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Le praticien en anesthésie réanimation
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Note technique
Bloc du cordon spermatique
Khalid Mjahed (photo), Mehdi Ouazzani, Lhoucine Barrou
Correspondance : Khalid Mjahed, 125 rue Larache, Hay Essalam CIL, Casablanca 20200 Maroc.
kmjahed@yahoo.fr
a réalisation d’actes mineurs en chirurgie urologique, tels que la pulpectomie, la cure d’hydrocèle ou la vasectomie, fait le plus souvent appel à l’anesthésie locorégionale de type péridurale ou à la rachianesthésie. Ces techniques peuvent parfois paraître un peu « lourdes » pour des gestes chirurgi- caux simples et localisés. Le bloc du cordon spermatique (BCS) est une technique d’anesthésie simple, efficace, réalisée depuis fort longtemps par les urologues mais peu connue ou pratiquée par les anesthésistes (1, 2). Le BCS s’effectue rapidement. Il est fiable, procurant une anesthésie et une analgésie de qualité. En outre, cette technique peu onéreuse permet la réalisation de ces actes en ambulatoire, réduisant ainsi le coût de ce type d’intervention.
Rappel anatomique
Contenu du cordon spermatique
Le cordon spermatique suspend le testicule et l’épididyme conte- nus dans une tunique fibreuse ; il est centré par le vestige du pro- cessus vaginal et contient le canal déférent, les vaisseaux du testicule et de l’épididyme (artères spermatique, déférentielle, funiculaire et veines spermatiques et déférentielles). Il suit le tra- jet du canal inguinal jusqu’à son orifice profond et se termine sur la partie supérieure des testicules. On y retrouve aussi les nerfs ilio-inguinal et ilio-hypogastrique situés sur l’enveloppe du cor- don, alors que le nerf génito-fémoral se trouve à l’intérieur du cor- don (fig. 1) .
L
Innervation de la région scrotale
Les nerfs ilio-inguinal et ilio-hypogastrique sont issus des racines D12 et L1 du plexus lombaire. Ils suivent un trajet oblique en bas et en dehors dans le psoas vers l’épine iliaque antérosupérieure, puis bifurquent selon un trajet en dehors et en avant dans la paroi abdominale antérieure avant de gagner l’épine du pubis (fig. 1).
Nerf ilio-hypogastrique
À hauteur de la crête iliaque, il traverse le muscle transverse pour cheminer sur la face postérieure du muscle oblique interne. À ce niveau émerge un rameau fessier destiné à la partie supérieure de
Figure 1. Innervation de la région inguinoscrotale. 1) nerf ilio-
inguinal ; 2) nerf ilio-hypogastrique ; 3) nerf génito-
fémoral ; 4) tubercule pubien ; 5) cordon spermatique.
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la fesse, puis il se divise en deux branches terminales, l’une abdo- minale innervant la paroi antéro-inférieure de l’abdomen, l’autre génitale innervant les téguments de la région pubienne du scro- tum et de la face antéro-externe de la cuisse.
Les nerfs ilio-hypogastrique et ilio-inguinal sont situés sur l’enve- loppe du cordon en position antéro-interne.
Nerf ilio-inguinal
Il chemine dans le même plan que le nerf ilio-hypogastrique mais légèrement en dessous pour se diviser en deux branches, l’une abdominale, l’autre génitale, qui ont les mêmes territoires d’innervation que les rameaux du nerf ilio-hypogastrique.
Nerf génito-fémoral
Issu des racines de L1-L2 du plexus lombaire, il chemine dans le psoas. En arrière de l’arcade crurale, il se divise en deux branches, l’une génitale, l’autre fémorale. Le rameau génital pénètre dans le canal inguinal, chemine en arrière des enveloppes du cordon, innerve le crémaster pour terminer sa course dans la peau du scro- tum. Le nerf génitofémoral est à l’intérieur du cordon en position postéro-externe. Le rameau fémoral innerve la peau du triangle de scarpa.
Nerf pudendal
La peau du scrotum est innervée par des branches périnéales issues du nerf pudendal (fig. 2) .
Technique du bloc
Il faut respecter les principes élémentaires de surveillance et de réalisation d’un bloc nerveux, à savoir consultation pré-anesthési- que, voie veineuse périphérique et monitorage.
Repères anatomiques et technique de ponction
Le patient est installé en décubitus dorsal, jambes allongées. La région inguinale est désinfectée. Le principal repère est le tuber- cule pubien. Celui-ci est situé à la partie inféro-externe de la sym- physe pubienne. Le cordon spermatique émerge juste au-dessus et derrière ce repère osseux (fig. 3). Il est saisi délicatement entre le pouce et l’index sans effectuer de traction (fig. 4). Une aiguille de
Figure 2. Innervation du scrotum. 1) nerf ilio-inguinal ; 2) nerf ilio-
hypogastrique ; 3) branche génitale du nerf génito-fémoral ; 4) branches périnéales du nerf pudendal.
Figure 3. Repères anatomiques. 1) épine iliaque antéro-supérieure ;
2) cordon spermatique ; 3) tubercule pubien ; 4) raphé médian.
Figure 4. Préhension douce du cordon entre le pouce et l’index de la
main droite.
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Bloc du cordon spermatique
23 Gauge, 40 mm, montée sur une seringue de 20 ml, doit empa- ler le cordon jusqu’au contact du tubercule pubien (fig. 5). Après un test d’aspiration, l’aiguille est retirée tout en injectant la solu- tion anesthésique, puis on la réoriente selon un autre angle et la même opération est effectuée. Au total, 3 injections de 3 à 5 ml de produit sont effectuées afin d’infiltrer tout le cordon. Chez le sujet obèse, le repérage clinique du tubercule pubien est difficile. Dès lors, il faut saisir délicatement le cordon et introduire l’aiguille dans les trois plans selon les mêmes modalités que précédemment.
Les tests d’aspiration doivent être fréquents du fait de l’existence de nombreux vaisseaux dans le cordon. L’infiltration du raphé médian nécessite l’utilisation d’une aiguille intradermique et doit se faire sur une longueur de 5 à 10 cm (fig. 6).
L’infiltration du cordon étant douloureuse, elle peut nécessiter l’application préalable de crème EMLA ou être associée à une légère sédation.
Choix et volume des solutions anesthésiques
Nous utilisons un mélange de lidocaïne à 2 % et de bupivacaïne à 0,5 % qui permet la réalisation du geste et procure une analgésie postopératoire de longue durée. Le volume moyen est de 10 ± 3 ml d’anesthésique local par cordon plus 4 ± 1 ml de lido- caïne à 1 % pour l’infiltration du raphé médian.
La lidocaïne à 2 % utilisée seule procure un bloc d’une durée de 80 ± 30 minutes, et le relais est pris par une analgésie orale. La ropivacaïne permet d’assurer une analgésie postopératoire de lon- gue durée tout en réduisant le risque de toxicité cardiaque par rapport à la bupivacaïne.
L’adrénaline est formellement contre-indiquée du fait du caractère terminal de la vascularisation du contenu scrotal.
Indications — contre-indications
Les indications anesthésiques et/ou analgésiques de ce bloc sont la cure d’hydrocèle ou de spermatocèle, la pulpectomie pour cancer de prostate (1-5), la vasovasectomie, la biopsie testiculaire pour prélè- vements de spermatozoïdes dans les cas de stérilité (6) et l’analgé- sie postopératoire après orchidopexie chez l’enfant (7). Ce bloc peut être utilisé pour la prise en charge de douleurs scrotales chroni- ques, à titre diagnostique voire thérapeutique (8). L’existence d’une hernie inguino-scrotale est une contre-indication de cette technique. Chez l’enfant, le bloc est effectué sous anesthésie géné- rale ou sédation.
Complications
En cas d’anesthésie incomplète du contenu scrotal, le chirurgien peut compléter l’infiltration sous contrôle de la vue. Les hémato- mes au point de ponction sont fréquents et nécessitent une simple compression. Le risque de stérilité par lésion du canal déférent est théorique mais n’a jamais été rapporté dans la littérature. La sur- venue de bradycardie, de nausées ou de vomissements est souvent liée à un geste brusque de traction sur le cordon et réagit à l’atro- pine (3). Ces complications sont exceptionnelles si des précau- tions élémentaires sont prises (tests d’aspiration, adhésion du chirurgien à la technique, manipulations douces pendant la réali- sation du bloc et en peropératoire).
Figure 5. Infiltration directe du cordon jusqu’au contact osseux. Figure 6. Infiltration du raphé médian avec une aiguille intradermique.
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Khalid Mjahed, Mehdi Ouazzani, Lhoucine Barrou