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La population genevoise : évolution et composition

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La population genevoise : évolution et composition

RAFFESTIN, Claude

RAFFESTIN, Claude. La population genevoise : évolution et composition. In: Grandes villes et petites villes. Démographie et croissance urbaine, démographie et scolarisation : 3ème colloque national de démographie . Paris : Ed. du Centre national de la recherche scientifique, 1970. p. 517-522

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5503

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EVOLUTION ET COMPOSITION

par M. Claude RAFFESTIN Assistant à l'Université de Genève

INTRODUCTION

Le canton de Genève, ce finistère helvétique, est une mosaïque inachevée par l'histoire qui a disposé, à son gré, du donné géogra- phique. Pourtant, dans cet espace rare, s'enracinèrent et levèrent des idées qui devaient modifier, peu à peu, le profil démographique autochtone. Herbert LÜTHY a défini Genève, à cet égard, avec beaucoup de bonheur : « asile et ruche, point de passage et port d'attache, creuset où sans cesse se forment de nouveaux amalgames, laboratoire politique, social et intellectuel au rayonnement si disproportionné à l'exiguïté d'une petite ville sans terre » 1. La rencontre de « filets » d'humanités, en quête de refuge, et de la population indigène a donné un peuple original et complexe, nerveux même, dont l'esprit est aisément reconnaissable sinon facile à définir.

I. — ÉVOLUTION

La croissance de la population étant surtout assurée par l'im- migration, les corrélations avec la conjoncture économique sont nombreuses. En 1850, la population résidente du canton atteint 64 146 habitants. Pendant les 10 années suivantes, on enregistre une augmentation de 29,2% mais en raison des difficultés survenues

1. Cité par Alfred BERCHTOLD : La Suisse romande au cap du XXe siècle, portrait moral et littéraire, Lausanne 1963, p. 86-87.

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dans l'horlogerie, seul point d'impact industriel, l'année 1860 constitue un tournant démographique. De 1860 à 1870, la popula- tion passe de 82 876 habitants à 93 239, soit un accroissement de 12,5%. De 1870 à 1880, le taux tombe à 9% et le minimum est atteint entre 1880 et 1888 avec 3,9%. De nouvelles industries, en particulier la mécanique, implantées après 1860, vont provoquer un appel de main-d'œuvre et permettre une reprise de la croissance démographique entre 1888 et 1910, période caractérisée par des taux légèrement supérieurs à 25%. Cette phase brillante de l'in- dustrie genevoise sera interrompue par la guerre qui cassera éga- lement le rythme démographique. De 1910 à 1941, c'est la « tra- versée du désert ». Le problème des zones aggrave l'isolement de Genève et l'on assiste à une diaspora industrielle : 527 fabriques en 1913, 379 en 1923. Après une courte reprise des affaires, c'est le marasme consécutif à la grande dépression de 1929. Ces événe- ments ont naturellement retenti dans la population, comme on peut en juger par les nombres suivants :

Habitants 1910... .'... 165 986 1920 ... 174 799 1930... 173 500 1941... 176 444

La reprise va s'amorcer à partir de 1946 et le nombre d'habitants va s'accroître rapidement : en 1950, 202 556 ; en 1960, 253 703 ; en 1966, 301 704. Au cours des 15 dernières années, l'immigration est allée en s'accentuant : le gain, pour la seule année de 1966, a été de 6 041.

Relativement aux taux d'accroissement naturels, les Genevois vivent dans un autre « temps » démographique que les confédérés et les étrangers. Les Genevois ont des réflexes malthusiens, anciens selon certains auteurs l. Ce sont surtout les confédérés et les étrangers qui contribuent à l'accroissement naturel.

Naissances et décès pour la période de 1935-1966

Naissances Décès Gain

Genevois ... 23 642 31 691 — 8 049 Confédérés ... 43 033 30 102 + 12 931 Etrangers ... 19 730 15 474 + 4 256

Le groupe genevois ne peut augmenter, dans ces conditions, que par des retours et surtout par des naturalisations qui, si elles surviennent tard, vont dans le sens du malthusianisme observé.

1. Cf. L. HENRY,Anciennes familles genevoises, études démographiques XVI-XXe siècle, Paris, 1956.

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II. — COMPOSITION

Dans l'évolution générale des 3 groupes qui constituent la population résidente, on peut dégager les phases suivantes : de 1850 a 1910, la part relative des Genevois diminue dans une mesure sensible au profit des confédérés mais bien plus encore en faveur des étrangers. En 1850 les Genevois représentaient 62% du total, contre 14,2% pour les confédérés et 23,8% pour les étrangers ; en 1910, les Genevois n'étaient plus que 32,1% contre 26,4% pour les confédérés et 41,5% pour les étrangers. De 1910 à 1950, se développe la phase « d'helvétisation » : la part relative des confé dérés passe à 35,9% en 1920, puis à 40,6% en 1930, à 46,3% en 1941, pour atteindre enfin 49,2% en 1950. Parallèlement on note une régression du nombre des étrangers. Depuis 1947, s'est amorcée la reprise des apports étrangers. En 1966, la situation se présentait comme suit : 29,7% de Genevois, 40% de confédérés et 30,3%

d'étrangers.

L'article 45 de la Constitution fédérale 2 de 1848 a certainement favorisé les migrations intérieures. Dans le processus d'helvétisa- tion, il faut distinguer 3 apports : le romand, l'alémanique et le

1. Source : annuaire statistique de Genève 1966.

2. « Tout citoyen suisse a le droit de s'établir sur un point quelconque du territoire suisse, moyennant la production d'un acte d'origine ou d'une autre pièce analogue. »

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tessinois. Le premier, très important en 1870 avec 60,4% du total des confédérés, a décliné par la suite: 56,4% en 1900, 54,1% en 1941 et 52,7% en 1966. Autrement dit, on note une poussée relative un peu plus vigoureuse de la part des Suisses alémaniques et des Tessinois : les premiers représentaient 37,7% du total en 1870, contre 44,4% en 1966, et les seconds sont passés de 1,9% à 2,9%

pour les mêmes dates. Si, parmi les Suisses romands, les Vaudois viennent en tête, suivis par les Fribourgeois, les Valaisans et les Neuchâtelois, ce ne sont pas eux qui ont connu la plus forte crois- sance. En effet, ce sont les ressortissants des cantons de Fribourg et du Valais qui accusent les taux les plus élevés entre 1900 et 1960. Ces deux cantons, longtemps caractérisés par une structure économique primaire, ont eu un pouvoir de rétention démogra- phique plus faible que Vaud et Neuchâtel au XXe siècle. L'apport alémanique est surtout originaire des cantons du Plateau : Berne, Zurich, Argovie, Lucerne par exemple. Mais là encore, on constate que l'effectif dans la population résidente genevoise des ressortis- sants des petits cantons caractérisés par de faibles revenus par habitant a augmenté dans de plus grandes proportions que pour les autres. C'est le cas d'Uri, de 18 représentants en 1900 à 229 en 1960, d'Appenzell. respectivement de 118 à 912 et d'Unterwald, respectivement de 60 à 397. La poussée alémanique devrait encore s'accentuer ces prochaines années, pour certaines catégories profes- sionnelles, en raison de l'action toujours plus grande des capitaux de firmes d'outre-Sarine : Hoffmann-La Roche par exemple. Cette entreprise a racheté les laboratoires Sauter et Givaudan et a pris une importante participation dans une usine de mécanique. Les confédérés sont d'ailleurs très nombreux dans l'industrie où ils ont joué un rôle de premier plan ; les Genevois semblent avoir préféré les activités commerciales et bancaires.

Genève et Bâle, bien qu'apparemment placées dans les mêmes conditions pour accueillir des étrangers, n'ont pas à cet égard la même structure. La tradition internationale est plus forte à Genève qu'à Bâle. Tradition soulignée au XIXe siècle par la Croix-Rouge et par la création de la S.D.N., au lendemain du premier conflit mon- dial. Tradition scientifique aussi, régénérée par la présence du C.E.R.N., fondé en 1952. De 1870 à 1920, l'afflux des étrangers est composé d'apports régionaux importants et d'apports lointains mais de faible ampleur. De 1920 à 1945, c'est le reflux général commandé par la conjoncture économique et les événements politiques. Depuis 1950, l'implantation de sièges de grandes compa- gnies a déterminé l'arrivée d'Anglo-saxons et la haute conjoncture locale a provoqué une aspiration de main-d'œuvre italienne et espagnole surtout. L'apport européen, naturellement fondamental, a décliné relativement, passant de 98,4% en 1870 à 87% en 1960, pour remonter à 87,4% en 1966. Les ressortissants du continent américain qui étaient moins de 2% avant la Seconde Guerre mon- diale, représentent aujourd'hui 6,2% du total. Les états asiatiques

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contribuent pour le 2,7% et ceux d'Afrique pour le 1,6% en 1966.

Le reste est composé de ressortissants de l'Océanie, essentiellement des Australiens, et d'apatrides. Depuis un siècle, la palette étran- gère s'est couverte de couleurs exotiques qui ont renforcé le carac- tère international à grand rayon de courbure.

En 1870, les Français se taillaient la part du lion avec plus de 80% du total des étrangers. Pendant longtemps, il s'est agi d'un apport à coloration savoyarde, par conséquent d'origine régionale, qui ne posait guère de problèmes quant à l'assimilation. Après 1910, ils ont accusé un recul en valeur absolue jusqu'en 1950, passant de 35 768 à 12 366. Depuis lors ils sont remontés à 18 324.

Entre 1870 et 1888, le groupe allemand vient immédiatement après les Français. Composé de Badois, de Wurtembourgeois et de Bavarois entre autres, il est teinté de réfugiés d'Alsace-Lorraine après 1870. Entre 1888 et 1900, c'est la ferme poussée des Italiens qui, en 12 ans, passent de 3 289 à 10 211. Le groupe italien s'est stabilisé aux alentours de 1920, et la période fasciste est marquée par une régression sensible en valeur absolue. L'immigration italienne a repris vers 1946 : 20 ans après, les Italiens constituaient près du tiers de la population étrangère.

Jusqu'au lendemain de la Première Guerre mondiale, les Russes ont été relativement importants dans la population résidente genevoise : plus de 2 000 en 1910. C'est le moment de rappeler ce qu'Amiel écrivait en 1880 : « Genève est certainement un des soupiraux de l'esprit européen où se martèlent le plus de projets, une des usines où s'essaient le plus de nouveautés, non brevetées des gouvernements » 1. De nombreux réfugiés russes, parmi les- quels citons LENINE, trouvèrent à Genève un asile propice à la réflexion. Depuis 1950, on peut observer les caractéristiques sui- vantes : les Espagnols, fournissant la main-d'œuvre à des activités désertées par les Suisses, sont passés de 310 en 1950 à 14 963 en 1966 ; les Anglais, en liaison surtout avec les organisations interna- tionales, ont vu leur groupe s'étoffer, de 1 477 en 1950 à 4 521 en 1966 ; les Américains, enfin, ont afflué avec leurs capitaux, de 996 en 1950 à 4 018 en 1966. L'université et ses instituts spécialisés drainent aussi un grand nombre d'étrangers, particulièrement des Africains et des Asiatiques, ces dernières années.

1. Henri-Frédéric AMIE L, Fragments d'un journal intime, tome II, Paris et Genève, 1927, p. 286.

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CONCLUSION

La croissance démographique surprenante des 15 dernières années a naturellement posé de nombreux problèmes d'aménage- ment collectif qui ont pesé sur les finances publiques. D'autre part, la composition de la population a eu également des répercussions nombreuses. Essayons de les esquisser. Une enquête, entreprise à la demande de l'Etat, pour expliquer l'abstentionnisme politique, a établi dans un rapport préliminaire que la participation aux votations et aux élections était fonction de l'assimilation à la collectivité : l'helvétisation est donc ici directement en cause.

Enfin, l'afflux des étrangers a déclenché certains réflexes, pas vrai- ment xénophobes peut-être, mais qui ont provoqué, pourtant, un clivage psychologique dans la population. Seule la maîtrise de la croissance, dans les années à venir, permettra de surmonter ces difficultés.

BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

Annuaires statistiques de Genève.

Georges LOBSIGER, La population étrangère à Genève, tiré à part du Globe n° 101, Genève, 1961, p. 65 103.

Claude RAFFESTIN, Genève,, Essai de géographie industrielle. Thèse de l'Univer- sité de Genève, 1968, 350 p.

Recensements fédéraux de la population, Berne. Robert STEIMER,L'évolution démographique genevoise, in Genève le Pays et les

Hommes, Genève 1958, p. 191-227.

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