© David Mumbere Bamusemba, 2020
Caractéristiques des interventions pour déprescrire les
benzodiazépines chez les personnes aînées et impacts
sur la santé : Revue systématique
Mémoire
David Mumbere Bamusemba
Maîtrise en sciences pharmaceutiques - avec mémoire
Maître ès sciences (M. Sc.)
Caractéristiques des interventions pour déprescrire les benzodiazépines
chez les personnes aînées et impacts sur la santé : Revue systématique
Mémoire
David Mumbere Bamusemba
Sous la direction de :
Danielle Laurin, directrice de recherche
Edeltraut Kröger, codirectrice de recherche
iii
Résumé
Le
vieillissement de la population s’accompagne d’une augmentation de la
multimorbidité et de la polymédication qui en résulte. Au Canada, deux tiers des
personnes âgées de 65 ans ou plus recevaient au moins cinq classes de
médicaments par année en 2016, malgré le fait que la polymédication soit associée
à des effets indésirables. Plusieurs études ont démontré la possibilité de réduire
significativement le nombre de médicaments chez les personnes dans ce groupe
d’âge grâce aux interventions dites de déprescription. La déprescription des
benzodiazépines (BZD) est d’une importance capitale compte tenu de la prévalence
élevée de cette classe de médicaments chez les personnes aînées. La
déprescription des BZD serait possiblement associée à une réduction des effets
indésirables et une meilleure qualité de vie. Les objectifs de ce projet de recherche
étaient de décrire les caractéristiques des interventions pour déprescrire les BZD
chez les personnes aînées et leurs impacts sur la santé de ces personnes grâce à
une revue systématique. Cette revue décrit les interventions de déprescription de
BZD issues de 11 études et leurs effets sur la santé de 1 042 participants âgés en
moyenne de 71 ans. Les effets des interventions sur la santé des participants des
groupes interventions ont été comparés aux résultats sur la santé des participants
des groupes témoins. Dans l'ensemble, le retrait des BZD est bien sécuritaire et les
impacts négatifs sur le sommeil sont plutôt négligeables et temporaires chez
certains patients. Dans la plupart des études, les patients n'ont pas présenté de
symptômes de sevrage significatifs, sauf dans quelques études où les participants
des groupes d'intervention ont connu plus d'insomnie et d'anxiété à 6 mois par
rapport aux participants des groupes témoins (p <0,0001).
iv
Abstract
People are living longer than ever, but this increase in life expectancy is also
associated with increased multimorbidity and the resulting polypharmacy. In
Canada, two thirds of people aged 65 years or older received at least five prescribed
classes of medications a year in 2016, even though polypharmacy is linked with
increased medication adverse effects and mortality. Several studies demonstrated
the possibility to reduce significantly the number of prescribed drugs in this age
group using deprescribing interventions. Benzodiazepine (BZD) discontinuation is
of paramount importance given the high prevalence of this class of drugs in seniors.
BZD discontinuation may be associated with the reduction of adverse effects and a
better quality of life. The objectives of this research project were to describe the
characteristics of interventions to discontinue BZD in older persons and their impact
on their health through a systematic review. This study describes BZD deprescribing
interventions from 11 BZD discontinuation studies and their impacts on the health
of 1042 participants aged on average 71 years. The health impacts of these
interventions were compared between the intervention and the control groups.
Overall, the withdrawal from BZDs is safe and its adverse impacts on health are
rather negligible and temporary in some patients. In most studies, patients did not
suffer significant withdrawal symptoms, except few studies in which participants in
intervention groups had experienced more insomnia and anxiety at 6 months
compared to participants in the control groups (p<0.0001).
v
Table des matières
Résumé ... iii
Abstract ... iv
Liste des tableaux ... vii
Liste des figures ... viii
Liste des abréviations ... ix
Special thanks ... x
Avant-Propos ... xi
Introduction ... 1
Chapitre 1. Revue de la littérature ... 3
1.1 La déprescription ... 4
1.2 Les types, les étapes et les objectifs d’interventions de déprescription ... 5
1.3 Les médicaments potentiellement inappropriés... 6
1.4 La polymédication ... 7
1.4.1 La polymédication chez l’aîné ... 8
1.4.2 Les facteurs de risque de la polymédication ... 8
1.5 Les benzodiazépines, l’âge et le sexe/genre ... 9
1.5.1 La prévalence de l’usage des BZD ... 12
1.5.2 Quelques outils de surveillance des MPI ... 13
1.5.3 Les lignes directrices ... 14
Chapitre 2. Méthodologie ... 17
2.1 Objectif général ... 17
2.2 Questions de recherche ... 17
2.3 Devis de l’étude ... 17
2.4 Recherche documentaire ... 17
2.5 La sélection des études ... 18
2.6 Les critères d'exclusion ... 19
2.7 L’extraction des données ... 20
2.8 Synthèse des données ... 20
Chapitre 3. Résultats ... 21
3.1 Electronic database search, study selection and data extraction ... 21
3.2 Settings and Objectives ... 23
3.3 Quality of the evidence ... 23
3.4 Study Population ... 24
vi
3.6 Effects of education-based interventions on BZD discontinuation ... 34
3.7 Effect of BZD discontinuation on health ... 34
3.7.1 Sleep quality and hours of sleep ... 34
3.7.2 Cognitive function ... 35
3.7.3 Daily functioning, body stability and depression ... 36
3.7.4 Adverse events ... 37
3.7.5 Withdrawal symptoms ... 37
3.8 Characteristics of successful deprescribing interventions ... 37
Chapitre 4. Discussion ... 41
4.1 Efficacy of interventions to deprescribe BZD ... 41
4.2 The health impacts of deprescribing interventions ... 42
4.3 Characteristics of successful deprescribing interventions ... 43
4.4 Acceptability of deprescribing interventions ... 44
4.5 Limitation and biases ... 45
4.5.1 Selection biases ... 45
4.5.2 Information biases ... 45
4.5.3 Confounding biases... 46
4.6 Strengths ... 46
Conclusion ... 47
Annexe A. Description complète des rapports d’études retenues ... 48
Annexe B. Outils d’évaluation des biais pour chaque étude incluse (critères RTI et SIGN) ... 57
Annexe C. Les stratégies de recherche et les mots-clés ... 84
vii
Liste des tableaux
Tableau 1. Liste des BZD
Tableau 2. Les recommandations sur la gestion sécuritaire des BZD
Tableau 3. Study appraisal
Tableau 4. Description of included studies
Tableau 5. Description of BZD deprescribing interventions Tableau 6. Common characteristics of successful BZD
viii
Liste des figures
Figure 1. Structure chimique de BZD Figure 2. PRISMA Flow Chart
ix
Liste des abréviations
BZD Benzodiazépines
BWSQ BZD Withdrawal Symptoms Questionnaire CFF Critical Flicker Fusion Test
CG Control Group
CSP Clinical Stabilometric Platform
EC Échange de connaissances
ECR Essai contrôlé randomisé FDA Food and Drug Administration
GABA Gamma-Aminobutyric acid
GP General practitioner
GRADE Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation HADS Hospital Anxiety and Depression Scale
IC Intervalle de confiance
IG Intervention Group
IIPAS l'intervalle inter-percentile ajusté pour la symétrie IMA Indice de médicaments appropriés
INESSS Institut national d’excellence en santé et en service sociaux IRSC Instituts de recherche en santé du Canada
MMSE Mini-Mental State Examination
MPI Médicaments potentiellement inappropriés
NA Not applicable
NA Negative Affect
OPEN Ontario Pharmacy Research Collaboration
PA Positive Affect
PANAS Positive and Negative Affect Schedule
PICOS Population – Intervention – Comparison – Outcomes – Study design PRISMA Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses PROSPERO International prospective register of systematic reviews
RBANS Repeatable Battery for the Assessment of Neuropsychological Status
RC Rapport des cotes
RR Risque relatif
SIF Structured Intervention with Follow-up visits SIGN Scottish Intercollegiate Guidelines Network SIW Structured Intervention with Written instruction
START Screening Tool to Alert doctors to the Right Treatment
STOPP Screening Tool of Older Persons' potentially inappropriate Prescriptions
TCC
Thérapie cognitivo-comportementale
x
Special thanks
I would like to express my special appreciation to my thesis supervisor, Dr.
Danielle Laurin, and co-supervisor, Dr. Edeltraut Kröger, for their scholarly
advice. Thank you both for the encouragement and for corrections during the
entire process.
I would like to thank Mr. Pierre-Hugues Carmichael (biostatistician) and Madam
Martine Marcotte for their valuable cooperation and support.
A special thanks and gratitude to my wife, Ornella L. Mumbere, and my parents,
Celine N. Mabakumba and Maurice C. Chunga, for their loyal support.
xi
Avant-Propos
Ce mémoire a été rédigé sous la co-supervision de Dr Danielle Laurin et Dr
Edeltraut Kroger dans le cadre de mon travail de fin d’étude à l’Université Laval. Au
cours des quatre dernières années, j’ai beaucoup appris sur les méthodes de
recherche en épidémiologie et en pharmaco-épidémiologie. Le travail de recherche
sur l’utilisation de benzodiazépines m’a permis de mettre en pratique plusieurs
aspects de théories sur l’épidémiologie.
Au cours de ce projet de recherche, j'étais responsable de la rédaction et de la
présentation du protocole de recherche, la recherche documentaire, la sélection des
études, l’extraction des données, l’analyse des données et la rédaction des
résultats de recherche sous forme du présent mémoire. Le mémoire est rédigé dans
les deux langues (français et anglais) en se conformant aux règles de la politique
de l’Université Laval sur la rédaction de mémoire de fin d’étude.
Cette revue systématique était entièrement financée par les IRSC pour un montant
de 100 000,00 $ canadiens. Ce montant couvrira toutes les dépenses de la
recherche, y compris
ma bourse d’étude, l’accès à l’internet, le traitement ou
salaires des employés exerçant directement les activités de la recherche, les
déplacements, les formations et les frais généraux. Aucun conflit d’intérêt n’est à
signaler.
1
Introduction
La population canadienne semble vieillir de plus en plus vite
1. Les aînés de 65
ans et plus devraient, en 2036, constituer 25 % de la population
1. Ce
phénomène de vieillissement est inquiétant puisqu’il s’accompagne d’une
croissance de la fréquence des comorbidités et de la polymédication qui en
résulte
2. La polymédication constitue un grand problème de santé publique chez
les aînés. Elle est associée aux réactions indésirables
3, aux interactions
médicamenteuses
et
aux
hospitalisations
4.
Plusieurs
médicaments,
particulièrement les benzodiazépines (BZD), continuent d'être prescrits de façon
chronique chez les aînés malgré leurs effets indésirables importants
5. En 2016,
la prévalence d’utilisation de BZD au Canada était de 14,0 % chez les aînés.
6Étonnamment, les BZD sont inscrites sur toutes les listes validées de
médicaments potentiellement inappropriés (MPI) chez les aînés (Beers
7,
STOPP-START
8, PRISCUS
9). Une étude populationnelle nord-américaine
révèle que l'utilisation de BZD est non conforme aux directives de prescription
appropriée chez environ 30 % des nouveaux utilisateurs des hypnotiques et
20 % des nouveaux utilisateurs des anxiolytiques
10. Dans une étude canadienne
de type Delphi réunissant 65 experts dont 36 pharmaciens, les BZD étaient
classées au premier rang des médicaments inappropriés chez les aînés
11.
Plusieurs études sur les effets iatrogènes des médicaments encouragent la
déprescription ou l’arrêt des BZD à cause des effets néfastes sur la santé de
cette clientèle plus vulnérable
7,12. Par ailleurs, il existe des alternatives
thérapeutiques efficaces
13. Les efforts pour une meilleure santé des aînés
doivent entre autres cibler la déprescription des BZD et la promotion des
alternatives thérapeutiques.
Les BZD sont des molécules largement utilisées dans le traitement médical de
l’anxiété, de l’insomnie, des convulsions, des troubles de panique ou lors d’un
sevrage alcoolique
14. Leurs effets indésirables sur la santé sont parfois sérieux
2
le délirium, les chutes, les fractures et les accidents routiers
7. La déprescription
ou l’arrêt des MPI est parfois possible et même, sécuritaire
17. Cependant, les
évidences de la littérature sur les impacts des interventions de déprescription
sont basées sur des articles de synthèse qui comprennent entre autres des
études de devis ou de méthodologies de faible qualité
18. Pollmann et al. ont
publié en 2015 une revue systématique sur les effets de déprescription sur la
santé, mais plusieurs études sélectionnées
avaient moins d’une centaine de
participants et la revue concernait uniquement les adultes vivant dans la
communauté, entre 1984 et 2014
18. Plus récemment en 2017, Reeve et ses
collègues ont publié une revue sur les interventions de déprescription des BZD,
mais les effets de BZD étaient combinés à ceux d’autres psychotropes, la revue
n’était pas focalisée sur les effets sur la santé de la déprescription et seuls les
articles publiés entre 1995 and 2015 étaient pris en compte
19.
L’objectif général du présent projet de maîtrise consiste à déterminer les effets
des interventions de déprescription de BZD sur la santé des aînés de 60 ans et
plus, et de décrire les caractéristiques des interventions efficaces, en faisant une
revue systématique des interventions efficaces de déprescription. Les
connaissances générées par cette revue seront utiles aux décideurs de l’Institut
national d’excellence en santé et en service sociaux (INESSS) et du Conseil
national des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) sur la gestion
sécuritaire des BZD chez la population âgée, de même qu’aux médecins et
pharmaciens qui avaient exprimé le besoin de directives fondées sur des
données probantes concernant les impacts des interventions de déprescription
des BZD sur la santé des aînés.
3
Chapitre 1. Revue de la littérature
Le groupe des personnes âgées de 65 et plus augmente plus rapidement que
tout autre groupe d’âge de la population canadienne
6. La proportion des aînés
a augmenté en moyenne de 3,9 % par année de 2011 à 2016, alors que celle
des autres groupes d’âge a augmenté, pour la même période, en moyenne de
0,9 % par année
6. L’augmentation rapide de la proportion des personnes aînées
est à l’origine du phénomène du vieillissement démographique.
En raison des changements physiologiques liés
à l’avancement en âge, les
personnes aînées sont plus à risque de multimorbidité, de polymédication et
d'une plus grande vulnérabilité aux effets indésirables des médicaments
20. Les
changements des structures des organes et de la circulation sanguine sont à
l’origine de la modification pharmacocinétique chez les aînés
21.
Avec l’âge, la
quantité du tissu rénal diminue progressivement et les vaisseaux sanguins qui
alimentent les reins peuvent se durcir
21. Chez certaines personnes âgées, cette
atteinte de la fonction rénale influence directement la clairance rénale et
augmente par conséquent le risque d’effets indésirables des médicaments
22.
Malgré les changements physiologiques augmentant le risque des effets
indésirables, les personnes âgées se font prescrire plus de médicaments que
les autres groupes
d’âge
23. Une récente étude de cohorte britannique a
démontré qu’à 69 ans, 22,8 % des personnes prenaient plus de cinq différentes
classes de médicaments chaque jour
24.
Le phénomène de polymédication
s’accompagne aussi fréquemment d’une
augmentation des interactions médicamenteuses, des erreurs de médicaments,
des hospitalisations, de la non adhésion au traitement, du déclin fonctionnel et
cognitif, des chutes et des prescriptions potentiellement inappropriées
2,25.
L’amélioration de la qualité de vie des personnes aînées nécessite une approche
axée sur
l’utilisation optimale des médicaments prescrits. Une étude sur la
déprescription des médicaments démontre qu’il est possible de réduire le
nombre de médicaments chez les personnes aînées grâce aux interventions de
4
déprescription
26. En 1992, Salzman et ses collègues, par exemple, avaient
remarqué une amélioration significative de la mémoire et des performances
cognitives des patients après l'arrêt de BZD
26.
1.1 La déprescription
Thompson & Farrell définissent la déprescription comme un « processus planifié
et supervisé de réduction de la dose des médicaments qui pourraient causer des
dommages ou ne plus être bénéfiques »
27. La déprescription consiste à réduire
ou arrêter la dose de médicament dont le bénéfice est incertain
28,29. Plusieurs
classes de médicaments, y compris les BZD, ont déjà fait l’objet d’études sur la
déprescription. Une étude publiée en 1999 chez des hommes et des femmes
âgés de 65 ou plus qui prenaient couramment des antipsychotiques pour des
indications non précisées avait rapporté que la déprescription des
antipsychotiques réduisait significativement le risque de chutes
30. En 2010, les
auteurs d’un essai clinique multicentrique chez 381 adultes âgés de 65 ans ou
plus ayant une espérance de vie de 1 à 12 mois et prenant des statines en
prévention primaire ou secondaire depuis au moins trois mois avaient conclu
que l’arrêt des statines n’avait pas d’impacts négatifs sur leur santé
31. Par contre,
un essai clinique randomisé (ECR), incluant un petit effectif de 141 patients âgés
prenant des diurétiques de façon chronique
pour l’insuffisance cardiaque,
montrait une légère augmentation des œdèmes et de la pression artérielle chez
les patients du groupe dont les diurétiques étaient remplacés par le placebo par
rapport au groupe des patients qui continuaient à prendre des diurétiques
32. Ces
résultats intermédiaires montrant un effet potentiellement bénéfique sur la santé
ne concordaient pas
avec ceux d’un autre essai randomisé chez les patients
âgés dont le retrait des diurétiques était susceptible d’augmenter les symptômes
d’insuffisance cardiaque incluant une hausse de la pression artérielle, et que
toute tentative pour retirer les diurétiques nécessitait une surveillance
approfondie
33.
5
1.2 Les types, les étapes et les objectifs d’interventions de déprescription
Une intervention de déprescription de médicaments peut-être centrée sur les
patients
34, sur les prescripteurs ou sur les pharmaciens
17. Certains auteurs se
sont récemment intéressés aux interventions centrées sur les législateurs
35, qui
pourraient devenir une autre catégorie importante d’interventions de
déprescription. Les interventions récemment décrites par Reeve et ses
collègues dans une revue systématique sont dites des interventions mixtes, car
elles incluent des programmes éducatifs destinés aux patients et la
sensibilisation des prescripteurs
19. Les programmes éducatifs visant la
déprescription des BZD se présentent sous plusieurs formes. Vicens et al. 2016,
par example, propose une formation de trois heures destinée aux prescripteurs
comprenant un atelier sur l'entretien structuré, l'information individualisée du
patient, la gestion de l'arrêt du BZD et la réduction progressive et optimale de la
dose
36. La réduction graduelle ou la discontinuation instantanée sont les
interventions de déprescription de BZD les plus fréquentes. Par exemple,
Habraken et ses collègues proposent une réduction graduelle du lorazépam sur
un intervalle de cinq semaines, avec 25 % de réduction par semaine pendant
trois semaines, suivi d’une réduction de 12,5 % pendant deux semaines et enfin,
un arrêt
12.
Dans une revue systématique sur les interventions de déprescription dont les
participants avaient au moins un médicament déprescrit, Page et al. (2016) ont
observé que les interventions de déprescription centrées sur les patients
réduisaient significativement le risque de mortalité (rapport de cotes (RC)= 0,62,
intervalle de confiance (IC) à 95 % 0,43-0,88) par rapport aux autres
interventions ciblant le personnel soignant
17.
Reeve et al. (2014) distinguent cinq étapes essentielles d’une intervention de
déprescription centrée sur les patients : les revues complètes des antécédents
médicaux, l’identification des médicaments potentiellement inappropriés, la
détermination de la faisabilité de déprescription, la planification de la posologie
6
de sevrage et une surveillance documentée des effets indesirables
34. En plus
des interventions centrées sur les patients, les programmes éducatifs destinés
aux prescripteurs, les
revues complètes des antécédents médicaux et
l’identification des médicaments potentiellement inappropriés par des
pharmaciens, la mise en place des outils informatiques
d’aide à la prise de
décision clinique, les programmes d’incitatifs financiers visant les changements
dans les pratiques médicales et les interventions législatives d’un gouvernement
destinées à améliorer la prescription
35font également partie des interventions
qui visent la réduction d’usage des médicaments inappropriés.
L’objectif central des interventions de déprescription est de réduire ou d’arrêter
les doses de médicaments inappropriés
17. Plusieurs ECR ont démontré que les
interventions de déprescription pouvaient réduire le nombre des médicaments
inappropriés chez les aînés. Une récente étude de déprescription centrée sur
les patients incluant des participants a permis d’arrêter 59 % des médicaments
ciblés, soit en moyenne 4,4 médicaments (écart-type ± 3,4) par personne, et a
démontré que la différence de la mortalité était réduite dans le groupe
d’intervention, bien que non significative (hazard ratio (HR)= 0,60, IC à 95 %,
0,30-1,22)
37. Une étude prospective qui évaluait l'effet d'une intervention centrée
sur les prescripteurs avait observé une légère réduction du nombre moyen des
médicaments inappropriés chez les patients selon les critères établis de
« Screening tool of older people's prescriptions » (STOPP)
dans le groupe
intervention comparativement au groupe témoin (1,29 ± 1,56 contre 0,81 ± 1,13
médicaments)
38, mais la différence n’était pas statistiquement significative.
1.3 Les médicaments potentiellement inappropriés
Les MPI sont des médicaments dont le rapport bénéfices/risques est
défavorable ou
qui possèdent une efficacité moindre par rapport à d’autres
options thérapeutiques
39. Ces médicaments sont souvent administrés sans
indications claires et prédisposent les aînés aux effets indésirables, aux
gaspillages des ressources et aux interactions médicamenteuses
40,41. Certains
facteurs de risque de la prise de médicaments inappropriés sont la
7
polymédication, le nombre de visites chez différents médecins spécialistes au
cours des 12 derniers mois ou les troubles du sommeil
42. Plusieurs pays ont
établi des critères pour l’identification des médicaments inappropriés et des
algorithmes en vue d’aider les médecins à choisir les meilleures options
thérapeutiques et à améliorer la qualité de la prescription
39. Certains critères dits
explicites sont des critères clairement énoncés, facilement applicables, et qui
donnent lieu à des mesures objectives
de la qualité d’utilisation des
médicaments, alors que les critères dits implicites sont des critères plus vagues
référant au jugement clinique des intervenants, mais qui laissent un choix
d’interprétation. Parmi les critères explicites, on retrouve entre autres ceux de
Beers aux États-Unis
7, de STOPP-START pour l’Europe de l’Ouest
8, la liste
PRISCUS en Allemagne
9, les critères de McLeod au Canada
43et
l’adaptation
des critères de Beers par Laroche et al. en France
39. L’indice de médicaments
appropriés (IMA) est un exemple de critères implicites
44.
1.4 La polymédication
La polymédication peut être définie sur la base du nombre de médicaments ou
selon la pertinence des médicaments utilisés
45. Bushardt et al. (2008)
définissent la
polymédication comme la prise d’au moins six médicaments ou
d’un médicament inapproprié
46. Certains auteurs définissent la polymédication
comme la prise de plusieurs médicaments pour traiter une maladie, ou plusieurs
médicaments de la même classe chimique, plusieurs médicaments similaires
pour traiter plusieurs maladies, toute combinaison thérapeutique
47ou encore
l’usage d’au moins deux médicaments pendant au moins 240 jours
48. Par
ailleurs, quelques auteurs préfèrent distinguer la polymédication rationnelle de
celle irrationnelle
47. La polymédication rationnelle reflète l’hypothèse selon
laquelle certaines circonstances thérapeutiques obligent les médecins à
prescrire des MPI pour prévenir les complications beaucoup plus graves
46. La
polymédication inappropriée ou irrationnelle, telle que la cascade
médicamenteuse, décrit l’usage inadapté des médicaments qui ne tiennent pas
compte des critères reconnus.
8
1.4.1 La polymédication chez l’aîné
La polymédication est fréquemment observée chez les aînés à cause des
changements physiologiques qui accompagnent le vieillissement
4tels que le
changement des systèmes sensoriels, neuromusculaires ou cognitifs qui
altèrent le contrôle de l'équilibre et de la démarche
49. Dans une étude
rétrospective américaine sur 13 507 résidents de maisons de retraite, la
prévalence de la polymédication en 2004 était d'environ 40 %
5051. Les MPI
fréquemment rapportés comprenaient les agents gastro-intestinaux et les
psychotropes
50dont les BZD. En 2012, près des deux tiers (65,9 %) des
personnes aînées participant à des programmes publics canadiens de
médicaments avaient des réclamations pour cinq classes de médicaments ou
plus, 27,2 % avaient des réclamations pour 10 classes ou plus, et 8,6 % des
réclamations pour 15 classes de médicaments ou plus ; 23,9 % parmi eux
utilisaient au moins une prescription potentiellement inappropriée
52. Ces
données démontrent bien l’étendue de la gravité de la polymédication chez les
aînés.
1.4.2 Les facteurs de risque de la polymédication
Les facteurs de risque de la polymédication incluent l’âge avancé, le diabète, les
maladies ischémiques coronariennes, l'utilisation de médicaments sans
indication claire
48, la faible scolarité et le genre
53. Bien que la polymédication soit
inévitable dans la gestion thérapeutique de certaines comorbidités, elle
augmente dangereusement les risques des effets indésirables des
médicaments, des interactions médicamenteuses, des erreurs de médicaments,
des hospitalisations, de la non adhésion au traitement médical, du déclin
fonctionnel et cognitif, des chutes et des prescriptions potentiellement
inappropriées
2,25. Les femmes ayant une faible scolarité ont une probabilité
légèrement plus élevée de recevoir une polymédication que les hommes ayant
une faible scolarité
53. Par ailleurs, l’association observée entre l’usage des BZD
et le sexe ou le genre féminin n’est pas bien expliquée dans la littérature, mais
9
certaines différences physiologiques telle la ménopause, ou des inégalités
sociales, comme la pauvreté, pourraient
expliquer la différence de l’usage de
BZD entre les femmes et les hommes.
1.5 Les benzodiazépines, l’âge et le sexe/genre
En 1955, un chimiste de la compagnie Hoffmann-La Roche, Leo Sternbach, a
découvert le chlordiazépoxyde, la toute première BZD
54. En 1960,
Hoffmann-La Roche l'a commercialisée sous le nom de Librium
, et a poursuivi des
modifications moléculaires pour créer une autre BZD beaucoup plus avancée
et commercialisée sous le nom de Valium
(diazépam) en 1963
54. Ces deux
découvertes ont provoqué ce que l’on pourrait identifier comme une course à la
découverte des BZD. Les concurrents de Hoffmann-La Roche ont également
entamé des recherches pour trouver des analogues au diazépam
54.
Aujourd’hui, les BZD (Tableau 1) sont devenues les psychotropes les plus
prescrits pour traiter des troubles neurospychologiques ou neuropsychiatriques
tels que l’anxiété, l’insomnie, l’épilepsie
55, le sevrage de l’alcool, les troubles de
panique,
14les addictions comme la dépendance aux opiacés et la dipsomanie
56.
Les BZD possèdent des propriétés anticonvulsivantes, anxiolytiques, sédatives,
hypnotiques, myorelaxantes et amnésiques.
58Les propriétés anxiolytiques et
amnésiques des BZD comportent une utilité importante dans les blocs
opératoires
55. Le traitement de l'anxiété est de loin l'indication la plus courante
pour les BZD
57.
Les BZD sont des substances pharmacologiques de structure similaire avec un
noyau moléculaire commun : une BZD de base est composée d'un cycle
benzénique fusionné à un cycle diazépine (Figure 1). L'acide γ-aminobutyrique,
fréquemment
abrégé
GABA
(de
gamma-aminobutyric acid),
est
le
neurotransmetteur principal inhibant le système nerveux central des
mammifères. Une des caractéristiques essentielles des BZD est que ces
molécules agissent comme inhibiteurs des influx nerveux en se fixant au
récepteur GABA-A du neurone post-synaptique
55. La fixation d’une molécule de
10
BZD sur GABA-A augmente l’affinité de GABA au récepteur GABA-A et la durée
d’ouverture du canal chloré
55. L'influx intracellulaire de chlore provoque à son
tour l’hyperpolarisation de la membrane et inhibe l’activité neuronale du neurone
post-synaptique
55, ce qui provoque les effets connus des BZD. Les BZD les plus
courantes comprennent entre autres le diazépam (Valium
), l'alprazolam
(Xanax
), le clonazépam (Rivotril
) et lorazépam (Ativan
)
58.
Les BZD sont devenues de plus en plus populaires dans le traitement de
l’insomnie et de l’anxiété comme remplacement des barbituriques ayant un
profil thérapeutique moins avantageux en raison de leur toxicité
55. Laurier et al.
(1990) a estimé
qu’environ 10 à 20 % de la population nord-américaine
utilisaient régulièrement des psychotropes pour une période de plus de 12 mois
et que 80 % de ces psychotropes étaient des BZD
59. Ce phénomène est
préoccupant à cause du vieillissement accéléré des populations occidentales et
l’abondance des évidences sur l’association entre les BZD et les effets négatifs
sur la santé
1.
Les premières BZD (chloridiazépoxide et diazépam ) ont été approuvées par la
Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis
parce qu’elles
représentaient une alternative sécuritaire aux barbituriques qui pouvaient
entraîner un surdosage mortel, en particulier lorsqu’elles étaient combinées
avec de l’alcool
60. Mais l’efficacité thérapeutique des BZD s’accompagne aussi
d’effets indésirables tels que l’amnésie antérograde massive et transitoire
61, la
dépendance, la toxicomanie
15, la déficience cognitive, le délirium, les chutes, les
fractures et les accidents routiers
7. Dans les années
’70, plus de 30 % des
surdoses impliquant des opioïdes étaient reliées à l’usage concomitant de BZD.
Bien qu'elles soient utilisées depuis les années ’60 pour la gestion de l'insomnie
et de l'anxiété, une étude récente a démontré qu’avec une utilisation prolongée,
les BZD peuvent contribuer à l'aggravation de ces symptômes
7.
11
Tableau 1. Liste des benzodiazépines
Tiré du « WHO Collaboration Centre for Drug Statistics Methodology
»
1Nom Codes ATC Nom Codes ATC code
Adinazolam N05BA07 Halazépam N05BA13
Alprazolam N05BA12 Kétazolam N05BA10
Bentazépam N05BA24 Loflazépate d'éthyle N05BA18
Bromazépam N05BA08 Loprazolam N05CD11
Brotizolam N05CD09 Lorazépam N05BA06
Camazépam N05BA15 Lormetazépam N05CD06
Chlordiazépoxide N05BA02 Médazépam N05BA03
Cinolazépam N05CD13 Midazolam N05CD08
Clobazam N05BA09 Nitrazépam N05CD02
Clotiazépam N05BA21 Nordazépam N05BA16
Cloxazolam N05BA22 Oxazépam N05BA04
Diazépam N05BA01 Pinazépam N05BA14
Doxefazépam N05CD12 Prazépam N05BA11
Estazolam N05CD04 Quazépam N05CD10
Étizolam N05BA19 Remimazolam N05CD14
Fludiazépam N05BA17 Temazépam N05CD07
Flunitrazépam N05CD03 Tofisopam N05BA23
Flurazépam N05CD01 Triazolam N05CD05
12
Figure 1. Structure chimique commune des BZD
Tiré du « National Center for Biotechnology Information. PubChem
Database
»631.5.1 La prévalence de l’usage des BZD
En France, une étude transversale téléphonique réalisée en 2001 auprès d'un
échantillon représentatif d’adultes non institutionnalisés, a révélé que la
prévalence d'utilisation des BZD était de 7,5 % dans la population générale,
celle-ci étant plus élevée chez les femmes (9,7 %) que chez les hommes
(5,2 %)
64. Dans une étude libanaise auprès de 1 000 sujets issus de la
communauté, la prévalence d’usage des BZD était de 9,6 %
65. Avant l’an 2000,
la prévalence d’usage des BZD était très élevée en Ontario. En effet, une étude
populationnelle affichait en 1998 une prévalence de 23,2 % parmi les patients
âgés de 65 ans ou plus issus de la Ontario Drug Benefit database
66.
Plusieurs études sur la déprescription des BZD affichent une réduction de la
prévalence
d’usage de BZD : Au Danemark, la prévalence de l’usage d’au moins
une BZD dans la population a baissé de 12 à 10 % entre 1997 à 2008 (p <
0,0001)
67. À Hong Kong, un changement de politique publique indexant les BZD
comme substances dangereuses en 1992 a entraîné une réduction de 50 % du
nombre annuel moyen des ordonnances de BZD par personne dans la
population générale de 1991 à 1994
68. Au Canada, la Ontario Drug Benefit
database a rapporté chez les personnes aînées une baisse de la prévalence des
ordonnances de BZD de 23,2 % en 1998 à 14,9 % en 2013
66. Même si la
prévalence d’usage de BZD semble diminuer dans la population générale, cette
prévalence demeure encore trop élevée chez les personnes âgées chez qui les
13
changements physiologiques dus à l’âge les prédisposent aux effets
indésirables des BZD. Au Danemark, par exemple, environ le quart des patients
âgés de 75 à 85 ans prennent au moins une BZD chaque jour
67.
1.5.2 Quelques outils de surveillance des MPI
1.5.2.1 Les critères de Beers
Les critères de Beers, des critères explicites d’identification des MPI, regroupent
35 conditions sine qua non de définition des médicaments à éviter chez les
aînés, ainsi que les doses ou les fréquences à ne pas dépasser chez les
personnes âgées atteintes de certaines maladies fréquentes
7. Ces critères de
Beers, bien validés, stipulent que toutes les BZD augmentent le risque de
troubles cognitifs, de délirium, de chutes, de fractures et des accidents de la
route chez les aînés
7. Beers affirme que des médicaments comme l’alprazolam,
l’estazolam, le lorazépam, l’oxazépam, le témazépam et le triazolam ne
devraient absolument pas être prescrits aux aînés
7. Les médicaments comme
le chlordiazépoxide, le chlordiazépoxide-amitriptyline, le clorazépate, le
clidinium-chlordiazépoxide, le clonazépam, le diazépam, le lorazépam et le
quazépam peuvent être prescrits seulement pour les
troubles d’épilepsie, les
troubles du sommeil liés aux mouvements oculaires rapides, au sevrage des
BZD, au sevrage de l'éthanol, pour les
troubles d’anxiété généralisée (TAG)
sévère, à l'anesthésie péri-oculaire et lors des soins de fin de vie
71.
1.5.2.2 Les critères START-STOPP
Les critères de STOPP et du Screening tool to alert to right treatment (START)
comprennent 114 critères explicites d’alerte aux traitements inappropriés chez
les aînés
8. Ces outils interdisent la prescription des BZD au-delà de quatre
semaines pour éviter les risques de sédation prolongée, de confusion, des
chutes et des accidents de la route
72. Ces outils créés par des auteurs irlandais
recommandent le retrait progressif des BZD après deux semaines pour éviter
les risques de sevrage
75.
14
1.5.2.3 La liste de PRISCUS
Contrairement aux critères de Beers, PRISCUS n'est pas une liste de
substances interdites en termes de contre-indication, mais une liste des critères
implicites qui contient des informations pertinentes sur les risques des
médicaments individuels chez les aînés. PRISCUS sensibilise la communauté
médicale quant aux problèmes potentiels liés à l’utilisation d’un médicament
spécifique
9. Il contient environ 83 MPI dont 18 (21 %) sont des BZD
74. Les BZD
ciblées par PRISCUS incluent les BZD à action prolongée, telles que le
diazépam, le clobazam, le nitrazépam et certains BZD à action courte telles que
l’alprazolam
74. PRISCUS recommande de remplacer les BZD à action prolongée
par les BZD à action courte, par des neuroleptiques de faible puissance tels que
le melperone et le pipamperone ou par des antidépresseurs sédatifs comme le
mirtazapine
74. Le traitement non-pharmacologique des perturbations du
sommeil telle l’hygiène du sommeil est aussi suggéré
74.
1.5.3 Les lignes directrices
En 2018, l'Institut de recherche Bruyère et ses collaborateurs a publié des lignes
directrices et un algorithme fondé sur des données probantes détaillant les
étapes à suivre pour déprescrire les BZD
80. Les directives recommandaient
entre autres une stratégie basée sur la réduction graduelle des doses, les soins
non-pharmacologiques pour des difficultés de sommeil et la thérapie
cognitivo-comportementale
75. Le volet de soins non-pharmacologiques recommandait
notamment d’aller se coucher seulement lorsqu’on a sommeil, d’utiliser le lit ou
la chambre à coucher uniquement pour dormir ou pour les activités intimes,
d’utiliser l’alarme pour se réveiller à la même heure chaque matin, de ne pas
faire de sieste, d’éviter la caféine l’après-midi, d’éviter l’exercice, la nicotine,
l’alcool et les repas copieux dans les deux heures précédant le coucher
75.
Récemment, la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes
âgées a aussi produit des lignes directrices pour la prévention, l’identification,
l’évaluation et la gestion de BZD (Tableau 2).
15
Tableau 2. Les recommandations canadiennes sur la gestion sécuritaire des BZD
Tiré du « Canadian Guidelines on Benzodiazepine Receptor Agonist Use Disorder Among Older Adults, 2019 »
1 L'utilisation à long terme des BZD (> 4 semaines) chez les personnes âgées doit être évitée pour la plupart desindications en raison de leur efficacité minimale et du risque de préjudice.
2 Les options non pharmacologiques de première intention pour le traitement de l'insomnie et des troubles anxieux telles que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont proposées sous divers formats.
3 Une BZD ne devrait être envisagée pour la prise en charge de l'insomnie ou de l'anxiété qu'après avoir essayé les interventions non pharmacologiques ou options pharmacologiques plus sûres ou pour un pontage à court terme jusqu'à ce qu'un traitement plus approprié devienne efficace.
4 Une évaluation du risque de trouble lié à l'utilisation d’une BZD et d'autres effets indésirables potentiels doit être effectuée avant de prescrire une BZD.
5 Si une BZD est envisagée, la personne âgée doit être informée à la fois des avantages et des risques limités associés à son utilisation, ainsi que d’autres options, avant de décider d'un plan de gestion.
6 L'initiation de BZD devrait être une décision partagée entre le prescripteur et la personne âgée (ou son mandataire spécial).
7 Les personnes âgées qui reçoivent une BZD devraient être encouragées à ne prendre la BZD que pendant une courte période, surveillées au cours de leur prescription, soutenues dans l'arrêt du médicament jusqu'à l'arrêt.
8 Les fournisseurs de soins de santé et les organisations devraient envisager de mettre en œuvre des interventions pour réduire l'utilisation inappropriée des BZD dans leur milieu de pratique.
9 Les établissements de soins de santé devraient mettre en œuvre des protocoles qui minimisent les nouvelles ordonnances de BZD en raison du risque de préjudice et du risque que cela entraîne à long terme.
10 Les professionnels de la santé, les personnes âgées et leurs familles devraient plaider pour un accès et un financement adéquat à des alternatives non pharmacologiques efficaces pour la gestion de l'insomnie et des troubles anxieux.
16
11 Les cliniciens doivent savoir que les BZD sont prescrites plus fréquemment aux femmes et les biais implicites potentiels qui peuvent conduire à une utilisation inappropriée.
12 Toutes les personnes âgées devraient être interrogées sur la consommation actuelle et passée de BZD.
13 L'évaluation des personnes âgées soupçonnées d'avoir un trouble lié à l'utilisation de BZD comprend l'indication, la dose, la durée, les caractéristiques indiquant un trouble lié à l'utilisation de BZD.
14 La consommation de plusieurs substances est courante et doit être envisagée et demandée chez toutes les personnes âgées souffrant d'un trouble lié à l'utilisation de BZD. Les professionnels de la santé devraient éviter de prescrire des BZD simultanément avec des opioïdes dans la mesure du possible.
15 Une approche de soins centrée sur la personne visant le retrait progressif et l'arrêt des BZD doit être utilisée. Les
cliniciens et les patients devraient partager la planification et le plan d'un programme de réduction progressive de la dose soutenue par une éducation appropriée du patient.
16 L'arrêt brusque d'une BZD après une utilisation à long terme (> 4 semaines) chez les personnes atteintes d'un trouble lié à l'utilisation du BZD doit être évité en raison du risque de symptômes de sevrage, du renforcement de la dépendance à la substance et de phénomènes de rebond.
17 Les symptômes de sevrage aigus de la BZD doivent être surveillés attentivement par un outil validé.
18 Les ordonnances impliquant plusieurs BZD doivent être simplifiées et converties en une seule BZD.
19 Le changement de routine d'une BZD à demi-vie courte par une autre ayant une longue demi-vie pour faciliter le retrait des BZD n'est généralement pas recommandé chez les personnes âgées.
20 Les interventions psychologiques telles que la TCC devraient être envisagées lors des efforts de retrait des BZD car elles peuvent améliorer les expériences des personnes âgées et augmenter la probabilité d'arrêter les BZD.
21 La substitution à un médicament pharmacologiquement différent en tant qu'intervention pour atténuer les symptômes de sevrage au BZD lors d'une réduction progressive de la dose n'est pas systématiquement recommandée.
17
Chapitre 2. Méthodologie
2.1 Objectif général
Le projet de recherche de ce mémoire avait pour objectif de décrire les
interventions de déprescription de BZD et leurs effets sur la santé des aînés (60
ans et plus) par le moyen d’une synthèse systématique des interventions de
déprescription.
2.2 Questions de recherche
Chez les personnes de 60 ans et plus :
I.
Quels sont les impacts des interventions de déprescription de BZDs sur
la santé ?
II.
Quelles sont les caractéristiques des interventions de déprescription de
BZDs, ou des éléments de celles-ci, qui permettent d'obtenir des résultats
positifs ou neutres sur la santé ? En d'autres termes, qu'est-ce qui est
commun aux interventions efficaces de déprescription de BZDs ?
2.3 Devis de l’étude
Il s’agit d’une synthèse systématique dans laquelle les énoncés PRISMA
(« Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyses »),
référence internationale en matière d’informations fiables et de haute qualité, ont
été appliqués
76.
Ce choix de devis se justifiait par l’existence de nombreux
résultats rapportés dans la littérature quant aux effets des interventions de
déprescription de BZD sur la santé des aînés
32,83.
2.4 Recherche documentaire
Les bases de données MEDLINE, EMBASE, CINAHL, PSYCHINFO et
AGELINE ont été consultées en septembre 2018 et en août 2019 pour retrouver
toutes les études éligibles grâce à une stratégie de recherche documentaire
18
élaborée par Mme Carole Brault, bibliothécaire au Centre Hospitalier
Universitaire (CHU) de Québec, et modifiée par Mme Martine Marcotte (MM),
professionnelle de recherche impliquée dans ce projet de recherche et l’étudiant
gradué attitré au projet (DMB), pour cibler uniquement les études sur les BZD.
Tous les mots-clés et les résultats de recherche de chaque base de données se
retrouvent en annexe C.
La plus récente consultation des bases des données a été complétée le 8
novembre 2019 pour la mise à jour des études retenues. Les mots-clés utilisés
pour la recherche documentaire visaient premièrement les études sur tous les
médicaments déprescrits, et les deux réviseurs, DMB et MM, ont ensuite
manuellement sélectionné uniquement les études concernant les BZD.
2.5 La sélection des études
La sélection des études s’est faite en deux étapes. D’abord, les titres et les
résumés ont été examinés pour identifier les études pertinentes, puis une lecture
intégrale des articles a permis d’identifier les études éligibles (cf. Table 3 au
chapitre 3). La sélection des études, l'extraction des données et l'évaluation de
la qualité des études étaient effectuées par deux réviseurs indépendants (MM
ou Mme Daniela Furrer Soliz-Urrutia (DFSU), la professionnelle de recherche
qui a remplacé MM)
et l’étudiant gradué (DMB). Les désaccords étaient
généralement résolus en consultant un troisième membre de l’équipe (Mme
Edeltraut Kröger (EK) ou Mme Danielle Laurin (DL)).
La sélection des études a suivi la méthode PICOS pour l’inclusion et l’exclusion
des études :
Population : Toutes les études sur la déprescription de BZD chez les personnes
âgées de 60 ans ou plus, ayant au moins une BZD déprescrite ont été
considérées. Les études étaient prises en compte si 80 % ou plus des
participants étaient âgés d’au moins 60 ans, ou si l'âge moyen des participants
était égal ou supérieur à 60 ans ou si des données pertinentes pour les
19
participants âgés de 60 ans ou plus pouvaient être extraites des articles. Les
études incluant les « z-drugs » ont été exclues.
Intervention : Toutes les interventions visant la déprescription de BZD,
c’est-à-dire, l’arrêt ou la réduction de dose de BZD, quel que soit le milieu d'intervention
(communauté, hôpital, maison de retraite) ou les cibles de l’intervention (patients
ou professionnels de la santé) étaient pris en compte.
Comparaison : Seules
les études qui comparent des groupes d’intervention à
des groupes de soins habituels, à la situation avant l’étude (« before-after
study ») ou à un placebo étaient incluses.
« Outcomes » ou Résultats
: Dans un premier temps, on s’intéressait au
changement du nombre de médicaments totaux, mesuré par des instruments
objectifs ou validés. On notait les interventions capables de réduire le nombre
de médicaments totaux ou inappropriés, leurs impacts sur la santé et d'autres
issues secondaires, par exemple les réactions indésirables, le contrôle de la
glycémie, la pression artérielle, les lipides sanguins, la qualité de vie, la mortalité,
etc.
« Study type » ou Devis d’étude : Tous les ECR, y compris les ECR en grappes,
les essais cliniques contrôlés non randomisés, les études contrôlées avant et
après, ont été inclus. Les séries chronologiques interrompues étaient
considérées si l'attribution des participants dans les groupes était aléatoire.
2.6 Les critères d'exclusion
Les revues systématiques, les études de cas, les études transversales, les
doublons, les articles disponibles uniquement sous forme de résumés, les
études sur les médicaments non-chroniques, les articles dans des langues
autres que le français, l’anglais et l’allemand étaient exclus.
20
2.7 L’extraction des données
Les données des études étaient extraites dans un formulaire prédéfini (Annexe
A). La sélection des études, l'extraction des données et l’évaluation du risque de
biais étaient effectuées indépendamment par deux réviseurs, d’abord par MM et
DMB, ensuite par DFSU et DMB. Les références, le devis de l’étude, les
caractéristiques des participants (taille de l'échantillon, taux de participation,
données sociodémographiques, etc.), la description de l’intervention (à qui
s’adresse l’intervention, dans quel milieu, médicament(s) ciblé(s)s, durée, etc.),
les analyses statistiques et les résultats (les mesures d’association et les
intervalles de confiance) ont été extraits. L’évaluation du risque de biais pour les
études non-randomisées était réalisée grâce au RTI Item Bank
76alors que les
risques de biais pour les ECR ont été vérifiés en utilisant le Scottish
Intercollegiate Guidelines Network (SIGN).
772.8 Synthèse des données
Une méthode de synthèse narrative, transparente et reproductible a été utilisée
pour décrire toutes les études
78. Un tableau récapitulatif et descriptif de toutes
les études incluses a été réalisé. Une analyse qualitative comparative a été
réalisée pour analyser la contribution causale des différents éléments
d'intervention aux issues de santé chez les aînés. Les différents ensembles de
caractéristiques associés aux résultats spécifiques sont cartographiés et soumis
à une procédure de minimisation en vue d'identifier un ensemble plus simple de
conditions, tenant compte des issues de santé observées, et aboutissant à une
matrice de caractéristiques des interventions et des issues connexes. Les
énoncés généraux basés sur les preuves recueillies sont formulés pour
répondre à la première question de recherche et une matrice résume les
résultats des études pour répondre à la deuxième question de recherche.
21
Chapitre 3. Résultats
3.1 Electronic database search, study selection and data extraction
The search in five electronic databases identified 3174 articles (Figure 2):
MEDLINE (n=894), EMBASE (n=793), CINAHL (n=354), AGELINE (n=114) and
PsycINFO (n=1019). After removing the duplicates (n=1166), two authors (DMB,
MM) independently screened all articles by title and abstract, and further
excluded 1978 articles in order to respect the inclusion and exclusion criteria. If
consensus was not possible, all disagreements at this stage were resolved by
consulting a third author (EK or DL). This third-party arbitration happened more
frequently in the initial stages of the study selection due to moderate interrater
agreement evidenced by a Cohen kappa’s value of 0.55. The two review authors
(DMB and MM) retrieved the full text of the remaining articles (n=30) and
excluded 20 additional articles due to eligibility criteria. One article was added
after hand-searching of reference lists. Finally, 11 articles from 10 studies were
included in this review: Habraken et al. (1997), Vicens et al. (2014), Vicens et al.
(2016), Tsunoda et al. (2010), Tham et al. (1989), Gilbert et al. (1993), Petrovic
et al. (2002), Petrovic et al. (1999), Salzman et al. (1992), Curran et al. (2003)
and Hopkins et al. (1982). Vicens et al. (2016) was the follow-up study to Vicens
et al. (2014) at 36 months. Complete description of included studies is described
in Table 3. Using an excel sheet, data on study characteristics (design, date and
location), participants’ characteristics (age, sex and residency), intervention
description (target, duration and follow up), and outcomes (medication and
health status) were extracted and noted in Annex A.
22
FIGURE 2. PRISMA Flow chart
Records screened (n = 1023)
Records after duplicates removed (n = 2008)
Records identified through database searching (n = 3174) Sc reen in g In cl u d ed El ig ib ili ty Id ent ifi cat io
n Additional records identified
through other sources (n = 0 )
Records excluded based on abstracts
(n = 993)
Full-text articles assessed for eligibility
(n = 30)
Full-text articles excluded, with reasons*
(n =20) *Reasons:
Subjects were under 65 years of age (n=4), no health related outcomes (n=5), language other than English, French and German (n=4), missing date on exposure (n=2), study combined the effect of BZD and Z-drugs (n=5) Articles included in qualitative synthesis (n = 11) Studies included in quantitative synthesis (meta-analysis) (n=0) Records excluded based on title (n =985) Based on?Title Full-text articles included by hand search
23
3.2 Settings and Objectives
The included studies on BZD discontinuation were conducted in diverse
healthcare settings: primary care centres or communities (Hopkins et al. 1982,
Vicens et al. 2014,
Vicens et al. 2016, Curran et al. 2003), hospitals (Petrovic et
al. 1999,
Petrovic et al. 2002, Tham et al. 1989) and nursing homes (Gilbert et
al. 1993, Habraken et al. 1997, Salzman et al. 1992, Tsunoda et al. 2010). All
included studies had somewhat similar study objectives: Habraken et al. (1997)
wanted to study the long-term effect of gradual withdrawal from BZD on daily
functioning of residents of homes for the elderly. Tsunoda et al. (2010) wanted
to assess the feasibility and health benefits of discontinuing BZD-derivative
hypnotics. Salzman et al. (1992) sought to find out if memory improves following
BZD discontinuation in elderly taking BZD on a regular basis for more than 5
months. Hopkins et al. (1982) assessed the effects of withdrawing BZD on mood
and sleep. Gilbert et al. (1993) wanted to demonstrate if their intervention, which
involved relaxation training for patients and education for prescribers, could
reduce the level of chronic BZD use among residents of a nursing home facility.
Tham et al. (1989) wanted to compare the effects of abrupt versus gradual
withdrawal on sleep. Petrovic et al. (2002) studied the differential effects of
transitional lormetazepam versus placebo on withdrawal success rate and
symptoms. Petrovic et al. (1999) tried to test the hypothesis that a short-term
programme for withdrawal of benzodiazepines (BZD) is feasible in hospitalized
geriatric patients. Curran et al. (2003) wanted to demonstrate if withdrawing from
BZD led to change in patients' cognitive function, quality of life, mood and sleep.
Vicens et al. (2014) and (2016) aimed to compare the effectiveness of two
structured interventions intended to physicians, patients, and nurses on BZD
discontinuation.
3.3 Quality of the evidence
This review included seven RCTs (Vicens et al. 2014, Vicens et al. 2016, Curran
et al. 2003, Gilbert et al. 1993, Habraken et al. 1997, Tham et al. 1989, Petrovic
24
et al. 2002) and four before and after studies (Hopkins et al. 1982, Petrovic et al.
1999, Salzman et al. 1992, Tsunoda et al. 2010). The description of the studies
are included in Table 4. This review has three quality studies (Vicens et al. 2014,
Vicens et al. 2016, Curran et al. 2003) according to SIGN guidelines. Urine
samples were obtained from participants to confirm BZD withdrawal. The
remaining eight study reports were considered of low quality according to SIGN
guidelines or the Research Triangle Institute (RTI) Item bank for non-randomised
controlled trials. The common characteristics of the low-quality studies included
small sample size (n<100), high dropout rates (>10%), lack of appropriate
concealment and other methodological concerns (Table 3). One study
(Habraken et al. 1997) did not indicate whether the experimental and the control
groups were similar at baseline. Petrovic et al. (1999) did not report information
on how they allocated patients to study groups and they failed to provide
sufficient characteristics of participants. Five of the 10 included studies had small
sample sizes (Salman et al.1992 had 25 participants, Tham et al. 1989 had 30
participants, and Tsunoda et al. 2010 had 31 participants). Only the three studies
of good quality, two of which from the same population, had more than 100
participants (Vicens et al. 2014 and 2016, and Curran et al. 2003). Three studies
had a significant number of patients lost to follow up. Indeed, 10% of participants
were lost to follow up in Hopkins et al. (1982); 25% of participants were lost to
follow up in Gilbert et al. (1993), including 12% decedents and 13% relocated to
different accommodations. The highest proportion of participants lost to follow
up was 35% in Habraken et al. (1997).
3.4 Study Population
The total number of participants included in the 10 studies was 1042 and the
average of the mean age of these participants was 70.6 years, mostly female
(70.5%), ranging from 25% to 97%, and they were using BZD for at least 3
months (Table 4). Over three quarters of the participants (n=798) were living in
the community and were recruited from primary care centres through general
practicians. The remaining participants (n=244) were living in institutionalized
25