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La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1987

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La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1987

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1987. La Semaine judiciaire , 1988, vol. 110, no. 35, p. 561-592

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12174

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La jurisprudence

sur le contrat de travail à Genève en 1987

par Gabriel AUBERT professeur à la Faculté de droit

Faisant suite à celles publiées dans la Semaine judiciaire de 1986 (p. 289 ss.) et de 1987 (p. 545 ss.), la présente chronique expose et commente quelques décisions significatives du Tribunal fédéral et de la Chambre d'appel dans des affaires genevoises en 1987 •

'" Les ouvrages et les articles cités dans le texte sont les suivants:

Arnold, K.: Oie missbrauchliche Klindigung des Arbeitsverhâltnisses nech franzôsischem und schweizerischem Recht, Ein Vergleich, Zurich 1970; Aubert. G. : L'obligation de paix du travail, étude de droit suisse et comparé, Genève 1981 ; Aubert. G.: Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, Lausanne 1984 (cité: Aubert) ; Berenstein, A. : La nouvelle réglementation du contrat de travail (1974), in Etudes de droit social. Genève 1979, p. 146; Bigler, F.W. : Commentaire de la loi sur le travail, trad. fr., Berne 1986; Bohny, P.: Unterliegt der Ferienan- spruch einer Verwirkungsfrist 1, RSJ 1983, p. 174; Brühwiler, J.:

Kritische Betrachtung der neueren Rechtsprechung auf dem Gebiet des Arbeitsrechts, RSJ 1983, p. 277; Brühwiler, J.: Handkommentar zum Einzelarbeitsvertrag, Berne 1972 ; Canner, R./Schoop, R. : Arbeit~

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1. Art. 320, 334 et 336 b CO Modification du contrat de tra- vail; crainte fondée (art. 29 et 30 CO); groupe de sociétés;

période d'essai; calcul du délai de congé (TF, rr, 19.11.1987).

En mars et avril 1985, des discussions eurent lieu entre E. et T., qui travaillait à l'époque aux Etats-Unis, en vue de l'enga- gement de ce dernier en qualité de directeur financier du groupe de sociétés propriété de E. Le 24 avril 1985, T. adressa à E.

deux mémorandums relatifs à son statut d'employé. Le premier de ces documents faisait état d'un salaire annuel de départ de fr. 200.000, qui devait augmenter de fI. 50.000 par la suite.

L'auteur indiquait qu'il s'agissait des bases de l'accord négocié entre parties; le destinataire était invité à dire si tel était bien le cas ou s'il y avait lieu d'apporter encore des précisions. E.

s'abstint de répondre.

T. commença à travailler le 8 avril 1985 pour E. (USA) Inc., aux Etats-Unis. Il toucha un salaire inférieur à la somme conve-

gesetz, Zurich 1976; de Gautard, J.: La résiliation du contrat de travail en temps inopportun, Vevey 1982; Guhl, T. J Merz, H.! Kum- mer, M. : Das Schweizerische Obligationenrecht, Zurich 1980 ; Hinder- mann, W.E.: Leitfaden zum Arbeitsgesetz, Glattbrugg 1970 ; Halzer, M.:

in Hug, W. (éd.) : Commentaire de la loi fédérale sur le travail, Berne 1971 ; Hug, W.: Das Kündigungsrecht, t. l, Aarau 1926; Kuhn, R. / Koller, G.: Aktuelles Arbeitsrecht für die betriebliche Praxis, Zurich (avec mises-à-jour); Merz, H.: in Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Berne 1966; Müller, M.: Die rechtliche Behandlung der Oberstundenarbeit, Zurich 1986; Oser, H. / Schonenberger, W.: Das Obligationenrecht, Zurich 1936; Orlando, D.A. : Zur missbrauchlichen Kündigung des Arbeitsvertrages, RSJ 1977, p. 197; Rehbinder, M.:

in Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Berne 1985 (cité:

Rehbinder); Rehbinder, M.: Schweizerisches Arbeitsrecht, Berne 1986 ; Rehbinder, M. : Arbeitsgesetz, Zurich 1987; Roncoroni, G. : Du calcul de l'indemnité de vacances, Revue syndicale suisse 1986, p. 43 ; Schoop, R. : über das neue Arbeitsvertragsrecht, St. Gall 1973 ; Sigrist, U. : Die ordentliche Beendigung des Arbeitsverhaltnisses unter besonderer Berücksichtigung des Kündigungsschutzes, th. Bâle 1982 ; Spoendlin, K.: Zur Bedeutung des Kündigungsgrundes im Arbeits- vertrag, ROS 1980, t. l, p. 141 ; Staehelin, A.: in Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Zurich 1984; Streiff, U.: Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, Zurich 1986; Tercier, P.: La partie spé- ciale du code des obligations, Zurich 1988; Tschudi, H.P.: La pro- tection des travailleurs en droit suisse, l;Ierne 1987 ; Vischer, F.: Le contrat de travail, Fribourg 1982; Voegeli, C. : Le licenciement abusif, in La protection des travailleurs contre les licenciements, Lausanne 1979, p. 114; Vonplon, M. : Kündigungsschutz im Arbeitsrecht, Berne 1986; Wirz, M. : Die Nachwirkungen des Arbeitsverhaltnisses, th. Bâle 1979.

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nue; selon E., la différence était due au fait que T. n'avait pas d'impôt à payer sur son lieu de travail. Dès le début de septem- bre 1985, T. a exercé ses activités dans le bureau de E. (Suisse) SA à Genève.

Par lettre du 15 novembre 1985, E. remit à T., pour signa- ture, un contrat de travail. Ce document différait des conditions initialement discutées en mars et avril 1985 sur différents points, notamment le salaire, fixé à fr. 182.000, plus fr. 18.000 de frais de représentation forfaitaires; la date initiale du contrat, selon ce texte, était le 1er septembre 1985, et non pas le 8 avril 1985 (contrairement à la réalité) ; enfin, le délai de congé était fixé à un mois, en dérogation à l'art. 336 b CO.

La lettre précitée contenait le passage suivant: «Dans l'éven- tualité où vous persistiez (sic) à refuser la signature de ce contrat, nous basant sur le contrat verbal présentement en vigneur nous nous verrions dans l'obligation d'y mettre un terme en vous noti- fiant un préavis d'une semaine soit pour le 22 novembre cou- rant, - la période d'essai selon contrat verbal n'étant pas encore arrivée à échéance».

T. signa le contrat et encaissa simultanément son salaire pour le mois d'octobre.

En avril 1986, T. se plaignit à E. de ce que son travail ne correspondait pas à ce qui avait été convenu; il déplorait l'ab- sence de toute augmentation de salaire. Les demandes de T.

provoquèrent une nouvelle discussion, le 29 avril 1986, qui s'en- venima: E. invita T. à quitter sur-le-champ ses bureaux.

T. ouvrit alors action contre E. (Suisse) SA en paiement de son salaire plein pour les mois d'avril, de mai et de juin 1986, sur la base de son mémorandum du 24 avril 1985.

(2.) E. (Suisse) SA soutient en vain que ses relations avec T.

ne pouvaient être antérieures au 1er septembre 1985. En effet, T. a été engagé dans le groupe E. par la personne qui contrôle ce groupe, ce qui implique que, lors de chaque changement d'em- ployeur au sein du groupe, le nouvel employeur ne faisait que reprendre les engagements de son prédécesseur. Dès lors, même si T. n'est entré au service de E. (Suisse) SA que le 1er septem- bre 1985, il Y est entré au bénéfice des mois passés antérieure- ment au service d'une autre société du groupe. C'est donc à juste titre que la cour cantonale l'a traité juridiquement comme un tra- vailleur entré au service de E. (Suisse) SA le 8 avril 1985, avec

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pour conséquence l'application de l'art. 336 b CO, qui concerne le délai de résiliation des contrats ayant duré plus d'un an. Toute autre solution serait contraire non seulement au droit ou à l'équité, mais également aux règles de la bonne foi (d. mutatis mutandis, ATF 112 II 56-57 et les références; voir aussi Aubert, No 162).

(3.) A propos du salaire convenu entre les parties, la cour can- tonale s'est référée aux mémorandums adressés le 24 avril 1985 par T. à E. Elle a jugé que ces documents trahissaient de manière évidente la volonté de l'employé de percevoir une rémunération de ff. 200.000 pour sa première année d'activité et de fr. 250.000 ensuite, de sorte que E. avait l'obligation de réagir en cas de refus.

Le premier mémorandum mentionnait clairement que son objet correspondait, selon T., à ce qui avait été convenu entre les par- ties; il invitait E. à réagir en apportant des précisions. Le deuxième mémorandum était notamment destiné à l'obtention de ces précisions. Le silence opposé à ces mémorandums et l'enga- gement effectif qui s'est poursuivi sans réserve ne pouvaient donc qu'avoir le sens d'une acceptation tacite des conditions mention- nées par T.

(4.) Se prononçant sur la portée et la validité du contrat de travail signé en novembre 1985 par T. et différant de la conven- tion initiale (notanunent quant au point de départ du contrat et quant au délai de congé), la cour cantonale a relevé que la signa- ture du demandeur avait été obtenue par le biais d'une menace de licenciement dans un délai d'une semaine, trop bref en regard de l'art. 336 a

co.

Elle a stigmatisé le comportement de E.

consistant à engager un travailleur sur la base de conditions négociées verbalement, à le faire venir des Etats-Unis en Suisse puis, après quelques mois, à le contraindre, sous la menace d'un licenciement abrupt, à signer un contrat dont les termes étaient nettement plus désavantageux. Elle a jugé qu'un tel procédé était à tout le moins constitutif d'une crainte fondée, au sens de l'art.

30 CO, si bien que les conditions négociées au printemps 1985 étaient demeurées en vigueur.

La cour cantonale s'est référée avec raison à l'art. 30 CO sur la crainte fondée. Contrairement à ce que soutient E. (Suisse) SA, on ne se trouve pas dans le cas d'une menace de congé légal, avec pour conséquence l'éventuelle application de l'art. 30 al. 2

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co

(cf. Rehbinder, n. 39 ad art. 320), mais dans le cas d'une menace d'un congé illicite, qui tombe sous le coup du premier alinéa de cette disposition. En effet, E. (Suisse) SA a violé les art. 334 et 336 a CO en menaçant de mettre un terme au contrat moyennant un préavis d'une semaine, si E. ne signait pas le nou- veau contrat. Pareille intimidation, touchant la personne et les biens du travailleur, était grave, car on ne saurait qualifier autre- ment une menace injustifiée de perte immédiate d'un emploi.

Peu importe donc que les avantages extorqués de la sorte aient été ou non excessifs dans le cas particulier. Il suit qu'en vertu de l'art. 29 CO le contrat signé en novembre 1985 n'obligeait pas les parties.

(5.) Lors de l'entrevue du 29 avril 1986, E. a invité T. à quitter les lieux sur-le-champ. Cette. résiliation avec effet immé- diat n'était pas justifiée, car T. s'était plaint avec raison de l'ab- sence de toute augmentation de salaire, constitutive d'une viola- tion de l'accord contractuel initial.

Le contrat ayant duré plus d'un an, force est ainsi d'allouer à T. une somme correspondant à deux mois de salaire, confor- mément aux art. 336 b et 337 c CO.

Note: Il est rare qu'un contrat de travail soit attaqué pour vice du consentement de l'une des parties. En pratique, la partie victime d'un tel vice résilie le contrat avec effet immédiat, sans revenir sur le passé. Ici, l'existence d'un vice du consentement importait pour le calcul du délai de congé, puisque le contrat invalidé prévoyait un délai plus court que le contrat initial, qui s'en tenait au délai légal de l'art. 336 b CO. L'invalidation du contrat déploie une autre conséquence non traitée dans l'arrêt, qui n'a statué que sur les prétentions formulées; T. n'étant pas lié par la réduction du salaire consignée dans le contrat de no- vembre 1985, E. (Suisse) SA reste redevable de la différence entre, d'une part, la rétribution fixée selon les mémorandums d'avril 1985 et, d'autre part, les montants versés jusqu'à la fin du contrat. Le fait que T. ait régulièrement encaissé sans protester un salaire inférieur à celui découlant du contrat ne signifie pas qu'il a accepté une modification de ce dernier (SJ 1983, p. 96 cité in Aubert, No 47).

2. Art. 321 c CO; art. 12 à 14 LTr Heures supplémentaires;

travail supplémentaire; travail accessoire; définition; rapport

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entre le droit public et le droit privé; rémunération (TF, rr, 14.7.1987; cf. aussi CA, VII, 11.12.1986).

Le 13 février 1984, T. a été engagé en qualité de « chauffeur secouriste ambulancier» par E. SA. Selon l'article 5 du contrat, T. avait droit à un salaire brut de fr. 2543 par mois. La durée contractuelle du travail était de 62 heures par semaine. T. était en outre tenu, en vertu de l'article 4, d'accomplir des heures sup- plémentaires «indemnisées à 100

"1.

sur la base du salaire brut mensuel ». Dès la mi-juillet 1985, des difficultés surgirent: T.

refusa notamment de porter le courrier à la poste et de laver la voiture de marque BMW qne E., administrateur et actionnaire de E. SA, utilisait en partie pour les besoins de l'entreprise. Le 26 juillet 1985, un incident éclata: vers 7 heures du matin, T., qui reprenait son travail, reçut l'ordre de laver la BMW que E.

entendait utiliser pour reconduire à Genève son épouse en séjour dans une clinique allemande. Les rapports de travail prirent fin ce jour-là. Il est établi que, du 13 février 1984 au 26 juillet 1985, T. a travaillé 62 heures par semaine, à quoi s'ajoutent 249,90 heures. T. réclame le paiement d'un supplément pour toutes les heures effectuées au-delà de 50 heures hebdomadaires de travail.

(3.) Les heures supplémentaires, au sens de l'art. 321 c CO, sont celles qui excèdent le nombre d'heures que prévoit le contrat ou l'usage, un contrat-type de travail ou une convention collec- tive. En l'occurrence, les parties étaient convenues d'une durée hebdomadaire du travail de 62 heures. Aussi la Chambre d'appel a-t-elle comptabilisé à bon droit, au titre des heures supplémen- taires, seulement le nombre d'heures correspondant au dépasse- ment global de la durée conventionnelle de la semaine de travail.

Il faut toutefois examiner si T. peut déduire ses prétentions des dispositions topiques de la loi sur le travail, qui sortissent des effets de droit civil en vertu de l'art. 342 al. 2 CO.

L'art. 13 al. 1 LTr impose à l'employeur le versement au travailleur d'un supplément d'au moins 25

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pour le travail supplémentaire (c'est-à-dire le travail dépassant, à certaines con- ditions, la durée maximum hebdomadaire légale, ici 50 heures, selon l'art. 9 al. 1 litt. b LTr). Au contraire de l'art. 321 cal. 3 CO, il ne prévoit pas la possibilité de supprimer la rétribution des heures supplémentaires moyennant un accord écrit. Dès lors, à supposer que la première de ces deux dispositions ait un carac-

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tère impératif, E. ne pourrait tirer aucun argument du fait que les parties avaient arrêté la durée hebdomadaire du travail à 62 heures et que seules les heures dépassant cette limite devaient être rétribuées comme heures supplémentaires au sens de l'art. 4 du contrat de travail. La société ne saurait échapper, dans cette hypothèse, à l'obligation de rétribuer les heures de travail excé- dant la limite maximale de 50 heures par semaine, fixée à l'art. 9 al. 1 litt. b LTr. La question - controversée - des rapports entre les normes précitées a été laissée indécise dans un arrêt du 20 juin 1984 (ATF 110 II 267 = JdT 1985 1 269-270, avec de nombreuses références). Il n'est pas non plus nécessaire de la trancher dans le cas particulier.

En effet, il résulte des constatations de la cour cantonale, aux- quelles le Tribunal fédéral doit se tenir en instance de réforme, que E. avait été autorisé à appliquer un horaire hebdomadaire de travail incluant, en plus des 50 heures prévues par l'art. 9 al. 1 LTr, 12 heures réservées aux travaux accessoires. Or, selon l'art.

14 al. 1 LTr, la durée maximum de la semaine de travail peut être dépassée pour l'exécution de travaux accessoires. Ceux-ci ne donnent donc pas droit à une indemnité pour travail supplé- mentaire (Rehbinder, n. 12 ad art. 321 c, p. 148; Rehbinder, Schweizerisches ... , p. 43 in fine). Par conséquent, le supplément de salaire prescrit par l'article 13 al. 1 LTr ne concernait en l'espèce que le travail effectué en plus des 62 heures par semaine.

Autrement dit, le problème de la rémunération des heures de travail supplémentaires doit être résolu ici de manière identique, que l'on applique la disposition de droit privé ou celle de droit public.

Cette dernière constatation ne suffit cependant pas à épuiser le sujet. Il faut encore envisager l'application de l'art. 14 LTr au cas particulier. Les considérations émises sur ce point par la cour cantonale manquent singulièrement de clarté. Ce qui parait en ressortir, c'est l'opinion de la Chambre d'appel, selon laquelle seuls les travaux accessoires ayant dépassé le temps autorisé - 12 heures au plus par semaine - justifieraient un supplément de salaire de 25% , conformément à l'art. 14 al. 3 LTr. Or, une telle opinion n'est pas défendable, car elle se heurte au texte clair de cette disposition, qui prescrit impérativement la compen- sation par un congé de même durée des travaux accessoires dé- passant deux heures par jour, ainsi que le versement d'un supplé-

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ment de salaire pour les travaux accessoires n'excédant pas cette limite quotidienne et ne faisant pas l'objet d'une compensation par un congé (cf. Bigler, p. 69, ch. 3 ; Holzer, n. 17 ad art. 14 ; Rehbinder, Arbeitsgesetz, n. 4 ad art. 14). On observe du reste à ce propos que, dans sa lettre du 7 décembre 1983, sur laquelle E. fonde son argumentation, l'OCIRT rappelait expressément aux entreprises d'ambulances leur devoir de respecter, entre autres dispositions de la loi sur le travail, celle relative au sup- plément de salaire pour les travaux accessoires.

En l'occurrence, la cour cantonale a constaté souverainement l'absence de preuve de la compensation des travaux accessoires par des congés. Aussi aurait-elle dû tirer la conséquence de cette constatation en allouant à T. un supplément de salaire d'un quart pour les heures de travail se situant dans la fourchette de 50 à 62 heures par semaine. En ne le faisant pas, elle a violé le droit fédéral.

Les prétentions émises par T. apparaissent manifestement ex- cessives au regard de ce même droit. Elles atteignent en effet le montant de fr. 23.882, qui résulte de la multiplication du salaire horaire majoré d'un quart de la totalité dn temps de tra- vail supérieur à la limite de 50 heures par semaine. Ce calcul ne tient pas compte du fait que le salaire mensuel représentait la rémunération de 62 heures de travail par semaine, en d'autres termes qu'il comprenait déjà la rétribution des 12 heures hebdo- madaires de travaux accessoires, mais sans le supplément prévu par l'art. 14 al. 3 LTr. T. ne peut dès lors exiger que le paiement de ce supplément, outre les heures de travail supplémentaires proprement dites pour lesquelles son droit à une indemuisation complète a déjà été reconnu par la cour cantonale.

Quant au salaire horaire déterminant pour le calcul de la rémunération supplémentaire, il résulte de la division du salaire mensuel (fr. 2543) par le nombre d'heures représentant un mois de travail, soit 268,46 (4,33 semaines multiplié par 62 heures).

On obtient ainsi une rémunération de fr. 9,47 par heure ou de fr. 11,83 avec le supplément de 25 "/0. Cette rémunération tient compte, comme il se doit, de la durée hebdomadaire de travail telle qu'elle a été convenue par les parties.

Nole: 1. Cette affaire touche une des professions où la loi fédérale sur le travail n'est pas toujours respectée: celle des

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ambulanciers. Certains employeurs y ont pratiqué des horaires de travail comportant plus de 80 heures par semaine, alors que le maximum légal est de 50 heures (art. 9 al. 1 litt. b LTr).

Certes, l'horaire des ambulanciers inclut des moments de simple présence et d'attente, de sorte que les salariés n'accomplissent pas un travail ininterrompu. Aussi, l'ordonnance II d'exécution de la loi sur le travail ne prévoyant pas de régime dérogatoire, l'autorité compétente proposa aux employeurs de les mettre au bénéfice des dispositions applicables au personnel de gardien- nage (bien que la profession d'ambulancier fût évidemment plus astreignante que cette dernière). Selon ces dispositions, la durée de la semaine de travail est de 60 heures en moyenne sur deux semaines, l'horaire hebdomadaire ne pouvant tontefois pas excé- der 66 heures (art. 172 OLTr II, R.S. 822.112). L'Association professionnelle patronale des ambulanciers à Genève refusa cette proposition, qni se trouvait pourtant déjà en marge de la loi.

Soumis au pouvoir hiérarchique, l'Office cantonal de l'inspec- tion et des relations du travail (OCIRT), par lettre du 7 décem- bre 1983, autorisa implicitement les membres de l'association à appliquer dès le 1er février 1984 une durée de travail hebdoma- daire de 50 heures, plus deux heures de travail accessoire par jour, au sens de l'art. 14 LTr, jusqu'à six fois par semaine au maximum.

2. Sur la base de ce document, le Tribunal fédéral a pu con- sidérer comme accessoire le travail effectué par T. de la 50ème à la 62ème heures hebdomadaires. Il s'est ainsi prononcé sur la rémunération de ces dernières dans le cadre de l'art. 14 al. 3 LTr : en l'absence de compensation par un congé, E. était tenu de verser un supplément de salaire de 25 Of ••

Eût-il considéré ce travail comme supplémentaire, le Tri- bunal fédéral aurait examiné si la clause contractuelle excluant le paiement d'un supplément de salaire se heurtait à l'art. 13 al. 1 LTr. Il a ainsi laissé ouverte la question de savoir si cette dispo- sition revêt un caractère impératif (problème également non ré- solu dans l'ATF 110 II 267 = JdT 1985 1 269-270).

On peut douter que, qualifiant d'accessoire le travail en cause, le Tribunal fédéral se soit à bon droit senti dispensé d'examiner le caractère impératif de l'art. 13 al. 1 LTr. En effet, l'art. 14 al. 3 LTr renvoie expressément à cette disposition. Supposé donc que les parties puissent déroger valablement à l'art. 13 al. 1 LTr,

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la portée de l'art. 14 al. 3 LTr s'en trouverait probablement affectée.

L'art. 13 al. 1 LTr concerne le travail supplémentaire, soit le travail dont la durée excède le maximum légal (45 ou 50 heures, selon les professions). Il statue que, sauf compensation par un congé de même durée, l'employeur versera au travailleur un sup- plément de salaire d'au moins vingt-cinq pour cent, qui n'est toutefois dû aux employés de bureau, aux techniciens et aux autres employés qu'à partir de la soixante-et-unième heure ac- complie dans l'armé civile. L'article 321 c al. 3 CO concerne les heures supplémentaires, soit les heures de travail effectuées au- delà de l'horaire contractuel. Il prévoit que, sauf clause contraire d'un accord écrit, d'un contrat-type ou d'une convention collec- tive, l'employeur doit rétribuer les heures de travail supplémen- taires qui ne sont pas compensées par un congé en versant le salaire normal majoré d'un quart au moins.

Le rapport entre ces normes est difficile à comprendre. En effet, la loi sur le travail n'impose, textuellement, que le paiement d'un supplément de salaire d'au moins 250/0. Selon le message explicatif du Conseil fédéral, la question de savoir si le salaire de base est dû pour l'exécution de travail supplémentaire est réglée non pas par la loi sur le travail, mais par le droit privé (FF 1960 II 950-951 ; cf. aussi FF 1967 II 315). Or, aussi bien d'après l'ancien art. 336 CO (en vigueur lors de l'adoption de la loi sur le travail), que selon l'actuel art. 321 c al. 3 CO, des dérogations peuvent être prévues à l'obligation de verser le salaire de base (et le supplément) pour les heures supplémentai- res (cf. ATF 86 II 158

=

SI 1961, p. 174

=

IdT 1961 l 237).

Remarquant que le travailleur peut ainsi renoncer à son salaire de base en cas d'heures supplémentaires, certains auteurs ont considéré qu'une telle renonciation entraînait également l'abandon du droit au supplément de salaire en cas de travail supplémentaire: il serait illogique que l'employeur soit tenu de payer un supplément de salaire s'il est dispensé de payer le salaire de base. En tant qu'il touche le paiement du salaire et du sup- plément, l'art. 13 LTr ne revêtirait donc pas un caractère impé- ratif (Berenstein, p. 148 ; dans certaines limites, Canner/Schoop, n. 1 ad art. 13 ; Holzer, n. 1 ad art. 13 ; Schoop, p. 13 ; Staehe- lin, n. 23 ad art. 321 c CO). D'autres auteurs, au contraire, consi- dèrent le caractère impératif de l'art. 13 LTr comme établi

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(Bigler, p. 63 ; Brühwiler, n. 14 b ad art. 321 c ; implicite: Hin- dermann, p. 69-70; Müller, p. 138; Rehbinder, Arbeitsgesetz, n. 1 ad art. 13 ; Streiff, n. 4 ad art. 321 c ; Tschudi, p. 69-70).

Il est vrai que, à première vue, l'art. 13 LTr ne règle pas le droit au salaire de base en cas de travail supplémentaire. Toute- fois, les auteurs de la loi sur le travail sont visiblement partis de l'idée que, en droit privé, le travail supplémentaire donne droit au paiement du « salaire de base correspondant, augmenté d'un supplément» (FF 1960 II 950), la seule exception envisagée étant celle des employés s'agissant du travail supplémentaire effectué en deçà de la soixante-et-unième heure, un tel travail étant d'ordinaire fourni gratuitement (FF 1960 II 951). L'art. 13 LTr présuppose donc que le travail supplémentaire donne droit au paiement du salaire de base. Il prend lui-même en compte les cas dans lesquels ni ce salaire de base (ni le supplément) ne sont dus. Il est dès lors inutile de s'interroger, dans le cadre de son application, sur la réglementation civile des heures supplémen- taires.

De plus, le législateur a voulu que le travail supplémentaire coûtât plus cher à l'employeur que le travail effectué dans les limites de l'horaire maximum normal (Bigler, p. 63; Tschudi, p. 69). C'est pourquoi il n'a dispensé l'employeur de ses obli- gations pécuniaires que si le travail supplémentaire est compensé par un congé de même durée avec l'accord du travailleur (art. 13 al. 2 LTr). L'exigence d'un tel accord n'a de sens que si la rétri- bution à laquelle renonce le salarié comporte non seulement le supplément de 25 %, mais aussi le salaire de base (cf. FF 1960 II 951). Supposé que, en vue de la compensation, l'alternative consiste soit dans le paiement du seul supplément de 25 % , soit dans un congé de durée identique au dépassement du maximum légal, le législateur, ayant en vue la protection de la santé du salarié, n'aurait sans doute pas exigé que le congé équivalent soit subordonné au consentement du travailleur.

Rien, dans le texte de l'art. 13 LTr, ne donne à penser qu'il s'agisse d'une règle dispositive. Le législateur a employé le futur impératif. Il n'a prévu que deux exceptions à l'obligation de payer une indemnité pour travail supplémentaire. La première concerne le cas des employés ayant effectué moins de 61 heures de travail supplémentaire: le texte préciserait qu'il ne mentionne cette hypothèse qu'à titre d'exemple si d'autres dérogations

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étaient possibles. La seconde exception concerne la compensa- sation par un congé de même durée: on ne voit pas pourquoi la loi prescrirait expressément un tel congé, si le travailleur pou- vait librement renoncer à toute indemnité (c'est-à-dire, du même coup, à tout repos compensatoire). On comprendrait d'ailleurs mal que soit considérée comme supplétive une disposition dont l'exécution est assurée par l'autorité administrative et dont la violation peut donner lieu à des sanctions pénales (art. 51 ss. et 59 LTr).

Dans l'affaire tranchée ci-dessus par le Tribunal fédéral, E.

et T. étaient convenus que le salaire de base serait dû en cas d'heures supplémentaires, mais sans supplément. La Chambre d'appel n'a pas tenu compte de cette clause contractuelle puis- qu'elle a condamné E. à payer un supplément de 25 of. en rap- port avec ce qu'elle a admis comme étant un travail supplémen- taire (soit, à ses yeux, le travail effectué au-delà de la 62ème heure). L'instance cantonale a ainsi considéré, au moins impli- citement, que l'art. 13 LTr revêt un caractère impératif. Ce faisant, elle a tranché la controverse signalée par le Tribunal fédéral, à vrai dire sans s'y arrêter. Certes, le caractère impératif de l'art. 13 LTr ne touche ici que le supplément de 25 % ; toute- fois, pour les raisons que nous avons développées ci-dessus, il faut reconnaître qu'il s'étend également au salaire de base. E.

n'ayant pas contesté l'arrêt cantonal devant le Tribunal fédéral, ce dernier n'eut pas de raison d'examiner la décision genevoise sous cet angle.

En résumé, la rétribution des heures supplémentaires, soit celles dépassant l'horaire contractuel, est réglée par l'art. 321 c al. 3 CO (sur la forme et les limites des dérogations, cf. Müller, p. 121-137 et FF 1967 II 315; depnis la révision du 18 mars 1988 l'art. 321 c al. 3 CO, pour des raisons de technique législa- tive, ne figure ni à l'art. 360 ni à l'art. 361 CO ; cf. à ce propos FF 1984 II 638). Dès que les heures supplémentaires dépassent le maximum légal, elles constituent du travail supplémentaire au sens de l'art. 12 LTr et doivent impérativement faire l'objet d'une rétribution comprenant le salaire de base majoré de 25 Of., selon l'art. 13 LTr.

3. Le travail supplémentaire, par définition, reste exception- nel, comme le dit la loi elle-même (art. 12 al. 1 LTt). La rétri-

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bution dn travail supplémentaire au taux de 125 Ofo vise à dissuader l'employeur d'y recourir. Ces principes seraient éludés s'il était loisible aux parties de prévoir, dans le salaire de base, une rémunération forfaitaire du travail supplémentaire. Pour assurer le plein effet de la loi, chaque heure de travail supplé- mentaire doit donc être rétribuée séparément avec son supplé- ment, tout accord contraire étant nul. Par identité de motifs, cette règle s'applique également au travail accessoire.

En l'espèce, le Tribunal fédéral s'est fondé sur la constatation que le contrat prévoyait un horaire de 62 heures par semaine pour un salaire de fr. 2543 par mois. 1\ en a déduit que le salaire afférent à chaque heure de travail pouvait être calculé séparé- ment; la rémunération de base du travail supplémentaire ou accessoire n'était donc pas incluse forfaitairement dans le salaire mensuel, de sorte qu'il ne restait qu'à compléter ce dernier en ajoutant le supplément légalement dû.

Ce raisonnement nous paraît échapper à la critique. En revan- che, ses prémisses (soit les constatations de fait de la Chambre d'appel, qui liaient le Tribunal fédéral), sont tout à fait contes- tables. Comme il ressort de l'arrêt cantonal, il n'était nullement prévu dans le contrat écrit que l'horaire hebdomadaire de travail serait de 62 heures: cette durée n'a été admise par la Chambre d'appel que sur la base de la pratique de l'entreprise. A notre avis, l'employeur qui fixe un salaire en rapport avec un horaire dépassant le maximum légal normal doit le préciser lors de la conclusion du contrat; en l'absence d'une telle précision, le tra- vailleur est en droit de penser que le salaire contractuel ne vise que les heures s'inscrivant dans ce maximum légal, si bien que les heures de travail supplémentaire ou accessoire doivent être rétribuées en sus. C'est à l'employeur de prouver un accord contraire. Ici, la Chambre d'appel a simplement imposé à T. la volonté de l'entreprise, sans examiner si le salarié avait effecti- vement accepté, lors de la conclusion du contrat, que le salaire mensuel comprenne les dépassements du maximum légal normal.

Une telle acceptation pouvait d'autant moins se présumer que le salaire horaire était inférieur à fr. 10.

4. Cette affaire présente un autre aspect intéressant, sur lequel le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé, faute que, à ses yeux, les griefs y relatifs eussent été formulés de manière recevable.

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C'est la question de savoir si l'abandon de son emploi, par T., était véritablement injustifié.

Il ressort de l'arrêt de la Chambre d'appel que l'inspection du travail avait déclaré ne tolérer un dépassement de la durée heb- domadaire maximum du travail qu'à raison de 12 heures par semaine (considérées comme du travail accessoire). En plus de ces 12 heures hebdomadaires, E. a fait accomplir à T. 249 heu- res supplémentaires en quelque dix-huit mois. Ce dépassement régulier ne fit apparemment l'objet d'aucune demande d'autori- sation, et ce en violation de l'art. 12 LTr. E. se trouvait donc dans l'illégalité. Il ne pouvait l'ignorer, puisqu'il connaissait le maximum adrrùs par l'OCIRT. C'est donc consciemment qu'il requérait de T., chaque semaine, quelques heures qu'il n'avait pas le droit de lui demander.

On se rappelle que, le 26 juillet 1985, T. refusa de laver la voiture de l'adrrùnistrateur E., que ce dernier allait utiliser à des fins privées. Visiblement irrité par sa surcharge, T. a sommé E.

de renoncer à cette exigence. E. n'ayant pas cédé, T. quitta l'en- treprise.

La Chambre d'appel stigmatisa «la manifestation d'une vo- lonté délibérée de résister à l'autorité de (1') employeur ». Elle jugea que T. avait abandonné son emploi de manière injustifiée, mais ne s'interrogea pas le moins du monde sur la licéité des dépassements d'horaire imposés par E.

Dans les circonstances de l'espèce, on peut sérieusement dou- ter que l'abandon de son emploi par T. fût injustifié. Contraint d'effectuer des dépassements d'horaire illégaux, T. a demandé d'être dispensé d'une tâche qui ne correspondait ni à la définition du travail supplémentaire, ni à celle du travail accessoire. Il était clair que E. n'entendait pas dirrùnuer la surcharge illicite de T.

Il ne restait au travailleur qu'à résilier son contrat avec effet immédiat, ce qu'il fit.

Dans son arrêt, la Chambre d'appel relève que T. n'a pas allé- gué formellement que l'ordre de laver la voiture de E. était abusif. Une telle opinion de T. ressort cependant de tout son comportement. La juridiction cantonale paraît avoir attendu de lui qu'il indiquât expressément les dispositions légales violées par E. Elle ne se montre pas aussi exigeante envers celui-ci, à qui elle ne reproche nullement d'avoir ignoré la loi.

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3. Art. 324 a et 336 e CO Maladie suivie d'un accident; pro- tection contre le licenciement; droit au salaire lorsque le contrat prend fin (CA, III, 23.4.1987).

Entrée au service de E. le 1er octobre 1973, T. subit une inca- pacité totale de travail pour cause de maladie du 8 janvier au vendredi 14 mars 1986 inclus. Le 14 mars 1986 dans la journée, alors qu'elle n'avait pas encore repris son emploi, T. fut blessée à son domicile par son fils. Il en résulta une incapacité totale de travail pour cause d'accident du 14 mars au 19 mai 1986, suivie d'une incapacité de 50 % du 20 mai au 9 juillet 1986. E. résilia le contrat de travail par lettre parvenue le 20 mars, avec effet au 20 avril 1986. T. réclame à E. fr. 2400, représentant le 20 % de son salaire du 14 mars au 14 juillet 1986, le 80 % restant lui ayant été versé par la CNA.

Selon l'art. 336 e al. 1 CO, lorsque les rapports de travail ont duré plus d'une année, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail au cours des huit premières semaines d'une incapacité de travail résultant d'une maladie ou d'un accident dont le travail- leur est victime sans sa faute.

La question qui se pose ici est de savoir si un salarié peut se prévaloir de deux périodes de quatre, voire de huit semaines de protection, selon l'art. 336 e al. 1 litt. b CO, lorsqu'il est succes- sivement victime d'une maladie puis d'un accident sans avoir été en mesure de reprendre son activité professionnelle entre les deux événements.

Le fait que la maladie et l'accident figurent sous la même lettre de l'art. 336 e CO tend à indiquer que les deux notions doivent être assimilées (dans ce sens FF 1967 II 389). En édic- tant la norme précitée, le législateur a par ailleurs voulu sauve- garder de manière équitable à la fois les intérêts de l'employé et ceux de l'employeur. Le premier est protégé par la certitude qu'une résiliation ne peut lui être notifiée au début d'une absence due à des problèmes de santé. L'absence ne saurait cependant se prolonger au-delà d'un certain temps sous peine de léser les inté- rêts de l'employeur, ce qui explique la limite de quatre, voire huit semaines. Pour définir la durée maximum, instituée au pro- fit de l'employeur, il convient donc de se fonder exclusivement sur la notion d'incapacité de travail, que cette dernière résulte d'une maladie ou d'un accident (de Gautard, p. 97-98).

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En l'occurrence, l'absence de T. s'est prolongée de manière ininterrompue du 8 janvier au 19 mai 1986. Dès le 6 mars 1986, soit après hnit semaines, E. était autorisé à donner congé, ce qu'il a valablement fait par lettre du 19 mars 1986. L'accident survenu le 14 mars 1986 ne modifiait point la situation.

La discussion ne s'arrête toutefois pas là. Le contrat passé entre les parties était en effet soumis à la convention collective en vigueur dans l'industrie des machines. A teneur des art. 51 et 57 de cette dernière, T., qui travaillait depuis plus de dix ans pour le compte de E., avait droit au 100

·f.

de son salaire pen- dant une période minimale de 4 mois en cas d'incapacité de tra- vail due à nn accident. Vu le libellé de l'art. 51 al. 2 de la convention, la période de 4 mois a commencé à courir le jour de la survenance du sinistre, soit le 14 mars 1986, même si auparavant T. a été victime d'une incapacité de travail pour cause de maladie.

Certes, la période durant laquelle un employeur est tenu de verser le salaire à la suite d'un accident ou d'une maladie, selon l'art. 324 a CO, cesse normalement au moment où le contrat de travail prend fin. Une exception s'impose cependant lorsque l'em- ployeur s'est conventionnellement engagé à s'acquitter de la rémunération pour une durée supérieure au délai de congé cal- culé conformément à l'art. 336 a CO (Rehbinder, n. 26 ad art.

324 a ; Streitt, n. 34 ad art. 324 a ; BJM 1976, p. 324 et 1977, p. 386 ; dubitatif: Staehelin, n. 52 ad art. 324 a).

C'est bien ce qui s'est passé en l'espèce. E. était donc tenu de verser 20 Of. du salaire pour la période du 14 mars au 19 mai 1986 ainsi que 10 % du salaire pour la période du 20 mai au 9 juillet 1986 (en rapport avec l'incapacité de travail de 50 "10).

Note.' Comme le relève la Chambre d'appel, dans le cadre de l'art. 336 e al. 1 litt. b CO, la maladie et l'accident sont assi- milés l'un à l'autre. Si une maladie succède à un accident (ou inversement), la protection contre le congé continue; toutefois, la durée totale de la protection ne dépassera pas quatre ou huit semaines, en fonction de l'ancienneté du travailleur (de Gautard, p. 101 ; sur l'hypothèse où les périodes d'iucapacité sont séparées par une interruption, cf. ATF 109 II 332-333 = JdT 1984 1 40 ; Brühwiler, p. 192-193).

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En revanche, les éventualités prévues par les différentes lettres de l'art. 336 e al. 1 CO font naître chacune indépendamment l'une de l'autre une période de protection. Ces périodes s'ajou-.

tent les Wles aux autres: par exemple seize semaines en cas d'accouchement, plus huit semaines en cas de maladie consécu- tive si la salariée n'est plus dans sa première année de service (de Gautard, p. 101; Streijj, n. 2 ad art. 336 e-f ; JAR 1983, p. 171 ; cf. ATF 113 II 263 = JdT 1988 1 179); telle est clai- rement la volonté du législateur depuis la révision de 1988 : cf.

le nouvel art. 336 c al. 1 CO et FF 1984 II 630.

4. Art. 327 a et 327 c CO Frais causés par l'exécution du contrat de travail postérieurement à l'expiration de celui-ci (CA, IX, 21.5.1987).

T. est entré au service de E. en 1976. Son activité comprenait notamment l'exercice de la fonction d'administrateur de sociétés dont E. assumait l'administration et la gestion. T. a exercé un tel mandat dans la société X. Ltd, dont l'actionnaire majoritaire, Y., était client de E. En avril 1970, Y. donna ordre à E. de souscrire, pour X. Ltd, la moitié du capital social de la S.à r.l. Z., qui devait être constituée à Lille. Aussi X. Ltd, par l'entremise de T., président de son conseil d'administration, a souscrit 100 parts de la S.à r.l. Z.

T. a donné pouvoir à Y. de représenter les 100 parts détenues par X. Ltd à l'assemblée générale ordinaire de la S.à r.l. Z.

A cette assemblée, T. fut nommé gérant de la S.à r.l. Z. pour une période de six mois. Ni E. ui T. n'ont accepté ce mandat.

Manifestant son refus, T. n'a pas envoyé les documents néces- saires pour son inscription sur les registres officiels aux manda- taires chargés d'y procéder. Lors d'une seconde assemblée géné- rale, T., qui avait donné procuration à D., fut maintenu contre son gré dans sa fonction de gérant de la S.à r.l. Z. T. confirma par lettre, derechef, son refus.

Les rapports de travail entre E. et T. ont cessé le 31 décem- bre 1981. T. a signé à cette occasion un reçu pour solde de tout compte.

Le 13 janvier 1982, la S.à r.l. Z. fut déclarée en liquidation.

Par jugement du 2 mars 1982, le Tribunal de Roubaix prononça la faillite personnelle de T., gérant de la S.à rJ. Z. Cette faillite fut rétractée, sur appel, par la Cour de Douai. Parallèlement à

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la procédure de faillite, l'administration fiscale déposa une plainte contre T. Le Tribunal de grande instance de Lille rendit une ordonnance de non-lieu.

Par acte du 5 mai 1986, T. demande à Z. une indemnité pour l'activité et les frais relatifs à sa défense dans la faillite de la S.à r.1. Z.

Dès 1976, il avait été convenu entre les parties que les fonctions d'administrateur exercées par T. seraient placées ({ sous l'entière responsabilité de (E)>>. Quant aux rémunérations liées à ces fonctions, elles revenaient à E. Les prétentions de T. contre E.

doivent être examinées à la lumière de ces dispositions contrac- tuelles.

En l'espèce, Y. a conclu un mandat de gestion avec E. pour la société X. Ltd, société que le mandant possédait à cent pour cent. Ni E. ni T. ne disposaient de tous les pouvoirs sur cette société. Au contraire, E. devait agir conformément aux ordres donnés par Y. T., pour sa part, ne pouvait agir sans directive de E. ou du mandant.

Lorsque Y. a donné ordre à E. de souscrire au capital de la S.à r.1. et que celui-ci a accepté, le devoir de T. était d'exécuter les instructions de E. (art. 321 d CO). Bien que E. n'ait pas reçu personnellement mandat de gérer la S.à r.1. Z., les opérations liées à cette prise de participation se déroulaient dans le cadre du mandat que lui avait confié Y. et que T. exécutait. Il faut en déduire que les affaires concernant la S.à r.1. Z. ainsi que Y. et X. Ltd sont une seule et même chose; enes ont été confiées à T. dans le cadre de son contrat de travail. E. doit dès lors être tenu pour responsable du préjudice causé à T. Il doit donc être condamné à rembourser à T. ses frais d'avocat et à l'indemniser pour le temps passé à préparer sa défense.

Note,' La Chambre d'appel a tranché le litige en se fondant sur le contenu même du contrat en cause. A notre avis, l'appli- cation des principes fondamentaux du droit du travail conduit au même résultat. Selon l'art. 327 a CO, tous les frais découlant nécessairement de l'exécution du travail sont supportés par l'em- ployeur. Il n'y a pas lieu de restreindre la portée de cette règle aux frais exposés pendant les rapports de travail. Comme le mon- tre_l'arrêt ci-dessus, il arrive que, après l'échéance du contrat, le travailleur soit contraint d'effectuer des dépenses si étroite-

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ment liées à son activité au service de l'employeur qu'il serait injuste de les laisser à sa charge. Lorsque ces dépenses doivent s'étendre sur une longue période, l'employeur en fera l'avance à intervalles réguliers, en tout cas chaque mois (art. 327 c al. 2 CO).

Certes, un tel effet posthume du contrat de travail n'est pas de ceux fréquemment commentés par les auteurs (cf. Wirz, p. 26

88.). Il faut néanmoins en reconnaître l'existence. Inversement, d'ailleurs, on est en droit d'imaginer qu'un employeur, après la fin des rapports de travail, ait besoin du salarié pour résister à un procès qui lui serait intenté: dans la mesure où l'on peut équitablement l'attendre de lui, ce dernier serait sans doute tenu d'apporter l'aide demandée, le cas échéant contre indemnité:

même si elle s'éteint largement lors du départ du travailleur, l'obligation de fidélité envers l'employeur ne laisse pas, elle non plus, de produire des effets posthumes.

5. Art. 329 c CO Fixation des vacances pendant le délai de congé (CA, III, 1.9.1987).

Engagé le 1er juillet 1986, T. a été licencié avec effet immé- diat de manière injustifiée le 1er décembre de la même année.

n

réclame une indemnité pour ses vacances.

N'ayant pas pris de vacances pendant qu'il travaillait au ser- vice de E., T. a en principe droit aux vacances afférentes à la période du 1er au 31 décembre 1986. Du fait de la cessation abrupte des rapports de travail, il n'a cependant pas travaillé en décembre, mois pendant lequel il a été payé.

Tant que durent les rapports de travail, les vacances ne peu- vent pas être remplacées par des prestations en argent ou d'autres avantages (art. 329 d al. 2 CO). L'interdiction de remplacer les vacances par une indemnité en espèces ne s'éteint pas à la fin des rapports de travail; un tel remplacement n'est autorisé que si l'employeur n'est plus en mesure d'exécuter son obligation en nature (ATF 106 II 154 = SI 1981, p. 415 = IdT 1980 1 603).

Pour cette raison, la jurisprudence admet qu'en principe l'em- ployé congédié avec effet immédiat et recevant son salaire pour le délai de congé ordinaire est réputé avoir pris ses vacances durant ce délai (Aubert, No 130 à 132).

Cependant, il faut examiner dans chaque espèce si le but des vacances, à savoir le repos, n'est pas mis en échec. Ce serait le

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cas, par exemple, si les vacances ne pouvaient offrir aucune dé- tente effective, pour avoir été ordonnées trop tard, ou si la recher- che d'un nouvel emploi compromettait cette détente ou la reudait impossible; en pareille hypothèse, les vacances doivent être rem- placées par une prestation en argent (FF 1982 III 209 ; Slreiff, n. 11 ad art. 329 c).

En l'espèce, T. a été congédié avec effet immédiat et n'a pas eu le temps d'organiser ses vacances. Durant le mois de décem- bre, soit une période particulièrement difficile, il a cherché un nouvel emploi. Il a effectué des missions temporaires à partir du 1er janvier 1987. Il en résulte qu'i! n'a pas pu prendre ses vacan- ces au mois de décembre 1986 et qu'il a droit à une indemnité de remplacement.

Note: La jurisprudence traditionnelle, dont s'écarte la décision ci-dessus, présentait souvent un caractère artificiel et inéquita- ble. Un salarié licencié avec effet immédiat de manière injustifiée doit agir contre son ancien employeur, dès son départ, pour ob- tenir (tardivement) le paiement de son salaire. On imagine mal que, privé au moins provisoirement de ses ressources et contraint de rechercher un nouvel emploi, il puisse véritablement organiser et prendre ses vacances. Il en va de même si, pendant le délai de congé, le salarié trouve une place qu'i! doit occuper immédia- tement (CA, III, 23.4.1987). La Chambre d'appel a également jugé qu'en cas de licenciement ordinaire le préavis de licencie- ment pouvait se révéler trop court poUr que le salarié, obligé de faire des démarches en vue d'un nouvel emploi, soit effectivement eu mesure de se reposer (CA,

r,

19.10.1987).

Aussi bien les tribunaux genevois ne sont-ils pas les seuls à modifier leur pratique: d'autres juridictions admettent de plus en plus que l'employeur qui n'a pas respecté le préavis de licencie- ment ne saurait exiger du salarié qu'il prenne immédiatement ses vacances (RIN 1985, p. 57-58 ; JAR 1983, p. 132; JAR 1981, p. 284; JAR 1980, p. 241 ; contra: JAR 1987, p. 228; JAR 1986, p. 134, 143-144; JAR 1985, p. 163). On rencontre la même tendance à l'assouplissement dans des cas de résiliation ordinaire (RSJ 1985, p. 342; JAR 1985, p. 167; JAR 1981, p. 269; JAR 1980, p. 241; BJM 1975, p. 235 ; RJN VI, l, p. 62 ; BJM 1960, p. 188 ; BJM 1959, p. 78-79 ; cf. Slreiff, n. 11 . ad art. 329 c).

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6. Art. 329 c et 329 d CO Péremption du droit aux vacan- ces?; calcul de l'indemnité de vacances (CA, XI, 26.5.1987).

T. a travaillé comme ouvrier agricole de 1983 à 1986 chez E.

Son salaire mensuel brut de fr. 1309,65 en 1983 a été progres- sivement porté à fr. 1610 en 1986 (sous déduction, outre des charges sociales, de fT. 90 par mois pour le logement). Les rap- ports de travail ont cessé le 21 octobre 1986 d'un commun ac- cord. Le 24 novembre 1986, T. a assigné E. en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité de vacances. Admettant devoir fr. 8975,50 pour heures supplémentaires, E. soutient toutefois que T. est déchu de son droit aux vacances.

E. invoque la jurisprudence du Tribunal fédéral fondée sur l'ancien art. 329 c CO, selon laquelle le travailleur qui n'avait pas fait valoir son droit aux vacances dans l'année suivant celle où il aurait normalement dû les prendre était réputé y avoir renoncé selon les règles de la bonne foi (ATF 107 II 434

=

SJ 1982, p. 245

=

JdT 1982 I 95 ; ATF 101 II 286

=

JdT 1976 I 191). Il perd de vue que le nouveau texte de la disposition légale précitée se borne à prescrire que les vacances doivent être prises « en règle générale» pendant l'année de service correspon- dante et n'impose plus aucun délai pour l'exercice de ce droit du travailleur. Dès lors, le travailleur qui n'a pas pu prendre ses vacances, sans qu'il en soit responsable, pendant la durée du contrat de travail, peut réclamer son droit au salaire correspon- dant, au moins jusqu'à l'expiration du délai de prescription de cinq ans prévu par l'art. 128 ch. 3 CO (Streitt, n. 4 ad art. 329 cl.

Le nouveau texte légal est entré en vigueur le 1er juillet 1984, soit à une date à laquelle T. pouvait encore faire valoir son droit aux vacances de 1983, selon la jurisprudence alors applicable.

C'est donc à bon escient que les premiers juges ont écarté l'ob- jection de tardiveté présentée par E. et admis la prétention à un salaire de vacances pour l'année en question et les deux sui- vantes, E. ayant formellement reconnu que lesdites vacances n'avaient été ni prises, ni indemnisées.

Par ailleurs, E. n'a pas contesté le calcul du Tribunal, fondé sur les dispositions du contrat-type, allouant à T. une somme globale de fr. 3618,95, soit le 6,12 % du salaire annuel jusqu'au 30 juin 1984 et le 8,33 Ofo dès le mois de juillet 1984, vu l'entrée en vigueur du nouveau droit des vacances.

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NOie: 1. L'ancienne jurisprudence sur la péremption du droit aux vacances fut fort controversée (Bohny, p. 174 ; Brühwiler, Kritische ... , p. 280-281 ; JAR 1981, p. 272 = RSJ 1982, p. 148).

Certes, on peut comprendre que le Tribunal fédéral, en posant un principe sévère, ait voulu favoriser la prise des vacances au moment où le travailleur en a besoin, c'est-à-dire pendant le déroulement des rapports de travail. Mais il ne faut pas oublier que c'est à l'employeur qu'il incombe de fixer la date des vacan- ces (art. 329 c al. 2 CO). En instituant la péremption du droit aux vacances, le Tribunal fédéral punissait en fait le travailleur pour une omission de l'employeur. Aussi bien le législateur est-il intervenu afin de contrecarrer la jurisprudence: la révision de l'art. 329 c al. 1 CO vise expressément à rétablir le principe de la simple prescription, par cinq ans, du droit aux vacances (FF 1982 III 213-214 ; Sireiff, n. 4 ad art. 329 c; contra, à tort, CA, II, 25.5.1987 ; Tercier, p. 246, se borne à citer l'ancienne jurisprudence et ne s'arrête pas à la modification du texte légal).

2. Le calcul de l'indemnité de vacances donne lieu à des con- troverses. Il faut rappeler que, ayant droit à quatre semaines de vacances chaque année de service (art. 329 a CO), le salarié travaille quarante-huit semaines par an. Le rapport entre la période de vacances et la période de travail est donc de 4 sur 48, soit 8,33% Le rapport entre le salaire des vacances et le salaire gagné pendant la période de travail est identique. Ce taux de 8,33 % vaut évidemment même si le salarié a travaillé pen- dant moins de 48 semaines avant de prendre ses vacances; il sera alors appliqué au salaire gagné durant la période de travail réduite.

Lorsque la durée des vacances était de trois semaines, le salaire des vacances représentait 3,12"10 du salaire afférent à la période de travail (3 semaines par rapport à 49) ; lorsque la durée des vacances est de cinq semaines, le taux monte à 10,64 % (5 par rapport à 47) ; il sera de 13,04 % lorsque la durée des vacances est de 6 semaines (6 par rapport à 46).

Ces taux sont couramment appliqués par la Chambre d'appel, qui refuse à juste titre de les arrondir par le bas (calcul sur la base de 8 % rejeté et remplacé par l'application du taux de 8,33"10 : CA, VIII, 5.10.1987).

La vérilication se fait facilement. Soit un salarié gagnant fr. 1000 par semaine ou fr. 52.000 par an. Il touchera fr. 4000

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pendant ses quatre semaines de vacances et Ir. 48.000 pendant ses quarante-huit semaines de travail. Fr. 4000 représentent 8,33 % de Ir. 48.000. Si l'on appliquait le taux de 8 %, le salarié ne recevrait que Ir. 3840: il perdrait fr. 160. L'usage des ma- chines à calculer est si répandu qu'il ne paraît pas excessif d'exi- ger la prise en compte des deux décimales.

Les explications qui précèdent résolvent la question habituelle de savoir quelle proportion représente le salaire des vacances en sus du salaire afférent à la période de travail. Si l'on veut déter- miner quelle proportion le salaire de vacances représente par rap- port au salaire annuel total (y compris le salaire des vacances !), il faut rapporter quatre semaines à cinquante-deux semaines (7,690/0) ou cinq semaines à cinquante-deux semaines (9,62 "fo).

On se gardera de confondre ces deux problèmes. Selon cer- tains, la proportion du salaire des vacances ajouté au salaire « du travail» serait de 7,690/0, comme si l'on travaillait cinquante- deux semaines (soit une année complète) pour mériter qnatre semaines de vacances. Cette opinion est erronée: les vacances se prennent pendant l'année de service, et non pas après celle-ci.

Pour une présentation détaillée de la matière, cf. Roncoroni, p. 43 ss. (suivi par Kuhn/Koller, 5.3.1, p. 5) et Droit du travail et assurance-chômage 1988, p. 7. Peu clairs à ce sujet: Brüh- wiler, p. 141 ; Rehbinder, n. 12 ad art. 329 d ; Staehelin, n. 3 ad art. 329 d ; Streiff, n. 10 ad art. 329 d.

7. Art. 329 d et 337 CO Salaire des vacances inclus dans la provision; consultation, par la salariée, de son syndicat.' juste motif de licenciement avec effet immédiat? (CA, V, 9.4.1987).

T. a été engagée comme coiffeuse le 1er février 1984; les parties n'ont signé aucun contrat. Pendant toute la durée des rapports de travail, soit jusqu'en juillet 1986, T. a été payée à concurrence de 50

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de son chiffre d'affaires. Elle a régulière- ment pris des vacances, pendant lesquelles elle n'était pas payée.

Le 6 juin 1986, E. a licencié T. avec elfet au 19 juillet 1986.

Le 17 juin, T. annonça à E. son intention de prendre deux semai- nes de vacances pendant le délai de congé. Elle réclamait en outre le salaire afférent aux périodes de vacances pendant les- quelles elle n'avait pas été payée. Par télégramme du 2 juillet 1986, E. a licencié T. avec effet immédiat. Il lui a reproché son comportement intolérable.

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E. n'a pu établir aucun motif qui justifiât un licenciement avec effet immédiat. Tout au contraire, son épouse a confirmé que T.

avait été renvoyée parce qu'elle avait menacé E. d'aviser un syndicat du fait qu'en date du 2 juillet elle n'avait pas encore reçu son salaire du mois de juin. Une telle « menace» ne consti- tue évidemment pas un juste motif.

S'agissant du paiement des vacances, les témoins entendus ne permettent pas à la Chambre d'appel de se faire une idée objec- tive des discussions qui ont eu lieu au moment où l'employée a été engagée. Il faut néanmoins reteuir que le salaire fixé, soit 50

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du chiffre d'affaires, comprenait le paiement des vacances.

En effet, l'employée n'a, à aucun moment, protesté contre le fait que lesdites vacances ne lui étaient pas payées et ce jusqu'au mois de juin 1986, lors de la résiliation du contrat, c'est-à-dire pendant deux ans et demi. On doit en déduire que la rémunéra- tion versée pendant ce laps de temps correspondait à ce qui avait été convenu.

Il est vrai que le mode de rémunération de T. n'est pas con- forme à la convention collective nationale de travail de la coif- fure, du 8 mai 1985, étendue dès le 1er mars 1986 (FF 1986 l 390). En effet, selon l'art. 27 de ladite convention, la rémunéra- tion comprend soit un salaire fixe, soit un salaire et une provision sur le chiffre d'affaires. Si les intéressés choisissent le système du salaire complété par une provision sur le chiffre d'affaires, la rémunération globale doit être au moins égale au salaire mini- mum fixé par l'art. 28 de la convention, quel que soit le chiffre d'affaires réalisé.

Cependant, dès lors qu'il résulte des pièces produites que la rémunération globale de T. dépasse largement les salaires men' suels minimums, il faut admettre la licéité du contrat. On doit en effet rappeler que T. a pu régulièrement prendre les vacances auxquelles elle avait droit, L'art. 329 d CO a ainsi été respecté.

Note: L'arrêt qui précède (de même qu'un autre arrêt de la Chambre d'appel, CA, XI, 7.7.1987; correct: CA, V, 30.7.

1987), se heurte à la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle l'indemnité versée au travailleur à titre de vacances doit être nettement séparée du salaire proprement dit tant lors de la conclusion du contrat que lors de chacun des décomptes pério- diques. Tout autre système, tel celui du salaire incluant les vacan-

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ces, est illégal. De telles clauses empêcheraient de déterminer si et dans quelle mesure l'employeur a exécuté l'obligation que la loi lui fait de compenser intégralement le salaire afférent aux vacances. Elles constitueraient le moyen pour les parties de se soustraire à l'application d'une règle édictée dans l'intérêt public, qui impose des vacances payées d'une durée minimum (A TF 107 II 434 = SJ 1982, p. 244 = JdT 1982 l 94, cités in Aubert, No 134; TF 25.11.1987, cité in KuhnlKoller, 5.4.A.1, p. 6;

JAR 1987, p. 186 ; JAR 1985, p. 136 ; JAR 1984, p. 153 ; JAR 1983, p. 145 et 150 ; JAR 1981, p. 270).

Ici, il n'est apparu nettement ni lors de la conclusion du con- trat, ni lors de chaque paie, que le salaire des vacances était inclus dans le salaire mensuel. L'accord des parties (si tant est qu'il ait existé) était nul; E. demeurait donc redevable du salaire des vacances.

La Chambre d'appel estime que T. aurait dû protester si elle avait voulu que l'employeur changeât sa pratique. Ne le faisant pas, elle l'aurait implicitement admise. C'est oublier que le droit au salaire des vacances est impératif : le travaillleur ne peut y re- noncer ni pendant la durée du contrat, ni pendant le mois qui suit (art. 341 al. 1 et 361 CO). La présente affaire montre d'ailleurs bien quel eût été le sort de T. si elle avait fait valoir ce droit pendant les rapports de travail. E. ne l'a-t-il pas licenciée avec effet immédiat parce qu'elle insistait, en juillet, pour obtenir sa paie de juin? On relèvera d'ailleurs que, selon le nouveau droit, pareil licenciement serait abusif et donnerait droit à une indem- nité (art. 336 al. 1 litt. d et al. 2 litt. a).

L'arrêt ci-dessus méconnaît au surplus la convention collective de la coiffure, qui prévoit: «L'employeur verse au travailleur, pour les vacances, la totalité du salaire fixe convenu et la provi- sion sur le chiffre d'affaires (art. 27). Le montant de cette pro- vision est égal à la moyenne des provisions des trois derniers mois complets avant le début des vacances» (art. 24 CCT).

Selon la Chambre d'appel, les parties ont choisi un système de rémunération différent de ceux autorisés par la convention collective: la rémunération à la sellie provision procurant à T.

un salaire plus élevé que le minimum conventionnel, il fallait en déduire que ce salaire incluait l'indemnité de vacances.

On ne saurait suivre ce raisonnement. Il est bien connu que, dans la coiffure, certains employeurs imposent à leurs travail-

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