• Aucun résultat trouvé

Analyse sociocritique de le gone du Chaâba d'Azouz Begag

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Analyse sociocritique de le gone du Chaâba d'Azouz Begag"

Copied!
75
0
0

Texte intégral

(1)

République Algérienne Démocratique et Populaire

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

Université Mohammed Seddik Ben Yahia-Jijel

Faculté des Lettres et des langues

Département de Français

N° de série:

N° d’ordre:

Mémoire présenté en vue de l’obtention du diplôme de MASTER

Option : Sciences des textes littéraires

THEME

Présenté par : Sous la direction de :

* BOUKHELOUT Nadjiba * BOUABSA Fouzia

* MADI Fatima

Membres de jury :

Président : RADJAH Abdelouaheb

Rapporteur : BOUABSA Fouzia

Examinateur : ABDOU Med. Chemseddine

Session juin 2016

Analyse sociocritique de Le gone du Chaâba

d’Azouz Begag

(2)

Remerciements

Au terme de ce travail de fin d’étude, nous tenons d’abord à exprimer notre gratitude et notre respect à notre directrice de recherche Mme Bouabsa Fouzia pour son aide, ses précieux conseils et ses orientations tout au long de la réalisation de ce mémoire.

Nos remerciements vont également à tous les enseignants du département de français et ainsi à toutes les personnes qui nous ont aidées ou encouragées à réaliser ce modeste travail.

(3)

Dédicace :

Je dédie ce mémoire à :

Mon cher père Ali Ma chère mère Fatima Tous mes frères

Mes sœurs Sihem et Samira Ma nièce Amina et mes neveux Mon cousin Aissa

Et à toutes mes amies

Spécialement Fatima et Kamilia

Nadjiba

(4)

Dédicace :

Je dédie ce mémoire A mon cher père Saleh A ma chère mère Hafida

A toute ma famille

A mon grand père Chérif et à ma grand- mère Fatima A mes oncles et à mes tantes

Et à toutes mes amies

Spécialement Nadjiba et Kamilia

Fatima

(5)

Table des matières

Introduction générale………08

Chapitre I : Présentations

1- Présentation d’Azouz Begag……….14

2- L’écriture d’Azouz Begag……….16

3- Présentation de Le gone du Chaâba………..17

4- Résumé du corpus……….19

Chapitre II : L’approche autobiographique

1- L’autobiographie………...22

2- Le pacte autobiographique………23

3- Le pacte référentiel………24

4- Le pacte romanesque……….25

5- Le gone du Chaâba, un récit autobiographique……...……….26

a- La narration à la première personne « je »………...27

b- Le parallélisme entre la biographie de l’auteur et le trajet du

protagoniste………..27

Chapitre III : L’approche sociocritique

1- La sociocritique……….31

2- La théorie du reflet………33

2-1- Méthode de la théorie du Reflet………33

3- La théorie de la vision du monde………..37

3-1- Le concept du héros positif………..42

a- Définition………...……….42

b- Le personnage principal ‘Azouz’ comme héros positif………..42

Chapitre IV : L’analyse thématique du texte

(6)

1- Le thème essai de définition………..46

2- Les thèmes dominants dans Le gone du Chaâba……….47

a-

Le thème de la pauvreté………...47

b-

Le thème de la solidarité………..50

c-

Le thème du racisme………51

d-

Le thème de la culture………..53

e-

Le thème de double identité……….58

f-

Le thème de l’enfance………..60

Conclusion générale………..64

Références bibliographiques………67

Résumé en français………71

Résumé en anglais……….72

Résumé en arabe………73

Annexes………...75

(7)

Introduction

générale

(8)

Issue de l’immigration maghrébine, la littérature beur est un corpus difficile à délimiter car il n’existe aucun consensus autour des critères par lesquels le corpus se définirait. Autrement dit, elle est caractérisée par un jeu complexe d’appartenances multiples.

La littérature beur a vu le jour suite à l’installation permanente en France de populations d’origine maghrébine à partir des années soixante. Avant cette époque, les hommes du nord- africain, généralement jeunes et peu instruits, viennent travailler quelques années en France avant de rentrer dans leurs pays d’origine où leurs familles sont restées. Comme la majorité d’entre eux sont analphabètes, ils se trouvent incapables de produire des textes relatant leurs expériences personnelles.

Pendant la guerre d’Algérie et jusqu’aux années soixante et soixante-dix, certains travailleurs immigrés font venir leurs familles pour s’installer définitivement en France, ce qui donne naissance à une nouvelle génération de parents immigrés.

Les premières traces écrites dues à cette nouvelle génération remontent aux années soixante dans des pièces de théâtre restées pour la plupart inédites et des poèmes parus dans des magazines et revues éphémères. C’est au même moment que le néologisme ‘beur’ commence à circuler comme une désignation lancée par certains jeunes issus de l’immigration dans la banlieue parisienne. Après la Marche pour l’égalité et contre le racisme (1983), qualifiée par les médias français sous le nom ‘la Marche des Beurs’ que le terme ‘beur’ passe rapidement dans le langage courant. Les Beurs sont évoqués par les médias surtout dans le contexte des banlieues, devenues symbole pour les quartiers défavorisés où règnent la criminalité, la délinquance et l’ignorance. Ces images négatives rendent suspecte l’étiquette ‘beur’ aux yeux de ceux à qui elle est appliquée, raison pour laquelle plusieurs auteurs de cette littérature se déclarent hostiles devant cette dénomination.

Le terme « beur » est formé selon les procédures du verlan ; un système d’argot populaire basé sur l’inversion et la troncation des syllabes ( ‘verlan’ est lui-même une inversion de ‘à l’envers’), « beur » est une inversion tronquée de l’ « arabe ».

En 1983, on assiste à la publication du Thé au harem d’Archi Ahmed de Mehdi Charef, premier roman ‘beur’ à retenir l’intérêt des médias, notons que le premier roman beur était L’amour quand même de Hocine Touabti.

La littérature beur ou la littérature de la migration a émergé comme un champ littéraire à part entière dans les années 80 et est produite en français par des écrivains issus de la

(9)

seconde génération de l’immigration maghrébine en France. Elle est l’expression d’écrivains nés ou arrivés en bas âge dans le pays d’accueil de leurs parents. De ce fait, les problèmes des banlieues, le déracinement culturel et la quête identitaire sont les thèmes majeurs de cette littérature. Selon Regina Keil : « la littérature Beur se déroule selon deux grands axes thématiques : - La vie en banlieue au quotidien […] caractérisée par des problèmes de chômage et de racisme ordinaire […]. - Les problèmes d’identité double ou déchiré […]. »1

. Cette littérature se distingue par un trait particulier qui la domine qui est, sans doute, sa teneur autobiographique. Nous rappelons aussi que le personnage principal porte parfois le nom de l’auteur dans cette production, comme dans Le gone du Chaâba et Le Marteau Pique-cœur d’Azouz Begag.

La littérature beur est donc un reflet plus ou moins fidèle d’une société, le porte parole d’une communauté et d’une génération désenchantée qui tentent inlassablement de faire parler d’elle et par tous les moyens. C’est pour cette raison qu’elle se veut réaliste au point d’utiliser un langage familier, une prononciation, une syntaxe et un lexique d’une langue parlée, pour ainsi dire un français relâché qui s’écarte de la norme, créant une impression d’oralité durant la lecture. Ce langage populaire non soutenu renvoie à une certaine légèreté dans la communication et évoque pour le lecteur la sensation d’une langue incorrecte, c’est la raison pour laquelle cette écriture a sérieusement déconcerté les critiques qui avaient du mal à la classer. Or l’utilisation de l’argot prend une place indispensable pour évoquer le malaise d’une manière simple et précise, dans le but d’être le plus fidèle possible à la réalité.

Bref, la littérature beur est la représentation d’une culture, d’une communauté qui essaie de dévoiler tous les problèmes dont on n’osait pas parler en France il ya quelques années, elle se veut donc subversive, tant dans les sujets qu’elle traite que dans la manière à traiter. Ainsi, elle a déconcerté les critiques qui l’avaient considérée comme « une écriture de marge » et « une sous littérature » alors qu’il semble évident qu’elle n’est pas un langage marginal.

Parmi les figures représentatives de cette littérature on trouve entre autres ; Mehdi Charef, Nacer Kettane, Faiza Guène et Azouz Begag, que nous avons choisi pour notre travail de recherche.

1 KEIL Regina, Entre le politique et l’esthétique ; Littérature « beur » ou Littérature «

(10)

En effet, Azouz Begag est né en France dans la banlieue lyonnaise en 1957, de parents algériens analphabètes. C’est un écrivain, un sociologue, un scénariste, un chercheur au CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) et un ancien ministre délégué chargé de la promotion de l’égalité des chances.

Begag est l’auteur d’une dizaine de publications scientifiques et plus d’une vingtaine de livres dans lesquels on évoque souvent les problèmes auxquels sont confrontés les jeunes français de souche maghrébine tels que la pauvreté, le chômage, la discrimination, la déchirure identitaire et culturelle…etc.

Notre travail de recherche sera porté sur le premier roman d’Azouz Begag intitulé Le gone du Chaâba, ainsi que sur l’écriture de soi.

Notre choix de l’auteur ne vient pas du hasard ; c’est l’un des auteurs de la littérature beur qui a pris sa plume pour parler et défendre une communauté immigrée restée depuis longtemps à l’écart de la société française.

Pour ce qui est du choix de l’œuvre, celle-ci nous permet de faire réfléchir sur les problèmes d’immigration et d’émigration mais aussi de nous faire prendre conscience des difficultés d’intégration de ces communautés. D’ailleurs, l’histoire du roman est racontée comme une succession de petites scènes ; L’épisode de disputes, du camion de poubelles, des prostituées, la scène de la circoncision, et du déménagement, comme elle pourrait être aussi le vécu de n’importe quel Beur durant cette époque. De même, cette œuvre a été intégrée dans les manuels scolaires français : elle se situe dans le programme de première ES dans la partie sur l’organisation sociale et plus précisément dans le chapitre ‘socialisation et culture’ et ‘structure sociale’ mais aussi dans le programme de terminal, partie sur les ‘inégalités, conflit et cohésion social : la dynamique sociale’ au chapitre ‘intégration et solidarité’. Enfin, il s’agit d’un texte riche sur le plan thématique et linguistique ; la langue utilisée est singulière, c’est un mélange de français (familier et lyonnais) et de termes arabes.

L’objectif de notre travail de recherche est de faire une analyse littéraire sur le roman Le gone du Chaâba d’Azouz Begag. Pour se faire, nous proposons la problématique suivante : - Le gone du Chaâba est-il un roman autobiographique ?

(11)

- Quelle image peut- on construire de la société algérienne immigrée en France (beur) durant cette époque ?

- Quelle est la vision de l’auteur à travers ce roman ? Que veut- il transmettre comme message ?

- L’aspect thématique d’une œuvre littéraire ne représentait-il pas les points d’ancrage au réel de la conscience de l’écrivain ?

De cette problématique découlent les hypothèses suivantes :

- Il est possible que l’auteur, en parlant de son enfance, du milieu socio- culturel dans lequel il évolue, de sa culture nous reflète plus au moins le vécu et les conditions sociales des immigrés.

- L’étude thématique d’une œuvre donnée nous renseignerait sur le rapport que l’auteur entretient avec le réel.

Pour répondre aux questions annoncées dans la problématique, nous allons adopter la méthode analytique en s’appuyant sur quelques théories à savoir la théorie du reflet, la théorie de la vision du monde et l’approche autobiographique ainsi que d’autres théories, selon la nécessité de la recherche.

Afin de mieux cerner notre analyse, notre présent travail de recherche sera réparti en quatre chapitres :

Dans le premier chapitre, nous allons présenter la biographie de l’auteur Azouz Begag et donner un aperçu général sur son écriture pour passer ensuite à la présentation et le résumé du corpus.

Au cours du deuxième chapitre, nous allons essayer de prouver que Le gone du Chaâba est un roman autobiographique, et confirmer si l’auteur, le narrateur et le personnage principal ont une même identité. Le troisième chapitre sera consacré à la présentation de l’approche sociocritique et aussi à l’analyse sociocritique de l’œuvre. Dans un premier temps, nous allons évoquer la théorie du reflet et voir si Le gone du Chaâba est un reflet plus ou moins fidèle de la société beur. Ensuite, nous présenterons la théorie de la vision du monde en analysant les différentes visions que portent les Arabes face au Français et vice versa. Enfin, nous allons définir le

(12)

concept du héros positif et prouver que le personnage principal de notre corpus ‘Azouz’ est un héros positif.

Au cours du quatrième et du dernier chapitre, nous tenterons de faire une étude thématique du texte en mettant l’accent sur les thèmes récurrents et dominants dans cet univers textuel à savoir ; la pauvreté, la solidarité, le racisme, la culture (traditions, croyances, arts culinaires, style vestimentaire…), la double identité et le thème de l’enfance et cela bien sûr après avoir défini le mot ‘thème’.

(13)

Chapitre I :

Présentations

(14)

1 – Présentation d’Azouz Begag :

1-1-Azouz Begag, l’homme :

Azouz Begag est né en France dans la banlieue lyonnaise, à Villeurbanne le 5 février 1957 de parents algériens (Bouzid et Messaouda) paysans, ex-ouvriers agricoles à Sétif puis immigrés en France en 1949. Dès son jeune âge, il prouve des signes d’ambition et de réussite ; il rêve d’être président de la République. A l’école, cet élève brillant subit des injustices et connait le racisme comme tous ses camarades d’origine arabe. Il passe les dix premières années de sa vie dans un bidonville avant de déménager avec sa famille en HLM (Habitation à loyer modéré) à la cité de la Duchère. Très jeune, il se passionne pour la littérature et surtout les œuvres à caractère social. De ce fait, Albert Camus, Stefan Zweig et Romain Gary deviennent ses auteurs préférés. Grâce à un goût prononcé pour la lecture et malgré ses origines et le milieu défavorisé dans lequel il vit, Azouz Begag accède sans difficultés aux études supérieures et présente une thèse en économie intitulée « l’Immigré et sa ville » à l’université Lyon 2.

Azouz Begag est un homme à plusieurs facettes :

1-2- Azouz Begag, le chercheur en économie et sociologie :

Azouz Bgag est un spécialiste en socio-économie urbaine ; son travail porte largement sur la mobilité des populations d’immigrées dans les espaces urbains. Depuis 1980, il est un chercheur au CNRS (Centre National de Recherche Scientifique) et à la Maison des Sciences Sociales et Humaines de Lyon.

1-3- Azouz Begag, l’écrivain :

Venu à l’écriture par hasard, Azouz Begag écrit en 1986 son premier roman intitulé Le Gone du Chaâba, pour lequel il obtient plusieurs prix littéraires. Il a obtenu aussi le prix Européen de la Littérature Enfantine pour son roman intitulé La force du berger en 1992. Grâce au succès de son premier roman, il a continué à publier des œuvres. Aujourd’hui, Azouz Begag est l’auteur de plus d’une vingtaine de romans pour jeunes mais aussi des romans et documentaires pour adultes. L’écriture pour lui, est un outil de communication, un moyen d’universaliser et de rendre visible la vie et même la pensée d’une communauté minoritaire mal connue aux yeux des autres qui est celle des Beurs. L’auteur est sensible face aux souffrances des immigrés. Le thème de l’immigration ainsi que les problèmes liés à ce phénomène est très fréquent chez lui. D’ailleurs, dans la plupart de ses romans qu’ils

(15)

soient de nature autobiographique ou non, Azouz Begag prend la défense des Beurs, évoque les problèmes auxquelles sont confrontés les jeunes d’origine maghrébine : marginalisation, pauvreté, racisme… et la difficulté de trouver leurs repères entre deux cultures aussi bien qu’entre tradition et modernisme en s’inspirant de son expérience personnelle en tant que fils d’immigrés notamment dans les romans : Le gone du Chaâba (1986) , Le Passeport (2000), Le Marteau pique-cœur (2004).. Raison pour laquelle dans ses ouvres romanesques cet écrivain s’intègre toujours au héros, le personnage principal est souvent un enfant, en général un garçon d’origine maghrébine.

1-4- Azouz Begag, l’homme politique :

En 2004, Azouz Begag est chargé par le ministre (français) de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales d’une mission sur l’égalité des chances. Il devient ensuite membre du Conseil économique et social au titre des personnalités qualifiées dans le domaine économique, social, scientifique ou culturel, désigné sur proposition du Premier ministre. Il a été ministre délégué à la promotion de l’Egalité des chances dans le gouvernement Villepin (de 2005 à 2007) et candidat aux élections législatives de Juin 2007.

Par ses activités et son travail, Il a été nommé Chevalier de l’ordre national du Mérite et Chevalier de la Légion d’honneur.

1-5- Autres fonctions :

Azouz Begag est aussi parolier de chansons et scénariste ; il écrit plusieurs scénarios notamment celui du film Camping à la ferme où il expose sa vision autour d’une France multiculturelle.

Depuis 1980, Azouz Begag est un enseignant à l’Ecole centrale de Lyon. Huit ans plus tard, il est professeur invité à l’Université Cornell, chargé d’un cours semestriel sur les immigrations en Europe de l’Ouest. A partir de 2008, il est professeur invité à l’université de Californie à Los Angles, ce qui fait de lui le premier beur français à enseigner en Amérique.

En octobre 2007, il est président du 18e Festival International de Géographie (FIG) de Saint-Dié-des-Vosges.

(16)

La littérature beur s’est affirmée dans sa spécificité culturelle, sociale et linguistique, des auteurs tels que Farida Belghoul, Mehdi Charef et Azouz Begag confirment une élévation fulgurante vers une littérature légitime et suffisamment reconnue. Elle ne manque pas de séduire le lecteur qui découvre une écriture originale, une communauté, une culture et des différentes histoires.

Comme tous les écrivains beurs, Azouz Begag montre une insertion imaginaire et un tiraillement identitaire voire même culturel des immigrés, essentiellement, de souche magrébine. Le ton qu’il choisit souvent est celui de la légèreté, de l’innocence et de la naïveté d’un enfant. Le caractère autobiographique est souvent présent à différents niveaux ; ses romans évoluent selon une communication courante et réaliste jusqu’à déformer parfois la langue française, pour montrer avec exactitude l’accent des immigrés. Le style de Begag est riche en variations stylistiques; l’auteur donne vie à l’esprit de ses personnages par sa façon d’exprimer leurs voix en utilisant différents registres et néologismes « bouzidiens »*2. Effectivement, il fait usage d’un français plutôt soutenu,

mais pimenté des mots français arabisés. À plusieurs reprises, Begag précise la traduction d’un terme translittéré entre parenthèses au cas où ce dernier semblerait trop abstrait à l’oreille et à l’œil du lecteur comme ‘le moufissa’ (mauvais sang). Ces précisions de termes illustrent le fait que Begag ne cherche plus à exclure les francophones qui ne comprennent pas l’arabe. Pour le lecteur arabophone, ces parenthèses sont un rappel que ce roman n’est pas exclusivement destiné à un public français ou francophone. Néanmoins, mis à part le guide et les petits dictionnaires de mots bouzidiens inclus à la fin du livre, et que nous avons insérés comme annexes dans notre mémoire, Begag fait usage de certains mots arabes tels que « Rhaïn »qui signifie le mauvais œil, « ouallah » qui veut dire je jure et des expressions arabes traduites littéralement en français: « Qu’Allah te crève les yeux » d’une manière qui suggère qu’il s’attend à ce que le lecteur comprenne exactement ce qu’il entend par cela sans avoir à lui proposer de traduction. Le roman ne pourrait pas être qualifié de bilingue, mais il est évident qu’être bilingue en maîtrisant le français et l’arabe facilite largement l’interprétation de l’humour et du message transmis par Begag. Ce métissage linguistique témoigne en l’occurrence de la double identité de l’auteur.

3- Présentation du corpus :

(17)

Le gone du Chaâba est la première production littéraire d’Azouz Begag, elle obtient deux prix ; le prix Sorcières décerné par les librairies spécialisés dans la littérature de jeunesse et le prix Bobigneries en 1987. Dix ans après sa première publication chez les éditions du Seuil, dans la Collection du Points en 1986, Le gone du Chaâba est traduit en anglais et publié en 2007 à l’University of Nebraska. En 1998, ce roman a été adapté au cinéma par le réalisateur Christophe Ruggia.

Cette production qui a marqué la littérature d’immigration, et qui est un chapitre romanesque et poétique de la communauté algérienne dans l’histoire littéraire française raconte un récit au présent de l’indicatif, elle compte 239 pages, il n y’a pas de chapitres, mais elle se compose des alinéas. En effet, le langage utilisé dans ce roman est assez particulier. Autrement dit ; c’est un mélange des mots arabes algériens, et des termes français; familiers et lyonnais. Le titre même le prouve « gone » un mot lyonnais qui veut dire « gamin ». Le « Chaâba » C’est un nom vient du dialecte algérien, son équivalant en français est bidonville qui signifie ; « Une partie défavorisé d’une ville caractérisée par des logements très insalubres, une grande pauvreté et sans aucun droit ou sécurité foncière »3. Donc, d’après cette définition, le titre connote la situation de marginalisation, d’exclusion, et de distanciation des immigrés. Ainsi, à la fin du récit, Azouz Begag a inséré un petit dictionnaire des mots bouzidiens pour aider le lecteur à apprendre et déchiffrer le langage des natifs de Sétif, comme : « Abboué » (papa) et « chkoun » qui veut dire ;(qui est-ce ?). Ensuite, le lecteur trouve le petit dictionnaire des termes lyonnais qui contient des mots tels que « Boche » c’est la pierre ou le caillou. Et « Braque » qui signifie (vélo). Pour le style d’écriture de l’auteur, il est clair et concis, ce qui rend le roman très agréable à lire, il y a là du mouvement, de l’émotion, des comparaisons et des métaphores, et aussi beaucoup de dialogues sont utilisés.

Le gone du Chaâba, c’est une chronique autobiographique où se confondent trois « je » celui de l’auteur, du narrateur, et du personnage principal. Ce roman relate l’itinéraire d’un gone, un vrai, un jeune garçon lyonnais, né en France, appelé Azouz, c’est un fils de parents immigrés algériens qui a passé les premières années de sa vie dans un bidonville. En écrivant cette histoire, l’auteur nous montre les tentatives d’Azouz de trouver sa place dans la société française à travers la réussite scolaire et l’acquisition de la langue, Il se permet aussi de faire une image descriptive de cette société et de la marginalité de lui même au Chaâba. De plus, il insiste sur les problèmes que rencontrent les jeunes d’origine algérienne. Alors, nous pouvons dire que Le gone du Chaâba ne se contente pas d’être le

3

(18)

simple reflet des évènements de l’époque que a vécu Azouz Begag, il raconte non seulement l’histoire personnelle de l’auteur et de sa famille, mais plutôt celle de tout un groupe. C’est un témoignage authentique de la condition des ouvriers algériens et de leurs enfants, les beurs. Cela permet au lecteur de construire une image de cette société pendant les années 60 qui cherche son identité et son équilibre perdue.

Le gone du Chaâba est considéré comme un point de départ pour la découverte de la culture arabo-musulmane, il présente à notre avis, une belle mise en scène de la vie de l’auteur et de la communauté des immigrés maghrébins. Azouz Begag ne veut pas faire documentaire sur les immigrés, il veut enseigner aux enfants beurs l’importance de ne pas baisser les bras face au racisme et que la réussite scolaire est la première étape dans le processus d’intégration. Nous conclurons, en disant que ce roman c’est une invention artistique qui parle de l’immigration et plus particulièrement de l’état de l’immigré algérien en France et l’influence de la nouvelle culture sur cet individu.

(19)

4- Résumé du corpus :

Dans les années soixante, une vingtaine de familles algériennes ont fui leur village d’El Ouricia à Sétif réfugiées au Chaâba, un bidonville lyonnais français, avec l’espoir d’échapper à la pauvreté ou à la guerre. Cette histoire s’attache au parcours d’Azouz.

Le gone du Chaâba est comme nous l’avons déjà présenté, est le premier roman d’Azouz Begag dans lequel, il raconte avec tendresse et humour ses aventures de jeune garçon tiraillé entre deux univers, entre deux cultures très distinctes ; la société algérienne et l’éducation française.

Les conditions de vie au Chaâba sont pénibles et difficiles à cause de l’absence d’électricité et d’eau courante, la plupart des maisons ne sont pas solides, se sont des baraques collées les unes aux autres et qui peuvent s’écrouler à tout moment. Les hommes essaient d’améliorer la vie peu à peu et les femmes sont toute la journée au Chaâba à la maison, elles se disputent parfois pendant la journée, malgré ces disputes rien ne change, la haine ne dure que quelques heures et puis on continue à vivre ensemble.

Les parents d’Azouz ; Bouzid et Messaouda sont des analphabètes, son père travaille comme maçon, il est aussi le chef du Chaâba. Azouz a un grand frère qui s’appelle Moustaf, et une grande sœur Zohra. A l’école, ce garçon chaâbi est un élève brillant et ambitieux, il est attentif à toutes les remarques de son maître. Ce protagoniste du roman estime qu’il faut être comme les Français. Pour Azouz, l’école lui donne la possibilité d’être savant comme les Français. Ainsi lors de la remise d’une composition par son enseignant M. Grand, Azouz a obtenu la deuxième meilleure note de la classe. Mais cette réussite lui attire le ressentiment de ses camarades du bidonville qui ne le considèrent comme un Arabe. Contrairement à ses amis et aux autres parents du Chaâba, Bouzid est très fier de son fils, il l’encourage et lui répète qu’il doit bien travailler à l’école pour qu’il puisse avoir un bon travail comme les Français et non pas comme lui, un maçon.

Un jour, après-midi, Les policiers viennent au Chaâba pour faire une perquisition sur l’existence d’un trafic de viande géré par Saïd ; l’oncle d’Azouz. Naïvement, ce dernier les conduit jusqu’à l’endroit où les moutons sont égorgés illégalement, croyant aider sa famille. À cause de cet incident, plusieurs familles ont décidé de quitter le bidonville mais Bouzid refuse de partir.

Un matin, les Bouchaoui, une ancienne famille du Chaâba qui habite maintenant à Lyon revient, en expliquant au père d’Azouz que la vie dans un appartement est bien meilleure

(20)

qu’au Chaâba. Cette famille a même trouvé un logement pour les remercier de tout ce que Bouzid avait fait pour eux. Finalement, après le « je veux déménager » de son petit, le père accepte de déménager dans leur appartement à Lyon. La famille est émerveillée par l’eau courante, les toilettes propres, l’électricité et même une télévision. Lorsqu’ils ont déménagé, Azouz change aussi d’école, il passe une année difficile de CM2 car sa maitresse Mme Valard ne l’aime pas contrairement à M. Grand du CM1. Au cours de l’année elle lui donne de mauvaises notes. De plus sur toutes ses rédactions elle inscrit « Inintéressant » ou « Manque d’originalité ».

Après le CM2, Azouz entre en 6ème année au lycée Saint-Exupéry. Son professeur de français M. Loubon est un pied noir qui a vécu en Algérie, il est gentil avec lui. Il lui apprend aussi même des faits sur son pays d’origine et sa langue maternelle, et il perçoit positivement l’Algérie et l’Arabe, ce qui aide ce gone chaâbi à accepter son identité.

Pendant quelques jours après la fin des cours, la famille d’Azouz reçoit une lettre d’expulsion du logement, parce que le régisseur de l’immeuble a décidé de vendre l’appartement.

Mais, finalement, ils trouvent un autre nouvel appartement à la Duchère, dans un F4, ils y déménagent. C’est plus grand que le premier, plus ensoleillé, et en plus pas loin du travail du père d’Azouz. Et sur ce relogement se termine le récit de notre corpus d’analyse.

(21)

Chapitre II :

L’approche

autobiographique

1- L’autobiographie :

Le terme « autobiographie » est apparu au début du XIX siècle. Il est composé de trois mots grecs : « autos » qui veut dire « soi- même ou lui-même », « bios » synonyme de

(22)

« vie » et « graphein » qui signifie « écrire ». Donc, l’autobiographie est un récit de vie dans lequel une personne raconte sa propre vie.

Philippe Lejeune définit l’autobiographie comme suit : « Récit rétrospectif, en prose, qu’une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité.»4

. En ce sens, une autobiographie est un récit souvent en prose ; le vers est rarement associé à une forme narrative. Elle est faite par une personne réelle de sa propre vie. Le récit autobiographique est mené à la première personne, il se caractérise par le fait que l’auteur, le narrateur et le personnage principal ne font qu’un. La progression du récit autobiographique est le plus souvent chronologique, débutant par le récit de l’enfance et se termine à l’époque où l’auteur écrit. Cependant, celui-ci sélectionne certains souvenirs, des périodes entières peuvent ainsi être passées sous silence.

Pour Lejeune, certains critères proposés dans la définition de l’autobiographie peuvent parfois être non respectés. Il précise dans Le pacte autobiographique que : « Est une autobiographie qui remplit à la fois les conditions indiquées dans chacune des catégories. Les genres voisins de l’autobiographie ne remplissent pas toutes ces conditions. »5 Autrement dit, une autobiographie est un texte littéraire qui doit remplir toutes ces conditions mais si l’un de ces critères manque, l’œuvre sera classée dans les genres voisins comme les mémoires, le journal intime, le poème autobiographique et l’autoportrait. Ainsi, Philippe Lejeune insiste sur le fait qu’il y a une condition obligatoire pour avoir une autobiographie : «Pour qu’il y ait autobiographie, il faut qu’il y ait identité de l’auteur, du narrateur et du personnage. »6. Cette identité doit être une identité de nom c’est à dire que le personnage-narrateur porte le même nom que celui de l’écrivain inscrit sur la couverture du livre.

C’est par rapport au nom propre que l’on doit situer les problèmes de l’autobiographie, toute l’énonciation est prise en charge par une personne qui a coutume de placer son nom sur la couverture du livre, et sur la page de garde[…] c’est dans ce nom que se résume toute l’existence de ce qu’on appelle l’auteur.7

2- Le pacte autobiographique:

4

LEJEUNE Philippe, Le Pacte autobiographique, Paris, éd. Seuil, 1975-1996, p.14.

5 Id. 6 Ibid. p. 15. 7

(23)

Le mot « pacte » renvoie à un contrat d’identité, établi entre l’auteur de l’autobiographie et son lecteur. Selon Lejeune :

Dans l’autobiographie, on suppose qu’il ya identité entre l’auteur d’une part, le

narrateur et le personnage d’autre part. C'est-à-dire que le « je » renvoie à l’auteur. Rien dans le texte ne peut le prouver. L’autobiographie est un genre fondé sur la confiance, un genre « fiduciaire » si l’on peut dire. D’où d’ailleurs, de la part des autobiographes, avec excuses, explications préalables, déclarations d’intention, un rituel destiné à établir une communication directe. 8

L’identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage que vise Lejeune doit être une identité de nom. Celle-ci est établie de deux manières :

1- Implicitement : le pacte autobiographique peut avoir deux formes au niveau de la liaison auteur Ŕ narrateur :

a) L’emploi du titre ne laissant aucun doute sur le fait que le « je » renvoie au nom de l’auteur (histoire de ma vie, autobiographie…)

b) Section initiale du texte ou l’engagement est pris par le narrateur vis a vis du lecteur, en se comportant comme s’il était l’auteur, de telle façon que le lecteur n’a aucun doute sur le fait que le « je » renvoie au nom de l’auteur.

2- Explicitement, au niveau du nom que se donne le narrateur-personnage dans le récit lui-même, et qui est identique au nom de l’auteur sur la couverture du texte.

Si nous rejoignons cette notion dans notre corpus nous allons remarquer :

- L’identité entre l’auteur, le narrateur et le personnage principal est manifestée explicitement.

- Le narrateur-personnage porte un nom (Azouz) pareil à celui de l’auteur (Azouz Begag) c'est-à-dire que l’auteur, le narrateur et le personnage sont la même personne. Azouz Begag est à la fois l’auteur, le narrateur et le protagoniste dans Le gone du Chaâba car le nom figuré sur la couverture du livre est le même nom que celui du personnage principal. Nous le démontrons à l’aide de courts extraits suivants :

« Premier : Azouz Begag ?non »9.

8 LEJEUNE Philippe, L'Autobiographie en France, Paris, Seuil, 1971, p. 24, in REGAIEG Najiba, « De

l’autobiographie à la fiction ou le je(u) de l’écriture : Etude de L'Amour, la fantasia et d'Ombre sultane

d'Assia Djebar », Thèse de doctorat, Université Paris-Nord, Octobre 1995, p.15.

(24)

« - Pourquoi tu t’appelles Azouz ?demande Alain, intrigué par cette consonance berbère »10.

« - Comment se prononce votre prénom en arabe ? demande t-il (M. Loubon) sur un ton amical.

- On dit Azouz, m’sieur.»11

« - Azouz ! Vous savez comment on dit « le Maroc » en arabe ? me demande tout à coup M. Loubon […]. »12

.

« Par Allah ! Allah Akbar ! Je me sentais fier de mes doigts. J’étais enfin intelligent. La meilleure note de toute la classe, à moi, Azouz Begag, le seul Arabe de la classe. »13. D’après cela, nous remarquons que notre corpus respecte le pacte autobiographique.

3- Le pacte référentiel :

S’engageant à dire la vérité, l’autobiographie voulait être le plus véridique possible en rapportant des faits réels. Pour se faire, les autobiographes font référence à des personnes, des lieux et des événements réels.

Le pacte référentiel est un contrat conclu entre le lecteur et le texte, qui vise à convaincre le lecteur en lui montrant une adéquation entre les faits racontés et le vécu réel. Ce pacte accompagne le pacte autobiographique pour renforcer le caractère autobiographique du texte.

Philippe Lejeune définit le pacte autobiographique en ces termes :

Par opposition à toutes formes de fiction, la biographie et l’autobiographie sont des textes référentiels : exactement comme le discours scientifique ou historique, ils prétendent apporter une information sur une « réalité » extérieure au texte, et donc se soumettre à une épreuve de vérification. Leur but n’est pas la simple vraisemblance mais la ressemblance au vrai. Non « l’effet du réel », mais l’image du réel. Tous les textes référentiels comportent de ce que j’appellerai un pacte référentiel, implicite ou explicite, dans lequel sont inclus une définition du champ du réel visé et un énoncé des modalités et du degré de ressemblance auquel le texte prétend.14

10 Ibid., p.182. 11 Ibid., p.200- 201. 12 Ibid., p.204. 13 Ibid., p. 216.

(25)

Si nous ferons recours à la biographie de l’auteur, qui constitue le réel ou le vrai selon la conception de Lejeune et en faisant une épreuve de vérification, nous apercevons clairement que le personnage principal Azouz présente un profil ressemblant à celui de l’auteur Azouz Begag. Ainsi, les événements vécus par le personnage sont les mêmes vécus par l’écrivain. A partir de cela, nous constatons qu’il y a un respect du pacte référentiel dans notre corpus Le gone du Chaâba.

4-

Le pacte romanesque :

Philippe Lejeune oppose la notion de pacte romanesque à celle du pacte autobiographique. Le pacte romanesque est défini par la rupture entre l’auteur, le narrateur et le personnage. Autrement dit, il se caractérise par la non- identité, c’est à dire que l’auteur et le personnage n’ont pas le même nom ainsi que par l’attestation fictive donnée par le sous-titre « roman » sur la couverture.

Dans sa tentative de définir le pacte romanesque, Philippe Lejeune écrit : « (…) le pacte romanesque qui a deux aspects :

- Pratique patente de la non- identité (l’auteur et le personnage ne portent pas le même nom),

- attestation de fictivité ( c’est en général le sous-titre roman qui remplit aujourd’hui cette fonction sur la couverture ».15 Autrement dit, l’écrivain fait un pacte romanesque en donnant à son personnage un non différent du sien ou en mettant le sous-titre « roman » sur la couverture de son livre.

En appliquant cela à notre corpus, nous constatons :

- La pratique patente de la non-identité est invisible dans Le gone du Chaâba parce que l’auteur, le narrateur et le personnage sont identiques comme nous l’avons déjà montré dans le pacte autobiographique.

- L’« attestation de fictivité » est présente dans Le gone du Chaâba ; notre corpus est sous- titré roman.

Donc, nous pouvons dire que les événements racontés dans Le gone du Chaâba sont amalgamés de la fiction ce qui nous aide à comprendre que ce roman n’est pas une autobiographie pure.

5- Le gone du Chaâba, un récit autobiographique :

(26)

Il n’est pas facile voire difficile de déterminer le genre littéraire auquel appartient un texte littéraire surtout quand il s’agit d’une œuvre autobiographique car le sens de ce mot n’est pas toujours évident pour le lecteur.

Dans un entretien, Azouz Begag, a répondu, à la question sur la biographie présente dans plusieurs de ses romans en ces termes :

Quand je fais évoluer mes personnages dans mes romans, j’ai du mal à leur définir une psychologie. Alors la psychologie qui est dans la tête de ces personnages, c’est beaucoup la mienne, c’est un morceau de moi parce que je ne sais pas inventer une psychologie pour les autres. Donc mes personnages transportent en eux un morceau de mes préoccupations.16

Il n y pas de doute que le roman Le gone du Chaâba contient des éléments qui renvoient à l’autobiographie : c’est un récit écrit en prose. Le sujet traité s’inspire de la vie réelle du narrateur ; le récit relate l’enfance d’Azouz, un gone beur, avec sa famille et plusieurs autres familles dans un bidonville appelé le Chaâba en mettant l’accent sur la vie dure et la marginalisation des immigrés. Dans ce récit, il y’a identité entre auteur, narrateur et personnage principal car Azouz remplit à la fois toutes ces fonctions. Il décrit son monde enfantin et ses souvenirs à la première personne « je » suivant un ordre temporel chronologique marqué par la présence des analepses (quand il parle de sa circoncision).

a- La narration à la première personne « je » :

Le texte est écrit à la première personne (je, nous). Cela signifie que le narrateur est un personnage dans l’histoire qu’il raconte. De plus, le pronom personnel « je » présente l’auteur qui raconte sa propre histoire. Cela montre que l’auteur, le narrateur et le personnage principal sont identiques. Le « je » désigne l’auteur qui est le narrateur (adulte) et le personnage (enfant).

D’après tout ce qui précède, nous tirons comme conclusion que Le gone du Chaâba est un roman autobiographique.

16

HAMANI Sihem, Crise identitaire et appartenance dans la production romanesque de deux écrivains

Beurs Azouz Begag et Mehdi Charef. Entretien avec Azouz Begag, p.127. Mémoire de Magister, Université

(27)

b- Le parallélisme entre la biographie de l’auteur et le trajet du

protagoniste :

On dit souvent que tout roman est plus ou moins autobiographique car un écrivain ne peut inventer des personnages qu’à partir de ce qu’il a en soi. Partons de ce constat, nous allons présenter un tableau dans lequel nous effectuerons une comparaison entre la biographie de l’écrivain et le trajet de vie du héros pour affirmer que celui-ci présente un profil ressemblant à celui de son créateur.

Azouz (le personnage) Azouz Begag (l’écrivain)

- Né à l’hôpital Grange- Blanche à Lyon en France : « J’avais vu le jour à Lyon, dans le plus grand hôpital Grange- Blanche ».17 - Fils de parents Algériens : « - De quelle région êtes-vous ?

- De Sétif, m’sieur. Enfin, je veux parler de mes parents ».18

Appelés Bouzid et Messaouda :

« Ma mère finit de me frictionner avec de l’eau d’colonne(…). Elle vient d’entendre la voix grave de son mari (…). A chaque fois que Bouzid rentre à la maison avec un invité sans que sa femme ait été avertie, il parle fort pour qu’elle ait le temps de préparer l’accueil. Alors, Messaouda enregistre le message. »19

- Son père était journalier dans une ferme à Sétif en Algérie : « -Qu’est ce qu’il faisait votre père, à Sétif ?

- Né à Lyon en France.

- Fils de parents Algériens analphabètes : Bouzid et Messaouda.

- Ses parents sont des anciens agricoles à Sétif en Algérie.

17

BEGAG Azouz, op.cit. p.193.

18

Ibid., p.201.

19

(28)

- Il était journaliste dans la ferme de Barral…

- Journaliste ? dans une ferme ? interroge le prof, ébahi.

- Oui, m’sieur. Il gardait les moutons, il s’occupait des chevaux, il a travaillé la terre(…).

- Non, non, reprend-il, on dit journalier ».20 Puis maçon dans une usine en France : « Elle (Mme Valard) m’a questionné sur ma famille. Je lui ait appris que mon père était maçon et que ma mère n’était rien ».21

« (…) Mon père dit que les « binoirs » n’aiment pas les Arabe, et surtout ceux qui travaillent avec lui, à l’usine. »22

- Vit dans un bidonville (le Chaâba) durant les premières années de son enfance : « J’habite dans un bidonville de baraques en planches et en tôles ondulées(…). Sa maison (d’Alain) à lui, elle est aussi grande que notre Chaâba tout entier. »23

puis il a déménagé avec ses parents en HLM (Habitation à Loyer Modéré) à la cité de la Duchère : « Monsieur Begag(…) on vous a trouvé un appartement à la Duchère, dans un F4(…)».24

- Passe les dix premières années de sa vie dans un bidonville avant de déménager en HLM à la cité de la Duchère. 20 Ibid., p. 202- 203. 21 Ibid., p.193. 22 Ibid., P. 203. 23 Ibid., p.57. 24 Ibid., p. 230.

(29)

Nous tirons comme conclusion que ce récit est un roman autobiographique vu que les événements relatés correspondent au vécu d’Azouz Begag qui libère sa voix sans se soucier de protéger son identité en la plongeant dans l’anonymat :

« Premier : Azouz Begag ? Non. Ce n’était qu’un exemple »25

.

Chapitre III :

25 Ibid., p.87.

(30)

L’approche

sociocritique

(31)

Introduction :

« La littérature est l’expression de la société, comme la parole est l’expression de l’homme »26.

Louis de Bonald. Comme le montre cette citation, il y a une forte relation, voire une interaction entre la

littérature et la société, toutes les deux entretiennent des rapports étroits entre elles tout comme la parole l’est à l’homme. Bonald voit cette relation comme quelque chose d’évident. En effet, la littérature se trouve dans la société ; elle y lue et vendue. De même, la société est ancrée dans la littérature. Autrement dit, le texte littéraire constitue, depuis des siècles, le miroir d’un peuple, d’une société donnée. Notre présente analyse s’inscrit dans cette perspective « La sociocritique » qui perçoit l’œuvre littéraire comme une œuvre artistique, produite par un sujet à la fois individuel et social.

L’étude des rapports entre l’art, en particulier la littérature et la société ne date pas d’aujourd’hui. Elle existe depuis des décennies avec des critiques comme Taine et Madame de Staël et des philosophes tels que Hegel et Marx, mais elle n’est toutefois constituée en discipline qu’au cours du XIXème et XXème siècle en même temps que se développaient les sciences sociales. La sociocritique est l’une des approches qui étudie ce rapport et par conséquent elle contribue à améliorer la compréhension des textes littéraires.

1- La sociocritique :

La sociocritique est un outil d’analyse de l’œuvre littéraire qui s’attarde à l’univers social présent dans le texte, elle cherche à placer la littérature dans son contexte social mais aussi à comprendre le rapport du texte à son environnement qui est l’extra-texte. L’originalité de cette dernière est de d’écrire et d’établir les rapports entre la société et l’œuvre littéraire. Le mot sociocritique est né en 1971 et utilisé pour la première fois en 1974 par Claude Duchet dans un article intitulé Pour une sociocritique ou variation sur un incipit dans la Revue littéraire no 1Larousse.

La sociocritique est définie par Duchet en quatrième de couverture de son ouvrage intitulé Sociocritique comme suit : « La sociocritique est l’étude du discours social- modes de pensées, phénomènes de mentalité collective, stéréotypes et présupposés- qui s’investit dans l’œuvre littéraire y compris l’œuvre de fiction ».

26

(32)

L’approche sociocritique à proprement dite s’est, peu à peu, constituée au cours des années soixante pour tenter de construire ce que Duchet appelle une «poétique de la socialité inséparable d’une lecture de l’idéologique dans sa spécificité textuelle »27. La sociocritique propose une lecture socio-historique du texte: « La compréhension est un problème de cohérence interne du texte qui suppose qu’on prenne à la lettre le texte, tout le texte et rien que le texte »28. Dans toute analyse socio-historique on accorde une attention particulière à la relation qu’entretient l’intra-texte avec l’extra-texte, c'est-à-dire tous les savoirs qui peuvent venir à la rencontre de ce texte. Dans Sociocritique, Claude Duchet écrit :

Effectuer une lecture sociocritique revient en quelque sorte à ouvrir l’œuvre du dedans, à reconnaître ou à produire un espace conflictuel où le projet créateur se heurte à des résistances, à l’épaisseur d’un déjà là, aux contraintes d’un déjà fait, aux codes, et modèles socioculturels, aux exigences de la demande sociale, aux dispositifs institutionnels29.

La sociocritique a pour objet d’étude prioritaire le texte, comme le souligne Duchet: l’objet de la sociocritique «(…) est le dedans du texte c'est-à-dire l’organisation interne des textes, leurs systèmes de fonctionnement, leurs réseaux des sens, leurs tensions, la rencontre en eux de savoirs et de discours hétérogènes. »30. La sociocritique s’attache à étudier les marques du social dans les ouvres littéraires, son objectif donc est de démontrer que toute création artistique relève de la pratique sociale et par la même, elle est production idéologique, elle est un processus esthétique parce qu’elle reflète ou représente une telle réalité. Son but est donc de décoder la présence de l’œuvre au monde social, histoire, idéologique, politique appelée « socialité »: « C’est donc sa spécificité esthétique même, la dimension valeur des textes, que la sociocritique s’efforce de lire. Cette présence des œuvres au monde qu’elle appelle leur socialité. » 31

Après avoir présenté la sociocritique, nous allons dans ce qui suit, voir les premières théories sociologiques qui ont marqué le jour au début du vingtième siècle qui sont la théorie du reflet avec Pierre Macherey, et la théorie de la vision du monde avec George Lukacs. En rappelant l’origine de chacune de ces approches théoriques, leurs méthodes et

27 DUCHET Claude, Un article de wikipédia, l’encyclopédie libre, Source Internet, http://f. r

wikipédia.Org/wiki/ bureaucratie.

28 GOLDMANN Lucien, Marxiste et sciences humaines, Paris, Gallimard, 1970, p.62. 29 DUCHET Claude, Sociocritique, Paris, Fernand Nathan, 1979, p.4.

30 CROS Edmond, La sociocritique, L’ Harmattan, Paris, 2003, p.37. 31

(33)

leurs outils d’analyse, nous pourrons ainsi expliquer de quelle manière ces approches qui se complètent mais qui se distinguent les unes des autres pourraient être utiles à l’analyse de notre corpus Le gone du Chaâba.

2- La théorie du Reflet :

Au XIXème siècle, la littérature a connu un grand progrès ; des idées nouvelles, des différentes réflexions philosophiques, ainsi que le passage du Romantisme au Réalisme. Vers la fin de cette époque et au début du XXème siècle, la critique littéraire a marqué pour la première fois une approche sociologique de la littérature qui est la théorie du Reflet. D’abord la notion du reflet désigne la manière dont une œuvre d’art reproduit les réalités sociales. En ce sens, l’usage de ce concept est lié à une conception de la mimésis et de la représentation. Dans les approches sociales du littéraire, l’idée du reflet se rapporte plus précisément aux travaux des romanciers réalistes et aux théories marxistes.

La théorie du Reflet est une approche qui s’intéresse à l’étude des œuvres littéraires en général, et plus particulièrement elle propose d’analyser et d’interpréter le roman réaliste. Mais pourquoi se destine-t-elle à l’étude de ce genre de textes ?

Tout simplement parce que le roman réaliste est considéré comme un miroir qui reflète plus ou moins les conditions sociales d’un peuple ou d’un groupe d’individus à un moment précis de l’Histoire.

2-1- Méthode de la théorie du Reflet :

La théorie du Reflet consiste à analyser le roman réaliste en donnant une importance majeure à son ancrage sociologique et historique, suivant deux étapes :

Dans la première étape, elle sert à repérer et à délimiter la période historique et temporelle du roman, parce que l’œuvre littéraire ne peut être séparée de l’Histoire, comme dit Pierre Macherey: « l’œuvre littéraire n’a de sens que par rapport à l’Histoire, C’est dire qu’elle apparait dans une période historique et ne peut être séparée »32

. Autrement dit ; l’œuvre n’a de sens que dans son rapport à l’histoire. Elle est le fruit d’une période précise. Elle entretient avec l’histoire une relation nécessaire et réciproque. Au niveau de cette première étape, on distingue entre le temps réel et le temps fictif du texte romanesque. Généralement, on trouve le temps réel dans les romans autobiographiques et coïncide avec la période historique dans laquelle le roman a été écrit.

(34)

Le temps fictif, Quant à lui, c’est le temps de l’intrigue ou de la narration, lié à la fiction et s’oppose au temps réel. Goldenstein précise que :

Le temps de fiction, ou temps raconté, représente la durée du déroulement de l’action. Facteur déterminant, il permet à la fois la transformation des situations narratives et des personnages qui leur procurent un soutien figuratif. Selon les romans, il couvre une période de quelques heures, de quelques jours, d’un mois ou bien s’étend sur des années voire sur plusieurs générations d’une même famille33

.

En fait, dans certains cas, il y’a simultanéité entre le temps de l’œuvre et l’histoire. La simultanéité existe souvent entre la vie de l’auteur et le temps du récit dans les textes autobiographiques.

Dans la deuxième étape, dans sa relation à la littérature, les évènements historiques et sociaux ne sont pas toujours exprimés d’une manière explicite. Dans ce cas on parle d’une absence de spontanéité entre l’œuvre et l’Histoire, elle est cachée. L’Histoire dans l’œuvre littéraire n’est pas évoquée clairement, objectivement, mais signalée par des indices et des repères qui peuvent démasquer ce que l’auteur prend soin de cacher car l’objet de la littérature est la subjectivité, l’implicite, la fiction puisque l’écrivain ne fait que donner un point de vue sur l’Histoire. À travers cette recomposition fictive d’une époque historique et d’une société, on constate que le roman n’est pas un reflet identique de la réalité. L’image que donne l’auteur est le résultat d’une imagination, d’une appartenance socioculturelle, d’un point de vue…etc., l’œuvre littéraire n’est jamais un document historique, ce n’est pas un document strictement référentiel. « Le texte produit un effet de réalité. Plus exactement, le texte littéraire produit en même temps un effet de réalité et un effet de fiction, privilégiant tantôt l’autre, interprétant l’un par l’autre, mais toujours sur la base de ce couple ».34

Donc, l’image reflétée par l’œuvre littéraire n’est qu’un amalgame de fiction et de réalité, et non pas de fiction pure ou de réalité pure.

Dans notre roman Le gone du Chaâba, Azouz Begag interroge les injustices sociales que rencontrent les immigrés d’origine maghrébine, il reflète plus ou moins l’image des Beurs, les territoires obscurs d’une vie malmenée et misérable en décrivant avec intensité la pauvreté qui régnait dans le Chaâba dans lequel l’auteur est été élevé. Pour décrire

33 GOLDENSTEIN Jean-Pierre, Pour lire le roman, éd. J.Ducrot, Paris, 1985, p 106. 34 MACHERY Pierre, op.cit., p. 32.

(35)

encore plus ces conditions pénibles, les logements ne sont pas appelés « maisons », mais « baraques ». Le jeune narrateur décrit ce lieu :

Vu du haut du remblai qui le surplombe ou bien lorsqu’on franchit la grande porte en bois de l’entrée principale, on se croirait dans une menuiserie. Des baraquements ont poussé côté jardin, en face de la maison. La grande allée centrale, à moitié cimentée, cahoteuse, sépare à présent deux gigantesques tas de tôles et de planches qui pendent et s’enfuient dans tous les sens. Au bout de l’allée, la guérite des WC semble bien isolée. La maison de béton d’origine, celle dans laquelle j’habite, ne parvient plus à émerger de cette géométrie désordonnée. Les baraquements s’agglutinent, s’agrippent les uns aux autres, tout autour d’elle. Un coup de vent brutal pourrait tout balayer

d’une seule gifle. Cette masse informe s’harmonise parfaitement aux remblais qui l’encerclent35

.

D’autre part, ce roman nous montre la délinquance des enfants beurs à l’époque des années soixante, lorsque le camion de la poubelle arrive ; « […], il avance à très faible allure comme un dessert : un camion de poubelle majestueux, plein aux as, débordant de trésors de tous côtés »36. Les enfants y fouillent pour trouver des trésors notamment de la nourriture, mais aussi des chaussures ou des jouets. À travers cette description, on peut sentir l’importance de cet évènement, c'est-à-dire l’arrivée du camion de poubelle des Français, pour les habitants du Chaâba. Cela nous fait penser continuellement à leur situation misérable, à la pauvreté, voire la discrimination.

Dans cette œuvre, le Chaâba représente l’Algérie à l’intérieur de la Métropole, car elle donne la liberté d’y pratiquer les coutumes et les traditions algériennes ainsi que la possibilité de continuer à vivre comme en Algérie. D’abord, cela se remarque par le grand nombre de mots en arabe, car c’est évidement la langue utilisée dans le bidonville. Les enfants qui apprennent le français à l’école, parlent aussi cette langue, ou plutôt un mélange des deux. Cette production artistique est considérée aussi comme un miroir reflétant la culture arabe algérienne qui revient régulièrement, avec des références par exemple au mauvais œil et aux djnoun* : « Lorsque il fait noir, je sais qu’il ne faut pas aller aux toilettes, ça porte malheur et puis c’est là que l’on trouve les djnoun, les esprits malins »37.

35

BAGAG Azouz, op.cit., p.11.

36

Ibid., p.36.

* Dans les croyances arabes, les « djnoun » ou les « djinn » en arabe coranique sont des démons situés entre les anges et les êtres humains.

(36)

Le gone du Chaâba est un récit autobiographique, le temps employé dans cette œuvre littéraire est le temps réel. Cela se voit clairement dans ce roman, l’histoire du roman correspond au temps du souvenir: c’est la période historique dans laquelle le roman a été écrit.

Azouz Begag raconte son enfance jusqu' à l’âge adulte. Nous constatons que le présent et le passé avec les deux temps : le passé composé et l’imparfait sont prédominants dans ce roman. L’auteur évoque à travers ce roman sa vie enfantine, ses sentiments, ses pensées, en alternant cette histoire entre le passé et le présent pour rendre plus vivant les souvenirs. « La nuit s’enroule autour de notre maison. Un soir tranquille, ennuyeux, s’est encore écoulé. Assis sur une marche de l’escalier de la cuisine, j’attends le début du hit-parade, à la radio, avec Zohra »38.

« Depuis maintenant de longs mois, le prof a pris l’habitude de me faire parler en classe, de moi, de ma famille, de cette Algérie que je ne connais pas, mais que je découvre de jour en jour avec lui »39.

Le narrateur raconte rétrospectivement une histoire cohérente, les évènements relatés sont authentiques ainsi que les personnages évoqués dans ce roman. Il y’a des dates qui sont données explicitement ; « Nous avons déménagé le premier week-end du mois d’Août 1966 »40

. Dans cette œuvre autobiographique, on trouve une continuité des évènements et une succession des actions et aussi une simultanéité entre la vie de l’auteur et le temps du récit.

3- La Théorie de la vision du monde :

La vision du monde est une nouvelle orientation de la sociologie de la littérature, qui s’est émergée vers la fin des années vingt. Elle s’inspire des travaux philosophiques hégéliens selon lesquels un savoir absolu résulte de l’action de penser la vie.

De prime abord, le concept de la vision du monde a été proposé dans un contexte de changement social et économique provoqué par le Capitalisme. En effet, ce mode de gestion économique qui valorise l’argent et marginalise les valeurs humaines donne alors naissance à une vision particulière d’un monde où règnent l’individualisme, et l’éclatement des valeurs entre les hommes.

38 Ibid, p. 147. 39 Ibid, p. 204- 205. 40 Ibid., p. 157.

(37)

George Lukacs, un philosophe et une grande figure de la critique de la sociologie de la littérature, fût le premier qui a employé le concept de cette nouvelle recherche dans ses œuvres critiques qui s’appuyaient sur une analyse sociologique du texte littéraire en donnant une importance beaucoup plus à l’analyse de l’extra texte qu’au texte lui-même. Il a montré à travers ses différentes analyses que toute œuvre littéraire est le résultat d’un affrontement de diverses idéologies et non pas d’une idéologie dominante.

Dans le domaine de la littérature, c’est le nouveau roman qui a su le mieux exprimé la société. Les écrits de ce genre littéraire se déroulent dans un univers parfaitement organisé et structuré de façon à refléter l’image du monde capitalisme. Un monde où l’être humain est dégradé par les objets et les machines et remplacent même son rôle de personnage. Le héros qui n’arrive pas à supporter d’être amoindri, et qui fait l’impossible pour transformer est appelé par Lukacs et Goldman « héros problématique ». Goldman nomme son désir de changement, ou de voir le monde à travers ses aspirations « vision du monde » ou encore « conscience possible ».

Cette approche sociologique ne reflète pas un réel collectif mais plutôt une représentation personnelle de l’écrivain qui est souvent influencé par son idéologie, ses origines, son vécu et même l’Histoire.

La vision du monde préconisée par la conscience possible est un univers construit par l’écrivain à partir de la réalité. Entre « la conscience collective » qui représente l’extra texte et « la conscience possible » qui constitue l’intra texte, celle de l’imaginaire, elle n’est donc pas un simple reflet de la réalité sociale vécue, s’interposent les médiations. Celle-ci est un concept de la théorie de la vision du monde, conçue par George Luckacs et qui porte sur le désir de l’écrivain de transformer le monde en lui imposant son propre idéal, ses propres aspirations.

Les médiations qui s’interposent entre la conscience collective et la conscience possible qui permettent l’élaboration de la vision du monde de l’écrivain qui est le produit de ses aspirations idéologiques et esthétiques donnent un cachet spécifique à la conscience possible qui donne accès à la vision du monde de l’écrivain.

Le gone du Chaâba est un ouvrage qui s’appuie sur la relation entre les Français de souche et les immigrés et leurs enfants dans la société française. Il montre la difficulté d’accéder à cette société quand les origines ne sont pas françaises, surtout si elles sont algériennes, l’Algérie reste un cas sensible pour les Français.

Références

Documents relatifs

Jean Plaquevent, avec Sainte-Geneviève (1939) alimente le premier. Pour le second, le roman de Vera Barclay, Les Belles aventures de Pierre Le Louveteau permet au Seuil

L’accent mis sur l’intrigue est aussi présent dans le roman noir, roman souvent – mais pas nécessairement – policier qui propose une vision pessimiste d’un univers dans

Il s’agit d’une vision stigmatisée et violente donnée dans un récit de voyage dans lequel le narrateur nous raconte les aventures d’Auballe en Orient, un colon-voyageur

Notre objectif est de mettre en évidence que le site internet de communica- tion institutionnelle sur la démolition du camp de la Lande, lequel est présenté par le gouvernement

Le Premier ministre chef du gouver- nement, Anatole Collinet Makosso, a présenté, lundi 21 juin 2021, devant l’Assemblée nationale, le programme d’action gouvernemental dans

Dans ces conditions, on peut inverser les priorités auctoriales et comprendre la préface des Cahiers comme un récit premier, sur lequel les aventures de Le Golif se

« Depuis la plus haute Antiquité ou plutôt depuis le premier siècle avant Jésus Christ ( …) le roman raconte une histoire ;comme il se doit pour une œuvre littéraire mettant

C’est pour cette raison que les Aventures du capitaine Hatteras nous est paru être le roman idéal à analyser — et comparer : d’une part, il est une variation très distincte