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Adrien Bodart
To cite this version:
Adrien Bodart. La protection intégrée des eaux souterraines en droit de l’Union Européenne. Droit.
Université Rennes 1, 2016. Français. �NNT : 2016REN1G026�. �tel-01484318�
THÈSE / UNIVERSITÉ DE RENNES 1
sous le sceau de l’Université Bretagne Loire
pour le grade de
DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE RENNES 1
Mention : DROIT
Ecole Doctorale Sciences de l’Homme, des Organisations et de la Société
présentée par
Adrien BODART
Préparée à l’unité de recherche (UMR CNRS 6262 IODE) Institut de l’Ouest Droit et Europe
Faculté de Droit et de Science Politique
__________________________________________________________
La protection intégrée des eaux souterraines
en droit de l’Union européenne
Thèse soutenue à Rennes le 5 décembre 2016
devant le jury composé de :
Annie CUDENNEC
Professeure de droit public à l’Université de Bretagne Occidentale / AMURE UMR 6308 CNRS / rapporteur
Jochen SOHNLE
Professeur de droit public à l’Université de Lorraine / Faculté de Droit de Nancy / rapporteur
Philippe BILLET
Professeur de droit public à l’Université de Lyon III / EVS UMR 5600 CNRS / examinateur
Philippe DAVY
Directeur de recherche CNRS, Université de Rennes 1 / Géosciences UMR 6118 CNRS / examinateur
Alexandra LANGLAIS
Chargée de recherche CNRS, Université de Rennes 1 / IODE UMR CNRS 6262 / examinateur
Nathalie HERVE-FOURNEREAU
Directrice de recherche CNRS, Université de Rennes 1 / IODE UMR CNRS 6262 / directeur de thèse
A mon fils Arthur, dont nous préserverons l’avenir, en Europe, en Amérique latine, et partout ailleurs.
A mon épouse Liliana, mon exemple et ma source de courage.
A mes parents, de France et de Colombie.
J’aimerais avant tout assurer de toute ma gratitude ma directrice de thèse, Mme Nathalie Hervé-Fournereau, pour avoir accepté de diriger cette thèse, pour la finesse de ses conseils, et sa compréhension constante au cours de ces longues années. L’opportunité extraordinaire d’assister au colloque de l’Académie du droit international de l’environnement tenu en Afrique du Sud en 2011 participe également de cette reconnaissance.
Je remercie les éminents membres du Jury d’avoir consenti à évaluer la présente thèse.
Je remercie également Mme Isabelle Bosse-Platière, pour m’avoir incité à m’engager dans cette aventure et à le faire sous l’égide de l’Université de Rennes 1. Que soient aussi remerciées les équipes de l’Université, de notre laboratoire, qui nous accompagnent avec bienveillance.
J’adresse ma reconnaissance à M. Bernard Drobenko pour m’avoir transmis le “goût” de l’eau, et de l’étude de son droit.
Je remercie les auteurs extérieurs à l’Université de Rennes qui m’ont gracieusement transmis leur thèse : M. Philippe Billet, Maylis Desrousseaux et Claire Joachim.
Je remercie MM. Philippe Davy et Olivier Bour pour l’intérêt qu’ils ont témoigné à cette recherche, pour m’avoir présenté leur équipe et m’avoir donné de précieuses informations.
J’aimerais également remercier tous ceux qui, par affection, amitié, ont rendu moins difficile l’épreuve doctorale, grâce à l’appui exprimé, à l’aide apportée.
Je remercie du fond du cœur Eric Juet, Fabien Rossignol, Marie-Christine Becuwe, Mélodie Fèvre, et Liliana pour leur inestimable contribution à la relecture et à la mise en forme de la thèse.
Je tiens aussi à exprimer ma reconnaissance à ceux qui, sans relâche, m’ont réconforté par leur soutien sans cesse réaffirmé, notamment toute l’équipe des “franco-latinos”.
Je n’oublie pas tous ceux qui ne seraient pas cités, mais qui ont, ici et ailleurs, prodigué la
chaleur de leur amitié et, par-là, contribué à rendre l’improbable, possible.
INTRODUCTION……….1
Section 1 – L’atrophie du concept d’« eau souterraine » dans sa qualification juridique………...13
Section 2 – La construction d’un régime juridique des eaux souterraines en Europe : un cheminement récent vers leur gestion intégrée………...55
Section 3 – Le nécessaire passage d’une gestion à une protection intégrée au regard des singularités de l’eau souterraine………....87
PREMIERE PARTIE ■ Une protection limitée par une conception sommaire des eaux souter- raines……….101
TITRE I
ER– L’appréhension restrictive des eaux souterraines à protéger dans la DCE……….103
Chapitre I
er▪ Les eaux souterraines selon le droit de l’Union, simplification utilitaire d’une réalité com- plexe………...…103
Chapitre II ▪ L’incomplétude probable de la notion d’« état » des eaux souterraines à la lumière des dernières avancées scientifiques………..145
TITRE II – L’omission partielle de particularités de l’eau souterraine dans le cadre général fixé par la DCE………...223
Chapitre I
er▪ L’adéquation perfectible du droit de l’UE avec le temps propre aux eaux souterraines………225
Chapitre II ▪ L’adéquation imparfaite du droit de l’Union avec la spatialité propre aux eaux souterraines….285 DEUXIEME PARTIE ■ Pour un renforcement de la protection intégrée des eaux souterraines : une transsectorialité accrue des politiques et la mobilisation de tous les acteurs………345
TITRE I
ER– L’efficacité de la protection intégrée des eaux souterraines conditionnée par leur prise en compte dans l’ensemble des politiques de l’Union ………..347
Chapitre I
er▪ Une mise en cohérence des législations de la politique environnementale à poursuivre pour une protection efficace des eaux souterraines ………...351
Chapitre II ▪ L’urgence d’un respect accru du principe d’intégration des exigences liées aux eaux souterraines dans les autres politiques ………...449
TITRE II – L’accroissement de l’effectivité du droit de l’Union protégeant l’eau souterraine grâce à une contribution rééquilibrée entre les acteurs ………...519
Chapitre I
er▪ L’intervention souhaitable de l’Union pour une allocation de la ressource et une répartition des coûts de protection plus équitables………...525
Chapitre II ▪ Le déploiement souhaitable d’incitations non financières pour une protection durable et assumée par les utilisateurs de l’eau souterraine……….569
CONCLUSION………...……625
ANNEXES………...633
BIBLIOGRAPHIE………..671
TABLE DES MATIERES……….…………..…819
Usage de guillemets différents
« x » : citation
‘x’ : citation dans la citation, ou guillemets insérés par les auteurs eux-mêmes
“x” : guillemets signifiant l’usage prudent d’une expression, ou guillemets anglophones
Abréviations lexicales et expressions abrégées aff. : affaire
al. : alinéa art. : article
éd. : édition(s) ; éditeur(s) eur. : européen(ne) c. : contre
Ch. : chambre chap. : chapitre
CO
2: dioxyde de carbone coll. : collection
Commission : Commission européenne cons. : considérant
Conseil : Conseil de l’Union européenne coord. : coordinateur
DDC : date de dernière consultation
DG : Direction(s) Générale(s) (de la Commission européenne) dir. : directeur (de l’ouvrage)
droit de l’Union : Droit de l’Union européenne
Etat(s) membre(s) : Etat(s) membre(s) de l’Union européenne f. : final
ha : hectare(s)
Institution(s) : Institution(s) de l’Union européenne km : kilomètre(s)
µm : micromètre(s)
nm : nanomètres(s)
n. p. : non publié(e)
Parlement : Parlement européen
Projet d’articles : Projet d’articles sur le droit des aquifères transfrontières pt : point
Rec. : Recueil de jurisprudence de la Cour de Justice (de la Communauté / de l’Union européenne) s. : suivants
spéc. : spécialement
SupAgro : Institut national d’études supérieures agronomiques de Montpellier tab. : tableau
trad. non off. : traduction non officielle trim. : trimestre
Locutions et abréviations latines
Confer (cf.) : renvoi à une source, suggestion d’une lecture complémentaire Idem (id.) : cité juste au-dessus
Id est (ie) : c’est-à-dire
Ibidem (ibid.) : cité deux premières fois juste au-dessus Infra : voir ci-dessous, plus avant
Opere citato (op. cit.) : précédemment cité Supra : voir ci-dessus, précédemment Ultimus at non minime : last but not least Via : à travers, grâce à
Sigles, acronymes et autres abréviations
A
ACP : groupe de pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ACV : Analyse du Cycle de Vie
ADEME : Agence De l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie
AEGOS (African-European Georessources Observation System) : Système d’observation Afrique-Europe des géoressources)
AFD : Agence Française de Développement
AFDI : Annuaire Français de Droit International
Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) AGNU : Assemblée Générale des Nations Unies
AGW-Net (Africa Groundwater Network) : Réseau Eaux souterraines en Afrique ANDRA : Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs
B
BCAE : Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales
BD RHF : Base de Données du Référentiel Hydrogéologique de France
BGR (Bundesanstalt für Geowissenschaften und Rohstoffe) : institut fédéral (allemand) pour les géosciences et les ressources naturelles
BIPM : Bureau International des Poids et Mesures
BOMEDD : Bulletin Officiel du Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable BRGM : Bureau de Recherche Géologique et Minière
C
CAP-NET (international network for capacity development in sustainable water management) : réseau inter- national pour le développement de capacité en matière de gestion durable de l’eau
CDI : Commission du Droit International CdR : Comité des Régions
C(E)E : Communauté (Economique) Européenne CEA : Commissariat à l’Energie Atomique
CESE : Comité Economique et Social Européen
CGDD : Commissariat Général au Développement Durable
CGEDD : Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable CIE : Commission Internationale de l’Escaut
CIEL : Centre Interlangues d’Études en Lexicologie
CIRAD : Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement CIRANO : Centre Interuniversitaire de Recherche en Analyse des Organisations
CIRCABC (Communication and Information Resource Centre for Administrations, Businesses and Citizens) : Centre de ressources en communication et information pour les administrations, les entreprises et les citoyens
CIS (Common Implementation Strategy) : Stratégie commune de mise en œuvre de la DCE
CJCE : Cour de Justice des Communautés Européennes / de la Communauté Européenne
CNRTL : Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales
CNUDM : Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (Montego Bay, 1982)
CORDIS (Community Research and Developement Information Service) : Service communautaire d’infor- mation sur la recherche et le développement
Cour EDH : Cour Européenne des Droits de l’Homme
CIUS : Conseil International des Unions Scientifiques/pour la Science
CWEPSS : Commission Wallonne d’Etude et de Protection des Sites Souterrains
D
DCE (WFD : Water Framework Directive) : Directive-cadre sur l’eau (2000/60/CE) DG : Direction Générale (de la Commission européenne)
DG AGRI : Direction Générale de l’Agriculture et du développement rural
DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
E
EAWAG : Institut de Recherche de l’Eau du domaine des Ecoles Polytechniques Fédérales (suisses) ECHA (European Chemicals Agency) : Agence européenne des produits chimiques
ECOLEX : Base de données internationale gérée par l’UICN et les Nations Unies, dédiée au droit de l’environnement (droits nationaux et droit international)
EEA (European Environment Agency) : Agence européenne pour l’environnement EEO : Empreinte Environnementale d’Organisation
EEP : Empreinte Environnementale de Produit
EFI (European Forest Institute) : Institut européen des forêts
EFSA (European Food Safety Agency) : Agence européenne de sécurité des aliments
EMAS (Eco-Management and Audit Scheme) : Système de management et d’audit environnemental EnR : Energies renouvelables
ERMG : Exigences Réglementaires en Matière de Gestion ERU (directive) : Eaux résiduaires urbaines
F
FAO (Food and Agriculture Organization of the United Nations) : Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
FC : Fonds de Cohésion
FEADER : Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural
G
GECT : Groupement Européen de Coopération Territoriale
GGIS (Global Groundwater Information System) : Système global d’information sur l’eau souterraine GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat
GIRE : Gestion Intégrée des Ressources en Eau GIZC : Gestion Intégrée des Zones Côtières GPL : Gaz de Pétrole Liquéfié
GWP (Global Water Partnership) : Partenariat Mondial pour l’Eau
H
Harmoni-CA (Harmonised modelling tools for integrated basin management) : outils harmonisés de modé- lisation pour la gestion intégrée de bassin
I
IAH (International Association of Hydrogeologists) : Association Internationale des Hydrogéologues ICE : Initiative Citoyenne Européenne
IDRC (International Development Research Centre) : Centre de Recherches pour le Développement In- ternational
IFREMER : Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer
IGBP (International Geosphere-Biosphere Programme) : Programme International Géosphère-Biosphère IGRAC (International Groundwater Resources Assessment Centre) : Centre international d’évaluation des ressources en eau souterraine
ILM : International Legal Materials
ILRI (International Livestock Research Institute) : Institut International de Recherche sur les Animaux d’élevage
INERIS : L’Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques INRA : Institut National de la Recherche Agronomique
INRS : Institut National de Recherche et Sécurité
INSERM : Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale
IPPC (Integrated Pollution Prevention and Control) : prévention et réduction intégrées de la pollution ISA (International Seabed Authority) : Autorité internationale des fonds marins
ISARM (Internationally Shared Aquifers Resources Management Programme) : Initiative sur la gestion des
ressources issues d’aquifères transnationaux
J
JRC (Joint Research Centre) : Centre Commun de Recherche JORF : Journal Officiel de la République Française
JOCE / JOUE : Journal Officiel des Communautés Européennes / de l’Union Européenne
M
MAET : Mesure(s) Agro-Environnementale(s) Territorialisée(s) – remplacées par les MAEC, Me- sures Agro-Environnementales et Climatiques
MAUSS : Mouvement anti-utilitariste dans les sciences sociales
MBI (Market-Based Instruments) : instruments économiques ou fondés sur le marché
MED EUWI (Mediterranean component of the European Union Water Initiative) : Composante Méditer- ranéenne de l’Initiative Eau de l’Union européenne
MEA : Millenium Ecosystem Assessment
MGM : Micro-organisme Génétiquement Modifié MOC : Méthode Ouverte de Coordination
MTD : Meilleures Techniques Disponibles
N NQES : Norme(s) de qualité d’une eau souterraine
O OMC : Organisation Mondiale du Commerce
OMNT : Observatoire des Micro et Nanotechnologies OMS : Organisation Mondiale de la Santé
ONEMA : Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques ONG : Organisation(s) Non Gouvernementale(s)
ONU : Organisation des Nations Unies
P PAE : Programme d’action pour l’environnement
PAEC : Paiements Agro-Environnementaux et Climatiques
PCRD : Programme-cadre de Recherche et Développement
PCP : Politique Commune de la Pêche
PEI : Partenariat Européen d’Innovation
PEIPSEK : Protocole d’Etudes d’Impact de la Pratique Spéléologique des Eaux Karstiques PGBH : Programme de Gestion de Bassin Hydrographique
PHI : Programme Hydrologique International
PIREN : Programme Interdisciplinaire de Recherche sur l’Environnement (de la Seine) PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
PNUE : Programme des Nations Unies pour l’Environnement PSE : Paiements pour Services Ecosystémiques/Environnementaux PUF : Presses Universitaires de France
PULIM : Presses Universitaires de Limoges PUR : Presses Universitaires de Rennes
R
REACH : Registration Evaluation and Autorisation of CHemicals REDE : Revue Européenne de Droit de l’Environnement
RIOB : Réseau International des Organismes de Bassin (RAOB : Réseau Africain) RJE : Revue Juridique de l’Environnement
RSE : Responsabilité Soci(ét)ale des Entreprises RTNU : Recueil des Traités des Nations Unies
S SAU : Surface Agricole Utile
SCCS (Scientific Committee on Consumer Safety) : Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs SCENIHR (Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks) : Comité scientifique sur les risques sanitaires émergents et nouvellement identifiés
SCHER (Scientific Committee on Health and Environmental Risks) : Comité scientifique sur les risques sanitaires et environnementaux
SEMIDE : Système Euro-Méditerranéen d’Information sur les savoir-faire dans le Domaine de l’Eau SERDEAUT : Sorbonne Etudes et Recherches en Droit de l’Environnement, de l’Aménagement, de l’Ur- banisme et du Tourisme
SETAC (Society of Environmental Toxicology and Chemistry) : Société de chimie et de toxicologie environnementales
SIGES : Système d’Information sur la Gestion des Eaux Souterraines
SoCo (Sustainable agriculture and SOil COnservation) : Agriculture durable et conservation des sols
T
TAC (Technical Advisory Committee) : Comité Technique Consultatif TFUE : Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne TUE : Traité instituant l’Union Européenne
U UE : Union Européenne
UICN : Union Internationale de Conservation de la Nature
UNECE (United Nations Economic Commission for Europe) : Commission Economique des Nations Unies pour l’Europe
UNESCO (United Nations Educational Scientific and Cultural Organization) : Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture
UNICEF (United Nations International Children’s Emergency Fund, renommée en 1953 United Nations Children’s Fund) : Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
V VLE : Valeurs Limites d’Emission
W
WHYMAP (World-wide Hydrogeological Mapping and Assessment Program) : Programme mondial de car- tographie et d’évaluation hydrogéologique
WISE (Water Information System for Europe) : Système d’information sur l’eau pour l’Europe
Z ZEE : Zone Economique Exclusive
ZNIEFF : Zones Naturelles d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique
INTRODUCTION
« Ni dans l’air, ni au milieu de l’océan, ni dans les profondeurs des mon- tagnes, ni en aucune partie de ce vaste monde, il n’existe de lieu où l’être humain puisse échapper aux conséquences de ses actes », Le Dhammapada, 127
estance
1.
Propos liminaires – L’inestimable importance d’une ressource invisible
Les eaux souterraines représentent quatre-vingt-dix-huit pour cent de l’eau douce liquide sur Terre
2. Dans la mesure où cette dernière ne constitue qu’un pour cent de l’eau planétaire, la dimension vitale de l’eau souterraine, tant pour l’Homme que pour la biosphère continentale, est indéniable. Pourtant, dans l’imaginaire commun, l’eau de surface – du ruisseau jusqu’au fleuve, de l’étang au lac –, occulte cette importance insoupçonnée
3. L’ancien adage anglais « out of sight, out of mind » trouve toute sa pertinence à propos de l’eau souterraine, la plupart du temps soustraite au regard sous l’“écran” que forme le sol et, de ce fait, “oubliée de l’esprit”
4: on ne s’intéresse à l’eau
1
In P.S. DHAMMARAMA, André BAREAU, Dhammapada - Texte et traduction (enseignements versifiés du Bouddha), Bulletin de l’Ecole française d’Extrême-Orient, tome 51, n°2, 1963, pp. 237-319.
2
Les estimations varient, mais oscillent autour de ce chiffre. « La presque entière totalité de l’eau, sur la planète, se présente sous forme d’eau salée dans les océans. Les deux-tiers des 3% de ressources mondiales en eau douce se trouvent dans les régions polaires et montagneuses sous forme de neige et de glace. L’eau douce liquide ne constitue par conséquent qu’environ 1% des ressources mondiales en eau, et se trouve pour l’essentiel, et en permanence, sous forme d’eau souterraine, puisque l’eau des rivières et des lacs représente moins de 2% de ces eaux douces liquides ». In Archives de documents de la FAO, Déverrouiller le potentiel de l’eau en agriculture, 2003, 72 pages, publié en ligne sur
http://www.fao.org/docrep/005/y4525f/y4525f00.htm
[DDC : 18.09.16] (2, §2 « L’importance croissante des eaux souterraines »).
3
D’après le n°58.0 d’Eurobaromètre, en 2002 [European Opinion Research Group, Les attitudes des Européens à l’égard de l’environnement, sondage commandité par la Direction générale de l’environnement, pdf publié en décembre 2002], 43% des Européens se déclaraient « très inquiets » quant à la pollution des eaux souterraines (p. 8) ; dans le même temps, 37% d’entre eux s’estiment bien informés à ce sujet (p. 14). En 2007, 47% des Européens citaient, parmi les sujets environnementaux les préoccupant le plus, la pollution de l’eau – y compris souterraine (p. 8), et 27% pensaient manquer d’informations à ce propos (p. 62) [Eurobaromètre spécial n°295, pdf publié en mars 2008]. La connaissance réelle des enjeux liés à l’eau souterraine est probablement bien plus faible que celle affichée par l’opinion, les questions se cantonnant d’ailleurs, ici, aux problèmes de pollution.
4
Par exemple, cet “oubli de l’esprit” se révèle à travers le faible nombre de thèses juridiques – alors que les sciences
de la Terre ou les sciences économiques s’y sont largement intéressées – dédiées à l’eau souterraine : les derniers travaux
doctoraux consacrés à l’eau souterraine en France remontent à plusieurs décennies (cette affirmation exclut la thèse de
doctorat d’Enas ABUHMAIRA, Le régime juridique des ressources naturelles fluides souterraines communes, sous la direction de
François HERVOUET et Stéphanie PAVAGEAU, soutenue en 2011, 524 pages, car elle porte à la fois sur l’eau, le
pétrole et le gaz naturel) : elles datent respectivement de 1933 (François TROUPEL, La propriété du sous-sol : les eaux
souterraines et les grottes, 214 pages), 1942 (Pierre DESCROIX, Le régime juridique des eaux souterraines, sous la direction
d’Achille MESTRE, 191 pages) et 1974 (Guy FRECHET, La protection juridique des eaux souterraines, sous la direction de
Michel DESPAX, 396 pages). Dans les autres Etats européens, ce sujet ne mobilise pas non plus, à notre connaissance,
les chercheurs en droit – de rares thèses, allemandes (Adolf E. ALTHERR, Die rechtliche behandlung des grundwassers unter
spezieller berücksichtigung des zurcherischen rechts und vergleichender heranziehung der deutschen landeswassergesetze, publiée en 1934,
297 pages ; Jürgen SCHULZ, Die aktuellen Grundwasserrechte und ihre nachträgliche Belastbarkeit nach dem Wasserhaushaltsgesetz
und dem Landeswassergesetz in Nordrhein-Westfalen, soutenue en 1988, 337 pages), suisses (Stéphane MEROT, Les sources et
les eaux souterraines : étude des législations fédérales et vaudoises, soutenue en 1996, 251 pages), espagnoles (Maria Valentina
ERICE, La protección de las aguas subterráneas en el derecho de aguas español, sous la direction d’Angel Maria RUIZ DE
APODACA ESPINOSA, soutenue en 2012, 461 pages) et néerlandaises (Patrick KALDERS, Governance in time : time,
souterraine que là où l’eau de surface est absente ou vient à manquer. On l’a d’ailleurs longtemps cherchée via des méthodes confinant au surnaturel, telles que la sourcellerie. Une perception sou- vent erronée, fragmentaire, de cette eau invisible, a sans doute desservi la protection de celle-ci, malgré son rôle substantiel pour des usages aussi fondamentaux que la production d’eau potable et l’irrigation. La présente recherche doctorale veut contribuer au recul de cette méconnaissance dom- mageable. De par sa quantité, sa qualité
5supérieures à celles de l’eau superficielle – grâce à la pro- tection qu’offrent certains sols
6–, ainsi que ses fonctions environnementales essentielles, caracté- ristiques que l’on détaillera plus avant, l’eau souterraine devait nécessairement être appréhendée par le droit. Ce, d’autant qu’elle est objet de nombreux usages, affectée par nombre d’autres, et que cette qualité supérieure peut devenir sa malédiction : une telle eau, de qualité, en outre peu chère, incite à la surexploitation
7. Ces aspects – quantité, qualité, fonctions – structurent l’ensemble de ce que l’on appelle le “droit de l’eau”, mais avec une acuité différente selon le type d’eaux considérées ; ce n’est point sans raison que les superlatifs utilisés par le droit de l’Union européenne affirment que « [l]es eaux souterraines constituent les réserves d’eau douce les plus sensibles et les plus impor- tantes pour l’Union »
8. Relevons, à titre indicatif, que l’eau souterraine fournit environ soixante-cinq pour cent de l’eau destinée à la consommation humaine en Europe
9, soit une assez large majorité, et que certains de ses Etats membres, insulaires (Malte, Chypre) ou non (Danemark, Lettonie, Pays- Bas), en dépendent quasi-exclusivement pour leur approvisionnement
10.
turbulence and management of trajectories in groundwater policy, soutenue en 1998, 307 pages ; Kirstin CONTI, The law and governance of transboundary aquifers, débutée en 2013).
5
Cf. l’article 1
er§2, d, du Protocole d’application de la Convention alpine de 1991 [Convention-cadre de Salzbourg sur la protection des Alpes, du 7 novembre 1991] dans le domaine de la protection des sols (Bled, 16 octobre 1998), qui décrit le sol comme un « milieu de transformation et de régulation pour les apports de substances, notamment par ses capacités de filtre, d’effet tampon, de réservoir, en particulier pour la protection des eaux souterraines ».
6
Comme le portail de l’Académie de l’eau (
http://academie-eau.org/fr/eau_mythlogies_et_cosmogonies-83.html[DDC : 18.09.16]) le souligne, « éloignée de son origine souterraine, l’eau semble perdre ses vertus. Ni nymphes latines, ni fées celtiques, ne se baignent en rivière, mais toujours dans les sources ». En filigrane, cette observation renvoie à l’idée de “pureté”
de l’eau, dont la signification relève pour l’essentiel du domaine rituel, sacré.
7
Cf. Application of the UNECE Water Convention to groundwater and possible developements, Bureau juridique de la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux (Commission économique pour l’Europe, 17 mars 1992, RTNU, vol. 1936, I-33207), LB/2010/INF.2, 7
èmeréunion du Bureau, 15-16 avril 2010 : « Groundwater is usually characterized by more relative purity than surface water » ; « such specific quality may render groundwater more vulnerable with respect to overexploitation » (III, §11).
8
Directive 2006/118/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration, JOUE n°L372 du 27 décembre 2006, p. 0019-31 (Préambule, §2).
9
Chiffre donné par La directive-cadre sur l’eau, Tirez-en parti ! (p. 2), brochure publiée en 2002 par la Commission euro- péenne –
http://ec.europa.eu/environment/water/water-framework/pdf/tapintoit_fr.pdf[DDC : 18.09.16]. Ce chiffre est inférieur à celui indiqué par la Commission du droit international (CDI) dans son 1
errapport relatif aux Ressources naturelles partagées (rapporteur spécial : Chusei YAMADA), A/CN.4/533 et son additif (A/CN.4/533/Add1), 55
èmesession, Annuaire de la CDI, vol. II, 2
èmepartie, 2003 (spécialement le §41) : « les eaux souterraines sont la principale source d’approvision- nement public en eau dans les pays européens, où elles représentent plus de 70% des ressources totales utilisées à cette fin ».
10
Chypre, à hauteur de 70% ; Lettonie, de 72% ; Danemark, de 99,2% ; Malte, de 100%. Source : pourcentages calculés à partir des données fournies par EUROSTAT, Groundwater and surface water abstraction, 2001-2011 (million m³),
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/statistics_explained/images/e/e1/Groundwater_and_surface_water_abstraction%2C_2001-2011_%28million_m%C2%B3
%29.png
[DDC : 18.09.16]. Nous n’avons tenu compte que des chiffres les plus récents – pour 2011.
En dépit de cette importance, “méconnaissance” est le mot adéquat pour décrire la situation de l’eau souterraine dans les représentations collectives. En effet, l’eau souterraine n’est pas incon- nue de l’Homme, exploitée depuis des temps immémoriaux, mais assez mal connue. Dérobée à la vue, l’eau souterraine a nourri l’imaginaire des civilisations anciennes, dans lequel le sol, le sous-sol occupent une place particulière, quelle qu’ait pu être l’éventuelle influence du milieu naturel
11sur la formation de leur culture, sur la construction de leur cosmogonie. L’eau souterraine partage avec le sous-sol et le sol un double visage, l’un lié à la vie, par l’action transformatrice des forces du sous- sol
12, par la fertilité
13, l’autre lié à la mort, aux ténèbres infernales
14. Les bienfaits prodigués par le sol, le sous-sol et l’eau
15qui y coule côtoient ainsi, dans une relation ambiguë, les angoisses
16favo- risées par l’invisible, le danger surnaturel, et la promesse de punition
17. Cependant, cette ambiva- lence ne caractérise pas toutes les représentations passées de l’eau souterraine : par exemple, dans
11
Cette idée correspond au courant doctrinal « déterministe » de la géographie (« l’explication des répartitions, des activités et des comportements humains se trouve dans l’ensemble des potentialités et des contraintes nées de la com- binaison des éléments du milieu naturel », d’après Olivier DOLLFUS, Brèves remarques sur le déterminisme et la géographie, L’Espace Géographique, n°2, 1985, pp. 116-120, spécialement p. 117), aujourd’hui minoritaire, selon lequel le milieu physique influence de manière décisive le développement humain, y compris sa dimension culturelle. Par exemple, dans l’ensemble du monde musulman – qui recouvre depuis le VII
èmesiècle la péninsule arabique, une partie de l’Asie et de l’Afrique –, né dans des contrées arides voire désertiques, l’eau est le ferment premier de la vie : « Nous avons créé, à partir de l’eau, toute chose vivante » (Le Saint Coran, XXI, 30, cité par Naser I. FARUQUI, Asit BISWAS, Murad BINO (dir.), La gestion de l’eau selon l’Islam, publié par les Presses de l’Université des Nations Unies et le Centre de Recherches pour le Développement international, édition traduite en français de 2003, 206 pages – spéc. p. 85).
12
Dans la mythologie germano-scandinave, les Nains, habitants du monde Nidavellir, artisans dont le talent métallur- gique et l’incessant labeur minier ont produit les artefacts les plus extraordinaires en possession des Dieux, seraient l’incarnation de la dynamique inorganique du sous-sol, génératrice de richesses minérales.
13
Dans la mythologie sumérienne – de la cité Lagash –, le dieu souterrain Ningishzida permet à la végétation de pousser. Dans la mythologie nordique, les landvaettir préservent la fertilité du sol. Les innombrables incarnations de la terre-mère, de la terre nourricière, témoignent de la force de cette représentation sacrée. Citons par exemple la déesse phrygienne Cybèle, dont le culte s’est « exporté » chez les Grecs, puis dans l’empire romain.
14
Dans la mythologie germano-scandinave, les Enfers, froids, étaient souterrains, séparés du monde des vivants par la rivière souterraine Gjöll ; dans la mythologie gréco-latine, les Enfers étaient également souterrains, séparés de la surface par les fleuves Achéron, Cocyte et Styx. La divinité celte Cernunnos, dont le repaire est souterrain pendant la saison froide, représente la dualité du sous-sol, support du vivant et séjour des morts : il apparaît ainsi, selon la saison, sous les traits d’Esus, maître de la faune et de la flore, ou sous les traits de Cernunnos, dieu chtonien des morts et de la richesse – car cette dernière vient de la terre (cf. Jean-Paul DEMOULE, Jean-Jacques HATT, Gaule, section « Mytho- logie », Encyclopædia Universalis, édition en ligne).
15
« Le sous-sol se représente donc comme le lieu où s’accomplit le cycle de la vie et de la mort, et d’où sortent aussi des eaux bienfaisantes. (…) l’eau souterraine est à la fois primordiale et porteuse d’immunité ; lorsque ces deux éléments se combinent, l’eau primordiale devient une eau qui donne la vie, l’immortalité et, dans un degré inférieur, la fertilité de la terre », Antonella TUFANO, Au carrefour des quatre éléments : le volcan, contribution de l’ouvrage de Thierry PA- QUOT et Chris YOUNES, Philosophie, ville et architecture, éd. La Découverte, 2002, 216 pages (pp. 69-80 – spéc. p. 70).
16
« Passée la ligne du sol, la terre n’est qu’une source d’affrontements : il faut l’éventrer pour en retirer le fruit, creuser pour en arracher la substance. Une certaine topophobie s’installe alors, que l’on retrouve dans la plupart des relations entretenues avec le sous-sol, imaginaires, mythologiques, psychologiques, religieuses, philosophiques, sociales, juri- diques enfin », Philippe BILLET, La protection juridique du sous-sol en droit français, thèse de doctorat, sous la direction de Jean UNTERMAIER, soutenue le 22 décembre 1994 (Introduction, page 15). A vrai dire, ce ne sont pas simplement les abîmes terrestres qui inquiètent, mais les profondeurs, de manière générale – les sombres abysses océaniques et leur faune étrange apparaissent tout autant anxiogènes. L’eau souterraine en vient même à inquiéter le philosophe : « C’est l’eau qui va entraîner tout le paysage vers son propre destin. (…) L’inquiétude doit tôt ou tard nous surprendre dans la vallée. Ma vallée accumule les eaux et les soucis, une eau souterraine la creuse et la travaille », Gaston BACHELARD, L’Eau et les rêves, essai sur l’imagination de la matière, Livre de Poche, Biblio essais, 2011 (1942), 221 pages – spéc. p. 76.
17
« L’invention de l’enfer a sans doute constitué l’ébauche du premier projet de code pénal de l’humanité », Ismaïl
KADARE, La légende des légendes, Flammarion, 1995, 277 pages – spéc. p. 98.
la cosmogonie suméro-akkadienne, cette eau joue un rôle primordial, dont on ne s’étonne guère en ce Croissant fertile que l’on considère comme le berceau de l’agriculture. Abzu, l’océan dans lequel se joignent toutes les eaux souterraines, dont découlent l’ensemble des sources, cours, étendues et points d’eau, s’unit à Tiamat, l’océan salé, afin que naissent les dieux
18et la Terre. Une telle défé- rence pour cette eau mystérieuse, fortement empreinte de symbolisme, ne s’est pas affaiblie avec le développement des techniques d’extraction et d’acheminement de l’eau souterraine. En effet, même si des puits
19, des canalisations souterraines sont creusés depuis des milliers d’années, l’eau souterraine n’a pas perdu son aura mystique ; les légendes et les cultes ont investi fontaines et puits
20, bien qu’ils fussent le fruit du travail humain, et non des forces naturelles. Les puits sont d’ailleurs aussi bien célébrés dans les contrées arides ou désertiques, où ils constituent de précieux points d’ancrage pour la survie et le développement, que dans les régions riches en eaux superfi- cielles
21. Ces représentations culturelles et pratiques cultuelles liées à l’eau souterraine, qui révèlent une conscience au minimum intuitive de son rôle vital et curatif
22, n’ont pas disparu
23avec l’expan- sion des progrès techniques majeurs qu’ont représentés le forage de puits et le creusement de ca- nalisations souterraines destinées à l’irrigation, ni avec l’émergence, pourtant ancienne, d’une re- présentation rationnelle du sous-sol et des eaux qu’il contient. L’homme sait depuis longtemps creuser
24des puits, qu’ils fussent d’usage communautaire
25ou privatif
26. C’est l’une des prouesses
18
Dont l’une des figures majeures est Ea – ou Enki –, dieu des eaux souterraines.
19
Un puits est un « ouvrage de captage qui pénètre verticalement dans une nappe » (Éric GILLI, Christian MANGAN, Jacques MUDRY, Hydrogéologie – objets, méthodes, applications, 2
eédition, Dunod, 2008, 339 pages – cf. p. 170).
20
Par exemple, à Rome, on honorait Fons, le dieu des sources, fontaines et puits, lors de la célébration des fontinalia.
21
En effet, il faut non seulement que l’eau parvienne en abondance aux collectivités, mais il faut en outre que la quantité d’eau suffise quelle que soit la saison – l’eau souterraine prélevée grâce aux puits permettra de pallier les bas niveaux de l’étiage estival des cours d’eau de surface. Cf. à ce sujet, Joseph MERTENS, Puits antiques à Elewijt et les puits romains en bois, L’Antiquité classique, 1951, volume 20, n°20-1, pp. 85-100 – spécialement p. 85. En outre, l’eau souterraine offrira, aux époques médiévale et moderne, une alternative précieuse, en des « temps où le puits était le seul moyen d’espérer avoir de l’eau potable à la campagne » (Jean-Louis CHAUSSADE, Maryvonne PELLAY, Les 100 mots de l’eau, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2012, 127 pages – spécialement p. 120).
22
Même si leur existence semble être attestée en des époques plus lointaines, les Romains ont répandu la crénothérapie,
« thérapie par les sources, qu’elles soient chaudes ou froides » (Marie GUERIN-BEAUVOIS, Thermalisme romain et stations thermales en Italie aux deux premiers siècles de notre ère : quelques éléments de synthèse, Vita Latina, n°168, 2003, pages 2- 14 – spéc. p. 5), l’une des façons d’user de l’eau thermale – définie par l’UNESCO comme une « eau d’origine souterraine naturellement chaude à son émergence (…) et que cette propriété rend utilisable à diverses fins, notamment sanitaire ou thérapeutique » (
http://webworld.unesco.org/water/ihp/db/glossary/glu/FRDIC/DICEAUTH.htm[DDC : 18.09.16]).
23
« Mutatis mutandis, l’homme moderne reste irréductiblement prisonnier des archétypes originels. La spiritualité n’est sans doute plus au rendez-vous, mais l’on retrouve invariablement les mêmes attitudes » ; à titre d’exemple, « les eaux souterraines sont toujours utilisées, mais les puits de captage ont remplacé leur jaillissement naturel », Philippe BILLET, La protection juridique du sous-sol en droit français, op. cit., p. 19.
24
Notons que certains puits sont œuvre naturelle : l’aven ou gouffre, abîme profond, est un « puits naturel aux parois abruptes, creusé dans un plateau calcaire par les eaux d’infiltration et formé, soit par dissolution, soit par effondrement de la voûte de cavités karstiques » (CNRTL,
http://www.cnrtl.fr/definition/aven[DDC : 18.09.16]).
25
La construction de puits publics s’est développée en Europe vers la fin de l’époque médiévale, afin d’obtenir de l’eau potable, mais aussi pour lutter plus facilement contre les incendies. Cf. Jean-Pierre LEGUAY, Les catastrophes au Moyen- Age, éditions Gisserot, 2005, pages – spécialement p. 200).
26
Par exemple, ont été mises au jour des maisons de notables dotées de puits dans les grandes villes de l’antique
civilisation de l’Indus – qui s’est développée entre 2400 et 1800 av. J.-C. cf. Bernard SERGENT, Les premières civilisations
de l’Inde, Clio, mars 2002 :
http://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/les_premieres_civilisations_de_l_inde.asp[DDC : 18.09.16].
techniques justifiant que l’on ait qualifié certaines civilisations de « sociétés hydrauliques »
27, dé- montrant un savoir-faire certain dans la construction de puits
28, d’instruments de levage, de canali- sations, aériennes ou souterraines, d’aqueducs, etc. Les premiers puits connus, mésopotamiens, remonteraient au début du VII
èmemillénaire avant J.-C. Le chadouf, mécanique élévatoire archaïque (levier par contrepoids permettant de remonter l’eau
29) apparaît au III
èmemillénaire. D’autres outils mécaniques de puisage lui succéderont, telle la roue persane, actionnée par la traction animale et un système d’engrenages, encore utilisée de nos jours. Quant aux canalisations souterraines nom- mées qanâts
30, rigoles acheminant des eaux issues d’aquifères
31, leur réalisation serait attestée assez tôt aussi, dès le IX
èmesiècle avant J.-C, dans les arides Assyrie et Perse. Ces galeries souterraines d’inclinaison légère convoient par gravité, en limitant l’évaporation, l’eau contenue dans des aqui- fères situés sous les reliefs élevés, vers la surface en altitude plus basse.
D’une postérité moindre que les découvertes techniques permettant l’exploitation de l’eau souterraine, les tentatives scientifiques d’explication du fonctionnement et du rôle du sous-sol et de ces eaux sont elles aussi anciennes ; mais ces théories, plus ou moins proches de la réalité, ont longtemps échoué à démystifier ce domaine méconnu. C’est aux philosophes antiques que l’on doit les premières tentatives d’explication de l’origine des eaux souterraines et de leurs résurgences, les sources
32. L’hypothèse la plus ancienne, qui remporta l’adhésion jusqu’au XVII
esiècle, est celle de l’origine marine des eaux souterraines. Au VI
esiècle av. J.-C., Thalès de Milet supposait que l’eau de mer, poussée, sous forme de fleuves souterrains, par les vents, puis, sous la surface du sol et des montagnes, par le mouvement des roches, permettait la naissance de sources d’eau douce, adoucies par la filtration. Cette conception redonna vie à l’idée d’océan souterrain, que nous évoquions avec
27
Elles se définissent comme des sociétés ou des Etats « dans lesquels la maîtrise de l’eau (irrigation, drainage, etc.) constitue l’une des conditions essentielles de la vie économique » (Olivier AURENCHE, Préhistoire des sociétés hydrauliques du Proche-Orient ancien, in L’Homme et l’eau en Méditerranée et au Proche Orient. II. Aménagements hydrauliques, État et Législation.
Séminaire de recherche 1980-1981, Travaux de la Maison de l’Orient, 1982, pp. 31-44). L’on pense spontanément, à titre d’exemples, aux royaumes de Chine, de Mésopotamie, de Perse, à l’empire Romain.
28
Par exemple, la qualité de construction des puits romains permet de les réutiliser ! « Dans les zones rurales syriennes, des puits romains à l’abandon depuis bien longtemps sont devenus plus que des vestiges d’une ancienne civilisation.
Pour les communautés confrontées aux effets désastreux du conflit, ces puits antiques, creusés il y a plus de 2000 ans, sont désormais une source de subsistance », PNUE, Syrie : restaurer les puits romains pour soulager la population, portail web du PNUD, rubriques « Prévention des crises » - « Nos histoires ».
29
Mais cela ne fonctionne que sur les cours d’eau ou les puits peu profonds.
30
Ou hyponomoi dans le monde hellénistique ou encore foggaras dans le monde musulman.
31
Pas seulement sur le principe de l’acheminement, mais aussi par l’ampleur de l’aménagement. Ainsi, H. E. WULFF affirme-t-il : « The qanat works of Iran were built on a scale that rivaled the great aqueducts of the Roman Empire » (The Qanats of Iran, Scientific American, vol. 218, n°4, avril 1968, pp. 94-105 – spéc. p. 94). L’auteur note que si les aqueducs sont aujourd’hui des curiosités archéologiques, les qanâts sont toujours utilisés en Iran, fournissant 75% de l’eau destinée à la consommation humaine. Plus marginalement, les qanâts servent aussi à irriguer des terres agricoles.
32
L’historique qui suit résulte de la synthèse de l’intervention de Michel DETAY et Didier GAUJOUS, De la cosmogonie
au cycle de l’eau : une histoire des idées, lors du colloque International OH2 « Origines et Histoire de l’Hydrologie », tenu à
l’Université de Bourgogne les 9-11 mai 2001 (
http://hydrologie.org/ACT/OH2/actes/09detay.pdf[DDC : 18.09.16]), et des
pages 4 à 7 du manuel d’Éric GILLI et alii, Hydrogéologie – objets, méthodes, applications, précité.
Abzu. Pourtant, Thalès, et d’autres intellectuels antiques à sa suite, s’étaient aussi intéressés au rôle de l’évaporation et des précipitations dans la formation des cours d’eau et des sources ; mais ils n’ont pas su faire le rapprochement entre l’existence d’eaux souterraines d’une part, et le décalage entre la taille des cours d’eau malgré de faibles pluies, car dans la représentation de l’époque, eaux souterraines et superficielles ne communiquaient point. Sénèque, au I
ersiècle, émit une seconde hypothèse, qui attribue l’origine des eaux souterraines à la condensation de l’air chaud dans les cavités froides du sous-sol (qui sera confirmée à la fin du XIX
esiècle
33) mais rejeta l’intuition géniale de Vitruve, architecte du I
ersiècle av. J.-C., selon laquelle les flux d’eau souterraine pouvaient ré- sulter de l’infiltration des eaux de pluie ou des eaux de fonte des sommets enneigés. Il fallut attendre le XVI
esiècle, pour que Bernard Palissy
34, céramiste et philosophe, jetât les bases de l’hydrogéolo- gie, science des eaux souterraines, bien que ses idées n’aient pas été acceptées par ses contempo- rains, y compris d’illustres savants. Palissy, via un dialogue ironique entre le « Théorique », compi- lation des idées fausses sur l’origine des eaux souterraines, et le « Pratique », fruit de ses propres expériences et raisonnements, réfute les théories de l’origine marine
35ou de la condensation dans les cavités du sous-sol. Son argumentaire montre que « l’eau des sources a pour origine les pluies infiltrées dans les fissures et abîmes du sous-sol jusqu’à des niveaux imperméables où elles s’accu- mulent en réserves souterraines et circulent en direction des sources »
36. Pierre Perrault, considéré comme l’un des “pères” de l’hydrologie, donnera une assise chiffrée à la démonstration de Palissy, en réalisant le premier bilan hydrologique connu
37; sur le fondement d’une estimation du volume des neiges et pluies tombées sur le bassin de la Seine (in De l’origine des fontaines, en 1674), Perrault remit en cause l’opinion, répandue alors, selon laquelle le volume des précipitations ne suffirait pas à former et maintenir les cours d’eau. L’on comprit alors, que si le volume de précipitations s’avère être bien supérieur au volume d’écoulement des cours d’eau, c’est qu’une part conséquente de l’eau météorique s’accumule donc dans le sous-sol ! Les avancées réalisées au cours du Grand Siècle, décisives pour l’ébauche d’une science de l’eau, se poursuivront aux XVIII
eet XIX
esiècles, qui ont vu naître l’hydrogéologie, science des eaux souterraines. Celle-ci a pu voir le jour grâce à la mise en évidence du cycle de l’eau au XVI
esiècle ainsi qu’à l’essor conjugué, à partir de l’ère industrielle, de
33
Cf. Guy FRECHET, La protection juridique des eaux souterraines, op. cit., page 4.
34
Auteur en 1580 des Discours admirables de la nature des eaux et des fontaines, tant naturelles qu’artificielles ; des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu et des émaux ; avec plusieurs autres excellents secrets des choses naturelles .
35
Fermement ancrée dans la conviction majoritaire de l’époque, dans la mesure où demeurait une persistante interro- gation à propos du fait que le niveau marin ne monte pas malgré l’apport des fleuves ; il fallait donc, nécessairement, un exutoire pour ce surplus d’eau salée – que l’on imaginait depuis le V
èmesiècle av. J.-C. se déverser en continu sous les terres continentales, dans de véritables mers souterraines (Anaxagore) ou des gouffres infernaux (Platon).
36
Éric GILLI, Christian MANGAN, Jacques MUDRY, Hydrogéologie – objets, méthodes, applications, op. cit., page 5.
37
Sur un temps donné, le bilan hydrologique exprime en volumes le rapport entre les apports (précipitations), et les
sorties d’eau (écoulements, évaporation) à l’échelle d’un bassin versant, afin d’observer la variation des réserves d’eau
entre le début et la fin de la période considérée (P. HUBERT, G. RÉMÉNIÉRAS, Universalis, Hydrologie, éd. en ligne).
la géologie et de l’ingénierie. Sans s’éloigner de l’empirisme qui la caractérise, l’hydrogéologie se dote progressivement de lois mathématiques éclairant les phénomènes auxquels elle est confrontée.
Ce mouvement est contemporain de bonds technologiques en matière de forages
38, de plus en plus profonds
39, de pompages, de conception des parois des puits, de tubage des forages, de plus en plus performants. Il est impossible de retracer en détail le parcours épistémologique de l’hydrogéo- logie, ou de relater les divers apports de la géologie ayant nourri son développement
40, tant en Europe qu’aux Etats-Unis, mais citons au moins un nom fameux : Henri Darcy, auteur
41d’une loi fondamentale, éponyme, selon laquelle existe, en milieu poreux, une relation entre vitesse d’infil- tration
42, perméabilité des terrains
43et gradient hydraulique
44. Aujourd’hui encore, l’hydrogéologie continue d’évoluer, grâce aux simulations et modélisations informatiques ; elle s’intéresse même à d’autres planètes
45, en particulier Mars
46, dont le sol aurait abrité, abriterait peut-être encore de l’eau souterraine – en quantité équivalente, voire supérieure à la Terre, d’après de récentes estimations
47.
38
La différence entre un puits et un forage est que le premier « offre généralement un grand diamètre (de 1 à 5-6 m) et une profondeur limitée à quelques mètres ou quelques dizaines de mètres », alors que le second « se caractérise par [son] petit diamètre (inférieur à 1 m et généralement compris entre 0,2 et 0,5 m), en comparaison avec [sa] profondeur, qui peut atteindre plusieurs centaines de mètres, rarement plus de 1000 mètres », Éric GILLI, Christian MANGAN, Jacques MUDRY, Hydrogéologie – objets, méthodes, applications, op. cit., pp. 170-171.
39
Notons toutefois que l’Occident accusait un retard flagrant sur l’Orient, car les écrits de Confucius nous révèlent que les Chinois, dès le VII
èmesiècle av. J.-C., maîtrisaient déjà les forages profonds, pour de l’eau, du gaz ou même du pétrole, pouvant atteindre jusque 1500 mètres de profondeur. Cf. Alain PERRODON, Histoire des grandes découvertes pétrolières : un certain art de l’exploration, vol. 10 du Bulletin des centres de recherches Exploration-production Elf-Aqui- taine, éd. Elf Aquitaine et Masson, 1985, 222 pages – spéc. p. 77, et Gilbert CASTANY, Origine et évolution des concepts des eaux souterraines, Travaux du Comité français d’histoire de la géologie, 3
èmesérie, 27 février 1991 (
http://www.an- nales.org/archives/cofrhigeo/eaux-souterraines.html[DDC : 18.09.16]). Vers le milieu du XIX
èmesiècle en France, les puits ar- tésiens – c’est-à-dire jaillissants – les plus profonds atteignent environ 600 m de profondeur.
40
Cf. Jean MARGAT, Histoire de l’hydrologie, intervention lors du colloque International OH
2« Origines et Histoire de l’Hydrologie », tenu à Dijon du 9 au 11 mai 2001 (
http://hydrologie.org/ACT/OH2/actes/25margat.pdf[DDC : 18.09.16]) ; Gilbert CASTANY, Origine et évolution des concepts des eaux souterraines, op. cit., II.2.
41
Dans son ouvrage Les fontaines publiques de la ville de Dijon – exposition et application des principes à suivre et des formules à employer dans les questions de distribution d’eau, éditions Dalmont, 1856, 657 pages (
http://gallica.bnf.fr/[DDC : 18.09.16]).
42
Notons que l’infiltration se distingue de la percolation. En s’infiltrant, l’eau s’introduit à travers la couche superficielle du sol, rhizosphère incluse – ie la zone d’influence des racines des plantes – ; en percolant, l’eau, par un mouvement descendant, traverse l’épaisseur rocheuse du sous-sol – jusqu’à ce qu’elle atteigne le plus haut niveau de saturation – i.e. l’imbibition maximale du sol par l’eau – et forme la nappe souterraine.
43
Le coefficient de perméabilité, également nommé « conductivité hydraulique », dépend de deux facteurs : la perméa- bilité intrinsèque du sol, et la viscosité – ie la capacité d’un fluide à s’écouler plus ou moins facilement – de l’eau. Il faut préciser que si une roche très perméable est nécessairement poreuse – ie comportant des poches d’atmosphère –, une roche poreuse ne sera pas nécessairement hautement perméable, pouvant retenir beaucoup d’eau (exemple : l’argile).
Grâce à la porosité, l’eau peut pénétrer la roche ; grâce à la perméabilité, l’eau peut la traverser complètement (
http://edu- terre.ens-lyon.fr/eduterre-usages/nappe/html/scenarii/TP/tp1.htm[DDC : 18.09.16]).
44
GILLI et alii, précité, p.6. Le gradient hydraulique indique le rapport entre la perte de charge (ie de pression) et la longueur du trajet d’écoulement (cf. dictionnaire du site
actu.environnement.com[DDC : 18.09.16]) – ie la hauteur de la nappe, dans bon nombre de cas comprise entre la zone du sol non saturée d’eau – sa limite supérieure, mesurée par les niveaux piézométriques – et un substratum imperméable – sa limite inférieure.
45
Philippe BILLET relève dans La protection juridique du sous-sol en droit français, op. cit., page 15, que, « nous n’avons plus d’incommensurables horizontaux », les terras incognitas ayant disparu, mais qu’une « autre dimension s’offre cependant à l’exploration, la verticalité, qui s’étend des profondeurs souterraines à l’infini stellaire ».
46
Mais pas seulement – certains satellites de Jupiter et Saturne sont aussi prometteurs : pour le système jovien, Europe, Io, Ganymède, Callisto ; pour le système saturnien, Encelade.
47
Le manteau terrestre « recèlerait, entre 410 et 660 km sous nos pieds, d’importantes quantités d’eau, révèle l’analyse
d’un petit diamant venu des profondeurs de la Terre ». Ce diamant, dénommé ringwoodite, issu de la zone de transition
Mais en dépit des immenses progrès réalisés depuis l’Antiquité, l’eau souterraine n’a pas encore livré tous ses secrets. Maints champs de recherche demeurent ouverts, tels la typologie des aqui- fères, les processus biogéochimiques, le rôle de cette eau dans la formation du magma, l’influence sur l’eau souterraine des micro-organismes vivant dans celle-ci, la relation entre tectonique des plaques et émergence des sources, etc.
48Elle reste par ailleurs, pour nombre d’entre nous, un objet quelque peu surnaturel, paranormal, domaine du sourcier ou du radiesthésiste
49, ou un miroir hy- pothétique de l’hydrographie de surface, avec des fleuves, voire un océan
50– à l’instar de ce que Jules Verne pouvait imaginer en 1864 dans son Voyage au centre de la Terre, où l’on découvre tout un monde soustrait au cours du temps. Même si les eaux souterraines ne sont point peuplées de sau- riens préhistoriques
51, une partie d’entre elles, prisonnières de cavités imperméables et profondes, représentent néanmoins des vestiges d’un passé extrêmement lointain
52.
Mais bien qu’elles soient, pour certaines d’entre elles, le legs d’âges immémoriaux, les eaux souterraines ne sont pas qu’un héritage ; elles constituent également une ressource d’avenir, pour les contrées où l’eau de surface manque, à condition que les grandes menaces d’aujourd’hui ne
entre manteaux supérieur et inférieur de la planète, comporte des inclusions d’eau dans sa composition – l’eau ne s’y trouve donc pas sous forme liquide, mais s’incorpore au minéral. Cf. Un diamant révèle l’existence de vastes quantités d’eaux souterraines, Sciences et Avenir, 14 mars 2014 –
http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/20140313.OBS9683/un-dia- mant-revele-l-existence-d-un-ocean-souterrain.html[DDC : 18.09.16]. On parle alors d’eau d’inclusion ou de constitution, « qui entre dans la composition chimique des minéraux dont les particules du sol sont formées » (Jean-Pierre MAGNAN, L’eau dans le sol, éditions Techniques Ingénieur, 1999, référence C212, 6 pages – spéc. p. 2).
48
Suggestions de Philippe QUEVAUVILLER, Protection des eaux souterraines – législation européenne et avancées scientifiques, Lavoisier, 2010, 433 pages (spéc. p. 381) et d’Éric GILLI et alii, Hydrogéologie, op. cit., page 8.
49
Issue d’une tradition remontant à la plus lointaine Antiquité, voire à la Préhistoire – les peintures et gravures rupestres du Tassili n’Ajjer, au sud-est de l’Algérie, datant du VII
èmemillénaire av. J.-C., figureraient un sourcier pratiquant son art avec une baguette fourchue, – la sourcellerie a évolué au cours des siècles, à la recherche d’une explication « scien- tifique » de cette sensibilité particulière de certains hommes à la présence d’eau souterraine, à travers la radiesthésie ou, plus récemment, la « géobiologie ». Cf. Audrey MOUGE, Les guérisseurs de l’habitat : Une enquête aux frontières du visible, éditions La Martinière, 2013, 168 pages ; Henri BRUGERE, La géobiologie, une pseudo-science en expansion, Science… &
Pseudo sciences (SPS), n°277, mai 2007. Les scientifiques se sont penchés sur le cas des sourciers, mais n’ont jamais pu montrer que les résultats obtenus par ces derniers – indéniables, car ils trouvent bien de l’eau souterraine – ne sont pas le fruit du hasard. Cf. Éric GILLI et alii, op. cit., pp. 155-156. Vitruve, vers 25 av. J.-C., évoquait déjà, dans son ouvrage De Architectura (Livre VIII, I), divers indices possibles, recueillis par l’observation de la nature, pour trouver de l’eau sous la surface du sol, façon sans doute de rationaliser l’hydroscopie.
50
Les explorateurs rencontrent au cours de leur périple dans la croûte terrestre un « fleuve souterrain » tumultueux (page 291 de l’édition numérique par la Bibliothèque électronique du Québec, collection À tous les vents, volume 14, version 1.01, 475 pages), puis un « océan », sauvage lui aussi, contenu dans une caverne gigantesque (pp. 301-302).
51
En revanche d’autres animaux préhistoriques ont survécu, évolué, dans des cavernes isolées de la surface depuis des millions d’années ; cf. Science et Avenir, Un écosystème souterrain hors du temps, article du 31 mai 2006,
http://www.sciencese- tavenir.fr/nature-environnement/20060531.OBS9817/un-ecosysteme-souterrain-hors-du-temps.html[DDC : 18.09.16].
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