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Les normes de l'Organisation internationale du Travail sur la protection contre le chômage

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Les normes de l'Organisation internationale du Travail sur la protection contre le chômage

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. Les normes de l'Organisation internationale du Travail sur la protection contre le chômage. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, 2009, no. 42, p.

135-152

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43794

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LES NORMES DE L’ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL SUR LA PROTECTION CONTRE LE CHOMAGE*

Prof. Pierre-Yves GREBER Faculté de Droit, Université de Genève

Nos Instruments

Quelques références

1. INTRODUCTION... 1

2. LA PROTECTION CONTRE LE CHOMAGE EST-ELLE UNE QUESTION SOCIALE OU ECONOMIQUE ?... 8

3. COMMENT DEFINIR L'EVENTUALITE CHOMAGE ?...15

4. QUI FAUT-IL PROTEGER CONTRE LE CHOMAGE ?...18

5. QUELLES SORTES DE PRESTATIONS METTRE EN ŒUVRE ?...32

6. QUEL NIVEAU PREVOIR POUR LES PRESTATIONS EN ESPECES?....37

7. QUELLES SONT LES OBLIGATIONS A REMPLIR, LEUR NON- RESPECT PEUT-IL ETRE SANCTIONNE ?...42

8. QUELLE DEVRAIT ETRE LA DUREE DE SERVICE DES PRESTATIONS ?...48

9. AU STADE DE L'INDEMNISATION, PEUT-ON TENIR COMPTE DES REVENUS ET DE LA FORTUNE DU CHOMEUR ET DE SA FAMILLE ? ...50

10. QUID DE L'ORGANISATION ?...56

11. CONCLUSION...61

__________

* Rapport présenté dans le cadre du 12e Colloque de droit européen de la sécurité sociale, GENEVE, 12 septembre 2008.

Article publié également dans Jusletter du 27 avril 2009.

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Instruments

Constitution de l'Organisation internationale du Travail (1919) (RS 0.820.1).

Convention OIT N° 2 concernant le chômage (1919) (RS 0.823.11).

Recommandation OIT N°1 concernant le chômage (1919).

Convention OIT N° 44 assurant aux chômeurs involontaires des indemnités ou des allocations (1934) (RS 0.837.411).

Recommandation OIT N° 44 concernant l'assurance-chômage et les diverses formes d'assistance aux chômeurs (1934).

Recommandation OIT N° 67 concernant la garantie des moyens d'existence (1944).

Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952) (RS 0.831.102).

Convention OIT N° 168 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (1988) (RS 0.822.726.8).

Recommandation OIT N° 176 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (1988).

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Quelques références

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : Introduction à la sécurité sociale. 3e éd.

BIT. Genève 1986.

BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL : La sécurité sociale. Guide d'éducation ouvrière. BIT. Genève 1995.

CATTANEO, Daniele : Les mesures préventives et de réadaptation de l'assurance- chômage. Prévention du chômage et aide à la formation en droit suisse, international et européen. Faculté de Droit de Genève. Helbing & Lichtenhahn. Basel / Frankfurt am Main 1992.

GREBER Pierre-Yves : La protection contre le chômage en droit international de la sécurité sociale. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale, N° 18-1997, pp. 69 sv.

KAHIL-WOLFF, Bettina / GREBER, Pierre-Yves : Sécurité sociale, aspects de droit national, international et européen. Helbing & Lichtenhahn, Basel / Bruylant, Bruxelles / L.G.D.J. , Paris 2006.

NAGEL, S. Günter / THALAMY, Christian : Le droit international de la sécurité sociale. Presses universitaires de France. Paris 1994.

PERRIN, Guy : Histoire du droit international de la sécurité sociale. In : La sécurité sociale. Son histoire à travers les textes. Association pour l'étude de l'histoire de la sécurité sociale. Paris 1993.

SERVAIS, Jean-Michel : Normes internationales du travail. L.G.D.J. Paris 2004.

VAN LANGENDONCK, Jef : La protection sociale des chômeurs. In : CONSEIL DE L’EUROPE : La protection sociale dans le contexte de la transition politique et économique. Actes du Colloque de Strasbourg, 25-26 novembre 1994. Conseil de l’Europe. Strasbourg 1995, pp. 53 sv.

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1. INTRODUCTION

1. Le risque du chômage préoccupe l’Organisation internationale du Travail depuis son origine :

o la lutte contre le chômage est déjà inscrite dans la Constitution de l’OIT, de 19191. Elle fait partie des problèmes à résoudre, inscrits dans le Préambule ; o déjà en 1919, l’Organisation consacre sa deuxième Convention au chômage2. 2. Cet intérêt sera maintenu tout au long de l’activité de cette Organisation internationale établie à Genève. D’où le choix du présent sujet. Mais il faut signaler aussi, sans le traiter ici, que le Conseil de l’Europe, de Strasbourg, apporte également une contribution dans ce domaine qui est très utile.

3. Quelles sont les normes de l’OIT à prendre en considération ?3 Il s’agit de : o deux instruments de portée générale, incluant l’éventualité du chômage : la

Recommandation OIT N° 67 concernant la garantie des moyens d’existence et la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale4 ; o six instruments traitant spécifiquement du chômage :

- la Convention OIT N° 2 concerne le chômage5 ; - la Recommandation OIT N°1 concernant le chômage ;

- la Convention OIT N° 44 assurant aux chômeurs involontaires des indemnités ou des allocations6 ;

- la Recommandation OIT N° 44 concernant l’assurance-chômage et les diverses formes d’assistance aux chômeurs ;

- la Convention OIT N° 168 concernant la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage7 ;

- la Recommandation OIT N° 176, au même intitulé.

4. Nous laisserons de côté la Convention OIT N° 2 et la Recommandation OIT N°1. Elles n’ont plus qu’un intérêt historique8.

5. Sur ces bases, comment traiter le sujet ? Je ne ferai pas une analyse systématique, instrument après instrument. En effet, ce type d’étude a déjà été réalisé, brillamment, par Daniele CATTANEO9. J’ai donc choisi une autre méthode et un autre but.

1 La Suisse est membre de l’OIT (RS 0.820.1).

2 Convention OIT N° 2 concernant le chômage. Ratifiée par la Suisse (RS 0.823.11).

3 La liste figure au début du présent article.

4 Ratifiée par la Suisse (RS 0.831.102).

5 Voir la note 2.

6 Ratifiée par la Suisse (RS 0.837.411).

7 Ratifiée par la Suisse (RS 0.822.726.8).

8 Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, pp. 128-129. – Daniele CATTANEO : Les mesures préventives et de réadaptation de l’assurance-chômage, pp. 151-152.

9 Daniele CATTANEO : Les mesures préventives et de réadaptation de l’assurance-chômage,

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6. Le but d’abord. Il s’agit de partir à la recherche d’un cadre de référence : le droit international adopté par l’OIT contient-il des grands principes, des orientations, des règles ? Est-il alors possible aux Etats de s’y référer, d’y trouver des indications utiles pour le développement et le pilotage de leurs régimes de protection contre le chômage ? L’exercice est ici d’autant plus intéressant pour nous que la Suisse a ratifié les Conventions qui vont être utilisées pour l’analyse.

7. Ensuite, la méthode. Pour voir si ce cadre de références existe, pour estimer sa valeur, j’ai choisi d’examiner une série de grandes questions, qui sont régulièrement posées. Elles seront confrontées aux instruments de l’OIT. La liste de ces questions figure dans la table des matières :

o la protection contre le chômage est-elle une question sociale ou économique ? o comment définir l’éventualité du chômage ?

o qui faut-il protéger ?

o quelles sortes de prestations mettre en œuvre ?

o quel niveau prévoir pour les prestations en espèces, soit les indemnités journalières de chômage ?

o quelles sont les obligations à remplir, leur non-respect est-il sanctionnable ? o quelle devrait être la durée des prestations ?

o au stade de l’indemnisation, peut-on tenir compte des revenus et de la fortune du chômeur, et de sa famille ?

o quelles sont les indications sur l’organisation ?

2. LA PROTECTION CONTRE LE CHOMAGE EST-ELLE UNE QUESTION SOCIALE OU ECONOMIQUE ?

8. Parfois, l’on entend l’affirmation suivante : la protection contre le chômage est une question économique. Cela signifie qu’un traitement social de ce risque serait soit dépassé, soit inadéquat. Qu’en est-il ? Une réponse est-elle fournie par le droit international ?

9. Les normes de l’Organisation internationale du Travail nous apportent les éléments suivants :

o la lutte contre le chômage fait partie des priorités de l’OIT. Comme déjà signalé,10 elle est inscrite dans le Préambule de sa Constitution. Or, l’OIT a une finalité sociale ;

o avant la Seconde guerre mondiale, l’OIT a adopté la Convention N° 44 et la Recommandation N° 44 qui sont expressément consacrées au chômage ;

pp. 135 sv.

10 Voir ci-dessus le N° 1.

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o au moment de l’émergence de la sécurité sociale, la Recommandation OIT N°

67 concernant la garantie des moyens d’existence traite de l’éventualité du chômage (§7, lettre f et §14) ;

o la Convention OIT N° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale inclut le chômage parmi les éventualités à protéger. Elle y consacre toute sa Partie IV ;

o en 1988, la Convention OIT N° 168 confirme et développe l’appartenance de l’éventualité du chômage à la sécurité sociale11.

10. Les Conventions et Recommandations OIT mentionnées contiennent des règles sur la définition du chômage, les personnes protégées, les prestations, les conditions d’octroi, la durée de service des prestations.

11. Les normes de l’OIT fournissent ici un cadre de référence clair : la protection contre le chômage est une question sociale. Il s’agit de protéger des individus contre ce risque. Est-ce une vision qui date, qui est dépassée ? Les faits montrent que non. Ces dernières années, en Suisse comme en Europe, les emplois se sont fragilisés, un volet de chômage demeure. Il est impossible aux individus d’y faire face seuls, sauf parfois pour une durée courte. Les assurances privées ne peuvent pas prendre en charge ce risque12. C’est donc non seulement une question sociale, mais elle est importante et sa pertinence demeure.

12. La protection contre le chômage serait-elle aussi une question économique ?13 C’est ici l’instrument le plus récent et le plus développé qui fournit la réponse déjà par son titre : la Convention OIT N°168 concerne la promotion de l’emploi et la protection contre le chômage. L’art. 2 demande aux Etats de coordonner leur régime de protection contre le chômage avec leur politique de l’emploi. Les deux font l’objet de normes dans la Convention OIT N° 168 et dans la Recommandation OIT N° 176 qui la complète.

13. Le 7e considérant de la Convention OIT N° 168 synthétise très bien14 les aspects socio-économiques de la question étudiée. Ainsi, la Conférence internationale du Travail reconnaît « que les politiques suscitant une croissance économique soutenue et non inflationniste, une réaction souple aux changements ainsi que la création et la promotion de toutes formes d’emploi productif et librement choisi, y compris les petites entreprises, les coopératives, le travail indépendant et les initiatives locales en faveur de l’emploi, même par la redistribution des ressources actuellement consacrées au financement d’activités d’assistance pure, au profit d’activités aptes à promouvoir l’emploi, notamment l’orientation, la formation et la rééducation professionnelles, offrent la meilleure protection contre les effets néfastes du chômage involontaire, que

11 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 161 sv.

12 Le risque du chômage ne peut pas être apprécié selon des calculs de probabilité, au contraire, par exemple de la maladie, de l’accident et de l’invalidité. Les prévisions économiques, quelle que soit la qualité de leurs auteurs, ne peuvent pas y suppléer.

13 La présente étude concerne la sécurité sociale. D’où, dans ce domaine, la question posée.

14 Sous réserve de la longueur de la phrase !

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néanmoins le chômage involontaire existe et qu’il importe en conséquence de faire en sorte que les systèmes de sécurité sociale apportent une aide à l'emploi et un soutien économique aux personnes qui sont au chômage pour des raisons involontaires ». On pourrait exprimer ceci plus directement : la meilleure politique possible de l’emploi ne rend pas l’intervention de la sécurité sociale inutile ou superflue ; les deux se complètent.

14. Ainsi, selon le cadre de référence international, la protection relative au chômage est une question sociale et économique. Est-ce important concrètement ? Oui, cela suppose une combinaison de mesures « micro », qui fournissent des prestations à un individu, et « macro », qui essaient de diminuer le risque et de développer les emplois rémunérés.

3. COMMENT DEFINIR L’EVENTUALITE CHOMAGE ?

15. Le cadre de référence s’obtient ici en considérant essentiellement : o le §14 de la Recommandation OIT N° 67 ;

o l’art. 20 de la Convention OIT N° 102 ; o l’art. 10 de la Convention OIT N° 168.

16. Les éléments de la définition du chômage peuvent être synthétisés comme suit, sur ces bases :

o l’existence d’une perte de gain pour un individu ;

o elle provient de l’impossibilité d’obtenir un emploi convenable pour la personne protégée ;

o cette dernière est capable de travailler, elle est disponible pour le travail et elle est effectivement à la recherche d’un emploi.

17. Les règles les plus développées15 incluent le chômage partiel. D’autres éléments que l’on verra ci-dessous influencent la reconnaissance concrète d’une situation de chômage.

4. QUI FAUT-IL PROTEGER CONTRE LE CHOMAGE ?

18. Il est généralement admis que la protection contre le chômage vise les salariés.

Ceux-ci sont exposés au risque d’être licenciés par leur employeur et de ne pas retrouver immédiatement un travail.

19. Le droit international se situe dans la même perspective :

15 Recommandation OIT N° 67, § 14 ; Convention OIT N° 168, art. 10, § 2.

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o l’art. 2 de la Convention OIT N° 44 prévoit une protection de l’ensemble des salariés, cependant son §2 permet une dizaine d’exceptions que les Etats peuvent introduire dans leur législation16 ; mais l’instrument est ancien, il date de 1934 ; o l’art. 21 de la Convention OIT N°102 demande la protection d’au moins 50%

des salariés17 ;

o l’art. 11 de la Convention OIT N° 168 prescrit la protection de 85% au moins des salariés. Le §16 de la Recommandation OIT N° 176 recommande aux Etats d’étendre progressivement l’indemnisation à tous les salariés.

20. Comment évaluer ces normes ? Les limites (une dizaine d’exceptions possibles) de la Convention OIT N° 44 sont évidemment dues à l’ancienneté de l’instrument. Le risque du chômage est l’un des derniers à avoir été couverts par les assurances sociales.

21. La Convention OIT N° 102, comme son titre l’indique, pose une norme minimum de sécurité sociale ; en 1952 une base pour les pays économiquement développés et un but pour les pays en développement.

22. Les deux premiers instruments ont rempli ou remplissent leur rôle. Qu’en est-il de la Convention OIT N° 168 ? C’et une norme relativement récente, elle date de 1988.

Et c’est une norme supérieure18. Elle n’exige donc pas la protection de tous les salariés, mais d’au moins 85% de ceux-ci. Cela ne pose pas de problèmes pour les salariés qui ne sont pas exposés au risque du chômage tels les fonctionnaires19.

23. Mais cela pose un problème sérieux pour les autres salariés qui ne seraient pas protégés. Il s’agit souvent, dans les Etats, de travailleurs occasionnels, auxiliaires, saisonniers, de personnel de maison, de travailleurs dits atypiques. Ces personnes sont exposées, parfois très exposées, au chômage et elles ont des revenus limités. Ici, le cadre de référence élaboré par l’OIT ne me paraît pas adéquat20.

16 Les Etats peuvent prévoir des exceptions (donc une absence de protection) pour p.ex : le personnel de maison, les travailleurs à domicile, les jeunes travailleurs en dessous d’un âge fixé par la législation.

17 Si la référence aux salariés est choisie par l’Etat qui ratifie la Convention ; il est aussi possible de se référer aux résidents dont les ressources sont inférieures à des limites déterminées (cf.

Convention OIT N° 102, art. 21, lettres a et b).

18 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 147 sv. , 155 sv.

19 L’art. 11 § 2 de la Convention OIT N° 168 permet d’ailleurs aux Etats de les exclure de la protection. Il me semblerait préférable de ne pas faire usage de cette possibilité : les personnes visées seraient alors protégées si le risque survenait quand même (p.ex en cas de restructuration suivie d’externalisation de certaines tâches, pour des fonctionnaires nommés pour une période en principe renouvelable et qui, dans cette hypothèse, se seraient pas renouvelés) ; et il y a aussi une question de solidarité à l’égard des salariés exposés au chômage, qui peut justifier l’assujettissement au régime et ainsi au paiement des cotisations.

20 Bien sûr, rien n’empêche un Etat d’aller au delà de ces normes et de protéger l’ensemble des salariés.

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24. Les travailleurs indépendants sont également exposés au risque de perte de leur revenu. La cause est évidemment différente : ils ne sont pas licenciés, mais subissent les risques économiques.

25. Jef VAN LANGENDONCK relève que les exemples danois, luxembourgeois et suédois démontrent que l’inclusion de ces travailleurs est parfaitement possible sur le plan technique. Et il ajoute que : « Sur le plan social, aucun doute ne subsiste quant au bien-fondé de cette assimilation des indépendants. L’opinion qui voulait que les indépendants constituent une classe sociale supérieure aux salariés, et que leurs économies doivent suffire à subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille à la fin de leur vie professionnelle, appartient définitivement au passé. Les situations sociales et économiques des indépendants sont aussi variées que celles des salariés et, en moyenne, ne sont pas meilleures. Les conditions économiques qui contraignent les employeurs à licencier les travailleurs sont les mêmes que celles qui contraignent les commerçants et artisans indépendants à baisser leurs volets. Il est évident que dans les pays où le gouvernement garantit les prestations de chômage et les finance dans une large mesure- comme cela semble être le cas dans presque tous les pays européens à l’exception de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas21- on ne voit aucune raison de ne pas permettre aux travailleurs indépendants de payer les mêmes cotisations que les salariés (et leurs employeurs), pour obtenir les mêmes avantages d’un système de protection, par ailleurs largement basé sur les impôts qu’ils paient »22.

26. Lors des travaux préparatoires relatifs à la Convention OIT N° 168, le BIT a soumis à consultation une alternative : le champ d’application personnel pourrait être défini soit par rapport aux salariés, soit par rapport à des catégories de la population économiquement active. Le second terme « convient en particulier à un certain nombre de systèmes nationaux qui couvrent certains travailleurs indépendants, compte tenu de l’évolution des conceptions. ».23 L’alternative a été abandonnée par la suite. Mais si l’on met le champ d’application personnel (art. 11) en regard des méthodes de protection (art. 12), il apparaît que l’instrument est très souple : il peut accueillir des régimes contributifs comme non contributifs, une combinaison de ceux-ci, des régimes de salariés ou des régimes couvrant tous les résidents dont les ressources n’excèdent pas des limites prescrites. A propos des indépendants, la Convention OIT N° 168 est en quelque sorte neutre : elle peut les « accueillir » pour une ratification (elle ne les écarte ni ne les encourage). Cependant, une approche plus positive apparaît à son art. 26 : les Etats doivent protéger au moins trois des dix catégories énumérées de nouveaux demandeurs d’emploi, l’une de ces dix catégories est composée des personnes ayant auparavant travaillé à leur compte (lettre j). La Recommandation OIT N° 176 fait un pas supplémentaire, à son paragraphe 8, en disposant que « Les Membres devraient dans toute la mesure possible et dans des conditions prescrites, offrir aux chômeurs qui

21 En Suisse, le financement de l’assurance-chômage repose sur les cotisations des salariés et des employeurs ; l’intervention de l’Etat est très subsidiaire.

22 Jef VAN LANGENDONCK : La protection sociale des chômeurs, p. 63.

23 OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (73e session-1987). Rapport IV (2) : Promotion de l’emploi et sécurité sociale. BIT. Genève 1987, p. 17.

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souhaitent créer leur propre entreprise ou s’engager dans une autre activé économique un soutien financier et des services consultatifs ».

27. Le droit international s’ouvre ainsi progressivement à la protection des travailleurs indépendants en matière de chômage, sans pour autant exercer ici une influence marquée sur les législateurs nationaux. Mais il ne traite pas une question qui prend de l’importance : celle du développement d’une sorte de « zone grise » - entre les statuts « classiques » de salariés et d’indépendants – au sein des travaux dits atypiques.

Il s’agit des situations dans lesquels des employeurs renoncent à engager des travailleurs voire les licencient et entendent les considérer comme des indépendants.

Cette tendance est grandement favorisée par les progrès de l’informatique qui ont pour effet que le travailleur peut fort bien exercer la majeure partie de son activité en dehors des locaux de l’entreprise. Il aura certaines caractéristiques d’un indépendant (choix plus ou moins large de son horaire, certaine autonomie quant à l’organisation de son travail), tout en dépendant économiquement de l’entreprise qui lui confie des

« mandats ». Et évidemment cet « indépendant » supporte le poids de l’ensemble de sa protection sociale (affiliation aux caisses compétentes, cotisations). L’entreprise échappe à ces contraintes et pratique la « flexibilité ». Une intervention du législateur international consistant à prévoir des garanties serait hautement souhaitable.

28. Ainsi, les salariés ont vocation à être tous protégés à l’égard du risque du chômage et il conviendrait de définir certaines possibilités d’accès pour les indépendants. Il faut enfin ajouter que certaines personnes sans activité rémunérée peuvent également avoir besoin d’une protection.

29. La Convention OIT N° 168 contient, à son article 26, des dispositions particulières aux nouveaux demandeurs d’emploi. Sous ces termes, se placent des catégories de personnes qui n’ont jamais été affiliées à des régimes de protection contre le chômage ou qui ont cessé d’y être affiliées, des personnes qui n’ont jamais été reconnues comme chômeuses ou qui ont cessé de l’être. Ces catégories, en quête d’emploi, n’appartiennent pas au champ d’application traditionnel des régimes relatifs à l’éventualité chômage. L’instrument demande aux Etats d’en couvrir au moins trois (lesquelles seront indiquées dans les rapports de contrôle) et de s’efforcer d’étendre la protection à d’autres catégories. Celle-ci, au nombre de dix, sont les suivantes : les jeunes ayant terminé leur formation professionnelle ; les jeunes ayant terminé leurs études ; les jeunes libérés du service militaire obligatoire ; toute personne à l’issue d’une période consacrée à l’éducation d’un enfant ou aux soins d’une personne malade, handicapée ou âgée ; les personnes dont le conjoint est décédé si elles n’ont pas droit à une prestation de survivant ; les personnes séparées ou divorcées ; les détenus libérés ; les adultes ayant terminé une formation ; les travailleurs migrants à leur retour dans leur pays d’origine, sous réserve de leurs droits acquis au titre de la législation de leur dernier pays de travail ; les personnes ayant auparavant travaillé comme indépendants.

30. L’instrument prescrit que ces catégories (trois au minimum) « doivent bénéficier de prestations sociales ». Il peut s’agir d’une protection apportée par des régimes d’assurance-chômage, d’assistance-chômage voire même de régimes généraux

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d’assistance, pour autant que les personnes concernées soient titulaires d’un droit à la protection24.

31. Qui faut-il protéger contre le chômage ? Le droit international fournit ici un cadre de référence un peu contrasté. Il y a des limites problématiques pour les salariés, peu d’indications pour les indépendants, en revanche, depuis 1988, une ouverture vers les personnes sans activité rémunérée qui ont besoin d’accéder à un emploi.

5. QUELLES SORTES DE PRESTATIONS METTRE EN ŒUVRE ?

32. Lorsqu’une personne est au chômage, elle a besoin rapidement d’un revenu de remplacement. Elle ne reçoit plus de salaire, pourtant, elle doit continuer de se nourrir, de se loger, de vivre !

33. Les normes de l’OIT prévoient ainsi des prestations en espèces destinées aux chômeurs. L’art. 14 de la Convention OIT N° 168 dispose que : « Dans le cas de chômage complet, des indemnités doivent être versées sous forme de paiements périodiques calculés de manière à fournir au bénéficiaire une indemnisation partielle et transitoire de la perte de gain et à éviter en même temps des effets dissuasifs pour le travail et la création d’emplois ».

34. La sécurité sociale a ainsi pour fonction de garantir un revenu social de remplacement. Cette fonction est généralement réalisée par l’assurance-chômage.

Parallèlement, il s’agit de prévenir le risque si l’on peut intervenir avant qu’il y ait chômage, ou de procéder à une réinsertion si le risque s’est réalisé.

35. Ainsi, les instruments de l’OIT font également une place à la prévention et à la réinsertion :

o on trouve déjà des éléments dans les instruments adoptés en 1934. L’art. 8 de la Convention OIT N° 44 permet d’imposer la fréquentation d’un cours d’enseignement professionnel ou autre ; son art. 9 permet aux Etats d’imposer un emploi dans des travaux de secours publics. Le § 12 de la Recommandation OIT N° 44 suggère la prise en charge de frais de transport s’il y a mobilité géographique ;

o l’art. 2 de la Convention OIT N° 168 demande aux Etats de coordonner la protection contre le chômage et la politique de l’emploi. Et l’art. 5 demande des mesures spéciales de soutien aux personnes désavantagées, tels les jeunes travailleurs, les handicapés, les chômeurs de longue durée.

36. En résumé, le cadre de référence international contient aussi bien la garantie d’un revenu de remplacement (les indemnités de chômage), que la prévention et la réinsertion dans l’emploi.

24 Idem, p. 25.

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6. QUEL NIVEAU PREVOIR POUR LES PRESTATIONS EN ESPECES ? 37. Il convient d’examiner la question du montant des indemnités journalières d’assurance-chômage. Il y a aussi ici un cadre de référence en droit international.

38. La Recommandation OIT N° 67 apporte deux éléments très utiles :

o premier principe : les prestations devraient remplacer les gains perdus « jusqu’au niveau le plus élevé qu’il soit possible d’atteindre sans affaiblir la volonté de reprendre le travail, si cette reprise est possible, et sans imposer aux groupes producteurs des charges si lourdes que le rendement et l’emploi s’en trouvent entravés » (§22). Une bonne approche socio-économique ;

o deuxième principe : « les prestations devraient être proportionnées aux gains antérieurs sur la base desquels l’assuré a cotisé » (§23). Cela permet de répondre aux besoins des personnes protégées.25

39. Les Conventions OIT N° 102 et N° 168 posent, quant à elles, des normes quantitatives, des pourcentages à réaliser par les Etats, et à prouver lors des procédures de contrôle26 :

o le montant des prestations en espèces n’est pas défini par des termes généraux, tels que suffisant, convenable ou adéquat ;

o le montant des paiements périodiques – ici des indemnités de chômage27- auquel on ajoute les allocations familiales, doit être au moins égal au pourcentage indiqué par l’instrument28 par rapport au gain antérieur du bénéficiaire, les allocations familiales étant ajoutées. La législation nationale peut fixer un maximum29. Ce mode de fixation convient aux régimes d’assurance sociale. Il est aussi possible d’appliquer les pourcentages indiqués par l’instrument au salaire du manœuvre adulte ; cela convient aux régimes de protection qui octroient des prestations à taux uniformes. Il faut encore préciser que les pourcentages qui vont être indiqués se rapportent à un « bénéficaire-type » (une situation considérée comme la plus fréquente) ; les Etats doivent adapter les montants pour les autres bénéficiaires ;

25 Ces principes figurent dans la Recommandation OIT N° 67 sous « I. Assurance sociale », « C.

Taux des prestations et conditions des cotisations ». Ils ne sont pas applicables seulement à la protection contre le chômage, mais à toutes les éventualités couvertes par cet instrument.

26 Pour l’exposé de la méthode, excellente, adoptée par l’OIT, voir : Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale, pp. 520-521 ; Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 151-153, 157 (N°326).

27 La même technique est employée pour les autres prestations en espèces (p.ex. indemnités de maladie ; pensions d’invalidité, de vieillesse).

28 La Convention contient un tableau chiffré (pourcentages) des paiements périodiques.

29 En effet, les salaires de certains peuvent être très élevés.

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o la Convention OIT N° 102 établit ainsi le pourcentage des indemnités de chômage à 45%, pour un chômeur ayant une épouse et deux enfants30 ;

o la Convention OIT N° 168 établit le pourcentage des indemnités de chômage à 50%, pour une personne protégée ;

o les Etats peuvent élever ces pourcentages, améliorant ainsi une protection qui est basse dans les deux instruments ; elle ne permet pas le maintien du niveau de vie mais oblige l’intéressé, le cas échéant sa famille, à une réduction importante des dépenses31.

40. Le point fort du cadre de référence est ici une méthode précise de calcul des prestations, vérifiable ; le point faible est celui des pourcentages prescrits par les instruments.

41. À côté des indemnités journalières d’assurance-chômage, le droit international prévoit également des prestations servies par des régimes dits non-contributifs, c’est-à- dire payés par les impôts. Cette forme de protection est évoquée dans la neuvième section de cette étude.

7. QUELLES SONT LES OBLIGATIONS A REMPLIR, LEUR NON- RESPECT PEUT-IL ETRE SANCTIONNE ?

42. Le droit international traite effectivement de ces questions32. On peut les synthétiser comme suit :

o les premières conditions proviennent déjà de la définition même de l’éventualité chômage : il faut une perte de gain, sa cause est l’impossibilité d’obtenir un emploi convenable ; la personne est capable de travailler, elle est disponible pour le travail, elle est effectivement à la recherche d’un emploi ;

o il faut être une personne protégée ;

o si un stage est prévu, il doit être accompli ; o si un délai de carence est prévu, il doit être échu ;

o une législation peut imposer que le chômeur se trouve sur le territoire de l’Etat compétent (sous réserve bien sûr de règles plus favorables) ;

o l’intéressé doit utiliser les services mis à sa disposition en matière de placement, d’orientation, de formation, de conversion professionnelle ;

o l’intéressé doit accepter un travail convenable.

30 La dénomination « chômeur » (homme), plutôt que personne au chômage, s’explique par la date d’adoption de la Convention OIT N° 102, soit 1952.

31 Prenons une personne qui aurait 5'000.—CHF de salaire mensuel. En cas de chômage, la norme minimum lui garantirait 2'250.—CHF et la norme supérieure 2'500.—CHF. A quoi il faut ajouter les allocations familiales.

32 Recommandation OIT N° 67, § 14 ; Convention OIT N° 44, art. 4 sv. ; Recommandation OIT N°

44, §§ 6 sv. ; Convention OIT N° 168, art. 10 sv. ; Recommandation OIT N° 176, §§ 14 sv.

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43. Plusieurs instruments traitent de l’obligation d’accepter un travail convenable.

On peut directement citer la norme supérieure, qui est aussi la plus récente. Ainsi, l’art.

21 de la Convention OIT N° 168 dispose que :

« 1. Les indemnités auxquelles une personne protégée aurait eu droit en cas de chômage complet peuvent être refusées, supprimées, suspendues ou réduites, dans une mesure prescrite33, lorsque l’intéressé refuse d’accepter un emploi convenable.

2. Dans l’appréciation du caractère convenable ou non d’un emploi, il doit être tenu compte notamment, dans des conditions prescrites34 et dans la mesure appropriée, de l’âge du chômeur, de son ancienneté dans sa profession antérieure, de l’expérience acquise, de la durée du chômage, de l’état du marché du travail, des répercussions de cet emploi sur la situation personnelle et familiale de l’intéressé et du fait que l’emploi est disponible en raison directe d’un arrêt du travail dû à un conflit professionnel en cours. »

44. Le § 14 de la Recommandation OIT N° 176 ajoute notamment qu’un emploi ne devrait pas être considéré comme convenable (et donc imposable) : si le changement de profession ne tient pas compte des capacités, qualifications, expériences de l’intéressé ; s’il y a transfert de résidence dans un lieu sans possibilités de logement appropriées ; si les conditions et la rémunération sont sensiblement moins favorables ; si l’emploi est vacant en raison directe d’un arrêt de travail dû à un conflit professionnel en cours.

45. La Recommandation OIT N° 67 apporte une solution intéressante : durant la période initiale de chômage, l’emploi convenable se situe dans la branche d’occupation ordinaire de l’assuré, sans changement de résidence, payé au taux de salaire fixé par une convention collective lorsqu’une est applicable ou s’il y a un autre emploi acceptable pour l’assuré. Dans un deuxième temps, les exigences sont plus sévères et un emploi dans un autre secteur, ou impliquant un changement de résidence, ou des conditions moins favorables devient exigible.

46. Si un délai d’attente (ou de carence) est prévu par une législation nationale, il ne doit pas dépasser sept jours (art. 18, § 1, Convention OIT N° 168).

47. Quid si une personne provoque son licenciement ou quitte volontairement son emploi sans motif légitime ? L’art. 20, §1, lettres b et c, Convention OIT n° 168, permet à une législation nationale le refus, la suppression, la suspension ou la réduction des indemnités de chômage. Une telle sanction est également possible si l’intéressé a essayé d’obtenir ou a obtenu frauduleusement des prestations (idem, lettre e).

33 C’est-à-dire déterminée par ou en vertu de la législation nationale (art. 1, lettre b, Convention

OIT 168).

34 Voir la note précédente.

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8. QUELLE DEVRAIT ETRE LA DUREE DE SERVICE DES PRESTATIONS ?

48. La norme la plus favorable figure dans la Recommandation OIT N° 67 : « Le service des prestations devraient continuer jusqu’à ce qu’un emploi convenable soit offert à l’assuré ». (§14, chiffre 2). En revanche, les instruments de type conventionnel sont beaucoup moins protecteurs. Certes, les Conventions OIT N° 102 (art. 24, § 1, in initio) et N° 168 (art. 19 § 1) commencent par disposer que les prestations doivent être servies pendant toute la durée de l’éventualité chômage. Mais immédiatement les deux instruments permettent aux Etats de limiter la durée de service dans le temps. La norme minimum demande au moins 13 semaines de prestations pour les salariés au cours d’une période de 12 mois (art. 24). La norme supérieure prévoit en cas de chômage complet une durée initiale d’au moins 26 semaines par cas de chômage ou de 39 semaines au cours de toute période de 24 mois (art. 19 § 2 lettre a, Convention OIT N° 168) ; mais elle prévoit, si le chômage se prolonge, une protection supplémentaire, laquelle peut tenir compte des ressources du bénéficiaire et de sa famille, l’Etat étant compétent pour fixer une limite dans le temps (idem, lettre b).

49. Le cadre de référence est volontairement limité ici, afin d’encourager voire de permettre les ratifications. Une protection durant aussi longtemps que le chômage n’aurait certainement été acceptée par aucun Etat.

9. AU STADE DE L’INDEMNISATION, PEUT-ON TENIR COMPTE DES REVENUS ET DE LA FORTUNE DU CHOMEUR ET DE SA FAMILLE ? 50. La question est donc posée au moment de l’indemnisation : est-il possible de refuser des prestations normalement calculées, à une personne protégée qui remplit les conditions légales, ceci pour des raisons de revenu ou de fortune ?

51. S’il s’agit d’un régime d’assurance-chômage, la réponse est clairement : non ! Déjà en 1934, l’art. 12 de la Convention OIT N° 44 dispose que « Le paiement des indemnités ne doit pas être subordonné à l’état de besoin du requérant » (§ 1). C’est la logique même de l’assurance-chômage, fondée sur le paiement de cotisations, lequel ouvre le droit à des prestations légales.

52. S’il s’agit en revanche d’un régime non-contributif, payé par les impôts, ou d’une aide ou assistance aux chômeurs, il est alors possible de tenir compte des ressources de l’intéressé et de sa famille. Suivant la situation, les prestations seront alors diminuées ou refusées.

53. Les deux modes de protection peuvent bien sûr être combinés : singulièrement une intervention prioritaire de l’assurance-chômage ; à l’épuisement du droit à ses prestations, un relais par une protection sous condition de ressources.

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54. La Convention OIT N° 168 permet ainsi de mettre en œuvre des régimes contributifs (fondés sur des cotisations), des régimes non contributifs (financés par les impôts) ou des combinaisons de ceux-ci (art. 12 § 1). La question a été débattue lors des travaux préparatoires. L’évolution des législations nationales s’est nettement faite en faveur des régimes d’assurance-chômage, certains Etats abandonnant, au cours de l’évolution, des protections d’assistance au profit de l’assurance sociale. Le BIT remarque que l’évolution « a consacré la suprématie de l’assurance sociale dans le domaine du risque économique de chômage, en raison des garanties de droit et des avantages de protection qui s’attachent à cette technique »35. L’observation est tout à fait pertinente : l’assuré social bénéficie d’un droit à la protection lorsque les conditions d’octroi sont remplies (être au chômage, apte, disponible et autorisé à reprendre un travail, etc.), alors que la situation est plus incertaine pour l’assisté ; la première protection tend à être élevée, la seconde est minimale. Cependant, les deux modes de protection peuvent être utiles comme le relève le BIT : « l’effet le plus bénéfique en matière d’organisation a consisté à concilier l’intervention des modes traditionnels de l’assistance et de l’assurance sociale. Sous la contrainte des nécessités, on a pris plus clairement conscience de la complémentarité des avantages respectifs de ces techniques, soit les garanties et le niveau de protection pour l’assurance-chômage, d’une part, soit la durée de protection et le concours du financement public indispensable en cas de chômage massif et durable pour l’assistance chômage, d’autre part. En effet, il est conforme à la conception de l’assistance chômage de maintenir ses prestations aussi longtemps que l’état de besoin subsiste sous réserve, le cas échéant, d’une réduction progressive de leur montant avec le temps »36.

55. Le cadre de référence est à nouveau très clair : on ne peut pas déduire ou refuser des indemnités d’assurance-chômage en raison des revenus et de la fortune ; par contre, ces éléments sont pris en considération dans les régimes d’aide aux chômeurs.

10. QUID DE L’ORGANISATION ?

56. Généralement, en matière de sécurité sociale, les Etats entendent décider librement de l’organisation administrative, financière et contentieuse de leurs systèmes.

Cela vaut pour la protection contre le risque du chômage. Ainsi, le droit international ne contient que peu de normes dans ce domaine.

57. Les art. 71 § 3 et 72 § 2 de la Convention OIT N°102 et l’art. 28 de la Convention OIT N° 168 demandent aux Etats d’assumer une responsabilité générale pour la bonne administration des institutions et services qui concourent à l’application de ces Conventions. Un Etat ne pourrait, par exemple, pas se limiter à l’adoption d’une législation et à la mise en place ou reconnaissance de caisses et ensuite se désintéresser

35 OIT- CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (73e session-1987) : Rapport IV (1) : Promotion de l’emploi et sécurité sociale. BIT. Genève 1986, pp. 26-27.

36 Idem, p. 28.

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du fonctionnement du système. A l’opposé, l’instrument n’implique nullement que l’Etat gère directement la protection37.

58. Le § 27 de la Recommandation OIT N° 67 dispose que : « La gestion des assurances sociales devrait être unifiée ou coordonnée dans un système général de services de sécurité sociale et les cotisants devraient être représentés par l’entremise de leurs organisations aux organes qui arrêtent ou conseillent les lignes générales de la gestion et qui présentent des projets législatifs ou établissent des règlements »38. Ainsi, les régimes d’assurance-chômage devraient relever d’une organisation générale de la sécurité sociale ou être coordonnées avec les autres régimes. Cela est effectivement important pour la cohérence de la protection sociale, tant dans son établissement que dans son pilotage. Et la disposition recommande la participation des cotisants. Le § 27, chiffre 5, propose l’institution de conseils consultatifs représentant notamment syndicats et employeurs. Cela apparaît particulièrement justifié à l’égard d’un risque comme le chômage. La participation est également prévue par l’art. 72 § 1 de la Convention OIT N° 102 et par l’art. 29 de la Convention OIT N° 168.

59. L’art. 14 de la Convention OIT N° 44 et l’art. 27 de la Convention OIT N° 168 prévoient un droit de recours. La seconde disposition porte d’abord sur un droit de présenter une réclamation, puis sur un recours devant un organe indépendant ; les procédures doivent être simples et rapides et comprendre le droit de se faire représenter ou assister.

60. Comme annoncé, le cadre de référence est ici général, la question de l’organisation étant essentiellement traitée au niveau national39/40.

11. CONCLUSION

61. L’objet de cette étude est la mise en évidence d’un cadre de référence normatif établi par l’Organisation internationale du Travail, ceci pour la protection à l’égard du risque du chômage. Plusieurs grandes questions sont examinées ; elles montrent l’existence et la pertinence (ce qui ne veut pas dire l’absence de défauts ou limites) de ce cadre.

37 La règle n’est pas spécifique à la protection contre le chômage, mais vaut d’une manière générale pour la sécurité sociale.

38 Même remarque.

39 Michel VOIRIN : L’organisation administrative de la sécurité sociale : Un enjeu social et politique. Bureau international du Travail. Genève 1991.

40 Guy PERRIN : Le rôle de l’Organisation internationale du Travail dans l’harmonisation des conceptions et des législations de sécurité sociale. Droit social 1970, pp. 457 sv.

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62. Les résultats peuvent être synthétisés comme suit :

o la protection relative au chômage est une question sociale et économique ; o le risque du chômage se définit par l’existence d’une perte de gain, qui provient

de l’impossibilité d’obtenir un emploi convenable, la personne étant capable de travailler, disponible pour le travail et effectivement à la recherche d’un emploi ; o le droit international vise la protection des salariés, sans aller jusqu’à demander

la protection de l’ensemble de ces derniers (ce qui peut être problématique) ; il n’est que « neutre » à l’égard des indépendants (même remarque) et il s’ouvre à certains demandeurs d’emploi venant de la population sans activité rémunérée ; o les prestations incluent tant la garantie d’un revenu de remplacement

(indemnités de chômage) que des mesures de prévention et de réinsertion dans l’emploi ;

o le niveau des prestations en espèces fait l’objet de pourcentages à réaliser par les Etats, pourcentages qui peuvent soit se référer au revenu antérieur du chômeur, soit au salaire d’un manœuvre adulte. Les chiffres prévus ne permettent pas le maintien du niveau de vie antérieur, mais ce but important peut être atteint par les législations nationales ;

o les normes de l’OIT traitent des obligations à remplir par les bénéficiaires de prestations et des sanctions en cas de non-respect ; on y trouve notamment l’obligation d’accepter un travail convenable ;

o la durée de service des prestations est fixée en deux temps : les normes prévoient d’abord la solution idéale pour les personnes concernées (protection pendant toute la période de chômage), puis autorisent des limitations par les législations nationales, dont certaines sont bien plus restrictives que le premier objectif ; o il n’est pas possible de réduire ou refuser des indemnités d’assurance-chômage

en raison des revenus de la fortune. C’est possible en revanche dans les régimes d’aide aux chômeurs. Combiner, dans le temps, ces deux formes de protection s’avère fort utile ;

o L’organisation n’est abordée que de façon très globale compte tenu de la diversité des législations nationales. Une responsabilité générale de l’Etat et la participation des cotisants sont prévues, de même qu’un droit de réclamation puis de recours.

63. L’Organisation internationale du Travail a réussi de la sorte à poser un cadre de référence utile. Une autre étude pourrait consister, sur cette base, à voir comment améliorer ce cadre là où la protection contre le chômage n’est pas adéquate.

Références

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