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La carrière de l’architecte genevoise Anne Torcapel (1916-1988).Tentative d’inventaire

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Master

Reference

La carrière de l'architecte genevoise Anne Torcapel (1916-1988).Tentative d'inventaire

CHEVALLEY, Guy

Abstract

Ce mémoire sort de l'oubli Anne Torcapel, une architecte genevoise connue des spécialistes mais de façon superficielle, dont la carrière s'avère de grande importance. Au terme de la recherche l'inventaire de ses oeuvres recense 47 villas, 16 immeubles, 10 réalisations autres et 30 opérations de transformations. Le modèle prégnant de la « villa genevoise », peu documentée, se dégage de l'ensemble de cette production remarquable par sa bienfacture.

Formée aux Beaux-arts, engagée dans les milieux associatifs philanthropiques, Anne Torcapel construit autant pour les grandes familles du cru que pour les plus démunis et sans jamais renoncer à ses exigences de qualité.

CHEVALLEY, Guy. La carrière de l'architecte genevoise Anne Torcapel (1916-1988).Tentative d'inventaire. Master : Univ. Genève, 2012

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:33884

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Mémoire de maîtrise universitaire en histoire de l’art

La carrière de l’architecte genevoise Anne Torcapel (1916-1988).

Tentative d’inventaire.

Guy Chevalley

Travail mené sous la direction de Leila el-Wakil,

Maître d’enseignement et de recherche en histoire de l’art

Faculté des Lettres, Université de Genève

Guy Chevalley 5, chemin de Vers 1228 Plan-les-Ouates guychevalley@hotmail.com

Genève, juillet 2012 n° étudiant : 04-330-445

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Page précédente :

Portrait d’Anne Torcapel, années 1970 (archives de la famille Dottrens).

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Table des matières

1ère partie

1. Introduction générale 2. Eléments biographiques 3. Organisation professionnelle 4. Portrait d’une clientèle 5. Activité de l’architecte

a. Répartition temporelle et géographique b. Villas

c. Immeubles

d. Autres constructions e. Transformations 6. Style et options théoriques

7. Conclusion : les enjeux de genre d’une carrière d’architecte 8. Bibliographie

9. Remerciements

2ème partie

1. Introduction aux fiches d’inventaire 2. Fiches d’inventaire

3. Note sur les cas non attestés 4. Liste des illustrations

5. Annexes

a. Liste des réalisations d’Anne Torcapel, établie par Evelyne Lang b. Liste des autorisations au nom de Torcapel, établie par le DTP c. Liste des mandataires d’Anne Torcapel

d. Synthèse des interventions d’Anne Torcapel (situation, datation, type)

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1

ère

partie

1. Introduction générale

Le présent travail trouve son origine dans le constat qu’il n’existe aucune étude complète sur une architecte qui, non seulement compta parmi les premières femmes à exercer cette profession en Suisse, mais également fut l’une des plus actives de son temps. Anne Torcapel consacra en effet son existence à l’architecture et son importante production – on a recensé ici plus d’une centaine d’interventions, dont plus de la moitié sont des constructions à part entière, presque toutes situées dans le canton de Genève – demeure pourtant quasiment inexplorée.

Cette absence de publication s’inscrit dans un contexte plus large où les ouvrages qui abordent le rôle et l’histoire des femmes architectes, dans une approche individuelle ou collective, restent rares1. A notre connaissance, il n’existe aucune monographie consacrée à une architecte genevoise, par exemple. Ces professionnelles sont donc confinées dans l’ombre. Les causes de cette situation sont certainement multiples et interpénétrées : invisibilité des intéressées, préjugés sur la qualité de leur travail, sujet perçu comme trop

« féministe », désintérêt et/ou méconnaissance des chercheurs – pour qui s’investir dans ce champ représenterait un effort –, contexte scientifique concurrentiel où ce type de travail est difficile à valoriser, impossibilité pour des études disparates – parfois le fait d’étudiants – de remonter jusqu’aux éditeurs, etc.

Les women studies, puis les gender studies, ont pourtant engagé des recherches depuis plusieurs décennies sur le sujet ; il est même désormais possible de dresser un bilan et d’observer une évolution dans leur pratique. Aux travaux de redécouverte des femmes architectes, dans les années 1970, ont succédé des critiques de la construction de l’espace comme un lieu de rapports de pouvoir, susceptible de renforcer les rôles sexués. Ces commentaires seront bientôt suivis par des propositions d’amélioration de la vie des femmes, avant que les années 1990 ne remettent en question l’approche essentialiste qui avait prévalu jusque-là, en se focalisant sur la notion d’identité de genre2. Les connaissances ainsi constituées peinent pourtant à perfuser le savoir officiel, hégémonique, sans même parler des conditions inégales d’exercice de la recherche entre ces deux perspectives.

L’idée de consacrer un mémoire à Anne Torcapel est venue de Mme Leila el-Wakil, chercheuse et enseignante à l’Université de Genève, spécialiste de l’architecture et de l’urbanisme, notamment genevois, qui avait souvent croisé ce nom dans le cadre de ses propres travaux, sans disposer d’une réelle base permettant d’estimer sa production. Ce sujet répondait à l’envie d’étudier le patrimoine local et à l’intérêt pour les questions de genre de l’auteur de ce texte.

Le travail a donc débuté en août 2011 en se basant sur l’unique liste existante des réalisations d’Anne Torcapel, publiée en 1992 dans la thèse d’Evelyne Lang (Jakob) Les premières femmes architectes de Suisse, où elle lui consacre quelques pages (voir 2ème partie, annexe A). Durant les quatre premiers mois, on s’est donc attaché à retrouver ces

1 Citons BECKEL, Inge & VOLLMER, Gisela (éd.), Terraingewinn. Aspekte zum Schaffen von Schweizer Architektinnen von der Saffa 1928 bis 2003, Berne & Wettigen, eFeF Verlag, 2004, et, en français, PIRON, Françoise (dir.), Carrières de femmes. Passion d’ingénieures, Bureau de l’équité de l’EPFL, 1998.

2 Voir ROTSCHILD, Joan & ROSNER, Victoria, « Feminisms and Design: Review Essay », in ROTSCHILD, Joan (éd.), Design and Feminism. Re-Visioning Spaces, Places and Everyday Things, Rutgers UP, 1999, pp. 7 – 33.

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réalisations car la quasi-totalité était citée dans ce document sans adresse précise : seuls l’année de construction, le nom de famille des propriétaires d’origine et la commune étaient donnés, ce qui a impliqué un important travail de « détective » puisque vingt ans s’étaient écoulés depuis l’établissement de la liste, établie grâce au bureau Torcapel.

Il faut ici préciser que, suite au décès d’Anne Torcapel en 1988, son ancien collaborateur, M.

Jean-Pierre Gebel, devenu son associé très peu de temps auparavant, a poursuivi l’activité d’abord en tandem avec M. Yves Rochat, puis seul, durant une vingtaine d’années. Au moment de sa retraite, voici deux ans, les archives de la période Torcapel n’ont hélas pas été conservées. La faiblesse de la documentation scientifique déjà mentionnée, conjuguée à l’absence de parenté d’Anne Torcapel, rendait la marge de manœuvre plus exiguë encore.

Ces contraintes se sont révélées une opportunité d’aborder le travail de manière différente : on a choisi de s’orienter vers le traitement d’informations orales, collectées auprès des propriétaires et locataires des constructions d’Anne Torcapel, et parfois de leurs descendants et héritiers. Rappelons avec Isabelle Charollais que « dans toute opération immobilière, la question de la commande est fondamentale. Le rôle joué par le maître de l’ouvrage, son statut, ses moyens et les directives qu’il impose permettent très souvent de comprendre plus finement les implications et les conditions concrètes des réalisations, qu’il s’agisse de bâtiments de logement ou d’édifices consacrés à d’autres programmes. »3 L’objectif premier de cette recherche fut donc de constituer des témoignages sources qui permettraient une appréhension générale de l’architecture d’Anne Torcapel.

Trois facteurs ont cependant poussé le travail vers un inventaire à proprement parler. D’une part, on s’est rapidement rendu compte qu’il serait difficile de construire un commentaire global de l’œuvre de l’architecte fondé sur une observation partielle. Ce type de travail est certainement possible aux chercheurs expérimentés mais dans notre cas il paraissait plus adéquat de maximiser l’aperçu de ses constructions. D’autre part, après les premières investigations, il est apparu que les témoins directs étaient encore nombreux mais âgés, très âgés dans certains cas, ce qui posait la question de l’urgence de ces témoignages, désormais unique source d’information sur le travail d’Anne Torcapel.

Enfin, troisième facteur, en janvier 2012, une liste des autorisations de construire obtenues dans le canton de Genève entre 1919 et 19754, au nom de Torcapel, a été mise à notre disposition. Elle recouvre une large partie de l’activité d’Anne Torcapel (en particulier ses débuts, assez peu documentés chez Evelyne Lang), qui se termine en 1986, ainsi qu’un bon aperçu du travail de John Torcapel, son père, lui aussi architecte. Nous devons à MM. Jean- Christophe Curtet et David Ripoll, respectivement bibliothécaire à l’Unité d’histoire de l’art de l’Université de Genève et historien de l’art à l’Inventaire des monuments d’art et d’histoire de l’Etat de Genève, d’avoir pu en connaître l’existence, puis d’en disposer.

Cette seconde liste a doublé le nombre de réalisations connues chez Lang, passant ainsi le nombre de 27 villas à 47, de 9 immeubles répartis entre six projets à 16 immeubles répartis entre huit projets, les autres constructions de 5 à 10 et les opérations de transformation de 15 à une trentaine. Quelques cas épars se sont encore ajoutés à l’actif de l’architecte. Le travail d’inventaire étant engagé, on s’est résolu à le mener à bien pour ce pan d’activité resté insoupçonné, durant le premier semestre 2012, même si cela dépassait le cadre d’un

3 CHAROLLAIS, Isabelle ; LAMUNIERE, Jean-Marc & NEMEC, Michel, L’architecture à Genève, 1919-1975.

Description, vol. 1, 2005, p. 220, note 6 (voir notre bibliographie).

4 Liste des autorisations de construire du Département des travaux publics 1919-1975, ci-après « liste du DTP ».

Ce travail fut effectué par l’ancienne Direction du patrimoine et des sites, du Département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (DAEL). Bien que ce document ne soit apparemment pas ouvert à la consultation publique, les spécialistes peuvent tenter de s’adresser à l’Office du patrimoine et des sites, du Département de l’urbanisme (Etat de Genève). A moins que tous ces organes ne changent une énième fois de nom. Précisons encore que ce document contient un certain nombre de coquilles dues à l’informatisation.

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mémoire de maîtrise. La rédaction a couru de mai à juillet 2012 mais les fiches d’inventaire ont bien sûr été établies au fur et à mesure.

Autant que faire se peut, on a recouru à la documentation conservée par les témoins, qu’il se soit agi de plans établis par le bureau Torcapel, de photographies anciennes, de devis et factures, de correspondance, ceci afin d’éviter de solliciter excessivement les archives du Département de l’urbanisme de Genève qui conservent dans la mesure du possible une copie des dossiers déposés lors des demandes d’autorisations de construire, bien que cette obligation incombe aux seuls propriétaires des bâtiments en question. (Pour la période qui nous occupe, ces documents ont été microfilmés et sont parfois d’une fort mauvaise qualité.) La méthode d’approche des témoins a été la suivante : un courrier leur était adressé (imprimé sur papier à en-tête et filigrane de l’Université de Genève, et enveloppe estampillée de l’Université également, avec coordonnées de la directrice du mémoire). Ce courrier précisait le contexte de la recherche, expliquait comment on avait pu retrouver son destinataire, émettait la possibilité d’un entretien et, le cas échéant, d’une visite des lieux, en terminant par l’annonce d’un appel téléphonique futur. Ce dernier était passé en moyenne 7 à 10 jours après réception de la lettre, afin de prendre connaissance de la suite donnée à la requête et de convenir d’un rendez-vous ultérieurement, parfois en laissant suffisamment de temps aux intéressés pour rechercher la documentation qu’ils possédaient au sujet de la construction. On soulignera encore, pour en terminer avec les sources, l’absence presque totale de photographies représentant Anne Torcapel5 : celle qui figure en ouverture de ce travail constitue un document exceptionnel.

Venons-en maintenant au propos qui sera le nôtre. Sur la base des rencontres et des recherches aux archives ont été établies des fiches d’inventaire, toutes reproduites dans la seconde partie de ce travail. Après quoi, en se fondant sur les fiches, un propos général a été dégagé, qui constitue la première partie de ce travail. Le chapitre 2 est consacré à la vie d’Anne Torcapel. S’y trouvent restituées toutes les informations qui ont été obtenues concernant son existence et sa personnalité, afin de dresser d’elle un portrait le plus fidèle possible. Il semblait impératif de débuter par l’individu avant de considérer la professionnelle.

Le chapitre 3 traite de l’organisation concrète du travail au sein du bureau Torcapel, mais également de la gestion des chantiers. On y abordera également la relation d’Anne Torcapel à ses corps de métier et aux autres architectes de son temps, notamment dans ses projets de collaboration. Relevons que la notion d’inventaire, qui consacre la figure de l’architecte, tend à éclipser l’indispensable travail d’équipe mené par un bureau ; toutefois il aurait été difficile, en l’absence d’archives, de chercher à préciser la nature du travail de chacun6. Le quatrième chapitre identifie la clientèle d’Anne Torcapel ; il cherche donc à montrer comment l’architecte obtint des mandats et quels furent les réseaux qu’elle put mobiliser dans cet objectif, notamment par le biais de sa participation à des cercles féminins. Cette partie du travail fait écho au propos de Dave Lüthi qui note que le client « n’est généralement abordé que par le biais de sa relation à l’architecte et n’a guère suscité d’étude pour lui- même »7. En guise de réflexion méthodologique, on s’y est autorisé en conclusion un petit excursus sur le rapport qui a été le nôtre à ces clients devenus des témoins.

Le chapitre 5 étudie dans le détail les interventions d’Anne Torcapel. Après un premier commentaire sur leur répartition géographique et temporelle, qui permet de compléter le

5 A la fin de la thèse de Mariette BEYELER sur la SAFFA 58 (voir bibliographie), les 23 architectes ayant pris part à la manifestation sont présentées brièvement, chacune avec une photographie… sauf Anne Torcapel.

6 Nous demandons en particulier l’indulgence de M. Jean-Pierre Gebel, qui a accepté de nous rencontrer pour commenter les réalisations du bureau, si nous avons attribué à Anne Torcapel une partie de son travail.

7 LÜTHI, Dave, « Introduction. Le client, un acteur oublié », in Le client de l’architecte. Du notable à la société immobilière : les mutations du maître de l’ouvrage en Suisse au XIXe siècle, p. 8. (voir bibliographie).

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portrait de la clientèle, autant que de visualiser l’évolution des activités de l’architecte, les réalisations sont abordées par type. Villas, immeubles, constructions diverses et transformations (terme choisi pour désigner génériquement les réagencements, rénovations, extensions, etc.) pourront ainsi livrer leurs principes et détails.

Ceci fait, on pourra évoquer au chapitre 6 la question du style d’Anne Torcapel, généralement nié par les témoins. Nous montrerons comment, plus que l’illustration d’un style personnel – bien qu’elles disposent de caractéristiques propres –, ses constructions constituent des éléments représentatifs d’un style genevois traditionnel largement pratiqué par d’autres professionnels.

Cependant, si cette introduction n’a pas tu le souci féministe qui anime l’auteur de ce texte, et si elle a décrit celui-ci comme une tentative de valoriser le parcours d’une architecte, les chapitres 2 à 5 n’approfondiront pas cette approche. C’est en conclusion de cette étude que seront relevés et discutés les éléments de l’activité d’Anne Torcapel qui peuvent avoir été déterminés par sa position de femme architecte, de manière consciente et inconsciente. Il s’agira donc de situer les enjeux d’une carrière d’architecte dans une perspective de genre.

Notons enfin qu’on a délibérément choisi de ne pas aborder le débat, un brin daté, de la spécificité d’une architecture féminine ou masculine par essence. Il faudrait disposer d’informations portant sur un grand nombre d’architectes pour se permettre d’établir des comparaisons pertinentes8 et ainsi dégager des tendances générales. De nos jours, plus qu’en termes de natures féminine et masculine, la question se poserait d’ailleurs sous l’angle des acquis, de la socialisation et de la construction des identités. A cet égard, nous affirmons pour notre part que l’habitat est effectivement pensé selon un ensemble de normes sociales et que, l’architecte qui le conçoit et le construit, autant que l’urbaniste qui le situe dans un espace de vie, que les autres professionnels qui chercheront à en rendre l’intérieur à la fois agréable et fonctionnel, ne jouent pas un rôle neutre : « The architect is neither the servant of the client, no is he or she free of the values of the dominant culture. »9

8 L’absence de comparaisons avec le travail d’autres architectes est certainement l’un des reproches que l’on pourrait adresser à ce mémoire ; il faut donc s’en défendre en soulignant à quel point retrouver les constructions, prendre contact avec les témoins, réunir la documentation puis dégager un propos général, ceci pour cent interventions, a pu constituer une tâche longue et exigeante. En outre, répétons-le, il n’existe pas de monographie sur des architectes genevoises, ce qui rend ardue toute volonté de comparaison.

9 FRIEDMAN, Alice T., « Shifting the Paradigm: Houses Built for Women », in ROTSCHILD, Joan (éd.), Design and Feminism. Re-Visioning Spaces, Places and Everyday Things, p. 87 (voir la bibliographie).

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2. Eléments biographiques

Ce chapitre tentera de dresser un portrait d’Anne Torcapel, grâce aux informations livrées par sa clientèle, son ancien collaborateur et quelques membres du club des Soroptimists.

Auparavant seront relatés les faits chronologiques qui ont pu être glanés dans d’autres sources et ceux qui ont été établis à l’occasion de ce travail.

La famille d’Anne Torcapel est implantée dans la région genevoise depuis plusieurs générations. Son père John naît et meurt à Genève (nous y reviendrons) ; il est le fils d’un horloger, Henri-Marie Torcapel (né en 1836), lui-même d’origine genevoise. Les grands- parents maternels d’Anne Torcapel sont également d’origine genevoise : Pierre François Berthoud (né en 1847) exerce la profession d’entrepreneur et de « conducteur en route » selon le registre d’état civil. On ignore quelles étaient l’activité des deux grands-mères, soit Henriette Trion, du côté du père, et Marie Aline Brisgand (née en 1851), du côté de la mère.10 Marthe, la mère d’Anne Torcapel, vivra toute son

existence à Genève, comme son mari.

On sait peu de choses sur cette mère, Marthe Berthoud. Née en 1887, très cultivée, elle fut musicienne et écrivaine, bien qu’aucune trace d’un ouvrage à son nom n’ait pu être découverte.

A la fin de sa vie, il semble qu’elle ait été diminuée ; la fille d’une cliente, ayant grandi dans le quartier de Florissant-Malagnou à l’époque, se souvient d’avoir vu l’architecte et « sa vieille maman », dont elle prenait soin. Les Torcapel vivaient de longue date dans ce quartier, au 7B du chemin Krieg ; c’est là que se trouvait la maison familiale (détruite à la fin des années 1970).

Marthe Torcapel est décédée en 1964.

Anne Torcapel se montrera très soucieuse de rendre hommage à ses parents. Un prix pour cordes a été institué au Conservatoire au nom de « Anne et Marthe Torcapel », dont l’origine pourrait avoir été le versement d’une somme d’argent par la fille à la mémoire de sa mère. En outre, Anne Torcapel s’engagea dans la promotion de la peinture de son père, dont on décrira la vie dans un instant, organisant même une exposition souvenir en 197811. Evelyne Lang relève qu’une pièce de son appartement du 2, rue Pédro-Meylan était entièrement consacrée à ces peintures. Précisons encore que le père, la mère et la fille reposent tous trois, ensemble, au cimetière de Thônex.

John Torcapel, le père, est un peu mieux connu grâce à ses activités professionnelles et artistiques12. Né le 18 avril 1881, il étudie à l’Ecole des Beaux-Arts de Genève, avant d’ouvrir son bureau d’architecte en 1924.

Il se consacre essentiellement au logement, intervenant dans tout le canton de Genève. On dénombre au cours de sa carrière près d’une quarantaine de villas au moins et une petite dizaine d’immeubles (rue des Bains 11-13, boulevard d’Yvoy 31-33, route de Malagnou 35,

10 Informations obtenues aux Archives d’Etat de Genève.

11 J. Torcapel, 1881-1965. Dessins, aquarelles, huiles, catalogue d’exposition, Palais de l’Athénée, Genève, du 25 mai au 24 juin 1978, non paginé (texte de François Fosca).

12 Informations tirées du site de l’Institut suisse pour l’étude de l’art (consulté le 23.11.2011) : http://www.sikart.ch/KuenstlerInnen.aspx?id=4026771, de l’article d’Alain PENEL « John Torcapel, l’architecte revisité » paru dans La Tribune des arts, n° 124, du 02.101991 et de la liste compilée des autorisations de construire de 1919 à 1975 du canton de Genève (au nom de Torcapel).

Figure 1 - John Torcapel, Mme T au chapeau noir, 1923, huile sur toile, 84 x 69 cm, non situé.

Figure 2 - John Torcapel, Autoportrait, 1941, huile sur toile, 41 x 33 cm, non situé.

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rue Peillonnex 31, route de Saint-Julien). Il est encore l’architecte de quelques infrastructures publiques comme la salle communale de Chêne-Bougeries en 1929, l’annexe du Musée d’ethnographie de Genève en 1948 et le temple d’Onex en 1964, construit avec sa fille.

Il prend part à d’innombrables travaux d’agrandissement et de transformation de bâtiments existants et participe à plusieurs reprises à des concours, généralement aux côtés d’Adolphe Guyonnet13. Il fut également membres de plusieurs commissions locales (reconstruction du Grand Théâtre, vitrail de la chapelle de l’Escalade…) ainsi que de la Commission des monuments et des sites et du conseil de la Fondation Gottfried Keller. Il présidera aussi la Fédération des architectes suisses. De 1930 à 1942, il est professeur à l’Ecole des Beaux-Arts, puis, de 1942 à 1953, professeur à l’Ecole d’architecture de l’Université de Genève où il est très aimé de ses élèves. C’est également durant cette période que sa fille intègre son bureau, avant leur association. John Torcapel meurt le 21 juillet 1965, peu de temps après son épouse14.

A côté de son métier d’architecte, John Torcapel pratiquait également les arts graphiques. Il publie deux séries de dessins : Clochers savoyards (25 dessins), en 1908, puis Vieilles maisons : 30 dessins autour de Genève, en 1926. Il s’illustre davantage dans la peinture, représentant notamment sa fille et sa femme, ainsi que des paysages. Il jouira même d’une petite réputation dans le milieu des amateurs genevois ; on ne compte pas les articles de la presse locale de la première moitié du XXe siècle qui encense sa production. Le volume de celle-ci reste cependant totalement inconnu à l’heure actuelle. En effet, malgré une activité déployée avec talent dans deux champs artistiques, John Torcapel n’a été l’objet d’aucune monographie ni article d’importance ; rares même sont les notices qui lui sont consacrées.

Seul un mince catalogue d’exposition a été publié en 1991 par la galerie Selano, maison qui a régulièrement mis en vente des œuvres de lui ces dernières années15.

C’est donc dans cette famille très genevoise, de religion protestante, bourgeoise mais très ouverte sur les arts, qu’Anne Torcapel, fille unique, voit le jour le 25 novembre 1916. Si son éducation reste mal connue – on sait qu’elle suivit des cours de solfège –, il semble cependant qu’elle bénéficie d’un encouragement de ses parents à acquérir une formation poussée, à une époque où les études ne constituent de loin pas un élément évident du parcours des jeunes filles. Doit-elle cette orientation à son statut de fille unique, qui la met seule en lice pour reprendre le bureau paternel, ou à la mentalité libérale, au sens premier du terme, de ses parents artistes ? Il n’est pas possible de le dire.

13 Voir BRULHART, Armand, Bibliographie critique de l’urbanisme et de l’architecture à Genève, 1798 – 1975, cahier n° 4, 2e partie – index, Genève, Centre de Recherche sur la Rénovation urbaine, Ecole d’Architecture, Université de Genève, 1982, pp. 87 – 95.

14 Pour information, il existe un Fonds John Torcapel, à l’Institut GTA, Département d’architecture de l’EPFZ, comprenant 250 plans, ainsi que des devis et correspondance avec les entreprises (cité par LAMUNIÈRE, Inès &

DEVANTHÉRY, Patrick, « La ‘Clarté’, le fer, le verre et l’immeuble d’habitation urbain », in Massilia : anuario de estudios lecorbusierianos, 2003, pp. 110 – 117).

15 Hommage au peintre John Torcapel (1881-1965), catalogue d’exposition, Galerie Selano, Genève, du 2 octobre au 16 novembre 1991, 20 p.

Figure 3 – J. Torcapel "sur le motif"

(voir références note 10)

Figure 4 - John Torcapel, Anne jouant, 1918, huile sur toile, 55 x 46 cm, coll. de M. Marc Morand.

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Arbre généalogique d’Anne Torcapel

(établi grâce aux Archives d’Etat de Genève et aux archives du Temps disponibles en ligne) Grands-parents

Henri-Marie TORCAPEL (1836 - ), horloger, or. Genève Henriette TRION (?)

Ont quatre enfants :

- John TORCAPEL (1881 – 1965)

- Emilie TORCAPEL (1879 - ), demoiselle de magasin - Jeanne TORCAPEL (1877 – 1878)

- Ernestine TORCAPEL (1876 - ), maîtresse de couture

Pierre François BERTHOUD (1847 - ), conducteur en route, entrepreneur, or. Genève Marie Aline BRISGAND (1851 - ), or. Genève

Ont deux enfants :

- Marthe Aline BERTHOUD (1887 – 1964)

- Claudius M. (1874 - ) BERTHOUD, commis puis caviste (C. Berthoud & Cie) Parents

John TORCAPEL (18.04.1881 – 21.07.1965), architecte, or. Genève Marthe Aline BERTHOUD (1887 – 13.09.1964), musicienne et écrivaine Se marient à Plainpalais, le 15 novembre 1913.

Ont une fille :

- Anne TORCAPEL (25.11.1916 – 29.01.1988) Cousinages

Du côté du père :

François LENGLET (1872 - ), employé Ernestine TORCAPEL (1876 -) Ont une fille :

- Nelly LENGLET (1900 - ) épouse STOESSEL (descendance oui, mais non établie)

Emilie TORCPAEL (1879 - ), épouse ROSSET, puis épouse CAUDERAY A un fils :

- Henri CAUDERAY

- qui a un fils : Louis CAUDERAY ;

- qui a deux filles : Ruth et Danielle CAUDERAY (à Berne).

Du côté de la mère :

Claudius BERTHOUD (1874 – 05.06.1961) Amélie DUBOULOZ ( - 24.07.1944)

Ont résidé rue Agasse 52 (bâti par John Torcapel en 1929) et place Longemalle 17 (transformations par John T.) Ont une fille :

- [Prénom inconnu] BERTHOUD, épouse Etienne FERNEX

- qui a quatre fils : Claude, Michel, François et Pierre FERNEX (avec descendance)

Toujours est-il que l’une de ses camarades à l’Ecole de jeunes filles, qui sera par la suite une cliente d’Anne Torcapel, indique que toutes les élèves, à quelques rares exceptions – dont la témoin elle-même qui avait la chance de pratiquer le piano de façon avancée –, provenaient de bonnes familles qui les inscrivaient là

Figure 5 - John Torcapel, 52, rue Agasse, villa construite en 1929 pour son beau-frère Claudius Berthoud.

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afin qu’elles acquissent les rudiments essentiels à leur rôle de maîtresses de maison sociables et de futures mères. Parmi les femmes qu’elle rencontre alors figurent Irène Martin du Pan, future Mme Pictet, qui restera une amie, et Pauline de Candolle. Les noms en question illustrent le milieu social dans lequel évolue alors la future architecte.

Anne Torcapel semble cependant déterminée à acquérir un bagage qui lui permettra d’être active. Elle débute de longues années de formation en se lançant dans des études de dessinatrice en génie civil à l’Ecole d’ingénieurs de Genève, en 1933. Elle travaillera également cette année-là dans le bureau de l’ingénieur Dentan, avant d’entamer en 1934 des études d’architecture à l’Ecole des Beaux-arts de Genève où elle a notamment pour professeurs Arnold Hoechel, Louis Vincent et son propre père. Elle obtient un certificat de capacité en 1937 (avec mention bien) puis un diplôme de dessinatrice-architecte en 1938. Elle obtiendra encore en 1943 un certificat de métré industriel du bâtiment et du bois, aux Cours industriels du soir.

Dès les années 1940, elle commence à exercer son activité dans le bureau de son père. A cette époque, elle collabore également avec une autre architecte pionnière, Marie-Louise Leclerc (Carouge (GE), 1911 – Genève, 2001), elle aussi fille d’architecte amenée à travailler avec son père Antoine Leclerc. Le parallélisme entre les carrières de ces deux femmes, pour ne pas dire de ces deux familles, mériterait à lui seul une recherche, champ qui n’a pas été investigué dans ce mémoire en raison de l’absence d’étude détaillée antérieure portant sur l’une ou l’autre de ces quatre trajectoires.

A partir de 1953, Anne Torcapel devient l’associée de son père16 et s’inscrit au Registre suisse des ingénieurs, des architectes et des techniciens.

John Torcapel poursuit son activité mais se retire progressivement des affaires autour de 1960. La seule réalisation commune attestée que nous ayons pu trouver est le temple d’Onex, construit en 1964 mais projeté dès la fin des années 1950. Le père décède en 1965 et la fille reste seule à la tête de son bureau durant toute sa carrière,

« brassa[nt] un volume d’affaires impressionnant, de loin le plus grand sur la place de Genève pour une femme »17.

On détaillera plus loin les différentes réalisations de l’architecte. Bornons-nous pour l’instant à relever qu’Anne Torcapel se consacrera avant tout au logement, avec la construction de 47 villas individuelles, des plus modestes aux plus luxueuses, de 16 immeubles, là aussi des HLM aux appartements de très haut standing, à quoi s’ajoutent quelques infrastructures de type

« public » (extension de la maternité de Genève et

16 Mariette Beyeler fait remonter cette association à 1938. Cela paraît très précoce ; Anne Torcapel est tout juste diplômée. Il s’agit probablement d’une extrapolation de l’auteure.

17 LANG JAKOB, Evelyne, « Anne Torcapel », in DEUBER ZIEGLER, Erica & TIKHONOV, Natalia (dir.), Les femmes dans la mémoire de Genève : du XVe au XXe siècle, Genève, éd. Suzanne Hurter, 2005, p. 253.

Figure 6 - John Torcapel, Anne à la fenêtre, 1924, huile sur toile, 55 x 46 cm, non situé.

Figure 7 - John Torcapel, Anne au chapeau blanc, sans date, [huile sur toile ?], 92 x 65 cm, coll. de la famille Bodmer.

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de la Fondation Martin Bodmer, colonie de vacances) ou industriel (silo de la Pallanterie, garage du Lignon). Par ailleurs, elle opère régulièrement des transformations sur des immeubles anciens ou des maisons. Son activité se déploiera sur une quarantaine d’années, de 1945 environ à 1986.

En 1986, Anne Torcapel voit sa santé se détériorer. Après un premier épisode de coma diabétique qui l’empêche de terminer les chantiers en cours de deux maisons, elle se trouve extrêmement diminuée. Ses deux collaborateurs de longue date, Jean-Pierre Gebel et Yves Rochat, deviennent ses associés et reprennent le bureau. En 1990, Yves Rochat se retire tandis que Jean-Pierre Gebel poursuit son activité jusque vers 2010. Lorsqu’il l’interrompt, il ne conserve que les archives qui avaient trait à ces années en solitaire, ce qui explique que les documents liés aux années Torcapel n’existent plus.

Au cours de son existence, Anne Torcapel s’est engagée au sein du « Soroptimist Club ».

Basé sur un système de clubs locaux, réunis au sein d’unions plus larges, ce groupe rassemble des femmes, une par spécialité professionnelle, désireuses de s’engager dans des projets envers les femmes. Il s’agit plus de philanthropie féminine que de militantisme.

Le club Genève-Fondateur date de 1930 ; avec celui de Lausanne, il est antérieur à la création de l’Union suisse des clubs soroptimists, en 1950. Anne Torcapel sera durant plusieurs décennies la représentante des architectes au sein du club genevois, qu’elle présida durant longtemps. Elle représentait en outre les Soroptimists au sein du Centre de liaison des associations féminines genevoises (CLAFG) et assumera le rôle de présidente et gouverneure de l’Union suisse en 1952-53. Outre l’engagement social dont il est l’illustration, cette appartenance a permis à l’architecte de s’inscrire dans un réseau féminin sur lequel on reviendra, avec quelques opportunités professionnelles à la clé18.

A sa mort, le 29 janvier 1988, restée célibataire, Anne Torcapel lègue d’ailleurs une somme d’argent au club pour permettre à des femmes de partir à la rencontre d’autres femmes, dans des clubs, partout dans le monde. Grâce à l’architecte qui lui a succédé au sein du club genevois, Catherine Formica-Lavanchy, on sait que

« le voyage, sortir de sa ville, était pour elle un des facteurs d’épanouissement et la possibilité de relativiser sa vie. » Il semble

qu’elle-même ait beaucoup voyagé et visité régulièrement des expositions dans toute la Suisse. Ce goût pour l’ailleurs apparaît presque comme paradoxal pour une femme dont la carrière et l’existence furent si enracinées à Genève ; en réalité, cet ancrage local est à comprendre comme le corollaire d’une vie peut-être plus aventureuse qu’il n’y paraît.

Parmi les éléments d’ordre factuel, nous pouvons encore signaler qu’Anne Torcapel, après avoir vécu dans la maison familiale au 7B chemin Krieg, bâtira un immeuble sur la parcelle (désormais rue Pédro-Meylan n° 2) où elle aura son appartement (en attique) et son bureau (au premier étage). L’appartement avait été hérité par un cousin, puis par la femme de celui- ci. Il est désormais vendu. Notons encore, à toute fin utile, quelques noms d’amies proches d’Anne Torcapel : une Mme Balmer qui fut sa meilleure amie (aujourd’hui décédée), Mme Mireille Gorgé qui l’a soignée à la fin de son existence (membre des Soroptimists), Mme Irène Pictet avec qui elle formait un petit groupe complété par une couturière et une

18 Anne Torcapel fut également membre à titre individuel de l’Alliance des sociétés féminines suisse, au moins en 1958, année pour laquelle son nom figure dans le rapport d’activités.

Figure 8 - Tombe des Torcapel au cimetière de Thônex (GE)

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archéologue dont les noms n’ont pas pu être fournis. En outre, Anne Torcapel était restée liée avec certaines personnes de sa clientèle, notamment la famille de Marignac, ainsi que M. et Mme Conrad et Florence Bodmer – elle fut même la marraine de leur fille.

Les anecdotes et souvenirs qui ont été livrés par les témoins forment l’image d’une femme possédant un fort caractère. Celui-ci trouvait à s’exprimer autant dans une position d’autorité, nécessaire à la conduite d’un bureau d’architecte, en particulier pour une femme au milieu du XXe siècle, que dans une sorte de bonhomie aux accents généreux autant que spontanés. Se dégage également le portrait d’une professionnelle très scrupuleuse en termes de construction, mais peu intéressée aux questions administratives et financières.

Pour ce qui est de l’autorité, le fils d’un ancien client relate qu’elle reprenait sans vergogne ce dernier, son père, n’hésitant pas à lui dire : « On va faire comme je dis parce que, sinon, vous allez le regretter. » Une autre témoin raconte qu’Anne Torcapel avait dit à sa mère, qui était sa cliente : « Vous avez la tête dure, mais j’ai la tête encore plus dure que la vôtre. » Néanmoins, cette attitude un peu brusque, non dénuée d’un certain humour mais qui pourrait passer pour contre-productive en termes commerciaux, cache un savoir-faire mis au service de la clientèle. Soucieuse de comprendre les besoins de cette dernière et d’y répondre adéquatement, Anne Torcapel sait mettre un frein aux projets déraisonnables. Sa maîtrise technique lui permet de se forger une idée dont il est difficile de la faire bouger, puisque celle-ci lui apparaît comme la meilleure réponse aux souhaits de la clientèle, et non comme une façon d’imposer ses propres vues, ce qui a occasionné dans certains cas quelques frustrations.

Il faut relever cependant que la quasi-totalité de ses clients gardent le souvenir d’une femme dynamique, gaie et de contact facile. Même l’unique client véritablement insatisfait qui a témoigné rapporte : « elle était d’une gentillesse désarmante, empêchant de l’engueuler ».

Sa générosité trouve à s’exprimer à différentes occasions. Elle s’entendait visiblement très bien avec les enfants, pour qui elle avait toujours de gentils gestes, ainsi qu’avec les jeunes.

Il a même été rapporté qu’elle était « sortie » avec eux pour s’amuser. Une ancienne cliente avec qui des liens d’amitié s’étaient forgés relève qu’Anne Torcapel « débarquait à la maison. ’’On mange avec vous’’, disait-elle ».

Cette spontanéité s’illustre également dans le discours d’Anne Torcapel. Ainsi, recevant une ancienne cliente chez elle, elle la prie de ne pas faire attention à l’état de son appartement :

« c’est mon bordel », lance-t-elle à sa visiteuse médusée de ce vocabulaire. Sur un chantier, alors qu’elle s’est enquise de l’identité des propriétaires d’une maison voisine et que le fils adolescent de la famille, impressionné par les grades militaires, répond fièrement qu’il s’agit d’un premier lieutenant, elle s’écrire : « Pouah, un petit premier lieutenant… ». Enfin son humour s’exprime aussi à l’occasion dans les gestes. A une cliente fortunée, dans un projet de construction que les services officiels peineraient peut-être à approuver, elle présente l’autorisation de construire obtenue… sur un plateau d’argent.

En termes de construction, les clients relèvent son sens pratique, son souci du détail, certains l’attribuant à son caractère de femme, un cliché bien connu portant sur le travail des femmes architectes, et une affirmation bien paradoxale puisque Anne Torcapel n’a pas vraiment eu l’occasion d’expérimenter la vie d’une ménagère... Les témoignages donnent l’image d’une perfectionniste, soucieuse du détail, grande connaisseuse des matériaux et très stricte avec les corps de métier, qu’elle choisissait expérimentés. A côté de sa formation aux Beaux-arts qui avait déterminé un certain goût esthétique, elle disposait d’une connaissance très concrète du métier. Ainsi, à la maternité de Genève, qu’elle a agrandie, la légende veut-elle qu’elle ait jeté un seau d’eau sur le sol pour en vérifier l’étanchéité, illustration parfaite d’un caractère… bien trempé.

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3. Organisation professionnelle

Le bureau d’Anne Torcapel était composé d’un petit nombre de collaborateurs, entre deux et cinq selon Evelyne Lang qui a eu l’occasion de rencontrer plusieurs d’entre eux. Entretenant une conception idéaliste de la profession, l’architecte prenait soin de répartir le travail entre ses dessinateurs et architectes-techniciens selon leurs affinités avec la clientèle, et de les laisser suivre un projet du début à la fin19, manifestant donc un refus de cloisonner les activités ou de chercher une quelconque rentabilité de type « fordiste ».

L’architecte étant évidemment le visage extérieur du bureau, c’est elle qui entre en contact avec la clientèle et trace les grandes lignes des projets. Une esquisse de sa main a pu être retrouvée (ci-dessous). Après cette étape de conception générale, les plans sont ensuite systématiquement confiés à ses collaborateurs qui les formalisent. Il arrive également que des maquettes soient créées, qui là encore sont le travail de son équipe, mais elles semblent avoir été réservées aux projets les plus importants, et par conséquent aux clients les plus fortunés. Dans un cas, des photographies de la maquette ont été conservées (voir villa Gotto-de Sousa, 1986) ; dans un autre, la maquette existe encore dans son intégralité, parfaitement intacte (voir villa Kistler, 1974-76), fait d’autant plus remarquable que M. Kistler a revendu la maison voici plusieurs décennies.

En marge des relations avec la clientèle, Anne Torcapel se chargeait de la comptabilité et du suivi des chantiers. Sur le premier point, plusieurs témoignages indiquent un manque de rigueur, notamment en ce qui concerne la facturation. Une cliente raconte que le principe de l’architecte était : « Tant qu’on ne vous réclame pas une facture, il ne faut pas la demander. » Un couple relate avoir reçu des commandements de payer de la part des entreprises parce que le bureau n’assurait pas le suivi. Enfin, une autre témoin affirme même qu’une transformation, ultérieure d’une quinzaine d’années à la construction de la maison par l’architecte, n’a probablement jamais été facturée à ses parents.

Derrière ce relâchement se cachait un probable manque d’intérêt pour la partie administrative et financière de sa profession. A un couple de clients, Anne Torcapel avait déclaré : « Oubliez le budget, c’est la perfection qui compte. » Encore faut-il préciser que la perfection en question n’équivalait pas dans son idée à des dépenses inconsidérées pour un résultat somptueux, mais bien plutôt à la réalisation complète des désirs de sa clientèle.

19 Informations pour ce paragraphe fournies par Evelyne Lang, pp. 576 – 577.

Figure 9 - Dessin d'Anne Torcapel : Esquisse pour la villa Schluep, vers 1985.

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Evelyne Lang précise d’ailleurs que les dessins des détails architecturaux intéressaient beaucoup l’architecte et qu’ils étaient scrupuleusement préparés avant les plans d’exécution (p. 576).

Si la facturation était imparfaite, Anne Torcapel se montrait cependant soucieuse du respect des moyens financiers de sa clientèle. Même lorsque les ressources à disposition sont conséquentes, elle prend soin de limiter les dépenses, sans gaspillage ; à l’inverse, plutôt que de présenter les options les moins chères aux familles plus modestes – celles qui appartiennent à la classe moyenne et qui parviennent à se lancer dans la construction d’une maison –, elle conseille les matériaux les plus solides, ceux qui demanderont à terme le moins d’entretien, qui offriront une usure plus lente. Ainsi conseille-t-elle à un client des tuiles de Bâle plutôt que les pièces fabriquées à la tuilerie de Bardonnex (GE), qu’elle juge de moins bonne qualité sur la durée, ceci bien qu’on les utilise alors largement dans la région genevoise (en 1959).

Régulièrement, elle cherche à récupérer ce qui peut l’être dans une précédente maison vouée à la destruction par ses clients – soit qu’ils aient vendu le terrain, soit qu’ils décident eux-mêmes de raser pour reconstruire. Citons les ferronneries des fenêtres, et les portes, quitte à les utiliser au sous-sol dans la nouvelle construction (si elles sont vieillies ou d’un standing trop bas) ou pour des placards encastrés. A quoi s’ajoutent bien sûr les éboulis, réutilisés pour remblayer le terrain à l’occasion. Il semble que les parquets aient été quasi systématiquement de seconde main, y compris dans les villas les plus luxueuses, ce qui permet de conclure qu’il s’agissait d’une volonté réelle de l’architecte de se contenter des pièces d’occasion, fussent-elles de haute qualité, disponibles sur le marché.

Globalement les matériaux répondent en premier lieu à des exigences de durabilité et d’économicité. Ainsi Anne Torcapel utilise-t-elle très largement le béton pour les planchers. A de rares occasions, ces vastes dalles sont soutenues par des poutraisons qui relèvent davantage de l’apparat (villa Zotti en 1949, villa Bonjean à Anières, en 1967). Sur une structure à la fois solide mais économique, l’architecte joue donc avec la gamme des revêtements, qu’il s’agisse des murs extérieurs (crépis, chaînes d’angle, chambranles), des murs intérieurs (papiers peints, lambris), des sols (parquets, moquettes, linoléums) ou des plafonds (caissons en bois, moulures). C’est là que trouve à s’exprimer le niveau des ressources financières de sa clientèle.

Là où certains se contentent de simples carreaux pastel très communs dans leur salle de bains, d’autres peuvent se permettre de la production certes industrielle aussi mais plus luxueuse (par exemple des motifs de gouttes d’eau japonisants), voire de la céramique artisanale. Toutefois, redisons-le, le même sens pratique prévaut quels que soient les moyens engagés : par exemple, Anne Torcapel surélève la cuisinière pour l’adapter à la juste hauteur de travail ou bien elle dégage une portion du socle des

baignoires pour pouvoir s’en approcher en glissant le pied en dessous.

Figure 11 – Chantier de la villa Gotto-de Sousa, 1985.

Figure 10 - Balustres, échelle 1:1, pour la villa Basso, 1974-75.

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Evelyne Lang souligne l’intérêt de l’architecte pour les matériaux éprouvés, comme le plot de terre cuite pour les murs, et le bois (p. 577). Si ce dernier est utilisé comme matériau de construction (charpentes, combles, auvents), il est également présent à l’intérieur pour les portes et les escaliers (où il est concurrencé par le béton) ainsi que le lambrissage. Il ne semble pas qu’une espèce en particulier ait eu la préférence de l’architecte, on trouve aussi bien l’orme et le chêne que le sapin, ou même le noyer. Enfin, pour terminer ce tour d’horizon des matériaux, précisons qu’en toiture, les tuiles sont largement majoritaires dans la production d’Anne Torcapel (en général des toiles plates et polychromes à bout rond).

L’emploi de l’ardoise est bien plus rare (villa Bodmer en 1963-64, villa Aeschimann en 1986).

On précisera pour conclure sur l’aspect économique que les exigences de solidité et d’économicité ont permis aux maisons bâties par Anne Torcapel de présenter un bilan énergétique honorable en regard des normes édictées par la suite, de plus en plus drastiques et facilitées par d’autres techniques constructives que le vide sanitaire auquel l’architecte recourt.

A la villa de Watteville (1961-62) l’indice de consommation énergétique (711 MJ / m2 / an) est qualifié « d’inférieur à la moyenne genevoise » dans un courrier de décembre 1987 du Département de l’économie publique. Le statut énergétique du bâtiment est même qualifié de bon à la villa T* (1959) et de très bon à la villa de Saussure (1965-66).

L’autre grande tâche assurée par l’architecte était la conduite des chantiers. Les témoins sont cette fois unanimes quant à son sérieux et son autorité. Dotée d’un grand sens de la précision, quoique fréquemment en retard, Anne Torcapel ne manque jamais un rendez- vous de chantier. Un client fait remarquer à quel point son autorité paraissait naturelle ; elle savait l’imposer sans élever le ton, bénéficiant du respect des professionnels de la construction avec lesquels elle collaborait.

Une autre cliente la qualifie de « sévère mais juste » auprès des ouvriers, desquels elle exige un respect très strict des délais.

L’architecte peut se targuer d’une longue fréquentation des chantiers puisqu’elle avait l’habitude, enfant, d’y accompagner son père (Evelyne Lang, p. 578).

Ce respect qui s’installe entre Anne Torcapel et ses corps de métiers est le fruit d’un travail commun de longue haleine. La relation de confiance qui les lie trouve son origine dans le recours systématique de l’architecte aux

mêmes entreprises sur les chantiers (parfois même tout au long de sa carrière comme pour Louis Toso & fils), dont on ne peut exclure qu’elle remonte même à l’activité de son père.

Cette caractéristique mérite d’être soulignée : si la présence de femmes architectes dans les bureaux suscite déjà bien des réserves, Anne Torcapel est d’autant plus méritante d’avoir su imposer son autorité sur les chantiers. Le fait qu’elle soit fille d’un architecte respecté joue probablement un rôle dans cette situation, au-delà de ses aptitudes personnelles indéniables, en tant qu’architecte, cheffe de chantier et directrice de bureau.

Figure 12 - Chantier de la villa Gotto- de Sousa, décembre 1985.

Figure 13 - Chantier de la villa Kocher, avril 1958.

Anne Torcapel et Mme Kocher.

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A toute fin utile, on trouvera une liste des corps de métiers employés par Anne Torcapel dans deux interventions, l’une en 1951, l’autre en 1986, en annexe (voir Annexe C), permettant ainsi de dresser quelques comparaisons (il s’agit des rares cas où la liste des devis ou des adjudications ont pu m’être montrées par les propriétaires). Les noms figurant dans la liste de 1951 sont ceux que l’on retrouve régulièrement durant ses interventions des deux décennies suivantes. Certaines factures ont été retrouvées ici et là dans les archives familiales qui prouvent une collaboration suivie. Bornons-nous ici à mentionner qu’Anne Torcapel travaillera régulièrement avec Adrien Meier comme entrepreneur général, ainsi qu’avec l’ingénieur Dentan, chez qui elle avait été employée durant l’année 1933. Si l’architecte tend à s’adresser surtout à des entreprises locales, elle n’hésite pas à aller chercher hors de Genève et même de la Suisse romande (à Bâle, à Thoune), certains services, manifestant son désir de qualité.

On ne sait en revanche pas grand-chose des mandataires qui fournirent un travail plus

« artistique », comme les ferronneries d’art par exemple, alors que certaines maisons comprennent de magnifiques portails très ouvragés. La maison Cassani fut régulièrement employée comme pourvoyeuse de belles pierres. La céramiste Pernette Gaulis exécuta sur plusieurs chantiers des carreaux ornementaux pour des salles de bains et des cuisines (au château de Crans et à la ville Schluep). La décoration d’intérieur semble avoir été en large partie assumée par Anne Torcapel qui appréciait beaucoup cette activité. On sait qu’il lui arrivait d’accompagner personnellement ses clients dans les boutiques pour le choix d’un parquet ou d’un marbre. Elle-même assura l’aménagement intérieur de la Boutique genevoise à la SAFFA en 1958.

Pour ce qui est du rapport à ses pairs, il faut noter que, malgré un certain nombre de collaborations, Anne Torcapel n’a jamais été membre d’associations professionnelles. On ne trouve pas trace d’une appartenance à la Société suisse des ingénieurs et architectes (SIA), à la différence de son père John20, pas plus qu’à l’Association genevoise d’architectes (AGA), fondée en 1922.

Plusieurs facteurs pourraient expliquer cette distance : son statut de femme architecte21, son succès dans sa carrière qui la pousserait à ne pas chercher à développer ce réseau-là,

son absence complète de participation à des concours, ou une vie associative qu’elle avait choisi de consacrer au club des Soroptimists, pour lequel son implication fut grande.

Parmi les partenariats engagés par Anne Torcapel, on peut distinguer ceux qui se rapportent à des villas fournies clés en mains à leurs propriétaires, de celles qui sont réellement des collaborations choisies. Les premières résultent essentiellement de vérification de plans que l’architecte s’engage à signer pour des entrepreneurs (Antonietti à Versoix, en 1946-48, frères Papis à Russin, en 1949) ou ingénieurs (Lucien Duflon, en 1954) qui disposent d’une clientèle propre. Sur ces projets, les témoignages laissent à penser que l’architecte s’est très peu impliquée dans le suivi concret du chantier ; l’un des particuliers qui a fait recours à

20 J. Torcapel, 1881-1965. Dessins, aquarelles, huiles, catalogue d’exposition, Palais de l’Athénée, Genève, du 25 mai au 24 juin 1978, dernière page. John Torcapel fut aussi membre de la Fédération des architectes suisses.

21 A l’AGA, « l’introduction d’une femme fut envisagée pour la première fois sous la présidence d’Arthur Bugna, en 1963. La première femme architecte se présenta en 1983, c’était Mariuccia Rohner, indépendante depuis 25 ans. “Il faudra agir avec beaucoup de doigté et sonder les membres avant de présenter la candidate“, peut-on lire dans les archives. En 1984, la candidate fut admise sans opposition […]. », in BRULHART, Armand, 1922-2010.

Une compression architecturale, Association genevoise d’architectes, 2010 (1ère éd. 1997), p. 109.

Figure 14 - Réunion de chantier, villa Aeschimann 1986

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Figure 15 - Tampon de Marie-Louise Leclerc et Anne Torcapel pour la transformation de la Taverne de la Madeleine (vers 1945).

Lucien Duflon explique n’avoir jamais rencontré Anne Torcapel. La collaboration avec l’ingénieur semble toutefois avoir duré puisque Lucien Duflon fournit encore des estimations pour un devis de 1986.

Au premier rang des collaborations entre architectes, on doit bien sûr mentionner son propre père John Torcapel. S’il n’a pas été possible de préciser quel travail Anne Torcapel accomplit exactement au sein du bureau, avant leur association, on peut supposer qu’elle collabore aux différents projets pour acquérir une formation pratique d’architecte. John Torcapel se retire au début des années 1960, au moment de boucler (en 1964), le seul ouvrage qui soit attesté comme le fruit d’un travail parfaitement commun, au temple d’Onex : lui reçoit la commande et conçoit le bâtiment, ce qui prendra plusieurs années, tandis qu’elle en assure l’exécution sur les plans administratif et constructif.

Durant cette période des débuts, dans les années 1940 et 1950, Anne Torcapel est également amenée à travailler avec Marie-Louise Leclerc (1911 – 2001), comme elle fille d’architecte. Un tampon commun donne à penser que ce tandem opéra de façon régulière mais il ne semble pourtant pas que les deux femmes furent réellement associées. Que l’on sache, leur travail donna lieu à la transformation de la Taverne de la Madeleine (de la Société antialcoolique) et à l’agrandissement de la maternité de Genève, deux projets emblématiques pour la ville mais dont l’attribution à deux femmes relève presque du cliché : elles disposeraient de la fibre sociale féminine nécessaire pour s’en occuper. A la maternité, cependant, une participation de W.

Henssler paraît partielle (son nom ne figure pas sur l’ensemble des plans). Marie-Louise Leclerc ayant continué son activité, il est quelque peu étonnant que les deux femmes n’aient plus collaboré par la suite.

Le projet commun le plus important développé par Anne Torcapel est sans conteste le complexe immobilier de l’avenue Krieg, dans les années 1960 (désormais réparti entre l’avenue Krieg 5-7-9-11-13-15 et la rue Pédro-Meylan 1-3-5-7), en partenariat avec Alfred Damay. Comme pour la quasi totalité de ses collaborations, on ignore comment est né le projet. Le fait que la maison familiale des Torcapel se soit trouvée tout près (actuellement Pédro-Meylan 4, également construit par Anne Torcapel) peut laisser penser que l’architecte possédait une partie du terrain ou qu’elle a

manœuvré pour obtenir le droit d’intervenir dans

« son » quartier de cœur. Il paraît établi qu’Alfred Damay a bâti des immeubles de type moderne, avec des façades rideaux de verre et d’aluminium (rue Pédro-Meylan 1-3-5-7), tandis qu’Anne Torcapel a réalisé des immeubles de logement de haut standing avec de larges balcons (av. Krieg 9- 11-13-15).

Enfin, parmi les collaborations, il faut encore citer celle, totalement ponctuelle, d’une maison pour deux « demoiselles », avec un certain Gampert, à la route de Suisse, à Versoix, en 1964, et celle, qui connut au moins deux occurrences, avec le célèbre paysagiste Walter Brugger (1924 – 2002), dont les interventions sont innombrables – on parle d’un

millier de projets22 ! – et très présentes à Genève ; l’un de ses plans, caractéristiques, est reproduit ci-dessous. Les deux collaborations prirent place dans des demeures privées (villa

22 JAKOB, Michael & AUDEOUD, William, Walter Brugger, architecte-paysagiste, Gollion, Infolio, 2005, p. 9.

Figure 16 - John Torcapel, Mme Torcapel et Mr Cacheux sur le balcon, sans date, huile sur toile, 50 x 61 cm, non situé.

Un aperçu de la villa familiale des Torcapel ?

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Schluep en 1979-80 et villa Aeschimann en 1986), parmi les plus cossues jamais construites par l’architecte. En outre, les deux familles se connaissaient bien, ce qui explique peut-être que l’une et l’autre aient sollicité ses services. En dehors de ces cas, pour les aménagements extérieurs, l’entreprise Dumarest & Eckert fut régulièrement employée.

Au vu de ces collaborations multiples, il n’est donc pas inutile de citer les chiffres des réalisations purement individuelles d’Anne Torcapel, où elle conçoit et construit, en dehors des collaborations et des projets clés en main. On dénombre ainsi 35 villas de son cru (contre 47 répertoriées dans ce travail), ce qui donne à penser qu’un quart de sa production serait à situer dans des projets avec d’autres professionnels de la construction (architectes, ingénieurs, entrepreneurs). Les immeubles en revanche ne font pas l’objet de collaboration (à l’exception du complexe de l’avenue Krieg mais les responsabilités y paraissent très clairement réparties, ce qui a été pris en compte dans le calcul de base) ; on en compte donc une quinzaine, réparties entre sept projets. Quant aux transformations, à l’exception de la Taverne de la Madeleine, Anne Torcapel les conduit systématiquement seule, qu’il s’agisse de villas ou d’immeubles.

Figure 18 - Chantier de la villa Aeschimann, 1985-86 (excavation et charpente).

Figure 17 - Walter Brugger, Plan du jardin de la villa Aeschimann.

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4. Portrait d’une clientèle

Grâce à la qualité de ses constructions, Anne Torcapel jouit au sein de la bonne société genevoise d’une excellente réputation qui lui permet d’obtenir de la clientèle sans difficulté.

Son activité se déploie en effet de manière continue depuis la fin des années 1940 jusqu’au milieu des années 1980, sans qu’on note d’interruption, ni même de ralentissement particulier. On doit effectivement souligner qu’Anne Torcapel travailla uniquement sur commande, et jamais dans le cadre de concours23. Femme très occupée, passionnée par son métier, elle répondra ainsi à une cliente qui, lors d’une visite finale après son intervention, lui proposait de se reposer un instant dans le jardin : « Mais je n’ai pas le temps de me reposer ! »

Toutefois, cette réputation basée sur la solidité de ses constructions s’articule de deux manières différentes. Pour les familles fortunées, il s’agit d’une exigence de base sur laquelle vient se greffer le critère du goût exprimé par l’architecte dans ses précédentes réalisations, tandis que, pour les plus modestes, la solidité équivaut à une garantie d’économicité qui fait mouche. Le contact direct avec les propriétaires a permis de récolter des témoignages quant à leur motivation dans le choix de leur architecte. Il faut mentionner que les propriétaires ne peuvent cependant de loin pas tous expliquer comment ils sont entrés en contact avec Anne Torcapel : il s’est écoulé des décennies depuis ces années-là.

Certains mandats ne s’expliquent que par la réputation de l’architecte. La famille Sherif est la seule à avoir indiqué que le livre Maisons de style classique français, où trois maisons du début des années 1960 sont parues, leur avait permis de retenir Anne Torcapel. Les Couvreu la choisissent, comme on le mentionnait plus haut, pour ses prix avantageux en comparaison des autres architectes de l’époque qui seraient en mesure de fournir le même style de demeure. Ils la recommandent à leur tour aux Borel-Perrot et à Mme Schmitz- Boissier. La famille Schluep, qui louait la villa Schmitz-Boissier et qui la sait spécialiste des villas individuelles, s’adjoint ses services, avant de la recommander à la famille Aeschimann (1986), qui avait déjà contacté et écarté plusieurs architectes. Chez les Bodmer, elle est désignée d’office par Martin Bodmer, le père de Monsieur, qui avait mis le terrain à disposition, sur la base, semble-t-il de son travail à la Fondation Bodmer (elle y aménage une galerie souterraine). Chez les Knoepfli, elle obtient encore un mandat de transformation d’une ferme en logement sur la recommandation de l’entourage.

Dans d’autres cas, la présence dans l’entourage de la clientèle d’un intermédiaire plus averti, actif dans le milieu de la construction ou de l’ingénierie, explique qu’on recourt à elle de façon privilégiée. M. Stauffer, installateur sanitaire qui avait travaillé avec elle, lui demande de transformer la maison qu’il occupe avec son épouse (Chouet-Gander, 1949). Monsieur T*

se la voit conseiller pour sa villa (1957) par une proche qui l’avait fréquentée à l’Ecole des Beaux-arts. Les Massarenti (1959) lui accordent leur confiance sur la recommandation du père de Madame qui était inspecteur au Service des eaux.

Il arrive que les mandats découlent tout naturellement d’amitiés qu’Anne Torcapel entretient.

De son parcours scolaire, elle garde des liens avec Liliane Strahm-Rieth, dont elle construit la maison (1956), et Irène Pictet-Martin du Pan, dont la famille lui confiera plusieurs mandats. La famille Basso s’adresse à elle (1974-75) après avoir vécu longtemps, en voisins, dans le même quartier de Malagnou-Florissant. Enfin, M. Jaques Naef fait sa connaissance par son beau-frère, un parent éloigné d’Anne Torcapel, avant de l’engager pour transformer sa maison d’Hermance (1982).

23 Au début de sa carrière, en 1944, elle participe tout de même à deux concours. Elle obtient une maigre indemnité au Concours d’idées pour une voie navigable (un canal du Rhône), mais décroche le 6ème prix (en collaboration avec Edmond Magnin) au Concours d’idées pour un centre sportif aux Vernets (voir bibliographie).

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