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La préparation des interprètes à trois types de conférences (réunion scientifique, négociations au sein d'une organisation internationale et commission disciplinaire sportive)

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Master

Reference

La préparation des interprètes à trois types de conférences (réunion scientifique, négociations au sein d'une organisation internationale et

commission disciplinaire sportive)

CLEMENS, Kayo, MITZMACHER, Marlène

Abstract

Le présent mémoire porte sur la préparation à trois types de conférences interprétées en simultanée : une réunion scientifique, des négociations au sein d'une organisation internationale et une commission disciplinaire sportive. En nous appuyant sur des sources bibliographiques et les résultats d'un questionnaire, nous examinons les différentes stratégies de préparation et les outils utilisés par les interprètes de conférence pour faire face aux difficultés potentielles de chaque conférence.

CLEMENS, Kayo, MITZMACHER, Marlène. La préparation des interprètes à trois types de conférences (réunion scientifique, négociations au sein d'une organisation internationale et commission disciplinaire sportive). Master : Univ. Genève, 2013

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:35395

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Kayo Clemens Marlène Mitzmacher

La préparation des interprètes à trois types de conférences (réunion scientifique, négociations au

sein d’une organisation internationale et commission disciplinaire sportive)

Mémoire de Maîtrise

en vue de l’obtention de la Maîtrise universitaire en interprétation de conférence Faculté de traduction et d’interprétation de l’Université de Genève

Directeur de mémoire : Prof. Dr. Kilian G. Seeber Jurée : Mme Marina Korac-Rougemont

Octobre 2013

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Mots-clés

Préparation, interprétation simultanée, réunion scientifique, négociations, organisations internationales, commission disciplinaire, terminologie, glossaire

Abrégé

Le présent mémoire porte sur la préparation à trois types de conférences interprétées en simultanée : une réunion scientifique, des négociations au sein d’une organisation internationale et une commission disciplinaire sportive. En nous appuyant sur des sources bibliographiques et les résultats d’un questionnaire, nous examinerons les différentes stratégies de préparation et les outils utilisés par les interprètes de conférence pour faire face aux difficultés potentielles de chaque conférence. Ce mémoire est destiné aux personnes qui pourraient en tirer parti pour améliorer leur préparation, notamment les étudiants en interprétation et les débutants dans la profession, mais également les interprètes chevronnés et les chercheurs.

Coordonnées des étudiantes

Kayo Clemens

Faculté de traduction et d'interprétation Université de Genève

40, blvd du Pont-d’Arve CH – 1211 Genève 4 kayoclemens@yahoo.com

Marlène Mitzmacher

Faculté de traduction et d'interprétation Université de Genève

40, blvd du Pont-d’Arve CH – 1211 Genève 4

marlene.mitzmacher@gmail.com

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Remerciements

Nous souhaitons remercier chaleureusement le Professeur Kilian Seeber d’avoir encadré et orienté notre travail à ses différents stades et de nous avoir prodigué de précieuses recommandations.

Ce projet n’aurait pas non plus pu aboutir sans la contribution inestimable des professeurs et assistantes de la Faculté de traduction et d’interprétation qui ont accepté de répondre à notre questionnaire. Nous leur adressons ici nos plus sincères remerciements.

Un immense merci à Mesdemoiselles Laura Keller, Nathalie Loiseau et Magdalena Olivera Tovar-Espada de leur appui dans la rédaction de notre questionnaire. Merci également à Monsieur Séverin Hatt de nous avoir aidées à utiliser les outils statistiques et fait part de ses conseils.

Enfin, nous tenons bien sûr à remercier nos familles du soutien sans faille qu’elles nous ont apporté tout au long de notre Master, ainsi que nos camarades pour leurs encouragements et les moments inoubliables que nous avons passés ensemble.

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Table des matières

Mots-clés ... 2

Abrégé ... 2

Coordonnées des étudiantes ... 2

Remerciements ... 3

Table des matières ... 4

Table des figures ... 6

I) Introduction ... 7

II) Questionnaire ... 11

1. Méthode ... 11

2. Profil des interprètes interrogés ... 11

III) Difficultés potentielles pour l’interprète ... 14

1. Difficultés générales de l’interprétation simultanée ... 14

1.1. Difficultés inhérentes à l’interprétation simultanée ... 15

1.2. Éléments difficiles dans le discours d’origine ... 17

2. Difficultés spécifiques de chaque type de conférence ... 18

2.1. Réunion scientifique ... 19

2.2. Négociations au sein d’une organisation internationale ... 22

2.3. Commission disciplinaire sportive ... 25

2.4. Comparaisons ... 28

IV) Préparation ... 30

1. Introduction ... 30

2. Préparation thématique ... 32

2.1. Introduction ... 32

2.2. Méthodes générales pour les trois types de conférences... 33

2.2.1. Sources ... 33

2.2.2. Langue de la préparation thématique ... 37

2.3. Réunion scientifique ... 39

2.4. Négociations au sein d’une organisation internationale ... 41

2.5. Commission disciplinaire sportive ... 42

2.6. Comparaisons ... 44

3. Préparation terminologique ... 46

3.1. Introduction ... 46

3.2. Méthodes générales pour les trois types de conférences... 48

3.2.1. Sources ... 48

3.2.2. Glossaires ... 49

3.3. Réunion scientifique ... 57

3.4. Négociations au sein d’une organisation internationale ... 58

3.5. Commission disciplinaire sportive ... 59

3.6. Comparaisons ... 59

3.7. Gestion de la terminologie ... 60

3.7.1. Utilité d’une gestion terminologique et besoins des interprètes en la matière 60 3.7.2. Logiciels de bases de données terminologiques ... 63

4. Préparation communicative/situationnelle ... 68

4.1. Introduction ... 68

4.2. Méthodes générales pour les trois types de conférences... 69

4.3. Réunion scientifique ... 71

4.4. Négociations au sein d’une organisation internationale ... 72

4.5. Commission disciplinaire sportive ... 72

(6)

4.6. Comparaisons ... 73

5. Temps consacré à la préparation ... 74

6. Outils utilisés en cas de temps limité ... 75

V) Limites de la recherche ... 78

VI) Conclusion ... 79

Bibliographie ... 82

Ouvrages ... 82

Sites Internet ... 86

Annexe ... 89

Questionnaire ... 89

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Table des figures

Figure 1 : Répartition des personnes interrogées selon le sexe, en pourcentage... 12

Figure 2 : Années d'expérience des personnes interrogées ... 13

Figure 3 : Fréquence d'interprétation au cours des 12 derniers mois ... 13

(Échelle : 1 = Jamais, 5 = Souvent) ... 13

Figure 4 : Difficultés principales d’une réunion scientifique ... 21

Figure 5 : Difficultés principales des négociations ... 25

Figure 6 : Difficultés principales d’une commission disciplinaire ... 27

Figure 7 : Difficultés principales selon le type de conférence ... 29

Figure 8 : Utilisation des documents de conférence... 35

Figure 9 : Langue de la préparation thématique ... 38

Figure 10 : Outils de préparation à une réunion scientifique, classés par ordre de fréquence (Échelle : 1=Jamais, 5=Toujours) ... 40

Figure 11 : Outils de préparation à des négociations, classés par ordre de fréquence ... 41

(Échelle : 1=Jamais, 5=Toujours) ... 41

Figure 12 : Outils de préparation à une commission disciplinaire, classés par ordre de fréquence (Échelle : 1=Jamais, 5=Toujours)... 43

Figure 13 : Outils de préparation (Échelle : 1=Jamais, 5=Toujours) ... 45

Figure 14 : Termes et informations inclus dans les glossaires ... 51

Figure 15 : Classement des termes dans le glossaire... 53

Figure 16 : Élaboration des glossaires à la main ou sur support électronique ... 54

(Échelle : 1=Jamais, 5=Toujours) ... 54

Figure 17 : Impression des glossaires (Échelle : 1=Jamais, 5=Toujours) ... 55

Figure 18 : Utilisation des glossaires en cabine ou en dehors ... 56

(Échelle: 1=Jamais, 5=Toujours) ... 56

Figure 19 : Partage des glossaires avec les collègues (Échelle : 1=Jamais, 5=Toujours) ... 57

Figure 20 : « Avez-vous un système de gestion de la terminologie? » ... 62

Figure 21 : Système de gestion de la terminologie ... 63

Figure 22 : Types de support électronique utilisés pour l‘archivage de la terminologie ... 65

Figure 23 : Contenu des bases de données terminologiques ... 67

Figure 24 : Temps consacré à la préparation ... 75

Figure 25 : Préparation en cas de temps limité (moins de 3 heures) ... 76

(Échelle : 1=Jamais, 5=Toujours) ... 76

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I) Introduction

L’interprétation de conférence est apparue dans l’entre-deux-guerres mais a réellement commencé à se développer après la Deuxième Guerre mondiale (Herbert, 1978 in Gile, 1995, 11). Aux balbutiements de cette activité, les interprètes travaillaient uniquement dans les organisations internationales, alors qu’ils sont aujourd’hui appelés à intervenir dans de nombreux types de réunions interlinguistiques qui se caractérisent, d’une part, par le sujet traité et, d’autre part, par la quantité et la technicité des informations transmises (Gile, 1995, 12). Les interprètes s’attachent à substituer un discours de haut niveau formel et conceptuel en langue de départ par un discours en langue d’arrivée qui en rend les moindres détails, tout en conservant ce même haut niveau linguistique (Ibid.). Atteindre cet objectif passe bien entendu par la préparation qui, selon le Guide pratique de l’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC), constitue le second pilier de la qualité de la performance, après les conditions de travail (AIIC, 2008, en ligne). Par conséquent, il convient de se préparer de façon adaptée, minutieuse et approfondie à une conférence afin d’optimiser ses connaissances du contexte, du sujet et de la terminologie (Ibid.), entre autres. Le temps et l’effort qu’il est possible de consacrer à la préparation n’étant pas infinis, nous voulions établir, dans le présent mémoire, les difficultés inhérentes au travail de l’interprète ainsi que les stratégies mises en place lors de la phase préparatoire pour y remédier. Dans cette optique, nous avons décidé d’associer éléments théoriques et réponses à un questionnaire soumis aux professeurs et assistantes du Département d’interprétation de la Faculté de traduction et d’interprétation de l’Université de Genève, qui exercent tous le métier d’interprète, notamment sur le marché genevois.

À de nombreux égards, l’interprétation de conférence est un domaine très vaste, ce qui nous a amenées à délimiter le cadre de notre étude. En effet, il existe tout d’abord plusieurs modes d’interprétation de conférence : simultané, consécutif et chuchoté (Gile, 1995, 12).

Compte tenu de la fréquence des réunions interprétées en simultanée, qui consiste à écouter l’orateur depuis une cabine, à travers un casque, et à transposer son discours dans un microphone avec un décalage de une à quelques secondes (Ibid.), il nous a semblé particulièrement intéressant de nous pencher sur cette modalité d’interprétation. Par la suite, nous avons convenu de conserver les trois types de conférences figurant dans l’intitulé proposé par le Professeur Barbara Moser-Mercer : réunion scientifique, négociations et commission disciplinaire. Le terme « négociations » nous paraissant toutefois relativement large, il nous fallait le préciser. Notre questionnaire étant destiné à des interprètes travaillant à

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la Faculté de traduction et d’interprétation et exerçant donc notamment à Genève, ville qui accueille des organisations telles que l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Bureau international du travail1 (BIT), nous avons jugé bon de nous concentrer sur les négociations au sein d’organisations internationales. Néanmoins, les enseignements que nous avons tirés de nos lectures et les méthodes employées par les interprètes peuvent certainement s’appliquer à d’autres catégories de négociations.

Au fil de nos lectures, nous avons constaté que Daniel Gile faisait la distinction entre préparation continue et préparation ad hoc (1995, 126). Nous avons choisi d’aborder la seconde, plus ciblée par rapport à la préparation continue qui, par définition, se déroule tout au long de la carrière de l’interprète et est donc plus difficile à examiner. En outre, la préparation ad hoc intervient à trois moments : avant, pendant et après la conférence. Pendant la conférence, la préparation de l’interprète est nécessairement moins complète. Après la conférence, il s’agit de faire un retour en arrière en évaluant l’efficacité de la préparation avant la conférence et de conserver, ou non, les informations rassemblées pour en tirer parti ultérieurement. C’est donc avant le début de la conférence que la préparation de l’interprète sera la plus exhaustive. C’est pourquoi nous avons décidé de nous pencher sur cette phase, tout en incluant une parenthèse sur la gestion de la terminologie (partie 3.7.), qui se fait le plus souvent après la conférence. Enfin, nous avons déterminé les catégories de préparation ad hoc sur lesquelles nous voulions mettre l’accent : thématique, terminologique et communicative/situationnelle.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, définissons les trois types de conférences que nous étudierons ici. En premier lieu, comme son nom l’indique, une réunion scientifique rassemble des participants, issus non seulement du monde scientifique mais aussi parfois d’autres horizons, pour débattre de questions relatives aux sciences. On emploiera ici le terme

« sciences » dans une acception très large, regroupant notamment la physique, la chimie et les sciences de la vie (biologie, médecine, recherche pharmaceutique, etc.) (Le Petit Larousse illustré, 2004, 966). Une réunion scientifique se déroule sous de nombreuses formes (voir paragraphe 3.2.) et dans de multiples contextes (organisations internationales, institutions gouvernementales, associations, secteur privé, en grand ou petit comité, etc.). Pour illustrer la diversité de ces réunions, citons la Seconde réunion scientifique mondiale sur le trachome (OMS, 2003), le colloque scientifique « Autisme : parents et professionnels sur un

1 Pour une liste des organisations internationales à Genève, voir http://www.genevainternational.org/pages/fr

(consulté le 29 juillet 2013).

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pied d’égalité » (Autisme Genève, 2012) ou encore le Séminaire de physique corpusculaire (Université de Genève, 2013). Toutes ces réunions se sont tenues à Genève et donnent un aperçu de la variété des sujets auxquels peut être confronté un interprète basé dans cette ville.

Ensuite, comme nous l’avons déjà mentionné, nous aborderons les négociations uniquement dans le cadre d’organisations internationales. De manière générale, le terme

« négociations » désigne une « série d’entretiens, d’échange de vues, de démarches qu’on entreprend pour parvenir à un accord, pour conclure une affaire » et, plus particulièrement, un

« échange de vues soit entre deux puissances par l’intermédiaire de leurs agents diplomatiques, ou envoyés spéciaux et de leur gouvernement, soit entre plusieurs puissances, au cours de congrès ou conférences, en vue d’aboutir à la conclusion d’un accord » (Le Petit Robert, 2013, 1680). Habituellement, les décisions prises par une organisation internationale résultent d’un processus qualifié de « bargaining » (littéralement : marchandage), qui intervient entre les différents membres. Comme dans le cas des réunions scientifiques, les thèmes et objectifs sont extrêmement variés. En effet, on pourrait songer de prime abord aux négociations entre plusieurs groupes ou États membres concernant un différend ou l’élaboration d’un traité, mais les négociations peuvent aussi avoir trait à la publication d’un rapport, aux points à porter à l’ordre du jour ou encore aux nominations à un poste.

Enfin, penchons-nous sur les commissions disciplinaires sportives. Comme la plupart des associations sportives internationales ont leur siège en Suisse, elles constituent un employeur potentiel important pour les interprètes travaillant sur le marché helvétique. On y trouve entre autres la Fédération Internationale de Football Association (FIFA), l’Union européenne de Football Association (UEFA), l’Union Cycliste Internationale (UCI), la Fédération internationale de basketball (FIBA) et de nombreuses autres associations, ainsi que des organisations qui jouent un rôle clé dans le sport, telles la WADA (agence anti-dopage).

Chacune de ces associations comporte des organes de juridiction pour résoudre des litiges entre l’association et ses membres ou entre ses membres, et des non-membres assujettis à la réglementation de l’association. Le champ d’application, la composition et les compétences des organes de juridiction sont fixés dans les statuts et règlements des associations (Zen-Ruffinen, 2002, 484). En cas d’infractions disciplinaires, les associations disposent de mécanismes pour les sanctionner, une tâche qui revient aux instances disciplinaires. À titre d’exemple, la FIFA compte deux instances disciplinaires, à savoir la Commission de Discipline et la Commission de Recours. La première est « compétente pour sanctionner tous les manquements à la réglementation de la FIFA qui ne tombent pas sous la

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responsabilité d’autres autorités » et la seconde pour « se prononcer sur des recours contre toute décision de la Commission de Discipline que la réglementation de la FIFA ne déclare pas définitive ou ne soumet pas à un autre organe » (Articles 76 et 79 du Code Disciplinaire de la FIFA). L’UCI prévoit dans ses règlements un collège des commissaires et une commission disciplinaire pour sanctionner les infractions (Articles 12.2.005 et 12.2.013 du Règlement de l’UCI). Il s’agit dans ce cas d’une juridiction arbitrale, qui est une juridiction privée et spécialisée, et non étatique. Elle est régie en Suisse par la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) ainsi que la Convention de New York pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (Zen-Ruffinen, 2002, 500). La plupart des organisations sportives incluent dans leurs contrats avec les membres des clauses qui obligent les parties à recourir à l’arbitrage en cas de litige. Sinon, ces clauses sont inscrites dans les règlements de l’organisation (Valloni et Pachmann, 2012, 137). Celles-ci prévoient également dans de nombreux cas un recours auprès du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), reconnu dans les statuts de nombreuses associations sportives comme « seule autorité compétente pour juger en dernier appel des décisions prises par les instances internes » des associations (Dallèves et Baddeley, 1993, 63). Ainsi, tout recours à la justice ordinaire étatique est exclu pour les membres.

Les trois types de conférences maintenant définis, émettons plusieurs hypothèses.

Nous partons tout d’abord du principe que les conférences considérées présentent des difficultés tant communes que distinctes, ce qui justifie que les interprètes se servent aussi bien des mêmes outils que d’outils différents en fonction de la conférence préparée. Pour les réunions scientifiques, nous pensons que la principale difficulté réside dans la technicité des concepts et, partant, dans la terminologie spécifique, ainsi que dans les chiffes et formules. En ce qui concerne les négociations au sein d’organisations internationales, nous nous attendons à ce que les interprètes s’intéressent notamment à la phraséologie et à la rhétorique (sans doute différente selon l’origine de l’orateur) et cherchent à se familiariser avec les points de vue des participants. Enfin, s’agissant des commissions disciplinaires, les aspects relatifs au droit et au sport nous semblent particulièrement complexes. Nous prévoyons que les interprètes donnent la priorité aux documents et informations fournis par le client (y compris son site Internet) pour faire face à ces difficultés. Pour les trois types de conférences, nous estimons que les interprètes élaborent leurs propres glossaires. Pour les réunions scientifiques et les commissions disciplinaires, les interprètes consultent aussi principalement des sources spécialisées. Notre dernière hypothèse se rapporte à la durée de préparation : les interprètes

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consacrent davantage de temps à la préparation d’une réunion scientifique et d’une commission disciplinaire, des conférences qui nous paraissent plus techniques que des négociations.

II) Questionnaire

1. Méthode

En vue d’analyser la préparation d’interprètes professionnels aux trois types de conférences, nous avons produit un questionnaire comportant 19 questions. Pour ce faire, nous nous sommes appuyées sur les recommandations formulées par Moser-Moser (2008) ainsi que sur le mémoire rédigé par Nekic et Keller (2012). Afin que le questionnaire ne soit pas trop long à remplir – notre objectif étant d’obtenir le plus grand nombre possible de réponses – nous avons opté pour des questions à choix multiples sous forme de cases à cocher ou de tableaux où il s’agissait d’indiquer sa réponse à l’aide d’une croix. Dans certains cas, nous avons intégré des échelles de Likert, un type d’échelle ordinale qui permet de mesurer les attitudes ou les opinions. Les réponses y sont rangées par ordre hiérarchique et permettent de calculer des moyennes. Les personnes interrogées pouvaient choisir parmi cinq réponses possibles : Jamais (degré 1), Rarement (2), Parfois (3), Régulièrement (4) et Toujours (5).

Une échelle quelque peu différente a néanmoins été utilisée à la question 3, le degré 5 correspondant à « Souvent ».

Pour recueillir des suggestions et orienter nos questions définitives, nous avons envoyé un pré-questionnaire aux assistantes de la Faculté de traduction et d’interprétation de l’Université de Genève le 15 mars 2013. Nous avons fait parvenir notre questionnaire final le 23 avril 2013 à 35 professeurs et assistantes de la Faculté. Au total, 15 questionnaires (taux de réponse de 43 %) nous ont été retournés de façon anonyme. Nous présenterons ultérieurement les réponses obtenues.

2. Profil des interprètes interrogés

Les deux premières questions, que nous avons incluses car elles « ouvrent » généralement un questionnaire, portaient sur le sexe et le nombre d’années d’expérience.

Nous avons toutefois décidé de ne pas les commenter en détail et de ne pas effectuer de comparaisons compte tenu, respectivement, du déséquilibre entre le nombre de questionnaires

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soumis par des femmes (11, soit 73 %) et des hommes (3, soit 20 %), et des réponses relativement similaires indépendamment du niveau d’expérience.

Figure 1 : Répartition des personnes interrogées selon le sexe, en pourcentage

Ainsi, nous n’avons pas relevé de différences majeures liées au nombre d’années d’expérience s’agissant des stratégies et outils de préparation employés et du temps de préparation. Nous pouvons en déduire que l’interprète, quel que soit son degré d’expérience, consacre généralement un certain temps à la préparation lorsqu’il est amené à travailler dans chacun des trois types de conférences considérés puisque les sujets abordés varient considérablement. La moyenne d’expérience s’élève à 19,8, l’étendue à 39 (valeur minimale : 1, valeur maximale : 40) et l’écart-type (mesure de la dispersion autour de la moyenne d'un ensemble de données) à 12,8. Dix ans étant la durée jugée nécessaire pour devenir « expert » dans un domaine (Ericsson et al., 1993, Simon et Chase, 1973, in Ericsson, 2000, 193), nous avons réparti les interprètes interrogés en deux groupes dans la figure 2 : les interprètes ayant moins de dix ans d’expérience et ceux dont l’expérience dépasse dix ans.

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Figure 2 : Années d'expérience des personnes interrogées

Puis, nous nous sommes intéressées à la fréquence d’interprétation durant les 12 derniers mois. Nous avons ici utilisé une échelle de Likert comprenant les cinq possibilités susmentionnées pour chaque type de conférence. L’analyse des résultats montre qu’en moyenne, les interprètes interrogés ont travaillé « parfois », plutôt « parfois », et « rarement » lors de négociations, de réunions scientifiques et de commissions disciplinaires, respectivement.

Figure 3 : Fréquence d'interprétation au cours des 12 derniers mois (Échelle : 1 = Jamais, 5 = Souvent)

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La participation à des négociations est donc plus régulière et à une commission disciplinaire plus rare. Certaines personnes n’avaient jamais travaillé pour certains types de conférences au cours des 12 derniers mois. Par conséquent, dans certains cas, ces personnes n’ont pas répondu aux questions les concernant. Par ailleurs, l’un des interprètes interrogés était d’avis que l’expression « commission disciplinaire sportive » était restrictive compte tenu de la faible fréquence de ces conférences. De ce fait, cet interprète s’est demandé si nous faisions, par extension, référence à des réunions juridiques ou procédures judiciaires, ce qui aurait appelé des réponses par analogie. Cet interprète n’ayant pas procédé de la sorte, nous estimons que les personnes interrogées n’ont répondu aux questions correspondantes que si elles avaient déjà travaillé dans le contexte précis que nous mentionnions.

III) Difficultés potentielles pour l’interprète

1. Difficultés générales de l’interprétation simultanée

L’interprétation simultanée est une activité qui implique une multitude de processus cognitifs (Gile, 1995, 92) et qui s’exerce dans une situation de communication très précise.

Les difficultés qui en résultent sont à la fois inhérentes aux mécanismes cognitifs de l’interprétation simultanée, notamment la capacité limitée de la mémoire de travail et la simultanéité du processus, et engendrées par le transfert d’une langue à l’autre et donc d’une culture à une autre, ainsi que par certains éléments difficiles dans le discours d’origine. Selon Gile, « les difficultés de la transmission informationnelle en interprétation de conférence sont déterminées par trois éléments : la compétence linguistique de l’interprète, son aptitude intellectuelle en termes de réglage de l’équilibre entre les trois efforts de l’interprétation, et l’écart entre son bagage cognitif et terminologique et celui des autres participants » (1989, 655). Partant ici du principe que l’interprète maîtrise ses langues de travail et connaît suffisamment les spécificités culturelles des personnes parlant ces langues, nous nous pencherons d’abord sur les conditions particulières de l’interprétation simultanée, qui exigent notamment le « réglage de l’équilibre entre les trois efforts » (Ibid.), ce qui augmente considérablement toutes les autres difficultés, puis sur les stratégies de préparation que l’interprète adapte pour réduire « l’écart entre son bagage cognitif et terminologique et celui des autres participants » (Ibid.).

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1.1. Difficultés inhérentes à l’interprétation simultanée

Les difficultés inhérentes à l’interprétation simultanée découlent principalement de cette simultanéité et prennent de multiples formes. Là où le traducteur peut relire plusieurs fois la même phrase, l’interprète n’entend le message qu’une seule fois. Cela peut être perçu comme un avantage, permettant à l’interprète de saisir uniquement le sens de l’énoncé et de se détacher des mots, qui selon Seleskovitch représentent plutôt une entrave et non une aide à la compréhension et la reformulation (Seleskovitch, 1968, 50). Cependant, si l’interprète n’a pas saisi le sens à la première écoute, il n’aura ni de deuxième chance pour mieux comprendre, ni le temps d’entreprendre des recherches (Seleskovitch et Lederer, 2001, 151). Comme en interprétation consécutive, l’interprète « exprime des idées qui ne sont pas les siennes » (Gile, 1995, 89) et doit donc être intellectuellement à la hauteur de l’orateur afin de pouvoir suivre son raisonnement (Seleskovitch, 1968, 112) tout en restant généraliste et non spécialiste (Ibid., 110-111). Par contre, alors qu’en interprétation consécutive, l’interprète aura entendu au moins une partie du discours avant d’entamer son interprétation, en simultanée, il n’aura pas le temps de « digérer » le message à transmettre et, éventuellement, de chercher une bonne façon de le rendre (Ibid., 71). En effet, il devra réagir instantanément à ce qu’il vient d’entendre et faire de son mieux pour reproduire fidèlement le message dans l’autre langue.

Cette « obligation de fidélité » (Gile, 1995, 90) peut engendrer des difficultés d’énonciation car l’interprète ne peut pas, à l’inverse de l’orateur, laisser son discours dévier ; sa marge de manœuvre dans la formulation est donc très limitée. De plus, l’interprète doit commencer à interpréter avant de posséder une vue d’ensemble du message, ce qui requiert l’adoption de stratégies, en particulier d’anticipation (Kalina, 1998, 117). En outre, il ne travaille pas à son rythme, mais doit suivre celui de l’orateur (Seleskovitch, 1968, 206), rythme qui varie selon l’orateur et peut même fluctuer pendant un même discours. Une autre difficulté est

« l’omniprésence auditive de la langue originale (…) qui tend à lui imposer ses formes et son mode de fonctionnement » (Seleskovitch et Lederer, 2002, 133). L’interprète doit donc constamment coordonner les deux langues et lutter contre les interférences linguistiques (Gile, 1995, 91). Par ailleurs, en simultanée, l’interprète se trouve dans une cabine isolée, souvent loin des délégués, et ne peut donc pas observer leurs réactions et s’y adapter. Faute de ce contact direct, l’interprète doit veiller à une plus grande précision et spontanéité de son énoncé (Seleskovitch, 1968, 206).

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1.1.1. Modèle des Efforts

De nombreux modèles ont été élaborés pour décrire les processus mentaux qui interviennent lors de l’interprétation simultanée (Gile, 1997, 196). Selon le modèle des Efforts de Gile (1997), l’interprétation simultanée est composée de trois principaux « efforts » : l’effort d’écoute et d’analyse, l’effort de mémoire et l’effort de production (plus l’effort de coordination des trois efforts). L’interprète doit répartir ses capacités de traitement entre ces trois efforts. Les capacités nécessaires varient selon les segments du discours, ce qui nécessite une adaptation constante de la part de l’interprète. À titre d’exemple, si l’interprète a besoin de consacrer davantage de capacités à l’écoute (comme lorsque l’orateur a un accent), il lui restera moins de capacités pour réaliser les deux autres efforts. Il est donc possible qu’il perde de l’information (manque de capacités de mémoire) ou que sa production contienne des erreurs grammaticales. Ainsi, pour que l’interprétation se déroule sans heurts, les capacités disponibles pour chaque effort doivent être égales ou supérieures aux capacités requises (Gile, 1995, 100).

1.1.2. Mémoire de travail

Selon le modèle des Efforts de Gile (1997), la difficulté principale de l’interprétation simultanée résiderait donc dans la nécessité de répartir des capacités mentales disponibles et limitées entre trois efforts au minimum. Cette division concerne principalement la mémoire de travail. D’après Baddeley (1997, 52), la mémoire de travail comporte trois éléments : le système exécutif central (« central executive »), responsable du traitement et du stockage de l’information, et de l’interaction avec la mémoire à long terme ; ainsi que deux systèmes supplémentaires (« slave systems »), à savoir la boucle phonologique (« phonological loop ») pour le stockage d’information verbale pendant une durée restreinte, et le « calepin visuo- spacial » (« visuo-spatial scrachpad or sketchpad ») (Guichart-Gomez, 2006, en ligne) pour le stockage temporaire des informations visuelles et spatiales (Baddeley, 1997, 52 ; Moser- Mercer, 1997, 155). Dans son modèle du processus de l’interprétation simultanée, Gerver évoque également une division de la mémoire en une mémoire tampon à court terme (« short- term buffer memory ») pour la réception de l’information, une mémoire de travail à plus ou moins court terme (« relatively short-term working memory ») pour la transformation de l’information (décodage de la langue de départ, recodage en langue d’arrivée), une mémoire tampon à court terme pour la gestion de la production (« short-term output buffer memory »), ainsi que l’interaction constante de ces trois parties avec les connaissances stockées dans la mémoire à long terme (« long-term storage ») (1976, 191). Le modèle de Moser-Mercer

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suppose en outre une mémoire de travail ou mémoire à court terme, nommée « generated abstract memory » (GAM). Les informations entrantes sont constamment traitées dans un processus de décodage-recodage, rendu possible par une interaction permanente avec les informations syntactiques et sémantiques de la langue de départ et d’arrivée, ainsi que toutes autres connaissances stockées dans la mémoire à long terme (Moser-Mercer, 1987, 354-356).

La mémoire de travail est capable de retenir environ sept mots pendant quelques secondes.

Pendant cette courte durée, elle permet de mobiliser les connaissances et d’extraire le sens de l’information, sans en garder l’expression linguistique mot pour mot (Seleskovitch et Lederer, 2001, 144-145), pour ensuite reformuler ce sens dans la langue d’arrivée. Cependant, les noms propres, sigles, chiffres et termes techniques doivent être transcodés immédiatement pendant la « rémanence acoustique » de quelques secondes, car il est difficile d’en extraire le sens et de le reformuler avec ses propres mots (Ibid.).

À partir du modèle des Efforts de Gile, il est possible de rattacher à chacun de ces efforts une multitude de facteurs qui sont à l’origine de l’effort nécessaire. Ainsi, le degré d’effort nécessaire pour l’écoute et l’analyse dépend notamment de la qualité du son et de la qualité de production de l’original (articulation, accents, etc.). L’effort de mémoire varie entres autres selon la densité et le degré de complexité de l’information (perception subjective suivant les connaissances stockées dans la mémoire à long terme). Enfin, l’effort de production est principalement lié aux capacités linguistiques (aptitude à se servir de la terminologie et phraséologie adaptées à la situation). Si l’un des efforts nécessite plus de capacité de traitement, cela réduit inévitablement les capacités disponibles pour les autres efforts.

1.2. Éléments difficiles dans le discours d’origine

Ces difficultés inhérentes aux mécanismes de l’interprétation simultanée sont souvent renforcées par d’autres éléments difficiles dans le discours d’origine. Le degré de difficulté peut osciller en fonction des langues de départ et d’arrivée et du sens de l’interprétation (Gile, 1984, 23). Les éléments difficiles peuvent être divisés en difficultés de forme et de fond (Carrion Valencia et Bismuth Niouky, 2011, 21).

L’énoncé de l’orateur peut inclure des difficultés de forme, notamment un débit et une densité élevés, une intervention lue, ou encore l’accent ou l’intonation (Gile, 1989, 649 ; Carrion Valencia et Bismuth Niouky, Ibid.). Une intervention lue est souvent plus rapide et dense car elle contient moins d’hésitations et de redondances naturellement présentes dans un

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discours improvisé (Gile, 1984, 22). Un accent inhabituel, une intonation inadaptée ou un manque d’intonation vont aussi user l’effort d’écoute et d’analyse.

Parmi les difficultés de fond, citons une syntaxe qui demande un changement d’ordre dans la langue d’arrivée, les phrases longues avec subordonnées multiples, une logique peu claire ou incohérente, les énumérations, les noms propres inconnus ou composés (par exemple le nom d’une organisation), les termes techniques, les chiffres, les abréviations, les dictons, les citations, les jeux de mots, les plaisanteries, etc. (Gile, 1984, 20 et 23 ; Seleskovitch et Lederer, 2001, 139).

Les trois efforts sont mis à rude épreuve si le contenu du discours présente à la fois un haut degré de technicité et une quantité importante d’informations (Gile, 1989, 655). S’y ajoute la rapidité, qui accroît considérablement les besoins en capacités de traitement des trois efforts (Gile, 1985, 200). L’équilibre précaire entre les trois efforts est donc rompu, entraînant des « incidences », telles que des omissions, faux-sens, contresens ou erreurs, qui peuvent être conscientes ou inconscientes (Gile, 1984, 20-21).

Ainsi, afin d’éviter une surcharge de capacités nécessaires (saturation), et donc de réduire le nombre d’incidences, l’interprète cherche à alléger la charge de chaque effort, surtout grâce au travail de préparation. La préparation vise à transférer des processus cognitifs mentaux indispensables pour l’interprétation vers la phase avant l’interprétation (Kalina, 1998, 203). Pour ce faire, l’interprète doit d’abord identifier les difficultés spécifiques de la conférence en question afin de pouvoir adopter la bonne stratégie de préparation.

2. Difficultés spécifiques de chaque type de conférence

Lors de la rédaction de notre questionnaire, nous avons élaboré une liste de difficultés potentielles spécifiques à chaque type de conférence à partir de nos diverses lectures et des réponses fournies par les assistantes via un pré-questionnaire. En voici le détail : concepts techniques, terminologie spécialisée, chiffres/formules, citations, jargon, logique de l’argumentation, concepts juridiques, sigles/abréviations, aspects rhétoriques et spécificités culturelles. Il était également possible d’indiquer des difficultés supplémentaires dans la section « Autres ». Sur les 15 personnes interrogées, 13 ont répondu à la question pour les réunions scientifiques et les négociations, et 12 pour les commissions disciplinaires, assurant ainsi une certaine représentativité. Pour chaque conférence, le pourcentage se rapporte au nombre de personnes, parmi celles ayant répondu, qui estiment que ce point constitue l’une des difficultés majeures.

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2.1. Réunion scientifique

Au Chapitre IV (« Conditions d’engagement et de travail ») de l’accord régissant les conditions d’emploi des interprètes de conférence rémunérés à la journée, conclu entre l’AIIC et les Organisations Coordonnées, il est précisé que « pour les réunions scientifiques […], il sera mis en place une grande équipe rémunérée au taux majoré » (AIIC, 2007, en ligne). Cette simple indication témoigne déjà de la complexité de ces réunions, dont le caractère extrêmement spécialisé rend la tâche de l’interprète particulièrement ardue. En effet, à l’occasion de telles conférences, l’interprète sera confronté à un vocabulaire très pointu (AIIC, 2010, en ligne) car il se trouvera généralement en présence de spécialistes du domaine qui maîtrisent à la perfection tous les concepts abordés. Les intervenants s’expriment dans ce que Jean-Luc Descamps qualifie de « langue de spécialité », c’est-à-dire « un langage pratiqué par une collectivité pour répondre à ses besoins spécifiques d’intercommunication » (Durieux, 2010, 25). Un tel langage peut comporter un vocabulaire ésotérique, par exemple en médecine.

Ainsi, un spécialiste évoquera « une nécrose myocardique due à un syndrome coronarien là où un profane devra comprendre destruction des fibres musculaires du cœur due à une mauvaise irrigation de celui-ci » (Ibid.). De même, Seleskovitch et Lederer font valoir que les discours des orateurs ne sont pas adaptés aux interprètes étant donné que ces derniers n’en constituent pas le public cible. Dans ce type de discours, les arguments « sont rarement très explicites pour des non-initiés » (2002, 90) et il est difficile de déceler spontanément le contenu implicite et les subtilités. L’interprète doit donc être en mesure de percevoir ce que les discours n’explicitent pas, en acquérant des compléments de connaissance. Compte tenu de cette difficulté, la préparation sera particulièrement approfondie, une recherche terminologique ponctuelle étant insuffisante et devant être complétée par une recherche documentaire plus vaste qui permet de s’informer et de relever les usages spécifiques (Durieux, 2010, 24).

En outre, selon Gile (1989), les concepts techniques (parmi lesquels nous pouvons inclure les concepts scientifiques) présentent deux sortes de difficultés : d’une part, le haut degré de technicité, et d’autre part, la quantité importante d’informations transmises, qui peuvent d’ailleurs être sous-jacentes (références évidentes pour les spécialistes mais pas pour les autres). Or, les interprètes ne disposent pas forcément d’un bagage scientifique même s’ils suivent l’actualité des sciences. Par conséquent, il se peut qu’ils ne possèdent que des connaissances rudimentaires sur le sujet en question, voire qu’ils n’en aient encore jamais entendu parler. C’est pourquoi, s’agissant en particulier de la médecine, certains interprètes suivent une formation complémentaire axée sur des domaines hautement spécialisés dans

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lesquels ils sont souvent appelés à travailler, une formation jugée idéale par Barkowski (2007, 157). L’Université de Géorgie aux États-Unis propose par exemple un programme de 30 heures de cours destiné aux interprètes médicaux et sanctionné par un certificat.

Comme nous le verrons ci-dessous, les personnes que nous avons interrogées estiment que les principales difficultés d’une réunion scientifique résident dans la terminologie spécialisée et les concepts techniques. Pour ces deux catégories, les pourcentages étaient nettement supérieurs à ceux enregistrés pour les négociations (figures 4 et 5). Ces résultats vont dans le sens de la théorie de Gile (1995) selon laquelle le vocabulaire technique dans les conférences internationales comporte des dimensions très variables : insignifiant dans certaines réunions à caractère politique ou administratif, il atteint couramment plusieurs centaines de mots dans les colloques scientifiques. De plus, ces termes spécialisés sont très condensés (usage fréquent d’acronymes, entre autres), ce qui oblige l’interprète à faire preuve de davantage de concision (Barkowski, 2007, 160).

Par ailleurs, Seleskovitch et Lederer sont d’avis que les termes techniques « peuvent passer d’une langue à l’autre par application de correspondances pré-existantes » (2002, 29).

Pour ce faire, l’interprète s’appuiera sur les fiches terminologiques réalisées en amont de la conférence. Ce caractère transcodable ne veut néanmoins pas dire qu’il n’est pas nécessaire de comprendre. En effet, plus les thèmes sont complexes, « plus les discours risquent de se réduire aux mots qui les composent » pour les non-spécialistes (2001, 87), d’où le besoin de bien cerner les différents concepts auxquels les termes font référence. Barkowski fait d’ailleurs remarquer qu’il est impossible d’avoir recours à la stratégie d’urgence consistant à

« se dérober » et à retomber dans le général (2007, 132). Cette remarque concerne spécifiquement le domaine médical mais nous pouvons l’étendre aux réunions scientifiques dans leur ensemble. Pour ce qui est des chiffres, Seleskovitch et Lederer estiment que la difficulté résulte de l’écoute différente qu’ils exigent. Ainsi, « lorsqu’ils ne s’associent pas à des connaissances antérieures, faute par conséquent de susciter des compléments cognitifs, ils ne présentent à l’audition que leur forme. Or, on sait qu’une forme n’est guère discernable si, partiellement perçue, elle ne réveille pas une connaissance chez l’auditeur qui la complète alors par suppléance mentale. » (2002, 29).

Enfin, citons quelques autres difficultés majeures relevées par Barkowski (2007, 136 et suivantes) : dans le domaine scientifique, les liens avec d’autres spécialités sont fréquents, le contexte évolue rapidement et les informations sont constamment actualisées. L’interprète doit donc toujours se maintenir à flot des dernières évolutions. S’agissant du matériel de préparation, l’interprète recevra le plus souvent des présentations PowerPoint qui laissent

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davantage de marge de manœuvre à l’orateur qu’un discours écrit (Ibid., 148) et constituent une source moins complète. L’usage fréquent de présentations PowerPoint peut d’ailleurs poser problème à l’interprète si ce dernier n’est pas en mesure de bien voir les diapositives depuis la cabine. Nous y reviendrons dans notre section consacrée à la préparation communicative/situationnelle.

Figure 4 : Difficultés principales d’une réunion scientifique

Pour résumer nos résultats, les principales difficultés d’une réunion scientifique sont, conformément à nos attentes, la terminologie spécialisée (100 %), les concepts techniques (92 %), les chiffres et formules (69 %), ainsi que les sigles et abréviations (62 %).

Inférieurs à 50 % (limite que nous avons fixée pour évaluer l’importance d’une difficulté), les autres éléments semblent secondaires. Apparemment, les concepts juridiques ne constitueraient même pas du tout une difficulté (figure 4). Nous pouvons avancer plusieurs hypothèses pour expliquer que certains aspects ne soient pas considérés comme des difficultés potentielles majeures. À titre d’exemple, la « ligne de démarcation » entre la terminologie spécialisée et le jargon, c’est-à-dire le langage propre à la communauté scientifique, étant relativement floue, il est possible que les personnes interrogées aient préféré opter plus généralement pour la première possibilité. S’agissant des aspects rhétoriques, ils jouent un rôle mineur dans ce contexte étant donné que les parties présentes auront peut-être tendance à

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rester dans le concret. Les spécificités culturelles ne ressortiront pas non plus autant que lors de négociations, entre autres. En effet, les différences constatées entre les participants découleront sans doute davantage de leur formation et du poste qu’ils occupent que de leurs origines.

2.2. Négociations au sein d’une organisation internationale

Avant toute chose, des négociations sont intrinsèquement teintées d’une forte dimension rhétorique. Dans l’Encyclopédie de Diderot, la rhétorique était définie comme

« l’art de parler sur quelque sujet que ce soit avec éloquence et avec force […] pour persuader » (1751, nd, in Études Littéraires, en ligne). Dans cette optique, les arguments sont exposés de manière ordonnée et efficace, et mis en valeur par les mots, la diction et les gestes (Études Littéraires, en ligne). Certes, le public ne verra pas les gestes de l’interprète, mais pour les autres points, l’interprète devra poursuivre le même dessein que l’orateur : convaincre. Il peut être difficile pour l’interprète de rendre une argumentation et une rhétorique qui ne sont pas les siennes. Ainsi, parmi les personnes interrogées via notre questionnaire, respectivement 69 et 62 % d’entre elles jugent les aspects rhétoriques et la logique de l’argumentation particulièrement complexes.

En outre, par définition, les négociations que nous avons examinées se déroulent dans un cadre international et rassemblent des participants originaires de multiples pays, qui n’ont pas nécessairement la même vision et culture des négociations. Pour 62 % des personnes interrogées, les spécificités culturelles constituent l’une des principales difficultés de ce type de négociations. D’après Asselin et Mastron, théoriquement, « lorsque les deux parties en présence travaillent pour la même organisation, elles devraient être en mesure de parvenir à un accord plus facilement puisqu’elles partagent […] les mêmes objectifs » (2004, 281).

Divers intérêts peuvent être représentés, mais l’objectif commun est d’arriver à un accord et de maintenir la coopération internationale. « Les valeurs culturelles, les attentes et les croyances sous-tendent [souvent] la façon dont les négociations sont conduites et conclues » (Ibid.). L’interprète doit tenir compte de ces éléments dans son interprétation et prêter une attention toute particulière au cheminement et à la structure de l’argumentation de chaque orateur pour rendre parfaitement ses intentions. En effet, lors de réunions informelles, les représentants officiels auront pu établir des contacts préalables, échanger des informations et découvrir leurs idiosyncrasies et style respectifs (Blair, 1993, 23), ce que ne pourra pas faire l’interprète. Par conséquent, au-delà de ses compétences linguistiques irréprochables,

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l’interprète doit connaître la culture des intervenants et être apte à « décoder la communication à haute teneur contextuelle et non verbale » (Asselin et Mastron, 2004, 281).

De plus, l’interprète doit être tout à fait conscient du contexte (Blair, 1993, 90) pour comprendre les facteurs qui contribuent à la réussite des négociations (causes du différend, parties prenantes, processus de prise de décisions, etc.). En définitive, l’interprète concourt à l’aboutissement des négociations et, partant, à la stabilité du système international et des relations de coopération fructueuse entre ses membres (Ibid., 23). Il joue donc un rôle central, qui lui confère une grande responsabilité vis-à-vis des participants.

Par ailleurs, les sujets portés à l’ordre du jour des négociations internationales se sont considérablement élargis (Ibid.). En outre, différents domaines interagissent : les questions écologiques et humanitaires doivent par exemple être prises en compte lors de négociations commerciales (Ibid., 24). L’une des difficultés de l’interprétation consiste dès lors à faire le lien avec d’autres domaines.

L’utilisation prédominante de l’anglais en tant que lingua franca (« English as a lingua franca » ou ELF) au sein de ces organisations peut aussi poser problème. En effet, l’anglais constitue la langue la plus souvent parlée lors de conférences (Albl-Mikasa, 2010, 126). Nombreux sont les intervenants qui n’ont pas la possibilité de s’exprimer dans leur langue maternelle et optent pour l’anglais puisque le nombre de langues officielles est limité, sauf au sein de l’Union européenne. Les difficultés sont d’abord d’ordre acoustique car les accents sont parfois malaisés à comprendre (Ibid., 130). La compréhension pourrait donc exiger un effort d’analyse supplémentaire, qui empêche d’anticiper la suite du discours et réduit les capacités disponibles pour les autres efforts. Pour ce qui est du contenu linguistique du discours, Albl-Mikasa a établi, sur la base d’un questionnaire envoyé à des interprètes professionnels, que les maladresses suivantes pouvaient survenir : structures grammatico- syntaxiques inadaptées, structures elliptiques, modes d’expression inhabituels, imprécisions/formulations floues, mauvaise intonation et langage globalement limité (Ibid., 134). Gile ajoute que des difficultés d’interprétation découlent de « la vitesse excessive de certains orateurs » (1984, 19-20), en particulier lorsque les discours sont lus, ce qui est régulièrement le cas dans les organisations internationales. Une éventuelle association entre cette vitesse de parole et l’expression de l’orateur dans une langue qui n’est pas la sienne s’avèrera particulièrement ardue pour l’interprète.

Afin d’identifier d’autres difficultés majeures, penchons-nous maintenant sur les autres réponses à notre questionnaire. Genève étant centre de négociations et d’organisations internationales (Dembinski-Goumard, 2003), les interprètes que nous avons interrogés ont de

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l’expérience dans ce contexte et connaissent donc les difficultés y afférentes. En effet, au cours des 12 derniers mois, onze des 15 interprètes interrogés ont travaillé pour ce type de négociations. En moyenne, 62 % des personnes considèrent que les sigles et abréviations constituent une difficulté principale. Ils sont très courants au sein des organisations internationales, comme en témoigne la liste des sigles dressée par l’ONU2. Du fait de l’existence de nombreux traités et accords et des références au droit international, il n’est pas non plus surprenant que 62 % des interprètes jugent les concepts juridiques particulièrement difficiles. Ayant elle aussi recueilli 62 % des réponses, la logique de l’argumentation est une autre difficulté à laquelle doit faire face l’interprète. L’orateur cherchant à convaincre de la pertinence de ses arguments, il faudra accorder une attention particulière au cheminement de sa démarche. Le jargon a quant à lui été cité par 54 % des personnes. Les relations diplomatiques s’accompagnent en effet d’usages protocolaires mais aussi d’une certaine langue de bois. Enfin, d’après une interprète qui a travaillé « souvent » dans ce contexte durant l’année écoulée, l’humour, les sous-entendus, l’ironie et les métaphores présentent une difficulté. Pour les autres difficultés potentielles, les résultats s’élèvent à moins de 50 % (figure 5). Les négociations étant moins spécialisées que les deux autres types de conférences, nous nous attendions à ce que la terminologie spécialisée soit moins souvent mentionnée (46 %). Par contre, nous pensions que la catégorie « citations » (38 %) recueillerait davantage de réponses car nous estimions que les orateurs faisaient régulièrement référence aux textes pertinents pour rappeler, par exemple, les termes d’un accord ou les alinéas d’un texte à modifier.

2 Voir http://www.un.org/fr/aboutun/help/acronyms.shtml (consulté le 29 juillet 2013).

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Figure 5 : Difficultés principales des négociations

Par ailleurs, d’autres difficultés ont été soulignées par certaines personnes, à savoir la structure et le fonctionnement de l’organisation et le travail de rédaction avec un texte de résolution. Les résultats de notre enquête révèlent donc que les négociations au sein d’organisations internationales comportent des difficultés à plusieurs égards, bien qu’elles puissent sembler, au premier abord, poser moins de problèmes à l’interprète que les réunions scientifiques et les commissions disciplinaires en raison de leur plus faible degré de technicité (ce qui est certes le cas selon les interprètes puisque seuls 8 % d’entre eux ont coché les concepts techniques). Les négociations présentent toutefois des difficultés multiples par rapport aux autres types de conférences.

2.3. Commission disciplinaire sportive

Le travail d’un interprète auprès des instances disciplinaires des fédérations sportives peut être considéré comme de l’interprétation judiciaire, mais présente quelques particularités dues au caractère arbitral des instances disciplinaires, et au fait qu’il ne s’agisse pas d’une juridiction ordinaire nationale ou internationale, mais d’une juridiction interne des fédérations

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sportives ou, dans le cas du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), d’une institution arbitrale en dehors de la justice ordinaire (Valloni et Pachmann, 2012, 137).

En interprétation judiciaire, l’interprète a une très grande responsabilité car les décisions ont des répercussions directes sur la carrière sportive de l’athlète, ainsi que sur les clubs sportifs ou toute autre partie prenante (Driesen, 2008, en ligne). Le choix des mots ou d’une tournure a plus de poids que dans d’autres situations d’interprétation. Une exigence accrue en termes de fidélité et de précision en résulte. Ce facteur peut être une source de stress supplémentaire pour l’interprète.

Une grande difficulté de l’interprétation auprès des instances disciplinaires sportives est certainement la combinaison de deux domaines assez éloignés à première vue : le droit et le sport. L’interprète doit donc non seulement connaître la dimension juridique, mais aussi avoir une bonne connaissance de la discipline sportive en question. Il doit évidemment maîtriser le langage spécifique des deux domaines.

En ce qui concerne le volet juridique, l’interprète doit posséder des connaissances juridiques à la fois générales et spécifiques à la procédure en question. Comme les fédérations sportives disposent de règlements disciplinaires, les règles et le déroulement de la procédure sont connus par les parties. Cependant, les parties prenantes peuvent avoir des origines très diverses, et donc également des systèmes juridiques différents (par exemple common law et droit continental). Leurs conceptions et leurs raisonnements juridiques peuvent dès lors varier considérablement, ce que l’interprète doit prendre en compte dans la transmission des concepts, termes et raisonnements juridiques (Nekic et Keller, 2012, 33). Selon notre enquête, les concepts juridiques représentent la plus grande difficulté lors d’une commission disciplinaire. Ils ont été cités par 75 % des interprètes (figure 6).

L’apprentissage des aspects juridiques est intrinsèquement lié à l’apprentissage du langage juridique et vice versa (Kadrič, 2009, 39). Le langage juridique est une langue de spécialité et donc technique, comme le langage médical ou économique. Il se caractérise notamment par une combinaison de terminologie spécialisée et de vocabulaire du langage courant, un haut degré de précision et d’abstraction (grand nombre de substantifs), et présuppose la compréhension des concepts désignés (Simon et Funk-Baker, 1999, 28 ; Arntz, 2001, 208 et suivantes). De plus, il est en constante évolution, ce qui augmente sa difficulté (Schmidt, 1997, en ligne). Il est primordial de connaître et comprendre le contexte juridique car « un terme peut avoir une toute autre signification en droit que dans le vocabulaire courant, mais peut également avoir une autre signification en fonction de la matière juridique concernée » (Ibid.). À la différence d’autres langues de spécialité, utilisées

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principalement pour la communication entre les spécialistes du métier (par exemple entre chimistes), le langage juridique s’adresse à la fois aux juristes et aux citoyens, sujets de droit, pour qui le langage juridique est une sorte de langue étrangère (Arntz, 2001, 208 et Schmidt, Ibid.). De plus, lors d’une audience, les interprètes doivent constamment changer de registre, en passant de récits en langue courante, par exemple des témoignages, à la caractérisation juridique de ces faits (Nekic et Keller, 2012, 12).

Quant au volet sportif, l’interprète doit également connaître la discipline en question, et en maîtriser la terminologie et phraséologie. À nouveau, les deux sont intimement liés.

Ainsi, à titre d’exemple, la compréhension de la règle du « hors-jeu » facilitera la description des circonstances. La langue du sport a son propre vocabulaire technique selon les disciplines, elle est très idiomatique, riche en métaphores, avec son propre jargon, de nombreux anglicismes et éléments d’autres langues, ainsi que des néologismes (Burkhardt et al., 2009, 11 et suivantes).

Figure 6 : Difficultés principales d’une commission disciplinaire

Au-delà des concepts juridiques cités ci-dessus, 67 % des interprètes que nous avons interrogés estiment que la terminologie spécialisée constitue l’une des principales difficultés d’une commission disciplinaire, et 58 % considèrent que le jargon est difficile (figure 6). Ces deux difficultés peuvent porter à la fois sur le volet juridique et les aspects relatifs au sport.

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Les autres difficultés citées sont la logique de l’argumentation (33 %), les sigles et abréviations (33 %), les concepts techniques (25 %), ainsi que les chiffres et formules, les aspects rhétoriques, les spécificités culturelles, et les enjeux (ajoutés sous « autres »), qui ont été cités une fois chacun (8 %). Nous partons du principe que toute difficulté ayant recueilli moins de 50 % de réponses est négligeable. En ce qui concerne la logique de l’argumentation, nous nous attendions à ce qu’elle soit plus souvent considérée comme une difficulté majeure, mais les discussions lors d’une séance de commission disciplinaire tournent probablement autour de faits déjà établis, et les arguments sont soit sans importance, soit très prévisibles, d’où leur faible difficulté. Les sigles et abréviations ne sont probablement pas difficiles en raison de leur nombre limité pour chaque cas. Par ailleurs, nous n’avions pas précisé à quel domaine les concepts techniques pouvaient faire référence. Comme les concepts juridiques constituent la principale difficulté d’une commission disciplinaire, les interprètes interrogés ont peut-être compris par concepts techniques les concepts liés à la discipline sportive. Faute de précision, nous ne pouvons pas le vérifier, mais cela laisse supposer que les aspects juridiques sont plus difficiles que les aspects relatifs au sport.

La principale difficulté d’une commission disciplinaire est donc le côté juridique. Les interventions sont d’une technicité non négligeable et les participants emploient un jargon (juridique et/ou sportif). Comme dans le cas des réunions scientifiques, l’interprète n’est a priori un spécialiste ni du droit, ni du sport. Pour pouvoir néanmoins comprendre les propos des spécialistes et être à même de s’exprimer comme eux, l’interprète doit s’appuyer sur une préparation méticuleuse. Nous décrirons dans la partie suivante les différents aspects de la préparation et les stratégies adoptées par les interprètes.

2.4. Comparaisons

Nous constatons donc des différences très marquées selon le type de conférence. Ci- dessous les résultats supérieurs à 50 % pour chaque type de conférence qui indiquent, d’après notre barème, que la majorité des personnes interrogées pensent qu’il s’agit de l’un des principaux problèmes.

Réunion scientifique :

- Terminologie spécialisée/jargon (100 %) - Concepts techniques (92 %)

- Chiffres, formules (69 %) - Sigles, abréviations (62 %)

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Négociations :

- Aspects rhétoriques (69 %)

- Logique de l’argumentation (62 %) - Concepts juridiques (62 %)

- Sigles, abréviations (62 %) - Spécificités culturelles (62 %) - Jargon (54 %)

Commission disciplinaire : - Concepts juridiques (75 %) - Terminologie spécialisée (67 %) - Jargon (58 %)

Figure 7 : Difficultés principales selon le type de conférence

Comme nous l’avons signalé ci-dessus, ces résultats font apparaître d’importants écarts, qui reflètent clairement l’éventail des compétences dont doit disposer un interprète. Il devra adapter sa préparation à la conférence en tenant compte des principales difficultés qui l’attendent. À titre d’exemple, pour une réunion scientifique, il devra avoir un ordre d’idée

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des chiffres, connaître les formules essentielles, effectuer des recherches sur les concepts techniques et maîtriser les sigles et abréviations, alors que pour une commission disciplinaire, il mettra l’accent sur les aspects relatifs au droit ainsi que sur les termes et le jargon spécifiques. Pour ce qui est des négociations, on peut conclure que la préparation sera axée sur les tournures (registre plus soutenu, procédure, euphémismes, etc.), les sigles et les abréviations, les concepts juridiques et le jargon. Concernant le déroulement de l’argumentation, l’interprète ne peut pas le connaître dans son intégralité. En effet, même s’il a en sa possession tous les discours, il ne peut anticiper tous les arguments qui pourraient être avancés, sans compter qu’il pourrait y avoir des digressions. Il en va de même pour les spécificités culturelles. L’interprète peut consulter le profil des orateurs, se renseigner sur leurs origines et les stratégies de négociation spécifiques à chaque culture. Ainsi, l’Américain a la réputation de jouer au poker (possibilité de bluffer) et l’Anglais au bridge (langage codé), tandis que le Français serait fait pour jouer à la belote (tendance à dire ce qu’il pense) (Morel, 2007, 282). Difficile de savoir cependant si l’orateur sera « fidèle » aux spécificités culturelles que l’on pourrait attendre de lui. Par conséquent, comme c’est aussi le cas pour le cheminement de l’argumentation, l’interprète devra s’adapter et être particulièrement attentif pendant la conférence.

IV) Préparation

1. Introduction

Daniel Gile souligne qu’à l’inverse de la traduction écrite, au cours de laquelle l’on peut effectuer des recherches, l’interprétation requiert une préparation en amont. Lorsqu’il passe la porte de la cabine, l’interprète doit déjà avoir réuni les informations dont il aura besoin étant donné qu’il disposera d’un temps très restreint une fois son interprétation commencée et qu’il ne pourra plus aller glaner ces données (1995, 126). Certes, grâce à des évolutions technologiques telles que la tablette tactile et l’ordinateur portable, l’interprète peut aujourd’hui combler ses lacunes « sur le vif ». Néanmoins, si elles sont trop fréquentes, ces recherches peuvent devenir contre-productives (bruit, déconcentration, etc.) (Quicheron, en ligne). C’est pourquoi nous avons choisi de mettre en exergue la phase que Gile appelle

« préparation avant la conférence » (par opposition à la préparation de dernière minute et la préparation en cours de conférence) car c’est celle qui réserve la plus grande marge de manœuvre à l’interprète (1995, 127).

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