441
13
èmealinéa du préambule du TUE.
442
« Lorsque les traités attribuent à l’Union une compétence partagée avec les États membres dans un domaine
déter-miné, l’Union et les États membres peuvent légiférer et adopter des actes juridiquement contraignants dans ce domaine.
Les États membres exercent leur compétence dans la mesure où l’Union n’a pas exercé la sienne. Les États membres exercent
à nouveau leur compétence dans la mesure où l’Union a décidé de cesser d’exercer la sienne » (art. 2 §2 du TFUE). Les
compétences en cause sont listées à l’art. 4 §2 du même traité, l’environnement y figurant (e).
443
Le point 3 de l’ancien protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité annexé au traité
communautaire expliquait ainsi que « la subsidiarité est un concept dynamique qui devrait être appliqué à la lumière
des objectifs énoncés dans le traité. Il permet d’étendre l’action de la Communauté, dans les limites de ses compétences,
lorsque les circonstances l’exigent et, inversement, de la limiter et d’y mettre fin lorsqu’elle ne se justifie plus ».
444Laetitia GUILLOUD, Le principe de subsidiarité en droit communautaire et en droit constitutionnel, les Petites Affiches, du 19
avril 2007, n°79, p. 53.
445
Compétences déjà qualifiées par les Traités ; la subsidiarité n’en détermine pas l’attribution, mais en « régule
l’exer-cice », afin « de dire quel est le meilleur niveau » pour les exercer. Andrée BRUNET, La régulation juridique des questions
environnementales et le principe de subsidiarité, Gazette du Palais, 12 juin 2004, n°164, p. 6.
obligation d’agir « en cas d’insuffisance des acteurs primaires » (Etats) : « dès lors, il devient possible
d’en faire, au choix, un principe de désintégration ou un principe d’architecture », i.e. chasse gardée
des compétences étatiques ou « principe, d’essence fédérale, et donc porteur d’intégration »
446.
Ainsi, pour que ce principe de subsidiarité joue en la faveur de l’Union, faut-il (étape clef
dans son application) montrer que l’intervention de celle-ci « ajoute une valeur à l’action envisagée »
447.
Il faut aussi que l’UE, en vertu de l’article 5 §§1 et 4, ne prenne que des mesures strictement
propor-tionnées à l’objectif poursuivi. Le risque est que le principe de proportionnalité n’ait « tendance à
niveler par le bas l’intervention de l’Union dans le domaine environnemental »
448, mais son
inter-vention restant simplement subsidiaire
449, elle ne saurait grever trop lourdement la marge de
ma-nœuvre étatique. Si l’on peut ici considérer l’échelle de l’UE comme la plus pertinente, c’est qu’elle
répond sans difficulté aux trois lignes directrices fixées par le point 5 du protocole annexé au traité
d’Amsterdam sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité
450: □ la problématique
en-vironnementale est transnationale et, donc, ne saurait être réglée de manière satisfaisante par une
action des seuls Etats (une législation nationale isolée serait peu efficace contre la dégradation ou
des usages abusifs des ressources) ; □ une action au seul niveau national ou l’absence d’action de
l’Union contreviendrait aux exigences du Traité (à l’origine, la protection de l’environnement a été
décidée, entre autres raisons, pour préserver le Marché de distorsions : préserver l’environnement
a un coût, qu’une concurrence saine doit conduire à subir collectivement
451) ; □ l’action menée au
niveau de l’UE présente des « avantages manifestes, en raison de ses dimensions ou de ses effets,
par rapport à une action au niveau des Etats membres » (le cadre de l’Union se trouve en capacité
d’entretenir un rapport au temps et une vision de l’intérêt collectif possiblement mieux adaptés à
la logique écologique
452). C’est aux Institutions “législatrices” de l’UE qu’il revient d’apprécier la
subsidiarité, sous le contrôle de la Cour et des parlements nationaux, depuis le traité de Lisbonne.
446
Andrée BRUNET, La régulation juridique des questions environnementales et le principe de subsidiarité, op. cit.
447
Florence CHALTIEL-TERRAL, Le principe de subsidiarité après Lisbonne, Petites affiches, 3 mai 2013, n°89, p. 4.
448Nicolas DE SADELEER, Particularités de la subsidiarité dans le domaine de l’environnement, Droit et société, 2012/1, n°
80, pp. 73-90 – spéc. p. 75. Cela nuirait-il à sa capacité à offrir une plus-value dans l’action ?
449
« Qui vient en aide à quelque chose de principal », Le Nouveau Petit Littré, Livre de Poche, 2009, p. 2013.
450Traité d’Amsterdam modifiant le Traité sur l’Union européenne, les Traités instituant les Communautés européennes et certains
actes connexes, JOCE C340 du 10 novembre 1997, Protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité
(§5) – dont le texte a été modifié depuis (protocole n°2 annexé au TUE). La proportionnalité, cantonnant l’action de
l’Union à ce qui est nécessaire et approprié, est liée à la subsidiarité en ce qu’elle contrôle l’intensité de son intervention.
451Nicolas MOUSSIS (Guide des politiques de l’Europe, Mols, 6
èmeédition, 2004, 487 pages – spéc. p. 276) rappelle que le
« marché commun de la pollution s’était formé plus tôt que le marché commun des marchandises ». « Non seulement,
le voisinage, mais aussi l’évolution socio-économique comparable des pays européens plaident pour une action
com-munautaire pour protéger l’environnement ».
452
« [L]es institutions européennes sont mieux placées que les gouvernements pour avoir une vue à long terme des problèmes
et des besoins en matière d’environnement. (…) [L]es gouvernements nationaux, préoccupés par les problèmes à court
S’il a pu sembler, de manière générale, que « ces critères restent subjectifs et la marge
d’ap-préciation octroyée aux institutions européennes importante »
453, il n’en va pas de même pour
l’ob-jet qui nous occupe présentement, à savoir une composante particulière de l’environnement, l’eau
souterraine. L’eau, superficielle ou souterraine, illustre parfaitement cette adéquation supérieure de
l’action harmonisée au niveau de l’UE par rapport à l’action d’Etats membres aux législations
na-tionales auparavant disparates et fragmentaires – et ce, à plus forte raison lorsque les cours d’eau
ou les aquifères défient les frontières nationales. L’Union apporte une valeur ajoutée en
construi-sant un droit plus compréhensif de la complexité de l’eau, spécialement de l’eau souterraine, qui
jouit d’une effectivité et d’une précision bien supérieures à celles que le droit international pourrait
espérer ; il apporte aussi une plus-value au regard du cadre national, à travers une échelle temporelle
et spatiale mieux adaptée aux nécessités environnementales ainsi que d’objectifs plus ambitieux, en
théorie de haut niveau grâce à l’intégration téléologique, garantis grâce à l’intégration
constitution-nelle et atteignables grâce à l’intégration méthodologique. Les avantages qu’offre le droit de l’Union
transparaissent à travers un texte si décisif, qu’il est devenu, par lui-même, une plus-value au profit
de la protection de l’environnement aquatique, et, plus spécialement, de l’eau souterraine : la DCE,
qui unit la protection des eaux superficielles et souterraines dans un cadre commun (3).
3/ L’unification des protections des eaux superficielles et des eaux souterraines sous l’égide
de la directive-cadre sur l’eau (DCE)
Dans une communication de 1996
454, la Commission européenne avançait l’hypothèse que
le problème le plus manifeste de la politique communautaire de l’eau, à l’époque, était « peut-être
celui de la nécessité d’accroître l’intégration dans la mise en œuvre pratique de la législation dans le
domaine de l’eau » ; face à cela, elle a donc pensé « parvenir à une amélioration en adoptant une
directive cadre sur l’eau qui exigerait des programmes intégrés de gestion des ressources ». La DCE
est la pierre angulaire du droit de l’eau applicable sur le territoire de l’Union aujourd’hui. Mais pour
comprendre l’avancée que cela représente, il faut se souvenir de l’état du droit de l’UE relatif à l’eau
avant l’entrée en vigueur de ce texte novateur à bien des égards. Avant 2000, ce droit volumineux
se construisait en ordre dispersé, ce qui n’avantageait pas la protection des eaux souterraines, objets
de textes rares et trop étroits dans leur appréhension de celles-ci. En conséquence, le salut de l’eau
terme, sont rarement en mesure de planifier des stratégies à long terme dans ce secteur non rentable. Son détachement relatif
des problèmes quotidiens et spécifiques aux différents Etats membres (…) [offre] à la Commission (…) la possibilité de concevoir
un programme à long terme contre la pollution » (N. MOUSSIS, Guide des politiques de l’Europe, op. cit., p. 277).
453Laetitia GUILLOUD, Le principe de subsidiarité en droit communautaire et en droit constitutionnel, op. cit.
454
Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen, La politique communautaire dans le domaine de
l’eau, COM (96)59 final, du 21 février 1996, non publiée (p. 17).
souterraine passait par l’unification de leur protection à celle octroyée aux eaux de surface, objets,
quant à elles, d’une réglementation prolifique. Le premier texte de droit communautaire en matière
d’eau fut une directive 75/440/CEE concernant la qualité requise des eaux superficielles destinées
à la production d’eau alimentaire dans les Etats membres
455; curieusement, sans le justifier, ce texte
dédié à la production d’eau pour la consommation humaine excluait de son champ d’application
les eaux souterraines. Pour que celles-ci retinssent l’attention du législateur communautaire, il fallut
attendre les dispositions provisoires de la directive 76/464/CEE concernant la pollution causée
par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté
456,
applicables jusqu’à l’entrée en vigueur d’un texte dédié à cette eau : la directive 80/68/CEE relative
à la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par des substances dangereuses
457.
D’autres directives les inclurent dans leur champ d’application, telles la directive 91/676/CEE du
Conseil, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources
agricoles
458ou, indirectement, la directive 98/83/CE relative à la qualité des eaux destinées à la
consommation humaine
459. Mais ni la directive 80/68/CEE, cantonnée à la lutte contre certaines
substances dangereuses, ni les dispositions éparses dans d’autres textes
460n’ont suffi à garantir une
protection complète des eaux souterraines. Il fallait aborder la question de façon plus globale.
Méritoire, pour avoir identifié assez tôt certains défis de gestion des eaux souterraines, cette
première génération de textes ne donna cependant pas entière satisfaction. La Commission œuvra,
dans un premier temps, à l’élaboration d’un texte réformateur spécifiquement consacré à cette eau :
suite à l’appel lancé en 1992 par le Conseil de l’Union, réitéré en 1995
461, à construire la « future
politique communautaire des eaux souterraines », la Commission émit en 1996 une proposition de
décision du Parlement européen et du Conseil relative à un programme d’action pour la protection et la
455
Article 1
er§1 de la directive 75/440/CEE du Conseil, du 16 juin 1975, concernant la qualité requise des eaux superficielles
destinées à la production d’eau alimentaire dans les Etats membres, JOCE L194 du 25 juillet 1975, pp. 26-31. Abrogée par
l’article 22 §1 de la DCE.
456
Article 4 de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution causée par certaines substances
dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté, JOCE L129 du 18 mai 1976, pp. 23-29. Abrogée en vertu des
articles 22 §2 de la DCE et 13 de la directive 2006/11/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006
concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté, JOUE L64 du
4 mars 2006, pp. 52-59.
457
Directive 80/68/CEE du Conseil, du 17 décembre 1979, relative à la protection des eaux souterraines contre la pollution
causée par certaines substances dangereuses, JOCE L20 du 26 janvier 1980, pp. 43-48. Abrogée à compter du 22 décembre
2013 par l’article 22 §2 de la DCE.
458
Directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates
à partir de sources agricoles, JOCE L375 du 31 décembre 1991, pp. 1-8.
459
Directive 98/83/CE du Conseil, du 3 novembre 1998, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine,
JOCE L330 du 5 décembre 1998, pp. 32-54 (préambule, point 8).
460
Ni des mesures isolées telles que la décision 94/223/CE de la Commission relative à l’octroi d’un concours de l’instrument
financier de cohésion pour un projet de protection des nappes aquifères contre l’accroissement de la salinité dans la plaine d’Argos en Grèce,
27 octobre 1993, JOCE L118 du 7 mai 1994, pp. 1-9.
gestion intégrées des eaux souterraines
462, visant à la fois à maintenir la qualité des eaux souterraines ou,
Dans le document
La protection intégrée des eaux souterraines en droit de l'Union Européenne
(Page 98-102)