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Le Saint-Esprit et le Saint-Cœur de Marie: préliminaires à une union de congrégations (1/2).

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Texte intégral

(1)

Mémoire Spiritaine

Volume 7 De l'abolition de l'esclavage à colonisation de

l'Afrique Article 4

April 1998

Le Saint-Esprit et le Saint-Cœur de Marie:

préliminaires à une union de congrégations (1/2).

Michel Legrain

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Legrain, M. (2019). Le Saint-Esprit et le Saint-Cœur de Marie: préliminaires à une union de congrégations (1/2).. Mémoire Spiritaine,

7 (7). Retrieved from https://dsc.duq.edu/memoire-spiritaine/vol7/iss7/4

(2)

AUTOUR DES FONDATEURS

Mémoire

Spiritaine, n° 7,premiersemestre 1998,p. 7 à27.

Le Saint-Esprit et

le

Saint-Cœur de Marie Préliminaires à une union de congrégations

Michel Le grain*

Le 10 septembre

1848, le

pape

Pie

IX

signaitl'acted'union des

deux Con-

grégations

du

Saint-Espritet

du Saint-Cœur de

Marie.

En

cette

année du

150"

anniversaire

de V

événement,

Mémoire

Spiritaine,

dans chacun de

ses

deux

numéros,

y

consacrera

un

article.

Nous en emprunterons

lamatière

à

lathèse

du

P.

Michel Le

grain, soutenue le

26 mai

1965, sous le titre :

Une union de

congrégations au

XIX^

siècle, et

jamais

publiée

comme

telle.

*LeP.MichelLegrain,spiritain,aétémissionnaireauCongo(Brazzaville),avantd"entamerunelon- guecarrièred'enseignantcommeprofesseurde théologiemoraleetdedroitcanonique,toutd'abord au scolasticat spiritaindeChevilly,puis àl'InstitutcatholiquedeParisaprèssasoutenance dethèsede doc- toratendroitcanonique,en 1965. Parallèlement à sonenseignementetàsesresponsabilités universitaires (ilfutpendantsixansvice-recteurdel'Institutcatholique),unepartiede sontempsétait etesttoujours consacréeàl'aumônerieinternationaledescentresde préparation au mariage,ainsiqu'àunministèrethéo- logiquevariépourleservicedes missions. Parmises travaux publiés :Lecorpshumain, du soupçonà Vévangélisation(Paris.Bayardéditions/Centurion, 1978,rééd. 1993);Mariagechrétien, modèleuni- que ?Des questionsvenues d'Afrique (Paris-Lyon, LeChalet, 1978) ;Questions autourdu mariage:

permanencesetmutations, Mulhouse, Salvator, 1983) ;Les chrétiens face au divorce (Paris, Bayard éd. /Centurion, 1991);Remariageetcommunautés chrétiennes(Mulhouse,Salvator, 1991);LePère AdolpheJeanjean,missionnaireauCongo(Paris,LeCerf, 1994);Les personnesdivorcéesremariées:

dossierderéflexion (Paris,Bayardéd./Centurion, 1994).Ilaétéaussilerédacteurfinalde l'ouvragecol- lectif /.aFoi des catholiques(Paris,Centurion, 1984).

(3)

8

MICHEL LEGRAIN Introduction^

Depuis

1774, le

Séminaire du

Saint-Esprit fournissait des prêtres à la

Guyane. Quand

il se réorganise, après la Révolution, il est officiellement chargé

de

la formation

du

clergé colonial.

La

France, àpartir de 1830, envi- sage

une émancipation

progressive des esclaves et le

Gouvernement

reconnaîtra: «

Le Séminaire du

Saint-Espritest la seule

Congrégation

qui,par

le butde son institution, soit aujourd'hui

en

état

de former

et de fournir

aux

colonies des ecclésiastiques

recommandables...

» Et, s'adressant au

Supé-

rieur:«C'est

donc

àvous,

Monsieur,

qu'estremisexclusivementl'instruction, le choix et la direction générale des prêtres appelés à travailler à l'œuvre la-

borieuse etdélicate

de

lamoralisation des Noirs

aux

colonies^. »

Mais M. Amable

Fourdinier, Supérieur

du Séminaire

et

de

la

Congrégation du

Saint-Esprit depuis 1832, n'a pas toujours

eu

les

moyens

nécessaires

pour

remplirlerôle

qu'on

attendait

de

lui.

Pour y

suppléer,il se

met

à

engager

des volontaires sursimple

recommandation. Ce

qui

amène aux

colonies

un

certain

nombre

d'indésirables ; minorité, certes,

mais

quifait parler d'elleet qui ter- nit laréputation

du

clergécolonial

en

général etcelle

du

Séminaire.

M.

Fourdinier conçoitalorsleprojet

de

regrouper dans

une

congrégationles prêtresanciens

du

Séminaire.

Jusque

là, seuls étaient

membres de

la

Congré-

gation

du

Saint-Esprit

ceux

qui avaientlaresponsabilitéetassuraientla

marche du Séminaire du

Saint-Esprit.

Les

autres prêtres,

envoyés dans

les missions,

même

s'ils se prévalaient

du

titre

de

spiritains, étaient entièrement libres.

M.

Fourdinier

met au

point sonprojet

en

1836. Il leprésente

dans une

circu- laire

aux

préfetsapostoliqueset

une

autreauclergé colonial

lui-même.

Presque tous les prêtresdéclinent son offre et les préfets

de

la Martinique,

de

la

Gua- deloupe

et

de Bourbon

s'opposent

fermement

au projet.

En

janvier 1845,

M.

Fourdinier

meurt

;

M.

Nicolas

Wamet

lui succède,

mais démissionne peu

après et laisse la place(à partir

du 29

avril 1845) à

M. Alexandre

Leguay.

Entre temps,

M.

François

Libermann

a fondé,

en

1841, laSociété

du

Saint-

Cœur de Marie. L'année

suivante, d'accord

avec

le préfet apostolique,

un

1. Cette introductionrésume les pages42à56 de lathèsedu P. Legrain et c'estensuite le texte

même

d'undeseschapitresquiesttranscrit:

MICHEL

LEGRAIN,Uneunionde congrégationsauXIX' siècle:leSaint-Espritet leSaint-Cœur deMarie,InstitutCatholiquedeParis, 1965, 241p.polycopiées.

2.Arch.CSSp,Noticesbiographiques, n°21,mars1911,p.294.LettreduMinistredelaMarine,22 novembre1839.

(4)

LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE

: PRELIMINAIRES...

9

premier missionnaire

de

la jeune congrégation est

envoyé

à l'île

Bourbon,

rejoint

un

anplus tardpar

deux de

ses confrères.

M.

Fourdinier

prend mal

cette initiative,revendiquant

pour

lui seul laresponsabilité

d'envoyer

desecclésia- stiques

aux

colonies et de leur faire allouer

un

traitement.

Dès

1845,

M. Libermann

envisage la possibilité

d'une union

avec la

Congrégation du

Saint-Esprit.

Comme on va

le voir,

M.

Fourdinier n'y était pas favorable et

M. Leguay

y étaithostile.

M. Alexandre Leguay

n'estpas

un

ancien

du

séminairequ'ilconnaît

pour

y avoirlogé

quelque

temps. Ilestalors vicaire général

du

diocèsede Perpignan,

quand

il accepte la charge

de

Supérieur

du Séminaire du

Saint-Esprit.

Dès

le premier

mois

de son arrivée àParis, il reprend le projet de

M.

Fourdinier,

en

y apportant quelques précisions et modifications.

Mais

prévoir,

comme

c'était lecas, l'entrée en

masse

de tout leclergé colonial

en

exercice dans la

Congrégation

était

une

utopiequi

condamnait

l'entreprise à l'échec. Pourtant, c'est

un événement

extérieur,laRévolution

de

février 1848,qui

va

anéantirle

rêve

de M.

Leguay.

Aux yeux du nouveau gouvernement,

le

Séminaire

et

M. Leguay

sontsuspects

de

tiédeurenvers l'émancipation des esclaves :

on

les disaitantinégrophilesselon

une

curieuseexpression !

M. Leguay donne

sa dé- missionle

29

février 1848.

La

rénovation

de

la

Congrégation du

Saint-Esprit,

en

cette

année

1848,vien- dradel'extérieur,parl'unionaveclaSociété

du Saint-Cœur de

Marie... union envisagée déjàplusieurs

année

auparavant..

.

* * *

M. Fourdinier, un partenaire

difficile^

Le

Séminaire

du

Saint-Esprit qui essayait

de

retrouver vigueur dans

un

projet

de

congrégation, ainsi

que

l'écrivait

M.

Fourdinier au Cardinal Préfet

de

la

Propagande,

le 19 octobre

1842

ne pouvait voir sans appréhensions

de nouveaux venus

s'installer

aux

colonies françaises'^. Il estdur de

recomman-

der au

Gouvernement

des

gens

qui,

humainement

parlant,

semblent

des

3.Noustranscrivonsicilespages97''''à107delathèsedeMichelLegrain.Avecl'accordde Fauteur, nousy avons apporté quelquesraresmodifications dedétail.Lessous-titressontdelarédaction.

4.ND,III,p.540-541.M.Fourdinierau CardinalPréfetdelaPropagande, 19 octobre 1842.

(5)

De gauche

àdroite,

de

hautenbas:

M. Amable

Fourdinier,

V

supérieur

du

Samt-Espnt,

de

1832à 1845.

M. Alexandre

Leguay, 9^supérieur

du

Saint-Esprit,

de

1845 à 1848.

M. Eugène

Tisserant, (1814-1845) initiateur

de

l'ŒuvredesNoirs avecFrédéricLeVavasseur, prêtre

du

Saint-Coeur

de

Marie, préfet apostoliqued'Haïti

en

1844, puis

de

la

Gumée en

octobre 1845.

Meurt en

mer, parsuite

de

naufrage, le7

décembre

1845.

(6)

LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE

:PRELIMINAIRES... 1 1

concurrents.

Bien

sûr,écrit

M.

Fourdinier, «lesdésirsde Votre

Eminence

sont desordres. (...)

Cependant, Monseigneur,

jesuisloind'avoirlaconviction

que

cesprêtres, au milieu desnôtresetaveclesdispositions oiisont laplupartdes habitants, ferontlebien

qu'on

espère.

On

dit

que

cesontdesprêtres éprouvés, etcependant, excepté

M. Libermann,

ce sont desjeunesgens, dont laplupart ne sont pas encore prêtres"*. »

De

son côté,

M. Libermann ne

se fait pas il-

lusion :

même

si

M.

Fourdinier« courait

grand danger de

voir

tomber

samai- son», (...) « il fera toutce qu'il pourra

pour nous

faire tort,parce qu'il croit

en

son

âme

et conscience devoir faire cela^ ».

Ce

qui

n'empêche

nul-

lement

les

convenances

ecclésiastiquesde conservertous leursdroits ;

M.

Li-

bermann

écrità

M. Le Vavasseur

: « Jesuis allécettesemaine-civoir

M.

Four- dinier, qui a été

on ne

peut plus aimable ;

m'a montré

toutes sortes

de

choses qui regardent sa société. Il causa avec

moi pendant une

heureet demie, avec

beaucoup de

charité^. » Et d'ajouter, à

M.

Collin : « Il

me

dit

que

lorsque la divine

Providence

ouvriralamission

dans

la

grande

îlede

Madagascar,

il

nous demandera du monde.

Je

ne

sais

que

penser

de

cela;jene

pense

pas

que

cela futtoutà faitsincère ; cependant, c'est

un homme

zéléqui veutlebien. Peut- être est-il

revenu de

sespréventions sur notre

compte.

Je crois toutefois qu'il avaitdes vues en

me

parlant de lasorte^.. »

Une

maladresse

de M.

Tisserant n'arrange rien : lors de son passage à la Martinique, il

dénonce

à

M.

Fourdinier lecas

d'un mauvais

prêtre.

Du

coup,

M.

Fourdinier«

nous

regarde

comme

desétourdis,des gensàtêteardente,

d'un

zèle inconsidéré. (...) Cette

imprudence de M.

Tisserant

va nous

brouiller tout^ ».

On

redouble

donc

de prudence, car

M.

Fourdinier «

nous

anéantirait s'il

en

avaitlepouvoir'^». «

Le

saint

homme

seraitbien

dangereux pour

nous,

s'ilavait

beaucoup de

pouvoir.Ilfaittoutcontre

nous pour nous

ruiner, etcela avec lesmeilleurssentiments etpar

un

effetde zèle

pour

lebien.Je crois qu'il est

trompé

par lacrainte

du

tort

que nous

pourrionscauserau Saint-Esprit". »

5.ND,III,p.540.M.Fourdinierau CardinalPréfetdelaPropagande. 19 octobre 1842.

6.A^D. IV.p. 126et 128. M.LibermannàM.LeVava.sseur,4 mars1843. FrédéricLeVavasseuret

EugèneTisserant(dontilestquestion dansletexte,quelqueslignesplus loin) étaient à l'origineduprojet deVŒuvredesNoirsqui adonnénaissance,grâce àLibermann,àlaSociétédu Saint-Cœurde Marie.

I.ND,IV,p.131.PS.delalettreàM.LeVavasseur,4mars 1843.

8.ND,IV,p. 149.M.LibermannàM.Collin, 19mars 1843.M.Marcellin Collinétaitmissionnaireà l'îleBourbon,avecM.LeVavasseur.

9.ND.IV,p.188.M.LibermannàM.LeVavasseur, 18avril 1843.

10.ND.VI,p.323.M.LibermannàM.Collin,août 1844.

II.yVD,VI,p.330.M.LibermannàM.LeVavasseur,26aoijt1844.

(7)

12 MICHEL LEGRAIN

L'une

des

conséquences de

cette attitude

du

Supérieur

du

séminaire

du

Saint-Espritest,

qu'à Madagascar

« leMinistère

nous

refuse letrousseau et l'allocation des subsides

pour

les missionnaires.

M.

Fourdinierest

un

saint

homme

; c'est lui qui a

gagné

sa cause etje n'en suis pas fâché. (...) Il a fait

beaucoup de démarches pour que

les nôtres

ne

soient pas reçus ; il a enfin réussi'-. »

M. Libermann

est d'autant

moins

fâché

qu'on

réservait

aux

missionnaires

du Saint-Cœur de Marie

les régions les

moins

salubres ;

la

jeune congrégation

n'avait nul besoin d'aller

au devant d'un nouveau

désastre.

M. Libermann, avec grande

finesse,put tourner l'oppositionspiritaine.

Par

l'intermédiaire

de

la

Mère Javouhey,

bien

vue

officiellement, il signala ses intentions au

Gouvernement

: « Je disais à la

bonne Mère

[Javouhey]

que

j'étaisbiendécidé à n'avoir

jamais

affaire àce

bon

Supérieur

du

Saint-Esprit qui,

avec

les meilleures intentions

du monde, nous

ruinerait,

dans

lacrainte

que nous

lui fassions

du

tort. J'ajoutais

que

j'allais tourner

mes vues d'un

autre côté

pour envoyer mes

missionnaires ailleurs,

que

j'étais bien fâché

de

ne

pouvoir

venir

au

secours des colonies françaises qui

en

ont si

grand

besoin,

mais

que,

au bout du compte,

la volonté

de Dieu

avanttout. Je

pense donc que

la

Mère Javouhey

aurait parlé et

on

s'est

empressé de m'

arrêter,

dans

lacrainte

que nous ayons

déjà disposé

de nos

missionnaires,

quand

les nouvelles

dépêches

viendront

de Bourbon'^

»

L'argument

était

convaincant

:

comment un gouvernement

s'entêterait-il à confier le soin spirituel des co- lonies à des

gens

(les spiritains) qui avaient

un

titre,

mais

pas

de

personnel suffisant ?

Le

5janvier 1845, disparaissait

M.

Fourdinier,qui «

dans

ses derniers jours,

nous

desservit

complètement

au Ministère». Ilétait saged'attendre «

que

les affaires religieuses des colonies soient traitées.

Le délabrement

de la

maison du

Saint-Esprita

mis un

désordre

complet dans

lesaffaires'^ ».

12.ND, VI,p. 472. M.LibermannàM.Schwindenhammer,8décembre 1844.M. Ignace Schwin- denhammer(1818-1881)étaitentréaunoviciatdelaSociétédu Saint-CœurdeMarieen 1843.Il serale brasdroitdeM.Libermannet luisuccéderacommeSupérieur général delaCongrégationduSaint-Esprit etdu Saint-Cœurde Marie.

13.ND,VI,p.487-488.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 20 décembre1844.

14.ND,VII,p. 129.M.LibermannàM. LeVavasseur, 9avril1845.

15.ND,VII,p. 127,M.LibermannàM.LeVavasseur,9avril1845.

(8)

LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE

: PRELIMINAIRES... 13

Le Séminaire du Saint-Esprit à

l'agonie...

A

la

mort de M.

Fourdinier, leSéminaire

du

Saint-Esprit

semble

à l'agonie, audirede

M. Libermann

: «

Ces

Messieurs

du

Saint-Esprit, àcequ'il paraît,ne sontpas biend'accord. Ilsne sont

que

trois'^.

M. Wamet

estsupérieurparinté-

rim

;

M. Hardy

a été

renvoyé

de laCongrégation par

M.

Fourdinier ; après sa mort,

M. Hardy

est rentré.

On

est bien

mécontent

de tous côtés. Cette

maison

auraitbesoin

d'hommes

capables

pour

sa conduite ; elle abesoin d'être

menée

avecvigueur'''.» C'était

du domaine

public,puisquele

Nonce lui-même

écrivait à la

Propagande

: « Elle [la

maison du

Saint-Esprit] a perdu l'estime et la confiance,

non

seulement detoutl'épiscopatfrançais,

mais

aussi

du Gouverne-

ment, à cause

du manque de

réussiteobtenu parlaplusgrande partiedes sujets

envoyés

danslescolonies.

La

façondont fonctionne actuellement ce Séminaire

(...)

semble

ne pas pouvoircontinuer.

Dans

cettehypothèse, sivotre

Eminence

lejugeait bon,je serais d'avis d'en confier la direction à la Congrégation de

M.

l'abbé

Libermann,

qui pourrait l'administrer, avec,

comme

supérieur

M.

Li-

bermann

en personne et trois

ou

quatreprofesseurset

un économe'^

»

Tous

les

gens

avertis pensaient

en

effetqu'àla veille de ladiscussion de la loi sur l'affranchissement des esclaves, il était urgent

d'envoyer aux

colonies desprêtres

nombreux

etcapables.Et

M. Libermann de

confier àson

ami M. Le Vavasseur

: «

Le Nonce nous

est trèsattaché ; ilveut à toute force

que

le Sé- minaire

du

Saint-Esprit

nous

soit donné. J'en suis effrayé.

Le

bien à faireest

immense, mais d'une

difficultéplus

immense

encore. Je n'ai fait

aucune

dé-

marche pour

cela ;je n'enferai aucune.

Le Nonce

écrit à la

Propagande pour

cela ;je n'oserai rien

demander,

je n'oserai rienrefuser. Je

me

tiens surlané- gative et laisse faire la divine Providence. Je ne sais sije dois être triste

ou

content

dans

lecas

l'intention

de Mgr

le

Nonce

auraitsonaccomplissement.

Jereste

dans une

parfaite indifférence àce sujet''^. »

16.

MM.

NicolasWamet,MathurinGaultieretJean Hardy.

17.ND.VII,p.33.M.LibermannàM.LeVavasseur, janvier 1845.

18.LettreduNonceàlaPropagande,22janvier 1845.Arch.Prop., Sp.S.,1779-1845,fol.397(verso) et398(recto).

19.ND,VII,p.32-33.M.LibermannàM.LeVavasseur, janvier 1845. L'idée decetteunionn'était pas neuve, comme le fait remarquer M. Libermann à M. Schwindenhammer, le 24 février 1845 :

«MgrGaribaldi,intemonce,qui aprécédéMgrl'Archevêque de Nicée,m'aproposécetteréunion,ily a troisans. Jelui aimontré alors l'impossibilitéde son exécutionavecM. Fourdinier. IIl'asentietn'y revint plus... » (Cf: ND.VII,p.77).Mais M. Libermannn'étaitpas seulen compétition : depuis un momentdéjà, ondevisaitautourdel'agonisant;qui prendraitlasuccession auxColonies ?Onparlait deslazaristes,anciens missionnairesàBourbonetàMaurice;mais,depuis 1808,ilsne voulaient plusdu

(9)

14 MICHEL LEGRAIN

Cette indifférence mystique^°

ne l'empêche

pas d'ailleurs

de

faire part

au

Ministre

de

la

Marine de

sa

pensée

surl'étatactuel

de

la Religion

dans nos

colonies, o\x l

'Œuvre du

Saint-Esprit était insuffisante. Et

de

préciser : «

Le

Saint-Esprit ne

donnant que

des curés

aux pays

coloniaux, leurinfluence, si elle

ne

se

borne

pas

exclusivement aux

Blancs,

ne

s'étendra

que

sur

un

bien petit

nombre de

Noirs.

De

plus,l'état

de

souffrance

setrouvedepuis silong-

temps

cette pieuse société, a

rendu

presque inutile et

même

souvent nuisible,

lezèle

de

ses

membres. Ces

malheurs,toutle

monde

lesconnaît.

Tout

le

monde

saitaussi

que

leSaint-Espritestincapabled'y

remédier

àl'avenir.

Sa

position actuelle le

met

hors d'état

de

soutenir son

œuvre,

et le discrédit où,

malheu-

reusement, il est

tombé, en

éloignant

de

lui des ecclésiastiques

généreux

et vraiment désintéressés le

met dans

l'impossibilité

de

se relever

de

sa chute.

Cependant,

il

me semble

qu'ilyaurait

un moyen

efficace

de

prévenirles

maux

qui pourraientrésulter

de

cette décadence, et c'est ce dontje

veux

entretenir Votre Excellence.

Mon

projet serait

de

réunir notre Société à celle

du

Saint- Esprit,

de ne former qu'une

seuleet

même

Société, afin

de

travaillerde concert àl'œuvre

de

moralisationdes Colonies. Cette réunion nepourraitavoir

que

les plus

heureux

résultats-'. » Et

d'énumérer

: le

renflouement du

personnel,

un renouveau

desétudes,

une

direction

ferme

qui ne serait plusobligé d'alimen- terle

Séminaire

colonial

par

lerebutdes diocèses

de

France. Si cetteréunion

ne

peutêtreenvisagée, «

qu'au moins

laprotection

du Gouvernement nous

soit

suffisamment

accordée

pour que nous

ne

soyons

pas entravés

dans

lebien

que nous

désirerionsfaire.

Ce

serait

avec une

bien vive douleur

que nous nous

dé- ciderions à porter nos sueurs à l'étranger, tandis

que

nos travaux pourraient produire tant

de

fruits

dans

nos possessionsfrançaises-^ ».

fardeaudescolonies. Lespicpucienspeut-être ?Ilsétaientoccupésen Océanie. Certainsnommaientles maristes.Schœlcher,sous-secrétaire d'étatauxColonies,avait offertlaGuadeloupeàlaCongrégationde Sainte-CroixduMans,etc.

20.PIERRE

BLANCHARD,

LeVénérableLibermann,TomeII,Sapersonnalité.Sonaction,Desclée deBrouwer,1960,518p., p.28;«Prendrelaconsciencelaplusnettedes appelsintérieursde Dieu,s'ou- vrir, avec laplus transparente sincérité, de cesaspirations à un directeur éclairé, faire les démarches nécessairesauprès des représentantsqualifiésdel'Égliseenlesmettantau courant detouteslesdonnées duproblème,prierpourqueDieu achèvecequ'il acommencéetinclineleshommesetlesévénements versl'accomplissement desavolonté,attendredanslaconfiance,lapatienceetl'indifférence,unedéci- sion qu'on se prépare àacceptercommeétant l'expression du bonplaisir de Dieu. C'estla méthode mystiquesidifférentedansses intentions, sesmoyensetses résultats,delaméthodediplomatique,méthode toutehumainedontlessuccèspolitiquescachent toujoursetpréparent souventlesplusréelséchecssur- naturels... »

21. A^D, VII,p.52-53.M.Libermannau Ministre delaMarine, 7février1845.

22.ND,VII,p.54.M.Libermannau Ministre delaMarine, 7février1845.

(10)

LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE

: PRELIMINAIRES... 15 Voilà de très fortes paroles, percutantes et habiles,

que

l'onction ecclésia- stique n'atténue guère.

Dans une

lettre confidentielle adressée à la

Mère

Javouhey,

M. Libermann

est encore bien

moins

tendre,

quoique

l'indulgente estimationde

M.

l'abbé

Blanchard

n'y veuillevoir

qu'un

texte rédigé

dans un

climat

de

charitélucide-''. Ily déclaresans

ambages

: «

Le

Saint-Esprit,

de

sa nature,

ne

saurait suffire à l'accomplissement de l'œuvre religieuse toute en- tière des colonies ;

mais

l'état de souffrance oii cette pieuse

communauté

est depuis si longtemps, les dernièresépreuves qu'elle a eues, et l'état affligeant

elleestréduite

en

ce

moment,

l'ont

rendue

etlarendent encore,désormais, bien plus incapable

de

remplir lebut qu'elle se proposait.

Non seulement

le Saint-Esprit est

devenu

inutile

aux

colonies,

mais

il leurest

devenu

nuisible.

J'aihonte, etjeregarde presque

comme une

faute

de

direcela.Je

vous

priede

m'en

excuser. Jene parleà

personne

autre

en

ce sens ;

mais

je dis lavéritéet,

dans

la circonstanceprésente, je

pense

pouvoirladire^'*. »

Et

Libermann

ajoute : «

Les maux du

Saint-Esprit ont été bien grands, sa destruction presqueentière, et sarésurrection paraît impossible.

Tout

cela

en grande

partietient

au

discrédituniversel

dans

lequel cette

Congrégation

siex- cellente

en

elleet

en

ses

membres,

est

tombée. De

là,

on

futobligéd'alimenter le

Séminaire

par

une

multitude

de

jeunes

gens

et

de

prêtres âgés

que

lesdio- cèses

de France

rejetaient

comme

incapables

ou

indignes d'exercerles sain- tes fonctions

du

sacerdoce ; etpar suite

un

clergé colonial méprisé,intéressé et

peu

édifiant,

pour

ne pastoutdire.

Des

sujetsdistingués,dévoués, n'osaient penser

seulement

à s'y rendre,et s'il y en avaitquiformassent desdésirs, les directeurs

de

leur conscience les

en

éloignaient^^ » D'oii ce cri

du cœur

:

«

Malheur

si le Saint-Esprit trouve

un homme

à mettre à sa tête ! et si ces

Messieurs

continuent l'œuvre, ils s'opposeront plus

que jamais

au bien

que

d'autres pourraient faire, à cause

de

la faiblesse

dans

laquelle ils se trou- veront^^. »

La

solution ? : «

Notre

Société, jointe à ce qui reste

du

Saint- Esprit, rétablira les choses

dans

le

Séminaire

;

on

mettra les études sur des bases solides, et

on en

inspirera le goût, afin de bannir l'ignorance et le

désœuvrement du

clergé colonial.

La bonne

réputation dont

nous

jouissons, rétablirait celle

du

Saint-Esprit ;

nous

attirerions par là

de bons

sujets, tout

23.P.

BLANCHARD,

op. cit..p.420.

24.ND.VII,p.83-84.M.LibermannàlaMèreJavouhey, 9mars 1845.

25.ND.VII,p.84-85.M.LibermannàlaMèreJavouhey, 9mars 1845.

26.ND.VII,p.86.M.LibermannàlaMèreJavouhey, 9mars 1845.

(11)

Ci-contre, à droite: Nicolas

WARNET

(1795-1863)

M.

Warnet

appartenaitau diocèse

de

Reims.

le30

mai

1795,ilétaitdanssa 25®

année

lorsqu'il entra,

en

octobre 1819, au séminaire

du

Samt-Espnt,

alors,avec M.Bertout,rue

Notre-Dame- des-Champs, Ordonné

prêtre la veil- le

de

la Trinité 1823, il est

envoyé

à Bourbon,

il

aborde

le 21 août 1824, etest

nommé

vicaire à Saint-Denis. Là, M.

Warnet

rencontre lejeune Frédéric

Le

Vavasseur, dontilsoutiendralavoca- tionparla suite.Ilspartentl'unet l'autre

pour

laFrance,

en

1829-1830. M.

Warnet passe

àNantes,à Marseille,àReims, et entre dans la Congrégation

du

Saint- Esprit

en

1834.

A

la

mort de

M.Fourdinier,ses confrè- reslepressentd'accepterladirection

de

l'oeuvre. 11accepte,avec lacondition

de

se démettre entre les mains

de

M. Le-

guay

vicairegénéral

de

Perpignanà qui l'onafaitappel,maisqui

ne

peut seren- dre àParis

que

dans quelquesmois,Le 28 avril 1845,M.

Warnet donne

paracte authentiquesadémissionet

demeure

le

premierassistant

du nouveau

Supérieur général,M.

Leguay En

1848,Hdevaittra- vailler

de

tout son pouvoir à l'union

du

Saint-Esprit et

du Samt-Cœur de

Marie, qui le rendait confrère heureux

de

son bien-aimé fUs spirituel, Frédéric Le Va- vasseur. 11 devait

décéder

à Saint-llan,

près

de

Saint-Brieuc, le 30 août 1863.

Ci-contre,à

gauche

:

Frédéric

Le Vavasseur

(1811-1882)

(12)

LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE

: PRELIMINAIRES... 17

le

monde

sera

convaincu que nous

travaillons sérieusement à établir

une réforme dans

leclergé colonial ; laconfiance

qu'on nous

manifeste persévé- rera etaugmenterai^. »

Les

hésitations

de M. Libermann

Mais M. Libermann

voitclair : « Plusje vais, plusje vois

de grandes

dif- ficultésàce

que

la

chose

puisseréussir tout

simplement

ettoutuniment.

Vous

verrez.

Nous sommes en mesure

;

nous avons

le personnelnécessaire,

mais

cela n'estpas tout ; les difficultés viendront

de

parailleurs.

De

plus,je

vous avoue

qu'il

me

coûte infiniment

de

procurer la destruction

du

Saint-Esprit

pour nous

mettre à sa place. Il estpénible

de

bâtir ainsi sur les ruines d'au- trui.J'aitoujours

eu beaucoup de

peinesàfairedes

démarches, dans

lacrainte

que Notre-Seigneur ne

les

approuve

pas. Je les ai faites

dans

la

pensée que

si telle n'était pas la divine volonté, elles n'auraient pas

de

succès. Je les faisais sans violenter les choses, et

seulement en donnant

des ouvertures,

pour que

les supérieurs ecclésiastiques puissent agir

en conséquence

des connaissances

que

je

donnais de

notre état

de

choses. Je l'ai fait

avec

réserve. J'ai

donc pensé de nouveau

à notre

union avec

le Saint-Esprit (...)

Cette réunion des

deux Congrégations

aurait

de

grands avantages

d'un

côté, et présenterait des difficultés

d'un

autre côté.

Cela nous

donnerait

du

fil à retordre^l »

Et

de

préciser : « Ilestcertain

que

les

deux Congrégations

existant séparé-

ment

auront toujours à risquer

une

certaine rivalité,

quoique

leurbut ne soit pas le

même

absolument, et par suite se feront

du

tort.

La

réunioncompléte-

rait l'œuvre

du

Saint-Espritet favoriserait lanôtre-^. » Etil se laisse aller au

beau

rêve : plus d'opposition,

mais une

collaboration vraie, efficace, légale-

ment reconnue

; despréfetsapostoliques qui encouragent au lieudecontrarier,

une

unificationdes efforts missionnaires

en France

et la possibilité

d'une

ex- tension

pour

lescolonies étrangères""^...

Tout

cela

n'empêche

nullementd'entrevoirlesobstaclesàcetteréunion:

on

27.ND.VII,p.86-87.M.LibermannàlaMèreJavouhey, 9mars 1845.

28.ND,VII,p.69.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 24février1845.

29.ND,VII,p.69-70.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 24février1845.

30.ND,VII,p.70.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 24février1845.

(13)

18 MICHEL LEGRAIN

risque

de

perdre l'esprit de laCongrégation, d'engendrer des clans,

de

chan- ger de

nom. La

solution apparaît parfois clairement,

mais

elle est obli- gatoirement unilatérale : «

Pour que

cette réunion n'apporte pas de change-

ments fâcheux dans

l'esprit

de

laCongrégation,il suffit

que

notre noviciatsoit conduit par

ceux

tirésdenotreCongrégation,et

que

nosrèglesconserventleur vigueur. (...)

Tout

ce

qu'on

pourraitrisquer, c'est

que

ces

Messieurs ne

pren- drontpeut-être pasnotreesprittoutàfaitbien. C'estànous, à

nous

appliquer de

gagner

leur affectionet leur estime, afin

de

pouvoir au

moins

les attirerà

nous

et les rapprocherle pluspossible de l'espritde nos règles . »

Libermann

entre

même dans

certainsdétails : «

Le nom

denotre

Congrégation ne

serapas effacé.

Mon

idéeest

que

laportion

de

l'œuvre, qui est celle

de

ces Messieurs, c'est-à-dire le Séminaire, reste sous le vocable

du

Saint-Esprit, et laportion quiest lanôtre, c'est-à-direl'œuvre desNoirs, soitsouslaprotection

du

Saint-

Cœur de

Marie.

Nous

perdrons notre

nom parmi

les

hommes,

qui ne

manquerons

pas de

nous

appelerles Spiritains ;

mais ne

tenonspas

aux

mots,

mais aux

choses^-. »

Au

Cardinal Fransoni, il

expose brièvement

saproposition : « Il

me

coûte-

rait

de

travaillerà

nous

établirsurlesruines

d'une Congrégation

plus ancienne

que

la nôtre, etcela pourrait

même

produire

mauvais

effet

dans

lepublic.

La

réunion des

deux

Sociétés

en une me

paraîtrait plus

conforme

à la sainte vo- lonté

de

Dieu,

pourvu que nous n'ayons

pas à risquer d'y perdre l'esprit

de

piété,

de

ferveur,

de

zèle,

de dévouement,

et lacharité

que

je cherche àétablir

parmi

nosmissionnaires-^-\ »

Il

avoue

àla

Mère

Javouhey,quiluiservaitd'intermédiaireet

de

confidente:

« Il m'est difficile

de

faire des

démarches

auprès

de M.

Warnet,

ne

connais- sant pas assez ses dispositions. Je risquerais de reculer le succès

de

l'affaire au lieu de l'avancer. Si

nous

faisionsles premières

démarches,

ces

Messieurs

auraient

pour

ainsi direle dessus, et ne

nous

accorderaient pas la supériorité des

deux Congrégations

réunies ; ilsvoudraientêtre les maîtres.Je

ne

tienspas à être supérieur. Il s'en faut bien. Je suis accablé et bien

en

peine avec cette

malheureuse

supériorité ;

mais

si

nous n'avons

paslasupériorité

de

notre côté,

31.ND,VII,p.72-73.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 24février1845.

32.ND,VII,p.75.M. LibermannàM. Schwindenhammer, 24février1845.Ilest intéressantde no- tercettedistinctionentrelenomet lachose.C'est en négligeantcette différence,dupointdevuejuridique etdupointdevuepratique,quebiendes disputessurgiront,aumomentdelafusionetsurtout,au début duXX'^siècle,àl'intérieurmêmedelaCongrégation.

33.ND,vil,p.95.M.Libermannau Cardinal Fransoni, 19mars1845.

(14)

LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE

: PRELIMINAIRES... 1

9

notre

œuvre

des Noirs serait bien aventurée et notre esprit perdu. D'ailleurs nos

Messieurs

neconsentiraientjamais

que

je

cède

sur ce point'*'*. »

Peut-onallerplus loin et dire, avec le P.

Joseph

Janin,

qu'en 1845 on

fit à

M. Libermann

des propositions oij il s'agissait « de la disparition pure et

simple

de

la Société

du

Saint-Esprit qui serait

remplacée

par celle

du

Saint-

Cœur

de Marie'*'* ».

Qui

aurait

proposé

cette substitution ? S'il est vrai

que M. Libermann

reconnaît

que

le

Nonce

veut lui

donner

la

Maison du

Saint- Esprit^^, il

semble

qu'il le

comprend

bien

comme une

réunion des

deux

congrégations, ce

que

le

Nonce

avaitdéjà

lui-même

envisagé

en

1842".

Dans

toute sa

correspondance de

1845, jamais

M. Libermann

ne parlede substitu- tion,

mais de

réunion. Il s'agit de choisir entre se réunir

ou

continuer

une

vie parallèle ;

mais

il n'estpas question

de

s'établirsur lesruines d'autrui.

L'évolution des

affaires coloniales

Tout

en continuant de

mener de

front ses diverses activités,

M. Libermann

suit

de

près l'évolutiondesaffairescoloniales.Toujoursàla

même

confidente,

il écrit, le

26

juin 1

845

: « Je sais

que

le Supérieur

du

Saint-Esprit se

donne beaucoup

de

mouvement

; il trace desplans, il

prend

des mesures, il fait des

promesses

; il écrit à

Rome,

il visite, il poursuit, persécute les principaux

employés de

la

Marine

(je

veux

dire

du

Ministère). Ses intentions sont pures, ses

vues

pleines de zèle,

mais

ses plans sont certainement insuffisants, plus qu'insuffisants^^ »

Malheureusement,

ilfauttenir

compte de

l'inertie des bu- reaux ! Il poursuit : «

Comme

leMinistère, en

bonne

administration, ne doit pas

aimer

à

compliquer

les choses, ni à fairedes

changements

considérables,

ilse laissera toujoursfacilemententraîneràlaisser leschoses

comme

ellessont, aveccertaines améliorations.

Ce

qui pourrait

me

rassurer là-dessus, c'est

que

l'union entre notre

Congrégation

et celle

du

Saint-Esprit,

que

j'ai proposée, n'apporterait

aucun changement

à l'étatdes choses, ne les compliquerait par

le

moins du monde

; bienaucontraire,elleprocurerait

aux

colonies

un

secours

34.ND.VII,p. 11].M.LibermannàlaMèreJavouhey,5 avril 1845.

35. R.P.JOSEPHJANIN.CSSp, Leclergé colonialde1815à 7S50, Ed.Basuyau,Toulouse, 1935, 422p., p.21.

36.ND.VII,p.47.M.LibermannàM.Schwindenhammer,6février1845.

37.ND,vil,p.77.M.LibermannàM.Schwindenhammer. 24février1845.Cf.note 19.

38.ND.VII,p.226.M.LibermannàlaMèreJavouhey,26juin 1845.

(15)

20 MICHEL LEGRAIN

efficace qu'ilsn'ontpas reçujusqu'àprésent, etdont

on ne

peut pas sepasser

pour

lamoralisationdes esclaves, et ce secours partirait

de

la

même

Société.

Il y aurait par là

une

uniformité parfaite

dans

l'administration générale

du

clergé colonial"*^. » Et de continuer sa méditation écrite : «

Ce que

je crains, c'est

qu'on

ne conclue avec

M.

le Supérieur

du

Saint-Esprit, avant de rien conclure

pour

nous, et alors notre

union

avec le Saint-Esprit n'estplus guère possible.

Vous concevez

bien

que

cette réunion ne peut se faire

purement

et simplement.Ilfaut

que

l'union soitparfaite, lafusionentière;

mais

ilfaut

que

l'accord soit fait entre les

deux

parties, et les conditions favorables à toutes deux, et au bien général

de

l'œuvre coloniale.

Cela

exige

une

transaction en- tre lesparties,et

un

règlementpréalable

pour

la

marche de

lasociéténouvelle et

pour

sonadministration.

Or

il estcertain

que

le Saint-Esprit étantdéfiniti-

vement

maîtredes choses, voudraitaussiêtremaître des conditions,au

moins

deviendrait exigeant, peut-être

même

ne voudrait pas entendre parler

de

réu- nion.

Ceci

deviendrait encore plus sérieux si

M. Leguay,

leur supérieur,était

nommé évêque

des colonies,

comme

ilparaîtle croire"^". » Puis de conclure :

« Plusj'y pense, plus je vois

combien

il serait

malheureux que

leMinistère, sans concilierles choses préalablement,

donnât

haute

main au

Saint-Esprit,et

nommât évêque

des colonies lesupérieurde cette

communauté"".

»

Sans

perdre

de

temps,le

même

jour (26juin 1845),

M. Libermann

s'adresse au Ministre de la

Marine

: ilessaie

de

détruire

en

son esprit les

arguments du

vieux projet spiritain

de

réunir tout leclergé colonialen

une même

congréga- tion.«

Le système d'un

clergé régulierdesservantlesparoisses

d'une

chrétienté formée, est toutà fait

opposé

à l'institutionprimitive

de

l'Eglise et à toutce quis'estpratiquéjusqu'àprésent.

Ce système

mettraitlescolonies

dans un

état exceptionnel, ce qui est

dangereux

; il serait difficile

dans

son exécution et pourrait avoir

de

graves inconvénients

dans

la suite.

M.

l'abbéFourdinieravait autrefois

formé

ledessein d'agrégertoutleclergé colonial àlaSociété

du

Saint- Esprit, ce projet,tel qu'il étaitconçu, était

absolument

inexécutable^^. » Voici le

pourquoi

: « Si

on

exige des

vœux,

très

peu de

personnes accepteront l'a-

grégation ;

un grand nombre

de

ceux

qui accepteront, deviendront infidèlesà leurs

engagements,

au bout de quelques

années

qu'ils auront été isolés

dans

39.ND,VII,p.226-227.M.LibermannàlaMèreJavouhey,26juin 1845.

40.ND.VII.p.227-228.M. LibermannàlaMèreJavouhey,26juin1845.

41.A^D, VII,p.228.M.LibermannàlaMèreJavouhey,26juin1845.

42.ND.VII,p.230.M.Libermannau Ministre delaMarine,26juin 1845.

(16)

LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE

: PRELIMINAIRES...

2

1

lescures. Si l'on secontente

d'une promesse en

y joignant

une cérémonie

re- ligieuse,

on

auraplus de

monde, mais

avec

peu de

résultats. (...)

Une

société pareille seraitplusdifficileà

gouverner qu'un

clergéséculier.

En

général,l'idée

d'une

semblable agrégation est forcée ; et les choses forcées ne

peuvent

pas avoirde durée'^l » Et

de

lancer

une

pointe : «

Tout

lebien

que

je verrais

dans

ce dernierparti serait quelques avantages apparents

qu'en

retirerait laSociété

du

Saint-Esprit. J'ai toujours

pensé que

ce fut là le principal

mobile

de la

conduite de

M.

Fourdinier

dans

cette affaire. (...)

En

résumé, si

on

établit la

nouvelle Sociétésurdes basessolides

pour

laconservationetlesoutien

de

ses

membres

dispersés dans lesparoisses,

on

n'aurajamais

qu'un

très petit

nom-

bre de sujets, parce qu'il faudrait établir des règles sévères ; il faudrait des

hommes

dévoués, et les

hommes dévoués

préféreront

généralement

la vie de

communauté

à la vie isolée des paroisses, surtout des paroisses coloniales.

Si

on

établit des règles superficielles qui

ne

gênent pas, si

on met

les

mem-

bres

dans une

certainelatitude,

on

n'obtiendra

aucun

résultat ; c'est

une

pure illusion

qu'on

se fait,ces règles

ne

produiront rien, et, au

bout

de fort

peu

de temps, tout

retombera dans

le statu quo"^. »

Un

clergé séculier

pour

lesparoisses

Des hommes de communauté

leur

servant

d'auxiliaires

Alors ?

Comment

se

montrer

réaliste ?«Si, à

un

clergé séculier

pour

lespa- roisses,

on

joint des

hommes de communauté,

leur servant d'auxiliaires et

uniquement,

exclusivement

dévoués aux

besoins spirituels et

moraux

de la populationnoire,

on

aurait l'avantage

de

mettreles Eglises colonialesdans

un

état normal,

comme

sont

en

général toutes les Eglises

du monde

chrétien, et

on

procurera

aux

esclaves l'unique secours efficace et

en

rapport avec leurs besoins.

Dans

lescolonies, les

communautés

aurontencore l'avantage depro- duire

d'heureux

effetssurleclergé paroissiallui-même. N'étantlà

que comme

des auxiliaireset

uniquement dévoués aux

esclaves, elles n'exciterontpasles oppositions et les jalousies.

Les

curés et les vicaires verront toujours avec plaisirdesprêtres quilessoulagent

dans

leurs travaux,sansleurêtreà charge.

(...)

Ces

considérations, jointes àcellesquiontétédéjà transmises

de ma

part

43.ND,VII,p.230-23LM.Libermannau Ministre delaMarine.26juin1845.

44.ND,VII,p.231-232.M.Libermannau Minsitre descolonies,26juin1845.

(17)

Anne-Marie Javouhey

(1779-1851) Les relations

de

la

Mère

Javouhey aveclePèreLiber-

mann

datent

de

la der-

mère

partie

de

savie. C'est

Libermann

quipritl'initiative

de

lui écrire

pour

la pre- mière fois, le 20 février 1844:«...Peut-êtrevotreex- périence personnelle pour- ra-t-elle

me donner

quel-

ques

avis sages et utiles.»

Une

correspondance suivie

commença,

ainsi

que

des rencontres,.

.

Ignace Schwindenhammer

(1818-1881)

Entré au noviciat

de

La Neuville, il

y

fait sa consécration le 19

mars

1844,

Libermann

porte alors surlui

un jugement

qui

ne

variera pas parlasuite:«C'est

un

excellentsujet,d'une piété éminente, très capable, très

bon pour

la conduitedesaffaires.Ilest

pour

restericiet

non pour

aller

en

mission» (lettreàLe Vavasseur

du

10

mars

1844).Professeur

de

théologieà Notre-

Dame-du-Card,

il

en

devientsupérieur

en

1848.

Assistantgénéral

en

octobre1849,ilestdésigné par

Libermann

sur son lit

de mort

(2 février 1852)

pour

lui succéder

comme

supérieur général

de

lacongrégation.

(18)

LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE

:PRELIMINAIRES...

23

à Votre Excellence,

m'ont engagé

à lui offrir

mes

services et à lui proposer l'union

de

notreSociétéàcelle

du

Saint-Esprit.

Car

les

heureux

effetsqui doi- vent résulter

d'un

clergé auxiliaire, joint

aux

prêtres des paroisses, auraient

beaucoup

plus d'efficacité si ce clergé auxiliaire appartient à la

communauté

qui aurait

formé

ces

mêmes

prêtresdes paroisses'^l »

Prudent, le

Baron

de

Mackau,

Ministre de la

Marine

et des Colonies, ré- pondit

en

des termesvolontairement

vagues

: «J'ailuavec

beaucoup

d'intérêt les considérations qui

vous

ont conduit à cette proposition et votre

mémoire

sera l'undeséléments

du

travail

que

j'aurai

prochainement

àpréparersurcette importantematière"^^. »

Les

difficultés

s'accumulent

*

Très vite ilfallutdéchanter : le6

septembre

1845,

M. Libermann

avouaità

M. Le Vavasseur

:« J'avaislapensée delaréunion avecleSaint-Esprit,

comme

je

vous

ledis

dans ma

dernièrelettre,

mais

le supérieur actuel,

quoique

saint

homme, y

sera

un

obstacle absolu, je pense, et il ne peut plus guère en être question ; notreesprit

en

pouiTaitsouffrir.

Le Nonce

voulait

nous

avoirabso-

lument

à la place

du

Saint-Esprit ;

mais

il ne se

mêle

plus de cette affaire.

Toutes les belles

promesses que

le Ministre semblait lui avoir faites au sujet des colonies,

me

paraissentmaintenant

tomber

àl'eau. Ilparaîtrait

que

le

Mi-

nistre

ne prend

conseil de

personne

capabledelui

donner

des idées exactes,et jecrains

beaucoup que

leschosesn'aillentmal.Ilest

de

faitqu'ilsn'entendent pas et ne

peuvent

bienentendre les matièresecclésiastiques ; ils ne

compren-

nent pas assezl'essence

du régime

ecclésiastique des colonies.

Avec

ces

deux

défauts,ils ne

peuvent

faire

que du

gâchis"*^. »

Comme exemple

de gâchis, notons cet incident rapporté au Cardinal Fran- sonipar

M. Libermann

: « J'aidéjà l'honneurde

vous

informer.

Monseigneur,

45.ND. Vilp.232-233.M.Libermannau MinistredelaMarine.26juin 1845.

46. ND.VII,p.473.LeMinistredelaMarineàM.Libemiann,15juillet1845.Lepremierparagraphe decettelettrerésumelelongprojetexposéparM.Libermannle26juin,sanspour autant endonner une quelconqueapprobation:«...vous proposez, pourleservicedontils'agit,l'uniondevotreSociétéà celle duSéminaireduSaint-Esprit...»C'estallerunpeuviteenbesogne qued'en conclure:la lettredu Mi- nistrepeutêtreconsidéréecomme uneapprobationduprojet, quine sera exécuté qu'en 1848, comme

c'estécritàlapage 43deNotesetdocumentsrelatifsàl'histoiredelaCongrégationduSaint-Espritsous lagarde del'ImmaculéCœurde Marie,1703-1914(Paris,Maison-Mère, 1917).

47.ND.VII,p.288.M.LibermannàM.LeVavasseur,6septembre 1845.

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