous avons pu tenir compte de deux arrêts rendus dans ce domaine par le Tribunal fédéral au printemps 1987, sur des problèmes impor- tants traités par la Chambre d'appel en 1986 '.

*

Les ouvrages et les articles cités dans le lexte sont les suivants:

Aubert, G.: La compétence des tribunaux de prud'hommes à la lumière de la jurisprudence récente, SJ 1982, p. 193; Aubert, G.:

l'extension « de facto» des conventions collectives de travail, RDAF 1984, p. 52; Aubert G. : Quatre cenis arrêts sur le contrat de travail, Lausanne 1984; Aubert, G. : La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1985, SJ 1986. p. 289; Bigler, F.W. ; Commentaire de la loi -fédérale sur le travail, trad. fr., Berne 1986; Brühwiler, J. : Hand- kommentar zum Einzelarbeitsvertrag, Berne 1978; Brühwiler, J. : Die fristlose Auflôsung des Arbeitsverhâltnisses, RSJ 1985, p. 69 ; Casa-

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1. Jurisprudence sur le droit de fond

1. Art. 321 c CO (Nos 66-75). Heures supplémentaires; récla- mation tardive; abus de droit? (CA, IX, 21.11.1986).

Un travailleur peut prétendre à la rémunération d'heures sup- plémentaires même s'il s'est abstenu durant plusieurs mois ou années de formuler des prétentions à ce titre. L'employeur n'est en principe pas autorisé à invoquer l'abus de droit; sa défense est limitée au moyen de la prescription quinquennale de l'art.

128 ch. 3 CO.

Note: La Chambre d'appel se rallie ici expressément à nos observations in SJ 1986, p. 293. Cette jurisprudence est main- tenant bien établie (dans ce sens, CA, II, 27.11.1986; VII, 12.6.

1986; V, 11.3.1986; XII, 27.2.1986).

2. Art. 336 CO, 24 CO et 2 CC (Nos 181 et 184-185). Transac- tion judiciaire; invalidation; licenciement abusif (CA, V, 10.

12.1986).

Prétendant être créancier de E. pour un montant de fr. 2489, T., qui était encore au service de son employeur, a ouvert action nova, H.: Die Haftung der Parteien für prozessuales Verhaltan, Fri- bourg 1982; Deschenaux, H.: Le titre préliminaire du code civil, in Traité de droit civil suisse, t. II. r, Frib-ourg 1969; Decurtins. C. : Die fristlose Entlassun9, Berne 1981; Engel, P.: Traité des obliga- tions en droit suisse, Neuchâtel 1973; Girsberger, A.: Das Recht au! Ersatz der Anwaltskosten, RSJ 1962, p. 350; Guhl, T.! Merz, H.!

Kummer, M.: Das Schweizerische Obligationenrecht, Zurich 1980;

Hug, W. : Das Kündigungsrecht, Aarau, t. l, 1926, t. Il, 1927; Hutterli, C. : Der leitende Angestellte im Arbeitsrecht, Berne 1982; Kuhn R.I Koller, G.: Le droit du travail actuel dans les entreprises, Zurich (avec mises à jour) ; Merz, H.: Art. 2 CC in Kommentar zum Schweizer- ischen Privatrecht, Berne 1966; Oser, H. / Schënenberger, W.: Das Obligationenrecht, Zurich 1936; Rapp, F.: Die fristlose Kündigung des Arbeitsvertrages, BJM 1978, p. 169; Rehbinder, M.: Droit suisse du travail, trad. fr., Berne 1979; Rehbinder, M. : De-r Arbeitsvertrag, in Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Berne 1985; Rehbin- der, M. : Schweizerisches Arbeitsrecht, Berne 1986; Schweingruber, E.: Commentaire du contrat de travail selon le code fédéral des obligations, Berne 1975; Staehelin, A: Der Einzelarbeitsvertrag, in Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Zurich 1984;

Streiff, U. : Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, Zurich 1986; Vischer, F.: Le contrat de travail, Fribourg 1982; Vonplon, M.: Kündigungs- schutz im Arbeitsrecht, Berne 1986.

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contre ce dernier. Devant le Tribunal des prud'hommes, il s'est contenté de fr. 1600 à titre transactionnel. Le soir même, après l'audience, E. a licencié T. avec effet immédiat; par la suite, il a accepté de respecter le délai de congé.

T. réclame la différence entre la somme qn'il estime due et le montant obtenu. Il soutient qu'il n'a accepté la transaction judiciaire que parce qu'il pensait que E. ne mettrait pas fin aux rapports de travail. En outre, il demande l'annnlation de son licenciement et sa réintégration dans l'entreprise.

La Chambre d'appel refuse l'invalidation de la transaction, car l'erreur dont se prévaut T. concerne uniquement les motifs qui l'ont conduit à transiger; cette erreur n'est donc pas essen- tielle.

Si elle peut certes relever qu'il est fort troublant que E. ait licencié T. immédiatement après qu'une transaction judiciaire fut intervenue entre les parties, la Chambre d'appel n'admet cependant pas les conclusions de T. En effet, ni la jurisprudence, ni la doctrine ne prévoient que le licenciement doive être motivé.

Dès lors qu'aucune motivation ne saurait être exigée, il n'est pas possible d'affirmer que le licenciement était abusif.

Note: a) La transaction passée devant un tribunal est invali- dable pour cause de vice du consentement, en particulier d'erreur essentielle (art. 23 et 24 CO ; ATF 110 II 46 = JT 1985 l 156 ; sur la compétence de la juridiction des prud'hommes en la ma- tière, cf. G. Aubert, Quatre cents arrêts ... , no 392, p. 219-220).

Certes, l'erreur qui concerne uniquement les motifs du contrat n'est en principe pas considérée comme essentielle (art. 24 al. 2 CO) ; elle entre toutefois dans cette catégorie si elle porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à la partie qui s'en prévaut de considérer, de manière reconnaissable pour l'au- tre partie, comme des éléments nécessaires du contrat (art. 24 al. 1 ch. 4 CO ; Engel, p. 224 ss, 227 s, avec références).

En général, la survenance d'un litige entre un employeur et un travailleur crée entre eux des tensions sérieuses, de nature à menacer l'emploi du second; il paraît dès lors normal que le travailleur hésite à déposer une demande en justice ou que, une fois le pas franchi, il soit tenté de renoncer à ses prétentions.

En l'espèce, lors de la comparution devant le Tribunal des

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prud'hommes, E. et T. se trouvaient encore liés par un contrat de travail. Au moment d'accepter un arrangement, T. ne pouvait pas ne pas prendre en considération le risque de perdre sa place si le conflit se prolongeait; la renonciation à une partie de sa demande était donc certainement dictée par la volonté de sous- crire à une solution qui ne compromette pas son avenir dans l'entreprise; l'arrangement sous-entendait, pour lui, que E. sou- haitait mettre un terme amiable au litige de telle sorte que les rapports de travail puissent continuer. Dans ces circonstances, E. devait visiblement comprendre que T. croyait à sa volonté de maintenir le contrat si une transaction était concIue. T. s'est ici trompé sur les intentions de E. Cette erreur, concernant un fait qu'il pouvait de bonne foi (et de manière reconnaissable par E.) tenir pour un élément nécessaire du contrat, paraît essentielle au sens de l'article 24 al. 2 ch. 4 CO, si bien que T. était très pro- bablement fondé à invalider la transaction pour obtenir jugement sur le fond.

On pourrait du reste aussi se demander si, en gardant le silence quant à ses intentions, E. n'a pas induit dolosivement T.

à accepter la transaction, ce qui constituerait un second moyen d'invalidation (art. 28 CO) ou si, supposé que l'accord ne soit pas attaquable pour cause d'erreur essentielle ou de dol, on ne devrait pas l'interpréter, vu les circonstances, en ce sens qu'il comportait l'engagement implicite, de la part de E., de renoncer à toute mesure de représailles.

b) La protection des travailleurs contre les licenciements abu- sifs est une matière délicate ; dans le cadre de cette brève note, nous devons nous contenter de quelques rappels sommaires.

D'après la jurisprudence du Tribunal fédéral, quand bien même l'employeur n'a pas l'obligation de faire connaître au tra- vailleur le motif de la résiliation, la liberté de licencier trouve ses limites dans l'interdiction de l'abus de droit (ATF 111 II 243

= JT 1986 I 80, avec références). Même selon la doctrine la plus classique, doit être tenu pour abusif le congé donné par l'employeur au travailleur parce que ce dernier a fait valoir des droits découlant du contrat de travail (Merz, n. 316 ad art. 2 CC ; Oser/Schônenberger, n. 14 ad art. 347 CO ; Hng, t. I, p. 19 et 155 ; cf. pour la doctrine plus récente, Vonplon, p. 111, avec références; voir aussi FF 1984 II 624). En théorie, la sanction

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devrait être la nullité du licenciement abusif, donc la réintégra- tion du travailleur; du point de vue pratique, il semble qu'en règle générale le juge puisse seulement condamner l'employeur au versement d'une indemnité, par application des articles 41 ss CO (JAR 1984, p. 175-176; Extraits, 1983, p. 9-10; ZR 1980, p. 245 = JAR 1981, p. 149; SJ 1981, p. 318-319, avec référen- ces; FF 1984 II 622).

En l'espèce, donnant le congé juste après l'audience du Tri- bunal (et d'abord sous la forme d'un licenciement avec effet immédiat), E. a certainement montré qu'il agissait par pure ven- geance. Aussi croyons-nous que la Chambre d'appel aurait dû allouer à T. une indemnité, dont le montant aurait été fixé selon les articles 42 al. 2 et 43 al. 1 CO.

3. Art. 337 c et 341 al. 1 CO (Nos 163, 310-311). Résiliation prétendûment d'un commun accord; quittance pour solde de tous comptes (CA, VIII, 31.10.1986, maintenu par TF, rdp, 25.3.1987).

Le 26 février 1986, E. remet à T. une lettre indiquant qu'il confirme le congé signifié pour la fin de ce même mois. T. con- tresigne la lettre à titre de récépissé; simultanément, il signe un document comportant un reçu « pour solde de tout compte » de fr. 2380, représentant le salaire de février; de plus T. confirme expressément donner son accord pour un départ sans délai. Le 3 mars 1986, T. réclame à E. le paiement du salaire des mois de mars et avril 1986, correspondant au délai légal de préavis.

Les art. 336 ss, 341 al. 1 et 361 CO n'empêchent pas les par- ties de mettre fin d'un commun accord et avec effet immédiat à un contrat de travail; cette entente peut même intervenir tacite- ment; elle ne saurait toutefois être présumée; son existence doit être indubitable (ATF 102 la 417

=

JT 1977 1 276 ; SJ 1983, p. 95 ; Streiff, n. 10 ad art. 336 CO ; Decurtins, p. 56 et 61).

Conformément à l'art. 8 CC, il incombe à l'employeur d'établir la réalité d'une convention dérogeant au délai de préavis.

En dépit des documents signés le 26 février 1986, la Chambre d'appel estime qu'une telle preuve n'a pas été rapportée. La lettre remise à T. ce jour-là ne mentionne pas un COmmun accord, mais un congé donné par l'employeur; comme il ressort des témoignages, ce congé paraît avoir été imposé par la femme

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de E., qui faisait régner une atmosphère tyraonique dans l'entre- prise. De plus, en l'absence de tout emploi de remplacement pour T. à l'époque des événements, on ne saurait admettre que ce dernier acceptait librement de renoncer à son salaire. Se retranchaot derrière l'apparence que le contrat avait été résilié d'un commun accord, E. n'a pas voulu que T. travaillât en mars et en avril. Le salaire afférent à ces deux mois est donc dû.

Note: a) Se référant simplement aux articles 336 ss CO et allouaot à T. deux mois de salaire, la Chambre d'appel ne dit pas expressément quelle est la disposition impérative violée par E.

Selon l'article 337 c al. 1 CO, si l'employeur résilie le contrat avec effet immédiat sans justes motifs, le travailleur a droit à son salaire jusqu'à l'expiration du délai légal ou contractuel de congé. li en va de même si l'employeur met fin au contrat en observant un délai de congé inférieur à celui fixé par la loi ou le contrat (Schweingruber, p. 204-205). Cette protection revêt un caractère relativement impératif, de sorte que le travailleur ne peut y renoncer pendaot la durée du contrat ou au cours du mois qui suit la fin de celui-ci (art. 341 al. 1 CO en relation avec l'art. 362 CO).

Le raisonnement de la Chambre d'appel s'appuie à l'évidence sur cette disposition. Considéraot que T., en fait, avait été. licen- cié avec effet immédiat sans justes motifs, elle a jugé que E. lui restait redevable du salaire afférent au délai de congé (ici deux mois, le contrat ayaot duré plus d'un an) ; T. ne pouvait renon- cer valablement à cette créaoce.

b) On notera cependant que la jurisprudence citée par la Chambre d'appel vise l'article 336 b al. 2 CO, qui prévoit d'une manière impérative que, dans le cadre d'un contrat d'une durée supérieure à un an, les parties ne peuvent convenir d'un délai de congé inférieur à un mois. L'arrêt du Tribunal fédéral qui confirme la décision résumée ci-dessus part également de l'idée que la juridiction caotonale a appliqué cette disposition.

La Chambre d'appel aurait en effet pu être tentée de penser que, lors de la résiliation, E. et T. avaient décidé de réduire à zéro le délai de congé; que cet accord était nul en regard de l'article 336 b al. 2 CO et que, par conséquent, T. avait droit au salaire afférent au délai miuimum d'un mois (et non pas, comme décidé, de deux mois).

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C'est à juste titre qu'elle n'en a rien fait. L'article 336 b al. 2 CO se borne à régler, d'une manière générale, la durée minimum du délai de congé que peuvent prévoir les parties. L'article 337 c al. 2 CO concerne une situation particulière: celle où le contrat, en l'absence de juste motif, se trouve résilié par l'employeur sans que soit respecté le délai contractuel ou légal de congé.

C'est lui seul qui fixe les conséquences d'une résiliation hors délai (et d'une éventuelle renonciation du travailleur à ses droits).

c) Les arrêts du Tribunal fédéral mentionnés par la Chambre d'appel touchent une question voisine: celle de savoir si, en dehors de toute résiliation, le travailleur peut valablement renon- eer, avec effet immédiat, à certains avantages contractuels.

La jurisprudence du Tribunal fédéral, sur ce point, semble mal fixée. Selon un arrêt de 1976, l'employeur qui entend modi- fier le contrat pour réduire ses prestations doit respecter le délai minimum de résiliation de l'article 336 b CO; un accord con- traire, l'autorisant à faire entrer en vigueur immédiatement cette modification, ne lie pas le juge (ATF 102 la 417 = JT 1977 1 276). Dans une affaire tranchée en 1978 sous l'angle de l'arbi- traire surgissait le même problème; le Tribunal fédéral ne l'a pas examiné, faute, probablement, que le grief eût été articulé (ATF 104 II 204 = JT 1979 1 139). Sans le dire expressément, le Tribunal fédéral s'est écarté en 1982 des principes qu'il avait énoncés en 1976 : bien que se référant à l'article 336 b al. 2 CO, il a admis que les parties au contrat de travail conviennent d'une réduction de salaire prenant effet avant l'échéance du délai de congé minimum fixé par ce texte (SI 1983, p. 95).

A notre avis, ni la jurisprudence de 1976 ni celle de 1982 ne sont correctes. On sait que, jusqu'à l'échéance du contrat, l'em- ployeur reste tenu par ce dernier, de sorte qu'il ne saurait le modifier unilatéralement; tout changement de l'accord requérant le consentement du travailleur, l'employeur doit, à défaut de ce consentement, résilier le contrat et offrir la reprise des rapports de travail sur une. base nouvelle (Anderungskündigung; cf. SI 1983, p. 96 ; ZR 1983, p. 269 = JAR 1983, p. 165 ; Extraits 1980, p. 15 = RSI 1982, p. 96 ; Streiff, n. 3 ad art. 336 CO).

Une modification unilatérale sortant ses effets avant l'expiration du délai de congé équivaut matériellement à une résiliation anti- cipée de la convention et doit être traitée co=e telle: protégé,

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pendant le délai de congé, par l'article 337 c al. 1 CO, le travail- leur ne peut valablement accepter qu'un changement imposé par l'employeur entre en vigueur immédiatement.

Ici encore, l'article 336 b al. 2 CO n'est pas la disposition pertinente: ce texte interdit seulement que les parties à un con- trat ayant duré plus d'un an ne prévoient un délai de congé inférieur à un mois. En cas de modification imposée par l'em- ployeur, il faut appliquer l'article 337 c al. 1 CO, qui, jusqu'à l'expiration du délai légal ou contractuel de congé (et durant le mois qui suit, selon l'article 341 al. 1 CO), protège le travailleur contre une éventuelle renonciation aux créances découlant du contrat.

d) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les dispositions sur le délai de congé ne font pas obstacle à un accord par lequel le travailleur conviendrait avec l'employeur de mettre fin au contrat ou de le modifier avec effet immédiat; une telle conven- tion doit toutefois être indubitable; elle ne saurait servir à éluder une disposition impérative de la loi (ATF 102 la 417 = JT 1977 I 276 ; SJ 1983, p. 95).

On peut se demander si c'est l'existence d'une convention ou le libre consentement du travailleur qui doit être indubitable.

Les termes utilisés par la jurisprudence sur ce point ne sont pas absolument clairs. Avec raison, la Chambre d'appel, approuvée par le Tribunal fédéral, s'est implicitement prononcée pour le second terme de l'alternative: loin de se borner à constater que T. avait donné son accord (qui était attesté par sa signature), elle a scruté les circonstances pour établir si T. s'était déterminé librement (ce qu'elle a nié). En effet, pour éviter que la protec- tion légale ne soit contournée, il faut examiner dans chaque cas si le travailleur a voulu de plein gré la résiliation avec effet immédiat ou la modification du contrat. La volonté du travail- leur ne pourra être considérée comme libre que si la résiliation ou la modification répond au moins autant à ses intérêts qu'à ceux de l'employeur (p. ex. JAR 1984, p. 183-184). En cas de résiliation, lorsque le travailleur n'a pas d'emploi de remplace- ment, l'on présumera le défaut de consentement réel.

Ces principes s'appliquent évidemment lorsque le congé a été donné par l'employeur (comme en l'espèce). TIs seront aussi mis en œuvre lorsque la résiliation émane, formellement, du travail- leur, mais qu'elle a été déclarée, en fait, à la demande de l'em-

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ployeur: l'on prend en compte la volonté réelle des parties et non pas les expressions utilisées (art. 18 CO ; JAR 1981, p. 109).

e) Signalons enfin que, pour le Tribunal fédéral, dans le cadre d'un accord transactionnel prévoyant des concessions récipro- ques, l'article 341 al. 1 CO n'empêche pas le travailleur de re- noncer valablement à une créance résultant d'une disposition impérative de la loi (par exemple l'art. 337 c al. 1 CO) ou d'une convention collective (ATF 106 Il 223 = JT 1981 1 152). Cette jurisprudence, dont le principe paraît d'ailleurs discutable, sem- ble avoir été, à juste titre, nuancée par la suite: la renonciation n'est valable que s'il y a contestation sur les faits eux-mêmes (par exemple, le nombre d'heures supplémentaires effectuées) ou si l'employeur fournit une compensation suffisante (ATF 110 II 171, abrégé in JT 1985 128 = JAR 1985, p. 231). C'est du reste précisément en cas de litige à la fin du contrat de travail que le salarié a besoin de protection: pour encaisser au moins une partie de son salaire, il risque en effet de renoncer à ses droits sans réel motif; la validité d'une renonciation, même dans le cadre d'une transaction, ne devrait être admise que si cette dernière prend équitablement en compte les intérêts du travail- leur. Aussi bien le Tribunal fédéral a-t-il souligné qu'il y avait lieu d'être restrictif à cet égard (ATF 110 II 171, abrégé in JT 1985 1 28 = JAR 1985, p. 232 ; ATF 25.3.1987).

f) Les règles impératives protègent le travailleur contre lui- même; pour en bénéficier, ce dernier peut donc, sans commet- tre un abus de droit, revenir sur sa parole (ATF 110 II 171 = JT 1985 129 = JAR 1985, p. 232 ; ATF 105 II 42= JT 1979 1 610; cf. G. Aubert, La jurisprudence ... , p. 293, avec réfé- rences).

4. Art. 336 e, 324 et 337 c CO (Nos 174 et 183). Ignorance des parties quant à la protection contre le licenciement en cas d~ em- pêchement de travailler; effets (CA, II, 20.5.1986).

T., engagé en 1981, a été licencié le 1er octobre 1984 pour le 30 décembre 1984. Il est tombé malade le 15 octobre 1984 et a recommencé à travailler le 1er décembre 1984 pour quitter son poste le 20 décembre 1984. Ce licenciement était lié à une restructuration pour des raisons économiques. T. a trouvé un autre emploi à compter du 1er février 1985.

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L'employeur ne peut résilier le contrat au cours des quatre premières semaines d'une incapacité de travail résultant d'une maladie ou d'un accident dont le travailleur est victime sans sa faute; cette période est portée à huit semaines dès la deuxième année de service (art. 336 e al. 1 litt. b CO). Le congé donné pendant la période de protection est nul; si, avant l'une de ces périodes, le congé a été donné sans que le délai de résiliation ait expiré, ce délai est suspendu et ne continue à courir qu'après la fin de la période (art. 336 e al. 2 CO). Ces dispositions sont absolument impératives (art. 361 CO). Pendant la durée du con- trat et le mois qui suit la fin de celui-ci, le travailleur ne peut renoncer aux créances en résultant (art. 341 al. 1 CO).

Ignorant ses droits selon l'art. 336 e CO, T. n'a pas demandé de salaire pour le mois de janvier 1985. Il a reçu des prestations de l'assurance-chômage; à la suite d'une intervention de l'OFIAMT, la caisse d'assurance-chômage a réclamé à T. le remboursement de ses prestations, au motif que, pendant le mois de janvier 1985, T. pouvait encore prétendre à son salaire.

Les deux parties étaient dans l'erreur lorsqu'elles ont admis que leurs rapports se terminaient au moment des vacances de fin d'année. T. n'a COnnu son erreur qu'au courant de 1985, à l'occasion de la demande de remboursement que lui adressa sa caisse d'assurance-chômage. En tous les cas, la connaissance de son erreur est postérieure à sa reprise d'emploi le 1er février 1985.

L'employeur doit supporter les risques inhérents à l'exploi- tation de son entreprise. Il en va ainsi des risques de ne pas connaître la loi ou de mal l'appliquer. Cela est d'autant plus justifié dans le cas de l'art. 336 e CO qu'il s'agit d'une disposi- tion fondamentale de la révision de 1971 et que ce texte est invoqué à longueur de semaine.

Dès lors, E. ne peut invoquer aucune excuse; il ne saurait soutenir que T. devait se présenter à son travail le premier jour ouvrable de 1985. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'ont décidé les tribunaux bâlois (JAR 1983, p. 170). E. doit donc verser le salaire afférent au mois de janvier 1985.

Note: a) La question tranchée ici par la Chambre d'appel est controversée. Selon les jurisprudences zurichoise et saint-galloise, le travailleur tombant malade ou victime d'un accident pendant

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le délai de congé perd la protection découlant de l'article 336 e CO si, une fois rétabli, il ne met pas son employeur en demeure d'accepter son travail; en l'absence d'une telle mise en demeure, le travailleur est réputé avoir renoncé à ses droits (Zurich: JAR 1986, p. 97-99 ; Saint-Gall: JAR 1984, p. 168-169; cf. aussi JAR 1985, p. 142-143). En revanche, selon la jurisprudence bâloise, lorsque le travailleur subit une incapacité de travail pen- dant le délai de congé, ce dernier se trouve prolongé même si les parties ignorent la portée de l'article 336 e CO. Le travailleur n'est pas tenu, pour sauvegarder ses droits, de mettre l'employeur en demeure de l'occuper une fois sa capacité de travail recou- vrée : il suffit qu'il soit prêt à travailler (Bâle-Ville: JAR 1986, p. 174-175; 1983, p. 170; BJM1981, p. 303-304).

b) Le Tribunal fédéral a admis une prolongation du contrat dans le cas d'un salarié qui, après avoir quitté son travail de manière anticipée d'un commun accord avec son employeur (en donnant à ce dernier, lors de son départ, une quittance pour solde de tous comptes), était entré à l'hôpital pour une opération pendant le délai de congé. La renonciation au bénéfice de l'arti- cle 336 e CO, exprimée dans la quittance pour solde de tous comptes, a été tenue pour nnlle en vertu du caractère impératif de la protection du salarié (art. 341 CO). Il faut noter cependant que, dès son rétablissement, le travailleur avait expressément offert ses services à son employeur (ATF 110 II 168 = JT 1985 1 28

=

JAR 1985, p. 229).

L'arrêt de la Chambre d'appel résumé ci-dessus se place dans la perspective de cette jurisprudence. La question qui se pose toutefois est de savoir si la même solution prévaut dans l'hypo- thèse où le salarié ne somme pas son employeur de l'occuper à la fin de l'incapacité de travail.

c) Comme un problème semblable surgit à propos des articles 324 et 337 c CO (obligation de verser le salaire en cas de de- meure de l'employeur ou de licenciement avec effet immédiat injustifié, lorsque le travailleur n'a pas formellement exigé d'être occupé), il sied d'examiner la manière dont il est traité dans ce cadre.

Selon une opinion ancienne, fondée sur les articles 91 ss du code des obligations, l'employeur qui, dans ces deux cas de figure, a refusé la prestation du travailleur n'est tenu de verser le salaire que s'il a été, au moment du refus, mis en demeure

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par le salarié, faute de quoi celui-ci est réputé avoir renoncé à sa créance ou accepté une résiliation anticipée du contrat d'un commun accord (Brühwiler, n. 3 ad art. 324 et n. 1 ad art.

337 c ; Schweingruber, p. 83 ; JAR 1985, p. 143 ; 1984, p. 168 ; 1980, p. 278 ; G. Aubert, Quatre cents arrêts ... , no 286, p. 165 et surtout les anciennes décisions citées par Decurtins, p. 53-59).

Cette manière de voir doit être abandonnée. En effet, depuis la révision de 1971, le code des obligations règle de manière impérative la demeure de l'employeur (art. 324 CO, qui s'ap- plique pendant la durée du contrat) et les conséquences de la

résiliation avec effet immédiat injustifiée (art. 337 c CO, qui s'applique après une résiliation anticipée) : aucune de ces deux dispositions (au bénéfice desquelles le salarié ne saurait valable- ment renoncer, cf. art. 341 CO) n'exige que, pour pouvoir obtenir son salaire ou une indemnité, le travailleur ait offert derechef ses services ou protesté de manière formelle.

Ainsi, selon l'article 324 CO, la demeure de l'employeur ré- suite du seul fait que ce dernier empêche ou refuse la prestation du travailleur; elle ne suppose pas une mise en demeure par le salarié. Il suffit que, d'après les circonstances, l'employeur doive comprendre que le salarié est à disposition (dans ce sens, Staehe- lin, n. 6 et 7 ad art. 324 CO ; Rehbinder, n. 11 et 12 ad art. 324 CO ; JAR 1981, p. 258-259; comparer: JAR 1985, p. 143).

De même, selon l'article 337 c CO, le travailleur licencié avec effet immédiat sans juste motif peut exiger de ce seul fait une indemnité équivalant à son salaire. Il n'est pas nécessaire qu'il offre solennellement ses services ou qu'il proteste dans une forme particulière. Dans une telle situation, en effet, l'employeur qui donne le congé avec effet immédiat doit présumer que le salarié eût été disposé à continuer son travail jusqu'à la fin du contrat.

La jurisprudence cantonale admet de plus en plus largement ce point de vue (JAR 1984, p. 203, 233-234, 286-287 ; BJM 1978, p. 281-282; G. Aubert, Quatre cents arrêts ... , no 284, p. 164).

La doctrine s'y rallie progressivement (Rehbinder, Schweizer- isches ... , p. 108 ; Streiff, n. 9 ad art. 337 c CO ; Brühwiler, Die fristlose ... , p. 74; Rapp, p. 180-181; Schweingruber, p. 204- 205 ; moins net: Vischer, p. 164). Le Tribunal fédéral a récem- ment laissé la question ouverte, en ne citant toutefois (c'est pro- bablement un signe) que les auteurs favorables à la solution la moins formaliste (TF, fr, 5.6.1987).

(14)

Dans le cadre de l'article 324 CO comme dans celui de l'arti- cle 337 c CO, le travailleur a sans doute intérêt, pour sauvegar- der la preuve, à sommer par lettre recommandée son employeur de l'occuper; une telle sommation ne revêt cependant aucun caractère impératif. Il suffit d'établir, par tout moyen probant, que le contrat était en vigueur ou qu'il avait été résilié avec effet immédiat de manière injustifiée et que l'employeur savait ou devait savoir le salarié disponible pour travailler; ce dernier ne pouvant en principe pas valablement renoncer à ses droits, l'em- ployeur doit s'attendre qu'il les fera valoir et présumer, en con- séquence, sa disponibilité.

d) Le même raisonnement s'applique aux fins de l'article 336 e CO. Puisque le travailleur ne peut pas renoncer valablement aux droits découlant de cette disposition, la prolongation du délai de congé, en cas d'incapacité de travail, se produit de par la loi même si le salarié ne la fait pas valoir immédiatement. L'em- ployeur reste alors lié par le contrat; comme dans le cas des articles 324 et 337 c CO, il doit le salaire s'il sait ou doit savoir que le travailleur se trouve à disposition. Cette hypothèse se trouve réalisée lorsque l'incapacité de travail provoque une ab- sence pendant le délai de congé: l'employeur présumera la dis- ponibilité du travailleur dès son rétablissement. Dans l'arrêt de la Chambre d'appel résumé ci-dessus, l'incapacité de travail s'est ainsi produite au su de l'employeur; la solution retenue par cette juridiction est donc bien fondée.

Lorsqu'il libère le salarié de son obligation de travailler pen- dant le délai de congé, l'employeur risque d'ignorer une éven- tuelle incapacité de travail; la prolongation du délai interviendra certes aussi ex lege, mais, en vertu des mêmes principes, l'em- ployeur ne devra le salaire que s'il connaît ou doit connaître la disponibilité du travailleur.

5. Art. 336 e al. 2 CO (Nos 174-183). Licenciement; délimita- tion de la période de protection (CA, II, 19.8.1986).

Le délai de résiliation visé à l'art. 336 e al. 2 CO est le délai légal ou contractuel. Lorsque l'employeur licencie le travailleur en observant un délai plus long, le délai légal ou contractuel doit être calculé rétroactivement depuis le terme de la résiliation. Si une incapacité de travail survient pendant cette période, le délai légal ou contractuel se trouve automatiquement suspendu.

(15)

Note: La Chambre d'appel, modifiant sa jurisprudence anté- rieure, se rallie ici expressément à nos observations in SJ 1986, p.297-298.

6. Art. 337 c CO (Nos 264-275). Conséquences d'une résiliation avec effet immédiat injustifiée; sort des prestations de l'assu- rance-chômage (CA, II, 19.8.1986).

En cas de licenciement avec effet immédiat injustifié, il faut déduire de l'indemnité due au travailleur par l'employeur le montant des prestations de l'assurance-chômage. La Chambre d'appel communique son arrêt li. la caisse d'assurance-chômage afin qu'elle puisse, si elle le juge utile, faire valoir ses droits de tiers subrogé envers l'employeur.

Note: La Chambre d'appel, modifiant sa jurisprudence anté- rieure, se rallie expressément à nos observations in SJ 1986, p. 305-306 (voir aussi CA,

III,

16.7.1986 et X, 25.2.1986). Bien que la solution retenue soit la seule conforme à l'article 29 al. 2 LACI, la pratique demeure toutefois hésitante: le Tribunal des prud'hommes omet souvent de se demander si le travailleur a reçu des prestations de l'assurance-chômage; les caisses d'assu- rance-chômage, quant à elles, négligeant les droits qui résultent de la subrogation légale, n'agissent guère contre les employeurs en cause (sur la compétence de la juridiction des prud'hommes pour connaître d'une telle action, cf. l'article 6 de la loi gene- voise en matière de chômage, du 10 novembre 1983, R.S. J/4/5).

Cette mauvaise application du système légal crée le risque que des travailleurs ayant touché parallèlement des dommages-inté- rêts de leur employeur et des indemnités de l'assurance-chômage ne s'enrichissent aux dépens de cette dernière. La procédure adoptée ici par la Chambre d'appel devrait permettre de réaliser une meilleure coordination entre la juridiction des prud'hommes et les institutions de sécurité sociale.

7. Art. 337 c CO (Nos 264-265, 186). Licenciement avec effet immédiat; invocation tardive des motifs; nature de l'indemnité due aU travailleur; réductiân, pour faute concurrente, de cette indemnité (TF, rr, 11.2.1986).

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T., pilote, recevait contre quittance avant chaque vol une enve- loppe contenant une somme d'argent destinée à payer les frais relatifs à ce vol (essence, taxes d'aéroport, frais d'hôtel, etc.).

Au retour, il devait déposer l'enveloppe contenant les justificatifs et le solde non utilisé dans une boîte qui se trouvait dans les bureaux de E. Aucun reçu n'était délivré pour ce dépôt.

De fin 1976 à fin 1977, T. n'a pas restitué d'enveloppes; un attaché de direction en a récupéré plusieurs dans son bureau en été 1977 ; T. en a rendu huit à dix en décembre 1977 ; il a rendu toutes les enveloppes de 1978. Par lettres d'avril 1977, juin 1977 et mars 1978, E. a réclamé les décomptes en suspens. Le 26 avril 1978, E. a relancé T. : il ressort de sa lettre que les décomptes demandés ne concernaient que des enveloppes et des montants remis en 1977. T. n'a pas réagi. E. l'a licencié avec effet immédiat le 8 mai 1978.

E. n'a pas pu établir que T. avait l'obligation de déposer d'autres décomptes que ceux remis tardivement en 1977 ; il a également échoué dans la preuve que T. n'aurait pas restitné la totalité des montants que contenaient les ènveloppes.

La jurisprudence exige de celui qui entend invoquer l'article 337 CO qu'il le fasse sans délai, par quoi il faut entendre une manifestation de volonté intervenant après un bref délai de ré- flexion; une trop longue attente comporterait la renonciation à se prévaloir de ce moyen (ATF 97 II 146 = JT 1972 1 158 et les arrêt cités)., En l'espèce, E. a attendu jusqu'au 8 mai 1978, depuis fin 1977 en tout cas, pour déclarer qu'il résiliait. Une attente aussi longue exclut toute possibilité de renvoi avec effet immédiat fondé sur les seuls retards constatés en 1977, fussent- ils réitérés.

Les retards dans la restitution des enveloppes ne pourraient entrer en considération pour justifier un renvoi avec effet immé- diat que si le travailleur répondait d'autres manquements sérieux ayant été invoqués sans délai, auquel cas la situation devrait être appréciée dans son ensemble. Or, E. n'a pas pu établir le bien- fondé de ses autres griefs.

Le Tribunal fédéral a donc considéré que, en ne licenciant T.

avec effet immédiat que plusieurs mois après les faits, E. ne pou- vait plus invoquer de justes motifs. T. avait dès lors droit à son salaire jusqu'à l'expiration du délai de congé. Se posait néan-

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moins la question de savoir si le comportement de T. ne justifiait pas une réduction de ce montant.

La réduction, pour faute concurrente, du salaire dû en vertu de l'art. 337 c CO est controversée en doctrine (en faveur de la réduction: Rapp, p. 183 ss n. 8 ; contra: Vischer, p. 164 ; GuhV MerzjKummer, p. 415 s; Rehbinder, Schweizerisches ... , 6ème éd., p. 108 ; pour l'exposé de la controverse, avec une conclu- sion favorable à la réduction, cf. Brühwiler, Die fristlose ... , p. 75 s).

Le Tribunal fédéral a admis l'application analogique de l'art.

44 CO aux créances du travailleur en paiement du salaire à la suite d'une résiliation injustifiée, lorsque le travailleur n'a plus là effectuer le travail, car une telle créance ressemble à une créance en dommages-intérêts (ATF 97 II 150 = JT 1972 l 159; ATF 79 II 388 = JT 1954 l 382 ; ATF 78 II 444 = JT 1953 l 570; ATF 57 II 186 = JT 1932 l 142). Une telle application analogique est cependant refusée, s'agissant de la créance en paiement du salaire pour un travail réellement effec- tué (ATF 97 II 150 = JT 1972 l 159), de même qu'elle doit l'être pour la créance en paiement des vacances dues pour la période antérieure au renvoi.

Cette jurisprudence, relative à l'ancien droit (art. 352 ancien CO), demeure valable selon le droit revisé du contrat de travail, car la modification des textes légaux n'a pas changé le caractère du salaire auquel le travailleur peut prétendre en cas de résilia- tion pour justes motifs, ce salaire postérieur à la résiliation équivalant toujours, dans sa fonction économique, à des dom- mages-intérêts. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs confirmé sa juris- prudence après l'entrée en vigueur des nouveaux art. 337 ss CO, et plus particulièrement de l'art. 337 c CO (SJ 1984, p. 451-452

= G. Aubert, Quatre cents arrêts ... , no 186, p. 105-106).

En l'espèce, les négligences fautives de T., même si elles ne permettaient pas une résiliation abrupte du contrat, en raison de la tardiveté de celle-ci, ont contribué à la détérioration des rapports de travail d'une manière suffisamment sérieuse pour justifier une réduction du salaire et des éventnelles indemnités dues à T. pour la période postérieure à la résiliation. Le taux de cette réduction peut être arrêté à 25 %, compte tenu de l'en- semble des circonstances, soit notamment de la durée des rap-

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ports de travail corrects, des manquements de 1977, de leur cessation en 1978 et de l'absence de preuve de malversations.

Note: a) Cet arrêt confirme une jurisprudence ancienne (voir aussi JAR 1986, p. 161), que les juridictions cantonales ne sont pas unanimes à suivre (ponr: Bâle-Campagne, JAR 1982, p.

189-190; Bâle-Ville, JAR 1984, p. 235-237 ; 1980, p. 286, 288, 289 et 293; Jura, JAR 1984, p. 152; Neuchâtel, JAR 1984, p. 234-235 ; Vaud, JAR 1986, p. 157 ; Zoug, JAR 1986, p. 133 ; 1985, p. 266; contre: Tessin, JAR 1982, p. 190-191 ; Zurich, ZR 1963, p. 251 ; hésitant: Fribourg, Extraits 1979, p. 33 =

JAR 1981, p. 155). La pratique genevoise se rallie au courant majoritaire (G. Aubert, Quatre cents arrêts ... , no 265, p. 152;

voir aussi, par exemple, CA, XI, 21.11.1985 ; IX, 29.1.1981 ; II, 15.1.1970). Toutefois, dans un arrêt du 8.2.1985 (JAR 1986, p. 139-141), la Chambre d'appel s'est écartée de sa jurisprudence habituelle, pour des motifs d'un réel intérêt.

b) Selon les critiques de la jurisprudence du Tribunal fédéral, les prétentions du travailleur en cas de licenciement avec effet immédiat injustifié constitueraient une créance en paiement du salaire, comme cela résulterait du texte même de l'article 337 c al. 1 CO ; s'agissant ainsi d'un droit à l'exécution (et non pas simplement à la réparation), l'application de l'article 44 CO (qui concerne la détermination du montant des dommages-inté- rêts) serait exclue (cf. Brühwiler, Die fristlose ... , p. 75-76, avec références; JAR 1986, p. 140). En d'autres termes, le Tribunal fédéral aurait tort de soutenir simultanément, d'une part, que la créance du travailleur fondée sur l'article 337 c CO revêt un caractère de salaire et, d'autre part, que cette créance peut être réduite en cas de faute concurrente du travailleur. Le Tribunal fédéral est d'ailleurs conscient de ce problème, puisqu'il déclare mettre en œuvre l'article 44 CO par analogie.

c) Il est vrai que le Tribunal fédéral, dans une jurisprudence ancienne et constante, qualifie de prétention en salaire la créance du travailleur licencié avec effet immédiat sans juste motif: si les rapports de travail ont pris fin en fait, le contrat continue à courir en droit, de sorte que le travailleur congédié à tort avec effet immédiat peut réclamer son salaire. Cette construction fut explicitement fondée sur deux considérations. D'abord, selon la teneur originelle de l'article 219 al. 4 LP, seules bénéficiaient

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du privilège de la première classe en cas de faillite de l'employeur les créances de salaire au sens strict, et non pas celles relatives à d'autres indemnités; la reconnaissance de la nature salariale de la créance du travailleur ensuite d'un licenciement avec effet immédiat sans juste motif permettait donc une meilleure protec- tion à cet égard. En second lieu, dans la mesure où il pouvait faire valoir une créance de salaire, le travailleur était dispensé de la preuve de son préjudice, alors que ce fardeau lui aurait incombé dans le cadre d'une action en dommages-intérêts (cf.

ATF 78 II 443 = JT 1953 l 569; pour d'autres références, voir ATF 111 II 358 = JT 1986 l 128).

d) Toutefois, depuis l'adoption des articles 337 b à 337 d CO (lors de la revision de 1971), une telle manière de voir n'est plus convaincante. Traitant des conséquences de la «résiliation im- médiate», ces articles se bornent à déterminer les obligations pécuniaires des parties selon que cette résiliation est justifiée ou non; pour le surplus, les résiliations justifiée ou injustifiée sont placées sur un pied d'égalité; même si, selon l'article 337 c CO, la réparation due en cas de licenciement avec effet immédiat injustifié correspond en principe au salaire qu'aurait touché le travailleur, rien dans la loi n'impose de penser que seule la rési- liation justifiée mettrait effectivement fin au contrat (cf. cepen- dant FF 1967 II 399). Or, si le contrat parvient à son terme ensuite de la résiliation avec effet immédiat sans juste motif, le travailleur ne peut pas demander son salaire (dès lors que le contrat n'existe plus), mais seulement la compensation du pré- judice causé par la résiliation anticipée. En outre, la nature indemnitaire de la créance découle du contenu même de l'article 337 c al. 2 CO : si le travailleur doit imputer sur le montant dû ce qu'i! a épargné ensuite de l'empêchement de travailler, ce qu'il a gagné en exécutant un autre travail ou le gain auquel il aurait intentionnellement renoncé, c'est bien qu'il n'a pas droit à son salaire en tant que tel, mais seulement à la réparation du dommage effectivement subi (dans le même sens d'ailleurs, quant au résultat, ATF 111 II 358

=

JT 1986 l 128).

Du reste, la jurisprudence traditionnelle a perdu sa raison d'être. En effet, l'argument tiré du besoin de protéger le travail- leur en cas de faillite de l'employeur est devenu sans objet, puis- que l'article 219 al. 4 LP privilégie depuis l'entrée en vigueur de la loi sur le travail non seulement les créances du travailleur

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en salaire, mais aussi celles en dommages-intérêts (Bigler, p. 148).

Et depuis la revision du titre dixième du code des obligations en 1971, la dispense, pour le travailleur, de prouver son dommage est statuée expressément par l'article 337 c al. 1 et 2 CO, qui présume que ce dommage est égal au salaire dû pour la période en cause; on ne voit pas pourquoi il faudrait tirer de cette dis- pense des conclusions quant à la nature de la prétention du tra- vailleur.

Enfin, le caractère salarial de la créance fondée sur l'article 337 c al. 2 CO est contredit par la jurisprudence du Tribunal fédéral lui-même. Selou cette dernière, le «salaire» du travail- leur dans le cadre de l'article 337 c al. 2 CO est immédiatement exigible en vertu de l'article 339 aI. 1 CO (ATF 103 II 274 = JT 1978 l 94). Or, on sait que l'exigibilité immédiate, d'après cette disposition, iutervient à l'échéance du contrat. Appliquant l'article 339 CO en cas de résiliation avec effet immédiat injus- tifiée, le Tribunal fédéral raisonne comme si cette résiliation mettait juridiquement fin au contrat (cf. Brühwiler, Die frist- lose ... , p. 76).

e) Les critiques de l'application de l'article 44 CO dans le cadre de l'article 337 c al. 2 CO ont certes raison de souligner que la réduction, pour faute concurrente, du montant dû au tra- vailleur est difficilement conciliable avec l'opinion selon laquelle ce montant revêt un caractère salarial. Comme, pour les motifs indiqués ci-dessus, il s'agit en bonne logique non pas d'un salaire, mais d'une indemnité, l'objection nous paraît tomber.

Il reste que, d'une manière générale, la réduction de l'indem- nité pour faute concurrente du travailleur est choquante. Elle place en effet dans une situation plus favorable l'employeur qui licencie un travailleur avec effet immédiat d'une manière injus- tifiée que celui qui observe le délai de congé; en d'autres ter- mes, elle permet à l'employeur de tirer profit d'une violation de la loi (JAR 1986, p. 140). Cette réduction ne peut donc intervenir que dans des circonstances tout à fait particulières. Il ne suffira pas que le comportement du travailleur ait contribué à la dété- rioration des relations entre les parties (la sanction naturelle étant, dans ce cas, la résiliation ordinaire). Il faudra que, vu ce comportement, l'employeur ait pu légitimement croire qu'un licenciement avec effet immédiat serait justifié. Cette condition n'est réalisée que si le juge hésite à tel point, avant de reconnaître

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l'absence de justification du licenciement avec effet immédiat, qu'il paraît équitable d'adopter une solntion nuancée et de libé- rer l'employeur du paiement d'une partie de l'indemnité due.

f) Dans l'espèce discutée ici. le principe énoncé par le Tribunal fédéral nous semble devoir être approuvé. On peut néanmoins douter du bien-fondé de son application: vu le temps écoulé entre les faits et le licenciement avec effet immédiat, ce dernier était clairement injustifié; la réduction de l'indemnité ne s'im- posait aucunement.

8. Art. 337 c CO (Nos 264 à 275). Licenciement avec effet immédiat injustifié; indemnité due au travailleur; nature;

escompte; intérêts moratoires (CA, IX, 13.6.1986).

T. a été licencié avec effet immédiat, de manière injustifiée, le 31 octobre 1985. li réclame le salaire dû jusqu'à l'échéance normale du contrat, le 31 mars 1990, soit fr. 856.672. à quoi s'ajoute l'indemnité contractuelle de départ, soit fr. 543.176, due à l'échéance normale du contrat. E. conteste que cette somme soit exigible dans sa totalité et prétend en déduire un escompte.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le travailleur licen- cié avec effet immédiat sans juste motif a droit, en application de l'art. 339 CO, à l'intégralité de sa rémunération jusqu'au terme contractuel, même si cette échéance est postérieure au jugement statuant sur l'absence de justes motifs (ATF 103 II 274 = JT 1978 1 94 ; G. Aubert, Quatre cents arrêts ... , no 272.

p. 156); en outre, il n'y a pas lieu, en pareille hypothèse, de déduire de la somme à verser par l'employeur un escompte des- tiné à compenser l'avantage procuré au travailleur par l'encais- sement en une fois de toute sa rétribution (SI 1979, p. 38-39 ; G. Aubert, Quatre cents arrêts .... no 269, p. 154).

Bien qu'approuvée par certains auteurs (Brühwiler, n. 2 ad art.

337 c CO ; Brühwiler. Die fristlose ... , p. 76, note 45 ; Schwein- gruber. p. 202-205), la jurisprudence précitée a été critiquée par la majorité de la doctrine (Streiff, n. 24 ad art. 337 et n. 13 ad art. 337 c ; Rehbinder. Droit suisse ... , p. 109-110 ; Rapp, p. 189, note 85). Selon ce dernier courant d'opinion, le salaire pour la période postérieure au jugement serait uniquement dû aux échéances contractuelles prévues et ne pourrait donc faire l'objet d'une condamnation immédiate, compte tenu de la réserve insti- tuée à l·art. 337 c al. 2 CO.

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Dans le cadre d'une telle controverse, deux problèmes méri- tent d'être examinés séparément.

Premièrement, en ce qui concerne l'exigibilité de la rémunéra- tion, l'intention manilestée par le législateur lors de la révision du titre X du code des obligations ne s'avère pas aussi évidente que le Tribunal lédéral le laisse entendre (Rapp, p. 189, note 85). En effet, selon une jurisprudence constante, un licenciement avec effet immédiat sans juste motil ne met lin aux rapports de travail qu'~n lait, mais non en droit (A TF 103 II 274 = JT 1978 1 94 ; ATF 78 II 442-443 = JT 1953 1 569). Il n'est donc pas certain que l'art. 339 CO, qui concerne la fin du contrat, trouve ici application. Pour combler cette lacune, il faut rechercher la solution appropriée, après examen des intérêts en présence (art. 1 al. 2 CC ; Deschenaux, p. 102-104).

L'exigibilité immédiate de l'intégralité de la rémunération pré- sente l'inconvénient de contraindre éventuellement l'employeur à intenter une action postérieure en enrichissement illégitime.

Elle n'en comporte pas moins l'avantage appréciable de résoudre définitivement dans la majorité des cas des conflits issus de la résiliation d'un contrat de travail: face à un employeur récalci- trant, le travailleur n'est plus obligé d'ouvrir une ou plusieurs autres actions alin de recouvrer le solde de ses prétentions; l'ap- plication de l'art. 337 c al. 2 CO présuppose de surcroît une faute initiale de l'employeur, qui a résilié de manière injustifiée le contrat de travail avec effet immédiat, de sorte que l'équité com- mande de ne pas le lavoriser encore au détriment du travailleur.

En définitive, la voie adoptée par le Tribunal lédéral, soit celle de l'exigibilité immédiate, paraît bien la plus adéquate.

En second lieu et conformément à la volonté claire du légis- lateur, le congédiement injustifié ne doit pas être une cause d'en- richissement pour le travailleur (FF 1967 II 399). Le travailleur licencié ne peut donc prétendre recevoir plus que ce à quoi il aurait eu droit si le contrat s'était poursuivi normalement jusqu'à son échéance (ATF 78 II 443 = IT 1953 1 569). En consé- quence, si l'exigibilité immédiate de l'intégralité du salaire est admise, il faut reconnaître à l'employeur le droit: a) de procé- der dans tous les cas à la retenue d'un escompte destiné à com- penser les effets du versement anticipé (sous cet angle, l'arrêt publié in SI 1979, p. 38-39 se révèle critiquable) ; b) d'ouvrir après coup une action en enrichissement illégitime dans l'hypo-

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thèse où, postérieurement au jugement de condamnation, mais avant l'échéance contractuelle, le travailleur retrouve du travail, en refuse de manière injustifiée (art. 337 c al. 2 CO), décède ou devient incapable de travailler (ATF 111 II 356

=

JT 1986 l 128 ; cf. par analogie avec le droit allemand, selon FF 1909 III 747 et ATF 78 II 443, Staudinger, BGB Kommentar, 11ème édition, 1958, para. 615, note 13).

Dans le cas d'espèce, il convient de calculer l'escompte au taux légal de 5·/. (art. 73 CO), sur l'intégralité des sommes dues, y compris l'indemnité conventionnelle de départ, qui n'au- rait en principe été exigible qu'en 1990 ; il faut prendre comme date moyenne celle du 15 janvier 1988 (pour la période s'éten- dant du 1er novembre 1985 au 31 mars 1990). Le capital de fr. 1.399.848 doit être ainsi ramené à fr. 1.245.503 ; l'escompte, soit 5 Ofo de fr. 1.399.848 multiplié par 2,208 (deux ans et deux mois et demi), est en effet de fr. 154.344.

E. est en revanche redevable d'nn intérêt moratoire de 5°/.

sur ladite somme depuis le 1er novembre 1985, date de la notifi- cation du licenciement.

Note: a) Le premier problème posé par cet arrêt a déjà été examiné à propos de la décision ci-dessus (no 7 supra). Comme nous croyons l'avoir montré, le licenciement avec effet immédiat injustifié met fin en fait et en droit au contrat de travail (contrai- rement à ce qu'admet la jurisprudence du Tribnnal fédéral), de sorte que l'on peut appliquer sans difficulté l'article 339 CO à l'exigibilité des créances en découlant. Point n'est besoin de re- courir à la théorie de la lacune, comme le fait la Chambre d'appel. L'indemnité due par l'employeur est donc en principe exigible dès la résiliation.

S'agissant en droit d'une indemnité (et non point d'nn salaire), l'on peut appliquer l'article 43 CO. Selon cette disposition, le juge détermine le mode de la réparation d'après les circonstan- ces. Certes, comme le relève la Chambre d'appel, le versement d'nn capital constituera très souvent la meilleure solution, car il permet de liquider rapidement les relations entre les parties.

Dans certains cas, toutefois, l'allocation d'une rente se révélera préférable, notamment si la probabilité que le travailleur trou- vera bientôt nn nouvel emploi paraît élevée, si le délai de congé est fort long ou si la somme en cause atteint un montant si im-

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portant que l'employeur ne serait guère en mesure de s'en acquit- ter immédiatement; dans une telle hypothèse, l'employeur sera astreint à fournir des sûretés (art. 43 al. 2 CO).

b) La réparation du dommage ne doit pas aller au-delà du préjudice subi. Il est donc normal de déduire un escompte en cas de condamnation au versement d'un capital, à tout le moins lorsque, vu le montant de ce dernier et la durée à courir jusqu'à l'échéance normale du contrat, le salarié pourrait placer la som- me à intérêts. La Chambre d'appel, se fondant sur la doctrine citée, a donc eu raison de s'écarter de la jurisprudence du Tri- bunal fédéral en la matière. Il eût été injuste que le salarié, dans cette affaire, touche une indemnité supérieure de fr. 150.000 au préjudice subi.

Sur deux points, toutefois, les considérants de la Chambre d'appel paraissent devoir susciter des réserves.

D'abord, la déduction d'un escompte n'a qu'un seul but, soit d'éviter un enrichissement injustifié du travailleur. Il faudra donc rechercher si la somme en cause eût pu être placée et à quel taux. Contrairement à ce qu'indique l'arrêt, on ne pourra pas appliquer mécaniquement l'article 73 CO: cette disposition vise la situation où le débiteur doit des intérêts, laquelle n'est pas réalisée dans notre hypothèse.

En outre, la juridiction cantonale nous paraît avoir commis une erreur en calculant l'escompte globalement. On se rappelle que l'employeur devait non seulement une indemnité correspon- dant au salaire à courir jusqu'à l'échéance du contrat, mais encore une indemnité contractuelle de départ, qui de toute façon ne devait pas être exigible avant cette échéance, soit le 31 mars 1990. Il aurait fallu déterminer l'escompte séparément pour les deux postes, en prenant comme référence pour la première in- demnité une date intermédiaire moyenne, comme l'a fait la Chambre d'appel, et, pour la seconde, la date de son exigibilité, en 1990.

c) La Chambre d'appel a calculé les intérêts moratoires à compter de la notification du licenciement avec effet immédiat injustifié (dans le même sens: CA, V, 11.3.1986; XII, 28.10.

1985 ; IX, 18.1.1985). Sa pratique, en la matière, est hésitante:

il lui arrive aussi de prendre en considération, comme point de départ, l'échéance normale du contrat (CA, IV, 25.6.1986 ; IX,

(25)

25.2.1985) ou l'introduction de la demande, valant mise en de- meure (CA, VIII, 29.11.1984).

Selon l'article 104 CO, les intérêts moratoires sont dus dès que le débiteur se trouve en demeure. La demeure résulte en général de l'interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO). Une telle interpellation n'est toutefois pas nécessaire lorsque le débi- teur, par son comportement, a clairement manifesté son intention de ne pas s'exécuter (Engel, p. 466, avec références). Cette hypotbèse est réalisée lorsque l'employeur licencie le travailleur avec effet immédiat, puisqu'un tel licenciement manifeste à l'évi- dence le refus de continuer les rapports de travail. il faut ainsi admettre qu'une interpellation n'est pas nécessaire: les intérêts moratoires courent donc, comme le dit ici la Chambre d'appel, dès la notification du licenciement avec effet immédiat injustifié (cf. JAR 1981, p. 170 et 1983, p. 190-191).

9. Art. 337 d CO (No~ 284 à 290). Abandon d'emploi; indem- nité forfaitaire; nécessité, pour l'employeur, d'alléguer un pré- judice? (CA, III, 16.10.1986).

T. a quitté le chantier, en milieu d'après-midi, après une alter- cation avec un collègue; il revient le lendemain pour rapporter à E. les clefs du coffre. N'ayant pu établir de jnstes motifs pour son départ, T. est réputé avoir abandonné son emploi au sens de l'art. 337 d CO.

Cette disposition ne fait que renverser le fardeau de la preuve au bénéfice de l'employeur. En effet, ce dernier a droit à une indemnité forfaitaire sans qu'il lui incombe de prouver son pré- judice. Toutefois, l'employeur ne peut prétendre au dédomma- gement forfaitaire s'il n'a pas au moins allégué un préjudice: le fardeau de l'allégation reste à sa charge (Rehbinder, Droit suisse, p. 111). E., qui n'a pas soutenu avoir subi un dommage, doit donc se voir refuser l'indemnité forfaitaire qu'il réclame.

Note: Selon la jurisprudence bâloise, l'indemnité forfaitaire prévue à l'art. 337 d CO a pour seul but de réparer le dommage subi par l'employeur; elle ne peut donc être allouée que si ce dernier allègue un tel préjudice; dans la mesure toutefois où l'employeur se contente de l'indemnité forfaitaire, il peut se contenter d'alléguer ce dommage et n'est pas tenu de le prouver ;

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le travailleur conserve cependant la faculté de se libérer en éta- blissant l'absence de préjudice subi par l'employeur (JAR 1982, p. 199-200; 1981, p. 175-177; Rehbinder, Schweizerisches ... , p.109).

Cette manière de voir n'est pas compatible avec le texte de l'art. 337 d aI. 2 CO, qui n'interdit aucunement au juge de condamner le travailleur au paiement de l'indemnité forfaitaire en l'absence de préjudice, mais qui lui donne simplement la faculté de renoncer à une telle condamnation. Cette indemnité forfaitaire revêt en effet un caractère de peine civile due à rai- son de l'abandon d'emploi comme tel: en l'absence de préjudice allégué ou prouvé par l'employeur, le juge peut certes la réduire (voire la supprimer), mais n'y est pas contraint; tout dépendra de sa libre appréciation des circonstances du cas particulier (1. Eisler, in R. Kuhnl G. Koller, 7/3.6 p. 5-7; F. Rapp, p. 191 ; Streiff, n. 4 et 5 ad art. 337 d CO; Vischer, p. 165-166;

Schweingruber, p. 210-211 ; Brühwiler, n. 2 ad art. 337 d CO;

Brühwiler, Die fristlose ... , p. 77).

L'arrêt de la Chambre d'appel rapporté ci-dessus nous paraît donc contraire à la loi.

10. Art. 337 d CO (Nos 284 à 290). Abandon d'emploi; action en réparation du préjudice subi par l'employeur; délai (CA, VII, 14.10.1986).

T. a abruptement abandonné son emploi le 28 février 1985.

Ayant ouvert action le 29 avril 1985, E. réclame la réparation du préjudice causé par ce départ subit.

Le délai de péremption de trente jours prévu par l'art. 337 d al. 3 CO ne s'applique qu'au droit à l'indemnité forfaitaire visée à l'art. 337 d al. 1 CO. Après ce délai, l'employeur conserve la faculté d'exiger la réparation effective de son préjudice dans le délai de prescription ordinaire (Rehbinder, Schweizerisches ... , 7ème éd., p. 101-102).

Note: Selon le texte même de l'art. 337 d al. 3 CO, le délai de péremption s'applique à «l'indemnité» (forfaitaire) et non pas à la « réparation du dommage supplémentaire» visée à l'alinéa 1 de cette disposition. Sur ce second point, les droits de l'em-

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ployeur ne sont limités que par le délai ordinaire de prescription, qui est de dix ans (art. 127 CO; JAR 1983, p. 80 et 190-191 ; Eisler, in op. cit., 7/3.6, p. 10; Rehbinder, Schweizerisches ... , p. 109; Brühwiler, n. 8 ad art. 337 d CO ; Kuhn, 18/13.2, p. 7).

En effet, le plus souvent, s'il entend établir l'existence et l'éten- due de son préjudice (diminution du bénéfice, par exemple), l'employeur aura besoin d'un délai relativement long. L'opinion de la Chambre d'appel à cet égard est donc bien fondée.

Rappelons toutefois que, s'il verse au travailleur son salaire sans se réserver d'agir contre celui-ci en réparation du dommage causé, l'employeur est réputé avoir renoncé à ses prétentions, dans la mesure où, lors du versement, il avait connnaissance de ce préjudice (ATF 110 II 345-346

=

SJ 1985, p. 280

=

JT 1985 1 381

=

JAR 1986, p. 80, avec références; Kuhn, 18/13.2, p.7).

11. Art. 342 al. 2 CO (Nos 312-313). Conditions de travail fixées dans l'autorisation de travail,. effets de droit privé (CA, II,10.6.1986).

E. a payé à T., étranger, un salaire inférieur à celui admis par l'autorité cantonale comme condition à l'autorisation de tra- vail. La Chambre d'appel condamne E. à verser à T. la diffé- rence entre les deux montants.

Note: La Chambre d'appel se rallie implicitement à nos ob- servations in SJ 1986, p. 307-308 (voir aussi CA, III, 27.2.1986 ; JAR 1986, p. 180-181).

a) Dans un arrêt du 8 juillet 1986 (P. SA c. M.J., JT 1987 1 80), le Tribunal fédéral a jugé une espèce voisine, posant des problèmes à vrai dire différents.

T. était un auxiliaire de cuisine dans un établissement relevant de la convention collective des hôtels, restaurants et cafés, dont le champ d'application est régulièrement étendu par le Conseil fédéral. Ce texte ne fixait pas de rémunération minimum pour les auxiliaires de cuisine. Le tribunal d'appel tessinois a cependant obligé l'employeur à verser au travailleur le salaire minimum prévu pour une autre catégorie de personnel. A ses yeux, le res- pect de ce salaire permettait d'assurer au travailleur en cause

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