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Des supposées évidences scolaires aux présupposés des élèves. La co-construction des difficultés scolaires des élèves de milieux populaires.

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Academic year: 2021

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HAL Id: tel-00677895

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00677895

Submitted on 10 Mar 2012

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Des supposées évidences scolaires aux présupposés des élèves. La co-construction des difficultés scolaires des

élèves de milieux populaires.

Stéphane Bonnéry

To cite this version:

Stéphane Bonnéry. Des supposées évidences scolaires aux présupposés des élèves. La co-construction

des difficultés scolaires des élèves de milieux populaires.. Education. Université Paris VIII Vincennes-

Saint Denis, 2003. Français. �tel-00677895�

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UNIVERSITE PARIS 8 – VINCENNES-SAINT-DENIS U.F.R. 8 : C.A.P.F.E.D

N° attribué par la bibliothèque |__|__|__|__|__|__|__|__|__|__|

T H E S E pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L'UNIVERSITÉ PARIS 8 Discipline : sciences de l’éducation

présentée et soutenue publiquement par

Stéphane Bonnéry

le 15 décembre 2003

Des supposées évidences scolaires aux présupposés des élèves.

La co-construction des difficultés scolaires des élèves de milieux populaires.

_______

Directeur de thèse : Mme Élisabeth Bautier

______

(3)

REMERCIEMENTS

Ce travail est grandement redevable aux échanges collectifs qui ont eu lieu dans le cadre de l’équipe ESCOL et plus récemment dans celui du réseau d’équipes de recherche RESEIDA, mais aussi aux échanges plus individuels avec les membres de cette équipe et de ce réseau, que nous ne pouvons malheureusement tous citer.

Ce doctorat a été rendu possible par la participation à différentes recherches, ainsi qu’à des travaux de valorisation de la recherche, commandités par différentes institutions. À cette occasion, notre réflexion a bénéficié de la rencontre avec nombre de personnes engagées dans des programmes de recherches interministériels, de personnels de collectivités locales, du C.N.D.P et de l’I.N.R.P (et plus précisément du Centre Alain Savary). Qu’ils soient, eux aussi, remerciés ici.

Si nous avons eu l’opportunité de participer à ces différentes recherches, qui ont alimenté ce

travail de thèse, nous le devons au souci permanent d’aide et d’encadrement de l’équipe ESCOL

envers ses doctorants, y compris pour mettre en œuvre les conditions concrètes, donc financières, de

leur travail. C’est parce que nous savons à quel point ces conditions font souvent défaut à nombre

d’étudiants de troisième cycle, essentiellement du fait de l’insuffisance des moyens institutionnels

dégagés (comme plus généralement de ceux attribués à la recherche), que nous tenons à remercier

les responsables de l’équipe de cette préoccupation à chercher des solutions alternatives par

l’engagement des doctorants dans des travaux de recherche, et plus particulièrement Jean-Yves

Rochex et Élisabeth Bautier. Cette dernière est à remercier plus spécifiquement encore pour sa

grande disponibilité et sa patience dans la direction de ces différentes recherches et de ce doctorat.

(4)

S OMMAIRE .

S OMMAIRE . ... 3

P REMIERE PARTIE . L A SCOLARITE UNIQUE MISE EN DIFFICULTE PAR L OCCULTATION DES INEGALITES SOUS PRETEXTE DE " DIFFICULTE SCOLAIRE " ? ... 5

Introduction. ... 6

Chapitre I. La « grande difficulté scolaire » : constats... 13

A. Conceptions initiales et terrains de l’étude sur les élèves de classes-relais. ... 13

B. Les éléments évoqués par les élèves de classes-relais pour interpréter les situations. ... 20

Conclusions du chapitre : le "cumul" des éléments hétérogènes... 40

D EUXIEME PARTIE . L A CONFRONTATION DES ELEVES A L ECOLE POUR EXPLIQUER LA CONSTRUCTION DES INEGALITES SCOLAIRES : CADRES THEORIES , PROBLEMATIQUE ET METHODOLOGIE . ... 46

Chapitre II. Cadres théoriques et problématique... 47

A. Une approche en termes de confrontation à l’École des élèves de milieux populaires... 47

B. L’École à laquelle se confrontent les élèves de milieux populaires. ... 69

C. Les registres de la confrontation à l’École mobilisés par les élèves... 89

D. Problématique : la co-construction des inégalités dans les agencements des registres de la confrontation des élèves de milieux populaires à l’École. ... 116

Chapitre III. Méthodologie de la recherche... 124

A. La démarche de recherche. ... 124

B. Les terrains de la recherche... 133

T ROISIEME PARTIE . L A CO - CONSTRUCTION DES " DIFFICULTES SCOLAIRES " DANS LA CONFRONTATION DES EL EVES A L ECOLE ELEMENTAIRE ET AU COLLEGE SUR LES REGISTRES LANGA GIER , COGNITIF , SUBJECTIF ET SOCIAL . ... 155

Chapitre IV. Le registre cognitif de la confrontation à l’École des élèves de milieux populaires : les « difficultés d’apprentissage ». ... 156

A. Le registre cognitif de la confrontation des élèves à l’école élémentaire. ... 156

B. Le registre cognitif de la confrontation des élèves au collège... 214

Conclusions du chapitre. ... 232

Chapitre V. Le registre subjectif de la confrontation à l’École des élèves de milieux populaire s : les « difficultés »de l’enfant / adolescent vis-à-vis de l’élève. ... 235

A. Le registre subjectif de la confrontation des élèves à l’école élémentaire. ... 235

B. Le registre subjectif de la confrontation des élèves au collège. ... 265

Conclusions du chapitre. ... 279

Chapitre VI. Le registre social de la confrontation à l’École des élèves de milieux populaires : la rencontre de différentes « évidences »... 281

A. Les usages socio-langagiers, de l’école élémentaire au collège. ... 282

B. La confrontation à des "valeurs" évidentes, de l’école élémentaire au collège. ... 286

C. Les pratiques sociales non partagées, et le renvoi à l’élève des caractéristiques du "groupe"... 293

Conclusions du chapitre. ... 301

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Q UATRIEME PARTIE . A GENCEMENTS DES REGISTRES DE LA CONFRONTATION DES ELEVES A

L ECOLE ET PROCESSUS . ... 303

Chapitre VII. Du constat d’échec à se conformer au rejet de l’École. Une explication de la co-construction de la "grande difficulté scolaire" chez des élèves "motivés". ... 306

A. Configurations et processus... 306

B. Amidou. ... 313

C. Bassekou. ... 320

D. Souleymane. ... 321

Chapitre VIII. Le maintien des logiques de conformation par la mise en présence brouillée. Une explication de la "difficulté" repoussée en fin de collège... 325

A. Configurations et processus... 325

B. Vikash. 330 C. Niamounga... 332

Chapitre IX. De la mise en présence minimale à l’inscription durable dans le rejet conflictuel de l’École. Une explication de la co-construction de la "grande difficulté scolaire" chez des élèves "repérés" dès l’école primaire... 335

A. Configurations et processus... 335

B. Jérémy. ... 340

C. Raffik. 344 Chapitre X. De la mise au travail occasionnelle à la conformation dans la mise en présence. Une explication des "difficultés ordinaires" des élèves de milieux populaires ?... 349

Conclusion de la quatrième partie. Des configurations et des processus contribuant à l’explication de la co-construction de la "grande difficulté" et des inégalités... 354

CINQUIÈME PARTIE. VALIDATION, GENERALISATION ET CONCLUSIONS. ... 358

Chapitre XI. Des conclusions généralisables aux élèves de milieux populaires... 359

A. La construction d’une nouvelle recherche. ... 359

B. La non-affectation : un moment de remise en cause de l’élève, permettant d’identifier des logiques de la confrontation à l’École... 371

C. Le recours au dispositif : entre épisode éphémère et « moment-charnière »... 381

D. La confrontation à l’École lors de la réaffectation : les logiques, configurations et processus à l’œuvre. ... 394

Conclusion du chapitre... 402

C ONCLUSIONS GENERALES ... 404

Les mises en formes scolaires des objets de confrontation à l’École contribuant aux « difficultés » des élèves de milieux populaires. ... 404

L’occultation de la différenciation scolaire et la désociologisation du monde social et de l’École participant à la remise en cause de la scolarité unique au nom des « difficultés » des élèves. ... 410

L’approche en termes de confrontation à l’École. Perspectives... 413

B IBLIOGRAPHIE . ... 416

A NNEXES . ... 422

Annexe 1 : Glossaire. ... 422

Annexe 2 : Récapitulatif des entretiens réalisés avec des collégiens de classes-relais. ... 424

T ABLE DES MATIERES . ... 430

(6)

P REMIERE PARTIE . L A SCOLARITE UNIQUE

MISE EN DIFFICULTE PAR L OCCULTATION DES INEGALITES

SOUS PRETEXTE DE " DIFFICULTE SCOLAIRE " ?

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Introduction.

La durée des scolarités a nettement été allongée en quelques décennies pour les élèves de milieux populaires. Cet allongeme nt n’a pas seulement une dimension temporelle, ni même quantitative si l’on considère la masse des enfants et des jeunes devenus des élèves et/ou des étudiants à des âges où leurs parents étaient déjà dans la vie professionnelle : c’est l’accès à des types de scolarités jusqu’ici réservées aux enfants des classes dominantes (réservation de principe ou implicite mais de fait) qui a été rendu possible.

Le débat socio-politique sur la démocratisation scolaire a ainsi longtemps focalisé l’attention sur l’accès à des degrés du système ou à des filières élitistes. D’ailleurs, qu’elle soit plus ou moins mise en lumière cette question de l’opportunité ou non de l’« ouverture des portes » est toujours d’actualité

1

, notamment lors de chaque rentrée dans le deuxième degré de l’enseignement scolaire ou dans l’enseignement supérieur, pour des filières particulièrement « cotées ». C’est aussi le cas pour des formations à numerus clausus (B.T.S, I.U.T...) où les élèves ou étudiants venant de filières plus valorisées concur rencent les prétendants théoriques (compte tenu de leur cursus antérieur) à ces places. Également, les capacités d’accueil restreintes des universités sont toujours d’actualité.

Mais pour l’école élémentaire et le premier cycle du collège, cette question de l’accès à des filières d’excellence devrait n’avoir plus lieu d’être depuis l’instauration officielle d’une scolarité unique. Si la concentration de certaines populations dans des territoires du fait des modes d’habitat, comme la mise en concurrence des établissements et des élèves dans de nouvelles filières déguisées sous des options conduisent en partie au contournement de la mise en pratique d’une scolarité réellement unique, il reste que durant celle-ci les élèves sont censés suivre un curriculum formel, commun, institutionnalisé. Or, de leur entrée dans cette scolarité unique jusqu’à son terme, les résultats des évaluations nationales montrent des différences de « réussite » vis- à-vis de ce curriculum unique, dont la mise en œuvre diversifiée ne nous semble pas pouvoir, à elle seule, rendre compte, même si elle y contribue. Les diverses recherches sur la question

2

montrent également ces différences de « réussites », différences qui, proportionnellement, recoupent sensiblement celles des différents milieux sociaux dont les élèves sont issus. Elles peuvent être considérées comme des inégalités, même si l’explication de celles-ci n’est pas univoque.

Près de trente ans après son instauration, la scolarité unique fait l’objet de remises en causes dans certains discours publics : la permanence de « l’échec » ou des inégalités est un des éléments qui y contribuent. Le collège est au centre de ces critiques publiques, au travers de deux

« explications » principales.

Le premier argument retourne en « constat fataliste » l’ambition de départ : « l’échec » d’une part apparemment irréductible

3

d’élèves dans le collège actuel conduirait à considérer ces derniers

1

Le dispositif construit comme terrain d’une recherche dans la cinquième partie agit essentiellement dans cette perspective de « la levée des verrous s électifs ».

2

Pour les ouvrages les plus récents :

Duru -Bellat Marie, Les inégalités sociales à l’école. Genèse et mythes, Paris : P.U.F, 2002.

Merle Pierre, La démocratisation de l’enseignement, Paris : éditions La découverte & Syros, 2002.

Terrail Jean-Pierre, De l’inégalité scolaire, Paris : La Dispute, 2002.

3

Le taux d’élèves sortant sans qualification du système (donc échappant aux objectifs d’un niveau V au minimum

stipulés dans la loi de 1989) stagne depuis quelques années pour la première fois au seuil de 8%, alors qu’il avait

toujours diminué depuis l’instauration de l’école publique.

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comme des « causes perdues » pour l’enseignement et à chercher des voies périphériques,

« adaptées » à « leur(s) difficulté(s) » alors conçue(s) de façon substantialisée. Autrement dit, cette ambition serait vouée à l’échec « à cause » de ce que sont les élèves. D’une part, ceux-ci peuvent être considérés comme les « victimes » de l’influence handicapante de leur milieu familial et socio- culturel, milieu conçu comme une entité en dehors des rapports sociaux, comme le désigne la catégorie institutionnelle « familles défavorisées » (voir plus loin). D’autre part, les élèves peuvent être considérés comme les « coupables » de leur échec, attribué alors à leur manque de motivation, de travail, à leur violence, etc., c'est- à-dire aux aspects les plus troublants de l’ordre scolaire car ils sont les plus visibles. Mais ces deux dimensions du même argument ne semblent pas contradictoires dans les discours publics ; elles se retrouvent dans l’appellation substantialisante désignant « les élèves en difficulté », uniformisant ainsi les « difficultés » d’apprentissage, celles attribuées au domaine de la psychologie, aux conditions de vie dans les familles, etc. Les difficultés sont alors identifiées comme étant du côté des élèves et de leur famille : c’est un état de fait auquel l’École ne peut rien, la scolarité devant alors soit être adaptée en parcours différenciés, soit être poursuivie de façon artificielle dans le curriculum formel unique.

Si ce premier argument principal réduit la difficulté à ce que sont les élèves, le deuxième, à l’inverse, porte sur l’École

1

et tout particulièrement sur les enseignants. Pour les uns, désignés comme « pédagogues », c’est le manque de prise en compte de la spécificité de chaque élève qui serait en cause, le manque d’adaptation des savoirs et de l’enseignement aux différentes populations. Pour les autres, érigés en « défenseurs des savoirs », c’est au contraire la trop grande attention aux enfants qui conduirait à dénaturer l’École et ses savoirs, hérités en particulier de l’ancien lycée élitiste. Mais dans ces deux cas, il nous semble que sont considérées comme une fatalité les difficultés à faire acquérir à l’ensemble d’une génération les mêmes savoirs (ceux hérités des logiques de l’enseignement secondaire) au travers des mêmes enseignements. L’appropriation de ces savoirs est supposée nécessiter des acquis antérieur que tous les élèves n’ont pas : seul le constat de ce « manque » est pointé par les discours publics et scolaires en termes de « handicap socio-culturel » de ces enfants / adolescents. Quand les critiques envers l’École sont reportées sur les enseignants, et surtout sur ceux de collège, elles entérinent ce présupposé en demandant aux professeurs de trouver par eux- mêmes les moyens pour enseigner malgré un tel « handicap », au lieu de reconsidérer ce que l’École doit transmettre nécessairement à chacun pour qu’il puisse apprendre. Nous voyons là en quoi ce deuxième argument, qui porte sur l’École et ses choix d’enseignement, rejoint le premier, qui lui, porte sur les élèves : la scolarité unique imposerait soit de « rabaisser le niveau » pour tous, soit d’être aménagée (et donc de n’être plus vraiment unique) en prévoyant des parcours spécifiques pour ceux qui ne pourraient pas suivre.

La formation de chacun des élèves pour qu’il puisse acquérir ce qui lui « manque » du point de vue scolaire, partager ces évidences, apprendre les savoirs, est une question évacuée pour l’essentiel. Les conceptions à l’œuvre dans les discours dominants désignent les élèves comme « en difficulté », et occultent donc ce qui se construit entre ceux-ci et l’École, comme le fait que les

« manques » résultent de la position de dominés qu’occupent certains groupes sociaux dans contexte socio- historique conflictuel et du présupposé selon lequel les modes d’éducation dans les classes dominantes seraient la référence à partir de laquelle devrait fonctionner l’École. Et, nous allons y revenir, cette désociologisation de l’École nous semble contribuer non seulement à l’explication des inégalités scolaires, mais aussi à la remise en cause de la scolarité unique.

1

Par convention, le terme « École » avec une majuscule désignera le système scolaire et essentiellement l’institution

ayant en charge la scolarité unique. Plus occasionnellement, mais ce sera alors explicite, cette désignation sera élargie

au système scolaire dans son ensemble, en englobant les différents niveaux de ce système, c'est-à-dire les « écoles »

maternelles et élémentaires (terme alors écrit avec une minuscule), le collège, les différents types de lycée.

(9)

Il nous semble plus opportun de construire la question autrement. D’une part, plutôt que de recourir à la catégorie « élèves en difficulté » qui substantialise et uniformise les raisons supposées de ces « échecs », il nous semble nécessaire d’étudier dans le détail les « difficultés » de différents ordres auxquelles se heurtent les élèves au sein même des scolarités. D’autre part, ces « difficultés » ne nous semblent pas explicables du seul côté des élèves (comme si l’École ne faisait qu’enregistrer les différences), pas plus qu’elles ne le sont du seul côté de l’École, des enseignants et de leurs difficultés à trouver des solutions pour enseigner à tous les élèves la même chose.

Nous ferons plutôt l’hypothèse d’une co-construction des « difficultés » sur différents aspects de la scolarité. Mais ce qui nous intéresse n’est pas tant la création de difficultés scolaires occasionnelles et hétérogènes chez les enfants de familles populaires : les recherches antérieures

1

ont précisément montré que les écarts de « réussite » entre les enfants de différentes catégories sociales se font toujours au détriment des élèves issus de milieux populaires, même si la durée de leur scolarité a progressé. Nous explorerons donc ces différentes « difficultés » co-construites dans leurs récurrences, leurs cumuls, et leurs agencements pour essayer de comprendre la construction des inégalités sociales de réussite scolaire.

Nous y avons fait allusion, les discours publics focalisent sur deux aspects qu’ils relient : la scolarité unique au collège et les cas d’élèves les plus troublants pour l’École, qu’elle considère comme relevant de la « grande difficulté ». Sans nul doute, l’École accueille en son sein aujourd'hui des élèves dont les façons de faire devant les apprentissages sont en rupture avec les attitudes présupposées évidentes d’écoliers et qui plus est de collégiens. De la même façon, les problèmes sont davantage visibles dans le premier degré de l’enseignement secondaire, notamment parce que les élèves troublent davantage l’ordre scolaire que dans l’école élémentaire. Mais cela ne signifie pas que la co-construction de ce qui est désigné scolairement comme la « grande difficulté » débute à l’entrée en sixième.

Déconstruire ce que l’institution scolaire nomme la « grande difficulté scolaire » ou déconstruire la croyance que cette dernière pose surtout problème au collège, ne conduit donc pas à nier ces constats. Nous les considèrerons plutôt comme des « symptômes », et même comme de potentiels « effets loupe » : nous visons ainsi à comprendre comment, en amont, se construisent les scolarités qui font ultérieurement l’objet d’un verdict de « grande difficulté », en ayant comme perspective que l’explication de la co-construction de cette « grande difficulté » donne des pistes d’analyse de la co-construction des « difficultés plus ordinaires » auxquelles se confrontent les élèves de milieux populaires, qui ne partagent pas les présupposées « évidences scolaires ».

D’une part, si, comme nous l’avons dit, nous nous démarquons de l’idéologie du « handicap socio-culturel » et/ou d’explications psychologisantes des difficultés scolaires, les collégiens désignés par l’institution scolaire comme étant « en grande difficulté » alors qu’ils ne relèvent pas de l’enseignement spécialisé

2

pourraient ne pas avoir de difficultés d’une nature différente : au contraire, ils donneraient alors à voir de façon plus exacerbée les difficultés que rencontrent plus largement d’autres élèves. Or, cette « grande difficulté scolaire », lorsqu’elle ne relève pas de l’enseignement spécialisé, concerne très majoritairement des enfants de milieux populaires.

L’identification dans le détail de la construction des « difficultés » de ces cas extrêmes pourrait donc mettre en lumière celles plus « ordinaires » des élèves de milieux populaires. Les difficultés des cas d’échec avérés montreraient alors celles qu’ont dû surmonter les autres enfants de milieux populaires, avec plus ou moins de réussite. Dans le déroulement du doctorat, c’est de là que notre

1

Notamment : Bourdieu Pierre & Passeron Jean-Claude, La reproduction. Eléments pour une théorie du système d’enseignement, Paris : Les Editions de Minuit, 1970.

2

C'est-à-dire qu’ils ne souffre nt pas de « handicaps » biologiques et/ou psychologiques empêchant les apprentissages.

(10)

réflexion a débuté. Le Chapitre premier est ainsi construit sur les constats retenus à l’occasion d’une enquête à laquelle nous avons eu l’opportunité de collaborer, enquête réalisée auprès d’élèves de classes-relais (c'est- à-dire de collégiens ayant fait l’objet d’un tel diagnostic institutionnel de

« grande difficulté »). Cette première étude a servi de base au D.E.A et aux questions initiales de la thèse. Nous commencerons donc par faire état de ces constats, en restant au plus près des discours des élèves rencontrés. La construction de cadres théoriques, d’une problématique et d’une méthodologie nécessaire au chercheur pour rendre raison de ces constats initiaux fera l’objet de la partie suivante.

D’autre part, si nous considérons que les difficultés qui prennent un caractère exacerbé et visible au collège sont à étudier sur l’ensemble de la durée de la scolarité obligatoire, pour autant, il n’est pas dans notre propos d’imiter les discours publics simplement en déplaçant la cible du secondaire vers le primaire. Plutôt que l’identification de l’un ou l’autre degré du système

« responsable » de tous les problèmes, c’est l’étude de la construction potentiellement progressive des inégalités qui sera retenue.

Deux conséquences en découlent, l’une sur l’École, l’autre sur les élèves, qui seront centrales de notre travail, et qui participent à l’approche, développée dans la deuxième partie, en termes de confrontation pour expliquer la co-construction des inégalités.

Premièrement, et nous avons commencé cette introduction par cet aspect, l’allongement de la durée des études pour les élèves de milieux populaires signifie l’accès à des scolarités jusqu’ici réservées aux enfants des catégories moyennes et supérieures. Pour ce qui est de la scolarité unique, c’est le cas du collège. Dans le chapitre II, nous verrons qu’à chaque degré du système scolaire, les élèves sont confrontés à des savoirs, à des activités, à des usages langagiers, à des personnes (enseignants, pairs...) et à des groupes, mais ils sont aussi confrontés à eux- mêmes (en tant qu’enfant vis- à- vis de l’élève, en tant qu’élève qui « réussit » ou « échoue », etc.). Ce sont ces différents « objets » que nous définirons comme ceux sur lesquels les élèves se confrontent à l’École. Or, sans trop anticiper, disons quand un élève « passe » de l’école primaire au collège il se confronte à deux mises en œuvre de la forme scolaire, l’une en partie héritière de l’école autrefois fréquentée par les enfants de milieux populaires, l’autre découlant principalement de l’ancien lycée qui était alors majoritairement fermé à ces élèves. Si le collège n’est pas la reproduction à l’identique des anciennes petites classes du lycée, il en est l’héritier. De même, si l’école primaire a été profondément changée du fait de la scolarité unique et de sa nouvelle fonction de préparation au collège, du fait également des nouvelles conceptions pédagogiques, elle garde une certaine spécificité. Parce qu’ils préparent à une scolarité plus longue, les savoirs auxquels les élèves sont confrontés aujourd'hui dans la scolarité unique sollicitent, non plus comme dans l’école du peuple d’autrefois, principalement des tâches de mémorisation, de répétition, d’imprégnation. Au contraire la réussite scolaire requiert une élaboration des savoirs par l’activité cognitive de chaque élève.

Cette différence est pointée dans les discours dominants essentiellement sur le mode de l’évolution

historique : on ne peut plus se contenter « d’inculquer ». Mais cette nécessité d’élaboration des

savoirs par l’élève, qui est en partie héritière des exigences de l’ancien lycée d’élite, fait l’objet

d’une évidence socialement située : elle repose sur des habitudes de raisonnement, des modes de

pensée et d’apprentissage qui ne sont pas également répartis du point de vue social. C’est en

particulier à ce sujet que nous avons précédemment évoqué les supposées « évidences » scolaires,

dont nous formons la double hypothèse d’une part que l’École les enseigne moins qu’elle ne se

contente de constater le manque de ces « compétences » sur le thème du « handicap socio-

culturel », et d’autre part que leur non-partage par les élèves contribue aux « difficultés »

d’apprentissage. Autrement dit, la rupture avec les scolarités d’autrefois, ségrégatives et « adaptées

sociologiquement » aux différentes populations, pourrait avoir donné lieu à une forme

d’uniformisation des façons de faire qui est une forme désociologisée, qui épouse les « évidences »

(11)

des catégories sociales historiquement les plus familières de l’enseignement secondaire. Au-delà du strict plan des apprentissages et des activités cognitives sollicitées chez les élèves, la manière dont la scolarité unique a été mise en œuvre nous semble reposer sur d’autres « évidences » similaires.

En effet, les apprentissages se font souvent à partir de pratiques sociales ou d’objets sociaux, donc inégalement familiers a priori des élèves (le livre associé à la lecture-plaisir, les formes de politesses, etc.). Ici encore, la confrontation des élèves à ces objets pourrait être sollicitée par l’École sur le mode de la familiarité présupposée évidente, d’où le seul constat de « handicaps socio-culturels ». De même, les modes de socialisation scolaire dans le lycée d’autrefois pouvaient fonctionner sur des évidences socialement situées, alors que l’institution de l’enfant en élève était un travail permanent de l’ancienne école primaire : on pourrait ainsi se demander si nombre de récriminations sur les comportements des « enfants » ne traduisent pas le seul constat du

« manque » de conformité vis- à- vis de ce qui est présupposé évident dans le comportement d’un élève. Devant les « échecs » ou le constat de « manques » dans ces différents domaines, l’institution scolaire invite les enseignants à « adapter » les pratiques aux populations. Cette adaptation « par défaut » à des élèves considérés comme particuliers du fait de « leurs difficultés » occulterait donc le non-partage de ces évidences socialement situées : sinon, il ne serait pas question d’adaptation spécifique, mais d’enseignement à tous les élèves de ce qui n’est spontanément évident que pour quelques uns. C’est donc la construction de ces difficultés dans la scolarité elle-même qui est occultée, et par voie de conséquence, la construction d’inégalités scolaires, d’où une possible remise en cause de la scolarité unique. Ces modes d’adaptation nous semb lent une piste à explorer pour la visibilité ou la confusion supplémentaire qu’elles peuvent produire sur ce qui jusque- là était considéré comme des évidences. Ces adaptations particulières, comme les mises en œuvres pédagogiques « communes », relèvent en partie des façons de faire propres à chaque enseignant, mais pour partie seulement. Les savoirs, les activités sollicitées, la fonction enseignante et l’institution de groupe d’élèves, le langage scolaire, les conceptions dominantes de ce que doit être un élève, sont autant d’objets de le confrontation à l’École que l’on ne peut pas réduire à la singularité des situations ou aux façons de faire des enseignants particuliers. Si ces façons de faire peuvent, à leur mesure, contribuer à l’intelligibilité de la construction des difficultés, il nous semble préférable de privilégier d’une part ce qui relève de contextes sociaux ou institutionnels dans les situations de classe, et d’autre part, ce qui, dans les singularités des situations est suffisamment récurrent pour ne pas être « particulier » mais significatif. En essayant de comprendre à quelle École les élèves de milieux populaires sont confrontés dans leur scolarité, nous nous intéresserons donc moins à la dimension purement didactique des situations qu’aux façons dont l’École sollicite la confrontation des élèves de milieux populaires à ses « objets », sur différents modes, plus ou moins explicites. Cette construction théorique sera argumentée dans les sections A et B du chapitre II.

Deuxièmement, l’étude de la construction des « difficultés » dans la scolarité elle- même et dans sa durée ne signifie pas seulement la confrontation à des formes scolaires hétérogènes héritées de différents moments de l’histoire de l’École. Elle met également en jeu l’historicité du sujet-élève.

En effet, comme nous l’avons dit, l’explication des inégalités nous semble devoir être cherchée non pas du seul côté de l’École ou de l’élève, mais dans la co-construction des « difficultés » récurrentes. Autrement dit, l’élève ne nous semble pas devoir être considéré comme subissant passivement la confrontation à l’École, mais en tant que participant à la création des « difficultés ».

En effet, si nous avons dit que nous ne nous inscrivions pas dans une conception selon laquelle il

« manquerait » quelque chose aux élèves de milieux populaires pour réussir, c’est surtout dans le

sens où l’École ne leur fournit pas ce qui est indispensable à l’apprentissage. Il ne s’agit pas pour

autant de dire que ces élèves « font » ce qui est nécessaire pour « réussir » : des recherches

(12)

antérieures

1

ont montré que les écoliers et collégiens de milieux populaires ne mettent pas en œuvre les activités cognitives requises. Ils mobilisent plus spontanément des modes de travail et de comportement scolaires (vis- à- vis de l’enseignant, des « règles » scolaires »

2

, etc.) qui leur sont davantage familiers hors de l’École. Le chapitre II a pour tâche d’élaborer le cadre théorique d’une approche en termes de confrontation à l’École des élèves de milieux populaires qui permette de comprendre cette co-construction des « difficultés ». Par ailleurs, ces façons de faire plus spontanées mais inadéquates pour apprendre et « réussir » nous semblent devoir être considérées comme d’autant plus mobilisables que l’École ne met pas les élèves explicitement au travail sur les objets adéquats. Et nous l’avons dit, il nous semble opportun d’étudier les difficultés qui surviennent dans leur détail plutôt que de les supposer uniformes, c'est- à-dire sur une diversité de registres sur lesquels se réalise la confrontation. La section C du chapitre II définira de façon théorique les différents registres (cognitif, subjectif, social et langagier) qui nous serviront de cadre pour une recherche sur l’analyse de la confrontation des élèves à l’École. Cette recherche, définie méthodologiquement dans le chapitre III, portera, pour mettre en œuvre ce qui a été développé jusqu’ici, sur la co-construction des difficultés scolaires dans la confrontation des mêmes élèves à l’école élémentaire puis au collège.

Si les discours publics sur la « difficulté scolaire » mettent l’accent sur les dimensions les plus médiatiques des « symptômes » (violences, absences...), il nous semble au contraire pertinent d’étudier les difficultés qui peuvent survenir sur le registre cognitif et sur le registre langagier de la confrontation à l’École, dans l’appropriation scolaire des savoirs et des usages de la langue. Le chapitre IV y sera consacré. Mais des difficultés peuvent également survenir sur le registre subjectif de la confrontation, dans ce qui se joue pour un même sujet entre l’élève que sollicite l’École, l’enfant tel qu’il s’est construit dans sa famille, l’adolescent dans son groupe de pairs, et le sujet-social tel qu’il s’inscrit dans le monde. Ce sera l’objet du chapitre V . Enfin, le chapitre VI traitera du registre social de la confrontation à l’École, c'est- à-dire de la rencontre entre des supposées évidences de l’École d’une part, des élèves d’autre part, socialement situées sur le plan des pratiques sociale s et des valeurs. Ces chapitres constituent la troisième partie .

Si pour les cas d’élèves stigmatisés comme étant « en grande difficulté scolaire », il est a priori envisageable que des difficultés soient observables simultanément sur les différents registres de la confrontation, l’étude de la co-construction des difficultés dans la durée des scolarités des élèves de milieux populaires susceptibles de devenir des « élèves en difficulté » nous amène à former l’hypothèse, centrale de notre travail, que ces différents registres, distingués heuristiquement mais confondus chez les écoliers et collégiens, sont inégalement mobilisés et s’agencent de façon variable selon les élèves mais aussi que ces agencements évoluent au cours de la scolarité. Ce pourrait ainsi être une contribution possible à l’explication de l’apparition au collège de difficultés jusqu’alors latentes mais non cristallisées. Les différents chapitres de la quatrième partie sont consacrés à ces agencements de registres, évolutifs au cours du temps.

Pour autant, le caractère significatif de ces conclusions ne saurait être établi sur une seule recherche empirique, donc forcément contextualisée. C’est la généralisation de ces résultats que vise la cinquième partie , au travers des résultats d’une autre recherche.

Si la démarche de notre doctorat a débuté par une enquête auprès d’élèves désignés par l’École comme étant en « grande difficulté scolaire », ce dont il va maintenant être question, cela ne

1

Charlot Bernard, Bautier Élisabeth & Rochex Jean-Yves, École et savoirs dans les banlieues... et ailleurs, Paris : Armand Colin, 1992.

Lahire Bernard, Culture écrite et inégalités scolaires. Sociologie de l’“échec scolaire” à l’école primaire, Lyon : Presses Universitaires de Lyon, 1993.

2

Thin Daniel, « Désordre » scolaire dans les collèges de quartiers populaires. Rapport de recherche, Groupe de

recherche sur la socialisation / Université Lumière Lyon 2, 1999.

(13)

veut pas dire que nous adoptions le point de vue des discours publics et médiatiques sur un constat

d’échec de la scolarité unique du fait de ce que seraient ces élèves. Au rebours de ces discours qui

occultent la « fabrication » des inégalités derrière la substantialisation de « la difficulté scolaire »,

l’approche en termes de confrontation des élèves à l’École vise à comprendre la co-

construction de ce qui conduit à des situations scolaires désignées par le verdict de « grande

difficulté », comme de difficultés récurrentes que rencontrent les élèves de milieux populaires,

donc la co-construction des inégalités scolaires dans le déroulement même des scolarités.

(14)

Chapitre I. La « grande difficulté scolaire » : constats.

A. Conceptions initiales et terrains de l’étude sur les élèves de classes-relais.

L’avancée de notre raisonnement suivra le cheminement qui a été le nôtre, du D.E.A au doctorat. Nous avons eu l’opportunité de participer à une étude sur les élèves de classes-relais

1

, qui a servi de point de départ à notre réflexion et qui nous a permis de donner le jour notre mémoire de D.E.A

2

. Celui-ci portait sur la question des modes d’interprétation des situations scolaires par les élèves rencontrés dans ces dispositifs, élèves que l’institution scolaire identifie comme étant en

« grande difficulté scolaire », sans qu’ils relèvent de l’enseignement spécialisé. Cette étude a été réalisée à partir de quelques conceptions initiales, sans pour autant que celles-ci constituent un cadre théorique et une problématique de recherche. Nous sommes restés « au plus près » des discours des élèves, en nous contentant d’identifier ce qui pouvait faire l’objet d’un travail de recherche ultérieur.

La première partie, assez brève, livrée ici au lecteur a donc pour seule ambition de pointer les constats et les conclusions qui nous ont servi par la suite à élaborer une recherche.

Après une rapide présentation des conceptions initiales qui guidaient l’enquête, des terrains construits et des données recueillies, les constats formulés seront par la suite réinterprétés du point de vue de la recherche.

1. Les élèves désignés par l’École comme étant « en grande difficulté scolaire »".

a) « Apprentissages » et « comportements ».

Les « symptômes » couramment évoqués dans les discours publics, au sein de l’École

3

et au- delà, quant à la « grande difficulté scolaire » évoquent bien sûr des déficits d’acquisition scolaire.

Mais tout aussi fréquemment, les discours sur cette difficulté scolaire accrue portent sur la dégradation des relations pédagogiques et désignent les élèves « ingérables » (en termes d’« incivilité », d’« inadaptation », de « violence », d’« absentéisme »). Dans les discours publics, la dimension « comportementale » prend même souvent le pas sur celle des apprentissages, tant parce qu’elle est davantage évoquée que parce qu’elle est souvent considérée comme une cause de la non- acquisition de savoirs : c’est « parce que » ces élèves ne seraient pas « sages » qu’ils n’apprendraient pas.

1

Étude menée en collaboration et qui a donné lieu à la publication d’un rapport :

Centre Alain Savary / I.N.R.P (Bazart Dominique, Bonnéry Stéphane, Martin Élisabeth), Les élèves des dispositifs relais. Enquête réalisée à la demande du ministère de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Paris, M.E.N.R.T / M.J., 1999, 44 p.

2

Bonnéry Stéphane, Des élèves repérés aux repères des élèves, Mémoire de D.E.A de sciences de l’éducation s ous la direction d’Élisabeth Bautier Élisabeth, Équipe ESCOL / Université de Paris 8 – Saint-Denis, septembre 1999.

3

Par convention, le terme « École » avec une majuscule désignera le système scolaire dans son ensemble, en englobant

les différents niveaux de ce système, c'est-à-dire les « écoles » maternelles et primaires (terme alors écrit avec une

minuscule), le collège, le lycée...

(15)

Déjà, notre travail de D.E.A n’allait pas conforter cette « évidence ». Elle visait à identifier des domaines qui pourraient révéler des difficultés de nature variée, potentiellement cumulées, donc sans présupposer la primauté d’un domaine sur un autre. Cette démarche s’appuyait sur des recherches

1

qui montrent par exemple que dans les dossiers des élèves sortis précocement sans qualification du système scolaire (donc a priori faisant partie des élèves "en grande difficulté"), les difficultés « comportementales » n’apparaissent chronologiquement jamais avant les difficultés vis- à- vis des apprentissages.

b) L’attention portée sur le collège et les collégiens de milieux populaires.

Les discours publics désignent le collège comme le niveau où ont lieu les difficultés. En effet, c’est là que les « symptômes » dont il a été question sont les plus souvent repérés, que des élèves sont exclus ou interrompent leur participation aux activités scolaires d’apprentissage. Nous verrons plus loin que ces constats peuvent être interrogés : si des difficultés s’y « révèlent », ce n’est pas forcément dans le seul collège que se situe leur origine.

Mais il convient de prendre en compte que c’est dans ce premier degré de l’enseignement secondaire que les difficultés sont le plus fortement exprimées, que les « cas » d’élèves difficiles / en difficulté sont les plus souvent identifiés par l’institution scolaire comme par les discours publics.

Dans cette première étude, l’attention portée à des collégiens identifiés par l’institution comme étant « en grande difficulté » avérée a eu l’intérêt de mettre en lumière ce que désignent explicitement ces discours publics.

Les élèves concernés par cette « grande difficulté scolaire » sont souvent issus des milieux populaires – et a fortiori de leurs fractions les plus précarisées notamment issues d’une immigration assez récente – et ce, qu’ils aient les résultats les plus faibles

2

et/ou qu’ils comptent parmi les ruptures précoces de scolarités

3

. Pour autant, la corrélation entre grande difficulté scolaire et origine sociale ne constitue pas un lien de causalité systématique et univoque (elle s’explique encore moins par un « handicap socio-culturel »

4

) : des jeunes issus des mêmes milieux ont des destins scolaires très différents, bien que la probabilité de « réussite » soit statistiquement moindre, ce qu’il ne s’agit aucunement de minorer. A l’instar des recherches menées par l’équipe ESCOL

5

, ce travail de D.E.A s’est attaché à saisir ce qui se produisait, dans une scolarité « difficile », pour un sujet à la fois social et singulier. En effet, l’idée était la suivante : il peut être utile à l’intelligibilité de ce qui est désigné comme la « grande difficulté scolaire » de comprendre les modes d’interprétation des situations scolaires que l’élève mobilise.

Ces modes interprétatifs, considérés comme socialement situés, peuvent être activés dans des situations scolaires qui sont elles- mêmes contextualisées. Dans cette première étude, nous nous

1

Broccolichi Sylvain & Larguèze Brigitte, « Les sorties sans qualification moins de cinq ans après l’entrée au collège », Éducation et Formations n° 48, 1996, pp. 81-102.

2

Ministère de l’Éducation Nationale, L’État de l’école, n° 10, 2000.

3

Comme le montrent notamment les analyses du suivi effectué par la DPD/DEP auprès de la cohorte d’élèves entrés dans le secondaire en 1989 : Broccolichi Sylvain & Larguèze Brigitte, art. cit.

4

Charlot Bernard, Bautier Élisabeth & Rochex Jean-Yves, École et savoirs dans les banlieues..., op. cit., pp. 14-15.

Bautier Élisabeth, Pratiques langagières, pratiques sociales, Paris : L’Harmattan, 1995, pp. 20-22.

Thin Daniel, Quartiers populaires. L'école et les familles, Lyon : P.U.L., 1998, pp. 61-91.

Rochex Jean-Yves, « La "théorie" du handicap socio-culturel : une explication ethnocentriste, qui n’explique rien », Dialogue n° 96-97, printemps été 2000, G.F.E.N, pp. 6-10.

Terrail Jean-Pierre, De l’inégalité scolaire, Paris : La Dispute, 2002, pp. 59-63.

5

Charlot Bernard, Bautier Élisabeth, Rochex Jean-Yves, École et savoirs dans les banlieues... op. cit.

(16)

sommes concentrés sur l’identification et le constat des modes interprétatifs, à l’intérieur de la

« boîte noire » de l’École, sans aborder à ce moment leur caractère objectivement socialement situé et celui des situations où ils sont sollicités.

c) Les éléments mobilisés par les élèves pour interpréter les situations scolaires.

Il s’est agi donc d’une démarche « compréhensive » de la manière dont les élèves interprètent : l’École, leur scolarité, les situations de classe, les activités d’apprentissage, leurs

« difficultés », les exigences des enseignants, leur participation au(x) groupe(s) de pairs, mais aussi les situations non-scolaires qui sont les leurs (essentiellement celles relevant de l’univers familial, de celui des « copains » ou de la confrontation avec les institutions au-delà de l’École), la façon dont ils se situent dans le monde social. Le choix des dimensions « non-scolaires » étudiées était guidé par les relations qu’elles pouvaient potentiellement entretenir avec la dimension scolaire. (Par exemple, l’intérêt pour les modes relationnels avec les « copains de la cité » était guidé par leurs éventuelles incidences sur la façon dont ces jeunes pensaient les modes relationnels dans leur scolarité.)

Cette attitude « compréhensive » reposait sur une conception non pas relativiste, mais qui vise à rendre intelligible ce qui dans ces interprétations des élèves contribuait à leurs propres difficultés (et pouvait par contrecoup produire les « symptômes » dont il a été question). Une attention particulière est portée dans le chapitre suivant sur les éléments hétérogènes que les élèves mobilisent dans leurs modes interprétatifs.

2. Terrains construits et données recueillies.

a) Les terrains : des « classes-relais », dispositifs d’accueil des collégiens

« en grande difficulté scolaire ».

Au regard des conceptions sommaires qui viennent d’être présentées, les classes-relais

1

constituent un terrain privilégié pour rencontrer des élèves identifiés au collège

2

comme étant

« déscolarisés » ou « en voie de déscolarisation » (ils sont soumis à l’obligation de scolarité).

1

Ou « dispositif-relais », les deux appellations sont interchangeables dans les textes officiels comme dans les dénominations locales. Pour éviter les répétitions, nous emploierons alternativement les deux formules de façon indistincte et dans un sens générique qui englobe tous ces dispositifs par-delà leurs spécificités.

2

Elles sont censées n’accueillir ni des élèves de primaire ni des jeunes de plus de seize ans. Si des exceptions existent, elles sont rares. A propos de l’ensemble de ces éléments portant sur ces dispos itifs et les élèves accueillis, nous nous référerons implicitement aux travaux suivants : ààà Centre Alain Savary / INRP (Martin Élisabeth), Recueil de données sur les dispositifs relais, document photocopié, 1997.

Alluin Françoise & Benhaïm Jeanne, « Les classes -relais », Note d'information, n°00-28, septembre 2000, D.P.D.

Alluin Françoise & Benhaïm Jeanne, « Les classes -relais -1999 », Les dossiers de la DPD, n°116, juillet 2000.

Hugon Marie-Anne & Pain Jacques, Classes-relais : l’école interpellée , Amiens : C.R.A.P – Cahiers pédagogiques / C.R.D.P de l’Académie d’Amiens, 2001.

Martin Élisabeth & Bonnéry Stéphane, Les classes-relais : un dispositif pour les jeunes en rupture scolaire, Paris, E.S.F, 2002.

Taurel-Richard Michèle, « Le suivi et le devenir des élèves accueillis en classe-relais. Année 1999-2000 », Note

d'information, n°03-07, février 2003, D.P.D.

(17)

Les critères d’appréciation utilisés par les commissions d’affectation en classes-relais et/ou les établissements qui les orientent vers celles-ci pour définir ce qu’est un élève « en voie de déscolarisation » sont variables. Pour les plus fréquents, il s’agit : d’une non- inscription ou d’une dés-inscription scolaire du fait d’exclusions successives, d’absences récurrentes, d’actes qualifiés de

« violents », de « perturbations » dans le collège d’origine, de refus de travail. Autrement dit, pour l’institution scolaire, tous les symptômes de la « grande difficulté scolaire » sont vus comme potentiellement source de déscolarisation. Et de fait, les classes-relais accueillent bien plus massivement des élèves qui posent problème au collège (parce qu’ils en « perturbent » le fonctionnement et/ou parce qu’ils n’étudient pas, ne se comportent pas en collégiens) que de réels

« déscolarisés » au sens d’élèves qui ne fréquentent plus un établissement scolaire depuis plusieurs semaines.

Du point de vue social, les élèves accueillis sont essentiellement des enfants de familles populaires, et de leurs fractions les plus précarisées

1

et isolées dans leurs milieux sociaux

2

, souvent issues d’une immigration assez récente et premières victimes des évolutions socio-économiques.

Nombre de jeunes de ces dispositifs sont issus de familles qui ont connu des épreuves, ayant entraîné des changements décisifs dans la composition de la structure familiale

3

. Mais ici également, ce n’est pas systématique et le constat de la corrélation entre difficultés familiales et difficultés scolaires ne tient pas lieu d’explication a priori.

Les classes-relais accueillent très majoritairement des garçons. Ce constat est sans surprise lorsque l’on sait que la grande difficulté scolaire identifiée chez les collégiens concerne bien plus rarement des filles. D’une part, de façon générale et à origine sociale équivalente, les filles réussissent scolairement mieux que les garçons

4

. Mais d’autre part, comme les élèves qui sont désignés « en grande difficulté » sont très souvent les plus « perturbateurs », on peut faire l’hypothèse que les filles qui ne réussissent pas plus sur le plan des apprentissages adoptent plus souvent que les garçons des modes de rupture de la relation pédagogique davantage acceptables par les équipes des établissements scolaires.

Les dispositifs précurseurs des classes-relais apparaissent au milieu des années quatre-vingt mais surtout au début des années quatre- vingt-dix. Dès le début, des liens privilégiés existent entre ces structures et le secteur de la rééducation, P.J.J ou A.S.E

5

. Mais à ce moment- là comme lorsqu’elles seront institutionnalisées, réglementées et redéfinies

6

, les classes-relais ne relèvent pas, du point de vue institutionnel, de l’enseignement spécialisé. Et même si des enseignants spécialisés et des éducateurs y interviennent, les élèves accueillis sont définis comme ne souffrant pas de

Millet Mathias & Thin Daniel, "Ruptures scolaires" et "déscolarisation" des collégiens de milieux po pulaires : parcours et configurations, Rapport de recherche pour l’I.A. de Lyon, la Préfecture du Rhône, la D.D.P.J.J du Rhône, le F.S.E, G.R.S / Université Lumière Lyon 2, juin 2003.

1

Centre Alain Savary / INRP (Bazart Dominique, Bonnéry Stéphane, Martin), Les élèves des dispositifs relais..., op. cit.

Martin Élisabeth & Bonnéry Stéphane, Les classes-relais..., op. cit.

2

Millet Mathias & Thin Daniel, "Ruptures scolaires" et "déscolarisation" des collégiens de milieux populaires..., op.

cit.

Millet Mathias & Thin Daniel, « Remarques provisoires sur les "ruptures scolaires" des enfants de familles populaires », Les Sciences de l’éducation. Pour l’Ère nouvelle, n°1 / 2003, pp. 109-128.

Millet Mathias & Thin Daniel, « La "déscolarisation" comme processus combinatoire », V.E.I-Enjeux, n° 132, 2003, pp. 46-58.

3

Idem.

4

Ministère de l’Éducation Nationale, L’État de l’école, op. cit.

5

Tous les sigles sont récapitulés et traduits dans le glossaire, en annexe 1.

6

Textes officiels : Circulaire n°98-120 du 12-06-1998, parue au BOEN n°25 du 18-06-1998.

Circulaire n°99-147 du 04-10-1999, parue au BOEN n°35 du 07-10-1999.

Circulaire n°99-194 du 03-12-1999, parue au BOEN n°44 du 09.12.1999.

Note du 08-06-2000.

(18)

déficiences mentales. De plus, les élèves concernés par une mesure éducative (judiciaire quand le jeune est coupable au regard de la loi ou administrative quand il s’agit de « suppléer » la famille) sont accueillis de façon prioritaire. Cette priorité est à lier aux partenariats avec la P.J.J et/ou l’A.S.E qui sont fréquents dans les classes-relais, sans y être systématiques, et qui peuvent aller (dans un tiers des cas environ) jusqu’à la présence d’éducateurs dans ces structures.

Mais l’objectif des classes-relais est officiellement un retour à une scolarité en collège ou tout au moins la reprise d’une scolarité (d’où leur nom de « relais »). Si la réalité ne correspond pas forcément à cette injonction institutionnelle, ces dispositifs sont tenus à un minimum d’activités

« scolaires », même si c’est de façon très « allégée » en volume horaire et en contenu par rapport à la classe d’origine des élèves. Leur création, dix à quinze ans après la suppression officielle des filières du collège, et au moment où les scolarités sont pensées moins exclusivement pour les formations qu’elles dispensent que comme un moyen parmi d’autres de « lutter contre l’exclusion » (après la relance des Z.E.P), les inscrit dans une situation de périphérie du collège, sans pour autant les mettre en dehors de l’enseignement secondaire.

Dans l’ensemble

1

, on peut donc dire que les classes-relais accueillent les élèves qui ne relèvent pas de structures spécialisées mais qui mettent leurs collèges en difficulté insurmontable

« à l’interne » et/ou qui y sont en difficulté. De plus, il s’agit plus souvent d’élèves en second cycle du collège, c'est- à-dire en quatrième ou en troisième, sinon de collégiens plus âgés que la moyenne de leurs camarades de sixième et de cinquième. Il s’agit donc d’élèves dont les « difficultés » sont déjà « révélées », à qui des « verdicts scolaires » négatifs ont déjà été signifiés au cours du collège.

La scolarisation en classe-relais est un nouveau « verdict » de ce type car elle correspond à une sortie des parcours classiques.

Les classes-relais étaient donc un terrain pour cette étude qui nous permettait de rencontrer des élèves que l’institution scolaire considère « en grande difficulté » et qui se trouvent confrontés à la signification explicite de leurs difficultés. Les éléments que de tels élèves mobilisent pour interpréter les situations scolaires et y agir peuvent donc y êtres donnés à voir de façon plus évidente, plus « concentrée », que dans des collèges « ordinaires ».

b) Les terrains de l’étude.

Les dispositifs labellisés « classes-relais » ont entre eux des ressemblances, mais on trouve aussi une hétérogénéité à différents niveaux. C’est au regard des critères d’homogénéité / hétérogénéité qui seront ici présentés qu’ont été choisies les neuf classes (implantées en Ile-de- France) constituant les terrains de l’étude. Celle-ci a eu lieu durant les années scolaires 1997/1998 et 1998/1999, auprès d’élèves scolarisés dans ces dispositifs, lors de la première phase de leur institutionnalisation. Trois des neuf classes-relais avaient été créées avant ce premier texte officiel

2

entérinant les dispositifs précurseurs et encourageant des équipes locales à créer de nouvelles structures de ce type. Les six autres ayant été créées après la parution de ce texte.

L’une d’entre elles fonctionne « hors- les-murs », c'est- à-dire qu’elle est implantée dans des locaux extérieurs à un établissement scolaire. Les autres ont leurs locaux au sein du collège auquel elles sont administrativement rattachées, mais pour la moitié d’entre elles, elles sont dans des salles très nettement « à part » au sein de l’établissement, comme l’étaient les classes de perfectionnement.

1

« Dans l’ensemble » car certains élèves, dont les demandes d’affectation dans des structures spécialisées n’ont pas été satisfaites faute de place, sont inscrits en classes -relais pour satisfaire à l’obligation de scolarité. Mais cela reste minoritaire.

2

Rappel : juin 1998.

(19)

Certains dispositifs accueillent des élèves dès leur premier conseil de discipline pour une durée assez courte et invariable de quatre, six ou huit semaines à la suite desquelles ils sont réintégrés soit dans un autre établissement, soit dans une autre classe du même collège, soit, plus rarement, dans la même classe. Dans quatre des neufs terrains de l’étude, le fonctionnement était ainsi structuré sur une durée assez courte. Les cinq autres dispositifs avaient une durée d’accueil plus longue, variable, en fonction des cas et des possibilités d’orientation vers une nouvelle affectation. Mais en général, le séjour en classe-relais ne s’interrompait pas avant le terme de l’année scolaire, et pouvait même être poursuivi en début d’année suivante. Dans ces dispositifs, il s’agit généralement d’élèves plus âgés, orientés vers des formations professionnelles, et exceptionnellement vers le lycée.

La constitution des équipes de classes-relais est elle aussi assez hétérogène sur le plan national. Dans certains dispositifs, un enseignant est là en permanence, comme à l’école primaire (et il s’agit souvent d’un professeur des écoles, qui est alors fréquemment titulaire du C.A.E.I ou du C.A.A.P.S.A.I.S). Dans d’autres, les professeurs de français et de mathématiques assurent un volume horaire important, les autres matières (mais dans un faible volume horaire) étant assurées par des enseignants de ces disciplines. Par ailleurs, dans près d’un dispositif sur trois au plan national, on compte la présence d’un éducateur spécialisé, qui a en charge le suivi individualisé des élèves hors du temps scolaire, les relations avec les familles. Dans quasiment tous les dispositifs, un ou plusieurs emplois-jeunes sont en permanence en contact avec les jeunes. Enfin, tout une gamme d’intervenants est associée : psychologues, policiers, animateurs d’activités... Les classes-relais qui ont permis de construire les terrains de l’étude présentent elles aussi ces principaux cas de figure.

Pour ce qui est des activités dans lesquelles sont engagés les élèves des classes-relais, les dispositifs constitués en terrains de l’étude respectent également les constantes et les variantes. Les élèves passent par une phase dite de « remise à niveau » ou de « bilan », où il s’agit de « rattraper les lacunes, en priorité dans les matières principales, français et maths »

1

. Celles-ci constituent d’ailleurs en volume horaire l’essentiel des activités « scolaires ». L’E.P.S, « pour se défouler et apprendre à se maîtriser » est aussi très présent. Les élèves sont tout le temps mis en activité, sous des formes d’exercices courts avec des objectifs échelonnés, le but affiché étant de les valoriser par la réussite sur de petits exercices afin qu’ils reprennent confiance dans leurs capacités. La plupart de ce qui se fait en classe-relais, tant les activités d’enseignement-apprentissage que les comportements, est contractualisé avec l’élève et ses parents. Toutes les classes-relais fonctionnent en accueillant les jeunes sur la base de leur volontariat : les élèves et leurs familles signent un papier d’engagement à leur arrivée (assiduité, travail) ; mais dans la plupart des cas, la classe-relais étant présentée à l’élève exclu comme le seul moyen de retrouver une affectation, le choix n’en est pas réellement un. Au-delà, les objectifs du travail sont négociés. Quand un problème survient, dans la mesure du possible, une solution où le jeune s’engage à quelque chose (changer, réparer, etc.) est recherchée par la négociation. Des temps de discussions sont même souvent aménagés avec le groupe pour réguler, négocier ce qui se passe dans le dispositif. Hors des temps de travail à proprement parler, d’autres activités sont prévues car considérées comme « motivantes » (informatique, sorties) ou comme « aidant à la maîtrise de soi » (relaxation) ou à la « connaissance de soi » (théâtre). Les dispositifs retenus ne dérogent pas à ces principes généraux.

c) Les données recueillies.

A plusieurs reprises, des observations ont eu lieu sur différents terrains de l’étude. Il s’agissait d’étudier des attitudes, des comportements des élèves de ces dispositifs.

1

Propos de responsables de dispositifs, ou d’écrits de projets. Idem pour les autres citations du paragraphe.

(20)

Un corpus d’ent retiens semi- directifs a été constitué avec des élèves de ces neuf classes-relais.

Il comprend 48 entretiens réalisés dans les 9 dispositifs, et ce, en deux séries. Les 25 élèves de la première série

1

étaient encore scolarisés en classes-relais lorsqu’ils ont été rencontrés à la fin de l’année scolaire 1997/98. Les 23 autres

2

, dont l’entretien a été réalisé par nos soins entre décembre 1998 et février 1999, avaient quitté le dispositif dans l’année scolaire précédente, donc au plus tard en juin 1998. Ce cho ix permet d’identifier ce qui, dans les interprétations de la scolarité en général et en classe-relais en particulier, change entre le moment où les élèves sont dans le dispositif et celui où ils sont rescolarisés dans un établissement « ordinaire ». Ce choix visait également à saisir ce que l’éloignement dans le temps et le retour en classe ordinaire permettait à l’élève comme regard réflexif sur le dispositif et sur soi.

Dans cette deuxième série d’entretiens, du fait du choix consistant à rencontrer les élèves quelques mois après qu’ils ont quitté la classe-relais, deux points sont à signaler.

D’abord, nous avons procédé à cette deuxième série d’entretiens en deux temps. Dans un premier temps, nous avons repéré avec les responsables de la classe-relais un groupe d’élèves différents sur le plan des résultats scolaires, l’âge, le sexe, les raisons d’orientation en classe-relais et le vécu de leur séjour. Treize des vingt-trois jeunes sont concernés. Dans un second temps, nous avons repéré de la même façon ceux pour qui la classe-relais avait été jugée par les adultes comme une expérience réussie et ceux pour qui elle avait été jugée comme un échec. Il a été très facile de rencontrer les jeunes présentés comme la « vitrine » de chaque dispositif par les professionnels de celui-ci. Mais pour les jeunes que l’équipe éducative de la classe-relais considère comme des échecs, les contacts ont été beaucoup plus difficiles. C’est le cas pour les élèves qui sont déscolarisés depuis lors. Ils semblent avoir une expérience de la classe-relais très difficile parce qu’ils n’ont pas trouvé d’orientation suite à leur passage dans le dispositif. Il se confirme qu’ils attribuent à ce dernier la responsabilité de leur rupture de scolarité. C’est ce qu’ils nous ont dit par téléphone lorsque nous les avons contactés, et ont, pour cette raison, refusé catégoriquement l’idée de l’entretien, comme en témoigne l’extrait de conversation téléphonique suivant avec Zouer

3

qui a été retranscrit :

« Non, non, j’veux pas. [La classe-relais]4, ils m’ont dit si tu te tiens à carreau, t’auras ton orientation, tout ça, ils m’ont dit ils me trouveraient une place dans un collège, et tout, et pour moi ils ont rien fait. Y’a un autre garçon, il était fou, il faisait que des conneries, ils lui ont trouvé, à lui, et pour moi, rien, rien que parce qu’ils m’aimaient pas. C’est pour ça je veux même pas en parler, même pas entendre leur nom, [la classe-relais] ».

Les élèves qui ont cette expérience sont donc absents de notre propos. Toutefois, certains élèves avec une expérience aussi négative de la classe-relais, que les équipes de ces dispositifs considèrent comme étant parmi les cas les plus « difficiles » sont présents dans ce corpus, même si tout porte à croire qu’ils y sont sous-représentés.

5

Le corpus d’entretiens a été constitué auprès d’élèves dont les caractéristiques familiales (socio-économiques, migratoires, composition de la famille, etc.), d’âge, de genre, de parcours scolaires, correspondent très sensiblement à ce qui a été évoqué précédemment à propos de la

1

Recueillis par Dominique Bazart : Centre Alain Savary / INRP (Bazart Dominique, Bonnéry Stéphane, Martin), Les élèves des dispositifs relais... op. cit.

2

Involontairement, un élève a été interviewé dans les 2 séries. Il y a donc 48 entretiens réalisés avec 47 jeunes.

3

Tous les prénoms utilisés sont des prénoms de substitution.

4

Le nom du dispositif varie d’une structure à l’autre. Nous utilisons de manière générique et indifférenciée les expressions classe ou dispositif relais y compris en remplaçant entre crochets dans les citations l’appellation spécifique, ceci afin de faciliter la lecture et d’éviter l’identification des structures particuliè res.

5

Cette difficulté n’est que relative car cette étude ne se situe pas dans le cadre d’un travail représentatif, mais

significatif.

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