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18. Il est généralement admis que la protection contre le chômage vise les salariés.

Ceux-ci sont exposés au risque d’être licenciés par leur employeur et de ne pas retrouver immédiatement un travail.

19. Le droit international se situe dans la même perspective :

15 Recommandation OIT N° 67, § 14 ; Convention OIT N° 168, art. 10, § 2.

o l’art. 2 de la Convention OIT N° 44 prévoit une protection de l’ensemble des salariés, cependant son §2 permet une dizaine d’exceptions que les Etats peuvent introduire dans leur législation16 ; mais l’instrument est ancien, il date de 1934 ; o l’art. 21 de la Convention OIT N°102 demande la protection d’au moins 50%

des salariés17 ;

o l’art. 11 de la Convention OIT N° 168 prescrit la protection de 85% au moins des salariés. Le §16 de la Recommandation OIT N° 176 recommande aux Etats d’étendre progressivement l’indemnisation à tous les salariés.

20. Comment évaluer ces normes ? Les limites (une dizaine d’exceptions possibles) de la Convention OIT N° 44 sont évidemment dues à l’ancienneté de l’instrument. Le risque du chômage est l’un des derniers à avoir été couverts par les assurances sociales.

21. La Convention OIT N° 102, comme son titre l’indique, pose une norme minimum de sécurité sociale ; en 1952 une base pour les pays économiquement développés et un but pour les pays en développement.

22. Les deux premiers instruments ont rempli ou remplissent leur rôle. Qu’en est-il de la Convention OIT N° 168 ? C’et une norme relativement récente, elle date de 1988.

Et c’est une norme supérieure18. Elle n’exige donc pas la protection de tous les salariés, mais d’au moins 85% de ceux-ci. Cela ne pose pas de problèmes pour les salariés qui ne sont pas exposés au risque du chômage tels les fonctionnaires19.

23. Mais cela pose un problème sérieux pour les autres salariés qui ne seraient pas protégés. Il s’agit souvent, dans les Etats, de travailleurs occasionnels, auxiliaires, saisonniers, de personnel de maison, de travailleurs dits atypiques. Ces personnes sont exposées, parfois très exposées, au chômage et elles ont des revenus limités. Ici, le cadre de référence élaboré par l’OIT ne me paraît pas adéquat20.

16 Les Etats peuvent prévoir des exceptions (donc une absence de protection) pour p.ex : le personnel de maison, les travailleurs à domicile, les jeunes travailleurs en dessous d’un âge fixé par la législation.

17 Si la référence aux salariés est choisie par l’Etat qui ratifie la Convention ; il est aussi possible de se référer aux résidents dont les ressources sont inférieures à des limites déterminées (cf.

Convention OIT N° 102, art. 21, lettres a et b).

18 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 147 sv. , 155 sv.

19 L’art. 11 § 2 de la Convention OIT N° 168 permet d’ailleurs aux Etats de les exclure de la protection. Il me semblerait préférable de ne pas faire usage de cette possibilité : les personnes visées seraient alors protégées si le risque survenait quand même (p.ex en cas de restructuration suivie d’externalisation de certaines tâches, pour des fonctionnaires nommés pour une période en principe renouvelable et qui, dans cette hypothèse, se seraient pas renouvelés) ; et il y a aussi une question de solidarité à l’égard des salariés exposés au chômage, qui peut justifier l’assujettissement au régime et ainsi au paiement des cotisations.

20 Bien sûr, rien n’empêche un Etat d’aller au delà de ces normes et de protéger l’ensemble des salariés.

24. Les travailleurs indépendants sont également exposés au risque de perte de leur revenu. La cause est évidemment différente : ils ne sont pas licenciés, mais subissent les risques économiques.

25. Jef VAN LANGENDONCK relève que les exemples danois, luxembourgeois et suédois démontrent que l’inclusion de ces travailleurs est parfaitement possible sur le plan technique. Et il ajoute que : « Sur le plan social, aucun doute ne subsiste quant au bien-fondé de cette assimilation des indépendants. L’opinion qui voulait que les indépendants constituent une classe sociale supérieure aux salariés, et que leurs économies doivent suffire à subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille à la fin de leur vie professionnelle, appartient définitivement au passé. Les situations sociales et économiques des indépendants sont aussi variées que celles des salariés et, en moyenne, ne sont pas meilleures. Les conditions économiques qui contraignent les employeurs à licencier les travailleurs sont les mêmes que celles qui contraignent les commerçants et artisans indépendants à baisser leurs volets. Il est évident que dans les pays où le gouvernement garantit les prestations de chômage et les finance dans une large mesure- comme cela semble être le cas dans presque tous les pays européens à l’exception de la Grande-Bretagne et des Pays-Bas21- on ne voit aucune raison de ne pas permettre aux travailleurs indépendants de payer les mêmes cotisations que les salariés (et leurs employeurs), pour obtenir les mêmes avantages d’un système de protection, par ailleurs largement basé sur les impôts qu’ils paient »22.

26. Lors des travaux préparatoires relatifs à la Convention OIT N° 168, le BIT a soumis à consultation une alternative : le champ d’application personnel pourrait être défini soit par rapport aux salariés, soit par rapport à des catégories de la population économiquement active. Le second terme « convient en particulier à un certain nombre de systèmes nationaux qui couvrent certains travailleurs indépendants, compte tenu de l’évolution des conceptions. ».23 L’alternative a été abandonnée par la suite. Mais si l’on met le champ d’application personnel (art. 11) en regard des méthodes de protection (art. 12), il apparaît que l’instrument est très souple : il peut accueillir des régimes contributifs comme non contributifs, une combinaison de ceux-ci, des régimes de salariés ou des régimes couvrant tous les résidents dont les ressources n’excèdent pas des limites prescrites. A propos des indépendants, la Convention OIT N° 168 est en quelque sorte neutre : elle peut les « accueillir » pour une ratification (elle ne les écarte ni ne les encourage). Cependant, une approche plus positive apparaît à son art. 26 : les Etats doivent protéger au moins trois des dix catégories énumérées de nouveaux demandeurs d’emploi, l’une de ces dix catégories est composée des personnes ayant auparavant travaillé à leur compte (lettre j). La Recommandation OIT N° 176 fait un pas supplémentaire, à son paragraphe 8, en disposant que « Les Membres devraient dans toute la mesure possible et dans des conditions prescrites, offrir aux chômeurs qui

21 En Suisse, le financement de l’assurance-chômage repose sur les cotisations des salariés et des employeurs ; l’intervention de l’Etat est très subsidiaire.

22 Jef VAN LANGENDONCK : La protection sociale des chômeurs, p. 63.

23 OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (73e session-1987). Rapport IV (2) : Promotion de l’emploi et sécurité sociale. BIT. Genève 1987, p. 17.

souhaitent créer leur propre entreprise ou s’engager dans une autre activé économique un soutien financier et des services consultatifs ».

27. Le droit international s’ouvre ainsi progressivement à la protection des travailleurs indépendants en matière de chômage, sans pour autant exercer ici une influence marquée sur les législateurs nationaux. Mais il ne traite pas une question qui prend de l’importance : celle du développement d’une sorte de « zone grise » - entre les statuts « classiques » de salariés et d’indépendants – au sein des travaux dits atypiques.

Il s’agit des situations dans lesquels des employeurs renoncent à engager des travailleurs voire les licencient et entendent les considérer comme des indépendants.

Cette tendance est grandement favorisée par les progrès de l’informatique qui ont pour effet que le travailleur peut fort bien exercer la majeure partie de son activité en dehors des locaux de l’entreprise. Il aura certaines caractéristiques d’un indépendant (choix plus ou moins large de son horaire, certaine autonomie quant à l’organisation de son travail), tout en dépendant économiquement de l’entreprise qui lui confie des

« mandats ». Et évidemment cet « indépendant » supporte le poids de l’ensemble de sa protection sociale (affiliation aux caisses compétentes, cotisations). L’entreprise échappe à ces contraintes et pratique la « flexibilité ». Une intervention du législateur international consistant à prévoir des garanties serait hautement souhaitable.

28. Ainsi, les salariés ont vocation à être tous protégés à l’égard du risque du chômage et il conviendrait de définir certaines possibilités d’accès pour les indépendants. Il faut enfin ajouter que certaines personnes sans activité rémunérée peuvent également avoir besoin d’une protection.

29. La Convention OIT N° 168 contient, à son article 26, des dispositions particulières aux nouveaux demandeurs d’emploi. Sous ces termes, se placent des catégories de personnes qui n’ont jamais été affiliées à des régimes de protection contre le chômage ou qui ont cessé d’y être affiliées, des personnes qui n’ont jamais été reconnues comme chômeuses ou qui ont cessé de l’être. Ces catégories, en quête d’emploi, n’appartiennent pas au champ d’application traditionnel des régimes relatifs à l’éventualité chômage. L’instrument demande aux Etats d’en couvrir au moins trois (lesquelles seront indiquées dans les rapports de contrôle) et de s’efforcer d’étendre la protection à d’autres catégories. Celle-ci, au nombre de dix, sont les suivantes : les jeunes ayant terminé leur formation professionnelle ; les jeunes ayant terminé leurs études ; les jeunes libérés du service militaire obligatoire ; toute personne à l’issue d’une période consacrée à l’éducation d’un enfant ou aux soins d’une personne malade, handicapée ou âgée ; les personnes dont le conjoint est décédé si elles n’ont pas droit à une prestation de survivant ; les personnes séparées ou divorcées ; les détenus libérés ; les adultes ayant terminé une formation ; les travailleurs migrants à leur retour dans leur pays d’origine, sous réserve de leurs droits acquis au titre de la législation de leur dernier pays de travail ; les personnes ayant auparavant travaillé comme indépendants.

30. L’instrument prescrit que ces catégories (trois au minimum) « doivent bénéficier de prestations sociales ». Il peut s’agir d’une protection apportée par des régimes d’assurance-chômage, d’assistance-chômage voire même de régimes généraux

d’assistance, pour autant que les personnes concernées soient titulaires d’un droit à la protection24.

31. Qui faut-il protéger contre le chômage ? Le droit international fournit ici un cadre de référence un peu contrasté. Il y a des limites problématiques pour les salariés, peu d’indications pour les indépendants, en revanche, depuis 1988, une ouverture vers les personnes sans activité rémunérée qui ont besoin d’accéder à un emploi.

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