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L’environnement, un OVNI sur la planète OMC ?

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L'environnement, un OVNI sur la planète OMC ?

MBENGUE, Makane Moïse

MBENGUE, Makane Moïse. L'environnement, un OVNI sur la planète OMC ? In:

L'Organisation mondiale du commerce : Où s'en va la mondialisation ? . Montréal : Editions Fides, 2002. p. 269-287

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:56175

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L'environnement,

un OVNI sur la planète de l'OMC?

MAKANE MOÏSE MBENGUE1

Le débat commerce-environnement pose la probléma- tique de la capacité de l'OMC à prendre en considéra- tion, voire à gérer les préoccupations environnemen- tales et sanitaires. La clarté institutionnelle ne vaut pas pour l'environnement dans la mesure où il n'existe pas encore une organisation mondiale de l'environnement2.

Néanmoins, dans l'hypothèse où celle-ci aurait existé, peut-on croire que l'OMC n'aura aucune compétence en matière environnementale? Ce serait une vision erronée du système juridique international. En effet, il ne sau- rait y avoir de cloison étanche entre les divers domaines de compétence des organisations internationales. Par ailleurs, comment assurer la viabilité du commerce international si la santé des consommateurs est défi- ciente et leur espérance de vie, amoindrie par la consom- mation de produits nocifs? Comment assurer la viabilité du commerce international sans une gestion rationnelle

1. L'auteur tient à remercier Mme Laurence Boisson de Chazournes ainsi que M. Urs P. Thomas pour leur précieuse contribution à la rédaction de cet article.

2. Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE), mal- gré son mandat spécifique pour traiter des questions environnementales, ne peut être considéré comme une organisation mondiale de l'environnement proprement dite.

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des ressources naturelles et minérales, qu'elles soient épuisables ou renouvelables? Le principe classique du libre commerce est limité par celui, plus contemporain, du «consumérisme vert». Les consommateurs - qui sont la composante clé et indispensable du marché et sans lesquels toute dynamique de libre-échange n'au- rait pas sa raison d'être-sont de plus en plus attachés à la préservation de leur santé et de leur environnement.

Outre ces considérations, la composition de l'OMC est commune à celle du système international dans sa globalité. Les multinationales (même si elles exercent une grande influence) ne sont ni les négociateurs ni les titulaires des droits et obligations résultant des Accords de l'OMC. Le moteur de l'OMC reste les États. Or, ces derniers sont ceux qui négocient, élaborent et adoptent les instruments internationaux en matière de protection de l'environnement. Dans ce contexte, le droit de l'OMC ne peut être entièrement indifférent aux préoccupations environnementales.

Du point de vue de sa fonction politique, l'OMC est présentée comme la matrice de la globalisation. Celle-ci ne doit pas être pensée exclusivement comme un sub- strat à l'établissement d'un marché mondial d'échanges commerciaux. La globalisation induit un autre mode de pensée et d'action qui repose sur l'interconnexion et l'interrelation à établir entre les différents phénomènes économiques, politiques, sociaux, culturels et écolo- giques. De ce fait, la globalisation du système commer- cial multilatéral est pure illusion sans une globalisation des politiques internationales environnementales. L'un des aspects de la viabilité de la gouvernance internatio- nale consistera en son aptitude à rendre cohérentes, à rationaliser et à créer des liens entre les différentes sphères de la régulation internationale.

C'est dans cette perspective qu'à l'occasion de la signature de l'Acte final, reprenant les résultats des négo-

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dations commerciales multilatérales du cycle d'Uruguay à Marrakech, les ministres avaient tenu à affirmer dans la Décision sur le commerce et l'environnement:

[qu'] il ne devrait pas y avoir, et qu'il n'y a pas nécessai- rement, de contradiction au plan des politiques entre la préservation et la sauvegarde d'un système commercial multilatéral ouvert, non discriminatoire et équitable d'une part et les actions visant à protéger l'environne- ment et à promouvoir le développement durable.

Et la Décision de préciser qu'il faudrait:

[ ... ] coordonner les politiques dans le domaine du com- merce et de l'environnement, et cela sans dépasser le cadre du système commercial multilatéral, qui est limité aux politiques commerciales et aux aspects des poli- tiques environnementales qui touchent au commerce et qui peuvent avoir des effets notables sur les échanges3. L'environnement dans l'OMC

Le droit de l'OMC n'est pas indifférent aux paramètres environnementaux. Juridiquement, les dispositions rela- tives à l'environnement et à la santé sont contenues dans deux accords.

Tout d'abord, ces dispositions sont repérables dans le cadre du GATI de 1994 et plus particulièrement de l'ar- ticle XX de cet accord. Aux termes de l'article XX b) du GATI de 1994, les États membres de l'OMC peuvent prendre des mesures «nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux». En vertu de l'article XX g) du GATI de 1994, les États membres de l'OMC peuvent également prendre des mesures «se rapportant à la

3. Rapport de i996 du Comité du commerce et de l'environnement, Annexe i, Doc. WT/CTE/1, [en ligne] (www.wto.org). Tous les documents relatifs à l'OMC sont disponibles sur ce site électronique.

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conservation des ressources naturelles épuisables, si de telles mesures sont appliquées conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation natio- nales». L'article XX porte sur les exceptions générales aux règles de l'OMC. À titre d'exceptions, les disposi- tions mentionnées doivent être interprétées de manière restrictive. Autrement dit, toute interprétation de ces dispositions doit accorder une primauté aux règles du commerce international et notamment au libre- échange4. C'est pourquoi, il est introduit dans l'article XX b) un« critère de nécessité». Des mesures de restric- tion aux échanges commerciaux au nom de la protec- tion de la santé et de la vie des personnes, par exemple, ne peuvent être prises que lorsqu'elles sont nécessaires.

La nécessité a été interprétée par les organes de règle- ment des différends de l'OMC comme s'entendant de la situation dans laquelle une autre mesure moins pré- judiciable ou contraire aux règles de l'OMC ne peut être adoptée tout en réalisant le même objectif de protection de la santé ou de la vies.

L'article XX g) est également restrictif car il concerne en principe les ressources naturelles épuisables et non les ressources renouvelables6Or, qu'est-ce qui est renouvelable de façon certaine et qu'est-ce qui ne l'est

4. Se référer au "chapeau» de l'article XX en vertu duquel les mesures ne doivent pas être appliquées" de façon à constituer soit un moyen de dis·

crimination arbitraire ou injustifiable entre les pays où les mêmes condi·

tions existent, soit une restriction déguisée au commerce international'"

Voir, sur la question, Kaori URAKAMI, "Unsolved Problems and Implications for the Chapeau of GATT Article XX after the Reformulated Gasoline Case», Reconciling Trade and Enuironment, Organization for Economie Cooperation and Development (OECD), 1996, p. 167.,84.

5. Communauté européenne - Mesures affectant l'amiante et les produits en contenant, rapport du 12 mars 2ooi, Doc. Wf/DS135/AB/R, paragr. 164-175.

6. États-Unis - Prohibition à l'importation de certaines crevettes et de cer·

tains produits à base de crevettes, rapport du 12 octobre 1998, Doc.

Wf/DS58/AB/R, paragr. 131-134. Dans cette affaire, l'Organe d'appel a consi- déré que les ressources naturelles épuisables, qu'elles soient biologiques ou non biologiques, peuvent relever de l'article XX g).

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pas? L'eau, qui pendant longtemps est apparue comme un bien illimité, est reconnue désormais comme un bien limité et donc, épuisable. L'air pur a été également long- temps conçu comme un bien renouvelable. Cette conception s'est estompée avec le progrès des connais- sances scientifiques sur l'impact des émissions de

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sur la qualité de l'air7. Les préoccupations environne- mentales ne sont pas la priorité au sein de l'OMC.

D'ailleurs, dans l'article XX du GATI de 1994, il n'est fait nulle part mention de l'environnement. L'on parle des «personnes», des «animaux», des «végétaux» et des «ressources naturelles épuisables8 ». Aussi, l'ar- ticle XX laisse croire qu'il s'inscrit dans une démarche utilitariste et purement commerciale et que l'OMC ne s'intéresserait qu'à la préservation de ce qui est indis- pensable à la viabilité du commerce international. Une telle vision ne correspond pas à la réalité de l'article XX.

En effet, la jurisprudence des organes de règlement des différends de l'OMC a mis l'accent sur la nécessité de procéder à une interprétation« évolutive» de l'article XX.

Par le biais de cette interprétation, l'environnement a droit de cité au sein de l'article XX. Toutefois, l'environ- nement ne se limite pas conceptuellement aux catégo- ries mentionnées dans l'article XX. Il est plus large et fait plutôt référence à un écosystème. Pourra-t-il dès lors s'insérer complètement dans le corps de l'article XX?

7. D'ailleurs, l'Organe d'appel a reconnu le caractère épuisable de l'air pur dans Etats-Unis - Normes concernant l'essence nouuelfe et ancienne formule, rapport du 29 avril 1996, Doc. WT/DS2/AB/R. Sur la question, voir V. H. IMPE- RIALE,« Characterizing Air as an Exhaustible Natural Resource •,dans Recon- ciling Enuironment and Trade, op. cit., p. 243-260.

8. Une référence explicite à l'environnement est faite dans le Préam- bule du GATI de 1994: •Reconnaissant que leurs rapports dans le domaine commercial et économique devraient être orientés vers le relèvement des niveaux de vie, la réalisation du plein emploi[ ... ) tout en permettant l'utili- sation optimale des ressources mondiales conformément à l'objectif de développement durable, en vue à la fois de protéger et préserver l'enuiron- nement [ ... ] ».

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L'Accord sur les mesures sanitaires et phytosani- taires (Accord SPS) est un autre exemple d'accord de l'OMC insérant des préoccupations environnementales et sanitaires. Le Préambule de cet accord réaffirme qu' «aucun Membre [de l'OMC] ne devrait être empê- ché d'adopter ou d'appliquer des mesures nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la préservation des végétaux». L'ar- ticle 2 du même accord dispose que« les Membres ont le droit de prendre les mesures sanitaires et phytosa- nitaires qui sont nécessaires à la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou à la pré- servation des végétaux». Toutefois, !'Accord SPS est d'application et de portée restrictives en ce sens qu'il concerne les mesures sanitaires et phytosanitaires, et non pas environnementales. Il ouvre une porte d'en- trée pour la santé dans l'OMC mais non réellement à l'environnement.

Dans ce contexte, quel avenir imaginer pour l'envi- ronnement dans le cadre de l'OMC? Les différends por- tés devant les Organes de règlement des différends de l'OMC (ORD) ont majoritairement porté sur des mesures de restriction du commerce prises au nom de la protection de la santé. Seule l'affaire «crevettes» a, semble-t-il, mis en avant des considérations purement environnementales avec la protection des tortues marines. L'Organe d'appel a reconnu dans cette affaire que la mesure américaine était fondée au titre de l'ar- ticle XX g). Néanmoins, la mesure a été sanctionnée principalement pour son caractère discriminatoire. C'est là un exemple de recherche d'un équilibre entre consi- dérations environnementales et règles de l'OMC, à laquelle s'évertuent les Organes de règlement des diffé- rends de l'OMC.

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Le principe de précaution, obstacle à la prévisibilité du système commercial multilatéral?

La dimension et la place à accorder à l'incertitude scientifique dans les mesures de restriction du com- merce à des fins de protection de l'environnement et de la santé restent un casse-tête.

Aux termes du Principe 15 de la Déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le développement:

[ ... ) pour protéger l'environnement, des mesures de pré- caution doivent être largement appliquées par les États selon leurs capacités. En cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scienti- fique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à pré- venir la dégradation de l'environnement9.

Le principe de précaution tel que découlant de la Déclaration de Rio implique qu'un État même membre de l'OMC puisse prendre des mesures de restriction du commerce international lorsqu'il existe une incertitude sur le risque que présentent certains produits pour l'en- vironnement et in extenso pour la santé humaine. Les organes de règlement des différends de l'OMC n'ont pas consacré une telle portée au principe de précaution.

Ceci découle du fait que le statut du principe de pré- caution en droit international est encore imprécis. Les États membres de l'OMC ne l'appréhendent pas tous de la même manière. Pour les pays en développement, le principe de précaution légitimerait un protectionnisme déguisé et une clôture des marchés des pays riches par rapport aux produits importés des pays pauvres. Moins centrés sur les implications du principe de précaution

9. Voir le texte de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le déve- loppement dans Laurence BOISSON OE CHAZOURNES, Richard DESGAGNÉ et Cesare ROMANO, Protection internationale de l'environnement. Recueil d'instru- ments juridiques, Paris, Pedone, 1998, p. 4i.

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en termes de politique commerciale, les pays développés s'opposent sur la valeur juridique d'un tel principe pour le système commercial multilatéral. En d'autres termes, le principe de précaution pourrait-il fonder un État membre de l'OMC à restreindre les importations d'un produit donné sur son territoire du fait de l'incertitude quant au(x) risque(s) que peut présenter ce produit pour l'environnement et la santé? Pour l'Union européenne, le principe de précaution est une règle coutumière géné- rale du droit international ou du moins, un principe général de droit. Ce qui impliquerait que le principe de précaution est applicable et opposable dans le système OMC, car reconnaître au principe de précaution un sta- tut de principe général du droit international revient à reconnaître qu'il s'impose à tout le système juridique international duquel fait partie le droit de l'OMCrn. Pour les États-Unis, le principe de précaution au contraire est une simple approche. Par conséquent, les États membres de l'OMC ne seraient liés par aucune obliga- tion juridique de précaution. Aucun État membre de l'OMC ne serait tenu juridiquement de restreindre le commerce international d'un produit au nom du risque que pourrait présenter ce produit pour l'environnement et la santé. Le principe de précaution ne peut s'imposer à titre de principe général par rapport aux droits et obli- gations négociés dans le cadre des Accords de l'OMC, étant donné que ces derniers ne l'ont pas explicitement prévu.

L'Organe d'appel de l'OMC lors du célèbre différend sur les «hormones» entre la Communauté européenne et les États-Unis s'est refusé à prendre position sur le principe de précaution. D'après }'Organe d'appel:

10. Gabrielle MARCEAU, «A Cali for Coherence in International Law», Journal ofWorld Trade, vol. 33, i999, p. 87-157.

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[ ... ] le statut du principe de précaution dans le droit international continue de faire l'objet de débats parmi les universitaires, les professionnels du droit, les hommes de loi et les juges. Certains considèrent que le principe de précaution est devenu un principe général du droit international coutumier de l'environnement. La question de savoir s'il est admis par les Membres [de l'OMC] comme principe de droit international coutu- mier ou général est moins claire [ ... ] il est superflu, et probablement imprudent, que !'Organe d'appel prenne position au sujet de cette question importante mais abs- traite [ ... ] le principe de précaution, du moins en dehors du droit international de l'environnement, n'a pas encore fait l'objet d'une formulation faisant autorité".

La tendance est nette: le droit international de l'en- vironnement ou celui de la santé ne sauraient influer de manière systématique sur le droit de l'OMC. La valeur et le statut du principe de précaution en droit interna- tional de l'environnement n'est pas opposable ipso facto aux Membres de l'OMC.

Pourtant, la protection internationale de l'environ- nement exige un changement de paradigme dans les politiques publiques internationales. Elle exige de l'an- ticipation. Les cas de vache folle, les données sur les changements climatiques, la fragilité de la biodiversité, entre autres, démontrent que la protection de l'envi- ronnement nécessite que l'incertitude soit érigée au rang de critère fondamental et déterminant du processus décisionnel et ce, même dans le champ des mesures commerciales internationales. Or, le système commer- cial multilatéral a pour socle d'autres valeurs: celles de la sécurité et de la prévisibilité du système. L'incertitude

11. Mesures communautaires concernant les uiandes et les produits carnés (hor- mones), rapport du 16 janvier 1998, DOC. WT(DS26(AB(R ET WT/DS48(AB(R, paragr. 123.

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perturberait cet équilibre sur lequel a été bâti l'OMC.

Dès lors, l'avenir du principe de précaution est lui-même incertain au sein de l'OMC12

Le Comité du commerce et de l'environnement, un mariage institutionnel entre commerce et environnement?

Le Comité du commerce et de l'environnement (CCE) a été créé par le Conseil général de l'OMC en janvier 1995 '3. Son mandat a été établi par la Décision ministé- rielle de Marrakech sur le commerce et l'environnement du 15 avril 1994· Le CCE a pour mandat d'identifier les relations entre les mesures commerciales et les mesures environnementales de manière à promouvoir le déve- loppement durable. Il doit également faire des recom- mandations appropriées pour déterminer s'il y a lieu de modifier les dispositions du système commercial mul- tilatéral, en en respectant le caractère ouvert, équitable et non discriminatoire.

L'objectif, à terme, est d'élaborer des règles pour accroître les interactions positives des mesures com- merciales et environnementales, afin de promouvoir le développement durable, en tenant spécialement compte des besoins des pays en développement, en particulier des moins avancés.

Le CCE devra, dans le cadre de son programme, trai- ter: des rapports entre les dispositions du système com- mercial multilatéral et les mesures commerciales prises à des fins de protection de l'environnement, y compris celles qui relèvent d'accords environnementaux multi- latéraux; des rapports entre les politiques environne-

12. Il faut toutefois noter que !'Organe d'appel de l'OMC dans l'affaire

"amiante" a reconnu que le principe de précaution est contenu dans l'article 5.7 de !'Accord SPS.

13. Un Groupe du commerce et de l'environnement avait déjà été créé en i972, mais il est très vite tombé dans l'oubli.

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mentales qui intéressent le commerce et les mesures environnementales ayant des effets notables sur le com- merce et les dispositions du système commercial mul- tilatéral; des rapports entre les dispositions du système commercial multilatéral et les impositions et taxes appliquées à des fins de protection de l'environnement d'une part et d'autre part les prescriptions, établies à des fins de protection de l'environnement, relatives aux produits, y compris les normes et règlements tech- niques et les prescriptions en matière d'emballage, d'étiquetage et de recyclage; des rapports entre les mécanismes de règlement des différends du système et ceux qui sont prévus dans les Accords environnemen- taux multilatéraux; de l'effet des mesures environne- mentales sur l'accès aux marchés, notamment pour les pays en développement et en particulier les moins avan- cés d'entre eux, et les avantages environnementaux de l'élimination des restrictions et distorsions des échanges.

À l'heure actuelle, le CCE n'a pas encore formulé de principes et règles applicables dans le cadre de l'OMC.

Pour les plus pessimistes, son travail se borne à donner une image pro-environnementaliste à l'OMC sans qu'aucune contrainte réelle ne soit apportée dans le sys- tème en matière de protection de l'environnement. Pour les plus optimistes, le travail de ce comité prendra du temps, mais il devrait permettre à terme de faire des pro- positions de réforme du droit de l'OMC dans le sens d'une plus grande ouverture aux défis environnemen- taux et sanitaires.

Les Accords environnementaux multilatéraux (AEM):

quelle synergie avec les Accords de l'OMC?

Les rapports entre AEM et échanges commerciaux inter- nationaux sont au cœur des préoccupations de la Décla- ration de Rio. En vertu de son principe 12:

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280 I L'ORGANISATION MONDIALE ou COMMERCE

Les États devraient coopérer pour promouvoir un sys- tème économique international ouvert et favorable, propre à engendrer une croissance économique et un développement durable dans tous les pays, qui permet- trait de mieux lutter contre les problèmes de dégrada- tion de l'environnement. Les mesures de politique com- merciale motivées par des considérations relatives à l'environnement ne devraient pas constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable, ni une res- triction déguisée aux échanges internationaux. Toute action unilatérale visant à résoudre les grands problèmes écologiques au-delà de la juridiction du pays importa- teur devrait être évitée. Les mesures de lutte contre les problèmes écologiques trans-frontières ou mondiaux devraient, autant que possible, être fondées sur un consensus internationaJ•4.

Les Accords de l'OMC constituent-ils un corpus juris hermétique au droit international de l'environnement•s?

Si ces Accords sont bel et bien autonomes et que l'una- nimité s'est faite autour de la nature de !ex specialis du droit de l'OMC, il est légitime de soulever la probléma- tique de la valeur juridique d'un AEM dans un éventuel différend à l'OMC. Un AEM est-il applicable dans un différend entre États membres de l'OMC portant sur une mesure de protection de l'environnement ayant des impacts sur le libre-échange? En principe, la compé- tence des organes de règlement des différends de l'OMC est relativement limitée aux Accords de l'OMC16

14. Laurence Bo1ssoN OE CHAZOURNES, Protection internationale de l'en- vironnement, op. cit., p. 41.

15. Daniel K. TA RU LLO, •The Relationship of WTOObligations to Other International Arrangements•, dans New Directions in International Economie Law, p. 155-173.

16. Cf. articles 1.1, 4.2, 4-4· 7 et 11 du Mémorandum d'Accord sur le règlement des différends.

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L'hypothèse d'un différend portant sur un AEM ne s'est pas encore réalisée devant l'ORD de l'OMC. La Déclaration de Rio prône une synergie entre commerce et environnement, et par ricochet entre AEM et Accords de l'OMC. L'Organe d'appel de l'OMC dans l'affaire

«crevettes» a reconnu la primauté- pour ne pas dire la nécessité- pour les États membres de l'OMC de négo- cier des AEM plutôt que d'adopter des mesures unilaté- rales de restriction du commerce à portée extra-territo- riale ou non. Toutefois, il n'a pas précisé le rôle que devraient jouer ces AEM dans le cadre de l'OMC une fois négociés et conclus, vu qu'il ne s'est pas prononcé sur la valeur juridique de ces accords et sur leur degré d'ap- plicabilité dans les différends opposant des Membres de l'OMC.

D'autres incertitudes persistent. Qu'en serait-il si un différend opposait deux États membres de l'OMC et que l'un d'eux, pour justifier sa mesure de restriction du commerce, invoquait un AEM auquel l'autre État n'est pas partie? Que faut-il penser de l'hypothèse spécifique dans laquelle un État membre de l'OMC prendrait des mesures de restriction du commerce telles que prévues par un AEM, par exemple au titre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES)? La symbiose entre AEM et Accords de l'OMC pose plus de problèmes qu'elle n'en résout.

Deux actions essentielles devraient être menées dans ce contexte. D'une part, à l'avenir, lors de la négociation d'un AEM, il faudrait être particulièrement vigilant sur la manière dont on pourrait envisager d'appliquer des mesures commerciales aux pays non parties. D'autre part, la coordination des politiques entre les respon- sables des politiques commerciales et environnemen- tales au niveau national est importante pour veiller à ce que les Membres de l'OMC puissent respecter les

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282 I L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

engagements qu'ils ont pris dans les instances distinctes de l'OMC et des AEM, et pour réduire le risque d'in- compatibilité juridique.

L'optique majeure du système OMC est de régler les différends entre États membres de l'OMC par le biais des règles des Accords de l'OMC. Les instruments inter- nationaux en matière de protection de l'environnement pourraient juste servir de moyens d'interprétation et de clarification du droit de l'OMC. Cette tendance a été net- tement affirmée par le CCE. D'après ce dernier:

Les Membres de l'OMC n'ont pas recouru au règlement des différends de l'OMC en vue d'amoindrir les obli- gations qu'ils ont acceptées en devenant partie à un AEM, et le CCE de considérer que cela continuera d'être le cas. Les Membres de l'OMC ont le droit de porter des différends devant le mécanisme de règlement des dif- férends de l'OMC, mais, si un différend surgit entre des Membres de l'OMC qui sont parties à un AEM au sujet de l'utilisation de mesures commerciales qu'ils appli- quent entre eux au titre de l'AEM, ils devraient essayer de le régler au moyen des mécanismes de règlement des différends prévus dans l'AEM. L'amélioration des mécanismes d'exécution des obligations et de règle- ment des différends prévus dans les AEM encourage- rait à régler ces éventuels différends dans le cadre de l'AEM17

La couleur est annoncée: l'espace OMC n'est pas le plus propice à régler des différends portant sur un AEM prévoyant des restrictions commerciales à l'égard des États qui ne se conformeraient pas aux obligations contenues dans leditAEM. La probabilité pour un AEM de prévaloir sur les règles de l'OMC est faible dans le cadre d'un différend entre Membres de l'OMC réglé

17. Rapport de 1996 du CCE, op. cit., paragr. 178.

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L'ENVIRONNEMENT, UN OVNI SUR LA PLANÈTE DE L'OMC? I 283

selon les mécanismes de règlement des différends de l'OMC. Ainsi, il semblerait que l'OMC ne tient pas à se transformer en un espace de règlement de différends environnementaux« à visage commercial».

Ceci étant, il demeure important d'analyser dans quelles limites une telle approche serait bénéfique aux AEM ou, au contraire, préjudiciable à leur effectivité et à leur efficacité. Le mieux serait pour un AEM d'avoir un mécanisme de règlement des différends propre. Toute- fois, la solution à un risque de compartimentalisation et d'incohérence juridiques et jurisprudentielles serait de développer une coopération interinstitutionnelle plus adéquate et plus effective. Les règles de l'OMC prévoient la possibilité dans un différend pour les groupes spé- ciaux de demander des renseignements, des avis ou des informations à d'autres organisations ou personnes compétentes dans le domaine faisant l'objet de diffé- rend. L'environnement pourrait alors être mieux inté- gré. La clôture totale ne peut exister. Il faut juste repen- ser les modes de coopération et d'action entre les organisations du système international, mais aussi et surtout entre les différentes instances internationales de règlement des différends pour mieux harmoniser les stratégies juridiques.

Doha: quelles perspectives pour les relations commerce-environnement?

Doha marque-t-elle une nouvelle ère pour les relations commerce-environnement au sein de l'OMC? Dans la Déclaration adoptée lors de cette Conférence, les ministres ont proclamé ce qui suit:

Nous réaffirmons avec force notre engagement en faveur de l'objectif du développement durable, tel qu'il est énoncé dans le Préambule de !'Accord de Marra- kech. Nous sommes convaincus que les objectifs consistant à maintenir et à préserver un système

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284 I L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

commercial multilatéral ouvert et non discriminatoire, et à œuvrer en faveur de la protection de l'environne- ment et de la promotion du développement durable peuvent et doivent se renforcer mutuellement. Nous prenons note des efforts faits par les Membres pour effectuer des évaluations environnementales natio- nales des politiques commerciales à titre volontaire.

Nous reconnaissons qu'en vertu des règles de l'OMC aucun pays ne devrait être empêché de prendre des mesures pour assurer la protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux, la préservation des végétaux, ou la protection de l'environnement, aux niveaux qu'il considère appropriés, sous réserve que ces mesures ne soient pas appliquées de façon à consti- tuer soit un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les mêmes conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce international, et qu'elles soient par ailleurs conformes aux dispositions des Accords de l'OMC. Nous nous félicitons de la coopération suivie de l'OMC avec le PNUE et les autres organisations environnementales intergouvernementales. Nous encourageons les efforts visant à promouvoir la coopération entre l'OMC et les organisations environnementales et de développement internationales pertinentes, en particulier pendant la période précédant le Sommet mondial pour le déve- loppement durable qui se tiendra à Johannesburg (Afrique du Sud) en septembre 200218

S'il n'y a pas de grande nouveauté par rapport à la Décision sur l'environnement et le commerce de 1994, il faut relever qu'on s'oriente vers une nouvelle étape: celle du renforcement de la coopération entre l'OMC et les autres organisations internationales compétentes en matière environnementale et notamment les ONG. Il

18. Paragraphe 6 de la Déclaration ministérielle de Doha, [en ligne]

(http://www.wto.org).

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L'ENVIRONNEMENT, UN OVNI SUR LA PLANÈTE DE L'OMC? I 285

est permis d'espérer plus de transparence dans le débat sur le commerce et l'environnement. L'établissement de règles précises sur les conditions de participation et le statut d'observateur des organisations intergouverne- mentales et des ONG est une condition sine qua non à la transparence du débat.

En attendant, des questions nouvelles risquent d'en- venimer ou du moins, de durcir le débat commerce- environnement au sein de l'OMC dans les années à venir. Il s'agit principalement de la question du com- merce des organismes génétiquement modifiés (OGM) réglementé par le Protocole de Cartagena sur la pré- vention des risques biotechnologiques et de la ques- tion des rapports entre les services et l'environnement.

Le Protocole de Cartagena autorise un État à interdire l'importation d'OGM sur son territoire du fait des risques pour la conservation de la diversité biologique et des risques pour la santé. Ce Protocole n'est pas subordonné aux Accords de l'OMC et peut par consé- quent entrer en conflit avec ces derniers car, si la pro- tection de l'environnement est prévue à titre d'excep- tion dans le droit de l'OMC, elle est une règle dans le Protocole de Cartagena. De son côté, la relation entre services et protection de l'environnement pose deux problématiques. D'une part, celle de la distinction à établir entre mesures environnementales appliquées directement au commerce des services et celles appli- quées aux produits qui ont un rapport avec ce com- merce. Quelle serait la base juridique adéquate pour traiter des problèmes d'environnement dans le domaine des services: !'Accord général sur le com- merce des services (AGCS) ou l'article XX du GATI de 1994? D'autre part, se pose la problématique de la défi- nition des services environnementaux. La fourniture d'eau potable, par exemple, devrait-elle être considérée

(19)

286 I L'ORGANISATION MONDIALE DU COMMERCE

comme un service environnemental et être couverte par l'AGCS19?

Autant d'incertitudes qui portent à croire que la sta- bilité et la viabilité de la libéralisation des échanges dépendront en grande partie de l'aptitude de l'OMC à intégrer les préoccupations environnementales dans le système commercial multilatéral.

19. Voir la Déclaration ministérielle de Doha (paragr. 31) en vertu de laquelle• afin de renforcer le soutien mutuel du commerce et de l'environ- nement, nous convenons de négociations, sans préjuger de leur résultat, concernant [ ... ] la réduction ou, selon qu'il sera approprié, l'élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires visant les biens et services environ- nementaux».

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