C OMPOSITIO M ATHEMATICA
J. T ITS
Sur les groupes triplement transitifs continus ; généralisation d’un théorème de Kerékjàrtó
Compositio Mathematica, tome 9 (1951), p. 85-96
<http://www.numdam.org/item?id=CM_1951__9__85_0>
© Foundation Compositio Mathematica, 1951, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Compositio Mathematica » (http:
//http://www.compositio.nl/) implique l’accord avec les conditions gé- nérales d’utilisation (http://www.numdam.org/conditions). Toute utili- sation commerciale ou impression systématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit conte- nir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
généralisation
d’unthéorème
deKerékjàrtó
par
J. TITS
Bruxelles 1)
§
1. Introduction.En 1940,
Kerékjàrtô [1], [2]
a démontré que les groupes homo-graphiques
d’une variable réelle et d’une variablecomplexe
sont,à un
homéomorphisme près,
les seuls groupestriplement
tran-sitifs
2 )
continus de transformationstopologiques (biunivoques
etbicontinues ) respectivement
de la circonférence et de lasphère
réellesen elles-mêmes.
Ayant
par ailleurs(Tits [1])
étudié lespropriétés générales (indépendantes
del’ensemble,
fini ouinfini,
muni ounon d’une structure
topologique,
surlequel opère
le groupeconsidéré),
des groupestriplement
transitifs et de leurs casparti-
culiers
projectifs, je
suis conduit à considérer ce théorème deKerékjàrtô
sous unangle
nouveau. J’avais en effetdonné,
danscette
étude,
divers critères caractérisant les groupesprojectifs
dans l’ensemble des groupes
triplement transitifs; appliquant
l’un d’eux aux cas considérés par
Kerékjàrtô, je
montre, dans lapremière partie (§ 3)
de laprésente
note, que tout groupetriple-
ment transitif continu de transformations
topologiques
de lacirconférence ou de la
sphère
réelle en elle-même estprojectif.
Cela
étant,
le théorème deKerékjàrtô
se ramène au suivant:les corps réels et
complexes
sont, à unisomorphisme près,
lesseuls corps
topologiques homéomorphes respectivement
à ladroite et au
plan
euclidien réel(sans point
àl’infini), qui
est uneconséquence
trèsparticulière
du théorème dePontrja- gin
sur les corpstopologiques (Pontrjagin [1], [2]).
Dans son article
[2], déjà cité,
relatif à lasphère réelle,
Kerék-1) Chargé de recherches du F.N.R.S., Bruxelles.
2) Nous dirons (voir § 2) qu’un groupe de transformations (biunivoques et réciproques) d’un ensemble est triplement transitif (ou plus généralement n-uple-
ment transitif) s’il existe une et une seule transformation du groupe transformant trois (ou n ) points donnés distincts quelconques de l’ensemble respectivement en
trois (ou n ) points donnés distincts quelconques de l’ensemble.
jártó
a démontré que celle-ci est la seule surfacepossédant
un groupetriplement
transitif continu de transformationstopologiques
enelle-même. Dans la seconde
partie (§ 4) je
montre, defaçon plus générale,
que la circonférence et lasphère
réelles sont les seulesvariétés admettant un tel groupe.
Développant
la méthode utiliséeau § 3, je
ramène cettepropriété
à un corollaire du théorème dePontrjagin,
enprouvant
que tout groupetriplement
transitifcontinu de transformations
topologiques
d’une variété en elle- même estprojectif; j’utilise
au cours de cettedémonstration,
cer-tains résultats obtenus par H. Freudenthal dans sa
"théorie
desbouts".
( Freudenthal [1], [2]).
Dans la troisième
partie (§ 5), je
montre que certaineshypo-
thèses faites aux
§§
3 et 4peuvent
êtresupprimées,
ouremplacées
par des
hypothèses plus faibles,
et, enparticulier,
que les résultatsdu §
4 restent valables pour certains espacestopologiques qui
nesont pas de5 variétés
(les polyèdres
parexemple).
Kerékjàrtô
s’est aussi intéressé aux groupesn-uplenient
transitifs
(n > 3);
il a montré que la droite euclidienne et la circonférence réelle nepossèdent
pas, pour n > 3, de groupe n-uplement
transitif de transformationstopologiques.
Cette pro-priété
s’étend à toutes les variétés etplus généralement,
à tousles espaces
topologiques possédant
une infinité depoints;
en effetpour n > 3, les groupes
n-uplement
transitifs sont des groupes finis(c’est-à-dire, opérant
sur un nombre fini depoints);
celarésulte de la
description que j’ai
donnée par ailleurs(Tits [2]),
detous les groupes
n-uplement
transitifs existants(n
>3).
J’ai eu, à l’occasion de l’élaboration de ce
travail,
defréquentes
conversations avec M. le Professeur H.
Hopf;
lesprécieuses
in-dications
qu’il
m’a données ont été un élément essentiel dans saréalisation.
§
2. Préliminaires.A. Les groupes
triplement t’ransitils: propriétés générales.
Cette
première partie du §
1 est consacrée à diversrappels
denotions et de
propriétés qui
nous seront utiles dans lasuite;
nousnous bornerons à donner des énoncés
3).
Considérons un groupe de transformations
4)
d’un ensembledonné
E;
nous dirons que ce groupe esttriplement
transitif s’il3) Pour les démonstrations, voir Tits [1] et [2].
4) I)ans le cours de cet article, nous réserverons le terme "transformation" pour
désigner une application biunivoque d’un ensemble sur lui-même.
contient une et une seule transformation transformant trois
points
donnés distincts de E
respectivement
en troispoints
donnésdistincts de
E,
etcela, quels
que soient lestriples
considérés. Ilen est ainsi en
particulier
de groupe de toutes leshomographies
non
dégénérées:
où a,
b,
c, d sont des éléments d’un corps commutatif donnéquel-
conque
K;
l’ensembleE,
danslequel
varie lepoint
x, étant lecorps K complété par l’adjonction
d’un élément ao.Nous dirons
qu’un
groupetriplement
transitif donné estprojectif
s’il
peut
être obtenu comme groupe de toutes leshomographies
sur un corps
(commutatif)
convenable que nousappellerons
alorsle corps associé au groupe
projectif donné;
ce corps est bien déterminé à unisomorphisme près.
Il est à noter que la notion de groupe
projectif
est une notionprimitive
dont l’introduction ne nécessite pas la connaissancepréalable
des corps commutatifs etsusceptible
de recevoir unedéfinition
axiomatique indépendante
deceux-ci 5 ),
ainsiqu’il résulte,
enparticulier,
des deux théorèmes suivants:THEOREME I: Pour
qu’une
groupetriplement transitif
soit pro-jectil il faut et il suffit
que toutetrans f ormation
du groupequi possède
uncouple
en involution(c’est-à-dire qui échange
deuxpoints
donnésdistincts)
soit une involution(c’est-à-dire
une trans-formation cyclique
d’ordre2) 6).
THEOREME II: Pour
qu’un
groupetriplement transitif
soit pro-jectif, il f aut
et ilsuffit
que lestransformations
du groupequi
con-servent deux
points
donnés distincts soientpermutables 7).
Le théorème
I jouera
un rôle essentiel dans la suite.Nous terminerons en énoncant
quelques propriétés générales
des groupes
triplement
transitifs.Soient G un groupe
triplement
transitif et E l’ensemble surlequel
ilopère.
Etant donnés trois
points
distinctsappartenant
àE,
la trans-formation du groupe G
qui échange
deux de cespoints
etqui
6) Voir P. LIBOIS [1] et J. TITS [1].
8) Cette propriété est mieux connue, en géométrie projective classique, sous la
forme suivante: "deux couples déterminent une involution".
’) Cette propriété est mieux connue, en géométrie projective classique, sous la
forme suivante: "les couples de points correspondants d’une projectivité hyper- bolique forment avec les points unis de cette projectivité un rapport anharmonique
constant".
conserve le troisième est une involution
(puisque
son carrépossède
trois éléments
unis).
Considérons alors toutes les transformations de Gqui peuvent
être obtenues de cettefaçon,
c’est-à-dire toutes les involutions(non identiques)
de Gqui possèdent
au moins unpoint uni;
ces involutionspossèdent
toutes un secondpoint uni,
ou bien aucune d’elles n’en
possède;
suivant le cas, nous dirons que le groupe G est depremière
ou de secondeespèce.
Pour cequi
concerne les groupes
projectifs,
la distinction entre groupes depremière
et de secondeespèce correspond,
en termes de corpsassocié,
à la distinction entre corps decaractéristique
différentede 2, et corps de
caractéristique
2. Si le groupe G est depremière espèce,
on a intérêt à ne pas considérer la transformationidentique
comme une
involution;
onpeut
alors énoncer laproposition
suivante:
Etant donnés arbitrairement deux
points
distincts u et v, il existe une et une seule involutionappartenant
à G etayant
cespoints
pourpoints unis;
deplus,
si u, v,u’,
v’ sontquatre points
distincts deux à deux et si l’involution d’éléments unis u, v
échange
lespoints
u’ etv’,
l’involution d’éléments unisu’,
v’échange
lespoints u
et v.Choisissons arbitrairement dans l’ensemble E trois
points
distincts que nous
désignerons respectivement
par 0, 1 et oo.Le groupe des transformations de G
qui
conservent lespoints
0et oo
opèrent
defaçon
transitive sur lespoints
restants de l’en-semble E; ceux-ci
peuvent
donc être considérés comme les élé- ments d’un groupeabstrait,
leproduit
de deux d’entre eux, soient a etb,
étant défini comme le transformé dupoint
b par la transformation de Gqui
conserve 0 et co etqui
transforme 1 en a.Ce groupe abstrait ne
dépend
pas, à unisomorphisme près,
despoints
0, 1 et oochoisis;
nousl’appellerons
le groupemultiplicatif
associé au groupe
triplement
transitif G. En vertu du théorèmeII,
ce groupe est abélien si et seulement si le groupe G estprojectif;
dans ce cas, il n’est autre que le groupe
multiplicatif
des élémentsnon nuls du corps associé à G.
De
façon plus générale,
il estpossible
d’associer à tout groupetriplement transitif,
un formalismequi
s’identifie avec le corps associélorsque
le groupe considéré estprojectif; l’usage
de ceformalisme
permet
de faire l’étudeanalytique
des groupestriple-
ment transitifs.
B. Les groupes
triplement transitifs
continus.Considérons un groupe
triplement
transitif Gopérant
sur unensemble E que nous supposerons dorénavant muni d’une struc- ture
topologique.
Les
triples
depoints
de Epeuvent
êtrereprésentés
par lespoints
d’un espace E X E XE, produit topologique
de trois espaceshoméomorphes
àE;
dans cet espace, lesimages
destriples
depoints
distincts forment un sous-espace que nousdésignerons
par C. Choisissons arbitrairement dans l’ensemble E trois
points distincts,
soient a,b,
c, et faisonscorrespondre
à toute transfor-mation T de
G,
lepoint image
dans C dutriple Ta, Tb, Tc,
trans-formé par T du
triple
a,b,
c; nous définissons de cettefaçon
uneapplication biunivoque
-4 de l’ensemble des transformations de G(c’est-à-dire
du groupe abstraitG)
surl’espace
C. Nous sommesainsi conduits à munir le groupe
(abstrait)
G d’une structuretopologique, image
de la structuretopologique
de C parl’applica-
tion A-1. Nous dirons que le groupe G est un groupe
triplement transiti f
continu sia )
cette structuretopologique
nedépend
pas despoints
a,b,
c
choisis,
b)
muni de cettetopologie,
le groupe(abstrait)
G est un groupetopologique (c’est-à-dire
que lesopérations
du groupe sontcontinues)
c )
le transformé Tx dupoint x (de E )
par la transformation T(de G)
est une fonction continue ducouple T,
x.1
Il
importe
d’ailleurs de constater que les conditionsa)
etc)
sont des
conséquences
presque immédiates de la conditionb ) qui
suffit donc à caractériser les groupes
triplement
transitifs con-tinus.
Réciproquement,
onpeut
montrer que sil’espace
E estlocalement
compact
et vérifie le second axiome dedénombrabilité,
les conditions
a )
etb)
sontconséquences
de la conditionc) 8).
THEOREME III: Soient G un groupe
triplement transitif
continuopérant
sur un espacetopologique E,
x y z et x’y’
z’ deuxtriples
variables de
points
distinctsappartenant
àE,
et t unpoint quel-
conque de E. Le
point
t’transformé
dupoint
t par latransformation
de G
qui transforine x y z respectivement
en x’y’ z’,
estfonction
continue de x, y, z’
x’, y’, z’,
t.DÉMONSTRATION: Soient a,
b,
c, troispoints
fixes deE,
distincts2 à 2. La transformation de G
qui
transforme lespoints a
b c,respectivement
en lespoints x y z
est par définition une fonction 8) Pour définir ses groupes triplement transitifs continus, KERÉKJÁRTÓ se sert d’une condition qui est dans l’essentiel notre condition c). Sa condition est équi-valente à la nôtre car les espaces qu’il envisage sont des variétés (donc localement compacts).
continue de x y z. De
même,
la transformation T’ de Gqui
trans-forme a b c
respectivement
en x’y’
z’ est fonction continue de x’y’
z’. Celaétant,
notreproposition
est uneconséquence
immé-diate de la relation t’ = T’T-1t.
Nous dirons avec
Kerékjàrtô
que deux groupestriplement
transitifs G et
G’, opérant respectivement
sur des espacestopo- logiqùes
E et E’ sonthoméomorphes
s’il existe unhoméomorphisme
de E sur E’ transformant G en G’.
Aux groupes
projectifs
continuspeuvent
être associés biuni-voquement, d’une façon évidente,
les corpstopologiques.
Enparticulier,
il résulte du théorème dePontrjagin
relatif aux corpstopologiques
que sil’espace
surlequel opère
un groupeprojectif
continu donné G est localement
compact,
connexe, et vérifie le 2e axiome dedénombrabilité,
le groupe esthoméomorphe
augroupe
homographique
d’une variable réelle oucomplexe.
§
3.Première partie.
THEOREME
IV: Tout groupeti-iplement transitif
continuopéi-ant
sur la
circonférence
réelle estprojectif.
DÉMONSTRATION : Soient G le groupe
considéré,
et E la circon- férence surlaquelle
ilopère.
Remarquons
tout d’abord que le groupe G est depremière espèce (cf. § 2A);
eneffet, a b c
étant troispoints
deE,
tousdistincts,
l’involution de Gqui
conserve b etqui échange a
et cchange
l’orientation de la circonférence E(puisqu’elle
transformele
triple
a b c en letriple
c ba),
etpossède
parconséquent
unsecond
point
uni.Considérons à
présent
une transformation Tappartenant
à Get
possédant
uncouple
pq en involution. En vertu du théorèmeI,
notre
proposition
sera démontrée si nous arrivons à prouver que cette transformation est involutive. Si ellechange
l’orientation deE,
il en est bien ainsi car ellepossède
alors deux éléments unis.Supposons
doncqu’elle
conserve l’orientation deE,
etdésignons
par 1 l’involution d’éléments unis p, q,
appartenant
à G. Cetteinvolution est
unique (cf. § 2A);
parconséquent
elle est trans-formée en elle-même par la transformation
T,
et on a d’oùMais la transformation TI
permute
lespoints
p, q, etchange
l’orientation de E; c’est donc une involution. Il en résulte que
donc
T = T-1
et la transformation T est une involution.
c.q.f.d.
THEOREME V: Tout groupe
triplement transitif
continuopérant
sur la
sphère
réelle estprojectif.
DÉMONSTRATION: Soient G le groupe considéré et E la
sphère
sur
laquelle
ilopère. L’espace
destriples
depoints
distinctsappartenant
à E est connexe(puisqu’on peut
passer par continuité d’untriple quelconque
à unautre);
il en est de même, par définition(cf. § 2B)
dugroupe "( abstrait)
G. Il en résulte que les transforma- tions de G conservent toutes l’orientation de lasphère
etpossèdent,
par
conséquent,
au moins unpoint
uni. Enparticulier,
si unetransformation
appartenant
à Gpossède
uncouple
eninvolution,
elle est
involutive;
et le théorème est démontré(en
vertu duthéorème
I).
REMARQUE. Le raisonnement
précédent s’applique
sans modi-fication à toute variété à
plus
d’unedimension,
dont la carac-téristique
eulérienne est différente de 0; parconséquent,
toutgroupe
triplement
transitif continuopérant
sur une telle variété estprojectif.
CONCLUSIONS. En vertu du théorème de
Pontrjagin (voir 2B)
les résultats
précédents peuvent
être mis sous la formeplus précise
que voici:Tout groupe
triplement transitif
continuopérant
sur la circon-férence
ou sur lasphère
réelle esthoméomorphe
au groupe homo-graphique
d’une variable réelle oucomplexe.
La
sphère
est la seule variété àplus
d’une dimension de carac-téristique
eulérienne non nulle surlaquelle opère
un groupetriplement
transitif continu.§
4. Deuxièmepartie.
THEOREME VI: Tout groupe
triplement transitif
continuopérant
sur une variété est
profecti f .
DÉMONSTRATION : La démonstration de ce théorème étant assez
longue,
nous en mettronsl’exposé
sous la forme d’une suite depropositions
auxiliairesqui
nous conduiront finalement au résul-tat cherché.
Soient G le groupe
considéré,
E la variété surlaquelle
ilopère
et d la dimension de cette variéte.
La variété E est connexe. En
effet,
les transformations de Gqui
conservent un
point
a donnéopèrent
transitivement sur lespoints
restants de E et, d’autre
part,
conservent lacomposante
connexede a; cela n’est
possible
que si cettecomposante
est la variété E toute entière.La variété E est
compacte.
Si d =1, la proposition
estévidente;
en
effet,
la droite euclidienne réelle(sans point
àl’infini) qui
est, à un
homéomorphisme près,
la seule variété unidimensionnelleconnexe et non
compacte,
n’admet pas de groupetriplement
transitif continu car toute transformation
topologique
de la droitetransformant deux
points
donnés a,b,
en deuxpoints
donnésa’, b’,
transforme l’intérieur dusegment ab
en l’intérieur dusegment
a’b’.Supposons
donc que la dimension d soitsupérieure
à 1 etdésignons
par 0 et oo deuxpoints distincts,
choisis arbitrairement dans E. Nous avons vu(cf. § 2A)
que lespoints
de la variété E-0 00(nous désignons
ainsi la variété Eprivée
despoints
0 et
oo ) peuvent
être considérés comme les éléments d’un groupeabstrait,
le groupemultiplicatif
associé au groupeG, qui
est iciun groupe
topologique.
Mais H. Freudenthal a montréqu’un
groupe
topologique
satisfaisant à certaines conditionspossède
aumaximum deux bouts
9).
Les conditionsd’application
de ce théo-rènle étant trivialement vérifiées dans le cas
qui
nous occupe, la variété Epossède
exactement deux boutsqui
sont lespoints
0 et oo; par
conséquent,
la variété E estcompacte (cela
résulted’une
propriété
fondamentale des bouts d’un espacetopologique, propriété
dont le contenu intuitif essentiel est le suivant:l’espace topologique
obtenu encomplétant
un espacetopologique
donnépar
adjonction
de ses bouts estcompact 10)).
Soient 0, oo et 1 trois
points
fixes distincts choisis arbitraire- ment dans la variété E. Nousdésignerons
par Tl’application
dela variété E-0 0o dans elle-même
qui,
à toutpoint
x, faitcorrespondre
le transformé dupoint
1 par l’involution de Gqui écliange
0 et oo etqui
conserve x; cetteapplication
est continue.Nous
désignerons
encore parE1 = T(E -
0-~), l’image
de lavariété E - 0 0o par
l’application
T(c’est-à-dire,
le lieu des 9) Rappelons la définition donnée par H. HOPF [1] des bouts d’une variétés E:une suite xi ... Xi - - . divergente dans E converge vers un bout de E s’il existe poiir tout i un continu Ci joignant xi et xi.,, tel que la suite des Ci diverge (c’est- à-dire, tel que tout sous ensemble compact de E ait une intersection vide avec
presque tous les Ci). Deux suites x, ... xi ..., yi ... yi ... remplissant ces condi-
tions convergent vers le même bout s’il existe pour tout i un continu Ci joignant
xi et yi, tel que la suite des Ci diverge.
On trouvera des définitions plus générales dans les articles de H. FREUDENTHAL [1], [2 ; et H. HOPF [1], [2] relatifs à cette question.
10) Voir Il. FREUDENTHAL [1], [2] et H. HOPF [1].
points
y tels que la transformation de Gqui échange
0 et oo etqui
transforme 1 en ypossède
unpoint uni);
ilpeut
arriver que cetteimage
soit confondue avec la variété E-0 0o elle-même.Tout
point
pappartenant
à E 0 0opossède
unvoisinage
Vtel que
l’application
V1
TV soitbiunivoque.
Si le groupe G est de deuxième
espèce,
laproposition
est évidentepuisque
dans ce cas,l’application T (de
E 0 0o surEl)
considérée dans son ensemble est
biunivoque.
Si le groupe est de
première espèce, l’image réciproque d’un point q
deEl
parl’application
T se compose de deuxpoints distincts,
les deuxpoints
unis de l’involutionappartenant
à Gqui échange
0 et oo etqui
transforme 1 en q ; en vertu d’unepropriété indiquée au § 2A,
ces deuxpoints
secorrespondent
dansl’involution I de G
qui
conserve 0 et oo. Pourqu’un voisinage
Vde p satisfasse à la condition
énoncée,
il est donc nécessaire et suffisantqu’il
n’ait aucunpoint
commun avec son transforméIV par cette involution. L’existence d’un tel
voisinage
résulteimmédiatement du fait que l’involution I est un
homéomorphisme.
Si le
voisinage
Vdéfini plus
haut estfermé (ce
que l’onpeut toujours supposer) l’application V
TV est unhoméomorphisme.
V
TV étant uneapplication continue,
il nous suffit de mon-trer
qu’il
en est de même de son inverseTV 1
V.Soient a, ... ai ... une suite de
points appartenant
à l’ensembleTV, convergente
dans cetensemble, a
lepoint
limite de cettesuite, b,
et b lesimages réciproques
dans V despoints
a, et a parl’application
T. Lasuite bl ... bz
...possède
au moins unpoint
d’accumulation
(puisque
la variété E estcompacte);
mais tousses
points
d’accumulationappartiennent
à V(puisque
V estfermé)
et ont pourimage
lepoint
a(puisque l’application
Testcontinue);
elle enpossède
donc un et un seulqui
n’est autre que lepoint
b. En d’autres termes, lasuite b1 ... bi ...
converge vers b, cequi
démontre laproposition.
Considéré comme sous-ensemble de la variété E - 0 - ao, l’ensemble
El
est à lafois
ouvert etf ermé.
En vertu de la
proposition précédente,
toutpoint
de l’ensembleE1 possède
dans cet ensemble unvoisinage homéomorphe
à uneboule euclidienne à d
dimensions;
parconséquent El
n’a que despoints
intérieurs(propriété
d’invariance desdomaines,
théorèmede
Brouwer)
et est un ensemble ouvert.Supposons
que l’ensembleEl
ne soit pas fermé dans E - 0 00 etdésignons
par al ... ai ... une suite depoints
deEl
conver-géant
dans E-0 0o vers unpoint
a extérieur àEl. L’image réciproque
de l’ensemble despoints
ai parl’application
Tpossède
au moins un
point
d’accumulation dans E; onpeut
donc en ex-traire une suite
convergente bl
...bi
... Soient b lepoint
limitede cette
suite,
cil’image de bi
parT,
etT,
la transformation de Gqui échange
0 et oo etqui
transforme 1 en c,. La suite c1...c,...est, à l’ordre
près,
une sous-suite de la suite a1 ... ai ...; donc elle converge vers a. Parconséquent,
si ondésigne
par T la trans- formation de Gqui échange
0 et oo etqui
transforme 1 en a,on a
Cela
étant,
la relationTibi
=bi devient, lorsqu’on
fait tendre ivers
l’infini,
Par
conséquent,
lepoint
aappartient
àl’espace E,
cequi
estcontraire à
l’hypothèse.
Le groupe G est
projectif.
Supposons
tout d’abord que la variété E-0 0o soit connexe.L’ensemble
El
estalors,
en vertu de laproposition précédente, identique
à cette variété toute entière. Parconséquent,
toutetransformation de G
échangeant
lespoints
0 et aopossède
aumoins un
point
uni et est donc uneinvolution;
le choix despoimts
0 et oo étant
arbitraire,
notreproposition
résulte du théorème I.Si,
par contre, la variété E-0 0o n’est pas connexe, la variété E esthoméomorphe
à la circonférence réelle et notreproposition
résulte du théorème IV.Le théorème VI est ainsi démontré.
CONCLUSION. En vertu du théorème de
Pontrjagin,
le résultatprécédent peut
être mis sous la formeplus précise
que voici:Les seuls groupes
triplement transitifs
continusopérant
sur desvariétés sont, à un
honzéornorphisme près,
les groupeshomographiques
d’une variable réelle et d’une variable
complexe.
§
5. Troisièmepartie.
A.
Relnarque
concernant leshypothèses faites
surl’espace
E.Si l’on
reprend point
parpoint
la démonstration du théorème VI, on voit que lespropriétés topologiques
de la variété E dont il est fait usage sont les suivantes:1)
E est un espacetopologique normal,
vérifiant le secondaxiome de dénombrabilité.
2) L’espace
E n’est pas totalement discontinu.3) L’espace
E est localementcompact.
4)
Unereprésentation topologique
d’un sous-ensemble de Esur un autre,
qui
lui esthoméomorphe,
faitcorrespondre
à toutpoint
intérieur aupremier ensemble,
unpoint
intérieur au second(invariance
desdomaines).
Il en résulte que le théorème
VI,
ainsi d’ailleurs que la conclusion que nous en avonstirée,
reste valable pour tout espacetopolo- gique remplissant
les conditions1)
et4).
Si l’on tient
compte
du faitqu’un
espacetopologique
surlequel opère
un groupetriplement
transitif continu est nécessairementhomogène,
onpeut
encore affaiblir certaineshypothèses faites;
ainsi,
les conditions3)
et4) peuvent
êtreremplacées
par les suivantes:3’) L’espace
E contient un sous-ensemble ouvert à fermeturecompacte.
4’)
Ilexiste,
dansl’espace E,
au moins unpoint
p tel que si deux sous-ensembles A et B de E contiennent tous les deux p, si p est intérieur àA,
et s’il existe unereprésentation topologique
de A sur B conservant p, p est intérieur à B.
Notons que les conditions
1) 2) 3)
et4’)
sontremplies
en par- ticulierlorsque l’espace E
est unpolyèdre.
B.
Remarque
concernant leshypothèses faites
sur le groupe C.L’hypothèse
de continuité que nous avonstoujours
faite pour le groupe Gpeut,
dans certains cas, êtreremplacée
par unehypo-
thèse moins restrictive.
Ainsi,
la démonstration du théorème IV est valable dès que les transformations du groupe G sont des transformationstopologiques (c’est-à-dire biunivoques
et bicon-tinues) ;
nous pouvons donc énoncer laproposition
suivante:Tout groupe
triplement
transitif de transformationstopologiques
de la circonférence réelle en elle-même est
projectif;
d’où l’onpeut
aisément déduireque le
groupehomographique
d’une variable réelleest, à
zcnhornéornorphisrne près,
le seul groupetriplement transiti f de transformations topologiques
de lacirconférence
réelleen elle-même.
Le théorème avait été énoncé sous cette forme
générale
parKerékjàrtô [1], [2].
En
faisant,
sur le groupeG,
deshypothèses plus
fortes que lasimple
continuité(des hypothèses
de continuité uniforme parexemple),
onpeut
obtenir des résultats concernant des espacesplus généraux
que ceuxqui
ont étéenvisagés jusqu’à présent
(par exemple
des espacesqui
ne sont pas localementcompacts).
BIBLIOGRAPHIE.
H. FREUDENTHAL
[1] Über die Enden topologischer Räume und Gruppen. Math. Zeitschrift, vol. 33 (1931 ).
[2] Neuaufbau der Endentheorie. Ann. of Math., vol. 43(1942).
L. PONTRJAGIN
[1] Über stetige Körper. Ann. of Math., vol. 33 (1932).
[2] Topological groups; Princeton 1939.
B. DE KERÉKJÁRTÓ
[1 ] Sur les groupes transitifs de la droite. Acta Univ. Szeged Sect. Sci. Math., vol. 10 (1941).
[2] Sur le caractère topologique du groupe homographique de la sphère. Acta Math., vol. 74 (1941).
H. HOPF
[1] Enden offener Räume und unendliche diskontinuierliche Gruppen. Comment.
Math. Helvetici, vol. 16 (1943/44).
P. LIBOIS
[1] Synthèse des axiomatiques de l’algèbre et des géométries projective, affine et
affine centrale. Assoc. Fr. Avancem. Sci. C. H. 1945.
J., TITS
[1] Généralisations des groupes projectifs. Acad. Roy. Belg. Bull. CI. Sci.
Févr., mars, juin, août 1949.
[2] Généralisations des groupes projectifs basées sur la notion de transitivité.
Thèse de doctorat, Bruxelles, Mai 1950.
(Oblaturn 5-9-50).