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Les enjeux spécifiques aux eaux souterraines : les menaces liées aux stockages et à l’ex- l’ex-ploitation des ressources souterraines

281 Par exemple, pour illustrer cette idée, il apparaît logique qu’un pays doté d’un réseau hydrographique de surface abondant recoure moins à l’eau souterraine pour son alimentation en eau destinée à la consommation humaine, alors

2/ Les enjeux spécifiques aux eaux souterraines : les menaces liées aux stockages et à l’ex- l’ex-ploitation des ressources souterraines

Lesdites atteintes spécifiques dérivent essentiellement de deux catégories d’usages du

sous-sol, en tant qu’espace ou vivier de richesses. Nous avons choisi d’exclure la spéléologie, usage

ré-créatif du milieu hypogé car, certes, elle peut occasionner des dégradations par négligence des

pra-tiquants, mais elle demeure avant tout une activité favorisant la préservation du milieu souterrain,

sous réserve qu’une discipline

295

soit observée ; cette activité popularisée par Edouard-Alfred

Mar-tel continue d’être investie d’une mission a minima sensibilisatrice

296

. D’autres activités soulèvent

des enjeux tout autrement inquiétants : les stockages de matière/de gaz dans certaines formations

géologiques – qu’il s’agisse de gestion des déchets ou de lutte contre le réchauffement climatique –

et l’exploitation des ressources souterraines, minières ou énergétiques :

 Relèvent des usages énergétiques et miniers : la géothermie (pompage et réinjection d’eau

souterraine chauffée par le sous-sol profond

297

), l’extraction d’hydrocarbures (l’eau

néces-saire à la fracturation hydraulique est extraite d’aquifères et contamine ceux-ci une fois

re-jetée, polluée par des additifs chimiques

298

), et les activités relevant de l’industrie extractive,

qu’elles soient souterraines ou à ciel ouvert (mines, carrières)

299

;

295

La spéléologie se pratiquant préférentiellement en milieu karstique, « souvent peu filtrants », elle peut contaminer

l’eau souterraine et donc, indirectement, des captages d’eau potable. C’est pourquoi sont prises un certain nombre de

mesures, en amont et en aval de l’activité spéléologique. En amont, à proximité des captages d’eau potable, la méthode

française PEIPSEK (Protocole d’Etudes d’Impact de la Pratique Spéléologique des Eaux Karstiques) impose de

réali-ser, avant ouverture au public spéléologue, une étude d’impact, et en cas d’impact avéré, d’encadrer, en collaboration

avec la collectivité gestionnaire du captage, la pratique (balisage du parcours, condamnation de certains accès, etc.) afin

de ne pas compromettre la pérennité du milieu souterrain exploré (commission scientifique de la Fédération française

de spéléologie, Fiche Méthode PEIPSEK, 2007 –

http://ffspeleo.fr/include/js/tiny-mce/plugins/kfm-1.4.7/get.php?id=113

[DDC :

19.09.16]) ; en aval, des opérations de nettoyage, voire de restauration des cavités souterraines peuvent être menées par

les spéléologues eux-mêmes. Cette solution serait jugée plus constructive qu’une interdiction d’accès pure et simple.

296

« Qui mieux que le spéléologue peut suivre le parcours par infiltration du cycle de l’eau, au sein d’une masse calcaire ?

C’est par les connaissances que nous ramenons de nos incursions souterraines que nous pouvons participer au suivi, à

la gestion et à la protection des ressources en eau issue des massifs calcaires » (Fédération Française de Spéléologie

[Pierre-Michel ABADIE], Le Mémento de l’initiateur fédéral de spéléologie : Incitation à la découverte et la connaissance du milieu –

Quelques pistes et éléments pour une incitation à la découverte et la connaissance du milieu souterrain, 2010, 41 pages – spéc. p. 5).

297

Article 11 j de la directive-cadre sur l’eau – il s’agit de l’un des rejets autorisés dans les aquifères.

298

Recommandation de la Commission 2014/70/UE du 22 janvier 2014 relative aux principes minimaux applicables à

l’ex-ploitation et à la production d’hydrocarbures (tels que le gaz de schiste) par fracturation hydraulique à grands volumes, JOUE L39 du 8

février 2014, pp. 72-78, qui préconise le respect d’une distance minimale de séparation verticale entre la zone à fracturer

et les eaux souterraines, l’exploitation d’un site uniquement si l’évaluation des risques montre qu’il n’y aura pas de rejets

directs dans l’eau souterraine, ainsi que des mesures d’urgence en cas de rejets accidentels.

299

Directive 2006/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 concernant la gestion des déchets de

l'indus-trie extractive et modifiant la directive 2004/35/CE, JOUE L102 du 11 avril 2006, pp. 15-34.

 Relèvent des usages de production, d’entreposage ou de stockage de déchets ou autres «

in-désirables » à la surface : le stockage souterrain de gaz

300

, le stockage géologique de dioxyde

de carbone (qui pourrait affaiblir le niveau de protection des eaux souterraines si le

consi-dérant 46 de la directive 2009/31/CE était mis en œuvre, c’est-à-dire si l’on autorisait

l’in-jection de CO2 dans des aquifères salins)

301

, les activités d’installations de surface produisant

des lixiviats

302

polluant les eaux souterraines en s’infiltrant dans le sol (décharges à ciel

ou-vert

303

, installations de gestion des déchets des industries extractives

304

), ainsi que les

instal-lations souterraines de stockage des déchets

305

. L’on peut également poser la question de

l’enfouissement des déchets nucléaires, même si les textes n’évoquent pas, à propos de cette

technique, de menace pour l’eau souterraine

306

. La contamination radioactive de la Sibérie

par les installations militaires soviétiques prouve néanmoins l’existence de cette menace.

Il ressort de cette complexité du milieu souterrain, au sein duquel les eaux souterraines sont

étroitement liées aux sols et aux couches géologiques, que de multiples usages – autant de sources

potentielles de dégradation – peuvent impacter lesdites eaux. Ce, sachant que ces dernières offrent

un potentiel d’exploitation supplémentaire à l’avenir, en raison des stocks immenses qu’elles

recè-lent, “croissant” à mesure que les techniques progressent. Cette pluralité – issue d’une

diversifica-tion plutôt récente – des usages de l’eau souterraine ou superficielle, du sol et du sous-sol affectant

celles-ci, associée à la vulnérabilité particulière des aquifères, ont rendu nécessaires un traitement

juridique autonome et la recherche d’un nouvel équilibre, sous la forme d’une “gestion intégrée”

de la ressource. C’est l’intervention de l’UE face à l’explosion des pressions sur l’eau souterraine

qui a fait sortir celle-ci de l’oubli relatif dans lequel elle se trouvait en droit national, et a posé les

jalons de ladite gestion intégrée (Section 2).

300

Directive-cadre sur l’eau (article 11 j), et directive 2012/18/UE du Parlement et du Conseil du 4 juillet 2012 concernant

la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (…), dite « Seveso III », JOUE L197 du 24

juillet 2012, pp. 1-37 (article 2).

301

Directive 2009/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative au stockage géologique du dioxyde

de carbone (…), JOUE L140 du 5 juin 2009, pp. 114-135. Nuançons cependant cette possibilité, car la même directive

précise bien, plus loin dans ce considérant 46, qu’une telle injection devrait respecter la DCE et sa directive « fille ».

Par ailleurs, au titre de l’Annexe I de la directive 2009/31/CE, figure parmi les « critères de caractérisation et

d’évalua-tion du complexe de stockage et de ses environs » la présence d’aquifères utilisés pour l’alimentad’évalua-tion en eau potable ou

la géothermie, usages que l’on peut prioriser par rapport au stockage (considérant 19).

302

Les lixiviats sont les effluents nocifs issus du ruissellement de la pluie parmi les déchets entreposés en décharge.

303

Directive 1999/31/CE du Conseil concernant la mise en décharge des déchets, 26.4.99, JOCE L182 du 16.7.99, pp. 1-19.

304

Directive 2006/21/CE, op. cit.

305

Décision 2003/33/CE du Conseil du 19 décembre 2002 établissant des critères et des procédures d’admission des déchets dans

les décharges (…), JOUE L11 du 16 janvier 2003, pp. 27-49. Cf. l’Annexe A : « évaluation de la sécurité pour l’admission

des déchets en stockage souterrain ».

306

Directive 2011/70/Euratom du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et

sûre du combustible usé et des déchets radioactifs, JOUE L199 du 02 août 2011 pp. 48-56. Considérant 23 : « Il est

communé-ment admis que sur le plan technique, le stockage en couche géologique profonde constitue, actuellecommuné-ment, la solution

la plus sûre et la plus durable en tant qu’étape finale de la gestion des déchets » nucléaires.

Section 2 – La construction d’un régime juridique des eaux souterraines en Europe : un

cheminement récent vers leur gestion intégrée

Le droit relatif à l’eau souterraine a connu une transformation radicale au cours du dernier

siècle, passant d’un droit limité, pour l’essentiel, à la protection des puits, au champ d’application

territorial très localisé, à un droit protecteur de l’ensemble des eaux souterraines face à de multiples

usages, au-delà même des frontières nationales. Ainsi l’histoire du droit relatif à l’eau souterraine se

scinde-t-elle en deux grandes phases : une première période, longue, au cours de laquelle le droit,

certes, édictait des règles concernant les droits exerçables sur ladite eau, mais ne la protégeait que

très partiellement (§1) ; puis, avec l’apparition de la notion de “gestion intégrée des ressources en

eau” (GIRE), s’est ouverte une nouvelle période, décisive, au cours de laquelle, sur notre continent,

l’Union a promu cette gestion d’ensemble de l’eau et, par conséquent, a inclus les eaux souterraines

dans ce nouveau schéma de réglementation environnementale (§2).