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Article pp.5-14 du Vol.26 n°152 (2008)

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Dominique CARDON

En quelques années à peine, les réseaux sociaux ont conquis une place centrale dans les usages de l’internet. Le tournant est saisissant. En 2005, aux Etats-Unis, parmi les dix sites à plus forte audience, on comptait encore des services de ventes en ligne et de grands portails commerciaux comme Ebay, Amazon, Microsoft, ou AOL. Mais en 2008, ceux-ci ont disparu du classement des dix premiers sites, au profit de Youtube, MySpace, Facebook, Hi5, Wikipédia et Orkut1. La vogue du web 2.0, dont il serait vain de chercher une définition rigoureuse au-delà d’un vague principe de participation étendue des utilisateurs, colore aujourd’hui tous les discours sur l’internet, à tel point qu’il semble presque impossible de proposer un service sans lui accoler l’étiquette « 2.0 ». Les deux numéros que Réseaux consacre aux réseaux sociaux de l’internet – après celui-ci, le numéro 154 à paraître en avril proposera une série d’études de cas – ne porteront cependant ni sur l’émergence d’une « idéologie » propre au web 2.0, ni sur les formats d’innovation et les modèles économiques qui lui sont associés2. En effet, derrière la bulle, il y a les pratiques, massives, multiformes, inattendues qui ravivent des formes anciennes et en dessinent de nouvelles. En deçà des effets de mode et de l’incessante prolifération de nouveaux services, l’émergence du web 2.0 offre un espace d’interrogation original pour les sciences sociales, si l’on admet qu’il n’est pas nécessaire d’entériner la thèse de la grande rupture pour apercevoir certains des traits originaux des pratiques relationnelles qui se déploient sur ces plateformes. C’est donc aux

1. Source : Technology Trends, Morgan Stanley, 20 juin 2008.

2. Sur ces questions, on pourra consulter le numéro de Communication and strategies (n° 65, 1st quarter 2007). Et BEER et BURROWS, 2007.

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pratiques relationnelles en tant que telles que ces numéros voudraient s’intéresser, afin d’essayer de saisir, avec de nouvelles méthodologies et des articulations disciplinaires renouvelées, les usages contemporains du web.

Les travaux de sciences sociales sur ces questions commencent désormais à se déployer dans la littérature scientifique anglo-saxonne, comme en témoigne le précieux travail éditorial du Journal of Computer-Mediated Communication et la création de communautés scientifiques spécialisés comme ICWSM (International Conference on Weblogs and Social Media).

En revanche, ces travaux restent encore assez rares et peu connus en France3. Surtout, peu d’attention est consacrée à confronter les approches des sciences sociales aux autres disciplines qui sont, elles aussi, très actives dans l’étude et la conception des espaces relationnels de l’internet.

La plupart des articles qui composent ces deux numéros de Réseaux sont issus d’un travail mené pendant deux ans au sein du projet AUTOGRAPH de l’ANR4. Ce projet interdisciplinaire s’est attaché à construire un questionnement rapproché entre sociologues, informaticiens, linguistes et spécialistes de la visualisation de l’information. Deux lignes de force ont présidé à la construction de ce numéro. La première, méthodologique, s’attache à tisser des ponts entre les approches sociologiques, la théorie des graphes et la visualisation de l’information. La seconde propose une série d’explorations transverses de quelques propriétés caractéristiques des plateformes relationnelles, en s’intéressant successivement à l’identité numérique, aux modes de catégorisation apparus avec la folksonomy, à la fabrication de la réputation en ligne et à la gouvernance des wikis. Ces approches transverses seront ensuite « incarnées » à travers un ensemble d’études de cas dans le numéro 154 de Réseaux où nous porterons attention à Wikipédia, Second Life, Flickr et à la blogosphère politique française.

3. A l’exception notable du numéro de Médiamorphoses « 2.0 ? Culture numérique, culture expressives » (n° 21, septembre 2007) dirigé par L. Allard et O. Blondeau.

4. Le projet AUTOGRAPH (Auto-organisation et visualisation. Conception d’outils pour la gouvernance des grands collectifs à base coopérative – ANR 2006-2008) réunissait Orange Labs, le LIAFA (Paris 7), le LIMSI (Paris 6), l’INRIA, l’ENST et la FING (Fondation internet nouvelle génération).

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Nouvelles articulations disciplinaires

Le réseau des réseaux est aujourd’hui le support d’activités coopératives à grande échelle, organisées au sein de « communautés » massivement interactives comme Wikipedia, les collectifs de développeurs de logiciels libres, les plateformes de blogs, les joueurs en réseaux ou les plateformes relationnelles (Facebook, MySpace, etc.). Le développement de ces grands collectifs en ligne s’accompagne de formes de régulation originales dans lesquelles les principes d’auto-organisation tiennent une place importante.

En effet, les technologies cognitives (ou intellectuelles) de l’internet jouent un rôle décisif aussi bien dans la définition des propriétés formelles de ces communautés (dispersion géographique, hétérogénéité des formes d’engagement, volume des échanges, historique des contributions, etc.) que dans les modes de régulation de la coopération qui s’y exercent (décentralisation, gouvernance par les procédures, gestion des apprentissages collectifs et de la mémoire du groupe, règlement des conflits au consensus, etc.). La croissance de ces ensembles coopératifs sur internet invite à développer une approche interdisciplinaire réunissant sociologues et informaticiens, afin de décrire leurs propriétés relationnelles et organisationnelles. A cet égard, l’algorithmique des graphes offre des outils originaux et ouvre des pistes de recherche prometteuses5. En effet, si la théorie des graphes a accompagné dès le début la mise en place des grands courants de l’analyse des réseaux sociaux, ce sont surtout les outils de l’analyse statistique qui se sont rapidement imposés. Or, après plus de trente ans de recherche, les algorithmes sur les graphes ont atteint un niveau de technicité qui les rend extrêmement performants sur de très grosses bases de données, efficacité à laquelle s’ajoutent de nouvelles perspectives nées de l’étude des propriétés spécifiques des grands réseaux d’interactions.

Ces recherches sont également décisives pour le développement des innovations de services dans l’univers du web 2.0. Celles-ci prennent appui sur un écosystème original mêlant chercheurs, start-up et industriels des secteurs de l’informatique et des télécoms6. De très nombreuses thématiques concernant la forme et la structure des réseaux sociaux de l’internet, le search relationnel, la folksonomy, les algorithmes de recommandation ou les problématiques de design de l’information ont pris naissance dans ce contexte. Aussi, pour ouvrir ce numéro, nous a-t-il semblé important de

5. CARDON et PRIEUR, 2007.

6. Sur le développement de l’écosystème des barcamps, cf. AGUITON et CARDON, 2008.

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revenir sur les paradigmes interprétatifs, les méthodes et les techniques de visualisation. Dans l’article qu’il consacre à l’émergence des analyses relationnelles en sociologie, Pascal Cristofoli montre dans quel contexte intellectuel et méthodologique s’est opérée une articulation entre la théorie des graphes, les analyses sociologiques des relations sociales et le gisement de données offert par internet. Mais il souligne aussi les difficultés et les chausse-trappes d’un usage non réfléchi des algorithmes de la théorie des graphes en sociologie. Nathalie Henry et Jean-Daniel Fekete explorent, pour leur part, les débats relatifs à la visualisation des réseaux sociaux. C’est en effet à un espace disciplinaire nouveau, la visualisation de l’information (infoviz), que doit s’ouvrir la sociologie pour parvenir à interroger et rendre compte des données qu’internet fait apparaître sous forme de traces de navigation et de flux d’échanges. Les auteurs montrent la diversité des modes de visualisation d’un réseau en confrontant notamment les représentations sous forme de nœuds-liens aux représentations matricielles.

La réalisation de recherches empiriques associant sociologues et informaticiens dans l’exploration de structures relationnelles significatives n’en est encore qu’à ses balbutiements. De fait, elle soulève de nombreuses questions relatives d’abord à la capacité à extraire des corpus de données de qualité des sites web. La diversité des formats de données et des structures de site rend parfois difficile l’extraction des informations et surtout dégrade leur qualité. Sur ce terrain, l’analyse des données de réseaux sociaux sur les blogs et les nouvelles applications du web 2.0 débutent à peine. Il reste ensuite à interroger les conditions nécessaires pour produire une certaine forme d’intelligibilité des résultats obtenus par les algorithmes issus de la théorie des graphes. Selon leur conception, ceux-ci peuvent donner des résultats sensiblement différents et proposer des représentations parfois très contrastées de la structure organisationnelle et thématique des grands réseaux d’interactions. Cette variabilité vient utilement souligner le caractère

« construit » des modèles algorithmiques, ceux-ci enfermant toujours une vision du réseau et une conception particulière des manières de créer une proximité entre ses nœuds. Mais elle invite surtout à développer des outils de représentation qui soient directement réinsérables dans l’expérience-même des usagers (sous forme de services de visualisation interactifs par exemple), afin de produire une validation ou une invalidation des représentations proposées par les acteurs. En ce sens, l’interprétation sociologique de l’activité collective sur internet peut bénéficier du travail avec les informaticiens pour instaurer une forme originale et appliquée de boucle herméneutique avec les usagers.

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La force des coopérations faibles

Le développement des usages du web 2.0 tient au fait que les utilisateurs ont tendance à élargir leur cercle relationnel bien au-delà de ce qu’il était possible d’extrapoler de leurs pratiques de sociabilité dans la vie ordinaire.

Les fonctionnalités de commentaires, de blogrolls, de désignation d’amis et, plus largement, de mise en réseau constituent l’essence même des services du web 2.0. Alors que les blogs ou les premiers social media comme Friendster faisaient apparaître de courtes listes d’amis ou de liens référencés dans le blogroll avec une dizaine ou une vingtaine de membres, les usagers de MySpace ou de Flickr ont considérablement élargi le cercle des contacts, certains participants affichant des listes de plusieurs milliers d’« amis ».

Aussi faut-il être attentif à la variété et à la diversité des liens qui peuvent être observés sur ces différentes plateformes. L’attache avec la personne dont on enregistre le blog dans son blogroll n’a pas le même sens que celle que l’on noue avec la personne avec qui on échange dans les commentaires7. Les petits blogrolls de Skyblog n’ont pas la même signification que les listes extensives d’amis de MySpace8 ou que les réseaux relationnels construits par une appartenance institutionnelle commune (université, entreprise, etc.) sur Facebook. Chaque plateforme produit des architectures relationnelles qui présentent des caractéristiques spécifiques au regard de l’origine, du nombre de contacts, de la fréquence des échanges et des caractéristiques sociodémographiques des liens qu’elle encourage. C’est ce paysage multiforme que l’article de Dominique Cardon propose de cartographier dans ce numéro, en confrontant les formes d’expression de l’identité à la visibilité qu’accordent les plateformes du web 2.0 à ceux qui s’y investissent.

L’une des évolutions qui caractérise le web 2.0 tient, en effet, à la transformation de la nature des liens et du statut des personnes liées. Tout se passe comme si, à une sociabilité restreinte de contacts, souvent connus dans la vie réelle et avec lesquels on entretient des liens forts et proches, se substituait une pratique de mise en contact beaucoup plus légère et lâche. Sur Flickr, MySpace ou Bebo, on devient aussi amis avec des personnes que l’on connaît à peine, avec lesquelles on a échangé quelques mots électroniques, voire même avec lesquelles on n’a jamais interagi. Si le web 2.0 se caractérise par sa dimension relationnelle, il faut aussi reconnaître que les liens proliférants qui s’y multiplient n’ont pas la même densité, la même centralité

7. ALI-HASAN et ADAMIC, 2006.

8. BOYD, 2004.

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et les mêmes obligations que les relations sociales, amicales notamment, qui s’observent dans les sociabilités réelles9. Dans les mondes virtuels, comme Second Life, les avatars tissent entre eux des liens selon des règles de comportement qui dérogent parfois fortement aux normes sociales ordinaires.

Surtout, sur certaines plateformes, comme MySpace étudié dans ce numéro, les personnes se lient aussi entre elles par leurs productions (textes, photos, vidéos), ce qui contribue à dessiner un espace relationnel hétérogène, puisque sont mis en réseau des individus, mais aussi des œuvres, des personnages fictifs ou des goûts. Jean-Samuel Beuscart montre ainsi comment, dans le domaine musical, les logiques de réputation se construisent sur le fonds d’un intense travail relationnel permettant de constituer, pas à pas, un public. Mais son enquête permet aussi de nuancer les fables enthousiastes narrant la gloire internationale de groupes inconnus « découverts » sur MySpace. Le capital de notoriété que parviennent à se constituer au terme d’un coûteux travail relationnel les artistes de MySpace offrent surtout des opportunités professionnelles sur une multiplicité de scènes locales.

Il est cependant inutile de conclure de l’existence de ces « liens faibles », une dilution des relations sociales dans une socialité évanescente et « liquide »10. Il est sans doute plus pertinent d’interpréter la logique sociale dans laquelle s’inscrit la recherche de liens faibles comme un changement significatif dans la manière dont les sociétés individualistes développent des formes originales de curiosité et d’opportunisme où les raisons de se lier et de coopérer ne sont pas préalables à la mise en relation, mais apparaissent comme une conséquence émergente de l’expressivité personnelle11. En effet, la réussite des grandes plateformes du web 2.0, comme celle de Wikipédia, procède d’une articulation originale entre individualisme et solidarité. Beaucoup des activités menées sur ces plateformes ressortissent à des logiques d’individuation témoignant d’un désir d’expression et de singularisation. De la sorte, les utilisateurs ne sont pas initialement animés par un plan d’action coopératif, ni même souvent par le souci d’user de ces plateformes pour échanger et dialoguer. Les bloggeurs souhaitent parler d’eux, les usagers de Flickr, YouTube ou DailyMotion veulent montrer leurs productions, les wikipédistes écrivent sur les sujets qui les intéressent et les concernent. Le développement de l’autoproduction numérique épouse, tout en les renforçant et les fabriquant, de nombreux traits des dynamiques d’individualisation des

9. LICOPPE, 2002 ; CARDON, SMOREDA et BEAUDOUIN, 2005.

10. BAUMAN, 2004.

11. AGUITON et CARDON, 2007.

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sociétés contemporaines : l’accroissement du capital culturel, le désir d’authenticité, l’exploration identitaire par simulation de rôle, la quête de réputation et de notoriété, l’affaiblissement de la frontière entre amateur et professionnel, etc. Ces formes d’individualisation ne sont pourtant en rien des marques d’isolement ou de séparation. Elles se déploient dans un contexte hautement relationnel. Les personnes construisent leur identité en s’engageant dans des espaces qui leur permettent de chercher la reconnaissance des autres12. Aussi les plateformes du web relationnel sont-elles particulièrement adaptées à cette nouvelle forme de production de l’individualité dans laquelle les capacités expressives des personnes, leur manière d’être, de se décrire et de se dire, de révéler leur capacité et leur créativité servent à sélectionner, communiquer et partager avec d’autres individualités.

Cette articulation entre renforcement de l’individualisation et recherche relationnelle apparaît de manière particulièrement évidente avec les blogs13. Ceux-ci se présentent certes comme des outils de publication, permettant aux individus d’exhiber leur différence, mais ils sont aussi et surtout des outils de communication permettant de créer autour de soi un réseau avec d’autres. Les bloggeurs se racontent pour engager une conversation. Des travaux statistiques récents ont montré que les blogs qui n’étaient pas commentés, étaient très vite abandonnés14 et que leur durée de vie était étroitement corrélée au nombre et à la densité des commentaires qu’ils suscitent15. L’intensité de l’engagement individuel se trouve ainsi fortement corrélée à la réalisation d’activités coopératives, lesquelles apparaissent généralement et opportunément comme une conséquence ex post de l’implication personnelle. Beaucoup de bloggeurs interviewés racontent, par exemple, qu’ils ne se rendaient pas compte en ouvrant leur blog qu’ils allaient passer plus de temps à répondre à leur commentateurs qu’à écrire des posts. Une étude sur les motivations de neuf wikipédiens montre qu’ils ont commencé à écrire pour des raisons essentiellement personnelles16 et que leurs motivations se sont modifiées avec l’élargissement de leur pratique de Wikipédia. Au début, ils souhaitaient écrire ou corriger les articles portant sur les sujets qu’ils connaissaient, par intérêt personnel pour les sujets concernés. Mais progressivement, ils se sont mis à prendre en charge des activités collectives : surveiller les articles auxquels ils

12. SINGLY, 2003.

13. NARDI, SCHIANO et GUMBRECHT, 2004 ; CARDON et DELAUNAY, 2006.

14. MISHNE et GLANCE, 2006.

15. LENTO et al., 2006.

16. BRYANT, FORTE et BRUCKMAN, 2005.

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avaient contribué, corriger d’autres articles, prendre en charge l’iconographie ou la gestion d’un portail thématique, s’occuper des droits d’auteur, etc.

L’encyclopédie leur apparaît alors comme un bien commun17.

La manière dont se transforme progressivement l’intérêt individuel de l’utilisateur en une préoccupation collective ne suppose par un investissement altruiste fort, pas davantage qu’il ne requiert une mobilisation générale et collective des participants. De fait, les plateformes d’interaction montrent toutes qu’une minorité agissante de participants engagés dans des activités hautement relationnelles suffit à donner sens aux services collectifs proposés. C’est le cas par exemple sur Flickr, où seulement 19 % des inscrits utilisent réellement les fonctionnalités coopératives permettant de gérer des contacts, de placer des photos dans des groupes thématiques ou de commenter les photos des autres. Les activités de cette petite minorité d’utilisateurs suffisent à donner une forme organisée et collectivement ordonnée à l’ensemble de la base thématique des photos : ils taggent les photos, confrontent les goûts, créent des albums thématiques avec les photos des autres, etc.18 Certes, les usages de Flickr sont extrêmement divers.

Certains utilisent le site, de façon purement individuelle, pour stocker leurs photos. D’autres, sans déposer de photos, l’investissent pour échanger et se rencontrer, un peu à la manière de MySpace. D’autres encore développent des pratiques communautaires autour de la photographie. Mais le bénéfice que ce troisième groupe d’usagers apporte à l’ensemble des participants ne pourrait exercer ces effets si la plupart des participants n’acceptaient de rendre publiques leurs photographies. Comme le montre l’article de Maxime Crepel qui propose une typologie des différentes pratiques de tagging sur Flickr, le développement des folksonomies constitue une parfaite illustration de cette dynamique. En lieu et place d’un système de classification uniforme, centralisé et vertical, la folksonomy propose un compromis original entre une pratique individuelle de repérage et de classification ressemblant à l’usage des bookmarks et une mise en commun des tags produit par les utilisateurs19. La conséquence de cette dynamique est aussi que les formes collectives qui peuvent s’observer sur les sites du web 2.0 se présentent d’abord et essentiellement sous des traits auto-organisés. Ce ne sont pas les initiateurs ou les détenteurs des plateformes qui décident des formes d’organisation

17. LEVREL, 2006.

18. PRIEUR et al., 2007.

19. MARLOW, NAAMAN, BOYD et DAVIS, 2006 ; AURAY, 2007.

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collective entre participants. Ces derniers inventent, partagent et font respecter eux-mêmes les règles d’engagement collectif auxquelles ils se plient. Ce sont les propriétaires des îles de Second Life, les initiateurs des groupes de Flickr, les administrateurs de Wikipédia, etc., qui régulent les activités du sous-espace dans lequel ils sont impliqués, en prônant la plupart du temps des principes relativement horizontaux et ouverts. L’auto- organisation constitue en effet un trait essentiel des nouvelles formes collectives qui émergent de l’agrégation des liens faibles20. Dans une étude originale de la dynamique d’évolution des pratiques sur les wikis, Camille Roth, Dario Taraborelli et Nigel Gilbert offrent une démonstration quantitative du rôle de l’ouverture et de l’auto-organisation dans la réussite des espaces contributifs sur internet.

Rappelons pour conclure que les dimensions transverses abordées dans ce numéro trouveront une autre forme d’expression dans le n° 154 (à paraître en avril) qui cherchera à explorer ces différentes thématiques à travers un ensemble d’étude de cas.

20. BENKLER, 2006.

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