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Sous le signe de Terpsichore : scènes de bal dans des récits français, portugais et brésiliens du XIXe siècle

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: tel-01690171

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01690171

Submitted on 22 Jan 2018

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Claudia Helena Daher

To cite this version:

Claudia Helena Daher. Sous le signe de Terpsichore : scènes de bal dans des récits français, portugais et brésiliens du XIXe siècle. Littératures. Universidade federal do Paraná (Brésil), 2016. Français.

�NNT : 2016GREAL009�. �tel-01690171�

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THÈSE (résumé en français)

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR

préparée dans le cadre d’une cotutelle entre la Communauté Université Grenoble Alpes et

l’ Universidade Federal do Paraná

Spécialité : Langues, Littératures et Sciences Humaines/ Études luso-brésiliennes/ Études Littéraires

Arrêté ministériel : le 6 janvier 2005 - 7 août 2006

Présentée par

Cláudia Helena DAHER

Thèse dirigée par

M.Bernard EMERY et Mme Patrícia da SILVA CARDOSO

préparée au sein de l’unité de recherche LITT&ARTS - Centre de recherche Imaginaire et Socio-Antropologie et de l’unité de recherche Études Littéraires de l’UFPR

École Doctorale Langues, Littératures et Sciences Humaines et Programa de Pós-Graduação em Letras

Sous le signe de Terpsichore : scènes de bal dans des récits français, portugais et brésiliens du XIX e siècle

Thèse soutenue publiquement le 05 juillet 2016, devant le jury composé de : M.Marcelo CORRÊA SANDMANN

Professeur des Universités, Universidade Federal do Paraná (Président du jury) M.Bernard EMERY

Professeur émérite, Université Grenoble Alpes (Directeur de thèse) Mme Andréa CORREA PARAISO MÜLLER

Professeure des Universités, Universidade Estadual de Ponta Grossa (Rapporteur) M. Carlos MACIEL

Professeur, Université Nice Sophia Antipolis (Rapporteur) M.Antonio Augusto NERY

Professeur des Universités, Universidade Federal do Paraná (Examinateur) Mme Olinda ANTUNES COELHO KLEIMAN

Professeure des Universités, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 (Examinatrice) Mme Renata PRAÇA DE SOUZA TELLES

Professeure des Universités, Universidade Federal do Paraná (Examinatrice)

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UNIVERSIDADE FEDERAL DO PARANÁ PROGRAMA DE PÓS-GRADUAÇÃO EM LETRAS

UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES

ÉCOLE DOCTORALE LANGUES, LITTÉRATURES ET SCIENCES HUMAINES

CLÁUDIA HELENA DAHER

SOUS LE SIGNE DE TERPSICHORE :

scènes de bal dans des récits français, portugais et brésiliens du XIXe siècle SOB O SIGNO DE TERPSÍCORE:

cenas de baile em narrativas francesas, portuguesas e brasileiras do século XIX

Résumé

CURITIBA/GRENOBLE 2016

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Observation : Ce texte est un résumé de la thèse écrite en langue portugaise.

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Remerciements

Je remercie MM. Corentin Chauvel et Bernard Emery pour l’aide concernant la traduction en langue française.

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RÉSUMÉ

Sous le signe de Terpsichore : scènes de bal dans des récits français, portugais et brésiliens du XIXe siècle

L’objectif de cette thèse est l'analyse de scènes de bal dans des textes narratifs du XIXe siècle produits dans trois pays : France, Portugal et Brésil. Nous soulignons premièrement la présence et l'imaginaire construits autour de cette pratique sociale ; ensuite, à partir d'onze scènes littéraires de bal, nous analysons et discutons la diversité de représentations auxquelles cet événement a donné lieu. En considérant la scène de bal un endroit privilégié pour le développement de rencontres, drames et promotions, on observe comment chaque texte travaille le phénomène du bal, en établissant, pour cela, un constant mouvement dialectique entre l’imaginaire social et le littéraire. Dans la dernière partie du travail, les résultats obtenus sont placés à la lumière des études sur les régimes de l'imaginaire. Cette analyse nous permet de vérifier la présence du régime nocturne comme trace commune, bien que, à l'intérieur de cet univers, les personnages présentent des éléments contradictoires et innovateurs. χu long du travail, nous observons la position occupée par l’individu dans le bal et sa relation avec la société moderne, en analysant, en même temps, de quelle manière les scènes contribuent à renforcer ou à réfuter des conceptions littéraires et artistiques de l’époque. Nous visons à démontrer que ce topos, fréquent dans les productions du XIXe siècle, constitue un élément remarquable pour la compréhension de l'imaginaire historique, social et littéraire de la période. Il s'agit d'une recherche de caractère pluridisciplinaire qui se fonde sur des textes de critique littéraire, d’histoire, de sociologie, d’anthropologie, en complément à la lecture des textes littéraires. La mise en perspective comparatiste se révèle stimulante pour comprendre les particularités et la complexité de ces scènes, ainsi que les éléments de l'imaginaire qui les composent.

Mots-clés : scènes de bal, récits du XIXe siècle, littérature comparée, imaginaire.

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ABSTRACT

Under the sign of Terpsichore: ball scenes in French, Portuguese and Brazilian narratives of the nineteenth century

This thesis aims at analyzing ball scenes in narrative texts produced in three countries in the nineteenth century: the countries are France, Portugal, and Brazil.

First, we emphasize the presence and the imaginary built around this social practice;

after that, altogether with the eleven ball literary scenes, we analyze and discuss the diversity of representations to which this event has given place. Considering the ball scene as a privileged situation to the development of meetings, dramas, and promotions, we observe in what way each text works with the ball phenomenon, settling for this, a constant dialectical movement between the social and literary imaginary. In the last part of this paper, the results are placed to the light of studies on the imaginary schemes; such an analysis that allows us to verify the presence of the night scheme as a common thread, though, within this universe, the characters exhibit contradictory and innovative elements. Throughout this study, we have highlighted the position occupied by the individual at the ball and his or her relationship with modern society, analyzing at the same time, how the scenes contribute to strengthen or refute literary and artistic conceptions at the time. Our aim is to demonstrate that this topos, often present in the nineteenth century literary pieces, is a significant element in understanding the historical, social and literary imaginary of those times, social and literary period. Our research has a multi-disciplinary nature supported by literary criticism, history, sociology, anthropology, in addition to the reading of literary texts.

The comparative perspective proves to be stimulating when it comes to understanding the characteristics and complexity of these scenes as well as imaginary elements that compose them.

Keywords: ball scenes, nineteenth-century narratives, comparative literature, imaginary.

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RESUMO

Sob o signo de Terpsícore: cenas de baile em narrativas francesas, portuguesas e brasileiras do século XIX

A presente tese tem por objetivo a análise de cenas de baile em textos narrativos do século XIX produzidos em três países: França, Portugal e Brasil.

Destacamos primeiramente a presença e o imaginário construído em torno desta prática social; em seguida, a partir de onze cenas literárias de baile, analisamos e discutimos a diversidade das representações às quais este evento deu lugar.

Considerando a cena de baile uma situação privilegiada para o desenvolvimento de encontros, dramas e promoções, observa-se como cada texto trabalha com o fenômeno do baile, estabelecendo-se, para isso, um constante movimento dialético entre o imaginário social e o literário. Na última parte do trabalho, os resultados obtidos são colocados à luz dos estudos sobre os regimes do imaginário, análise que nos permite verificar a presença do regime noturno como traço comum, embora, dentro deste universo, os personagens apresentem elementos contraditórios e inovadores.

Ao longo do trabalho, colocamos em destaque a posição ocupada pelo indivíduo no baile e sua relação com a sociedade moderna, analisando, ao mesmo tempo, de que modo as cenas contribuem a reforçar ou refutar concepções literárias e artísticas vigentes. Visa-se a demonstrar que este topos, frequente nas produções do século XIX, constitui um elemento notável para a compreensão do imaginário histórico, social e literário do período. Trata-se de uma pesquisa de caráter pluridisciplinar que tem por apoio textos de crítica literária, história, sociologia, antropologia, em complemento à leitura dos textos literários. A perspectiva comparatista revela-se estimulante para compreender as particularidades e a complexidade destas cenas, bem como os elementos do imaginário que as compõem.

Palavras-chave: cenas de baile, narrativas do século XIX, literatura comparada, imaginário.

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TABLE DE MATIÈRES

INTRODUCTION……….. 10

CHAPITRE 1 : LE BAL COMME RITUEL SOCIAL ARISTOCRATIQUE 1.1 La naissance du bal……… 23

1.2 Renaissance : basse danse, symbole de civilité ………. 24

1.3 Le XVIIesiècle : l’apogée des apparences……… 25

1.4 Le XVIIIe siècle : le bal commence à se populariser……… 26

1.5 Le XIXe siècle : l’explosion des bals publics et l’apparition d’une nouvelle élite….27 1.6 1750-1900 : la révolution de la valse……… 30

1.7 Les bals au XXe siècle : entre tradition, contestation et innovation……… 32

1.8 Les danses au Brésil ……… 34 CHAPITRE2 :L’IMAGINAIREDUBAL 2.1 Le bal sous le prisme des études sur l’imaginaire ……….… 38

2.2 Les régimes de l’imaginaire dans les scènes de bal………. 40

2.3 De Cendrillon au XIXesiècle : l’imaginaire symbolique du bal dans la littérature 44 CHAPITRE 3 : LE BAL DANS LA MODERNITÉ 3.1 Le bal dans la littérature : thème, motif ou topos ? ……… 50

3.2 Les topoï modernes en évidence ………. 52

3.3 Le bal dans l’ère moderne : du contrôle social à l’autocontrôle………..… 53

3.4 L’individualisme moderne ………. 58

CHAPITRE 4 : LE BAL DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE 4.1 Le rouge et le noir, 1830 – Stendhal ……… 66

4.2 Le bal de Sceaux, 1830 – Honoré de Balzac ………. 70

4.3 Madame Bovary, 1857 – Gustave Flaubert ………...…… 73

4.4 La parure, 1885 – Guy de Maupassant ………... 76

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CHAPITRE 5 : LE BAL DANS LA LITTÉRATURE PORTUGAISE

5.1 Années de prose, 1863 – Camilo Castelo Branco ………. 83

5.2 Les cannibales, 1868 –Álvaro do ωarvalhal ...… 87

5.3 La capitale (1925, œuvre posthume) – Eça de Queirós ... 91

CHAPITRE 6 : LE BAL DANS LA LITTÉRATURE BRÉSILIENNE 6.1 Mémoires d'un sergent de la milice, 1854 – Manuel Antônio de Almeida ……… 100

6.2 L’esclave Isaura, 1875 – Bernardo Guimarães ……… 104

6.3 Senhora, 1875 – José de Alencar ……….. 107

6.4 Esaü et Jacob, 1904 – Machado de Assis ……… 110

CHAPITRE 7 : POÉTIQUE DU BAL 7.1 Sociopoétique du chronotope ……… 115

7.2 Le régime nocturne de l’imaginaire et la poétique du féminin……… 125

CONCLUSION ….……… 132

RÉFÉRENCES ………. 141

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INTRODUCTION

La Société parée, frisée, musquée se laissait aller à une folie de fête...

(Honoré de BALZAC, Une fille d’Eve, 1839)

Terpsichore (en grec Τε ι ό η - Terpsichóra), qui apparaît dans le titre de cette thèse, était la muse de la danse dans la mythologie grecque. Elle est représentée généralement assise avec une lyre. Son nom signifie « celle qui apprécie la danse » (du verbe τέ πε "apprécier" et le nom o ό "la danse"). Elle a été une des neuf muses de la mythologie grecque, filles de Zeus et Mnémosyne1.

J’invite donc Terpsichore pour l’ouverture de cette discussion qui a pour sujet le bal – une des manifestations de la danse – et ses représentations dans la littérature.

Fête d’une nuit qui peut marquer le parcours d’une vie, le bal constitue l’endroit pour les rencontres, les espoirs, les promesses, les vertiges amoureux et les premiers émois. Comme le souligne Bonneau (2000), le bal est aussi un endroit d’exhibition, où des intrigues et des conflits peuvent arriver. La littérature fait du bal une étape de l’itinéraire sentimental des personnages, moment de découverte, de séduction, de la naissance d’une passion, parfois aussi de désillusion et d’abandon. Les occurrences de scènes de bal dans la littérature du XIXe siècle sont notables.

Les salons de bal sont pratiquement un passage obligé pour les héros des récits du XIXe siècle. Le bal fournit la matière pour un morceau de bravoure dans une ambiance de luxe et beauté, le portrait de la vie de la haute société de l’époque : décors éblouissants, lumières, parures, beaux habits, musiques envoûtantes – une vrai fête pour les sens. Mais le bal n’est pas toujours décrit comme un beau spectacle ; plusieurs fois, et surtout pour les Réalistes et Naturalistes, il apparaît comme une fête bruyante et vulgaire, avec moins de « bravoure » et plus de « férocité ».

Le bal, en tant que miroir de la société, permet la compréhension de différents moments de l’histoire. On peut accompagner, à travers les textes littéraires, l’évolution des mentalités et des coutumes, tout comme les codes de comportement en ce qui concerne le style des danses, la façon de s’habiller et la manière de danser. Plusieurs danses, considérées innocentes aujourd’hui, ont suscité le scandale au moment de leur apparition. Le bal lui-même a été, pendant longtemps, l’objet de sévères

1 Mes remerciements à Maria Bolli (Université Stendhal Grenoble Alpes & National and Kapodistrian University of Athens) pour son aide concernant les mots grecs.

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répressions. Bonneau (2000, p.6) souligne que la valse, dès son apparition, a été condamnée par les autorités ecclésiastiques comme une « indécente et abominable façon de faire tourner les femmes, surtout quand elle a pour résultat de faire voler les robes en dévoilant ce qui devrait rester caché ». Plusieurs médecins ont condamné les bals, en dénonçant le danger des danses pour la santé des poumons et du cœur.

La prohibition des bals est venue également de la part des autorités civiles, quand certaines danses étaient considérées trop audacieuses, ce qui pourrait provoquer un attentat à la pudeur.

Si les scènes de bal sont fréquentes dans la littérature du XIXe siècle, cela reflète l’importance que cet événement a joué dans la société pendant cette période.

Le bal devient un élément représentatif des profonds changements sociaux venus avec la Révolution Française. Traditionnellement lié aux élites, le bal se popularise et prend une importance cruciale pour la société de l’époque.

La fonction des bals pour la maintenance ou la confirmation des apparences et du statut de classe est un point d’intérêt de cette recherche. En France, à la fin du XVIIIe siècle, la classe bourgeoise qui détenait le pouvoir économique commence à adopter certaines valeurs, goûts et pratiques avant réservés exclusivement à la noblesse. Les valeurs de cette haute société ont fini par pénétrer aussi les manifestations culturelles des classes plus basses, et à déterminer certaines de ses pratiques. Cette recherche se concentre sur les bals des milieux plus élevés de la société (aristocrates, bourgeois et petit-bourgeois), qui ont influencé de manière plus déterminante le répertoire imagétique autour du bal. Certains bals ayant lieu parmi les milieux populaires serviront de contre-exemples pour les scènes centrales du corpus, bien que le vaste univers des danses et célébrations populaires ne soit pas abordé dans cette recherche.

En ce qui concerne les représentations du bal dans les littératures portugaise et brésilienne, elles présentent, au-delà de cet univers, des spécificités et des tensions particulières. L’analyse détaillée de ces scènes fournit un extrait enrichissant pour la compréhension des différents rôles que le bal peut prendre dans le récit.

Depuis la Grèce antique, la figure de Dionysos nous rappelle que dans l’imaginaire collectif les fêtes étaient toujours associées à la diversion et à la joie. Dans Cendrillon, une des scènes de bal les plus connues de la littérature occidentale,

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l’aspect de divertissement est également renforcé, puisque le pire châtiment imputé par la belle-mère et les sœurs de ωendrillon c’est de la laisser à la maison tandis qu’elles vont se divertir au bal. Le bal qui apparaît dans la version de Charles Perrault est entré, de manière définitive, dans l’imaginaire populaire, en étant renforcé par les versions faites pour le cinéma par les productions Disney, la dernière étant de 2015.

Le cinéma, d’ailleurs, fait souvent allusion aux scènes de bal. Enfin, parler du bal et de ses représentations ne nous paraît pas quelque chose de si distant de nos jours. À titre d’exemple, nous pouvons citer, parmi les plus récents : Depois daquele baile (Brésil, 2013), Au bout du conte (France, 2013), After the ball (Canada, 2015). Il est intéressant de noter que ces trois films ne sont pas historiques, au contraire, ils présentent des bals contemporains. ψien sûr, je ne peux pas m’empêcher de parler du film Le bal (1993), bellissime œuvre d’Ettore Scola, dans laquelle on nous raconte l’histoire européenne du XXe siècle à travers les salons de bal sans utiliser, pour cela, une seule parole : juste la danse, la musique et les gestes.

Regarder un événement qui a marqué une époque et qui est toujours parmi nous, sous différentes formes, permet une lecture de l’Homme en tant qu’individu, avec ses désirs, ses passions, et aussi de la société, de l’évolution des mœurs et coutumes.

Dans l’imaginaire collectif, le bal suscite une série d’images qui ont été construites et cristallisées au long du temps. En général, il est conçu comme une réunion élégante, dans laquelle on doit suivre un protocole déterminé qui exige des vêtements, des accessoires et un savoir-faire appropriés à la situation. En outre, le bal est fréquemment pris comme un endroit féerique, hors de l’espace-temps, et propice à des rencontres qui conduisent à des fins heureuses. Ce lieu commun est renforcé à plusieurs reprises jusqu’à nos jours.

Les danses collectives ont toujours fait partie des traditions humaines et leur représentation se fait présente dans toutes les formes d’expression artistique connues.

Quand j’ai commencé la recherche, j’ai observé que malgré le fait que le bal (avec cette dénomination) soit apparu en Europe pendant le Moyen Âge, c’est à la fin du XVIIIe et début du XIXesiècle qu’il se popularise, et perd son caractère exclusivement aristocratique. ω’est aussi au XIXe siècle que le bal se présente de manière plus intense dans la littérature, et devient un topos littéraire. Les raisons de ce phénomène peuvent être expliquées par le développement du bal (motivé par les transformations sociales vécues à cette période, comme l’ascension de la bourgeoisie qui commence

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à imiter les activités des nobles), et aussi par un changement de la pensée artistique/littéraire : le bal favorise un type d’intrigue dans le récit différent de ce qui était cherché par les écrivains des siècles précédents, plus préoccupés avec l’aventure et les péripéties des héros. Nous pouvons aussi présupposer que c’est dans ce moment que la représentation du bal est reconstituée de façon à composer un endroit idyllique, dans lequel les rêves peuvent devenir réalité.

Le bal est une thématique qui éveille l’intérêt de plusieurs chercheurs : historiens, sociologues, chorégraphes ou danseurs. Il s’agit d’un événement capable de mélanger tradition et transgression, qui accompagne l’évolution des habitudes vestimentaires, musicales, corporelles et qui permet l’étude de plusieurs aspects sociologiques et psychologiques, dans différentes époques.

À partir de l’analyse de scènes de bal de la littérature française, je cherche à savoir comment cet imaginaire du bal « de classes » a été construit et représenté, et comment il a été repris ou récréé par les littératures lusophones. Cette étude comparative entre les textes littéraires français, portugais et brésiliens dont l’action a lieu au XIXe siècle fourni une importante clé de compréhension des conflits de valeurs de l’individu et des conflits sociaux, politiques et culturels entre la bourgeoisie, l’aristocratie et les classes populaires, au-delà de mettre en évidence les correspondances existantes entre les classes pendant le XIXe siècle.

Néanmoins, en plus de vérifier les similitudes et les différences entre les représentations du bal dans les littératures de ces trois pays, il nous intéresse de découvrir quel est l’imaginaire littéraire qui jalonne les récits autour du bal, indépendamment de la société où le texte a été écrit. ωette recherche a l’intention de contribuer aux études sur l’imaginaire du bal ; elle peut aussi se rapporter à tous ceux qui s’intéressent aux rituels sociaux et ses représentations dans la littérature ou dans d’autres arts.

Le bal en tant qu’espace d’exhibition a permis à la bourgeoisie ascendante des XVIIIe et XIXe siècles de montrer toute sa splendeur et richesse. Les artistes, à leur tour, ont transformé les bals en espaces privilégiés dans la littérature, accentuant cet imaginaire cultivé dans l’aristocratie et la bourgeoisie.

Nous avons l’hypothèse que les scènes de bal, plus que de simples descriptions d’un moment de fête, cachent de nombreux éléments qui marquent et

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caractérisent la manière de réfléchir d’une époque. En fait, pour quelle raison les personnes vont au bal ς Pour s’amuser ? Pour exhiber leur pouvoir ou richesse ? Pour trouver le « pair parfait », comme l’illustre le mythe du « prince charmant », perpétué il y a plus de trois siècles dans le conte Cendrillon, de Charles Perrault ?

La problématique de recherche s’inscrit dans une perspective qui voit le bal comme une porte d’entrée pour l’imaginaire. Le bal favorise la création d’un espace que j’appelle « hétérotopique » 2, où les personnages vivent un moment de glamour, une épiphanie ou même une transformation. Quels sont, en effet, les éléments qui se cachent dans ce rituel festif ? Est-ce que derrière les apparences les bals ne révèlent d’autres questions plus profondes telles que des carences, des drames psychologiques, sociaux, éthiques ou sexuels ?

Les questions suivantes constituent donc des lignes conductrices à cette recherche : quel est l’imaginaire qui se présente par rapport au bal dans la société et dans les textes narratifs ? En prenant en compte la conjoncture idéologique de la modernité, comment les scènes de bal abordent les questions de l’individu et sa relation avec la société ? De quelle façon les scènes contribuent à renforcer ou à réfuter les conceptions littéraires et artistiques du XIXe siècle ? Et encore : peut-on observer dans les scènes de bal des tensions entre les classes ? Quelles sont-elles et comment sont-elles retraitées dans ces trois contextes choisis pour l’analyse ? Quelles sont les relations entre l’imaginaire du bal et les transformations vécues par les personnages ?

Pour répondre à ces questions, on vise à identifier, à partir d’un corpus sélectionné, des similitudes et des différences entre scènes de bal ; détailler des aspects sur la représentation de l’individu dans chaque œuvre ; ainsi que comparer des images qui jalonnent l’imaginaire du bal décrit dans les œuvres sélectionnées.

ψien qu’il y ait des références en d’autres formes d’expression, en d’autres endroits et en différentes périodes, je me concentre surtout dans l’analyse de scènes de bal de romans dont le récit se développe durant le XIXe siècle en France, au Portugal et au Brésil. Le bal est un découpage privilégié pour étudier le contexte culturel des Cours en vigueur dans ces trois contextes. Le choix de l’étude de la littérature produite en trois pays différents, nous offre la possibilité d’étendre notre

2L’expression est empruntée à Michel Foucault (voir FOUωχULT, 2009).

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horizon et nos perspectives historiques et sociales. ψien évidemment, il y a d’autres scènes de bal, dans d’autres pays et en d’autres langues, également belles et intéressantes. Mais, pour des raisons méthodologiques, il a fallu centrer notre attention. Au XIXe siècle, les littératures française, portugaise et brésilienne se trouvent très imbriquées, de manière qu’une étude comparative se révèle, indubitablement, fructueuse. Je souligne, cependant, que je n’ai pas l’intention d’attribuer des jugements de valeur aux œuvres ; je ne vais pas non plus entrer dans la problématique touchant la question centre/périphérie dans la littérature. Plutôt que trouver les influences d’une littérature sur l’autre, je cherche à observer de quelle manière ces trois littératures dialoguent, se complètent et, chacune avec sa particularité, mettent en évidence la représentation d’un même topos : la scène de bal.

Il faut, naturellement, considérer que lorsque nous parlons en termes d’aristocratie et de bourgeoisie au XIXe siècle, il s’agit d’un petit groupe de la population, une minorité, à vrai dire. Mais il est important de souligner combien cette minorité a exercé une influence sur les autres classes et a contribué à la consolidation de paramètres essentiels de la modernité.

Quand j’observe les mécanismes généraux des scènes de bal, je n’ai pas la prétention de réaliser une recherche exhaustive sur les œuvres qui contiennent ce type de scène. Les critères pour le choix ont été l’importance de la scène de bal dans la structure du roman ainsi que sa pertinence dans l’ensemble de textes sélectionnés pour cette recherche. Bien que les textes choisis aient été antérieurement objets d’études et de critiques, cette recherche présente une approche différenciée, qui a le bal comme ligne conductrice et unificatrice.

Si on pense au roman comme genre moderne, c’est-à-dire, comme expression fondamentale de la modernité (depuis son ascension au XVIIIe siècle), la séquence de textes sélectionnés met en évidence des aspects qui contribuent à comprendre des constructions esthétiques et ontologiques pertinentes au genre, dont la complexe organicité interne s’articule en fonction d’individus en conflit avec eux-mêmes et avec le monde, soumis aux vicissitudes du monde, du temps, de l’espace social ou de leurs propres volontés. La première œuvre analysée est Le Rouge et le noir, œuvre de Stendhal écrite en 1830, qui favorise une perception du contexte historique et social vécu par la France post-Révolution, ainsi que des stratégies mises en pratique pour souligner le réalisme qui configure une des marques du XIXe siècle. Publié la même

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année, Le Bal de Sceaux, d’Honoré de ψalzac, raconte comment une jeune femme, Émilie de Fontaine, par fierté, laisse passer l’amour, parce qu’elle croit que le jeune homme qu’elle aime est un roturier. Mariée à un vieillard, elle va percevoir son erreur trop tard. La scène de bal dans ce roman permet d’observer la popularisation du bal, événement antérieurement réservé aux élites. Dans Madame Bovary (1857), de Gustave Flaubert, un chapitre entier est consacré à la description d’un bal qui a lieu dans un château de province. Le mariage d’Emma avec ωharles ψovary la condamne à une vie morose et sans espoir. Elle s’illumine tout à coup quand elle découvre une société de richesse et d’élégance, mais en même temps éphémère et illusoire. χprès le bal, Emma souffre encore plus avec la monotonie de sa vie : le bal avait taillé dans sa vie une fissure définitive. Pour clore la séquence d’œuvres françaises, Guy de Maupassant nous présente, dans La Parure (1885), Mme Loisel, épouse d’un simple fonctionnaire, femme élégante mais sans fortune, qui ruine sa vie à cause d’une dette contractée à l’occasion d’un bal. L’orgueil et le jeu d’apparences sont aussi des thèmes mis en évidence dans ce texte.

Parmi les œuvres portugaises, je souligne d’abord Années de Prosa (1863) de Camilo Castelo Branco. La scène de bal qui ouvre la trame narrative constitue l’occasion où le protagoniste Jorge fait connaissance et tombe amoureux d’une jeune femme, qui lui parle avec des mots gentils et doux, mais l’abandonne dès qu’elle rencontre un prétendant plus riche, bien que vieux et laid. Encore une fois, le bal sert comme décor pour la construction d’une illusion : la rencontre romantique qui a lieu pendant la fête ne survit pas à la lumière du jour. Les cannibales (1868), œuvre la plus insolite du corpus, déconstruit toute expectative qui pourrait encore exister sur une rencontre romantique pendant un bal. Pointant un autre chemin, différent du réalisme qui règne au XIXe siècle, Álvaro do Carvalhal nous présente un conte inquiétant qui mélange réalité et fantaisie, où le narrateur nous dévoile les artifices de la création littéraire elle-même. La sélection d’œuvres portugaises est conclue avec Eça de Queirós, avec le bal de l’œuvre La capitale, dont le protagoniste, Artur Corvelo, qui rêve d’une grande carrière à Lisbonne, finit sa trajectoire dans la capitale, frustré et participant à un bal qui représente l’opposé des expectatives créées quand il vivait encore en province. χu milieu d’une fête tumultueuse et bruyante, Artur dépense ses derniers sous avant de rentrer chez ses tantes, dans un village de province.

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Dans les œuvres brésiliennes, nous voyons comment un thème qui est né en Europe, en milieu aristocratique, sera repris et représenté dans un contexte social qui possède des éléments très différents. Dans Mémoires d’un sergent de la milice (1854), Manuel Antônio de Almeida ironise sur la tentative de la petite bourgeoisie d’imiter les rituels aristocratiques de la cour. En dehors de son contexte d’origine, le bal apparaît comme une maladroite pantomime. L’esclave Isaura (1875) montre la situation incongrue vécue au bal par une personne privée de liberté. Dénonçant l’esclavage, Bernardo Guimarães décrit la situation politique, économique et sociale du pays au XIXe siècle. Tous les regards se dirigent vers un personnage socialement marginalisé, dans un moment marquant qui met en relief les privilèges injustifiables et condamnables de la classe blanche et aisée de la société. Dans Senhora (1875), Aurélia Camargo, une jeune orpheline qui reçoit soudainement un grand héritage, vit un mariage d’apparence avec Fernando Seixas : les époux défilent se tenant la main, démontrent des gentillesses devant les autres, mais quand ils sont seuls, ils échangent des mots blessants et des accusations. Le bal imprime au texte un des rares moments où le couple a un contact corporel étroit. José de Alencar a reçu des critiques pour avoir copié des thématiques européennes dans ses livres. Le bal consiste, effectivement, en une thématique importée de l’Europe. Mais je pointe le fait que le mélange de valeurs nationales et importées était inscrit, pas seulement dans la littérature, mais dans la propre société de l’époque. L’apparente disjonction montre seulement quelque chose qui pourrait avoir eu lieu en vérité. La dernière œuvre du corpus est Esaü et Jacob (1904), de Machado de χssis. ωette œuvre a la particularité d’opposer deux bals, l’un d’eux inspiré du bal réel de l’Île Fiscale, le dernier bal de l’empire de Pierre II, et l’autre, un bal pendant la République. En opposant les deux bals, tout comme s’opposent dans l’œuvre les deux frères jumeaux, on souligne la similarité entre deux formes de gouvernement. Le choix de cette œuvre est motivé par la possibilité de comparaison entre les scènes de bal qui marquent deux périodes distinctes de la politique nationale, ainsi que l’identification de l’imaginaire social à travers les bals monarchiques au Brésil et en Europe.

Pour entamer la discussion, je présente une œuvre contemporaine, Non, ma fille, tu n’iras pas danser, un film de Christophe Honoré, de 2009, qui soulève des thématiques présentes dans l’analyse postérieure de toutes les œuvres.

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APPROCHE METHODOLOGIQUE

L’importance des scènes de bal présentes dans le champ artistique du XIXe siècle coïncide avec l’apogée de cet évènement dans la société. Dans le cadre de cette étude, j’ai compris qu’il ne serait pas productif de dissocier la production artistique sur le bal de l’ensemble social qui l’a produit. χinsi, les aspects formels du texte apparaissent concomitamment avec d’autres éléments historiques et sociaux pertinents pour comprendre les idéaux artistiques du moment.

À ce propos, l’œuvre de Pierre ψourdieu (1998) constitue une base théorique fructueuse. Le chercheur français souligne qu’il n’est pas possible de traiter l’ordre culturel comme totalement indépendant des agents et institutions qui l’actualisent et le maintiennent, et ignorer les connexions « socio-logiques » qui accompagnent ou soutiennent les consécutions « logiques » (BOURDIEU, 1998, p.327). Par-là, Bourdieu ne veut pas soumettre la création artistique à la force des déterminations sociales. Ce qu’il prétend c’est montrer que toute œuvre est intrinsèquement inscrite dans un espace de possibles, dans lequel — que ce soit contre ces déterminations ou grâce à elles —l’artiste doit prendre la position de sujet de sa propre création.

Ainsi, afin de comprendre la représentation du bal dans la fiction du XIXe siècle, j’analyse également la conjoncture sociale et les raisons qui ont contribué à ce que le bal acquière une telle importance dans les sociétés (et dans les littératures) européennes et brésilienne de ce moment-là. Donc, tout au long de ce travail, je relèverai des données liées au contexte de production sans, toutefois, avoir la prétention de réaliser une étude sociologique ou historique.

En ce qui concerne l’idée comparatiste, celle-ci prend comme inspiration l’œuvre de Norbert Elias (La Société de cour, 2001). Elias étudie la société de cour dans la société française entre François Ier et Louis XIV, du XVIe au XVIIIe siècle.

ωependant, pour comprendre cette société en France, l’auteur confronte la même période avec les situations anglaise et prussienne. Cette comparaison lui permet d’identifier des fonctionnements différents de la même forme sociale à l’intérieur de sociétés comparables et contemporaines.

Mais Elias comprend que les sociétés de cour ne se restreignent pas seulement à l’Europe ni seulement à cette période. χinsi, il étudie également la société de cour asiatique et la compare à la société européenne. Son intention est de montrer

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les effets identiques de la même forme sociale à l’intérieur de sociétés assez lointaines dans le temps et dans l’espace.

Ma recherche n’aura pas pour objectif de vérifier les différentes modalités de représentation du bal tout au long de l’histoire de l’humanité et dans toutes les régions du monde. J’établis dans la première partie un bref aperçu historique sur la danse et son imaginaire, mais mon intérêt se concentre sur les représentations du bal au XIXe siècle et dans trois littératures précises : la française, la portugaise et la brésilienne.

Plus que développer des taxinomies de validité universelle, je m’intéresse à l’analyse de cas historiques déterminés. De cette façon, je prends appui sur la première comparaison réalisée par Elias, celle qui nous permet, je répète, d’identifier des fonctionnements différents de la même forme sociale à l’intérieur de sociétés comparables et contemporaines.

Concomitamment à cette approche comparative, le référentiel théorique sur les études de l’Imaginaire traverse aussi cette recherche. ωette option théorique est due à mes contacts avec le programme du CRI — Centre de Recherche sur l’Imaginaire (actuellement ISχ – Imaginaire et Socio-Anthropologie) à travers la cotutelle avec l’Université Stendhal Grenoble χlpes. ωe choix a contribué à élargir non seulement ma perception de l’étude littéraire, mais également de la représentation de la danse et du bal dans un aspect socio-anthropologique.

Il est important de noter que, pendant longtemps, étudier l’imaginaire a été considéré comme une transgression. N’étant pas rationnel, l’imaginaire ne pourrait pas constituer une recherche scientifique sérieuse. ω’est l’époque où prédominait la vision cartésienne qui considérait la raison comme le seul moyen légitime d’arriver à la vérité, l’imagination étant vue comme « la maîtresse d’erreur et de fausseté » (BERTIN, 2002). Cette conception commence à changer au XXe siècle quand l’imagination, ignorée pendant plusieurs siècles, commence à intéresser les chercheurs, qui la conçoivent comme un élément important pour la formation du psychisme humain.

Parmi les divers chercheurs qui ont contribué à la restitution du prestige de l’imaginaire, je m’appuie d’abord sur Gaston ψachelard. Quand il écrit sa thèse en 1928, Bachelard opère une véritable révolution dans la manière de voir l’histoire des sciences. Pour lui, le terme « imaginaire » est associé à une appréhension du monde radicalement nouvelle, qui permet d’échapper à la perception ordinaire de la réalité.

Sa méthode critique consiste à étudier la déformation subie par la réalité objective pour

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atteindre la réalité intime, subjective de l’auteur. Pour cela, il convient d’analyser, dans son ensemble, les « documents psychologiques » que sont les images.

Actuellement, moment où les points de référence sont questionnés et modifiés, de nouveaux points de vue s’ouvrent aux paradigmes scientifiques.

L’avènement d’un paradigme holistique nous montre que les disciplines ne peuvent plus se renfermer dans leurs spécificités, au contraire, elles doivent dialoguer entre elles. Dans ce sens, les études sur l’Imaginaire se prêtent bien à notre but dans cette recherche. La méthodologie de l’imaginaire est fondamentalement transdisciplinaire ; elle prend appui sur plusieurs disciplines telles que l’anthropologie, la psychologie, la sociologie qui sont nécessaires pour mieux appréhender la portée et l’amplitude des phénomènes étudiés.

Du point de vue de la littérature, ωhelebourg souligne que l’imaginaire a la fonction d’élaboration d’images en vue de produire sur le lecteur un effet déterminé.

Une simple expression peut nous évoquer des échos transubjectifs, et faire vibrer des cordes qui dépassent notre expérience individuelle, voire notre culture.

Quand nous choisissons l’approche de l’Imaginaire comme méthodologie, nous n’avons pas la prétentiond’appliquer des concepts ou méthodes prédéfinies afin de valider ou pas leur utilité. Nous avons choisi cette méthodologie avec l’intention d’identifier, au cœur des faits racontés, la manifestation des images et ses significations, en prenant en compte, en même temps, la permanence de certaines structures et de certains mythes sociaux.

ωhristian ωhelebourg encourage les “croisements inattendus” quand il parle des méthodes d’analyse de l’imaginaire littéraire :

Utiliser une méthode comme une grille de lecture revient à s’interdire de trouver autre chose que ce que l’on sait déjà. […] Par ailleurs, il ne faut jamais perdre de vue qu’une méthode a pour fonction de servir la lecture, et non l’inverse : il apparaît donc vain de multiplier les analyses de détail pour simplement valider tel ou tel type d’approche des textes. La pertinence d’une lecture ne devient vraiment intéressante que lorsqu’elle se double d’originalité. (CHELEBOURG, 2000, p.181).

Le bal, motif privilégié dans cette recherche, avant d’être une représentation artistique — dans la littérature, la peinture ou au cinéma — est avant tout un événement social. Par conséquent, pour comprendre l’amplitude des textes étudiés, il faut comprendre l’imaginaire social. Mais le sens inverse est également vrai : la littérature aide à comprendre la société et les descriptions des bals constituent des

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documents importants pour cette analyse. À ce propos, il faut souligner que la littérature par elle-même est capable de créer son imaginaire.

Notre travail est conçu selon la structure suivante : dans le Chapitre 1, j’établis un panorama de la relation entre les danses et les rituels et leurs évolutions jusqu’à l’apparition du bal et son rayonnement dans la société. Je retrace l’importance et les configurations de la danse au fil du temps, en mettant l'accent sur les fonctions des rituels, les définitions de fête et l'apparition du bal, qui surgit au Moyen Âge comme un moyen de civiliser la haute société et de la distinguer des classes inférieures. Je m’appuie sur des auteurs intéressés par l'aspect socio-historique et anthropologique de la fête et de la danse, parmi lesquels Roger Caillois, Curt Sachs, Paul Bourcier, William McNeill et José Sasportes.

Dans le Chapitre 2, je réfléchis sur quelques points à propos de l'imaginaire lié au bal dans la société et dans la littérature. Pour cela, je prends en compte l'existence d'images communes aux différentes sociétés qui peuvent être identifiées dans les rituels sociaux et, dans notre cas particulier, le rituel du bal. Bien que chaque scène ait sa particularité, il y a des éléments qui s’articulent et donnent une cohérence à l'ensemble. La réflexion est renforcée par les études de l'imaginaire développées par Northop Frye, Gilbert Durand et Jean-Jacques Wunenburger.

Dans le Chapitre 3, qui introduit la contribution d’auteurs de la topologie littéraire, et qui touche à la littérature comparée, j’observe la façon dont le thème du bal est repris, et j’adopte le terme topos pour désigner les scènes de bal dans la littérature. Ensuite, l'approche d'un film contemporain qui propose des références à des scènes de bals traditionnels m’amène à mettre en évidence le processus qui a conduit la société occidentale à se défaire d'un contrôle social externe pour assumer progressivement un contrôle interne des actions et des comportements, dans ce que Norbert Elias appelle le processus civilisateur. Outre ce processus, j’introduis la mise en valeur de l'individualisme qui marque la société moderne. Je signale certaines tensions entre l’individu et la société qui seront rediscutées dans l'analyse du corpus d’œuvres du XIXe siècle. L’analyse de cette production contemporaine montre comment une œuvre produite aujourd'hui reprend des éléments de l’imaginaire des siècles précédents, étant ainsi en mesure d'illustrer quel extrême a atteint le désir de

« vivre librement » de la société moderne. La présence du bal dans ce film peut être

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associée à ce processus dans le sens où il révèle les conséquences de l'imposition d'une volonté individuelle. Le biais de l'individualisation se révèle donc être une clé importante pour comprendre ce film et la scène de bal qui y est présentée.

Dans les chapitres suivants, Chapitres 4, 5 et 6, je me concentre sur l’analyse des scènes de bal du XIXe siècle dans les littératures française, portugaise et brésilienne, respectivement. Il s’agit d’une lecture des œuvres sélectionnées, dans laquelle je souligne les principaux aspects de chaque scène, compte tenu de la position du sujet, ainsi que de la propre écriture littéraire dans le contexte culturel en question. J’associe l’imaginaire social et littéraire relevé dans les premiers chapitres au corpus sélectionné pour l'analyse, et je prolonge les discussions déjà engagées : l’imaginaire de noblesse associé au bal, la constitution du bal comme topos littéraire au XIXe siècle, le rôle des personnages en tant qu'individus face à la société et face aux différentes évolutions des mœurs et des coutumes du bal. Je reprends les principales questions soulevées, afin d'établir des comparaisons entre les œuvres et de mettre en évidence la particularité des scènes de bal du XIXe siècle.

Le septième et dernier chapitre a pour objectif de réfléchir sur la poétique du bal à partir des textes littéraires. Le chapitre commence par une analyse des éléments participant au développement de la sociopoétique du bal, que l’on considère ici comme un chronotope : un endroit où temps et espace fusionnent. Ensuite, je me penche plus particulièrement sur le régime nocturne de l’imaginaire et ses échos sur les images du féminin dans les scènes de bal.

Enfin, il est important de souligner que le contenu traduit en langue française ne correspond pas à l’intégralité de la thèse en portugais. Il faut tenir compte du fait que ce résumé présente les principales propositions théoriques de chaque chapitre, dans le but de garantir la bonne compréhension des références sur lesquelles cette étude repose. Le lecteur pourra toujours trouver d’autres formulations et exemples extraits des textes littéraires dans le texte complet, celles-ci n’étant pas présentés dans ce résumé en français.

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CHAPITRE 1 LE BAL COMME RITUEL SOCIAL ARISTOCRATIQUE ___________________________________________________________________

1.1 La naissance du bal

ψien que la danse s’acquitte de plusieurs fonctions liées aux rituels sacrés, danser pour le simple plaisir de se divertir est aussi une activité très ancienne.

Cependant, le mot « bal » ne surgit que pendant le Moyen Âge. Ce terme est utilisé dans le contexte de la littérature courtoise, favorisant un nouveau modèle de comportement, qui cherche à assouplir les coutumes de l’époque. Le guerrier laisse par un moment l’univers belliqueux et masculin pour entrer dans le domaine féminin.

χvec ce geste, il s’inscrit dans la sphère de l’élite, la seule impliquée dans les questions de l’amour courtois. Tout au long de ce travail, quand j’utilise le mot bal, je ne me rapporte pas à la danse en elle-même, mais à la réunion festive dans laquelle on danse.

Depuis sa naissance le bal est investi de quelques éléments tels que la richesse, l’élégance et le contrôle corporel, des caractéristiques qui vont durer pendant des siècles. Le bal marque le début d’un long processus de « civilisation de coutumes », notion développée par Norbert Elias (1994), qui portera ses fruits à la Renaissance. ψouchon et Lecomte (2010) soulignent que les textes et l’iconographie qui nous sont arrivés, montrent une représentation idéalisée du bal médiéval, à l’intérieur d’une cour toujours pacifique et harmonieuse. Le cinéma aide à renforcer cette vision idyllique dans l’imaginaire collectif.

À partir du XIIe siècle, on assiste à un processus croissant de « métrification » de la danse en tant qu’exercice et divertissement de la noblesse dans les salons des palais. La haute société du Moyen Âge accorde à la danse une valeur spéciale. Joi, Amor, Cortezia, les trois caractéristiques essentielles du troubadourisme marquent les règles de comportement des siècles à venir, influençant fortement la danse de cour.

Dans les danses champêtres on exaltait la joie de vivre des plaisirs physiques et sensuels avec une passion sans limites. Le monde raffiné de la cour et de la noblesse, imprégné de l’idéal et de l’esprit des troubadours, se devait évidemment d’atténuer et de policer ces danses. Les chasses et autres tournois servaient aux

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passions touchant à la force et la virilité. Pendant la danse, néanmoins, c’était la Cortezia qui devrait prévaloir : l’homme se débarrassait de sa force brutale et imprimait à ses pas la grâce, l’élégance et la souplesse. Dès lors, il y a en Europe deux pôles de la danse : le pôle champêtre, qui assure la survie de l’énergie primitive, de la signification profonde et de la communion essentielle avec la terre ; et le pôle de la noblesse qui, à partir des principes mentionnés ci-dessus, va développer un rituel sophistiqué.

Néanmoins, aucune limite précise ne sépare les deux mondes de la danse.

Ainsi comme les danses de cour sont inspirées des danses populaires, les comportements de la cour vont à leur tour s’introduire dans les pratiques populaires, parfois de manière atrophiée, augmentée ou déformée, dépassant les barrières sociales.

1.2 Renaissance : basse danse, symbole de civilité

À la Renaissance, la notion de « civilité » se répand rapidement. En tant que modèle de la perfection courtoise, la danse devient une des disciplines maîtresses de l’éducation de la noblesse, et le bal, un divertissement obligatoire. La danse pratiquée dans les salons de l’époque est érudite et demande un apprentissage, étant donné qu’elle a pour objectif de se différencier des danses des classes populaires. En Italie, la danse est affinée : les mouvements deviennent encore plus ronds, précis et délimités.

À partir du XVe siècle, la danse de cour et la danse populaire vont se séparer définitivement. Elles exercent encore des influences l’une sur l’autre, mais, à partir de ce moment, elles ont des objectifs et des styles essentiellement différents. Désormais, la danse devient une composition artistique et compassée de professionnels. Il s’agit d’un art et les participants doivent apprendre les postures et les pas selon les règles préétablies. Hess (1989, p.45) explique que « la danse de bonne société continue à être une ‘promenade’ […]. Les cavaliers et cavalières font des petits pas, et ils doivent tout le temps se saluer en se faisant des courbettes. Ils se rapprochent l’un de l’autre, ils se saluent, ils s’éloignent, se promènent à nouveau. Les révérences n’ont pas de fin. »

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Au XVIe siècle, on peut vérifier la récurrence de plusieurs danses qui deviennent partie essentielle et indispensable des bals de la cour. Selon Couto (2013, p.5-6) les danses de la cour deviennent de plus en plus formelles et codifiées dans leurs mouvements, de manière à différencier le plus possible la conduite de la noblesse de la conduite de l’homme du peuple avec ses danses déréglées. Dans la danse haute, pratiquée par les couches populaires, il y a plus d’espace pour l’improvisation, elle est plus vive et sautillante, tandis que la basse danse, pratiquée par la cour est caractérisée par des mouvements lents et majestueux.

1.3 Le XVIIesiècle : l’apogée des apparences

Pour Philippe ψeaussant, dans son œuvre Versailles, opéra, le XVIIe siècle est fondamentalement baroque, étant donné son caractère multiple et paradoxal, dans une époque où la société fait de toutes les manifestations de la vie une sorte de théâtre, en mettant en évidence le spectacle que l’homme présente aux yeux des autres (ψEχUSSχNT, 1981, p.137). L’auteur montre l’importance attribuée aux vêtements et aux parures dans les cérémonies de vie de cour du XVIIe siècle, surtout aux vêtements masculins. La période baroque est la seule où les vêtements masculins excèdent les vêtements féminins, avec des accessoires, des rubans, des plumes et des coiffures extravagantes.

Dans cette relation entre le corps et les accessoires s’exprime la relation complexe, subtile, de la vérité et du mensonge, du décor et du réel, de la face et du masque, du naturel et de ce qui est appris. L’art baroque est l’art de l’illusion et de l’apparence. Selon ψeaussant (1981, p.138), la danse était une cérémonie pendant laquelle on ne parlait pas, on ne riait pas, on ne plaisantait pas. ω’était le moment solennel durant lequel l’homme baroque célébrait sa dignité, où le spectacle de son paraître s’exprimait à la perfection.

Dans cette société de cour, où l’être est conditionné au paraître, où le statut social doit constamment être exhibé et réaffirmé, la danse acquiert un rôle fondamental dans la mesure où elle façonne un comportement, une gestuelle et un mouvement corporel. Couto (2013, p.6) signale que la maîtrise des arts de la chasse, de la conversation et de la bonne étiquette est à l’image de la connaissance de l’alphabet :

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dominer l’art de la danse devient extrêmement nécessaire à la distinction sociale de tout courtisan.

Au XVIIe siècle, Louis XIV crée la première Académie de Danse, dont les principes seront fixés par Beauchamp, son maître de danse. Les cinq positions des pieds et les cinq règles de position des bras sont créées, faits qui feront affirmer, plus tard, à Voltaire que « la danse est un art car elle a des règles » (HERBILLON- MOUBAYED, 2006, p.47).

Tout au long du XVIIe siècle, le bal reste une activité régulière et privilégiée dans la cour française. Durant le règne de Louis XIV (1643-1715), il est organisé dans le but de permettre au souverain de montrer tout son pouvoir et sa richesse. Le bal gagne plusieurs formats : « le grand bal » destiné aux grandes cérémonies, telles que les mariages et les grandes réceptions, « le bal d’appartement », qui accompagne les soirées de la famille royale et « le bal de masques », réservé à la période du carnaval.

Devenu un symbole de l’autorité du Roi-Soleil, le grand bal est un événement particulier, dans lequel une minorité d’invités, désignés par le roi, danse ; la plupart est invitée simplement pour observer (BOUCHON et LECOMTE, 2010, p.21).

Le siècle de Louis XIV est donc marqué par un grand développement artistique. La danse atteint un degré élevé de perfection. Pour Sachs (1938, p.180) la grande valeur artistique de la danse française de cette période se trouve essentiellement dans sa perfection technique. On ne cherche pas l’expression, la vie, le naturel, mais l’idéal classique de la clarté, de l’ordre et de l’équilibre, même au prix d’un rigide schématisme.

Le menuet atteint son sommet à ce moment. Dans ce contexte, où les apparences sont essentielles, le bal joue un rôle fondamental. Cette activité, faite pour séduire et éblouir, contribue à donner au règne de Louis XV un symbole de pouvoir.

Lors des dernières années de Louis XV et pendant le règne de Louis XVI, des jardins d’agrément sont organisés : des grands parcs destinés à la promenade, où on réalisait aussi des fêtes et où le bal et les feux d’artifice constituaient les principales attractions.

1.4 Le XVIIIe siècle : le bal commence à se populariser

Les bals somptueux organisés à Versailles commencent à fomenter un discours philosophique et politique qui critique les excès et l’insouciance de la vie de

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la cour. A cette époque, une grande partie de la noblesse n’habite plus à Versailles, où elle va seulement pour les fêtes. Depuis le début du XVIIIe siècle, les nobles commencent à rentrer à Paris et s’établissent dans des villas au Marais ou au faubourg Saint-Germain, où ils amènent l’organisation de la cour, fondée sur des réseaux d’influence. Bouchon et Lecomte (2010, p.26) soulignent que « s’intégrer dans l’élite nécessite de maîtriser des rituels complexes (...). En se conformant à ces usages, la haute bourgeoisie parisienne se mêle à la noblesse et se lie parfois à elle par le mariage ». Le bal, moins ostentatoire et moins réglementé qu’à la cour, continue à être exécuté. ωependant, même s’il y a une liberté plus grande pour danser, l’événement reste régi par certaines règles de conduite et, dans ce processus d’intégration, savoir comment se comporter dans le bal devient nécessaire à la bourgeoisie. Les bonnes manières, tout comme les danses, sont enseignées par les maîtres à danser.

Le menuet commence à entrer en déclin avec l’apparition de la contredanse.

La popularité de la contredanse est parallèle à l’ascension de la société bourgeoise et à la décadence de la vie de la cour. La contredanse emprunte, en partie, quelques pas du menuet, de la courante et de la bourrée. Mais il n’y a plus un cérémoniel si strict.

Les profondes modifications sont ressenties par les contemporains. La contredanse française va donner son origine au quadrille au XIXe siècle.

1.5 Le XIXe siècle : l’explosion des bals publics et l’apparition d’une nouvelle élite

A partir de la fin du XVIIIe siècle, la vie en société s’organise autour des bals publics, intensément fréquentés par la société parisienne. Le bal de l’opéra, créé en 1716, a été la première réunion dansante qualifiée de bal public en France. Ces fêtes étaient occasionnelles : le bal de l’opéra n’avait lieu que pendant le carnaval.

Montandon (2000), reprenant une idée développée par Anne Decoret en 1998, utilise le mot « dansomanie » pour caractériser cette période qui commence lors de la première moitié du XIXe siècle. Ce mot composé associe la pratique de la danse à une sorte de folie, d’obsession, d’enthousiasme exagéré. Trois aspects concomitants sont les responsables de ce phénomène : l’apparition de nouvelles danses, l’apparition d’un grand nombre d’espaces de danse et l’établissement de nouveaux types de sociabilité.

ωe n’est pas la première fois que la société européenne exprime un enthousiasme intense et vit des moments d’extase à travers la danse. ωe phénomène avait déjà eu

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lieu antérieurement, à certains moments du Moyen Âge, par exemple3. Néanmoins, ce qui nous intéresse dans ce moment est la forte liaison qui existe entre la propagation des bals et le nouvel ordre social qui est en train de se construire.

En effet, la société passe par un changement dans lequel les bals se caractérisent par la fusion entre l’aristocratie et la bourgeoisie ascendante. Dans cette société mitigée, qui ne partage par la même culture, la danse assume une importance majeure vu que les thèmes de conversations deviennent difficiles. Dès lors, il naît une nouvelle élite, constituée de cercles sociaux où les conditions d’entrée mélangent subtilement les origines, les opinions politiques et les richesses. Pour ces « nouveaux riches », entrer dans ce monde réservé auparavant à une petite minorité, représente une grande promotion sociale. ω’est-à-dire que la métamorphose bourgeoise est complète quand cette classe peut participer aux mêmes événements que la noblesse.

Dans ce sens, le bal prend une importance fondamentale dans le processus d’intégration qui scelle la nouvelle conjoncture sociale française. ωhampeaux, dans La Physiologie du Bal Mabille, texte de 1845, affirme :

Le peuple voulut connaître à son tour les jouissances de cette noblesse que la loi venait de proscrire et de frapper, il pénétra dans ses hôtels, dans ses petites maisons, il en parcourut les délicieux jardins, il y trouva les salons de verdure où naguère les brillants marquis, les jolies comtesses, les abbés musqués, les actrices en renom, les courtisanes en faveur se livraient à la danse loin du bruit de la ville et des regards indiscrets. (CHAMPEAUX, 1845, cité par MONTANDON, 2000, p.14).

Dans ce décor de transition entre l’ancien et le nouvel ordre social se déroulent les intrigues de plusieurs romans. Gasnault cite le cas de deux familles protagonistes de la Comédie Humaine de Balzac, les Grandlieu et les Nucingen :

[...] moins cérémonieuses, et peut-être plus mondaines, venaient ensuite les réunions offertes en leurs hôtels par l’aristocratie du faubourg Saint-Germain et la haute finance de la ωhaussée d’χntin. Le bal servait ici de représentation, où s’illustre l’antithèse balzacienne de la maison de Grandlieu et de la maison

3 À partir de 1278, l'Europe médiévale traverse une période particulièrement sombre, dont le pire épisode a été la peste noire (1346-1350). Les phénomènes de danse, transe et de possession convulsifs se multiplient : bannie de l'église, la danse se développe lors d’événements profanes. Des personnes désorientées se rassemblent dans des lieux publics et dansent en continu pendant des heures jusqu’à tomber d'épuisement ou entrer en transe. ωes événements produisent une catharsis générale, un fait qui commence à troubler les classes supérieures. Pour diminuer ce type de danse extatique, les autorités réagissent à la détresse de la population et organisent de grandes cérémonies publiques, comme les processions solennelles, où on fait appel à la protection des saints de l'Église catholique.

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Nucingen, la dignité reconquise opposée à la fortune bâtie de la veille.

(GASNAULT, 1989, p. 15).

En France, après la Révolution, un mouvement de grande amplitude se produit. On commence à ouvrir des bals publics pour les classes populaires. Le mot

« bal » ne s’applique plus seulement aux activités de l’élite, mais à toutes les réunions où l’on danse. Louis-Sébastien Mercier, célèbre chroniqueur parisien, raconte que

«tout à coup, tous les murs se sont couverts d’affiches annonçant des bals de toutes les couleurs, et quelques-uns si bon marché que la servante peut y atteindre » (cité par GASNAULT, 1989, p.14). La Révolution change le concept de divertissement : les

« plaisirs » qui sous l’χncien Régime étaient réservés à quelques couches de la société, deviennent, dès lors, accessibles à tous.

Le bal efface certaines barrières sociales. Un nouveau phénomène sociologique apparaît avec le développement de la danse en couple. Depuis le Moyen Âge tous les efforts se concentraient pour domestiquer la danse, l'intention étant de faire une bonne représentation du contrôle que la société imposait sur le corps. Tout cela change après la Révolution : on assiste à une libération instituée par les nouvelles danses telles que la valse et la polka. Ces danses détrônent le corps « enrégimenté » et le remplace par le couple entrelacé. Malgré toutes les critiques faites à la danse en couple, elle devient, à partir de là, une réalité incontournable.

La danse de salon, complexe au début, puisque exigeant une formation donnée par un maître de danse, perd peu à peu des niveaux de difficulté. « Passé 1815, on se lassa, et pour longtemps, de ces compétitions chorégraphiques. Le bal devint, pour la société des salons, un divertissement d’usage, auquel il fallait consentir quelques instants, au cours de la soirée. » (GASNAULT, 1989, p.16).

Pendant ce temps, la classe populaire commence à danser le quadrille d'une manière plus spectaculaire, en modifiant quelques développements de base et en ajoutant d'autres. Cette déformation populaire du quadrille est connue comme chahut.

Le cancan apparaît également, danse excentrique et improvisée qui consiste principalement à élever la jambe le plus haut possible en secouant les jupes avec les mains4.

4 Surgi au milieu du bal, le cancan français va, plus tard, faire partie des spectacles des cabarets, en devenant internationalement connu. Quelques cabarets, comme le Moulin Rouge à Paris, présentent de spectacles de cancan jusqu’à aujourd’hui.

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