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Standards et normes techniques dans l'ordre juridique contemporain : quelques réflexions

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Standards et normes techniques dans l'ordre juridique contemporain : quelques réflexions

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence

BOISSON DE CHAZOURNES, Laurence. Standards et normes techniques dans l'ordre juridique contemporain : quelques réflexions. In: Boisson de Chazournes, Laurence & Kohen, Marcelo.

International Law and the Quest for its Implementation = Le droit international et la quête de sa mise en oeuvre : Liber Amicorum Vera Gowlland-Debbas. Leiden : Brill, 2010. p. 351-376

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12597

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Chapter 17

Standards et normes techniques dans l’ordre juridique contemporain : quelques réfl exions

Laurence Boisson de Chazournes*

1. Notions

La normativité internationale est foisonnante. Ses champs d’intervention ne ces- sent de s’étendre à des fi ns de coopération, de coordination, d’harmonisation, sinon d’intégration. Ses aspects évoluent. Les degrés de juridicité de la règle ou de la norme de droit international varient et le critère de l’obligatoriété comme fondement de la règle de droit devient moins déterminant. La technicité émerge comme l’un des moteurs de la juridicité.1 Plus un instrument est en mesure de fournir des règles ou des lignes directrices adéquates dans un domaine spécifi que de l’activité internationale (commerce, santé, environnement, etc.) et plus lesdi- tes règles ou lignes directrices acquièrent une certaine normativité. Il se forme peu à peu une « communauté internationale à activité normative ».2

Dans ce contexte, une catégorie d’instruments mérite une attention particu- lière. Il s’agit de ce que l’on dénomme communément les standards internatio- naux (ou normes techniques internationales). Le recours à ceux-ci produit des eff ets pratiques conséquents, sinon juridiques. Vera Gowlland a souligné avec beaucoup de fi nesse leur rôle et les besoins sociaux auxquels ils répondent.3

* Professeur de droit international et organisation internationale, Faculté de droit, Université de Genève

1 Sur la technicité des normes internationales, voir E. Brosset, E. Truilhé-Marengo, ‘Normes techniques en droit international. Les mots et les choses . . .’, in: E. Brosset, E. Truilhé (dir.), Les enjeux de la normalisation technique internationale : Entre environnement, santé et commerce international (Paris, La Documentation française, 2006), pp. 22–29.

2 Voir Communautés européennes – Désignation commerciale des sardines, rapport de l’Organe d’appel, WT/DS231/AB/R, para. 222. La même expression est utilisée dans la Note explicative à l’Annexe 1.2 de l’Accord sur les obstacles techniques au commerce.

3 Voir notamment, V. Gowlland, Law Making in a Globalized World, Cursos Euromediterraneos Bancaja de Derecho International (CEBDI), vols. VIII/IX, (2004/2005), pp. 505–661.

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Ces quelques lignes tenteront de saisir certaines des fonctions que ces normes et standards peuvent remplir, appréhenderont des éléments de leur statut dans l’ordre juridique et souligneront leur entrelacement avec les normes de droit international.

Le concept de standard est protéiforme. Communément, on considère que

« le standard renvoie à une norme impliquant l’idée d’un « niveau » à atteindre ou d’un « modèle » auquel il faut se conformer et par rapport auquel l’évaluation d’une situation ou d’un comportement doit être opérée ».4 Le standard vise ainsi une mesure moyenne de conduite sociale attendue. Un fl ou terminologique entoure la notion. Il suffi t pour s’en convaincre de se reporter à l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) qui se réfère à une panoplie de termes pour désigner les standards internationaux, qu’il s’agisse de « normes », de « directi- ves », ou de « recommandations ».5 D’autres critères de défi nition complètent ou se superposent à ceux évoqués. Il peut ainsi être admis que telle ou telle catégorie d’acteurs dispose d’un pouvoir d’édiction de standards. C’est le cas de la Commission du Codex Alimentarius créée conjointement par l’OMS et la FAO. L’un des aspects du mandat de cette Commission consiste à « promouvoir la coordination de tous les travaux en matière de normes alimentaires entrepris par des organisations internationales gouvernementales et non gouvernementa- les [et] établir un ordre de priorité et prendre l’initiative et la conduite du tra- vail de préparation des projets de normes, par l’intermédiaire des organisations compétentes et avec leur aide ».6

Les Etats et les organisations internationales peuvent également avoir admis que la manière, la forme ou la procédure selon lesquelles une norme a été énon- cée lui confère un statut de standard international. C’est le cas de l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) qui dans son Annexe 1 donne la défi nition d’une norme (ou standard). Selon le paragraphe 2 de l’Annexe 1 est une norme tout « document approuvé par un organisme reconnu, qui fournit, pour des usages communs et répétés, des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques pour des produits ou des procédés et des méthodes de pro- duction connexes, dont le respect n’est pas obligatoire. Il peut aussi traiter en partie ou en totalité de terminologie, de symboles, de prescriptions en matière

4 J. Salmon (dir.), Dictionnaire de droit international public (Bruxelles, Bruylant/AUF, 2001), p. 1049.

5 Voir par exemple, article 3.2 de l’Accord sur l’application des mesures sanitaires et phytosani- taires (SPS).

6 Voir Statuts de la Commission du Codex Alimentarius, Article 1, in Commission du Codex Ali- mentarius, Manuel de Procédure, 17ème édition, Rome, 2007, p. 3, disponible sur : http://www .codexalimentarius.net/web/procedural_manual_fr.jsp.

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d’emballage, de marquage ou d’étiquetage, pour un produit, un procédé ou une méthode de production donnés ».

Nombre de standards sont contenus dans des instruments négociés et adop- tés par des Etats, que ce soient des traités7 ou des résolutions d’organisations internationales.8 D’autres sont énoncés par des catégories d’instruments dont l’appréhension et la qualifi cation en droit ne sont pas aisées, voire malaisées.

Leurs auteurs relèvent de la catégorie des entités non-étatiques, englobant des acteurs publics, privés, des partenariats public-privé. Des ensembles composites, réunissant Etats, organisations internationales et acteurs non-étatiques peuvent en être également les façonneurs. Il paraît important de prendre en compte ces diff érents auteurs afi n d’inscrire notre réfl exion autour des processus permettant la participation d’un large éventail d’acteurs concernés par l’élaboration et la mise en œuvre des normes et standards internationaux.

La tentation est souvent celle d’englober ces standards et normes sous le cou- vert de la notion de soft law. Les prescriptions issues de modes non classiques d’élaboration du droit international sont souvent visées par cette notion car elle présente la qualité d’être souple et malléable.9 La notion de soft law connaît en doctrine diverses acceptions, s’appuyant sur des critères de formation de

7 Pour un exemple de standard inclus dans un traité international, voir Annexe III ‘Evaluation des risques’ du Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques relatif à la Convention sur la diversité biologique. Pour une discussion sur la nature de standard internatio- nal de l’Annexe III, voir L. Boisson de Chazournes, M. M. Mbengue, ‘A propos du principe du soutien mutuel. Les relations entre le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques et les Accords de l’OMC’, 4 RGDIP, 2007, 605–638.

8 Le terme ‘résolution’ englobe ici un éventail assez large d’instruments. Il fait référence par exemple aux règlements techniques adoptés par certaines organisations internationales, lesquels règlements contiennent des standards ou sont même qualifi ables de standards en tant que tels.

Voir, par exemple, Règlement sanitaire international (2005) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) adopté par l’Assemblée mondiale de la santé en vertu de l’article 21 de la Consti- tution de l’OMS. Sur la nature particulière de cet instrument, voir L. Boisson de Chazournes,

‘Le pouvoir réglementaire de l’Organisation mondiale de la santé à l’aune de la santé mon- diale : Réfl exions sur la nature et la portée du Règlement sanitaire international de 2005’, in:

Droit du pouvoir, pouvoir du droit : mélanges off erts à Jean Salmon (Bruylant, Bruxelles, 2007), pp. 1157–1181.

9 G. Abi-Saab, ‘Éloge du « droit assourdi ». Quelques réfl exions sur le rôle de la soft law en droit international contemporain’, in : Nouveaux itinéraires en droit, Mélanges en hommage à François Rigaux (Bruxelles, Bruylant, 1993), p. 60. Voir aussi R.-J. Dupuy, ‘Droit déclaratoire et droit programmatoire : de la coutume sauvage à la ‘soft law », in: S.F.D.I., L’élaboration du droit international (Paris, Pedone, 1975), pp. 132–148 et le rapport de M. Virally, ‘La distinction entre textes internationaux de portée juridique et textes internationaux dépourvus de portée juridique’, Rapport défi nitif, Annuaire de l’Institut de droit international, vol. 60, t. I, Session de Cambridge, 1983, pp. 329 et s.

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la norme ou relatifs à son contenu.10 La notion de soft law peut permettre de recouvrir certains standards et normes, pour d’autres elle ne le pourra pas, à moins de considérer que toute norme est susceptible de relever de la soft law et que tout acteur de la société internationale est habilité à générer de la soft law.

Si certains standards internationaux en revêtent des traits, force est de constater que la soft law n’est pas mutatis mutandis un processus de standardisation ou de normalisation internationale. La soft law n’a pas pour caractéristique première d’être technique. Or, la technicité est une marque de fabrique des standards internationaux.11

Par ailleurs, la soft law en soi n’a pas de vocation utilitariste. Pour remplir une fonction utilitariste, les instruments de soft law ont généralement besoin d’être complétés par des instruments de droit positif. Les standards internationaux ont pour ambition première de fi xer une norme moyenne de conduite sociale.

L’Organe d’appel de l’OMC a souligné avec force cette dimension utilitariste des standards internationaux dans le cadre du commerce international et en particulier de l’Accord OTC : « l’Accord OTC reconnaît le rôle important que jouent les normes internationales en matière de promotion de l’harmonisation et de facilitation des échanges. Par exemple, l’article 2.5 de l’Accord OTC établit une présomption réfragable selon laquelle les règlements techniques qui sont conformes aux normes internationales pertinentes ne créent pas d’obstacles non nécessaires au commerce (. . .) Le rôle important des normes internationales est également souligné dans le préambule de l’Accord OTC. Le troisième considé- rant du préambule reconnaît l’importance de la contribution que les normes internationales peuvent apporter en renforçant l’effi cacité de la production et en facilitant la conduite du commerce international. Le huitième considérant reconnaît le rôle que la normalisation internationale peut avoir dans le transfert de technologie vers les pays en développement ».12

Le prisme d’étude est axé sur les organisations internationales, ces dernières recourant très largement à la technique des normes et standards dans le cadre de leurs activités. Elles font recours à ces instruments sui generis essentiellement afi n de préciser les comportements en termes normatifs de leurs agents et des acteurs impliqués dans la conduite de leurs activités, que ce soient des Etats ou des entités non-étatiques. La formulation de ces standards tient souvent à

10 R. Ida, ‘Formation des normes internationales dans un monde en mutation. Critique de la notion de soft law’, in: Le droit international au service de la paix, de la justice et du développe- ment, Mélanges Michel Virally (Paris, Pedone, 1991), pp. 333–340.

11 Le Préambule du texte révisé de la Convention internationale sur la protection des végétaux met en exergue cet aspect. Il stipule que ‘les mesures phytosanitaires devraient être techni- quement justifi ées’. Le texte de la Convention est disponible sur : http://www.fao.org/Legal/

Treaties/treaty-f.htm

12Communautés européennes – Désignation commerciale des sardines, op. cit., para. 214–215.

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l’expérience acquise au sein des organisations. Les standards y sont aussi connus sous la dénomination de « bonnes pratiques ». Ils peuvent également tirer ins- piration de standards et normes formulés par d’autres acteurs, tout en refl étant les particularismes de l’organisation qui les adopte.

Pour appréhender la notion de standards, on évoquera les exigences qui conduisent à un recours à ceux-ci (2), leur rôle en tant que véhicules de sociali- sation (3), leur contribution à la mise en éclairage des responsabilités des orga- nisations et acteurs qui y ont recours (4), leur rôle en tant qu’instruments de normalisation (5), et en dernier lieu, leur rôle de passerelles vers le droit de facture classique (6).

2. Standards et nouvelles exigences en matière de gouvernance internationale

Dans un contexte de coopération tous azimuts, si la négociation des traités inte- rétatiques reste fondamentale, de nouvelles formes de régulation prennent place du fait d’exigences particulières. Il est important de porter son regard sur ces exigences car elles expliquent la survenance de nouvelles formes de régulation.

La structuration de l’ordre juridique international est en partie explicative du recours aux standards internationaux. Si les traités internationaux et la coutume internationale jouent un rôle fondamental, ils ne peuvent néanmoins couvrir la vaste sphère des activités internationales.13 Il en est de même des instruments de droit national, même si l’on prend en compte leurs possibles eff ets extra- territoriaux. Dans les espaces non ou peu couverts par ces instruments, apparaît une fl oraison de documents répondant au nom de lignes directrices, de codes de conduite, de standards, de directives ou d’autres appellations qui jouent un rôle dans la conduite des activités internationales. Le besoin d’adaptation de la norme, la nécessité de permettre à des acteurs de statuts variés de pouvoir formuler des standards répondant à des objectifs communs et la technicisation de nombre de matières à réglementer comptent parmi les exigences à l’origine de la formulation de standards à l’échelle internationale.

A. Flexibilité et souplesse

On évoquera tout d’abord les exigences de fl exibilité et de souplesse dans l’encadrement juridique des activités et des situations. « La souplesse du droit

13 L. Boisson de Chazournes, ‘Treaty Law-Making and Non-Treaty Law Making: Th e Evolving Structure of the International Legal Order’, in: V. Röben, R. Wolfrum (dir.), Developments of International Law in Treaty Making (Heidelberg, Springer, 2005), pp. 463–479.

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post-moderne implique sa capacité à s’adapter à l’évolution du réel ».14 L’adap- tation est clef et explique ces besoins de fl exibilité et souplesse.

Ainsi par exemple, les codes de conduite dans le domaine de la protec- tion sociale constituent des instruments qui peuvent s’adapter à des situations nouvelles. Les États peuvent d’ailleurs encourager ces initiatives privées. C’est particulièrement au nom de la souplesse, voire d’une certaine « adaptabilité normative », que l’activité régulatrice dans le secteur fi nancier s’est fortement diversifi ée depuis les années 1990 et surtout depuis la crise asiatique à la fi n des années 1990. La régulation fi nancière est une réponse à la libéralisation fi nan- cière. L’innovation fi nancière exponentielle dans la dernière décennie du XXème siècle a entraîné avec elle l’émergence de nouveaux standards pour répondre au recours à de nouvelles technologies tel le commerce électronique, ou à la fabrication de nouveaux produits fi nanciers.

B. Des partenariats à texture ouverte

L’élaboration de standards peut être le fait d’alliances diverses qui reposent avant tout sur des considérations pragmatiques et liées à une évaluation en ter- mes d’avantages comparatifs. On rencontre un ensemble hétérogène d’acteurs publics, privés et d’acteurs hybrides dans les divers processus d’élaboration des standards mis en place. Ces développements relatifs à la diversité des structu- res engagées dans le processus de production méritent quelques commentaires.

La qualité de membre de ces structures est diverse : ce peut être des acteurs publics, semi-publics ou privés (associations professionnelles). La dénomination d’« organisation » ou d’« organe » est inadaptée à la logique de ces structures qui fonctionnent avec un minimum de cadre juridique et organisationnel. Il faudrait plutôt parler de « réseau ». Ces structures ne répondent pas à un ordre juridique formel dans lequel elles puiseraient la légitimité de leur existence et de celle de leurs standards. Une autre caractéristique a trait à la forte délégation du pouvoir de régulation par les gouvernements à des agences nationales (dans le domaine de la supervision bancaire, par exemple) qui elles-mêmes sont éléments de ces réseaux.

Bien que non obligatoires, les standards qui sont forgés par ces groupements sont pour la plus part mis en œuvre, y compris par les autorités nationales d’un pays donné. Une pression politique ou économique peut être exercée à cette fi n. Ainsi, certaines organisations internationales peuvent encourager leurs membres à adopter ces standards. Tel est le cas de la Banque Mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) qui exercent une incitation en ce sens

14 J. Chevallier, ‘Vers un droit post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique’, 3 RDP, 1998, 679.

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dans le domaine de la régulation fi nancière. En outre, le Forum de Stabilité fi nancière, aujourd’hui dénommé Conseil de Stabilité Financière,15 a établi une liste sélective de standards nécessaires à un « système fi nancier effi cace et prévi- sible ». Partant, l’impact de ces standards transcende le cadre des entités qui les ont élaborés.

C. Technicisation des matières et nouvelles formes de régulation

Des défi s tels ceux posés par les développements technologiques et les nou- veaux équilibres à instaurer, dans le domaine des relations entre commerce et environnement ou entre commerce et santé, par exemple, posent de nouvelles exigences en matière de production normative. Il s’agit de prendre en compte le caractère technique des normes, de même que la « fl exibilité » des processus d’adaptation du standard.

La complexité des situations et des matières à régir explique que la régulation soit demandeuse et porteuse de technicité. La norme juridique est appelée à s’imprégner de plus de « savoir ».16 Dans un tel contexte, les standards interna- tionaux participent d’une logique « processuelle » qui vise à modéliser, moduler et orienter le comportement des Etats et des autres acteurs de la scène interna- tionale. Le contenu du standard évoluera au gré des connaissances, des besoins, des capacités et ne se fi ge donc pas sur l’élaboration d’une obligation précise.

Chemin faisant, le standard peut participer à la concrétisation de la règle de droit international. Il peut également combler le défi cit laissé par des normes formelles et traditionnelles. Le commerce des aliments nocifs, la manipulation génétique, la protection de la santé des végétaux, la prévention de la propaga- tion transfrontalière des épidémies, sont autant de sujets que la règle de droit international semble peu encline à couvrir en leur entier, préférant passer le relais à une standardisation qui s’appuie sur d’autres modes de façonnement.

L’on comprend ainsi la fonction jouée par les normes/standards ISO dans le domaine de la production et de la distribution industrielle mondiale, celle des standards du Codex Alimentarius relatifs à la qualité des aliments ou celle des standards de la Commission intérimaire des mesures phytosanitaires (CIMP) dans le domaine de la protection des végétaux. Tous ces standards viennent

15 Voir Communiqué de presse, ‘Financial Stability Forum re-established as the Financial Stabi- lity Board’, 2 avril 2009, http://www.fsforum.org/press/pr_090402b.pdf.

16 « [L]a spécifi cité de la norme juridique par rapport à d’autres dispositifs normatifs est d’autant moins évidente qu’elle tend de plus en plus à prendre appui sur eux. La relation entre nor- mes techniques et normes juridiques avait, par exemple, été conçue en termes d’opposition dichotomique . . . tandis que la juridicisation des standards techniques est indispensable pour leur donner leur plein eff et, la technicisation de la norme juridique contribue à conforter son effi cacité . . . ». J. Chevallier, op. cit., p. 679.

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apporter leur contribution à des règles de droit peu élaborées pour réguler une matière donnée. La recherche de l’adhésion des acteurs à ces standards est conçue comme une manière de les convaincre d’adopter des comportements en phase avec les valeurs prônées. Ces comportements peuvent consister en des engagements à se comporter d’une manière conforme aux standards. Ils peuvent aussi donner lieu à des actions de mise en œuvre de ces standards dans les champs de compétence des acteurs concernés. Il y a en quelque sorte un

« trickle-down eff ect » de ces standards avec l’objectif de pénétrer de larges seg- ments de l’activité humaine.

Les exigences qui conduisent à l’adoption de normes et standards ayant été soulignées, il apparaît intéressant d’analyser certaines des fonctions des normes et standards dans l’ordre contemporain.

3. Normalisation et socialisation de la gouvernance internationale

Par socialisation, on entend l’émergence, sinon la montée en puissance, de nou- velles valeurs à l’échelon international, consacrées notamment par la négociation d’instruments conventionnels, par la coutume ainsi que par l’adoption d’actes unilatéraux d’organisations internationales. Leur diff usion et leur respect doi- vent être assurés. Les standards et normes comptent parmi les véhicules utilisés à cette fi n.

Le Pacte Mondial (Global Compact) est un exemple marquant à cet égard.

Lancé en juillet 2000 par le Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi Annan, le Pacte mondial demande aux entreprises «d’adopter, de soutenir et de voter»

une série de principes ayant trait aux droits de l’homme, aux normes du tra- vail, à la corruption et à l’environnement. Dans cette optique, le Pacte mon- dial réunit des entreprises, divers organismes des Nations Unies, l’Organisation internationale du travail, des ONG et autres afi n de constituer des partenariats et de bâtir une économie mondiale plus équitable et plus favorable à l’inté- gration de valeurs humaines, sociales et environnementales. Les dix principes du Pacte Mondial sont inspirés de documents qui font l’objet d’un consensus universel dans la communauté internationale: la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) ; la Déclaration de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les principes et les droits fondamentaux au travail (1998) ; la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (1992). Certaines entreprises ont ainsi décidé d’adopter une série de principes.17 Tirant inspiration

17 Voir par exemple: http://www.nestle.com/NR/rdonlyres/D9EC2A97–170F-45E3–895E 8AB2858E2739/0/CorporateF.pdf et http://www.total.com/static/en/medias/topic1607/CSR_

2006_principles_commitments.pdf.

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des principes du Pacte mondial, des codes de conduite ont été élaborés par certaines sociétés multinationales.18

On peut également évoquer les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l’homme.19 Répondant à une demande des Etats-Unis, du Royaume- Uni, d’entreprises du secteur extractif et de l’énergie, et d’organisations non- gouvernementales, ils ont pour but de guider les entreprises du secteur extractif et de l’énergie dans le maintien de la sûreté et de la sécurité de leurs opérations dans un contexte qui préserve le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ces principes sont répartis en trois catégories: évaluation des risques, relations avec la sécurité publique et relations avec la sécurité privée.

Ces principes ont ainsi été repris par un Memorandum of Understandings conclu entre cinq entreprises ayant leurs activités en Indonésie, la compagnie BP Migas, qui est l’entité chargée de réguler l’utilisation du gaz et du pétrole en Indonésie et les forces de polices locales. Le Ministère Colombien de la défense a intégrer l’obligation de se conformer à ces principes dans un accord conclu entre la compagnie Ecopetrol et les forces armées Colombiennes. Un groupe de travail (Information Working Group of the Voluntary Principles) est chargé de collecter les informations concernant l’application des principes.

On peut aussi évoquer les Principes d’Equateur et l’Initiative des Industries Extractives. Ceux-ci sont liés à la place faite à la protection de l’environnement et aux questions socio-économiques dans les projets fi nancés par les institutions fi nancières internationales. Ils visent certains acteurs privés en particulier en leur demandant de s’engager à respecter des standards, qu’il s’agisse des banques privées ou des industries extractives dans le secteur minier.

Les Principes d’Equateur ont été adoptés en 2003 par dix banques privées notamment l’ABN AMRO Bank et Rabobank (Pays-Bas), Barclays et Royal Bank (Royaume-Uni), Citigroup (Etats-Unis), le Crédit Lyonnais (France), le Crédit Suisse (Suisse), l’HVB Group et WestLB AG (Allemagne) et Westpac Banking Corporation (Australie).20 La Société fi nancière internationale (SFI),

18 Voir le code de conduite du Groupe Total, disponible sur : http://www.total.com/static/en/

medias/topic1608/Total_code_conduct_en.pdf et le code de conduite du Groupe Nestlé:

http://www.nestle.com/Resource.axd?Id=62369168–5E6A-4280–9107–3E549D166A33.

19 Disponibles sur http://www.voluntaryprinciples.org.

20 Agence France Presse, ‘10 Global Banks Endorse Socially Responsible Equator Principles’, 5 juin 2003, http://www.equator-principles.com/afp1.shtml. Les banques aujourd’hui signataires de ces principes sont environ soixante. Les banques qui adoptent les Principes d’Equateur doivent déclarer de conformer leurs politiques internes aux Principes et publier un rapport sur la mise en œuvre de ces Principes (voir le principe 10).

Les principes sont disponibles sur : http://www.equatorprinciples.com/documents/ep_

translations/LesPrincipesdelEquateur.pdf.

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membre du Groupe de la Banque mondiale, était présente lors des négociations et a soutenu leur adoption. Ces principes reprennent les politiques opération- nelles de cette institution. Les mécanismes de contrôle de la SFI n’ont toutefois pas d’emprise directe sur le respect de ces principes. Selon le principe 1,21 lors- qu’un fi nancement est sollicité pour un projet, la banque signataire des princi- pes d’Equateur doit classer le projet en fonction des critères établis par la SFI.22 Selon les cas, l’emprunteur devra procéder à une évaluation des conséquences sociales et environnementales d’un projet.

L’Initiative de Transparence des Industries Extractives, repose sur l’adoption de mesures de transparence par les autorités étatiques.23 Les Etats signataires s’engagent à rendre publiques les informations relatives aux paiements eff ectués par les entreprises impliquées dans le secteur minier. A ce jour, plus de vingt pays sont signataires de cette Initiative.24 L’objectif de ces mesures de transpa- rence est d’améliorer la gestion publique de certains pays. Il est intéressant de mentionner que l’Initiative part du constat que les pays riches en ressources naturelles sont ceux qui sont les plus aff ectés par des confl its. Les ressources minières peuvent être un élément déclencheur de confl its. L’Initiative repose sur l’idée que la transparence des dépenses publiques peut aider à prévenir et résoudre ce type de confl its.25

21 Le principe 1 se lit comme suit : « Lorsqu’un fi nancement est sollicité pour un projet, l’EFPI, dans le cadre de son analyse et de ses vérifi cations préalables classera le projet en fonction de l’importance de ses impacts et de ses risques potentiels conformément aux critères de la Société Financière Internationale (International Financial Corporation – IFC) en matière sociale et environnementale (Annexe I) « .

22 Selon les Politiques et des Critères de Performance en matière de durabilité sociale et environne- mentale de la SFI: ‘‘18. Dans le cadre de sa revue des impacts sociaux et environnementaux attendus d’un projet, la SFI utilise un système de classifi cation sociale et environnementale afi n de : (i) refl éter l’ampleur des impacts compris comme résultant de l’Évaluation sociale et environnementale du client ; et de (ii) préciser les exigences institutionnelles de la SFI en termes de mise à la disposition du public d’informations spécifi ques au projet avant de sou- mettre les projets à l’approbation de son Conseil d’administration conformément à la Section 12 de la Politique de divulgation. Ces catégories sont les suivantes : Projets de catégorie A : Projets présentant des impacts négatifs sociaux ou environnementaux potentiels signifi catifs, hétérogènes, irréversibles ou sans précédent. Projets de catégorie B : Projets présentant des impacts négatifs sociaux ou environnementaux limités moins nombreux, généralement propres à un site, largement réversibles et faciles à traiter par des mesures d’atténuation. Projets de catégorie C : Projets présentant des impacts négatifs sociaux ou environnementaux minimes ou nuls, y compris certains projets de fi nancement par le biais d’intermédiaires (IF) présentant des risques minimes ou nuls. Projets de catégorie IF : Tous les projets IF sauf ceux classés dans la Catégorie C ».

23 Disponible sur : http://eitransparency.org/.

24 Par exemple : Cameroun, Congo, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Kirghizistan, Irak et Nigeria.

25 Le gouvernement anglais a joué un rôle important dans le processus d’élaboration de l’Ini- tiative. L’idée a été lancée par Tony Blair à l’occasion du Sommet sur le développement

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Le Processus de Kimberley initié en mai 2000 par l’Afrique du Sud relève de cette même approche de socialisation. Les négociations ont abouti le 5 novem- bre 2002 avec l’adoption d’un système international de certifi cation pour les diamants bruts légalement extraits et commercialisés. Ce système est entré en vigueur le 1 janvier 2003. Depuis cette date, tous les lots de diamants bruts exportés doivent être accompagnés d’un certifi cat infalsifi able, attestant que des précautions ont été prises pour que le colis ne contienne pas de diamants de confl its. Les Etats qui n’appliquent pas ce système de certifi cation sont exclus du commerce des diamants bruts.26 La raison d’être du Processus de Kimberley est liée au commerce des diamants « de confl its ». Ces derniers sont des dia- mants bruts qui proviennent de régions contrôlées par des mouvements rebelles, notamment en Afrique. Leur vente a contribué à fi nancer l’achat d’armes et à alimenter des confl its civils. Pour empêcher que ces diamants accèdent aux mar- chés légaux, les principaux pays producteurs et commerçants de diamants bruts ont mis en place dans le cadre du « Processus de Kimberley », un système de réglementation du commerce international de diamants bruts.27 Le système de Kimberley repose sur une entente politique, le document fondateur prévoyant les grandes lignes du système de certifi cation et laissant aux Etats participants le choix des moyens de mise en œuvre, et notamment l’adoption de législations nationales.28 Le test de l’effi cacité n’est pas forcément satisfait et certains par- tenaires ont critiqué le manque d’adaptation du Processus de Kimberley à de nouveaux enjeux en matière de fraude et de contrebande.29

Il est intéressant de souligner la relation étroite qui prévaut entre le Proces- sus de Kimberley et l’Organisation des Nations Unies, notamment l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. Le cas du Libéria met en relief cette relation.

Depuis 2003, le Conseil de sécurité a reconnu le lien entre l’exploitation illégale des ressources naturelles, notamment de diamants et de bois, et le confl it en Afrique de l’Ouest, en particulier au Libéria.30 Agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations, le Conseil a alors décidé que « tous les États doivent

durable de 2002 à Johannesburg. La réunion du G8 de Sea Island de 2004 a également appuyé cette initiative. La transparence n’entraîne pas toujours une meilleure responsabilisa- tion et des critiques ont pu être formulées à l’encontre de cette initiative. Voir par exemple l’interview d’Arvind Ganesan de Human Rights Watch disponible sur : http://www.cchange .net/2009/05/20/mining-for-disclosure.

26 Disponible sur : http://www.seco.admin.ch/themen/00513/00620/00642/00643/index .html?lang=fr.

27Idem.

28 En novembre 2008, le Processus de Kimberley comptait 49 participants représentant 75 pays, l’Union européenne et ses États membres comptant comme un seul participant. Disponible sur : http://www.kimberleyprocess.com/home/index_fr.html.

29 Voir par exemple : https://www.diamondintelligence.com/magazine/magazine.aspx?id=7895.

30 Résolution 1521 de 2003, préambule.

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prendre les mesures nécessaires pour interdire l’importation directe ou indirecte sur leur territoire de tous les diamants bruts provenant du Libéria, qu’ils soient ou non d’origine libérienne ».31 En même temps, le Conseil a encouragé ce pays à participer au Processus de Kimberley.32 Avec l’adhésion du Libéria au Processus de Kimberley en 2007, le Conseil de sécurité a mis fi n aux mesures prévues en 2003.33 Toutefois, le Conseil continue d’exercer un « contrôle » à l’égard de l’exploitation illégale des diamants, un Comité du Conseil, établi par la résolution 1521 vérifi ant la bonne application par le Libéria du système de certifi cation du Processus de Kimberley.34 Le système des Nations Unies a en quelque sorte donné une vie juridique institutionnelle aux normes du Processus de Kimberley dans le cadre d’une situation particulière.

Dans les domaines économique et fi nancier, de nombreux acteurs sont impli- qués dans des activités de régulation. Le FMI a élaboré des standards dans le domaine des politiques fi nancières et monétaires, de la transparence de la poli- tique fi scale ou encore de la communication de données fi nancières. La Banque Mondiale a été très active dans le domaine de l’insolvabilité, l’OCDE dans le domaine de la gouvernance d’entreprise, le Comité de Bâle35 dans le domaine des standards en matière de capitaux et dans l’établissement de principes pour un contrôle bancaire eff ectif (1997) et la méthodologie de mise en œuvre de

31 Résolution 1521 de 2003, para. 6. Une mesure identique a été prise pour les bois ronds et les bois d’œuvre. Les Etats doivent prendre toutes les mesures ‘‘pour empêcher l’importation sur leur territoire de tous les bois ronds et bois d’œuvre provenant du Libéria » (para. 10). Par la résolution 1689 de 2006 le Conseil a décidé de ne pas reconduire cette mesure sur les bois.

32 Dans la résolution 1521 de 2003, le Conseil « Demande au Gouvernement national de tran- sition du Libéria de mettre en place d’urgence un régime de certifi cats d’origine des diamants bruts libériens qui soit effi cace, transparent et vérifi able sur le plan international en vue de sa participation au Processus de Kimberley, et de présenter au Comité une description détaillée du régime envisagé » (para. 7).

33 Le Conseil a décidé « de lever les mesures relatives aux diamants imposées au paragraphe 6 de la résolution 1521 (2003) et reconduites au paragraphe 1 de la résolution 1731 (2006) », Résolution 1753 de 2007, para. 1.

34 Résolution 1753 de 2007, para. 2 ; Résolution 1760 de 2007, para. 1 d) ; Résolution 1792 de 2007, para. 5 d) ; Résolution 1819 de 2008, para. 5 ; Résolution 1854 de 2008, para. 4 d).

35 Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a été créé par les gouverneurs des banques centrales des pays du Groupe des Dix à la fi n de 1974. Il regroupe des banques centrales et des organis- mes de réglementation et de surveillance bancaires des principaux pays industrialisés (Belgique, Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Suède, Suisse, Royaume-Uni et États-Unis) dont les représentants se rencontrent à la Banque des règlements internationaux (BRI) à Bâle pour discuter des enjeux liés à la surveillance prudentielle des activités bancaires. Le Comité de Bâle ne dispose en soi d’aucun pouvoir offi ciel en matière de surveillance ou de juridiction face aux pays membres. Néanmoins, il établit des normes et des lignes directrices générales et formule des recommandations visant les pratiques ‘exem- plaires’ destinées à être mises en œuvre par tous les états membres et les organismes bancaires internationaux.

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ce contrôle (1999). Le Comité sur les Systèmes de paiement et de règlement (CSPR), également créé par les banques centrales du G10, a développé des prin- cipes dans sa sphère d’action. L’Organisation internationale de valeurs (OICV) a créé en 1983 des principes de régulation des valeurs (1998). L’Association internationale des superviseurs d’assurances (IAIS), établie en 1994 en tant que forum de coopération entre régulateurs et superviseurs des assurances, a déve- loppé des principes en matière d’assurances. Certaines de ces institutions ont développé une coopération conjointe : l’OICV et le CSPR ont établi 18 recom- mandations (exigences minimales et meilleures pratiques) dans le domaine des systèmes de règlement des garanties (novembre 2001). Le Comité internatio- nal des Standards Comptables et la Fédération internationale des Comptables (IFAC) se diff érencient des autres organes d’élaboration de standards en ce sens qu’ils sont exclusivement privés. Ils ont néanmoins participé à l’élaboration de standards largement reconnus dans leurs champs d’action que sont l’audit et la compatibilité. La Fédération internationale des praticiens spécialisés dans l’insolvabilité (INSOL) a également préparé des principes pour les « out-of-courts workouts ».

Dans le contexte du renforcement de l’architecture du système monétaire et fi nancier international, le FMI a mis au point, en coopération avec les insti- tutions appropriées, un Code de bonnes pratiques en matière de transparence des politiques monétaire et fi nancière. En collaboration avec la Banque des règlements internationaux et en consultation avec un groupe représentatif de banques centrales, d’organes fi nanciers et d’organisations internationales et régionales concernées ainsi que de plusieurs experts, le FMI a adopté un Code de bonnes pratiques pour la transparence des politiques monétaire et fi nancière (adopté par le Comité intérimaire le 26 septembre 1999). Celui-ci recense des pratiques de transparence pour les banques centrales dans la conduite de la politique monétaire et pour les banques centrales et d’autres organes fi nanciers dans la conduite de la politique fi nancière. Le Code se rapporte aux obligations de transparence des banques centrales et organes fi nanciers et non aux procé- dures de transparence applicables aux entreprises ou aux diverses institutions.

Les eff ets bénéfi ques de la transparence des politiques monétaire et fi nancière doivent être renforcés par des mesures appropriées pour promouvoir la transpa- rence des marchés en général, des institutions soumises à la surveillance et des organismes autorégulateurs. La Déclaration fi nale adoptée à l’issue de la réu- nion du G 20 en avril 2009 ne paraît pas avoir remis en question cette appro- che. Elle affi rme le besoin de renforcer la transparence et la responsabilisation (« accountability ») du système fi nancier international, notamment par le respect des standards pertinents.36 Le test sera celui de l’effi cacité et de l’eff ectivité de

36 La déclaration affi rme en particulier que : « Our principles are strengthening transparency and accountability, enhancing sound regulation, promoting integrity in fi nancial markets and

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ces derniers à l’aune de la nécessité d’un meilleur fonctionnement du système fi nancier international.

4. Standards et responsabilisation des conduites au sein des institutions fi nancières internationales

Les standards jouent aussi un rôle en matière de responsabilisation d’acteurs dont on attend qu’ils les respectent dans le cadre de leurs activités. Qui plus est, leur adoption a pu être accompagnée de mécanismes de contrôle allant dans le sens de la responsabilisation recherchée. Ces derniers visent à la fois à rendre plus visible, sinon transparent, le respect des standards, en même temps qu’ils peuvent donner lieu à diff érentes formes de mesures de correction et de sanction. Quelques exemples permettent de saisir la diversité des mécanismes mis en place à cet eff et.

A. Les directives opérationnelles de la Banque mondiale et le Panel d’Inspection Les Directives opérationnelles de la Banque mondiale sont des documents, éla- borés et adoptés par la Direction de la Banque, prescrivant au personnel de l’Organisation le comportement à suivre en matière de préparation et de mise en œuvre de projets fi nancés par cette dernière. Ils portent notamment sur des sujets à coloration sociale, telle la conduite d’études d’impact environnemen- tal, sur le sort des populations autochtones ou encore sur la compensation à octroyer aux populations qui se trouveraient déplacées à l’occasion d’un projet.

On exige également que les populations locales soient informées et consultées et qu’elles puissent faire valoir leur point de vue. Le respect des politiques et procédures opérationnelles compte parmi les gages de qualité des opérations fi nancées par la Banque.

Les politiques opérationnelles sont des documents d’ordre interne à l’orga- nisation et sont, dans leur grande majorité, obligatoires pour le personnel de la Banque, qui doit en suivre les prescriptions dans son dialogue avec les pays emprunteurs.37 Les politiques opérationnelles n’en produisent pas moins des

reinforcing international cooperation ». Declaration on Strengthening the Financial System, Londres, 2 avril 2009, http://www.g20.org/Documents/Fin_Deps_Fin_Reg_Annex_020409_

-_1615_fi nal.pdf.

37 Sur la portée des politiques opérationnelles de la Banque mondiale, voir L. Boisson de Cha- zournes, ‘Policy Guidance and Compliance Issues: Th e World Bank Operational Standards’, in: D. Shelton, Commitment and Compliance: Th e Role of Non-Binding Norms in the Internatio- nal Legal System (Oxford/New York, Oxford University Press, 2000), pp. 281–303 ; voir aussi, dans le même volume, l’article de D. A. Wirth, ‘Commentary: Compliance with Non-Binding Norms of Trade and Finance’, op. cit., pp. 330–344.

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eff ets externes, car elles forgent à la fois le comportement de la Banque et celui de ses partenaires dans le cadre de leurs relations mutuelles au cours des phases de conception d’un projet, de son évaluation et de sa mise en œuvre. Elles sont en outre de plus en plus fréquemment utilisées comme critères d’évaluation des projets de la Banque par une société civile soucieuse de voir les acteurs inter- nationaux lui rendre des comptes (revendication aussi connue sous le terme anglais « accountability » ), devenant de ce fait des paramètres de bonne conduite, rôle connu sous la dénomination anglaise de « benchmarks ». Ceci est d’autant plus important si on garde à l’esprit que la Banque mondiale agit comme faci- litateur dans le cadre de projets réunissant des pouvoirs fi nanciers publics et privés. Ses politiques opérationnelles peuvent dès lors infl uencer les comporte- ments d’autres créditeurs impliqués.

La création du Panel d’inspection de la Banque mondiale en 1993 a permis de renforcer la portée et la mise en œuvre de ces politiques, puisque celles- ci constituent en quelque sorte « le droit applicable » en matière de requêtes devant le Panel d’inspection. Les politiques et procédures déterminent la com- pétence matérielle du Panel, en ce qu’elles constituent l’une des conditions de la recevabilité des requêtes. Créé par les Administrateurs de la Banque mondiale au moment du cinquantième anniversaire de l’organisation, le Panel d’inspec- tion de la Banque mondiale38 est une institution originale à plusieurs points de vue.

La procédure du Panel d’inspection permet à des groupes de personnes aff ec- tées (stakeholders) par un projet fi nancé par la Banque de saisir le Panel pour demander à l’Organisation d’évaluer, voire d’ajuster son propre comportement.

En cas d’inspection, la Banque peut être amenée à mettre en œuvre un plan d’action pour remédier aux situations litigieuses. Cette procédure off re à des représentants de la société civile une place au cœur du cénacle des décideurs internationaux, et permet de demander à ces derniers de rendre compte de leurs décisions.39 Cette procédure joue également un rôle de passerelle institutionnelle

38 Le Panel d’inspection a été créé en septembre 1993, par le biais de résolutions identiques émanant du Conseil d’administration de la Banque internationale de reconstruction et de développement (BIRD no 93–10) et de l’Association internationale de développement (ADI no 93–6), qui fournissent le cadre de ses fonctions. Le Panel s’est par ailleurs doté de procédures opérationnelles pour pouvoir mettre en œuvre ces résolutions. Pour le texte de ces instruments (en français), voir L. Boisson de Chazournes, M. M. Mbengue, R. Desgagné, C. Romano, Protection internationale de l’environnement : recueil d’instruments juridiques (Paris, Pedone, 2005), pp. 753–757. Le Conseil des administrateurs a par ailleurs apporté des précisions au fonctionnement de la procédure en 1996, puis à nouveau en 1999 : pour le texte (anglais) de ces instruments, voir I. F. I. Shihata, Th e World Bank Inspection Panel : In Practice (2nd ed.) (Oxford/New York, Oxford University Press, 2000), pp. 320–328.

39 L. Boisson de Chazournes, ‘Le Panel d’inspection de la Banque Mondiale : à propos de la complexifi cation de l’espace public international’, 1 RGDIP, 2001, 145–162.

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entre l’instance exécutive de la Banque mondiale et les ultimes bénéfi ciaires des projets qu’elle fi nance, permettant une mise en relation du Conseil d’adminis- tration et des particuliers par le biais du Panel d’inspection. Les standards de référence sont les politiques opérationnelles de la Banque mondiale. On saisit de ce fait leur rôle pour évaluer et contrôler le comportement de l’institution fi nan- cière au travers d’une procédure spécifi que destinée à en assurer le respect.

B. La lutte contre la corruption et la procédure d’administration des sanctions En 2006, la Banque mondiale a engagé une série de réformes qui ont débou- ché sur l’établissement de directives à l’intention de ses emprunteurs pour la prévention et la lutte contre la fraude et la corruption dans les projets qu’elle fi nance.40 Les Directives pour la lutte contre la corruption adoptées en 2006 utilisent des défi nitions élargies des « actes de corruption », « manœuvres fraudu- leuses », « pratiques coercitives » et « pratiques collusoires ». Ces directives seront incluses dans une série de documents, comme les politiques sur la passation des marchés et celles sur la sélection et l’emploi de consultants qui s’appliquent aux projets d’investissement fi nancés par la Banque. À l’instar des autres, les nouvelles Directives pour la lutte contre la corruption seront incorporées par voie de référence dans les accords juridiques établis pour chaque projet. Elles énoncent les actions fondamentales que les emprunteurs et autres bénéfi ciaires des fonds de prêt sont tenus de mener afi n de prévenir les actes de fraude et de corruption et de lutter contre lesdits actes dans le cadre des projets fi nancés par la Banque.

Les Directives prennent également en compte les actes de fraude et de cor- ruption commis en dehors des activités de passation des marchés. Cela impli- que la prise en compte des actes de fraude et de corruption commis sans la participation d’agents publics. Les intermédiaires fi nanciers et les ONG sont des intervenants privés qui travaillent avec d’autres intervenants privés durant l’exécution d’un projet. Ils peuvent aussi commettre des actes de fraude et de corruption alors qu’ils aident les unités d’exécution des projets à préparer, exé- cuter et superviser les projets.

Les Administrateurs de la Banque ont approuvé cet ensemble de réformes concernant le Régime des sanctions de la Banque en août 2006. Une procédure de contrôle a également été instaurée. Si le Service de déontologie institution- nelle (INT) de la Banque mondiale établit l’existence de preuves d’infractions passibles de sanctions par une entreprise ou par un particulier, il soumet le dossier à un Responsable de l’évaluation et de la suspension (EO) qui repré-

40 Les directives sont disponibles sur : www.worldbank.org/wbi/governance/fra.

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sente le premier niveau de la procédure d’administration des sanctions. L’EO détermine si les éléments de preuve présentés par l’INT sont suffi sants pour conclure qu’une infraction passible de sanctions a été commise ; il peut par la suite adresser une « Notifi cation de procédure de sanctions » qui indique la sanc- tion recommandée et détermine si une suspension à titre temporaire doit entrer en vigueur en attendant l’aboutissement de la procédure de sanctions.

Si l’entreprise ou le particulier conteste les allégations de l’INT et/ou la sanc- tion recommandée par l’EO, l’aff aire est renvoyée au Conseil des sanctions de la Banque mondiale (ci-après le Conseil) qui représente le deuxième niveau de la procédure d’administration des sanctions. Le Conseil, qui se compose de trois membres des services de la Banque mondiale et de quatre personnes venues de l’extérieur de l’institution, examine les preuves avancées contre l’entreprise ou le particulier, de même que la réponse de l’entreprise ou du particulier, avant d’ar- rêter sa décision fi nale. La Banque mondiale peut alors recourir à des sanctions que sont une lettre publique de réprimande, une exclusion, une non-exclusion conditionnelle, une exclusion avec levée conditionnelle ou une réparation. On le saisit, des standards spécifi ques ont été élaborés et une procédure particulière mise en place au sein d’une organisation internationale pour en assurer le res- pect. La sanction de leur non-respect tient aux avantages de la participation aux activités de l’organisation.

C. Normes et standards sur le blanchiment d’argent et activités d’évaluation des institutions fi nanciers

De nombreux acteurs sont impliqués dans la lutte contre le blanchiment d’argent.

Il faut tout d’abord évoquer le Groupe d’action fi nancière sur le blanchiment des capitaux (GAFI). Il s’agit d’un organisme créé par décision du G7 en 1989 qui promeut des mécanismes de lutte anti-blanchiment d’argent dont l’appli- cation se fait au travers des ses Etats membres. Le plus important travail du GAFI a été l’adoption de Recommandations. Celles-ci couvrent des mesures de justice pénale et relatives au système fi nancier ou encore à la coopération internationale. Le GAFI dispose de mécanismes de surveillance accrus (évalua- tions propres des Etats, visites d’experts afi n d’aiguiller ou contraindre, par un système de « peer pressure », si nécessaire, les États qui ne se conformeraient pas aux Recommandations). Typiquement, la liste des Etats non coopératifs révèle la nature quasi-contraignante d’un tel système. Le GAFI « encourage » égale- ment l’adoption et la mise en œuvre des mécanismes de lutte anti-blanchiment d’argent dans le monde entier. Les mécanismes de promotion de mise en œuvre se font par paliers, de la simple visite aux pays concernés jusqu’à la suggestion aux membres de ne pas avoir de contacts ou de limiter les relations économi- ques avec des Etats non-membres qui ne se conformeraient pas au régime des Recommandations.

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Le FMI contribue lui aussi aux eff orts déployés au plan international dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le fi nancement du terrorisme.

En mars 2004, le Conseil d’administration de l’organisation a décidé que les évaluations des dispositifs en matière de blanchiment d’argent lié au fi nan- cement du terrorisme et les travaux d’assistance technique connexes feraient désormais partie intégrante du travail du FMI. Dans le même temps, le Conseil d’administration a décidé d’élargir la portée de ces activités pour couvrir la totalité du champ des recommandations du GAFI.

Le FMI exerce des fonctions d’évaluation et de contrôle dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le fi nancement du terrorisme. Les évaluations des forces et des faiblesses du secteur fi nancier réalisées dans le cadre du pro- gramme d’évaluation du secteur fi nancier (PESF) ou du programme des places fi nancières off shore comprennent une évaluation du mécanisme concernant le blanchiment d’argent de la juridiction concernée. Ces évaluations menées avec la Banque mondiale, le GAFI ou les organismes régionaux du type GAFI, visent à mesurer le respect des « 40+9 recommandations » du GAFI selon une métho- dologie commune.41

5. L’OMC et la normalisation internationale

Certains accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) font réfé- rence à des standards développés dans des fora extérieurs à l’OMC. Ces stan- dards internationaux sont le fait de diff érents acteurs, que ce soit des Etats, des organisations internationales, des ONG ou encore des associations profession- nelles. Le particularisme du mécanisme de référence à des standards au sein de l’OMC est qu’il repose sur un double système d’identifi cation. Les Etats parties aux accords concernés ont décidé qu’il pourra être fait recours à des standards.

Ils ont en même temps conditionné le recours à ceux-ci par le biais de diver- ses techniques (identifi cation nominative, domaines concernés, approbation préalable). La normalisation est de ce fait enchâssée dans un régime juridique particulier.42

Non contraignants à leur origine, les standards peuvent acquérir un statut formel du fait de la référence qui y est faite au sein de certains accords de l’OMC. Il est intéressant à cet eff et de noter qu’au sein de cette organisation, les Accords sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et sur les obstacles

41 Voir : http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/bankingf.htm.

42 Voir G. Marceau, J.-P. Trachtman, ‘Responding to National Concerns’, in: D. Bethlehem, D. McRae, R. Neufeld, I. Van Damme (eds.), Oxford Handbook of International Trade Law (Oxford, Oxford University Press, 2009), pp. 209–236.

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techniques au commerce (OTC) se réfèrent l’un explicitement et l’autre impli- citement aux standards développés par la Commission du Codex Alimentarius, l’Offi ce international des épizooties (maintenant dénommé Organisation mon- diale de la santé animale), l’Organisation internationale pour la normalisation (ISO) et aux standards développés dans le cadre de la Convention internationale pour la protection des végétaux.

L’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) se réfèrent explicitement ou implici- tement à ces ensembles de standards internationaux, comme base présumée de la conformité des mesures des Etats de l’OMC. L’article 3.2 de l’Accord SPS prévoit, par exemple, que « les mesures sanitaires ou phytosanitaires qui sont conformes aux normes, directives ou recommandations internationales seront réputées être nécessaires à la protection de la vie et de la santé des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux, et présumées être compatibles avec les dispositions pertinentes de l’Accord SPS et du GATT de 1994 ». Par- tant, un Etat membre de l’OMC qui adopte une mesure sanitaire ou phytosa- nitaire conforme à un ou des standards reconnus par l’Accord SPS, ne sera en principe pas soumis à l’obligation de prouver ou de justifi er scientifi quement ladite mesure. A contrario, un Etat qui recourt à des normes plus protectrices que les standards internationaux visés, devra prouver scientifi quement le bien fondé de sa mesure. Les enjeux sont multiples. Il s’agit à la fois de laisser aux Etats la possibilité de se référer à des normes qu’ils estiment importantes de suivre dans la conduite de leurs politiques. Il s’agit aussi de normaliser les com- portements, afi n d’éliminer les entraves aux principes de libre-échange.

La question de l’adoption d’un standard et des conditions de son adoption pour évaluer sa valeur juridique a été soulevée à l’OMC dans l’aff aire Commu- nautés européennes – Désignation commerciale des sardines.43 Dans cette aff aire, la Communauté Européenne avait allégué le fait que pour qu’un standard puisse être couvert par l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC), il devait au préalable avoir été adopté par voie de consensus. Le groupe spécial et l’Organe d’appel ont rejeté cette interprétation relative à ladite pertinence d’un standard, considérant que « [l]a défi nition d’une ‘norme’ [standard en anglais]

fi gurant à l’Annexe 1.2 de l’Accord OTC n’exige pas qu’il y ait eu approbation par consensus s’agissant de normes adoptées par un ‘organisme reconnu’ de la communauté internationale à activité normative . . . ».44 En d’autres termes, les organes de règlement des diff érends de l’OMC ont considéré que la défi nition d’une norme fi gurant à l’Annexe 1.2 de l’Accord OTC ne requiert point une

43Communautés européennes – Désignation commerciale des sardines, Rapport de l’Organe d’appel, 26 septembre 2002, doc. WT/DS231/AB/R, disponible sur www.wto.org.

44Ibid., para. 219–227.

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approbation par consensus et que partant une norme internationale pourrait s’appliquer dans le cadre de l’OMC même si elle n’a pas été adoptée par voie de consensus.

Ce raisonnement bien que progressiste, présente certains risques. Dans le contexte actuel où un statut important est accordé aux standards internatio- naux, il est crucial de prendre en considération les conséquences juridiques qui résultent de l’objection des Etats vis-à-vis d’une norme internationale. Cela est important pour objectiver ce qui est ou ce qui n’est pas une « norme interna- tionale pertinente » au sens des Accords de l’Organisation mondiale du com- merce (OMC) et plus spécifi quement de l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC).

La question se pose de savoir si les organes de règlement des diff érends de l’OMC peuvent appliquer mutatis mutandis un raisonnement analogue à celui formulé dans l’aff aire Sardines à des standards donnant formellement la pos- sibilité d’objecter (technique plus généralement connue sous le nom d’opting out)45 ou reposant sur un système d’adhésion volontaire. Autrement-dit, un Etat pourrait-il se voir opposer une norme internationale au sein de l’OMC alors qu’il n’a pas approuvé cette norme lors de son adoption ou qu’il n’y a pas encore volontairement adhéré ? De la réponse à ce questionnement dépend le développement progressif voire « durable » des standards internationaux. Dans l’hypothèse où une plus grande déférence est accordée dans le futur au pro- cessus d’adoption/approbation des normes internationales, la compétence des organisations internationales en matière d’élaboration et d’adoption de normes internationales pourra se développer et se consolider sans être confrontée à la résistance des Etats. Dans l’hypothèse contraire, un bloc de resistance risque d’apparaître au grand jour et d’obstruer sinon de faire échec au développe- ment de la standardisation internationale dans certains domaines sensibles tel le commerce international.

Pour l’heure, l’approche de l’aff aire Communautés Européennes – Désignation commerciale des sardines ne semble pas avoir fait des émules. D’autres appro- ches ont été préconisées par les organes de règlement des diff érends de l’OMC.

Par exemple, dans l’aff aire Communautés européennes – Mesures aff ectant l’ap- probation et la commercialisation de produits biotechnologiques (communément dénommée « CE – Produits biotechnologiques »), le Groupe spécial a opté pour une approche consistant à consulter certaines organisations de standardisation internationale intervenant dans le champ des biotechnologies comme le Codex Alimentarius, le Secrétariat de la Convention internationale pour la protection

45 Voir M. M. Mbengue, ‘Technique de l’ « opting out » : acceptation par les Etats des normes techniques internationales’, in : E. Brosset, E. Truilhé (dir.), Les enjeux de la normalisation technique internationale : Entre environnement, santé et commerce international, op. cit., pp.

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