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La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1988

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La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1988

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. La jurisprudence sur le contrat de travail à Genève en 1988. La Semaine judiciaire , 1989, vol. 111, no. 39, p. 665-696

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12173

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La jurisprudence sur le contrat de travail

à Genève en 1988

par Gabriel AUBERT professeur à la Faculté de droit

Faisant suite à celles publiées dans la Semaine judiciaire de 1986 (p. 289 ss.), de 1987 (p. 545 ss.) et de 1988 (p. 561 ss.), la présente chronique expose et co=ente quelques décisions signi- ficatives rendues dans des affaires genevoises en 1988. Certains arrêts du Tribunal fédéral, publiés ailleurs, font simplement l'ob- jet d'un renvoi

*.

*

les ouvrages et les articles cités dans le texte sont les suivants:

AUBERT, G. :- L'obligation de paix du travail, étude de droit suisse et comparé, Genève 1981 ; AUBERT, G.: Quatre cents arrêts sur le contrat de travail, Lausanne 1984; AUBERT, G.: Contrat de travail et autorisation de travail, SJ 1988, p. 619; AUBERT, G. : La protec- tion des" secrets économiques» en droit privé suisse du travail, in Les relations Suisse/CE: l'exemple de l'industrie pharmaceutique, Lausanne 1988, p. 207; BILLETER, A. : La résiliation abusive du con- trat de travail, Neuchâtel ·1952 ; BOHNY, P.: Das arbeitsvertragliche Konkurrenzverbot, Zurich 1989; BROHWILER, J.: Handkommentar

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1. Art. 20, 324, 337, 337 b CO Contrat de travail conclu avec un étranger non titulaire d'une autorisation de travailler en Suisse; validité; effets (ATF 114 II 279 ~ SI 1988, p. 609 JdT 1988 l 537 ~ JAR 1989, p. 101 ; cf. Aubert, Contrat de travail..., p. 619).

2. Art. 2 al. 2 CC ; 20, 322 d, 323 b al. 3, 335 al. 1 CO (336 al. 1 aCO) Gratification; treizième mois; nullité de la clause par laquelle le travailleur s'engage à rendre la gratification en cas de résiliation ultérieure du contrat (CA, VII, 17.3.1988).

T. a été engagé comme chauffeur-convoyeur le 21 juillet 1986.

Le contrat prévoyait qu'en cas de départ prématuré, c'est-à-dire avant d'avoir tenniné une année de service, le travailleur n'aurait aucun droit à la gratification. Si cette dernière avait déjà été versée, elle serait déduite du dernier salaire.

Le règlement interne de l'entreprise disposait: «A la mi- décembre, les employés reçoivent une gratification qui s'élève à la moyenne du salaire mensuel. Elle se calcule proportionnelle-

zum Einzelarbeitsvertrag, Berne 1978; BUSSMANN, R.; Rückzah- lungsklauseln bei freiwilligen Leistungen des Arbeitgebers, Zurich 1977; FRITZ, M.: les nouvelles dispositions sur le congé dans le droit du contrat- de travail, -Union centrale des associations patrona- les, Zurich 1988; GLOOR, W.: Sexuelle Ba/astigung im Betrieb - die rechtfiche Seite des Problems, Gewerkschaftliche Rundschau 1989, p. 179; HAEFlfGER, A.: Das Konkurrenzverbot im neuen schweizerischen Arbeitsvertragsrecht, Berne 1975; KUHN, R.: Das Konkurrenzverbot im Arbeitsvertragsrecht, Berne 1981; ORLANDO, D.A.: Zur missbrâuchfichen Kündigung des Arbeitsvertrages, RSJ 1977, p. 197; REHBINDER, M. : Der Arbeitsvertrag (art. 319-330 a CO), in Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Berne 1985; REH- BINDER, M.: Der neue Kündigungsschutz im schweizerischen Arbeits- recht, Mitteilungen des Instituts für Schweizerisches Arbeitsrecht, 1988, p. 27 = Supplement zu Schweizerisches Arbeitsrecht, Berne 1989, p. 1 ; SAILLEN, A.-L. : La protection de la personnalité du tra- vailleur au sens de l'article 328 al. 1 CO, Lausanne 1981 ; SCHWEIN- GRUBER, E. / BIGLER, F.W.: Kommentar zum Gesamtarbeitsvertrag, Berne 1985 ; STAEHEUN, A. : Der Einzelarbeitsvertrag (art. 319-330 a CO), in Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Zurich 1984; STREIFF, U. : Leitfaden zum Arbeitsvertragsrecht, Zurich 1986 ; VISCHER, F.: Le contrat de travail, Fribourg 1982; VISCHER, F.:

Gesamtarbeitsvertrag und Normalarbeitsvertrag (art. 356-360 CO), in Das Obligationenrecht, Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetz- buch, Zurich 1983; VOEGElI, C. : Le licenciement abusif, in BRUN- NER, C. et al. : Kündigungsschutz im ArbeitsrechtlLa protection des travailleurs contre les licenciements, Lausanne 1979, p. 93 ; ZIEGLER, E. : Das Verbot von Kündigungsgr~rden. Berne 1~6.

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ment pour l'année d'entrée en service. Aucune gratification, ni fraction de celle-ci n'est accordée: si le contrat de travail a été résilié ou dissous au cours de l'année d'entrée en service; si l'employé a été congédié sans délai pour une juste raison ; si l'employé résilie le contrat d'engagement sans observer le délai de dénonciation. Dans tous les autres cas, la quote-part peut en outre être réduite aux deux tiers ».

A la fin du mois de décembre 1986, E. a versé à T., en sus de son salaire habituel, une gratification d'un montant brut de fr. 1411. Par lettre du 24 février 1987, T. a résilié le contrat du 2 juillet 1986 avec effet au 31 mars 1987. E. a déduit du salaire de T. au mois de mars 1987 la somme de fr. 1411 versée au mois de décembre 1986 à titre de gratification.

Le Tribunal a considéré que la somme de fr. 1411 qui avait été versée au mois de décembre 1986 correspondait à une part de treizième salaire et non pas à une gratification au sens de l'article 322 d CO. Il a en conséquence alloué à T. ce treizième salaire, prorata temporis, jusqu'à la fin du contrat. Il sied toute- fois de noter que le règlement d'entreprise ne lui avait pas été soumis.

Selon la disposition non impérative de l'article 322 d CO, si l'employeur accorde en sus du salaire une rétribution spéciale à certaines occasions, telles que Noël ou la fin de l'exercice annuel, le travailleur y a droit lorsqu'il en a été convenu ainsi. En cas d'extinction des rapports de travail avant l'occasion qui donne lien à la rétribntion spéciale, le travailleur n'a droit à une part proportionnelle de cette rétribution que s'il en a été convenu ainsi.

En l'espèce, le jugement entrepris doit être annulé dans la mesure où le tribunal a alloué à l'intimé le treizième salaire prorata temporis jusqu'à la fin des rapports de travail, sans égard à la clause du contrat stipulant que le travailleur n'a aucun droit à la gratification avant d'avoir terminé une année deser- vice. Il est en effet loisible aux parties de prévoir le versement d'une gratification seulement dans l'hypothèse où le contrat a duré au moins une année.

T. a toutefois reçu au mois de décembre 1986 la somme de fr. 1411, correspondant à la gratification calculée au prorata du salaire versé depnis l'entrée en service le 21 juillet jnsqn'au 31 décembre 1986.

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Selon le contrat, si les relations de travail n'ont pas duré une année ensuite d'un congé donné par le travailleur et que la gra- tification ait déjà été versée, celle-ci doit être déduite du dernier salaire. Cette clause, qui ordonne la restitution d'une rétribution précédemment versée, doit être déclarée abusive au sens de l'ar- ticle 2 al. 2 CC et, partant, annulée. Elle porte en effet une atteinte excessive à la liberté contractuelle du travailleur en l'obli- geant à rester au service de son employeur pendant une année au minimum sous peine de devoir lui rembourser la gratification reçue. Elle pénalise l'employé s'il quitte l'entreprise avant une année sans qu'une faute puisse lui être reprochée. Elle vise ainsi à restreindre de manière inadmissible son droit de résilier le contrat de travail conclu pour une durée indétenninée, droit qui est protégé par la disposition absolument impérative de l'article 336 al. 1 CO. Cette solution est d'ailleurs conforme à celle qui peut être déduite d'une interprétation a contrario -de l'article 322 d al. 2 CO. Ainsi, le travailleur a droit à une part propor- tionnelle de la gratification en cas d'extinction des rapports de travail après l'occasion qui a donné lieu à la rétribution spéciale.

L'annulation de cette clause n'entraîne pas la nullité des autres dispositions du contrat, car il y a lieu d'admettre que ce contrat aurait été conclu sans ene (art. 20 al. 2 CO).

Note: Avec raison, la Chambre d'appel a considéré comme nulle la clause de remboursement de la gratification (contra:

Bussmann, p. 94). On peut cependant ne pas partager pleinement les motifs de cette décision et en préférer d'autres.

L'invocation de l'article 2 aI. 2 CC nous semble hors de pro- pos. Par définition, l'abus d'un droit suppose l'existence, a priori, de ce dernier. On ne voit pas, ici, de quel droit l'employeur aurait pu abuser, puisque, par principe, le droit au remboursement de la gratification lui est refusé.

L'argument tiré du droit de résilier tout contrat de durée indé- terminée est meilleur (art. 335 aI. 1 CO, i.e. art. 336 al. 1 aCO).

En effet, l'obligation de rembourser une gratification rend l'exer- cice de ce droit beaucoup plus difficile, voire, dans certains cas, impossible. C'est toutefois à tort que la Chambre d'appel se fonde sur le caractère absolument impératif du droit de résilier. Il est en effet admis que, en cas de résiliation par l'employeur, celui-ci peut être conventionnellement tenu de verser au salarié une

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indemnité (cf. les art. 339 b et 339 c CO, auxquels les parties sont autorisées à déroger en faveur du salarié, dans les limites évidemment de l'article 27 CC).

La Chambre d'appel se fonde aussi sur l'article 322 d al. 2 CO. Mais il est logiquement exclu d'opposer à l'application d'une disposition contractuelle une norme légale supplétive, fût- elle interprétée a contrario.

It y a lieu, à notre avis, de prendre en compte d'autres règles.

Comme le montrent les notes marginales, le salaire

«{

1. Salaire »

ad art. 322 CO) comprend la gratification (<< 4. Gratification»

ad art. 322 d CO). Or, selon l'article 323 b al. 3 CO, les accords.

sur l'utilisation du salaire dans l'intérêt de l'employeur sont nuls.

Le législateur a en effet voulu que le travailleur pût disposer librement de sa rémunération. Certes, la règle combattait initia- lement les clauses par lesquelles le salarié se trouvait obligé d'acheter des biens de son employeur (Rehbinder, n. 18 ad art.

323 b ; Staehelin, n. 17 ad art. 323 b). Cependant, de telles clau- ses ne constituent pas la seule menace à la libre disposition du salaire. Celles par où le travailleur s'engage à rendre purement et simplement une partie de sa rémunération déploient le même effet. Aussi bien le texte que le but de l'article 323 b CO les prohibent.

Au surplus, le remboursement de la gratification constitue une sorte de pénalité à la charge du salarié. Sans doute l'article 337 d CO permet-il d'obliger le travailleur à verser une pénalité en cas de démission abrupte. Mais cette disposition revêt un caractère impératif, de sorte qu'il n'est pas possible d'y déroger au détri- ment du salarié (art. 361 CO). On ne saurait donc imposer à ce dernier le paiement d'une pénalité lorsqu'il résilie le contrat en respectant les délais contractuels ou légaux.

3. Art. 49, 328 CO Voies de fait envers une salariée; attou- chements ; violation des droits de la personnalité; condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité (CA, IX, 18.10.

1988 ; T., IX, 20.1.1988).

Le 1er avril 1987, E., voulant éloigner T. du télex, eut une empoignade avec elle. Un certificat médical atteste qu'il en est résulté un grand hématome sur le sein gauche de cette dernière.

T. réclame une indemnité de fr. 10.000 pour tort moral.

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Selon l'art. 328 al. 1 CO, l'employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité. Les biens protégés par l'art. 328 CO sont notam- ment la santé psychique, la sphère privée, la liberté sexuelle.

L'atteinte illicite à ces biens peut aussi entraîner la responsabilité de son auteur aux conditions fixées par les art. 28 CC et 41 ss.

CO (Saillen, p. 99). Le classement de la plainte pénale déposée par la salariée contre l'employeur n'empêche pas le juge de se prononcer sur la responsabilité de E. en regard du droit privé;

en effet, le juge civil n'est pas lié par une décision pénale, ce d'autant moins lorsque celle-ci n'est pas définitive, mais est prise pour des motifs d'opportunité (art. 53 CO).

Selon l'art. 49 al. 1 CO, celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d'argent à titre de répara- tion morale, pour autant que la gravité de l'atteinte le justifie et que l'auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement.

Le certificat médical présenté par T. fait état d'un grand héma- tome sur le sein gauche. Certes, une empoignade entre deux personnes peut causer des blessures superficielles.

n

est toutefois improbable qu'une action dont le but était d'éloigner T. du télex puisse causer un hématome aussi important sur son sein sans que l'auteur l'ait touché volontairement. De tels attouchements vont à l'encontre du droit de la femme à disposer librement de son corps. Compte tenu des inégalités de force physique, cette agres- sion sexuelle est particulièrement grave.

En matière de tort moral, la preuve du préjudice subi est diffi- cile à rapporter. Les juges ont cependant pu constater, lors de la comparution personnelle des parties, combien, des mois après les faits, T. paraît ébranlée dans son bien être. Vu l'ensemble des circonstances, E. doit être condamné au paiement d'une indem- nité de fr. 3000.

Note: C'est à notre connaissance la première fois qu'un tribu- nal du travail alloue à une salariée une indemnité pour tort moral, dont le montant est non négligeable, ensuite de voies de faits et d'attouchements infligés par un employeur abusant de sa force physique. Sur le harcèlement sexuel en général, avec de très nombreuses. références aux droits suisse et étrangers, voir un jugement du Tribunal des prud'hommes JAR 1989, p. 170 (non entré en force vu l'appel pendant) et Gloor, p. 179.

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4. Art. 4 aI. 2 Cst. féd. ; 331 CO Egalité entre les sexes; lige donnant droit à des prestations de prévoyance en faveur du per- sonne/ (TF, rr, 22.11.1988; JAR 1989, p. 176, consid. non re- produit in ATF 114 II 349 = JdT 1989 1 188).

5. Art. 333 CO Transfert des rapports de travail; conclusion d'un nouveau contrat (A TF 114 II349 = JdT 1989 1 188).

6. Art. 329, 335, 337 CO Travailleur prenant ses vacances sans l'autorisation de l'employeur,' résiliation avec effet immé- diat; date de la notification (CA, VII, 31.5.1988).

Par courrier du 2 décembre 1986, E. a fait à T. divers repro- ches sur l'exécution de son travail. II lui a demandé de fournir des rapports sur son activité et l'a invité à respecter ses obliga- tions. Le 22 décembre 1986, T. est parti en vacances, sans de- mander la moindre autorisation à E. Le jour même, E. a licencié T. avec effet immédiat. T., absent, a reçu ce pli le 13 janvier 1987.

Bien que T. ait reçu la lettre de renvoi immédiat le 13 janvier seulement, la Chambre d'appel considère que les effets de ce congé remontent au 22 décembre 1986. On ne saurait en effet pénaliser l'employeur du fait que le travailleur, alors en vacan- ces, n'a pas reçu tout de suite le congé donné avec effet immé- diat, lorsque ce renvoi est précisément fondé pour l'essentiel sur la prise unilatérale de vacances par le travailleur concerné. La prétention de T. en paiement de son salaire du mois de janvier 1987 n'est ainsi pas fondée.

Note: La déclaration de résiliation ne déploie ses effets qu'au moment où, d'après les règles de la bonne foi, le destinataire peut en prendre connaissance (Streiff, n. 5 ad art. 336). Des pro- blèmes particuliers surviennent lorsque le congé se trouve notifié pendant les vacances du salarié.

C'est l'employeur qui fixe la date des vacances (art. 329 c al. 2 CO). Il doit s'attendre, d'après les règles de la bonne foi, que le salarié en profite pour s'absenter et que le courrier reste à son domicile. Il n'est en effet pas d'usage qu'un travailleur en voyage fasse suivre- sa correspondance. Cette manière de voir s'impose d'autant plus que c'est l'employeur lui-même qui indique au salarié quand il peut se reposer sans avoir à se soucier de son travail. La résiliation expédiée pendant les vacances du salarié

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n'est donc considérée comme parvenue à son destinataire qu'au retour de ce dernier (Recueil de jugements du droit du travail 1985, p. 14 ; RSJ 1966, p. 115; la même solution prévaut en cas de congé non payé: JAR 1987, p. 248-249 ; cf. aussi Rehbinder, Der neue ... , p. 1).

En revanche, comme le montre l'arrêt ci-dessus, ce principe ne s'applique pas si le salarié prend ses vacances par décision unila- térale, contre la volonté de l'employeur. Dans un tel cas, les règles de la bonne foi commandent d'admettre que le congé est reçu lorsqu'il parvient, selon le cours ordinaire des choses, au domicile du destinataire.

7. Art. 329, 335 (art. 336 a aCO), 336 c CO (336 e aCO) Résiliation notifiée la veille d'un congé non payé prévu de longue date .. report de ses effets (CA, IV, 4.11.1988).

T. devait se rendre en Amérique du Sud pour régnlariser une union civile par un mariage religieux. L'absence avait été, de longue date, prévue du 30 janvier au 5 mars 1988. L'employeur, qui en connaissait le but, avait accepté que T. prît des vacances non payées pendant cette période. Le 29 janvier 1988, T. s'est entendu notifier son congé verbalement ponr la fin de février.

Le lendemain, tôt dans la matinée, il quitta Genève pour l'Amé- rique du Sud.

Etant parti outre-mer, T. n'avait évidemment pas la possibilité de rechercher à Genève un nouvel emploi avant son retour. Or, tous les délais de résiliation prévus aux articles 336 a ss. CO ont précisément été institués dans le but de permettre au travailleur de chercher une nouvelle place.

E., conscient de la situation, ne pouvait dès lors attendre la veille du départ de T. pour signifier la résiliation, sous réserve de circonstances totalement inattendues qui n'ont en l'occurrence nullement été démontrées ou même alléguées. L'on relèvera que le personnel de l'imprimerie paraît être resté stable depuis janvier 1988, ce qui exclut donc des difficultés économiques ayant sou- dainement surgi au sein de l'entreprise.

Partant, la Chambre d'appel estime que E. a dénoncé le con- trat en temps inopportun et que, par application de l'article 2 CC, les effets de la résiliation doivent être reportés au 30 avril 1988. Cette solution est analogue à celles consacrées aux articles

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336 a et 336 f CO, mais pour des motifs différents (cf. par ana- logie Streiff, n. 2 ad art. 336 in fine).

Note: Ici, le problème n'est pas de savoir quand le congé a été notifié, mais s'i! déploie ses effets pendant les vacances du salarié (que ces vacances ne soient pas rémunérées importe peu).

La Chambre d'appel, réservant expressément des circonstances particulières, considère le délai de congé comme suspendu durant les vacances, comme en cas de résiliation avant une période de protection selon l'article 336 c CO.

L'employeur doit, d'une part, allouer au salarié des vacances qui lui permettent de se reposer effectivement, c'est-à-dire sans avoir à se soucier de son travail (cf. l'arrêt précédent) et, d'autre part, en cas de résiliation du contrat, lui accorder le temps néces- saire pour rechercher un nouvel emploi (art. 329' al. 3 CO);

comme le relève la Chambre d'appel, ce temps nécessaire s'inscrit dans le délai de congé, qui a précisément pour but de faciliter le changement d'emploi sans discontinuité de l'occupation. En géné- ral, ces deux obligations ne peuvent s'exécuter simultanément, car les démarches tendant à la recherche d'un emploi excluent un repos effectif.

Ainsi, en principe, lorsque l'employeur a autorisé ou fixé la date des vacances avant de notifier la résiliation, le délai de congé ne court pas pendant ces dernières. La Chambre d'appel paraît excepter de cette règle les cas où la résiliation serait dictée par des motifs économiques. Nous ne voyons pas la justification de cette réserve. En effet, la recherche d'un nouvel emploi exclut la prise effective des vacances quelle que soit la raison du licen- ciement. Supposé que l'on refuse, dans un tel cas, la suspension du délai de congé, les vacances qui n'auront pas pu être vérita- blement prises en nature devront être compensées par une indem- nité (art. 329 d al. 2 CO): la situation de l'employeur ne s'en trouvera pas améliorée. Les circonstances qui méritent un traite- ment particulier sont celles où le délai de congé, déduction faite des vacances, reste suffisant pour permettre la recherche efficace d'un nouvel emploi (soit parce que le délai de congé est relati- vement long, soit parce que les employeurs potentiels sont nom- breux). Cette situation rend inutile la suspension automatique du délai de congé. Comme c'est à l'employeur qu'il incombe de donner au salarié le temps nécessaire pour la recherche d'.un

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emploi, ce sera à lui de prouver que les conditions de l'exception sont remplies.

Il apparaît ainsi que les difficultés liées à la notification de la résiliation pendant les vacances du salarié doivent se résoudre moins en regard de la théorie de la réception (cf. la note précé- dente) qu'en fonction des exigences propres au droit du travail (but des vacances, temps nécessaire pour la recherche d'un nou- vel emploi). Les principes développés ici devraient donc s'appli- quer non seulement si la notification du congé parvient au tra- vailleur juste avant ses vacances, mais aussi lorsque le travailleur la reçoit pendant des vacances durant lesquelles il ne quitte pas son domicile (cf. Rehbinder, Der neue ... , p. 1).

Pour l'examen des problèmes qui se posent si l'employeur fixe la date des vacances après la notification de la résilation, cf.

A ubert, note in SJ 1988, p. 579 ss.

8. Art. 334 CO (art. 335 aCO) Contrat de travail résiliable en tout temps, mais prévoyant une durée maximum; durée déter- minée? (ATF 114 II 349 = JdT 1989 1 188).

9. Art. 2 al. 2 CC; 336 CO Licenciement à raison de l'acti- vité syndicale du salarié,. abus de droit (CA, XII, 2004.1988).

T. a été engagé dès décembre 1976 comme intérimaire par l'entreprise française A., adjudicataire de travaux de transport et de manutention sur le site du CERN. En 1979, il fut nommé délégué syndical de l'entreprise par le syndicat CGT; le person- nel de la société l'a ultérieurement élu délégué du personnel et secrétaire du comité d'établissement. En 1986, le CERN a mis fin au contrat de prestation de services qui le liait à A. ; il l'a attribué à l'entreprise suisse E., qui avait soumissionné plus bas.

D'entente avec la CGT, les salariés de A. se sont mis en grève pendant huit jours afin de contester cette nouvelle adjudication et d'obtenir leur intégration dans le personnel du CERN, mais en vain.

En accord avec le CERN, E. a offert en priorité un poste de travail aux salariés de A. La moitié seulement d'entre eux a ac- cepté les nouvelles conditions de travail. Il semble que T. n'ait pas reçu cette offre; toutefois, ensuite d'une intervention de la FCTA, partie à la convention d'entreprise signée par E., cette dernière a embauché T. et deux autres collègues.

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T. a commencé à travailler le 11 août 1986 comme pontier manutentionnaire. Le contrat prévoyait que le port des vêtements de travail et de la carte d'identification était obligatoire pendant les heures de travail. Par pli du 19 août 1986, E. a reproché à T. de n'avoir pas porté l'uniforme réglementaire de l'entreprise en date du 13 août 1986. Elle précisait qu'aucun manquement à la discipline ne serait toléré; cette lettre devait être considérée comme un avertissement solennel.

Le 22 août 1986, T. a pris part à la distribution d'un tract de la FCTA invitant les travailleurs des départements «manuten- tion-transports-magasins », membres de ce syndicat ou naD, à participer à une assemblée générale le 27 août 1986 à 17 h. 30.

Cette assemblée avait notamment pour but d'élire le président et les membres du comité d'entreprise.

Le lundi 25 août au matin, T. a été convoqué au siège de E.

à Genève. Il lui fut remis une lettre recommandée indiquant que son contrat était résilié; T. devait quitter immédiatement son emploi; son salaire lui fut versé jusqu'à la fin du délai contrac- tuel de congé. T. signa une fiche de salaire pour solde de tous comptes.

Par pli exprès et recommandé du 28 août 1986, la FCTA a sommé E. de réintégrer T. dans ses précédentes fonctions; à ses yeux, la résiliation du contrat était due aux activités syndicales de T. Ce dernier, le lendemain, contesta la validité de son licen- ciement et demanda également sa réintégration. Un comité de soutien suscité par la CGT et la FCTA récolta plus de 1700 signatures de personnes travaillant sur le site du CERN ou à proximité en faveur de T. Le 5 septembre 1986, la FCTA dé- nonça avec effet immédiat la convention collective concIue avec E. ; selon elle, les conditions de loyauté et de bonne foi prévues à l'art. 1 de la convention avaient été violées par E.

T. agit devant la juridiction des prud'hommes, concluant prin- cipalement à sa réintégration et, subsidiairement, au paiement de diverses indemnités.

Il n'est pas contesté que la résiliation litigieuse respecte le délai contractuel de congé. TI convient donc d'examiner si E. a commis un abus de droit en résiliant le contrat de T. le 25 août 1986.

Ce dernier soutient en effet que la résiliation en cause est abusive, parce que destinée uniquement à pénaliser sa participation à un syndicat de travailleurs et son activité au sein de ce dernier.

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L'art. 2 al. 2 CC limite l'exercice de tous les droits civils, y compris le droit de résilier le contrat de travail (107 II 170- 171 = SJ 1981, p. 548 = JdT 1981 l 287 et les références).

Selon la jurisprudence, l'abus de droit se caractérise par l'utilisa- tion contraire à son but d'une' institution juridique en vue de satisfaire des intérêts que cette institution n'a pas pour objet de protéger (ATF 94 l 667 avec rét). Ainsi, certains auteurs admet- tent que, propre à causer au travailleur un préjudice considéra- ble, sans avantage pour l'employeur, une résiliation du contrat de travail qui aurait pour unique cause l'appartenance du travail- leur à une association professionnelle serait abusive, parce que, sans nécessité, .elle rendrait plus difficile l'exercice du droit d'as- sociation garanti par l'art. 56 Cst. féd. (par exemple, Orlando, p. 202; Billeter, p. 51; Voegeli, p. 110-111).

Le Tribunal fédéral a examiné à plusieurs reprises si, eu égard aux intérêts des parties, les circonstances permettaient de retenir un abus manifeste du droit de résilier le contrat de travail (A TF 111 II 243 = JdT 1986 l 80 ; Aubert, Quatre cents arrêts ... , No 185, p. 103 ; ATF 107 II 170-171 = SJ 1981, p. 548 = JdT 1981 l 287 et les références; SJ 1981, p. 314 ss. ; JAR 1984, p. 171). Il a tranché celte question par la négative dans tous les arrêts précités. Les restrictions au droit de donner congé laissent ainsi peu de place à l'application de l'art. 2 al. 2 CC.

En particulier, selon le Tribunal fédéral, le caractère abusif de la rési1iation ne saurait être admis si, pour une part non négli- geable, la détermination de l'employeur est aussi motivée par d'autres raisons qui ne paraissent pas abusives (Aubert, Quatre cents arrêts ... , No 185, p. 103).

En l'espèce, E. a notifié un congé non motivé, mais a indiqué pendant la procédure avoir résilié le contrat de T. ensuite de divers manquements de ce dernier. Ainsi, X., contremaître, a déclaré avoir reproché oralement à T. deux arrivées tardives, ce que ce dernier conteste en affirmant avoir simplement pris sa pause à l'avance. En outre, T. se serait absenté de son poste de travail pendant une heure en date du 22 août 1986. L'intéressé a toutefois déclaré qu'il travaillait dans le tunnel du CERN à ce moment-là. II convient d'ailleurs de tenir compte avec circons- pection des déclarations de X., en sa qualité d'employé de E., ce d'autant plus que de tels griefs n'ont été formulés ni dans la lettre d'avertissement du 19 août 1986 ni lors de la résiliation dn

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contrat. Enfin, E. reproche à T. d'avoir porté son uniforme sans le badge de l'entreprise en date du 13 août 1986. A cet égard, T.

a exposé avoir confié son vêtement de travail à son épouse afin qu'elle fasse un ourlet sur son pantalon qui était trop long. Ce dernier grief paraît particulièrement futile, dès lors que, selon E.

elle-même, le badge de l'entreprise sert à identifier facilement un ouvrier accidenté ou inanimé. Or, d'une part, seul un des deux équipements fournis à T. portait un tel badge; d'autre part, T.

était aisément identifiable dès lors qu'il avait travaillé près de dix ans sur le site du CERN dans ces installations. Or, c'est ce repro- che anodin qui est à la base de l'avertissement solennel contenu dans la lettre de E. en date du 19 août 1986.

Les manquements reprochés à T. apparaissent ainsi comme des prétextes contre un syndicaliste jugé trop actif par son employeur.

En sa qualité de délégué du personnel de l'entreprise A. et de secrétaire du comité d'établissement, T. avait été à la tête des travailleurs qui revendiquaient, en faisant recours à la grève, leur intégration au personnel du CERN afin que leur ancienneté et leur expérience sur le site soient reconnues: l'organisation inter- nationale n'avait pas exigé des soumissionnaires des garanties quant au réemploi et au maintien des conditions de travail du personnel de A., de sorte que les travailleurs repris par E. ont subi une importante diminution de leur salaire net. Ce n'est qu'ensuite de négociations avec la FCTA que E. a accepté d'en- gager T. ; E. a du reste admis avoir cédé aux pressions syndicales exercées en ce sens. Bien qu'elle se fût engagée à respecter la liberté syndicale de T., E. lui a envoyé moins de dix jours après son entrée en service un pli recommandé contenant la menace d'un renvoi pour un manquement futile commis sept jours plus tôt. C'est alors que T. tentait d'organiser les travailleurs de l'en- treprise au sein de la FCTA à laquelle il était affilié que E. lui a signifié son congé. Le fait que le contrat de travail ait été résilié le premier jour ouvrable suivant la distribution du tract de la FCTA convoquant les travailleurs à une assemblée générale est particulièrement significatif des véritables raisons qui ont motivé ce congé.

Il résulte aînsi de l'ensemble de la procédure que c'est bien en raison de son activité syndicale que T. a été licencié. La résilia- tion d'un contrat de travail fondée sur de tels motifs est consti- tutive d'un abus de droit manifeste au sens de l'art. 2 al. 2 CC,

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car eUe rend sans nécessité plus difficile l'exercice d'un droit résultant du contrat liant les parties et des garanties offertes par la Constitution. Les reproches énoncés à l'encontre de T. sont en effet tardifs, futiles et non avérés. Ils apparaissent comme des prétextes et ne sauraient en conséquence être retenus.

T. a donc droit à une indemnité de fr. 7000, qui tient compte de la grave atteinte portée abusivement à ses intérêts.

Note: 1. Il s'agit ici, à notre connaissance, du premier arrêt sanctionnant en Suisse un licenciement fondé sur l'activité syn- dicale du salarié. Cette décision repose sur l'art. 2 al. 2 CC.

Depuis le 1er janvier 1988, le congé donné en raison de l'exer- cice conforme au droit d'une activité syndicale est déclaré abusif par l'art. 336 al. 2 litt. a CO.

Nous n'avons pas reproduit le considérant relatif à la sanction.

La Chambre d'appel écarte la réintégration et motive la condam- nation au paiement d'nne indemnité en appliquant l'art. 41 CO (atteinte aux droits de la personnalité du travailleur) et, par ana- logie, l'ancien article 336 g CO (résiliation pour cause de service militaire). La sanction du licenciement abusif sous l'ancien droit a été examinée par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 15.3.1988 (SJ 1988, p. 587).

2. L'employeur doit indiqner le motif du congé (art. 335 al. 2 CO) ; toutefois, c'est au salarié d'établir le caractère abusif de ce dernier (art. 8 CC). Selon la procédure genevoise, la juridiction des prud'hommes établit d'office les faits et apprécie librement les preuves, quelle que soit la valeur litigieuse.

Dans la pratique, comme l'atteste la jurisprudence antérieure citée dans l'arrêt, le salarié éprouve beaucoup de difficulté à rap- porter la preuve du motif abusif. La décision ci-dessus montre cependant une situation typique, que les tribunaux étrangers ont plusieurs fois rencontrée (Ziegler, p. 92 ss., 143 88., 190 ss.):

d'abord, un rapport de connexité chronologique étroit entre une activité syndicale du salarié (ici, la distribution de tracts convo- quant une assemblée de travailleurs) et la résiliation; ensuite, l'énoncé, a posteriori, de reproches que l'employeur n'a exprimés ni durant les rapports de travail, ni lors de la résiliation et qui sont, au surplus, contestés; enfin, l'invocation, comme motifs de la résiliation, de griefs qni se révèlent futiles. Les éléments de cette constellation, pris isolément ou, selon les circonstances, si~

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multanément, créent une présomption de fait contre l'employeur, qui ne peut la renverser qu'en établissant un motif de résiliation réel et indépendant de l'activité syndicale du salarié.

3. Se faisant l'écho d'un arrêt rendu sous l'ancien droit, la Chambre d'appel paraît penser qu'une résiliation ne peut être jugée abusive que si elle se trouve fondée uniquement ou princi- palement sur un motif prohibé par la loi. Cette manière de voir ne devrait pas triompher sous le nouveau droit. En effet, selon son texte même, la loi se contente d'un simple lien de causalité

entr~ le motif abusif et le licenciement (cf. par ex. l'art. 336 al. 1 litt. a, b et d CO: «pour une raison», «en raison », «parce que»). Elle n'exige que dans un cas que le motif prohibé soit la cause unique de la résiliation (cf. l'art. 336 al. 1 litt. c CO:

« seulement afin»). Il suffit donc que le motif prohibé joue un rôle causal; peu importe qu'il soit unique ou prépondérant (con- tra : Fritz, n. 1 ad art. 336). En revanche, si un autre motif licite, à lui seul, eût suffi à provoquer la décision de l'employeur, la résiliation n'est pas abusive: elle repose sur une seconde cause déterminante, non répréhensible. Lorsque le congé a plusieurs motifs, il faut donc se demander si, n'eût été le motif abusif.

l'employeur eût procédé au licenciement. Dans la négative, on appliquera les articles 336 à 336 b CO.

10. Art. 35 al. 1 LTr; 337 CO Femme enceinte quittant son travail sans autorisation; altercation avec un supérieur; justes motifs de licenciement immédiat non admis; nullité de la résilia- tion (CA, IX, 9.5.1988).

T. est entrée au service de la banque E. le 1er mars 1982.

Elle s'est trouvée enceinte au début de l'année 1987, sans que son état l'ait empêchée de travailler jusqu'aux événements qui sont à l'origine du litige. Dans la matinée du 24 juin 1987, X., qui était un des supérieurs de T., lui demanda de terminer en priorité certaines opérations comptables, alors qu'elle était occu- pée à une autre tâche qu'elle considérait comme urgente. Une altercation s'en est suivie, à la suite de laquelle T. a pris son sac et est partie. Elle s'est rendue chez son gynécologue, qui lui a établi le même jour un certificat d'incapacité de travail jusqu'au 2 juillet 1987, renouvelé à cette date pour une durée indéter- minée:

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E. a congédié T. par une lettre du 29 juin 1987 en invoquant son attitude à l'égard de son supérieur et le fait qu'elle avait abandonné son poste. T. a aussitôt offert de reprendre son travail dès que son médecin le lui permettrait. T. a accouché le 15 octo- bre 1987.

T. a ouvert action devant la juridiction des prud'hommes; elle conclut à ce que soit déclaré nulle congé donné le 29 juin 1987.

Aux termes de l'art. 35 al. 1 LTr, les femmes enceintes ne peuvent être occupêes que si elles y consentent; elles peuvent se dispenser d'aller au travail ou le quitter sur simple avis. Ces dis- positions de droit public, qui sont applicables au contrat de tra- vail en vertu de l'art. 342 al. 2 CO, ne permettent pas à l'em- ployeur d'invoquer comme juste motif de résiliation le seul fait qu'une travailleuse interrompt son travail pour rentrer chez elle pendant sa grossesse. En l'espèce, T. n'avait pas d'autre obliga- tion que d'aviser ses supérieurs de son départ à la maison, ce qu'elle a fait en le déclarant à X. et en le faisant confirmer par sa sœur; elle n'était pas même tenue légalement de produire un certificat médical si son absence ne devait durer que peu de temps. Informés au préalable de 1'état de cette employée, les dirigeants de la banque s'attendaient à devoir être privés subite- ment de ses services et il leur incombait de prendre les mesures nécessaires pour son remplacement. Ainsi, tous les efforts entre- pris par E. pour tenter d'établir que l'absence de T. à fin juin 1987 lui a causé un préjudice sont sans pertinence.

Reste à déterminer si l'altercation que T. a eue avec son supé- rieur X., qu'elle tutoyait selon les allégués de E., a été objecti- vement de nature à altérer les rapports de confiance entre les parties. Or, E. savait depuis environ deux ans que son employée souffrait d'un léger était dépressif et que sa grossesse ne pouvait certainement pas avoir dissipé cette affection. Un incident tel que celui du 24 juin 1987, peu grave en soi puisqu'il n'a donné lieu à aucun excès et ne paraît pas avoir troublé le travail des autres membres du personnel, ne devait pas surprendre la direction.

Il n'est donc pas établi que E. avait des motifs suffisamment sé- rieux pour résilier le contrat avec effet immédiat.

Le congé donné le 29 juin 1987 aurait, dans d'autres circons- tances, provoqué la résiliation du contrat pour son prochain terme légal, soit le 31 août 1987 (art. 336 b al. 1 CO), comme un congé ordinaire. Toutefois, lorsque le travailleur a plus d'une

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année de service, le congé ordinaire ne peut pas être donné pen- dant les huit premières semaines d'une incapacité de travail due à la maladie (art. 336 e al. 1 aCO), sous peine de nullité (al. 2).

En l'espèce, les deux certificats établis par le docteur Y. suffisent à prouver que T. se trouvait dans cette situation le 29 juin, soit avant même le début de la période légale de protection afférente à sa grossesse (336 e al. 1 litt. c CO). Il se justifie donc de cons- tater la nullité du congé.

Note: 1. L'arrêt ci-dessus laisse entendre que la femme en- ceinte qui quitte son travail devrait, si son absence n'est pas de courte durée, produire un certificat médical. L'art. 35 al. 1 LTr indique, cependant, qu'elle ne peut être occupée que si elle y consent et qu'il lui est loisible de quitter son travail sur simple avis. La femme enceinte n'a donc pas à justifier son absence, quelle qu'en soit la durée; l'employeur ne saurait exiger un cer- tificat médical. Il faut évidemment réserver les cas d'abus (à prouver par l'employeur), par exemple ceux où la salariée s'ab- senterait pour des motifs totalement étrangers à sa grossesse.

En revanche, si la travailleuse prétend à son salaire dans les limites de l'article 324 a CO ou si elle se trouve au bénéfice d'une assurance perte de gain, il faudra démontrer un véritable empê- chement de travailler, qui se prouve généralement au moyen d'un certificat médical.

2. La Chambre d'appel a admis que le licenciement immédiat prononcé sans juste motif pendant une période de protection est nul (cf., dans le même sens, CA, II, 24.3.1988). Il est inutile de rechercher si cette conclusion était fondée sous l'ancien droit.

On doit toutefois relever qu'elle serait probablement inexacte depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1989, du nouveau droit du licenciement.

Sous l'ancien droit tel que le comprenait la jurisprudence, le contrat résilié avec effet immédiat de manière injustifiée prenait fin seulement en fait, mais survivait en droit jusqu'à son terme normal (cf. Aubert, note in SJ 1987, p. 561 ss.). Selon le nouveau droit, le licenciement avec effet ùnmédiat injustifié met fin en fait et en droit au contrat de travail, de telle sorte que le travail- leur n'a plus contre l'employeur qu'une créance en indemnisa- tion (art. 337 c al. 1 CO ; FF 1984 Il 634-635 ; Fritz, n. 1 ad art. 337 cl. Les travaux préparatoires ne disent pas si cette consé-

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quence s'applique aussi lorsque le licenciement immédiat inter- vient pendant une période de protection visée à l'article 336 c CO.

Cette question appelle, à notre avis, une réponse affirmative.

La nullité du congé notifié en temps inopportun repose sur l'idée que, à la fin de la période de protection, surtout lorsque le tra- vailleur est de retour, l'employeur peut être amené à réexaminer la situation et à s'accommoder de la poursuite des rapports de travail; s'il notifie une nouvelle résiliation, cette dernière donne Je temps au salarié de retrouver un emploi. En cas de licen- ciement immédiat, ce but est compromis. On voit mal que l'em- ployeur reprenne à son service une personne dont il a déclaré vouloir se séparer sur-le-champ. De plus, supposé que la justifi- cation de ce licenciement immédiat soit contestée devant les tribunaux, la validité ou la nullité de ce dernier ne sera connue parfois qu'après de longues années; il s'ensuivra une insécurité juridique inutile (cette insécurité existe certes en cas de résilia- tion en temps opportun, mais elle n'est guère fréquente, car l'existence d'une période de protection donne lieu à moins de controverses que celle de justes motifs). En outre, du point de vue pécuniaire, la nullité du licenciement immédiat prononcé en période de protection n'apporte aucun avantage particulier au salarié. En effet, pour fixer le montant de l'indemnité due selon l'article 337 c al. 1 CO, l'on calculera le gain manqué en tenant compte du fait qu'une résiliation ordinaire n'aurait pas pu être notifiée valablement avant l'expiration de la période de protec- tian; on inclura donc dans l'indemnité non seulement le salaire que le travailleur aurait gagné durant le délai contractuel ou légal de congé, mais aussi celui que l'employeur aurait versé pendant la période de protection.

On pourrait craindre évidemment que l'employeur n'invente de prétendus justes motifs de licenciement avec effet immédiat pour se débarrasser plus facilement d'un salarié pendant une période de protection. Sans doute gagnerait-il ainsi une certitude sur la date de la fin du contrat. Mais, comme on l'a vu, l'indem- nité au paiement de laquelle il s'exposerait ne serait nullement diminuée. Au contraire, en application de l'article 337 c al. 3 CO, le juge serait·autorisé à lui infliger une pénalité supplémen- taire équivalant à six mois de salaire.

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3. Le contrat prenant fin au moment de la résiliation abrupte, le salarié n'a pas à mettre l'employeur en demeure de l'occuper.

Cependant, pour obtenir réparation, il devra prouver le licencie- ment immédiat. A cette fin, une sommation adressée à l'em- ployeur, par pli recommandé, de respecter le contrat constitue un moyen de preuve fort utile (FF 1984 II 634-635).

11. Art. 337 CO Grève,. juste motif de résiliation avec effet immédiat nié en

r

espèce,. faute concomitante des salariés (TF 15.4.1988, JAR 1989, p. 296).

12. Art. 340, 340 a CO Clause d'interdiction de concurrence ; connaissance de la clientèle,' secret d'affaires; prohibition exces- sive ; limitation à raison du lieu,' indemnité versée en contrepartie de la clause d'interdiction de concurrence; effets (TF, rr, 1.12.

1987).

A. - Par contrat du 18 janvier 1982, E. Lausanne SA (entre- prise de travail intérimaire) a engagé T. en qualité de responsable de la division industrie et technique, attaché à la succursale de Fribourg ( ... ). Une clause de non-concurrence était convenue pour la durée du contrat et les trois ans qui suivraient son expi- ration. Elle était stipulée « en raison du caractère spécifique de l'activité de l'employeur» et de sou intérêt légitime à «éviter que ses méthodes puissent être copiées ». Elle devait déployer son effet sur tout le territoire de la Suisse. En contrepartie, T.

recevait, en plus du salaire, une indemnité mensuelle brute de fr. 500. Une clause pénale prévoyait le paiement d'une indem- nité de fr. 82.000 ( ... ).

T. ayant résilié le contrat, les rapports de travail ont pris fin le 30 avril 1985. Aussitôt après T. est entré au service de la société X. SA, où il s'occupe aussi du placement de travailleurs intérimaires ( ... ).

B. - E. a ouvert action contre T., en concluant au paiement de fr. 82.000 avec intérêts ( ... ).

1. - Selon l'art. 340 al. 2 CO, la prohibition de faire concur- rence n'est valable que si les rapports de travail permettent au travailleur d'avoir connaissance de la clientèle ou de secrets de fabrication ou d'affaires de l'employeur et si l'utilisation de ces renseignements est de nature à causer il l'employeur un préjudice

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sensible. L'examen de ces conditions doit intervenir sur la base de la situation telle qu'elle se présente pendant la durée de l'em- ploi et non au moment où l'ancien travailleur a pris un emploi dans une entreprise concurrente, de sorte que l'absence de pré- judice effectif n'affecte pas la validité de la clause de prohibition de concurrence (A TF 101 la 454 = SI 1976, p. 605 = JdT 1976 1 349; 91 II 380 = JdT 1966 1 330; Haefliger, p. 37).

La possibilité pour le travailleur, sur la base des faits établis dans le cas d'espèce, de causer un préjudice sensible à l'employeur par l'utilisation de la connaissance de la clientèle et des secrets d'af- faires de celui-ci doit être appréciée en fonction de l'expérience générale. Il s'agit d'une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir en instance de réforme (ATF 91 II 380 = IdT 1966 l 330). La cour cantonale a jugé qu'en raison de son activité durant plus de trois ans, T. connaissait les méthodes de travail et la clientèle de E. dans son secteur et qu'il avait la possibilité d'utiliser au préjudice de son employeur les renseignements qu'il avait obtenus. Elle a dès lors admis avec raison la validité de la clause de prohibition de concurrence au regard de l'art. 340 al. 2 CO.

Quant à la condition - alternative - de la connaissance de secrets d'affaires de l'employeur, la Chambre d'appel a nié à juste titre qu'elle fût réalisée en l'espèce. Par secrets d'affaires au sens de l'art. 340 al. 2 CO, il faut entendre des connaissances spéci- fiques que l'employeur veut tenir secrètes et qui touchent soit à des questions techniques ou financières, soit à l'organisation de l'entreprise (Streiff, n. 12 ad art. 340). En revanche, les connais- sances qui peuvent être acquises dans toutes les entreprises de la même branche constituent l'expérience professionnelle du travail- leur et ne sont pas des secrets au sens de l'art. 340 al. 2 CO (Brühwiler, n. 10 ad art. 340 ; sur cette question et dans le même sens, cf. aussi Haefliger, p. 35). Il appartient à l'employeur d'éta- blir que les connaissances litigieuses sont objectivement secrètes et qu'il entend qu'elles ne soient pas divulguées (Streiff, n. 12 ad art. 340 ; Kuhn, p. 39).

L'autorité cantonale n'admet pas que les méthodes de travail de E. étaient originales et qu'elles auraient différé de manière sensible de celles utilisées par des entreprises semblables. Elle en déduit l'inexistence de la violation d'un secret. Sur ce point, le recours ne contient pas de critique précise ( ... ). E. ne dit ni

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quelles étaient ses méthodes, ni en quoi elles revêtaient un carac- tère spécifique et secret, ni pourquoi l'autorité cantonale aurait admis à tort qu'elles ne présentaient pas un tel caractère ( ... ).

Les griefs du recours à ce sujet ne peuvent être que rejetés ( ... ).

2. - a) La prohibition doit être limitée convenablement quant au lieu, au temps et au genre d'affaires, de façon à ne pas com- promettre l'avenir économique du travailleur contrairement à l'équité (art. 340 a al. 1 CO). Le juge peut réduire selon sa libre appréciation une prohibition excessive, en tenant compte de tou- tes les circonstances (art. 340 a al. 2, 1ère phrase CO). Il doit même le faire (Haefliger, p. 61). Pour procéder à cette réduction, le juge aura égard, d'une manière équitable, à une éventuelle contre-prestation de l'employeur (art. 340 al. 2, 2ème phrase CO). Lorsqu'une prohibition est valable au regard de l'art. 340 al. 2, mais qu'elle est excessive selon l'art. 340 a al. 1, l'art.

340 a al. 2 déroge au principe posé par l'art. 20 CO en ce sens que la clause n'est pas entièrement nulle; elle reste valable dans la mesure où elle n'excède pas la limite admissible (A TF 96 II 142

=

IdT 1971 l 171 ; 91 II 380

=

IdT 1966 l 331).

b) Pour juger si la prohibition est limitée convenablement au sens de l'art. 340 a al. 1 CO, il faut considérer les diverses res- trictions imposées par le contrat dans leur ensemble (ATF 91 II 381

=

IdT 1966 l 332 ; 44 II 95

=

SI 1918, p. 439 ; Vischer, p. 171 ; Haefliger, p. 55). D'une part, l'interdiction ne peut aller au-delà de ce qui est justifié par l'intérêt de l'employeur (ATF 96 II 143 = IdT 1971 l 172; 91 II 381 = JdT 1966 l 332), ce qui découle des art. 340 c al. 1 et 340 al. 2 CO. Une prohibi- tion de concurrence ne sera donc limitée convenablement quant au lieu, au temps et au genre d'affaires que dans la mesure où la possibilité existe pour l'employeur de subir un préjudice sen- sible (Haefliger, p. 54 ; Brühwiler, n. 4 ad art. 340 a). D'autre part, l'avenir économique du travailleur ne doit pas être compro- mis contrairement à l'équité, ce dont il faut juger en comparant les intérêts des deux parties. A défaut d'intérêt digne de protec- tion de l'employeur, la restriction est contraire à l'équité. Elle ne l'est en revanche pas lorsque les intérêts des deux parties sont d'égale valeur ou lorsque ceux de l'employeur l'emportent (Hae- fliger, p. 55).

c) Quant au lieu, l'interdiction de concurrence ne saurait s'étendre au-delà du territoire sur lequel l'empoyeur déploie

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son activité (Hae/tiger, p. 56). Même contenue dans ces limites, une prohibition peut se révéler excessive au regard d'autres cir- . constances, notamment en raison de l'absence d'intérêt de l'an- cien employeur au respect d'une interdiction aussi étendue (A TF 91 II 381 = JdT 1966 l 331). Les limites territoriales de l'inter- diction de concurrence s'arrêtent donc en principe là où la pos- sibilité de porter préjudice à l'ancien employeur prend fin (Kuhn, p. 67). C'est ainsi que le Tribunal fédéral, dans l'arrêt qui vient d'être Cité, a limité des effets d'une clause de non-concurrence au territoire sur lequel un voyageur de commerce avait exercé son activité.

3. - En l'espèce, la cour cantonale a jugé qu'une interdiction de concurrence s'étendant à tout le territoire de la Suisse était excessive et l'a limitée au territoire du canton de Fribourg. E.

admet qu'une prohibition de concurrence s'étendant à toute la Suisse ne se justifiait pas, mais elle reproche à l'autorité canto- nale d'avoir trop réduit l'étendue de l'interdiction convenue.

Celle-ci devrait au moins, selon elle, déployer ses effets sur le territoire des cantons ou villes dans lesquels elle possède un éta- blissement ou une agence.

a) ( ... ) Le rayon d'activité de E. se limite pour l'essentiel au canton de Vaud, où elle a son siège, et à Genève, où elle exploite une succursale. En plus de son bureau de Fribourg, elle possède, semble-t-il, de petites agences à Neuchâtel, Bienne, Aarau et St-Gall. L'activité de T. au service de E. était strictement limitée au canton de Fribourg. Aussitôt après la fin des rapports de tra- vail, il a pris un emploi à Genève, où il exerce une activité de même nature pour le compte d'une entreprise concurrente ( ... ).

T. connaissait la clientèle de E. dans son secteur. A l'exception d'un placement ancien à Payeme, enclave vaudoise dans le can- ton de Fribourg, le placement de travailleurs en dehors de ce canton n'est pas établi et, au moment où T. a quitté le service de E., vingt-cinq travailleurs étaient placés par lui dans ce can- ton. E. ne disposait pas d'un système informatisé regroupant les dossiers de ses diverses succursales et agences auquel T. aurait eu accès; il n'est pas établi qu'il- aurait eu connaissance de la clientèle de Genève.

b) Il ressort de ces constatations que la connaissance acquise par T. de la clientèle de E. ne pouvait être utilisée de manière à

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causer un préjudice à cette dernière si ce n'est dans le canton de Fribourg, éventuellement dans la partie nord du canton de Vaud.

La connaissance de la clientèle dans ce secteur n'était en revan- che pas de nature à causer un préjudice sensible à E., s'agissant d'une activité concurrente exercée à Genève. A défaut d'un inté- rêt de l'employeur à être protégé contre un tel préjudice, l'activité sur laquelle E. fonde ses prétentions échappe à la prohibition de concurrence admissible selon les art. 340 al. 2 et 340 a al. 1 CO ( ... ). Une limitation convenable quant au lieu, selon l'art.

340 a CO, exclut en tout cas le territoire genevois, où T. n'a pas eu connaissance de la clientèle de E. ( ... ).

c) L'argument tiré par E. de la contre-prestation qu'elle a four- nie à T., par le versement de l'indemnité mensuelle de ff. 500, stipulée par la clause de non-concurrence, ne saurait infirmer cette solution. La limitation de la prohibition en fonction de l'impossibilité pour l'employeur d'être sensiblement atteint, au- delà d'une certaine limite quant au lieu, au temps et au genre d'affaires, a un caractère absolu, et l'employeur ne peut y échap- per par le versement d'une contre-prestation. Si celle-ci se révèle excessive au regard de la partie reconnue valable de la prohibi- tion de concurrence, l'employeur peut le faire valoir par la voie d'une action pour cause d'enrichissement illégitime.

d) E. se prévaut à tort de l'accord donné librement à la clause litigieuse par T. Elle oublie que les art. 340 et 340 a al. 1 CO sont impératifs en ce sens qu'il ne peut pas y être dérogé, notam- ment par voie d'accord, au détriment du travailleur (art. 362 CO) ( ... ).

Note: S'interrogeant sur les limites admissibles de la clause d'interdiction de concurrence dans l'affaire ci-dessus, le Tribunal fédéral n'a pas voulu tenir compte de la contre-prestation allé- guée par l'employeur. Il s'est contenté de renvoyer, le cas échéant, aux règles sur l'enrichissement illégitime. Ce raisonne- ment suscite une double difficulté. D'abord, il semble perdre de vue que selon la loi elle-même le juge doit avoir égard, lorsqu'il réduit une prohibition excessive, à une éventuelle contre-presta- tion de l'employeur (art. 340 a al. 2 CO). En outre, l'action en enrichissement illégitime risque de déployer des effets pires qu'une interdiction de concurrence excessive. Il suffirait en effet à l'employeur de prévoir une telle clause, assortie, d'après le

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texte du contrat, d'une contre-prestation pécumatre, pour pou- vaiT réc1amer des montants non négligeables, à titre de riposte, si le salarié demande une réduction de la prohibition. La protec- tion légale serait ainsi rendue vaine.

Pour surmonter cette double difficulté, il faut s'interroger sur la notion de contre-prestation dont le juge doit tenir compte lors- qu'il apprécie la licéité d'une interdiction de concurrence. Cette contre-prestation peut être versée durant les rapports contrac- tuels ; elle peut aussi l'être à la fin de ces derniers.

Dans Je premier cas, la contre-prestation ne constitue le plus souvent qu'une apparence: elle ne s'ajoute pas réellement au salaire, mais fait bel et bien partie de ce dernier. Peu importent les déclarations du salarié dans le contrat; pratiquement, lors de la signature de l'accord, le travailleur ne s'intéresse qu'à ce qu'il touche à court terme, sans se soucier de l'interdiction de concur- rence à laquelle tient l'employeur; pour recevoir le salaire désiré, il est prêt à reconnaître que ce dernier comporte une indemnisa- tion pour la prohibition de concurrence, car il n'en voit pas vrai- ment la portée. En outre, du point de vue économique, le verse- ment mensuel ou annuel d'une contre-prestation en échange de l'interdiction de concurrence n'a pas une signification très claire.

Les inconvénients qui résultent de la prohibition ne paraissent pas prqportionnels à la durée du contrat. On voit mal à quoi correspond l'accumulation mensuelle ou annuelle de l'indemnité au fur et à mesure du déroulement de celui-ci. D'ailleurs, il de- vrait logiquement survenir un moment où le coût de la clause l'emporte sur l'avantage escompté. Que l'employeur ne fasse pas ce calcul montre bien que la contre-prestation ne compense pas une diminution de la liberté du salarié à l'avenir, mais récom- pense plutôt ses services présents.

Dans le second cas, la contre-prestation atteint le but vise.

Versée au moment où le travailleur, entravé dans sa liberté, a besoin de compléter ses revenus et calculée, le plus souvent, en fonction des inconvénients effectifs liés à la prohibition, l'indem- nité a posteriori échappe à la critique. A notre avis, ce n'est que d'elle qu'il peut être tenu compte lors de la réduction d'une clause excessive (dans ce sens, mais moins strict, Bohny, p. 120 et 124, avec de nombreuses références). On peut sérieusement se demander si, dans l'arrêt ci-dessus, le Tribunal fédéral n'a pas

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mette de concilier cette décision avec le texte légal.

Dès lors que, à teneur de la loi, le juge est tenu de prendre en considération une contre-prestation (effectuée a posteriori), on ne voit pas qu'une réduction de la prohibition, effectuée par les tribunaux, puisse laisser place à un enrichissement illégitime du salarié.

13. Art. 3218, 340, 340 a, 340 c CO Clause d'interdiction de concurrence; motif justifié .de résiliation par le salarié .. devoir de fidélité après la résiliation du contrat,. création d'une entre- prise concurrente,. indemnité versée en contrepartie de la clause d'interdiction de concurrence,. effets (TF, rr, 26.5.1988).

A. - Par contrat du 15 juillet 1983, E. a engagé T. en qualité de conseillère en personnel. Une clause du contrat ( ... ) consacrait une prohibition de faire concurrence ( ... ) et une clause pénale sanctionnait une éventuelle violation ( ... ). La clause de non- concurrence était convenue pour la durée du contrat et les trois ans qui suivraient son expiration ( ... ). En contrepartie, le colla- borateur recevait, en plus du salaire, une indemnité mensuelle de ff. 500 ( ... ).

Par lettre du 26 février 1985, T. a donné son congé pour le 31 mars 1985. Le 30 avril 1985, la raison individuelle «T» a été inscrite au registre du commerce de Genève.

1. - ( ... ) a) Selon l'art. 340 c ai. 2 CO, la prohibition cesse, notamment, si le travailleur résilie le contrat pour un motif jus- tifiéimputable à l'employeur. La notion de «motif justifié», propre à cette disposition, et celle de «justes motifs », figurant à l'art. 337 CO, ne se recouvrent pas, un motif pouvant raison- nablement justifier la résiliation, au sens de l'art. 340 c al. 2 CO.

sans qu'il soit-nécessairement suffisant pour fonder un renvoi ou un départ immédiat (SJ 1984, p. 32 = Aubert, Quatre cents arrêts ... , No 305, p. 179). II importe de déterminer, dans chaque cas d'espèce, en fonction des faits retenus, si l'on est en présence d'un motif justifié (pour la jurisprudence, voir, à titre d'exem- ples, ATF 110 II 175 = JdT 1984 l 602 ; 105 II 202

=

JdT 1980 l 167 ; 92 II 36

=

SJ 1966, p. 475

=

JdT 1967 l 156 ; 82 II 144 = JdT 1957 l 104 ; cf. aussi Streif!, n. 6 ad art. 340 c ; Brühwiler, n. 2 ad art. 340 c ; Vischer, p. 173).

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