Mémoire Spiritaine
Volume 7 De l'abolition de l'esclavage à colonisation de
l'Afrique Article 4
April 1998
Le Saint-Esprit et le Saint-Cœur de Marie:
préliminaires à une union de congrégations (1/2).
Michel Legrain
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AUTOUR DES FONDATEURS
Mémoire
Spiritaine, n° 7,premiersemestre 1998,p. 7 à27.Le Saint-Esprit et
leSaint-Cœur de Marie Préliminaires à une union de congrégations
Michel Le grain*
Le 10 septembre
1848, lepape
PieIX
signaitl'acted'union desdeux Con-
grégationsdu
Saint-Espritetdu Saint-Cœur de
Marie.En
cetteannée du
150"anniversaire
de V
événement,Mémoire
Spiritaine,dans chacun de
sesdeux
numéros,y
consacreraun
article.Nous en emprunterons
lamatièreà
lathèsedu
P.Michel Le
grain, soutenue le26 mai
1965, sous le titre :Une union de
congrégations auXIX^
siècle, etjamais
publiéecomme
telle.*LeP.MichelLegrain,spiritain,aétémissionnaireauCongo(Brazzaville),avantd"entamerunelon- guecarrièred'enseignantcommeprofesseurde théologiemoraleetdedroitcanonique,toutd'abord au scolasticat spiritaindeChevilly,puis àl'InstitutcatholiquedeParisaprèssasoutenance dethèsede doc- toratendroitcanonique,en 1965. Parallèlement à sonenseignementetàsesresponsabilités universitaires (ilfutpendantsixansvice-recteurdel'Institutcatholique),unepartiede sontempsétait etesttoujours consacréeàl'aumônerieinternationaledescentresde préparation au mariage,ainsiqu'àunministèrethéo- logiquevariépourleservicedes missions. Parmises travaux publiés :Lecorpshumain, du soupçonà Vévangélisation(Paris.Bayardéditions/Centurion, 1978,rééd. 1993);Mariagechrétien, modèleuni- que ?Des questionsvenues d'Afrique (Paris-Lyon, LeChalet, 1978) ;Questions autourdu mariage:
permanencesetmutations, Mulhouse, Salvator, 1983) ;Les chrétiens face au divorce (Paris, Bayard éd. /Centurion, 1991);Remariageetcommunautés chrétiennes(Mulhouse,Salvator, 1991);LePère AdolpheJeanjean,missionnaireauCongo(Paris,LeCerf, 1994);Les personnesdivorcéesremariées:
dossierderéflexion (Paris,Bayardéd./Centurion, 1994).Ilaétéaussilerédacteurfinalde l'ouvragecol- lectif /.aFoi des catholiques(Paris,Centurion, 1984).
8
MICHEL LEGRAIN Introduction^
Depuis
1774, leSéminaire du
Saint-Esprit fournissait des prêtres à laGuyane. Quand
il se réorganise, après la Révolution, il est officiellement chargéde
la formationdu
clergé colonial.La
France, àpartir de 1830, envi- sageune émancipation
progressive des esclaves et leGouvernement
reconnaîtra: «Le Séminaire du
Saint-Espritest la seuleCongrégation
qui,parle butde son institution, soit aujourd'hui
en
étatde former
et de fourniraux
colonies des ecclésiastiquesrecommandables...
» Et, s'adressant auSupé-
rieur:«C'estdonc
àvous,Monsieur,
qu'estremisexclusivementl'instruction, le choix et la direction générale des prêtres appelés à travailler à l'œuvre la-borieuse etdélicate
de
lamoralisation des Noirsaux
colonies^. »Mais M. Amable
Fourdinier, Supérieurdu Séminaire
etde
laCongrégation du
Saint-Esprit depuis 1832, n'a pas toujourseu
lesmoyens
nécessairespour
remplirlerôlequ'on
attendaitde
lui.Pour y
suppléer,il semet
àengager
des volontaires sursimplerecommandation. Ce
quiamène aux
coloniesun
certainnombre
d'indésirables ; minorité, certes,mais
quifait parler d'elleet qui ter- nit laréputationdu
clergécolonialen
général etcelledu
Séminaire.M.
Fourdinier conçoitalorsleprojetde
regrouper dansune
congrégationles prêtresanciensdu
Séminaire.Jusque
là, seuls étaientmembres de
laCongré-
gationdu
Saint-Espritceux
qui avaientlaresponsabilitéetassuraientlamarche du Séminaire du
Saint-Esprit.Les
autres prêtres,envoyés dans
les missions,même
s'ils se prévalaientdu
titrede
spiritains, étaient entièrement libres.M.
Fourdiniermet au
point sonprojeten
1836. Il leprésentedans une
circu- laireaux
préfetsapostoliquesetune
autreauclergé coloniallui-même.
Presque tous les prêtresdéclinent son offre et les préfetsde
la Martinique,de
laGua- deloupe
etde Bourbon
s'opposentfermement
au projet.En
janvier 1845,M.
Fourdiniermeurt
;M.
NicolasWamet
lui succède,mais démissionne peu
après et laisse la place(à partirdu 29
avril 1845) àM. Alexandre
Leguay.Entre temps,
M.
FrançoisLibermann
a fondé,en
1841, laSociétédu
Saint-Cœur de Marie. L'année
suivante, d'accordavec
le préfet apostolique,un
1. Cette introductionrésume les pages42à56 de lathèsedu P. Legrain et c'estensuite le texte
même
d'undeseschapitresquiesttranscrit:MICHEL
LEGRAIN,Uneunionde congrégationsauXIX' siècle:leSaint-Espritet leSaint-Cœur deMarie,InstitutCatholiquedeParis, 1965, 241p.polycopiées.2.Arch.CSSp,Noticesbiographiques, n°21,mars1911,p.294.LettreduMinistredelaMarine,22 novembre1839.
LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE
: PRELIMINAIRES...9
premier missionnairede
la jeune congrégation estenvoyé
à l'îleBourbon,
rejointun
anplus tardpardeux de
ses confrères.M.
Fourdinierprend mal
cette initiative,revendiquantpour
lui seul laresponsabilitéd'envoyer
desecclésia- stiquesaux
colonies et de leur faire allouerun
traitement.Dès
1845,M. Libermann
envisage la possibilitéd'une union
avec laCongrégation du
Saint-Esprit.Comme on va
le voir,M.
Fourdinier n'y était pas favorable etM. Leguay
y étaithostile.M. Alexandre Leguay
n'estpasun
anciendu
séminairequ'ilconnaîtpour
y avoirlogéquelque
temps. Ilestalors vicaire généraldu
diocèsede Perpignan,quand
il accepte la chargede
Supérieurdu Séminaire du
Saint-Esprit.Dès
le premier
mois
de son arrivée àParis, il reprend le projet deM.
Fourdinier,en
y apportant quelques précisions et modifications.Mais
prévoir,comme
c'était lecas, l'entrée en
masse
de tout leclergé colonialen
exercice dans laCongrégation
étaitune
utopiequicondamnait
l'entreprise à l'échec. Pourtant, c'estun événement
extérieur,laRévolutionde
février 1848,quiva
anéantirlerêve
de M.
Leguay.Aux yeux du nouveau gouvernement,
leSéminaire
etM. Leguay
sontsuspectsde
tiédeurenvers l'émancipation des esclaves :on
les disaitantinégrophilesselonune
curieuseexpression !M. Leguay donne
sa dé- missionle29
février 1848.La
rénovationde
laCongrégation du
Saint-Esprit,en
cetteannée
1848,vien- dradel'extérieur,parl'unionaveclaSociétédu Saint-Cœur de
Marie... union envisagée déjàplusieursannée
auparavant...
* * *
M. Fourdinier, un partenaire
difficile^Le
Séminairedu
Saint-Esprit qui essayaitde
retrouver vigueur dansun
projet
de
congrégation, ainsique
l'écrivaitM.
Fourdinier au Cardinal Préfetde
laPropagande,
le 19 octobre1842
ne pouvait voir sans appréhensionsde nouveaux venus
s'installeraux
colonies françaises'^. Il estdur derecomman-
der auGouvernement
desgens
qui,humainement
parlant,semblent
des3.Noustranscrivonsicilespages97''''à107delathèsedeMichelLegrain.Avecl'accordde Fauteur, nousy avons apporté quelquesraresmodifications dedétail.Lessous-titressontdelarédaction.
4.ND,III,p.540-541.M.Fourdinierau CardinalPréfetdelaPropagande, 19 octobre 1842.
De gauche
àdroite,de
hautenbas:M. Amable
Fourdinier,V
supérieurdu
Samt-Espnt,de
1832à 1845.M. Alexandre
Leguay, 9^supérieurdu
Saint-Esprit,de
1845 à 1848.M. Eugène
Tisserant, (1814-1845) initiateurde
l'ŒuvredesNoirs avecFrédéricLeVavasseur, prêtredu
Saint-Coeurde
Marie, préfet apostoliqued'Haïtien
1844, puisde
laGumée en
octobre 1845.Meurt en
mer, parsuitede
naufrage, le7décembre
1845.LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE
:PRELIMINAIRES... 1 1concurrents.
Bien
sûr,écritM.
Fourdinier, «lesdésirsde VotreEminence
sont desordres. (...)Cependant, Monseigneur,
jesuisloind'avoirlaconvictionque
cesprêtres, au milieu desnôtresetaveclesdispositions oiisont laplupartdes habitants, ferontlebienqu'on
espère.On
ditque
cesontdesprêtres éprouvés, etcependant, exceptéM. Libermann,
ce sont desjeunesgens, dont laplupart ne sont pas encore prêtres"*. »De
son côté,M. Libermann ne
se fait pas il-lusion :
même
siM.
Fourdinier« couraitgrand danger de
voirtomber
samai- son», (...) « il fera toutce qu'il pourrapour nous
faire tort,parce qu'il croiten
sonâme
et conscience devoir faire cela^ ».Ce
quin'empêche
nul-lement
lesconvenances
ecclésiastiquesde conservertous leursdroits ;M.
Li-bermann
écritàM. Le Vavasseur
: « Jesuis allécettesemaine-civoirM.
Four- dinier, qui a étéon ne
peut plus aimable ;m'a montré
toutes sortesde
choses qui regardent sa société. Il causa avecmoi pendant une
heureet demie, avecbeaucoup de
charité^. » Et d'ajouter, àM.
Collin : « Ilme
ditque
lorsque la divineProvidence
ouvriralamissiondans
lagrande
îledeMadagascar,
ilnous demandera du monde.
Jene
saisque
penserde
cela;jenepense
pasque
cela futtoutà faitsincère ; cependant, c'estun homme
zéléqui veutlebien. Peut- être est-ilrevenu de
sespréventions sur notrecompte.
Je crois toutefois qu'il avaitdes vues enme
parlant de lasorte^.. »Une
maladressede M.
Tisserant n'arrange rien : lors de son passage à la Martinique, ildénonce
àM.
Fourdinier lecasd'un mauvais
prêtre.Du
coup,M.
Fourdinier«nous
regardecomme
desétourdis,des gensàtêteardente,d'un
zèle inconsidéré. (...) Cetteimprudence de M.
Tisserantva nous
brouiller tout^ ».On
redoubledonc
de prudence, carM.
Fourdinier «nous
anéantirait s'ilen
avaitlepouvoir'^». «Le
sainthomme
seraitbiendangereux pour
nous,s'ilavait
beaucoup de
pouvoir.Ilfaittoutcontrenous pour nous
ruiner, etcela avec lesmeilleurssentiments etparun
effetde zèlepour
lebien.Je crois qu'il esttrompé
par lacraintedu
tortque nous
pourrionscauserau Saint-Esprit". »5.ND,III,p.540.M.Fourdinierau CardinalPréfetdelaPropagande. 19 octobre 1842.
6.A^D. IV.p. 126et 128. M.LibermannàM.LeVava.sseur,4 mars1843. FrédéricLeVavasseuret
EugèneTisserant(dontilestquestion dansletexte,quelqueslignesplus loin) étaient à l'origineduprojet deVŒuvredesNoirsqui adonnénaissance,grâce àLibermann,àlaSociétédu Saint-Cœurde Marie.
I.ND,IV,p.131.PS.delalettreàM.LeVavasseur,4mars 1843.
8.ND,IV,p. 149.M.LibermannàM.Collin, 19mars 1843.M.Marcellin Collinétaitmissionnaireà l'îleBourbon,avecM.LeVavasseur.
9.ND.IV,p.188.M.LibermannàM.LeVavasseur, 18avril 1843.
10.ND.VI,p.323.M.LibermannàM.Collin,août 1844.
II.yVD,VI,p.330.M.LibermannàM.LeVavasseur,26aoijt1844.
12 MICHEL LEGRAIN
L'une
desconséquences de
cette attitudedu
Supérieurdu
séminairedu
Saint-Espritest,
qu'à Madagascar
« leMinistèrenous
refuse letrousseau et l'allocation des subsidespour
les missionnaires.M.
Fourdinierestun
sainthomme
; c'est lui qui agagné
sa cause etje n'en suis pas fâché. (...) Il a faitbeaucoup de démarches pour que
les nôtresne
soient pas reçus ; il a enfin réussi'-. »M. Libermann
est d'autantmoins
fâchéqu'on
réservaitaux
missionnairesdu Saint-Cœur de Marie
les régions lesmoins
salubres ;la
jeune congrégation
n'avait nul besoin d'allerau devant d'un nouveau
désastre.
M. Libermann, avec grande
finesse,put tourner l'oppositionspiritaine.Par
l'intermédiairede
laMère Javouhey,
bienvue
officiellement, il signala ses intentions auGouvernement
: « Je disais à labonne Mère
[Javouhey]que
j'étaisbiendécidé à n'avoir
jamais
affaire àcebon
Supérieurdu
Saint-Esprit qui,avec
les meilleures intentionsdu monde, nous
ruinerait,dans
lacrainteque nous
lui fassionsdu
tort. J'ajoutaisque
j'allais tournermes vues d'un
autre côtépour envoyer mes
missionnaires ailleurs,que
j'étais bien fâchéde
nepouvoir
venirau
secours des colonies françaises quien
ont sigrand
besoin,mais
que,au bout du compte,
la volontéde Dieu
avanttout. Jepense donc que
laMère Javouhey
aurait parlé eton
s'estempressé de m'
arrêter,dans
lacrainteque nous ayons
déjà disposéde nos
missionnaires,quand
les nouvellesdépêches
viendrontde Bourbon'^
»L'argument
étaitconvaincant
:comment un gouvernement
s'entêterait-il à confier le soin spirituel des co- lonies à desgens
(les spiritains) qui avaientun
titre,mais
pasde
personnel suffisant ?Le
5janvier 1845, disparaissaitM.
Fourdinier,qui «dans
ses derniers jours,nous
desservitcomplètement
au Ministère». Ilétait saged'attendre «que
les affaires religieuses des colonies soient traitées.Le délabrement
de lamaison du
Saint-Espritamis un
désordrecomplet dans
lesaffaires'^ ».12.ND, VI,p. 472. M.LibermannàM.Schwindenhammer,8décembre 1844.M. Ignace Schwin- denhammer(1818-1881)étaitentréaunoviciatdelaSociétédu Saint-CœurdeMarieen 1843.Il serale brasdroitdeM.Libermannet luisuccéderacommeSupérieur général delaCongrégationduSaint-Esprit etdu Saint-Cœurde Marie.
13.ND,VI,p.487-488.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 20 décembre1844.
14.ND,VII,p. 129.M.LibermannàM. LeVavasseur, 9avril1845.
15.ND,VII,p. 127,M.LibermannàM.LeVavasseur,9avril1845.
LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE
: PRELIMINAIRES... 13Le Séminaire du Saint-Esprit à
l'agonie...A
lamort de M.
Fourdinier, leSéminairedu
Saint-Espritsemble
à l'agonie, audiredeM. Libermann
: «Ces
Messieursdu
Saint-Esprit, àcequ'il paraît,ne sontpas biend'accord. Ilsne sontque
trois'^.M. Wamet
estsupérieurparinté-rim
;M. Hardy
a étérenvoyé
de laCongrégation parM.
Fourdinier ; après sa mort,M. Hardy
est rentré.On
est bienmécontent
de tous côtés. Cettemaison
auraitbesoin
d'hommes
capablespour
sa conduite ; elle abesoin d'êtremenée
avecvigueur'''.» C'étaitdu domaine
public,puisqueleNonce lui-même
écrivait à laPropagande
: « Elle [lamaison du
Saint-Esprit] a perdu l'estime et la confiance,non
seulement detoutl'épiscopatfrançais,mais
aussidu Gouverne-
ment, à causedu manque de
réussiteobtenu parlaplusgrande partiedes sujetsenvoyés
danslescolonies.La
façondont fonctionne actuellement ce Séminaire(...)
semble
ne pas pouvoircontinuer.Dans
cettehypothèse, sivotreEminence
lejugeait bon,je serais d'avis d'en confier la direction à la Congrégation de
M.
l'abbéLibermann,
qui pourrait l'administrer, avec,comme
supérieurM.
Li-bermann
en personne et troisou
quatreprofesseursetun économe'^
»Tous
lesgens
avertis pensaienten
effetqu'àla veille de ladiscussion de la loi sur l'affranchissement des esclaves, il était urgentd'envoyer aux
colonies desprêtresnombreux
etcapables.EtM. Libermann de
confier àsonami M. Le Vavasseur
: «Le Nonce nous
est trèsattaché ; ilveut à toute forceque
le Sé- minairedu
Saint-Espritnous
soit donné. J'en suis effrayé.Le
bien à faireestimmense, mais d'une
difficultéplusimmense
encore. Je n'ai faitaucune
dé-marche pour
cela ;je n'enferai aucune.Le Nonce
écrit à laPropagande pour
cela ;je n'oserai riendemander,
je n'oserai rienrefuser. Jeme
tiens surlané- gative et laisse faire la divine Providence. Je ne sais sije dois être tristeou
contentdans
lecasoù
l'intentionde Mgr
leNonce
auraitsonaccomplissement.Jereste
dans une
parfaite indifférence àce sujet''^. »16.
MM.
NicolasWamet,MathurinGaultieretJean Hardy.17.ND.VII,p.33.M.LibermannàM.LeVavasseur, janvier 1845.
18.LettreduNonceàlaPropagande,22janvier 1845.Arch.Prop., Sp.S.,1779-1845,fol.397(verso) et398(recto).
19.ND,VII,p.32-33.M.LibermannàM.LeVavasseur, janvier 1845. L'idée decetteunionn'était pas neuve, comme le fait remarquer M. Libermann à M. Schwindenhammer, le 24 février 1845 :
«MgrGaribaldi,intemonce,qui aprécédéMgrl'Archevêque de Nicée,m'aproposécetteréunion,ily a troisans. Jelui aimontré alors l'impossibilitéde son exécutionavecM. Fourdinier. IIl'asentietn'y revint plus... » (Cf: ND.VII,p.77).Mais M. Libermannn'étaitpas seulen compétition : depuis un momentdéjà, ondevisaitautourdel'agonisant;qui prendraitlasuccession auxColonies ?Onparlait deslazaristes,anciens missionnairesàBourbonetàMaurice;mais,depuis 1808,ilsne voulaient plusdu
14 MICHEL LEGRAIN
Cette indifférence mystique^°
ne l'empêche
pas d'ailleursde
faire partau
Ministrede
laMarine de
sapensée
surl'étatactuelde
la Religiondans nos
colonies, o\x l'Œuvre du
Saint-Esprit était insuffisante. Etde
préciser : «Le
Saint-Esprit ne
donnant que
des curésaux pays
coloniaux, leurinfluence, si ellene
seborne
pasexclusivement aux
Blancs,ne
s'étendraque
surun
bien petitnombre de
Noirs.De
plus,l'étatde
souffranceoù
setrouvedepuis silong-temps
cette pieuse société, arendu
presque inutile etmême
souvent nuisible,lezèle
de
sesmembres. Ces
malheurs,toutlemonde
lesconnaît.Tout
lemonde
saitaussi
que
leSaint-Espritestincapabled'yremédier
àl'avenir.Sa
position actuelle lemet
hors d'étatde
soutenir sonœuvre,
et le discrédit où,malheu-
reusement, il esttombé, en
éloignantde
lui des ecclésiastiquesgénéreux
et vraiment désintéressés lemet dans
l'impossibilitéde
se releverde
sa chute.Cependant,
ilme semble
qu'ilyauraitun moyen
efficacede
prévenirlesmaux
qui pourraientrésulter
de
cette décadence, et c'est ce dontjeveux
entretenir Votre Excellence.Mon
projet seraitde
réunir notre Société à celledu
Saint- Esprit,de ne former qu'une
seuleetmême
Société, afinde
travaillerde concert àl'œuvrede
moralisationdes Colonies. Cette réunion nepourraitavoirque
les plusheureux
résultats-'. » Etd'énumérer
: lerenflouement du
personnel,un renouveau
desétudes,une
directionferme
qui ne serait plusobligé d'alimen- terleSéminaire
colonialpar
lerebutdes diocèsesde
France. Si cetteréunionne
peutêtreenvisagée, «qu'au moins
laprotectiondu Gouvernement nous
soitsuffisamment
accordéepour que nous
nesoyons
pas entravésdans
lebienque nous
désirerionsfaire.Ce
seraitavec une
bien vive douleurque nous nous
dé- ciderions à porter nos sueurs à l'étranger, tandisque
nos travaux pourraient produire tantde
fruitsdans
nos possessionsfrançaises-^ ».fardeaudescolonies. Lespicpucienspeut-être ?Ilsétaientoccupésen Océanie. Certainsnommaientles maristes.Schœlcher,sous-secrétaire d'étatauxColonies,avait offertlaGuadeloupeàlaCongrégationde Sainte-CroixduMans,etc.
20.PIERRE
BLANCHARD,
LeVénérableLibermann,TomeII,Sapersonnalité.Sonaction,Desclée deBrouwer,1960,518p., p.28;«Prendrelaconsciencelaplusnettedes appelsintérieursde Dieu,s'ou- vrir, avec laplus transparente sincérité, de cesaspirations à un directeur éclairé, faire les démarches nécessairesauprès des représentantsqualifiésdel'Égliseenlesmettantau courant detouteslesdonnées duproblème,prierpourqueDieu achèvecequ'il acommencéetinclineleshommesetlesévénements versl'accomplissement desavolonté,attendredanslaconfiance,lapatienceetl'indifférence,unedéci- sion qu'on se prépare àacceptercommeétant l'expression du bonplaisir de Dieu. C'estla méthode mystiquesidifférentedansses intentions, sesmoyensetses résultats,delaméthodediplomatique,méthode toutehumainedontlessuccèspolitiquescachent toujoursetpréparent souventlesplusréelséchecssur- naturels... »21. A^D, VII,p.52-53.M.Libermannau Ministre delaMarine, 7février1845.
22.ND,VII,p.54.M.Libermannau Ministre delaMarine, 7février1845.
LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE
: PRELIMINAIRES... 15 Voilà de très fortes paroles, percutantes et habiles,que
l'onction ecclésia- stique n'atténue guère.Dans une
lettre confidentielle adressée à laMère
Javouhey,M. Libermann
est encore bienmoins
tendre,quoique
l'indulgente estimationdeM.
l'abbéBlanchard
n'y veuillevoirqu'un
texte rédigédans un
climatde
charitélucide-''. Ily déclaresansambages
: «Le
Saint-Esprit,de
sa nature,ne
saurait suffire à l'accomplissement de l'œuvre religieuse toute en- tière des colonies ;mais
l'état de souffrance oii cette pieusecommunauté
est depuis si longtemps, les dernièresépreuves qu'elle a eues, et l'état affligeantoù
elleestréduiteen
cemoment,
l'ontrendue
etlarendent encore,désormais, bien plus incapablede
remplir lebut qu'elle se proposait.Non seulement
le Saint-Esprit estdevenu
inutileaux
colonies,mais
il leurestdevenu
nuisible.J'aihonte, etjeregarde presque
comme une
fautede
direcela.Jevous
priedem'en
excuser. Jene parleàpersonne
autreen
ce sens ;mais
je dis lavéritéet,dans
la circonstanceprésente, jepense
pouvoirladire^'*. »Et
Libermann
ajoute : «Les maux du
Saint-Esprit ont été bien grands, sa destruction presqueentière, et sarésurrection paraît impossible.Tout
celaen grande
partietientau
discrédituniverseldans
lequel cetteCongrégation
siex- cellenteen
elleeten
sesmembres,
esttombée. De
là,on
futobligéd'alimenter leSéminaire
parune
multitudede
jeunesgens
etde
prêtres âgésque
lesdio- cèsesde France
rejetaientcomme
incapablesou
indignes d'exercerles sain- tes fonctionsdu
sacerdoce ; etpar suiteun
clergé colonial méprisé,intéressé etpeu
édifiant,pour
ne pastoutdire.Des
sujetsdistingués,dévoués, n'osaient penserseulement
à s'y rendre,et s'il y en avaitquiformassent desdésirs, les directeursde
leur conscience lesen
éloignaient^^ » D'oii ce cridu cœur
:«
Malheur
si le Saint-Esprit trouveun homme
à mettre à sa tête ! et si cesMessieurs
continuent l'œuvre, ils s'opposeront plusque jamais
au bienque
d'autres pourraient faire, à causede
la faiblessedans
laquelle ils se trou- veront^^. »La
solution ? : «Notre
Société, jointe à ce qui restedu
Saint- Esprit, rétablira les chosesdans
leSéminaire
;on
mettra les études sur des bases solides, eton en
inspirera le goût, afin de bannir l'ignorance et ledésœuvrement du
clergé colonial.La bonne
réputation dontnous
jouissons, rétablirait celledu
Saint-Esprit ;nous
attirerions par làde bons
sujets, tout23.P.
BLANCHARD,
op. cit..p.420.24.ND.VII,p.83-84.M.LibermannàlaMèreJavouhey, 9mars 1845.
25.ND.VII,p.84-85.M.LibermannàlaMèreJavouhey, 9mars 1845.
26.ND.VII,p.86.M.LibermannàlaMèreJavouhey, 9mars 1845.
Ci-contre, à droite: Nicolas
WARNET
(1795-1863)
M.
Warnet
appartenaitau diocèsede
Reims.Né
le30mai
1795,ilétaitdanssa 25®année
lorsqu'il entra,en
octobre 1819, au séminairedu
Samt-Espnt,alors,avec M.Bertout,rue
Notre-Dame- des-Champs, Ordonné
prêtre la veil- lede
la Trinité 1823, il estenvoyé
à Bourbon,où
ilaborde
le 21 août 1824, etestnommé
vicaire à Saint-Denis. Là, M.Warnet
rencontre lejeune FrédéricLe
Vavasseur, dontilsoutiendralavoca- tionparla suite.Ilspartentl'unet l'autrepour
laFrance,en
1829-1830. M.Warnet passe
àNantes,à Marseille,àReims, et entre dans la Congrégationdu
Saint- Espriten
1834.A
lamort de
M.Fourdinier,ses confrè- reslepressentd'accepterladirectionde
l'oeuvre. 11accepte,avec lacondition
de
se démettre entre les mainsde
M. Le-guay
vicairegénéralde
Perpignanà qui l'onafaitappel,maisquine
peut seren- dre àParisque
dans quelquesmois,Le 28 avril 1845,M.Warnet donne
paracte authentiquesadémissionetdemeure
lepremierassistant
du nouveau
Supérieur général,M.Leguay En
1848,Hdevaittra- vaillerde
tout son pouvoir à l'uniondu
Saint-Esprit et
du Samt-Cœur de
Marie, qui le rendait confrère heureuxde
son bien-aimé fUs spirituel, Frédéric Le Va- vasseur. 11 devaitdécéder
à Saint-llan,près
de
Saint-Brieuc, le 30 août 1863.Ci-contre,à
gauche
:Frédéric
Le Vavasseur
(1811-1882)LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE
: PRELIMINAIRES... 17le
monde
seraconvaincu que nous
travaillons sérieusement à établirune réforme dans
leclergé colonial ; laconfiancequ'on nous
manifeste persévé- rera etaugmenterai^. »Les
hésitationsde M. Libermann
Mais M. Libermann
voitclair : « Plusje vais, plusje voisde grandes
dif- ficultésàceque
lachose
puisseréussir toutsimplement
ettoutuniment.Vous
verrez.
Nous sommes en mesure
;nous avons
le personnelnécessaire,mais
cela n'estpas tout ; les difficultés viendrontde
parailleurs.De
plus,jevous avoue
qu'ilme
coûte infinimentde
procurer la destructiondu
Saint-Espritpour nous
mettre à sa place. Il estpéniblede
bâtir ainsi sur les ruines d'au- trui.J'aitoujourseu beaucoup de
peinesàfairedesdémarches, dans
lacrainteque Notre-Seigneur ne
lesapprouve
pas. Je les ai faitesdans
lapensée que
si telle n'était pas la divine volonté, elles n'auraient pas
de
succès. Je les faisais sans violenter les choses, etseulement en donnant
des ouvertures,pour que
les supérieurs ecclésiastiques puissent agiren conséquence
des connaissancesque
jedonnais de
notre étatde
choses. Je l'ai faitavec
réserve. J'aidonc pensé de nouveau
à notreunion avec
le Saint-Esprit (...)Cette réunion des
deux Congrégations
auraitde
grands avantagesd'un
côté, et présenterait des difficultésd'un
autre côté.Cela nous
donneraitdu
fil à retordre^l »Et
de
préciser : « Ilestcertainque
lesdeux Congrégations
existant séparé-ment
auront toujours à risquerune
certaine rivalité,quoique
leurbut ne soit pas lemême
absolument, et par suite se ferontdu
tort.La
réunioncompléte-rait l'œuvre
du
Saint-Espritet favoriserait lanôtre-^. » Etil se laisse aller aubeau
rêve : plus d'opposition,mais une
collaboration vraie, efficace, légale-ment reconnue
; despréfetsapostoliques qui encouragent au lieudecontrarier,une
unificationdes efforts missionnairesen France
et la possibilitéd'une
ex- tensionpour
lescolonies étrangères""^...Tout
celan'empêche
nullementd'entrevoirlesobstaclesàcetteréunion:on
27.ND.VII,p.86-87.M.LibermannàlaMèreJavouhey, 9mars 1845.
28.ND,VII,p.69.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 24février1845.
29.ND,VII,p.69-70.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 24février1845.
30.ND,VII,p.70.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 24février1845.
18 MICHEL LEGRAIN
risque
de
perdre l'esprit de laCongrégation, d'engendrer des clans,de
chan- ger denom. La
solution apparaît parfois clairement,mais
elle est obli- gatoirement unilatérale : «Pour que
cette réunion n'apporte pas de change-ments fâcheux dans
l'espritde
laCongrégation,il suffitque
notre noviciatsoit conduit parceux
tirésdenotreCongrégation,etque
nosrèglesconserventleur vigueur. (...)Tout
cequ'on
pourraitrisquer, c'estque
cesMessieurs ne
pren- drontpeut-être pasnotreesprittoutàfaitbien. C'estànous, ànous
appliquer degagner
leur affectionet leur estime, afinde
pouvoir aumoins
les attirerànous
et les rapprocherle pluspossible de l'espritde nos règles . »Libermann
entre
même dans
certainsdétails : «Le nom
denotreCongrégation ne
serapas effacé.Mon
idéeestque
laportionde
l'œuvre, qui est cellede
ces Messieurs, c'est-à-dire le Séminaire, reste sous le vocabledu
Saint-Esprit, et laportion quiest lanôtre, c'est-à-direl'œuvre desNoirs, soitsouslaprotectiondu
Saint-Cœur de
Marie.Nous
perdrons notrenom parmi
leshommes,
qui nemanquerons
pas denous
appelerles Spiritains ;mais ne
tenonspasaux
mots,mais aux
choses^-. »Au
Cardinal Fransoni, ilexpose brièvement
saproposition : « Ilme
coûte-rait
de
travaillerànous
établirsurlesruinesd'une Congrégation
plus ancienneque
la nôtre, etcela pourraitmême
produiremauvais
effetdans
lepublic.La
réunion desdeux
Sociétésen une me
paraîtrait plusconforme
à la sainte vo- lontéde
Dieu,pourvu que nous n'ayons
pas à risquer d'y perdre l'espritde
piété,
de
ferveur,de
zèle,de dévouement,
et lacharitéque
je cherche àétablirparmi
nosmissionnaires-^-\ »Il
avoue
àlaMère
Javouhey,quiluiservaitd'intermédiaireetde
confidente:« Il m'est difficile
de
faire desdémarches
auprèsde M.
Warnet,ne
connais- sant pas assez ses dispositions. Je risquerais de reculer le succèsde
l'affaire au lieu de l'avancer. Sinous
faisionsles premièresdémarches,
cesMessieurs
auraientpour
ainsi direle dessus, et nenous
accorderaient pas la supériorité desdeux Congrégations
réunies ; ilsvoudraientêtre les maîtres.Jene
tienspas à être supérieur. Il s'en faut bien. Je suis accablé et bienen
peine avec cettemalheureuse
supériorité ;mais
sinous n'avons
paslasupérioritéde
notre côté,31.ND,VII,p.72-73.M.LibermannàM.Schwindenhammer, 24février1845.
32.ND,VII,p.75.M. LibermannàM. Schwindenhammer, 24février1845.Ilest intéressantde no- tercettedistinctionentrelenomet lachose.C'est en négligeantcette différence,dupointdevuejuridique etdupointdevuepratique,quebiendes disputessurgiront,aumomentdelafusionetsurtout,au début duXX'^siècle,àl'intérieurmêmedelaCongrégation.
33.ND,vil,p.95.M.Libermannau Cardinal Fransoni, 19mars1845.
LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE
: PRELIMINAIRES... 19
notre
œuvre
des Noirs serait bien aventurée et notre esprit perdu. D'ailleurs nosMessieurs
neconsentiraientjamaisque
jecède
sur ce point'*'*. »Peut-onallerplus loin et dire, avec le P.
Joseph
Janin,qu'en 1845 on
fit àM. Libermann
des propositions oij il s'agissait « de la disparition pure etsimple
de
la Sociétédu
Saint-Esprit qui seraitremplacée
par celledu
Saint-Cœur
de Marie'*'* ».Qui
auraitproposé
cette substitution ? S'il est vraique M. Libermann
reconnaîtque
leNonce
veut luidonner
laMaison du
Saint- Esprit^^, ilsemble
qu'il lecomprend
biencomme une
réunion desdeux
congrégations, ceque
leNonce
avaitdéjàlui-même
envisagéen
1842".Dans
toute sa
correspondance de
1845, jamaisM. Libermann
ne parlede substitu- tion,mais de
réunion. Il s'agit de choisir entre se réunirou
continuerune
vie parallèle ;mais
il n'estpas questionde
s'établirsur lesruines d'autrui.L'évolution des
affaires colonialesTout
en continuant demener de
front ses diverses activités,M. Libermann
suit
de
près l'évolutiondesaffairescoloniales.Toujoursàlamême
confidente,il écrit, le
26
juin 1845
: « Je saisque
le Supérieurdu
Saint-Esprit sedonne beaucoup
demouvement
; il trace desplans, ilprend
des mesures, il fait despromesses
; il écrit àRome,
il visite, il poursuit, persécute les principauxemployés de
laMarine
(jeveux
diredu
Ministère). Ses intentions sont pures, sesvues
pleines de zèle,mais
ses plans sont certainement insuffisants, plus qu'insuffisants^^ »Malheureusement,
ilfauttenircompte de
l'inertie des bu- reaux ! Il poursuit : «Comme
leMinistère, enbonne
administration, ne doit pasaimer
àcompliquer
les choses, ni à fairedeschangements
considérables,ilse laissera toujoursfacilemententraîneràlaisser leschoses
comme
ellessont, aveccertaines améliorations.Ce
qui pourraitme
rassurer là-dessus, c'estque
l'union entre notreCongrégation
et celledu
Saint-Esprit,que
j'ai proposée, n'apporteraitaucun changement
à l'étatdes choses, ne les compliquerait parle
moins du monde
; bienaucontraire,elleprocureraitaux
coloniesun
secours34.ND.VII,p. 11].M.LibermannàlaMèreJavouhey,5 avril 1845.
35. R.P.JOSEPHJANIN.CSSp, Leclergé colonialde1815à 7S50, Ed.Basuyau,Toulouse, 1935, 422p., p.21.
36.ND.VII,p.47.M.LibermannàM.Schwindenhammer,6février1845.
37.ND,vil,p.77.M.LibermannàM.Schwindenhammer. 24février1845.Cf.note 19.
38.ND.VII,p.226.M.LibermannàlaMèreJavouhey,26juin 1845.
20 MICHEL LEGRAIN
efficace qu'ilsn'ontpas reçujusqu'àprésent, etdont
on ne
peut pas sepasserpour
lamoralisationdes esclaves, et ce secours partiraitde
lamême
Société.Il y aurait par là
une
uniformité parfaitedans
l'administration généraledu
clergé colonial"*^. » Et de continuer sa méditation écrite : «Ce que
je crains, c'estqu'on
ne conclue avecM.
le Supérieurdu
Saint-Esprit, avant de rien conclurepour
nous, et alors notreunion
avec le Saint-Esprit n'estplus guère possible.Vous concevez
bienque
cette réunion ne peut se fairepurement
et simplement.Ilfautque
l'union soitparfaite, lafusionentière;mais
ilfautque
l'accord soit fait entre lesdeux
parties, et les conditions favorables à toutes deux, et au bien généralde
l'œuvre coloniale.Cela
exigeune
transaction en- tre lesparties,etun
règlementpréalablepour
lamarche de
lasociéténouvelle etpour
sonadministration.Or
il estcertainque
le Saint-Esprit étantdéfiniti-vement
maîtredes choses, voudraitaussiêtremaître des conditions,aumoins
deviendrait exigeant, peut-êtremême
ne voudrait pas entendre parlerde
réu- nion.Ceci
deviendrait encore plus sérieux siM. Leguay,
leur supérieur,étaitnommé évêque
des colonies,comme
ilparaîtle croire"^". » Puis de conclure :« Plusj'y pense, plus je vois
combien
il seraitmalheureux que
leMinistère, sans concilierles choses préalablement,donnât
hautemain au
Saint-Esprit,etnommât évêque
des colonies lesupérieurde cettecommunauté"".
»Sans
perdrede
temps,lemême
jour (26juin 1845),M. Libermann
s'adresse au Ministre de laMarine
: ilessaiede
détruireen
son esprit lesarguments du
vieux projet spiritainde
réunir tout leclergé colonialenune même
congréga- tion.«Le système d'un
clergé régulierdesservantlesparoissesd'une
chrétienté formée, est toutà faitopposé
à l'institutionprimitivede
l'Eglise et à toutce quis'estpratiquéjusqu'àprésent.Ce système
mettraitlescoloniesdans un
état exceptionnel, ce qui estdangereux
; il serait difficiledans
son exécution et pourrait avoirde
graves inconvénientsdans
la suite.M.
l'abbéFourdinieravait autrefoisformé
ledessein d'agrégertoutleclergé colonial àlaSociétédu
Saint- Esprit, ce projet,tel qu'il étaitconçu, étaitabsolument
inexécutable^^. » Voici lepourquoi
: « Sion
exige desvœux,
trèspeu de
personnes accepteront l'a-grégation ;
un grand nombre
deceux
qui accepteront, deviendront infidèlesà leursengagements,
au bout de quelquesannées
qu'ils auront été isolésdans
39.ND,VII,p.226-227.M.LibermannàlaMèreJavouhey,26juin 1845.
40.ND.VII.p.227-228.M. LibermannàlaMèreJavouhey,26juin1845.
41.A^D, VII,p.228.M.LibermannàlaMèreJavouhey,26juin1845.
42.ND.VII,p.230.M.Libermannau Ministre delaMarine,26juin 1845.
LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE
: PRELIMINAIRES...2
1
lescures. Si l'on secontente
d'une promesse en
y joignantune cérémonie
re- ligieuse,on
auraplus demonde, mais
avecpeu de
résultats. (...)Une
société pareille seraitplusdifficileàgouverner qu'un
clergéséculier.En
général,l'idéed'une
semblable agrégation est forcée ; et les choses forcées nepeuvent
pas avoirde durée'^l » Etde
lancerune
pointe : «Tout
lebienque
je verraisdans
ce dernierparti serait quelques avantages apparentsqu'en
retirerait laSociétédu
Saint-Esprit. J'ai toujourspensé que
ce fut là le principalmobile
de laconduite de
M.
Fourdinierdans
cette affaire. (...)En
résumé, sion
établit lanouvelle Sociétésurdes basessolides
pour
laconservationetlesoutiende
sesmembres
dispersés dans lesparoisses,on
n'aurajamaisqu'un
très petitnom-
bre de sujets, parce qu'il faudrait établir des règles sévères ; il faudrait deshommes
dévoués, et leshommes dévoués
préférerontgénéralement
la vie decommunauté
à la vie isolée des paroisses, surtout des paroisses coloniales.Si
on
établit des règles superficielles quine
gênent pas, sion met
lesmem-
bres
dans une
certainelatitude,on
n'obtiendraaucun
résultat ; c'estune
pure illusionqu'on
se fait,ces règlesne
produiront rien, et, aubout
de fortpeu
de temps, toutretombera dans
le statu quo"^. »Un
clergé séculierpour
lesparoissesDes hommes de communauté
leurservant
d'auxiliairesAlors ?
Comment
semontrer
réaliste ?«Si, àun
clergé séculierpour
lespa- roisses,on
joint deshommes de communauté,
leur servant d'auxiliaires etuniquement,
exclusivementdévoués aux
besoins spirituels etmoraux
de la populationnoire,on
aurait l'avantagede
mettreles Eglises colonialesdansun
état normal,
comme
sonten
général toutes les Eglisesdu monde
chrétien, eton
procureraaux
esclaves l'unique secours efficace eten
rapport avec leurs besoins.Dans
lescolonies, lescommunautés
aurontencore l'avantage depro- duired'heureux
effetssurleclergé paroissiallui-même. N'étantlàque comme
des auxiliaireset
uniquement dévoués aux
esclaves, elles n'exciterontpasles oppositions et les jalousies.Les
curés et les vicaires verront toujours avec plaisirdesprêtres quilessoulagentdans
leurs travaux,sansleurêtreà charge.(...)
Ces
considérations, jointes àcellesquiontétédéjà transmisesde ma
part43.ND,VII,p.230-23LM.Libermannau Ministre delaMarine.26juin1845.
44.ND,VII,p.231-232.M.Libermannau Minsitre descolonies,26juin1845.
Anne-Marie Javouhey
(1779-1851) Les relationsde
laMère
Javouhey aveclePèreLiber-mann
datentde
la der-mère
partiede
savie. C'estLibermann
quipritl'initiativede
lui écrirepour
la pre- mière fois, le 20 février 1844:«...Peut-êtrevotreex- périence personnelle pour- ra-t-elleme donner
quel-ques
avis sages et utiles.»Une
correspondance suiviecommença,
ainsique
des rencontres,..
Ignace Schwindenhammer
(1818-1881)Entré au noviciat
de
La Neuville, ily
fait sa consécration le 19mars
1844,Libermann
porte alors surluiun jugement
quine
variera pas parlasuite:«C'estun
excellentsujet,d'une piété éminente, très capable, trèsbon pour
la conduitedesaffaires.Ilestpour
restericietnon pour
alleren
mission» (lettreàLe Vavasseurdu
10
mars
1844).Professeurde
théologieà Notre-Dame-du-Card,
ilen
devientsupérieuren
1848.Assistantgénéral
en
octobre1849,ilestdésigné parLibermann
sur son litde mort
(2 février 1852)pour
lui succédercomme
supérieur généralde
lacongrégation.LE SAINT-ESPRIT ET LE SAINT CŒUR DE MARIE
:PRELIMINAIRES...23
à Votre Excellence,m'ont engagé
à lui offrirmes
services et à lui proposer l'unionde
notreSociétéàcelledu
Saint-Esprit.Car
lesheureux
effetsqui doi- vent résulterd'un
clergé auxiliaire, jointaux
prêtres des paroisses, auraientbeaucoup
plus d'efficacité si ce clergé auxiliaire appartient à lacommunauté
qui aurait
formé
cesmêmes
prêtresdes paroisses'^l »Prudent, le
Baron
deMackau,
Ministre de laMarine
et des Colonies, ré- ponditen
des termesvolontairementvagues
: «J'ailuavecbeaucoup
d'intérêt les considérations quivous
ont conduit à cette proposition et votremémoire
sera l'undeséléments
du
travailque
j'auraiprochainement
àpréparersurcette importantematière"^^. »Les
difficultéss'accumulent
*
Très vite ilfallutdéchanter : le6
septembre
1845,M. Libermann
avouaitàM. Le Vavasseur
:« J'avaislapensée delaréunion avecleSaint-Esprit,comme
je
vous
ledisdans ma
dernièrelettre,mais
le supérieur actuel,quoique
sainthomme, y
seraun
obstacle absolu, je pense, et il ne peut plus guère en être question ; notreespriten
pouiTaitsouffrir.Le Nonce
voulaitnous
avoirabso-lument
à la placedu
Saint-Esprit ;mais
il ne semêle
plus de cette affaire.Toutes les belles
promesses que
le Ministre semblait lui avoir faites au sujet des colonies,me
paraissentmaintenanttomber
àl'eau. Ilparaîtraitque
leMi-
nistre
ne prend
conseil depersonne
capabledeluidonner
des idées exactes,et jecrainsbeaucoup que
leschosesn'aillentmal.Ilestde
faitqu'ilsn'entendent pas et nepeuvent
bienentendre les matièresecclésiastiques ; ils necompren-
nent pas assezl'essencedu régime
ecclésiastique des colonies.Avec
cesdeux
défauts,ils nepeuvent
faireque du
gâchis"*^. »Comme exemple
de gâchis, notons cet incident rapporté au Cardinal Fran- soniparM. Libermann
: « J'aidéjà l'honneurdevous
informer.Monseigneur,
45.ND. Vilp.232-233.M.Libermannau MinistredelaMarine.26juin 1845.
46. ND.VII,p.473.LeMinistredelaMarineàM.Libemiann,15juillet1845.Lepremierparagraphe decettelettrerésumelelongprojetexposéparM.Libermannle26juin,sanspour autant endonner une quelconqueapprobation:«...vous proposez, pourleservicedontils'agit,l'uniondevotreSociétéà celle duSéminaireduSaint-Esprit...»C'estallerunpeuviteenbesogne qued'en conclure:la lettredu Mi- nistrepeutêtreconsidéréecomme uneapprobationduprojet, quine sera exécuté qu'en 1848, comme
c'estécritàlapage 43deNotesetdocumentsrelatifsàl'histoiredelaCongrégationduSaint-Espritsous lagarde del'ImmaculéCœurde Marie,1703-1914(Paris,Maison-Mère, 1917).
47.ND.VII,p.288.M.LibermannàM.LeVavasseur,6septembre 1845.