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Innovation et vie des établissements scolaires : compétences et rôles des acteurs

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Academic year: 2022

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Book

Reference

Innovation et vie des établissements scolaires : compétences et rôles des acteurs

BESENÇON, Pierre-Alain, PASQUINI, Raphaël Giuseppe, PETITPIERRE, Cyril

BESENÇON, Pierre-Alain, PASQUINI, Raphaël Giuseppe, PETITPIERRE, Cyril. Innovation et vie des établissements scolaires : compétences et rôles des acteurs. Carouge :

Université de Genève Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, 2000, 375 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:93366

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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Innovation et vie

des établissements scolaires

Compétences et rôles des acteurs

Pierre-Alain BESENÇON Raphaël PASQUIN!

Cyril PETITPIERRE

Edité en collaboration avec le Burofco

Bureau EVM d'organisation de la formation continue

PRATIQL

THEOR

(3)

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L'EDUCATION

Les Cahiers de la Section des Sciences de l'Education

Réalisation : Groupe Publication (Jean-Michel Baudouin, Maryvonne Charmillot, Céline Chatenoud, Denise Morin, Doris Neuenschwander, Greta Pelgrims Ducrey, Astrid Thomann, Marianne Weber).

Vente au numéro et abonnement:

adresser toute correspondance à Marianne Weber Publication

Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education Université de Genève

9 route de Drize CH -1227 Carouge Tél. : 022 705 96 72 Fax: 022 705 98 28

Email: Marianne.Weber@pse.tmige.ch

Catalogue et commande sur internet:

http://www.unige.ch/ fapse /SSE/ grau ps/ cahiers/ cahier-welcome.html

ISBN 2-940195-14-5

© 2000 Les Cahiers de la section des sciences de l'éducalion.

(4)

CAHIER DE LA SECTION DES SCIENCES DE L'EDUCATION

Innovation et vie des

établissement scolaires

Compétences et rôles des acteurs

Pierre-Alain Besençon Raphaël Pasquini

Cyril Petitpierre

Avec une préface de Philippe Perrenoud Cahier N° 93-94

Mé1rs 2000

(5)

nos familles,

à tous les collègues qui ont contribué à nos travaux,

à Philippe Perrenoud, Jean-Michel Baudouin

et l'équipe de direction du Burofco pour leur aide précieuse

Ce cahier de la Section des sciences de l'éducation de l'Université de Genève est édité en collaboration avec

le B111"l'au EVM d'organisation de la formation continue (JJ11rofco), Lm1sa111ie.

(6)

PRÉFACE 1

INTRODUCTION 7

PREMIERE PARTIE: VUE GENERALE 13

CHAPITRE l 15

L'ÉCOLE CHANGE 1 -T-ELLE?

l.l. C'est la société qui est en d:rnger 15

1.2. Le changement : tout est dans la manière ! 24 1.3. Quelle stratégie adopter pour un vrai changement dans

l'école? 28

CHAPITRE 2 35

CHANGEMENT ET ORGANISATION SCOLAIRE

2.1. Le système, les organisations et le changement. ou commenl la tradition côtoie l'évolution

2.2. Le concept d'organisation

2.3. Quel modèle pour l'organisation scolaire?

2.4. La qucslion de l'organisalion bureaucralique 2.5. La queslion de l'organisalion professionnelle 2.6. Quelle logique adopter?

2.7. L'organisation apprenante, un nouvel élève difficile?

35 36 37 39 41 44 4()

(7)

2.8. Conclusion 49

CHAPITRE3 51

L'ÉTABLISSEMENT COMME LIEU DE CHANGEMENT 3.1. L'établissement, un lieu où construire le sens du

changement ? 51

3.2. La culture, amorce d'une définition pour mieux comprendre

le sens du changement 54

3.3. Accepter l'innovation et le changement. une question d'ordre culturel ?

3.4. Une culture d'établissement ouverte au changement: le paradigme de la communication et de la coopération 3.5. Une culture d'établissement ouverte au changement: le

paradigme de la concertation et de la négociation 3.6. Une culture d'établissement ouverte au changement: le

paradigme de l'identité professionnelle 3. 7. Conclusion

CHAP!TH.E4

POUR MIEUX COMPRENDRE LE CONTEXTE

4.1. Émergence d'un projet d'innovation

4.2. Caractéristiques essentielles du projet EVM

SECONDE PARTIE: TROIS REGARDS

CIIAl'I11lE 5

57 57 59 59 60

.t'.".l UJ

63 64 68

71 73

(8)

CYRIL PETITPIERRE

PROJETS : CONSTRUIRE L'ÉCOLE ENSEMBLE

5.1. Une mode de plus ? 73

5.2. L'établissement, carrefour de l'innovation 80 5.3. Un projet d'établissement, oui, mais pas n'importe comment! 91 5.4. Le projet "Réussir en DT" : toile de fond 110 5.5. Le projet "Réussir en DT" : naissance du projet 125 5.6. Le projet "Réussir en DT" : description du projet 144

5.7. Eclairages: vers un gain d'efficacité 152

5.8. Vers une stratégie de changement 181

5.9. En guise de synthèse 192

CHAPITRE 6 195

PIERRE-ALAIN BESENÇON

EMERGENCE D'UNE PRATIQUE D'ANIMATION PÉDAGOGIQUE

Introduction 195

6.1. Les enjeux organisationnels de l'animation 202

6.2. Coopération et Lravail en équipe 211

6.3. Rôle et identité de l'animateur pédagogique dans la division du travail

6.4. Conclusion

CHAPITIΠ7

RAPIIAÎtL PASQUIN!

217 232

237

LES CHEFS D'l'ffABLISSE.MENT AUX PRISES AVEC UNE RÉFORME SCOLAIRE: REPRÉSENTATIONS, RÔLES, COMPÉTENCl�S ET FORMATION 7.1. Le chef d'étaillisscmenl comme agent du changement:

(9)

recette miracle ou travail d'Hercule ? 7.2. Une position au carrefour de deux logiques

organisationnelles

7 .3. Les nouveaux rôles sont arrivés

7.4. Les nouveaux rôles selon Inchauspé (1998) 7.5. Les nouveaux rôles selon Gather Thurler 7 .6. Les nouveaux rôles selon Perrenoud

7.7. Le leadership ou rôle de leader, idéal pour piloter le

237 238 240 240 242 246

changement ? 249

7.8. Le leadership coopératif. un leadership envisageable ? 252 7.9. Le rôle du chef d'établissement au niveau de la formation

continue, est-ce toujours une question de leadership ? 256

7.10. En guise de synthèse 260

7 .11. Analyse des discours des chefs d'établissement : galerie de portraits

7.12. Conclusion

7.13. Analyse comparative transversale des discours des chefs d'établissement

7.14. Conclusion

7. l 5. Le rôle des chefs d'établissement en période d'innovation 7.16. En guise de synthèse

CONCLUSION BIBLIOGRAPHIE

261 316 316 336

361

363 367

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Il n'est pas banal qu'un Cahier de la Section des Sciences de l'Education regroupe l'essentiel de trois mémoires de licence formant un ensemble. J'ai eu le privilège de diriger ces travaux de fin d'études, conduits par des enseignants menant des études à la FPSE parallèlement à leurs activités professionnelles dans des établissements scolaires vaudois.

Leurs auteurs me demandent aujourd'hui de rédiger une préface à leur publication collective. Je le fais d'autant plus volontiers qu'outre leur intérêt scientifique, ces textes présentent une actualité et une complémentarité remarquables :

• Ils éclairent trois composantes majeures des dynamiques de changement du système éducatif dans le canton de Vaud, en se centrant en particulier sur l'établissement scolaire comme maillon essentiel de la réforme.

• Ils sont publiés en partenariat avec le Burofco, organe de formation continue mis en place pour suivre EVM, la réforme en cours de l'école vaudoise. Ce qui souligne que la formation des enseignants aujourd'hui, dès lors qu'on les appelle à devenir des praticiens réflexifs, se nourrit aussi de la recherche en éducation et de visions distanciées des problèmes et des fonctionnements du système éducatif.

• Ils manifestent les liens entre les sciences de l'éducation genevoises et les dynamiques de changement d'autres cantons, en même temps qu'une forme d'articulation entre théories et pratiques, entre savoirs savants sur l'innovation et savoirs pratiques d'innovation.

EVM : école vaudoise en mutation ! Ce sigle aux allures modernes peut prêter à sourire si l'on pense à la mutation génétique : brutale, aléatoire et irréversible. Mais si l'on consulte le dictionnaire, on verra qu'une mutation est d'abord une transformation profonde et durable.

Le Robert, sans le vouloir, met le doigt sur les défis majeurs du changement en éducation : que faire pour que les transformations soient profondes et durables. Les deux qualités

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sont liées dans le champ social : aucune transformation profonde ne s'opère en peu de temps. Si l'incitation au changement n'est qu'un feu de paille, le chang ment sera éphémère et n'affectera pas les représentations et les pratiques les mieux ancrées des acteurs. Il fera illu ion le temps d'un discours et d'un faire semblant, puis les habitudes reprendront leurs droits et tout sera comme avant, en dépit de textes novateurs.

Le changement ne sera durable que s'il s'opère au plus profond des pratiques et des représentations des acteurs principaux, les enseignants bien sûr et les cadres scolaires, mais aussi les parents, les élèves, l'opinion. Et aussi les ministres aucune réforme ne se fait sans eux, mais on peut souvent se demander si les textes qu'ils signent et défendent ont modifié d'un pouce leurs représentations de l'apprentissage et de l'école.

Comment s'y prendre pour que le changement soit profond et durable ? Nul ne détient le modèle idéal, mais on a au moins appris ce qu'il ne faut pas faire. Une réforme scolaire est vouée à l'échec

• si elle veut que chacun marche du même pas, alors que les enseignants et les établissements sont fort divers et très inégalement éloignés des défis nouveaux qu'on leur assigne;

• si elle est imposée plutôt que négociée, si elle ne laisse aucun espace à l'appropriation active et à la création in<liviàueiie et collective ;

• si elle adopte un calendrier irréaliste en regard de la lenteur des processus de discussion, de formation, de changement des représentations et des pratiques ;

• si elle ne donne pas aux établissements suffisamment d'autonomie et de responsabilité pour qu'ils développent une dynamique propre autour d'un projet ;

• si elle n'investit pas des forces, durant au moins une décennie, dans la formation continue des professionnels et d'autres dispositifs d'accompagnement du changement et d'animation du débat, à l'échelle du système, des établissements et de multiple réseaux ;

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• si elle ne mobilise pas tous les acteurs, et d'abord les cadres et les formateurs, sans l'adhésion desquels la volonté de changement ne trouvera pas de relais suffisant sur le terrain.

Tout cela coûte cher ? Sans doute. Mais l'argent, les collectivités publiques le trouvent lorsqu'elles saisissent les enjeux. Nul n'imagine aujourd'hui qu'on avancera sur le génome humain, le SIDA ou les énergies renouvelables avec quelques petits laboratoires dispersés. On y met le prix.

Le drame de l'école, c'est que les gens pensent que c'est simple de faire apprendre les petits enfants, que c'est une question d'autorité, de fermeté, de bon sens. Nous sommes tous membres de cette tribu que Robert Hari, artisan du Cycle d'orientation genevois, appelait les "Nyaka". Tout le monde admet que pour aller sur la Lune, il faut réunir des ressources intellectuelles et une organisation hors du commun, changer l'école apparaît l'affaire d'une ou deux réformes bien vigoureuses avec une énergique incitation aux enseignants de faire ce qu'ils ont à faire pour que l'entreprise réussisse.

Pour dépasser ces stratégies simplistes, que je caricature à peine, nous avons besoin de construire et plus encore de partager une vision plus complexe des processus de changement dans les organisations et les systèmes. Pour des raisons moins humanistes et altruistes, une partie des entreprises ont appris et apprennent chaque jour à piloter des changements à vaste échelle, complexes, profonds et durables.

On peut regretter que la quête du profit rende plus imaginatif et intelligent que la recherche du bien public.

Les mémoires dont ce Cahier reprend l'essentiel contribuent à nous faire mieux comprendre ce qui se joue dans les processus de changement. Ils s'attaquent, chacun à sa façon, à l'établissement comme nœud stratégique.

Pourquoi importe-t-il que les établissements forment des projets ? Parce qu'ils constituent une communauté éducative au sein de laquelle l'abstraction de la réforme rencontre des gens, les enseignants, les élèves et, un peu à la lisière, mais déterminants, les parents. Si l'établissement n'est qu'un lieu-dit, une structure administrative, il ne sera qu'une boîte à lettres, l'instance qui glissera dans le casier des enseignants les circulaires définissant la réforme, à moins que les enseignants

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ne la découvrent dans la presse. Pour que l'établissement soit un acteur de la réforme, il faut qu'il puisse se l'approprier, la mettre en phase avec la culture locale, les préoccupations du moment, les expériences et la formation des professionnels. Il importe donc que les textes ministériels laissent une marge d'autonomie aux établissements. Non pas une autonomie de contrebande, celle qui naît de l'opacité des pratiques et de la difficulté de tout contrôler. Non, une autonomie de plein droit, jugée normale et féconde.

Mais aucune réforme ne peut constituer les établissements en acteurs du changement juste au moment où les textes sont publiés et les ramener à de simples rouages administratifs quelques années plus tard. L'établissement doit donc avoir un projet et habiter son autonomie en permanence.

Est-ce à dire qu'iI peut s'affranchir des réformes décidées au centre ? Non, mais elles ne peuvent suspendre brutalement ce qui se joue dans l'établissement, mais au contraire en tenir compte. Ce sont d'ailleurs les projets des établissements les plus dynamiques qui préparent les réformes à large échelle. Ce n'est pas une raison de mettre au pas des établissements moins engagés ou investis dans d'autres causes. Le travail de Cyril Petitpierre décrit un projet né avant EVM, qui émanait de la base et répondait à une préoccupation locale, mais dans laquelle nombre d'autres établissements peuvent se reconnaître: la question de la division terminale, des élèves qui n'aiment guère l'éCûle, n'y ont guère réussi et y échapperont bientôt. Le sort de ces Plèves dPvrait être au cœur de toute réflexion sur l'enseignement secondaire obligatoire. Une réforme qui les ignore ou n'a rien de neuf à leur proposer ne présente qu'un intérêt limité.

Il n'y a pas de projet d'établissement sans leadership. La vocation profonde des chefs d'établissements est-elle de devenir des leaders pédagogiques ? Sont-ils les mieux placés pour animer un projet d'établissement ? Comment perçoivent­

ils leur rôle, leurs responsabilités, leur marge d'influence dans le contexte d'une réforme globale du système éducatif ? Autant de chefs d'établissements, autant de réponses, comme le montre la recherche de Raphaël Pasquini. Sans doute parce que, soucieux de voir les établissements administrés, les systèmes éducatifs sont à peine en train de découvrir que cela ne suffit plus, qu'il n'y a ni autonomie, ni projet d'établissement, ni

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action collective sous l'égide d'un gestionnaire, aussi consciencieux et zélé soit-il. Que faire lorsqu'une partie des chefs d'établissement, croyant se distancer de l'enseignement en quittant leur classe, se retrouvent au cœur du débat pédagogique ? Et comment prendre un rôle de leader lorsque les enseignants ne le concèdent pas volontiers à quiconque occupe une position d'autorité formelle ? La question du pouvoir dans l'établissement scolaire est désormais posée. Tous les systèmes se mettent en quête d'un profil introuvable, conciliant la sécurité du mandat donné d'en haut et la légitimité du leader émanant de la base.

Le rôle d'animateur de formation en établissement (AFE), étudié par Pierre-Alain Besançon, est-il une réponse à la question du leadership ? Cette institution propre au canton de Vaud, répondait au départ au souci de déplacer la formation vers les établissements et d'y disposer dans chacun d'un interlocuteur et d'un relais du Burofco, mis en place avec EVM.

Mais comment jouer ce rôle sans prendre un certain pouvoir ? Et comment ne pas se confronter alors au chef d'établissement?

Alliance ? Concurrence ? Conflit ouvert ou feutré ? Tous les cas de figures sont possibles, on s'en rend compte à partir de cette étude de cas. Si les chefs d'établissements avaient, de longue date, pris le rôle d'animateurs pédagogiques, sans doute en auraient-ils délégués certaines composantes à des professeurs.

Leur ambivalence leur a valu d'être flanqués d'un animateur qui, tout en restant sous leur autorité, a un rôle propre.

Intéressante réponse à la question du leadership partagé.

Ces trois recherches n'épuisent pas la problématique d'EVM, notamment parce qu'elles n'évoquent qu'indirectement les pratiques en classe, les attitudes des enseignants et des parents ou encore le pilotage du système. A elles trois, elles donnent en revanche tme bonne vue d'ensemble des problèmes de la réforme du système éducatif telle qu'elle se joue au niveau des établissements scolaires.

Trois regards sur l'école vaudoise ? Sans doute contextualisés, rebelles à une généralisation précise, on peut se limiter à en faire une lecture cantonale. Pourtant, les trois auteurs pointent sur des processus et des problèmes présents dans tous les systèmes éducatifs, sous des apparences diverses.

Ce sont donc trois regards sur les changements de l'école en général qu'on trouvera réunis ici, trois regards à l'origine

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indépendants, mais qui se sont confrontés et enrichis mutuellement, au point que ce cahier contient à la fois des chapitres communs et d'autres assumés par l'un ou l'autre des auteurs dans le champ particulier de sa recherche.

Merci à Jean-Michel Baudouin, infatigable éditeur des Cahiers de la section des sciences de l'éducation, d'avoir permis cette rencontre.

Philippe Perrenoud

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Traditionnellement, en matière de réforme scolaire, les politiques proposent et les enseignants disposent, si bien qu'on ne compte plus les textes innovateurs restés sans effet.

Institution par excellence, l'école a pris l'habitude d'absorber les réformes, les innovations, les mutations. Mais que reste-t-il de ces innovations ? Souvent bien peu de choses en regard de l'investissement réalisé. L'école a compris comment résister aux assauts des sociologues, des psychologues, des philosophes, des pédagogues, des didacticiens et des chercheurs de tous les horizons.

Dans cet ouvrage, c'est une autre approche du changement qui est observé : celle qui privilégie l'émergence de l'innovation au sein même de chaque école, de chaque établissement. Ce niveau intermédiaire du système prend en effet de plus en plus d'importance et se métamorphose d'agence de l'État, il devient acteur collectif. L'entité administrative n'est plus le seul indice d'existence de l'établissement, mais un ensemble cohérent de pratiques et de valeurs s'en dégage. En tant qu'acteur collectif, l'établissement apprend, invente, joue, influence et manœuvre au sein du système scolaire de marnere différente des autres établissements, tout en restant dans le cadre du système.

L'établissement invente ainsi le changement (Crozier &

Friedberg, 1977 ; Perrenoud & Montandon, 1988).

En tant qu'acteur individuel au sein de ce collectif, l'enseignant se place dans une position éthique particulière, éthique au sens où l'entend Philippe Meirieu (1991, p.11) comme

"interrogation d 'un sujet sur la finalité de ses actes". Il postule donc un métier d'enseignant à la fois lucide et responsable, qui interroge la complexité de sa pratique. L'action pédagogique a ceci de particulier qu'elle est tendue vers une finalité dont on ne peut mesurer immédiatement la réalisation. Sa dimension éthique apparaît donc comme fondamentale. C'est pourquoi nous appelons à une profession enseignante qui réfléchit aux finalités de son action, qui prend de la distance par rapport à sa pratique, l'analyse, la confronte à d 'autres, la remet en question,

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se donne les moyens de l'améliorer, s'obstine dans la recherche du dispositif pédagogique le plus performant, développe la coopération avec ses pairs comme avec les autres partenaires du système, est créative, tente de répondre à des besoins sociaux sans cesse nouveaux et finalement coopère à un ensemble éducatif cohérent.

C'est dans cette perspective que nous avons tenté de mieux comprendre ce qui se jouait au cœur de nos établissements confrontés à l'innovation. Ainsi, nous nous sommes momentanément éloignés de la relation pédagogique proprement dite pour nous intéresser au fonctionnement de l'établissement scolaire en tant que construit social jouant un rôle prépondérant dans la mise en place d'une culture facilitant l'accueil et la formation de tous les élèves. Chacun à notre façon, nous avons observé notre environnement professionnel spécifique, selon notre perception singulière.

Dévisageant une réalité commune à partir d'espaces et de regards différents, nous l'avons vécue, nous avons tenté de la penser et de la décrire. La pratique réflexive conduite par des enseignants est à l'origine de cette publication, elle en est aussi l'enjeu.

Le texte qui suit est la collation de trois réflexions. Après une partie commune constituée des quatre premiers chapitres, le lecteur découvrira le cœur de ces trois approches. Chacune peut ainsi être lue indépendamment.

Le premier chapitre de cet ouvrage a pour but de situer le texte d,ms l;:i mutation de la société de la fin du XXe siècle ; il établit des parallèles entre les changements qui traversent notre société et ceux qui bouleversent l'école.

Le deuxième chapitre se centre sur les effets de ces changements dans le cadre des organisations scolaires.

Le troisième chapitre décrit le niveau organisationnel dans lequel les observations ont pris place : celui de l'établissement scolaire.

Cet ouvrage est le fruit d'une réflexion plurielle centrée sur un même objet : l'école vaudoise de la fin du XXe siècle. Le lecteur peu au fait de cette réalité trouvera dans le quatrième chapitre des éléments lui facilitant la compréhension générale du contexte.

Les cinquième, sixième et septième chapitres sont constitués de nos trois approches, dans l'ordre chronologique

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de leur rédaction. Cette organisation temporelle nous paraît particulièrement intéressante. Elle permet en effet de saisir trois moments d'une évolution qui s'organise autour d'École vaudoise en mutation (EVM), réforme ambitieuse, mise en œuvre progressivement à partir de 1997.

Le premier texte analyse la mise sur pied d'un projet pédagogique lancé au sein d'un établissement alors que s'esquissaient les réflexions initiales d'E V M . Le contenu pédagogique et la dynamique qui le caractérisent constituent ainsi quelques prémisses de la réforme.

La rédaction du deuxième texte se situe au moment de la mise en place des premières structures : l'expérience d'animation d'un établissement scolaire qui est retracée a été, en quelque sorte, rattrapée par l'institutionnalisation d'une fonction similaire.

Le troisième texte interroge la position des chefs d'établissement confrontés à la mise en œuvre de la réforme.

Les nouveaux textes de lois et autres règlements placent d'emblée le chef d'établissement comme un acteur clé permettant la mise en œuvre de la réforme EVM. Mais qu'en est-il dans la réalité ?

Pour permettre au lecteur d'organiser son approche de l'ouvrage, nous proposons ci-dessous un aperçu de ces trois approches.

Au travers du premier regard, proposé par Cyril Petitpierre, le lecteur découvrira le formidable potentiel que recèle la stratégie de projet. Elle permet aux enseignants de commencer par s'approprier la réalité de l'école dans laquelle ils travaillent, puis d'imaginer une école meilleure, une école plus efficace, plus créative, plus ot.Lverte, une école qui leur permettrait de mieux préparer leurs élèves au monde de demain. Le rêve, s'il est nécessaire, stimulan t et régénérateur n'en reste pas moins peu productif. Faire un proj et par contre c'est produire de l'imaginaire dans le but de modifier la réalité (Boutinet, 1993).

La clarification de cette démarche et notamment l'identification de ses objectifs, l'étude de son insertion contextuelle, l'identification et l'analyse des paramètres nécessaires à son actualisation et surtout l'illustration par la description d'une forme possible ont constitué le premier moteur de ce travail . De plus, ce texte souhaite apporter

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quelques éléments de réponse à une question souvent posée par les enseignants : "Mais en fait, c'est quoi un projet d'établissement?"

En effet, c'est pour tenter d'acquérir un peu plus de lucidité, d'assumer leur responsabilité professionnelle, d'en tirer une certaine satisfaction que les enseignants de certains établissements se mettent en projet. Ils estiment qu'il revient à chaque acteur d'élaborer et de mettre en œuvre des stratégies susceptibles d'améliorer ainsi peu à peu l'école. Ces stratégies peuvent être individuelles et viser à un gain personnel, à optimiser notre investissement. Elles peuvent aussi composer une stratégie collective, voire s'organiser en une politique ins ti tu tionnelle.

L'action individuelle présente des avantages par le sentiment de liberté qu'elle procure, mais elle est aussi confrontée à des limites relativement vite atteintes et peut tourner aux petites tactiques qui permettent de se ménager un certain confort psychologique et pratique. L'action collective, qui se fonde sur la responsabilité individuelle en utilisant le formidable potentiel réuni, recèle des possibilités probablement plus importantes, décrites dans ce chapitre.

Un deuxième regard, celui de Pierre-Alain Besençon, identifie une fonction particulière : celle de l'animation pédagogique des établissements scolaires. Si le concept est récent, le rôle d'animateur est, quant à lui, beaucoup plus ancien. Chaque établissement connaît ses animateurs : certains se préoccupent des enseignants et organisent des rencontres culturelles ou amicales, d'autres se soucient des élèves et mettent en place des projets pédagogiques à l'échelle de l'école, d'autres encore se centrent sur l'architecture et agissent sur l'organisation spatiale de l'établissement, d'autres enfin observent les relations entre les différents partenaires de l'éducation et mettent en place des forums de communication.

Toutes ces pratiques participent de l'animation des établissements scolaires.

La finalité de cette recherche est l'élaboration d'un concept d'animation pédagogique interne à un établissement scolaire. La démarche est adaptée du modèle de la recherche­

action : la méthode est orientée vers l'expérimentation et l'analyse de celle-ci. La réflexion qui en découle vise à expliciter les enjeux et les limites d'une pratique d'animation dans le

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cadre d'un établissement scolaire. S'il ne fait aucun doute que les obstacles qui ont été rencontrés dans le cadre de cette recherche ne sont pas spécifiques à une pratique isolée, l'espoir existe que les bénéfices puissent, de même, être utiles ailleurs.

Une première partie identifie les objectifs de l'animation pédagogique au sein d'un établissement scolaire et définit son champ d'intervention. L'animation y est présentée comme un outil au service d'une organisation qui cherche à s'adapter à une société en pleine mutation.

Une seconde partie se centre sur le rôle de l'animateur pédagogique et sur son identité à l'intérieur de l'institution scolaire. L'analyse porte sur l'émergence d'un rôle nouveau dans une organisation fortement hiérarchisée et sur les relations de pouvoir qui s'élaborent autour de la recherche d'un nouvel équilibre.

Le troisième regard de cet ouvrage est celui de Raphaël Pasquini. Au travers d'entretiens menés auprès de directeurs, sa recherche tente d'analyser dans quelle mesure le chef d'établissement peut prendre un rôle de relais de l'esprit d'une réforme, devenir un acteur clé dans un processus de changement d'envergure.

La question n'est pas nouvelle. En effet, de multiples recherches menées récemment dans des pays et régions d'Etuope et d'Amériqu du Nord se sont déjà accordées sur le fait que le directeur joue un rôle déterminant dans toute mise en œuvre du changement. Sans son appui, il paraît très délicat de pouvoir entrer dans une innovation, de donner corps à tout précepte annonçant un changement. Est-ce à dire qu'il est le seul et unique acteur à pouvoir jouer ce rôle de portier de l'innovation ? Que c'est au travers de ses actions, et en s'appuyant sur ses compétences, que les chances d'aller de l'avant seront plus nombreuses ? Que sa place au sein du système lui permet d'être celui par le,quel le changement se vivra dans les meilleures conditions ? Evidemment, la réponse à ces interrogations est plus complexe, renvoie à une réflexion de fond sur l'organisation du système scolaire.

Pour cela, dans une première partie, l'auteur présente les concepts théoriques autour desquels s 'articulent ses hypothèses. Considérer le chef d'établissement comme vecteur du changement ne peut se réaliser sans une redéfinition des

(21)

rôles et compétences des acteurs qui l'entourent, qu'ils soient collectifs ou individuels.

Dans une deuxième partie, il présente son analyse sous forme de portraits desquels émergent des pistes d'action et de nouvelles hypothèses de travail.

Cet ouvrage ne cherche pas à convaincre, mais à témoigner. Chaque auteur a vécu une rencontre enrichissante.

L'échange qui en a résulté a largement contribué à leur propre formation et ils espérent qu'il puisse être utile à d'autres.

(22)

VUE GENERALE

(23)
(24)

L'école change ! -t-elle ?

1.1. C'EST LA SOCIETE QUI EST EN DANGER

1.1.1. L'école ne change pas assez ...

" L 'institution scolaire est une vieille dame qui a subi de nombreux "lifting", mais qui n 'a fait que camoufler ses rides et ses tares sous des réformettes timides et tranquilles.1" Cette affirmation d'un enseignant dans un grand quotidien romand traduit bien un sentiment très répandu dans la population : l'école ne serait qu'une institution un peu vieillotte qui n'a pas su évoluer. Selon ce point de vue, elle serait inadaptée à l'évolution du monde et aux besoins de la société et de l'économie actuelles. Ses méthodes de travail seraient totalement désuètes, elle n'aurait pas su s'inspirer des procédés beaucoup plus efficaces mis au point dans l'économie privée. Dans la même logique, l'école ne saurait pas motiver les élèves, n'exigerait plus rien d'eux et ne saurait pas s'adapter à leurs besoins. Dès lors, le constat s'imposerait comme "une évidence : à l'école, on s'ennuie, les élèves particulièrement.1"

Une autre idée reçue s'inscrit dans cette même perspective: l'école py.blique, beaucoup trop installée dans son statut d'institution d'Etat, serait incapable de changer, n'y ayant d'ailleurs aucun intérêt: "la résistance au changement de la part de l 'institution scolaire et ses différents acteurs est immense. Les pédagogies traditionnelles rassurent, même si elles ont perdu toute leur efficacité. A la manière des rites religieux, elles témoignent d 'une routine sécurisante et elles s 'accordent à nos structures mentales archaïques. Finalement on préfère l 'ennui à l'inconnu. Chaque élève

1 Lechenne, Ch. Au temps des illusions mortes, l'école sue l'ennui. Qui ranimera la flamme ? Le Nouveau Quotidien. 21 septembre 1993. p.4.

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apprend à gérer l 'ennui comme un mal nécessaire, comme une fuite nécessaire1.

"

... ou change trop

A l'opposé, les nouvelles méthodes sont régulièrement décriées : "Cessons d'enseigner ce qui ne sert à rien lançait Jacques Neyrinck2 à propos des mathématiques, "et revenons à l 'enseignement de ce qui a fait la preuve de son utilité". Nombreux sont ainsi ceux qui regrettent que l'école change trop vite (Obin, 1993, p.7), qu'elle subisse trop de bouleversements.

L'école est ainsi au centre du débat, du compartiment de train au débat organisé par l'association des parents d'élèves (APE), de la réunion de famille à celle du Conseil communal, on parle partout d'école. Car, c'est bien connu, chacun a son avis sur le sujet. Fréquemment sollicité l'enseignant ne sait pas toujours que répondre, hésitant entre une prise de position nette, mais simpliste, une profession de foi emphatique et un débat qui n'en finira pas. De toute façon, on guette sa réponse.

1.1.2. L'école dans le flux de l 'histoire

Il suffit de reconstituer le monde dans lequel vivaient les parents de celles et ceux qui sont aujourd'hui nos doyens pour se rendre compte de la perpétuelle transformation dans laquelle nous évoiuons. "On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. " La permanence du changement est fort bien illustrée par cette métaphore d'Héraclite.

L'école est insérée dans le système social, déterminée par celui-ci et l'un de ses déterminants. Elle n'échappe pas au mouvement qui le caractérise, elle change donc. Chacun peut s'en convaincre en établissant la liste des modifications intervenues au cours des dix dernières années, que ce soit en matière de structures, de méthodes, de programmes, de manuels, de type d'élèves que nous trouvons dans les classes, etc. Mais alors, pourquoi des acteurs du système de

l ibid.

2 Neyrinck, J. Cessons s'enseigner ce qui ne sert à rien! L'Hebdo, 25 novembre 1993, p.64.

(26)

formation, des journalistes, des parents e t une partie de l'opinion publique estiment-ils que l'école n'a pas évolué ?

Ces accusateurs ont peut-être raison sur plusieurs points, toutefois leur image de l'école n'est pas toujours fidèle. En effet, que ce soit en raison de leur m é c onnaissan c e des classes d'aujourd'hui, de frustrations relatives à leur propre parcours scolaire ou d'attentes très consuméristes, ces personnes se forgent une représentation de l'école en décalage important par rapport à la réalité.

Toutefois, cela ne saurait suffire à expliquer toutes les critiques, notamment celles des acteurs du système. Examinons quelques causes de celles-ci.

1 . 1 .3. Défis

En essayant de prendre la distance nécessaire à une vision générale, chacun pourra se rendre compte de la formidable complexité à laquelle l'école doit faire face. Ainsi, c'est à de véritables défis qu'elle doit répondre. Sans prétention d'exhaustivité, évoquons quelques-uns de ces problèrnes

préparer demain, c 'est-à-dire transmettre un patrimoine tout en formant au changement, dans un monde en mutation rapide

;

lutter contre le gaspillage de l 'échec scolaire, c 'est-à-dire placer la réussite de l 'élève au centre de ses préoccupations ;

proposer aux élèves un enseignement qui ait 1111 sens, qui leur donne les moyens de faire face aux situations de la vie quotidienne mais aussi de construire une cu ltu re authentique et de s 'épanouir dans leur vie ;

donner une valeur effective et une image positive des diverses voies de formation, notamment des moins prestigieuses

;

11 être à l 'écoute des élèves et leur donner des réponses adéquates

;

@ donner aux élèves les moyens de s 'exprimer autrement que par la violence ;

0 conjuguer droit à la différence et découverte de la ressemblance.

(27)

Préparer demain

Sans cesse, l'école prépare demain. "En matière d'éducation, parler de l 'avenir, c'est parler tout simplement d'éducation. Parce que l'éducation est de la prospective" rappelle Federico Mayor (1991, p.125), l'ancien directeur général de }'Unesco.

Si préparer demain n'était pas une difficulté majeure dans une société traditionnelle stable, dans laquelle le fils succédait immuablement au père, il n'en va plus de même dans la société moderne. En effet, la vie de nos élèves sera immanquablement très différente de celle de leurs parents. L'une des caractéristiques de l'école moderne est donc de devoi r répondre à une double fonction, très ambivalente : à la fois transmettre un patrimoine, mais aussi préparer au changement.

Gérer ces demandes contradictoires engage l'école dans un difficile "exercice de funambule". Une de ses réponses paraît être l'alourdissement du balancier : on ne retranche rien aux demandes traditionnelles tout en ajoutant de nouveaux éléments.

Dans ce jeu, rappelle Bernard Charlot (1993, p.23), l'école

"prête inévitablement le flanc à la critique et à l 'accusation d 'inadaptation dans la mesure où elle est confrontée à des demandes contradictoires et ne peut satisfaire l'une qu 'en ignorant au moins partiellement l'autre". Dès lors, plusieurs réponses se dessine11.i. Ceriains esiimeni que, critiques pour critiques, ils préfèrent en rester à ce qu'ils maîtrisent bien.

D'autres au contraire engagent le système scolaire dans le changement afin de mieux s'ajuster à la demande, mais c'est souvent en termes de moyens et de structures qu'ils formulent une réponse. Les derniers nous rappellent que la raison d'être du système c'est l'élève. Pour ceux-ci, c'est donc en termes pédagogiques qu'il faut répondre à la demande (Platane, 1993 ; Meirieu, 1994). C'est dans cette dernière perspective que nous souhaitons conduire notre réflexion quant aux besoins.

Un besoin fondamental

Plus que d'autres pays, la Suisse a construit son économie sur les ressources humaines et sur la qualité de la formation.

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Celle-ci, en comparaison internationale, est reconnue comme étant performante. Pour que les enfants d'aujourd'hui soient en mesure d'affronter les turbulences de demain, il importe de garantir la meilleure efficacité possible à l'école. Un enseignement efficace signifie une formation qui permettra à un maximum d'individus de s'épanouir dans les divers aspects de leur existence, sociaux, personnels et professionnels. A l'inverse, l'échec scolaire1 paraît être la marque d'un enseignement inefficace pour les individus concernés. L'échec scolaire, phénomène longuement décrit par les chercheurs, souvent considéré comme une sorte de fatalité par le grand public et les enseignants, peut-il encore mobiliser nos énergies ? Pourtant, s'y attaquer constitue sans doute le meilleur moyen d'améliorer l'efficacité de l'école, d'atténuer le prodigieux gaspillage humain, social et financier qu'il représente (Pierrehumbert & Antonietti, 1987). C'est pourquoi, il nous paraît nécessaire de définir la lutte contre l'échec scolaire, ses causes et ses effets comme le besoin fondamental auquel tout changement doit répondre.

Les causes de l'échec scolaire sont multiples, complexes et interdépendantes. On distingue l'attribution de l'échec à des facteurs externes et l'attribution à des facteurs propres à l'école (Tourneur, 1985). Sans nier l'importance de la première catégorie qui justifie le plus d'actions possibles au niveau politique, c'est à la seconde catégorie que nous nous intéresserons. En effet, ces facteurs intrascolaires constituent d'abord le champ d'action du pédagogue. Juan de Ajuriaguerra

& Daniel Marcelli (1984, pp.418-419) citent quelques-uns de ces facteurs :

• le non respect des rythmes propres à l'élève ;

• la nature même de la progression scolaire ;

• le trop grand nombre d'enfants par classe ;

0 l'évolution du statut de l'enseignant et de ses motivations et corrélativement l'évolution de la relation maître -élève ;

" l'évolution du rôle de l'école ;

1 En pédagogie, selon Tourneur (1985, p.164), "l'échec définit un écart entre des résultats attendus et des résultats obtenus. Il se définit par rapport à un seuil, en dessous duquel il y a frustration pour l'acteur (l'élève), insatisfaction pour le formateur (maître, gestionnaire, parents) et un manque à gagner pour le système (école, société)".

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• la compétence de l'enseignant.

Construire le sens

A une époque où la politique du sens prend de plus en plus d'importance, il est probablement temps de se pencher sur le sens de l'instruction publique tel que nous le concevons et tel qu'il est compris par ses acteurs : élèves, enseignants et parents.

Philippe Meirieu (1994) situe là l 'un des princip aux enjeux de l'école : selon lui, trop souvent l'école propose, notamment aux élèves les plus en difficulté, un enseignement utilitariste, sans se préoccuper du sens qu'il peut ou ne peut pas avoir pour eux. Parallèlement, pour les élèves les plus performants, elle privilégie la culture, mais sans plus se préoccuper de ce qu'elle signifie pour eux. C'est pourquoi le pédagogue français plaide pour une culture authentique, culture qui soit à la fois instrumentation des personnes pour faire face aux situations de leur vie quotidienne mais aussi possibilité d'inscrire leurs actes quotidiens dans une histoire, dans un imaginaire, dans une vie qui ne soit pas réduite à la part utilitaire. Il cite ainsi l'exemple du contrat de travail dont l'étude ne peut être signifiante que lorsqu'on prend conscience des luttes qu'il a fallu conduire pour l'obtenir, de l'esclavage à la conquête des droits du travail, combat passé, mais aussi présent dans de nombreux pays. De même un texte littéraire réputé difficile trouvera des élèves attentifs lorsqu'il parlera à leuï êtïe, leur pennetlra d'y recormaître une part à'eux-mêmes, leur donnera le sentiment d'être plus intelligents d'eux-mêmes et de leur monde.

Philippe Perrenoud (1993b) insiste lui aussi sur le travail du sens à l'école. En effet, la seule intention d'instruire les élèves pour leur bien ne suffit pas à rendre l'école efficace, à impliquer les élèves dans leur travail ; sans même compter ce qu'Alice Miller (1984) nous a montré des ravages que pouvait causer cette apparemment noble justification. Il importe que l'école ouvre les espaces qui permettent aux élèves, comme aux enseignants, de construire le sens de leur démarche commune, de dépasser la stérilité du portrait du bon élève attentif, participant, docile, travailleur et naturellement intéressé et de celui du bon enseignant dans la classe duquel il n'y a pas

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de bruit, qui tient son programme et dont les élèves réalisent un maximum d'exercices.

Faire face aux besoins des adolescents d'aiàourd 'hui

Certains comportements d'enfants et d'adolescents suscitent de fortes réactions chez leurs aînés. Il convient d'abord de relever avec Spitz (1994) que ce n'est pas tant les adolescents qui ont changé que leur environnement. Selon lui, ce qui manque le plus aux adolescents d'aujoùrd'hui, ce sont des adultes qui assument leur identité d'adulte. L'obstacle que les adolescents d'aujourd'hui doivent franchir est donc plus considérable qu'autrefois : il leur faut se forger une identité propre, devenir adultes, avec des points de repère parentaux et sociaux beaucoup plus flous. La violence, la drogue, l'apathie de certains ne sont que les indices des difficultés à passer cet obstacle.

Ces attitudes nous paraissent être le symptôme de plusieurs besoins des adolescents d'aujourd'hui, besoins auxquels l'école n'a pas toujours su ou voulu s'adapter. Dès lors que ces manifestations s'expriment de plus en plus souvent au sein de l'école, celle-ci devra, qu'elle le veuille ou non, s'attaquer à ces problèmes éducatifs qui conditionnent la qualité de l'ensemble de son action.

Monica Gather Thurler (1994b) a bien mis en évidence un certain nombre de paradoxes auxquels l'adolescent1 est sans cesse confronté dans le cadre de l'école

Sois autonome, mais soumets-toi !

Sois motivé par l'étude d'une dizaine de matières non choisies, sans parler de leur contenu, alors que moi, adulte, je me complais dans ma spécialité !

e Sois attentif durant six à sept d 'heures d'affilée, tout en apprenant au cours de sciences que cela dépasse les capacités humaines !

© Apprends les droits et devoirs de la citoyenneté, notamment le droit à la différence, mais accepte d'être traité formellement comme les autres au nom de la justice

'

1 La même réflexion pourrai t sans doute être conduite à propos des élèves en général.

(31)

Accepte de te mettre à nu devant ton enseignant, tout en sachant que le même t'évaluera par la suite !

Sois solidaire avec tes camarades tout en apprenant les règles de la fabrication de l 'excellence par la compétition et la sélection !

Apprends à t'exprimer librement, mais écoute durant des heures et ensuite, tais-toi pendant que tu as des exercices à faire !

Apprends à analyser les problèmes de pouvoir dans les grandes époques historiques, mais évite de mettre à jour les problèmes de pouvoir au sein de l 'école !

Apprends la liberté dans un monde où l'autre est libre de te sanctionner, voire d'y prendre un malin plaisir, mais surtout ne te révolte pas !

Apprends à argumenter, à fonder ton discours, mais ne touche pas aux sujets tabous et évite les conflits !

Sois spontané et créatif, mais bien élevé, respectueux de la bienséance et de la loi !

Sois heureux dans un contexte qui ne laisse que peu de liberté de choix et qui est souvent déprimant !

Ces paradoxes prennent place dans un paradoxe plus large et propre à toute action éducative que Jean-Pierre Boutinet (1993, p.172) met en évidence : le paradoxe de l'initiation qui d'une part vise à l'autonomi e et d'autre part à l'intégration. Toutefois, il nous semble que le dilemme est d'autant plus fort pour les adolescents aue les ooints de renère ... ... .1. .1. .1.

auxquels ils pourraient se référer ne leur fournissent pas de réponse nette.

Dans ce contexte, on comprend que l ' a d o l e s c en t d'aujourd'hui puisse avoir de la peine à se construire une identité et un système de valeurs propre.

Un besoin essentiel paraît se dégager de ces quelques réflexions, celui de l'écoute. Il est en effet fondamental (Spitz, 1994 ; Gather Thurler, 1994b) que des espaces de parole se dévelop pent au sein de l'école, des espaces auxquels participent les adolescents et les enseignants, comme peut-être d'autres partenaires de l'action éducative ou des personnes

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ressources externes ; des espaces au sein desquels les adolescents puissent se confronter aux positions des adultes, mais aussi peu à peu redonner du sens à leur activité quotidienne (Develay, 1996).

En effet, trop souvent ils n'ont pas encore effectué le passage d'une motivation externe au travail scolaire - faire plaisir aux parents et à l'enseignant - à une motivation interne qui leur est propre, qu'ils auront construite et intégrée à leur identité (de Ajuriaguerra & Marcelli, 1984). Dès lors, ils décrochent, ce que l'école leur propose leur paraît artificiel, dénué de liens avec leur réalité présente et future. "De toute façon, ils ne travaillent que pour les notes !" constatent certains enseignants. Ainsi, selon la formule de Philippe Perrenoud (notamment 1994a), l'élève fait son métier, vient à l'école, y fait ce qu'on lui demande de faire, y reçoit un salaire sous forme de notes et s'empresse de l'oublier.

On court alors le risque de ne former que des individus entraînés à investir juste ce qu'il faut dans leur travail, mais ne considérant pas qu'ils peuvent s'y épanouir et estimant que l'essentiel est ailleurs. Il s'agit donc de rattraper ces générations qui risquent de nous filer entre les doigts, en permettant aux élèves de trouver à l'école un autre sens que celui des notes, en leur donnant des raisons de prendre plaisir à leur activité, d'être fiers de ce qu'ils ont réalisé ou acquis parce que cela représente quelque chose pour eux.

Bien sûr notre tableau est un peu noir, il existe des classes qui se passionnent pour ce qui leur est proposé, il existe des enseignants clairvoyants qui ont réalisé depuis longtemps que ce qui comptait d'abord, ça n'était pas le programme, mais que les élèves développent des facultés authentiques et construisent des savoirs susceptibles de perdurer au-delà des tests et des examens. Ils sont parfois considérés comme des francs-tireurs, alors que ce sont probablement les enseignants "adultes forts"

(Spitz, 1994) dont l'école a le plus besoin.

Développer, renforcer, élargir les espaces d'échange offerts aux élèves est donc capital. Cela commence dans la classe où l'enseignant donne la parole aux élèves pour leur permettre d'exprimer ce qui va ou ne va pas dans son cours, face au travail réalisé, dans leurs interactions. Cela se poursuit au niveau de l'établissement au sein duquel les élèves devraient pouvoir faire part de leurs préoccupations el: de leur avis

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auprès de plusieurs personnes, enseignants ou non, au sein d'instances reconnues, assemblée des élèves par exemple.

Donner la parole ne suffit pas, il faut encore apprendre aux élèves à l'utiliser de manière adéquate et convaincante et lui donner une valeur : les élèves attendent des adultes des réponses qui les considèrent comme des interlocuteurs sérieux, des réponses qui sonnent juste et non pas creux. Trop souvent, les conseils d'élèves n'ont le droit de s'occuper que du hors de la classe et voient leurs questions fondamentales éludées. Au niveau de l'établissement, cela peut également se concrétiser sous forme d'un espace collectif d'échange où les adolescents se trouvent confrontés à un discours d'adultes fort, identificateur comme le suggère Michel Develay.

1 . 1 .5. Un réel danger

Nombreux sont encore les développements qu'appelle la série de défis évoqués plus haut : différenciation de l'enseignement, nouveau rôle de l'école dans l'acquisition des savoirs et des compétences, capacité d'évoluer au sein du monde du travail, apprentissage du respect des différences, etc.

Si l'école ne parvient pas à répondre à ces défis de manière satisfaisante, c'est la société qui est en danger. En

effet, dans ce cas, les élèves se détacheront de plus en plus de l'école, y seront de moins en moins présents, dans tous les sens du terme. Meirieu (1994) précise alors très nettement le danger : la culture scolaire, fondement du lien ocial, pourrait très rapidement être- débordée par une culture populiste qui trouverait un te.rrain LTès favorable chez des jeunes désabusés, dont l'école aurait échoué à former le jugement et la personnalité.

1.2. LE CHANGEMENT : TOUT EST DANS LA MANIERE !

Les pages qui précèdent ont montré la nécessité pour l'école de changer a.fin de pouvoir répondre aux défis qui lui sont posés et d'atteindre plus efficacement les objectifs qui sont les siens. A ce stade, avant d'explorer le projet d'établissement, il nous paraît important de nous poser quelques questions, sans prétention exhaustive, sur La nature d'un changement réel :

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qu'est-ce que le changement et quelles sont les qualités qui favorisent l'éclosion d'un changement effectif ?

Le concept de changement a fait l'objet d'innombrables études, les plus grands penseurs s'en sont préoccupés et une science, la sociologie, en a fait sa première tâche au moment où elle s'est constituée. Il ne saurait donc être question de faire une synthèse de ces travaux ici. Toutefois quelques traits glanés chez certains auteurs paraissent plus pertinents par rapport à notre démarche et permettent de lui conférer une certaine assise.

Nous commencerons par une définition : selon Guy Rocher (1968, p.22), on peut considérer comme changement social, " toute transformation observable dans le temps, qui affecte d'une manière qui ne soit pas que provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l 'organisation d'une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire."

1.2.1 Un processus

Les sociologues et philosophes du XIXe siècle ont tenté d'énoncer la cause du changement, ils l'ont généralement fait sous forme de postulat d'ordre philosophique plus que comme résultat d'une démarche scientifique. Ces penseurs ont ainsi des conceptions très diverses : Auguste Comte voit le progrès spirituel comme élément déterminant, alors que pour Karl Marx il s'agit des rapports de production. L'étude des faits de changement a beaucoup gagné en précision et en généralité à partir du moment où l'on a renoncé à considérer le changement comme un événement déterminé par une cause particulière, mais plutôt comme un processus. Il s'agit donc désormais de décrire la nature de ce processus, l'enchaînement des phases, leur production, leur diffusion. On s'est ainsi rendu compte que l'explication du changement ne pouvait être réduite à ses conditions initiales (Bourricaud, 1990).

Au début du siècle, Max Weber et Emile Durkheim ont mis en évidence l'interdépendance entre un ordre social en changement, ou au contraire, figé, et le système de valeurs, de légitimations collectives et de motivations personnelles à l'œuvre dans la société considérée (Bourricaud, 1990). Dans toute démarche de changement, il y a donc lieu de commencer par échanger et clarifier les valeurs et motivations

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des protagonistes afin de constituer une culture commune sur laquelle pourra se fonder l'innovation.

1.2.2. Pas de changement sans les individus

Dans cette même perspective, un changement n'est accueilli que s'il est tolérable par la société et ses membres. Ce qui peut paraître comme un truisme n'est en fait pas si anodin et nous conduit à mieux considérer la nature de la résistance au changement. En effet, il ne suffit pas qu'un changement soit un progrès obj ectif pour qu'il soit accepté. Pour que la conversion soit possible, il faut que le changement ne pénalise pas celui qui l'accueille, que son coût ne soit pas dommageable compte tenu de toutes les implications qu'i l aura (Bourricaud, 1990). Et si le changement se réalise, il faut encore que la nouveauté ne lèse pas l'individu afin qu'il ait quelque espoir de s'implanter. De fait, il faut que l'individu croie en la valeur du progrès potentiel dont le changement est porteur pour l'accepter. Dans notre société, cette phase du processus pose de nombreux problèmes : après un dix­

neuvième siècle tout entier dédié au progrès et à ses bienfaits, érigé en idéologie dominante, le vingtième siècle, et plus particulièrement la fin de celui-ci, est "celui de l 'inquiétude et des désillusions du progrès" (Enriquez, 1983, p.11). Plus question donc de convaincre quelqu'un des bienfaits d'un changement par la seule évocation du mot magique.

Chaque inàiviàu a ainsi un rôie centrai àans ie processus, il est actif, réagit, apprécie, prend position, "c'est un décideur cherchant à tirer parti de la situation dans laquelle il s 'est placé'' (Baudon, 1979, p.28). Mais, c'est aussi le membre d'un groupe, d'une foule au sens d'Eugène Enriquez (1983). A ce titre, il est fortement influencé par l'effet de cette foule et peut réagir en fonction de celle-ci : "le fonctionnement de la foule peut être considéré comme l'inverse de celui de l 'individu rationnel" (ibid., p.62). Ces propos confirment l'importance du développement d'une culture commune qui amènera chaque sujet individuel, mais aussi le sujet groupe au changement.

Plusieurs auteurs (Engels, 1952 ; Moscovici, 1972 ; Maccio, 1991 ; Montelh, 1993) confirment cette place centrale du sujet : selon eux, les seules innovations qui soient irréversibles, celles dont le résultat correspond le plus précisément aux objectifs

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fixés, ce sont celles qui sont initiées par la base, lorsque la base prend le pouvoir, lorsque les hommes font eux-mêmes leur histoire. Dans la même ligne, Michel Crozier a mis en évidence le fait que le changement ne peut découler d'une imposition externe, mais que c'est le système qui invente son changement selon sa logique propre. Dans le cas contraire, le système montre une incroyable capacité à absorber un changement formel tout en maintenant ses propres caractéristiques (Curie, 1989). Nombreuses sont les innovations scolaires qui pourraient illustrer ces propos.

1.2.3. Innovation réelle et stratégie

Watzlawick, Weakland & Fisch (1975) mettent en évidence deux types de changement : celui qui prend place à l'intérieur d'un système en laissant ce dernier inchangé (changement 1) - conformément à la description qui termine le paragraphe précédent - et celui qui modifie le système lui­

même (changement 2). Selon eux, le premier ne peut que conduire à l'impasse au contraire du sec nd qui amène l'innovation réelle. Ils définissent des conditions pour que ce dernier puisse se réaliser

POUR AMENER L'INNOVATION REELLE

"appliquer l 'action décisive à l 'essai de solution

-

plus précisément à ce qui est fait pour réf\ler la difficulté

-

et non à la difficulté elle-même"(pp.101-102) ;

s 'attaquer à la situation en s 'occupant des effets plutôt que des causes supposées qui ne peuvent servir qu 'à [ 'histoire mais pas à la modifier ; la question centrale est ainsi "quoi plutôt que pourquoi" p.103) ;

tenter de recadrer la situation, de "modifier son contexte conceptuel et/ou émotionnel, ou le point de vue selon lequel elle est vécue" (p. 116) ;

e appliquer la démarche de résolution de problème suivante :

"définir clairement le problème en terme concret

/

examiner les solutions déià essayées

/

définir clairement le chan/\ement auquel on veut aboutir

/

formuler et mettre en œuvre un pro;et pour effectuer ce chanKement

"

(p.132).

(37)

Avec Edgar Morin (1983), nous sommes amenés à constater que parler d'innovation, c'est entrer dans la dialectique de l'ordre et du désordre, deux termes à la fois antinomiques et inséparables. Le premier est sécurisant, synonyme de constance, de cohérence, de régularité, mais aussi de contrainte ; le second est inquiétant, synonyme d'agitation, de dispersion, de collision. L'ordre permet de tout prévoir, de tout réguler, de tout déterminer, de rendre le monde compréhensible, il est l'idéal de celui qui a besoin de tout expliquer, même par un phénomène magique. Au contraire, le hasard règne du côté du désordre, l'aléatoire, l'irrationnel, peut-être même l'immoral, pourtant c'est grâce à lui que se sont forgés de grands hommes, c'est grâce au hasard que de grandes innovations scientifiques ont pu voir le jour et depuis les années soixante, on sait que le chaos était à l'origine du monde lui-même. Vouloir réduire ce dernier à l'un ou l'autre de ces termes est une imposture. C'est pourquoi Morin en ajoute un troisième : ]'organisation, qui dans les phénomènes est toujours conjuguée avec les deux premiers et qui permet leur cohabitation. En effet, "trop d 'ordre a phyxie la possibilité d 'action.

Trop de désordres font chavirer l 'action dtlns les tempêtes et celle-ci devient un pur pari de hasard" (ibid., p.282). Ainsi au rationalisme avide d'ordre, de déterminisme, d'objectivité, de causalité et de contrôle qui mettra sur pied un programme, l'organisation opposera la stratégie, fondée sur l'examen des conditions déterminées comme de celles qui sont aléatoires et qui seule permettra de conduire l'aciiun vers une finaiité donnée.

Il apparaît dès lors que ce n'est pas la décision de mettre en œuvre une innovation qui est déterminante, mais bien la manière dont celle-ci sera réalisée. C'est donc cet élément qui va nous permettre de poursuivre notre découverte du concept de changement, mais cette fois au sein du système scolaire.

1.3. QUELLE STRATEGIE ADOPTER

POUR UN VRAI CHANGEMENT DANS L'ECOLE ?

A l'instar du changement en général, il paraît n'y avoir aucune loi, aucune théorie générale et universelle du changement en éducation, aucune synthèse permettant de comprendre l'ensemble des transformations (Plaisance, 1993).

C'est pourquoi nous nous attacherons principalement à la

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stratégie d'innovation, qui, conformément à ce que Morin nous a montré, semble l'élément le plus à même de transformer l'école, celui dont la mise en place augmentera les chances de réussir une amélioration réelle de l'école (van Velzen & al., 1988).

Par s tratégie, nous entendons un ensemble de dispositions prises et conduisant l'école à se transformer, à modifier son fonctionnement et ses usages. La stratégie permet de guider l'action d'une façon réfléchie. Comme nous l'avons évoqué plus haut, la stratégie se distingue du programme d'action par le fait qu'elle tente de prendre en compte les facteurs imprévisibles, qu'elle se prépare à travailler avec l'aléatoire, à en tirer parti. Par nature, elle ne détermine donc pas totalement l'action, mais définit plutôt un certain nombre de p oints de repère, notamment la finalité de l'innovation, ses réalisateurs, son mode de réalisation, son calendrier de réalisation et ses ressources. Pour ce qui concerne l'école, il nous paraît important d'examiner plus précisément les deux premiers de ces points de repère : la finalité et les réalisateurs de l'innovation.

1 .3.1. L 'efficacité comme finalité

La finalité générale des changements dont nous parlons dans ce travail est la suivante : améliorer l 'efficacité et la qualité de l 'école. La définition opératoire de l'efficacité d'une école que propose van Velzen (1988, p.60) correspond bien à ce que nous entendons

L'EFFICACITE D'UNE ÉCOLE

"obtenir de ses élèves les résultats les meilleurs possibles (par rapport à l'ùttéressé et à la société) ;

y parvenir en laissant aussi peu que possible les talents des élèves en friche

;

e et en utilisant les moyens dont elle dispose de façon rentable.

"

1

1 A ce stade, il nous paraît important de relever la différence que Hanhart(l 995) établit à la suite des Anglo-saxons entre efficacité de / 'école dont on voit bien ici toute la portée notamment pédagogique et efficience de / 'école

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