CONSEIL DES CINQ-CENTS;
"7 -
OPINION
D E
B O U L A Y (de la Meurthe
)Sur
lescaufes
, la néceffité&
les effetsde
lajournée du
i8fructidor
,& fur
lapropofition faite de la célébrer par V
érectiond*un monument Ù
rinjlitution d
yune fête
.Citoyens représentans.
Votre commiffion
,en vous
propofant d’éleveron
monument &
d’inftituerune
fêtepour
célébrer la journéedu 18
fru&idor*na
pas eia,fansdoute
*pour
butefcnud^
% Â
tHENEWJKESUUf
Séance
du 3 Vendémiaire, an
6.d’enéterni fer
Amplement k mémoire. Cette
journéeappartient àrhiftoire : il fufficquelle foitune
des plus remarquablesde
la fituationpolitique
où nous
a placéslarévolution, pour que, fans
monument
8c fans fête? elle fe perpétue dans les an- nales
du monde
,comme un grand
fujetd’étonnement pour
la curiofité
humaine
, 8c fur- toutcomme une
leçon très- inftru&ive pour ceux qui fe chargent d’inftruire 8cde gou-
verner leshommes.
Mais un monument
8cune
fêtedeftinés à rappeler àun
peupleun événement
extraordinaire le confacrent pour lui d’unemanière
fpéciale,
par des
images
vivantes 8c re- îigieules.Tous
les fens en font frappés } tous lescœurs en
fontémus
, 8c ilen
réfulte pour ce peupleun
effet plus général,plusfenti,&
parconféquent beaucoup
plus utileque
celuique
produifentde
(impies annales.C’eft
donc
fous fon rapport politique 8cmoral
qu’il fautexaminer
la proportion qui vous eft faite} 8c pour bien
l’apprécier,
on
(ent qu’ilfautcommencer
par fe faire des idées juftesde
la journéedu 18
huéfcidor.Elle ad’abordexcitédesfenfations très vives
&
analoguesàla nature des caractères , des opinions , des craintes 8c des efbérances des individus8c des partis.
Mais
ce n’eft pas uni-quement
aux pallionsque
cetévénement
adu donner ma-
tière, la raifon
&
la fageffe doivent s’enemparer
à leurtour
comme
d’un fujet important 8c précieux : c’eft fur-tout dans cette enceinte qu’elles doivent le confidérer fous fes diffé.rens rapports , afin d’en fixer le véritable caractère, 8c d’en faire fortir, 8c pournous, & pour
le peuple français,une
grande 8c faîutaire leçon.C’eft dans le defiein
de
concourir à cetheureux
effet , qu’après avoirindiquérapidement
quelles ont été les caufesdu 18
fru&idor, 8cmontré
la nécelfitéoù
s’eft trouvé leDire&ofre de
recourir àune mefure
extraordinaire , 8c leCorps
légiflatifde
lafanâionner
, je ferai fentir en quoi cette journée diffère des autresévène.mens qui font
époque
dans
la révolution, 8c fous quel pointde
vueellepeutdonner
lieu àl’ére&ioud’unmonument
8c à l’infticution d’une fête*r.,* .
3
Citoyens repréfentans,
je
commence
par déclarer qu’a- vant le18
fru&idor,ma convidion
étoit acquife fur la confpirationque
ce jouradéjouée.Je
n’avois pas befoin des piècesque
leDiredoire
a pro- duites, nide
celles qu’il peut produire encorepour
endé- montrer
l’exiftence. Elles fontbonnes
pourceux
à qui ilfaut des preuves littérales ôc matérielles
;
mais pour
leshommes
qui ont obfervé lamarche
Ôc les effetsde
la ré- volution avec cette inquiétude ôc cette attention réfléchies- qu’infpire naturellementun grand
intérêt , il fufiifoic d’avoir ététémoins de
ceque nous
âvons vu.Depuis
quatorze fiècles, il exiftoit enFrance une mo-
narchie
dont
le pouvoir étoitdevenu
defpjtique.Autour du
trône étoientune
nobleffe ôcun
clergénombreux
ôc puiffantqui, fe croyant d’une nature fuperieure ôc privilé- giée, prétendaient , l’une au
nom
du* roi, Ôc l’autreau
nom du pape
,
gouverner
exclusivement la nation.Ces deux
caftes avoient pour elles
une
antique poftlffion fondée fur des préjugés très-abfurdes à la vérité,mais que
l’ignorance ôc l’habitude avoientprofondément
enracinés,&
à la fa-veur defquels elles accabloient la nation d’un
joug
auflî aviliftant qu’onéreux.Cependant un
concoursde
caufes qui agifîoient fourde-ment
depuislong-temps
,
produhit tout-à-coup
une
infur-redion
générale.Cemonftnteux échafaudage
d’orgueil,d’im-
pofture,de
privilèges ôc d’opprefîïan , fut renverfé.La mo-
narchie,limitée
d’abord
parune
conftittitionmal combinée
,
fut entièrement anéantie
,
pour
faire place au règne abfolude
la liberté ôcde
l’égalité.Cette grande révolution,en
changeant
tous lesintérêts,en
excitant toutes les pallions, adonné
naiffance à des partis oppofés qui fe fontfait conftamraent la guerrej ôc fe la font encore.La
maffede
la nation s’étantprononcée
contre l’anciengouvernement
, les chefsde
la famille royale quit- tèrent bientôt laFrance
, entraînant aveceux un grand nombre de mécontens
prefque tous desdeux
caftes ci-A
2,devant privilégiées.
Leur
réunionforma
ce qu’ils appellè- rent laFrance
extérieur. C’eftlà le partivraiment
royalifte,
puifqu’il
ne
tend à rienmoins
qu’à rétablir lamonarchie
,
la noblefie, le cierge,
en un mot
tout l’édificede
l’ancien régime. îl s’eft agité ôc s’agite encore dans tous les fenspour
réufiir dans fes projets.Au
dehors , il atourmenté
tous les cabinetsde
l’Europepour
les intéreffer à fa caufe:au dedans
,il aconfiamment
dirigé les efforts desmécon-
tens.
Mais
quel a été fonmoyen
le plus perfide le plus adroit , celui qui a toujours fait ôc fera toujours fa prin- cipale refiource ? C’a étéde
répandre des divifions <k des troubles dans l’intérieur , d’yamener
la confufion , l’anar- chie, d’ytourmenter
, d’y fatiguer le peuple, Ôcde
pro-fiter enliiite
de
fesmaux
ôcde
fa lafiitudepour
luiim- primer un mouvement
qui le reportât vers l’ancien étatde
chofes.Le
peuple embrafla d’abord la révolution avecbeaucoup de
chaleur, parce qu’il étoit horriblementmal
fous l’an- nienrégime
, ôcque l’amour de
la liberté eft naturel àl’homme. Tous
les patriotes étoient alors àpeu-près d’ac- cord, parce qu’ils avoient à vaincre linennemi commun
ôc très-pui(Tant:
mais
dès qu’ils crurent l’avoir affoibli, ôc enfin terraffé, ils fe divifèrent entre eux.Les
uns, égale-ment
pleinsde bonne
foi& d’amour pour
laliberté,n’étoienc partagésque
fur lesmoyens de
l’établir,ôc leplusou moins de
latitude qu’il convenoitde
luidonner
dansun
état telque
laFrance. C’étoient là les vrais patriotes, mais quimal- heureufement
n’avoient ni lamême
étenduede
lumièresÔcde
connoifiances , ni lamême
énergiede
caraétère.Les
autres , entraînés par leur intérêt&
leurs pallions , bien plusque
par le patriotifme, s’occupoientbeaucoup
d’eux-mêmes,
ôc très»peu de
la chofe publique.Les
premiers, toujours prêts à facrifier leurs opinions ôc leurs prétentions particulières à la volonté Ôc à l’intérêt public, fe font coni-tamment montrés
énergiques ,mais
fans cefier d’être to- lérans ôcmodérés
; les féconds ont toujours été violens Ôc exclufifs.s
Or
, ces derniers onten &
dévoient avoirpendant
long-temps beaucoup
plus d’afcendant fur le peupleque
les vrais patriotes. L’intérêtdu
peuple( 8c par ce
mot
, j’entends la mallede
la nation) efl le véritable intérêt public : rap- porter tout à cet intérêt , c’ait être citoyen , 8cvraiment
populaire.Mais
le peuple n’efl pas toujours éclairé furfou
vrai bien :
pn
letrompe, on
l’égare facilement, fur- toutquand
il brife fes chaînes, 8c (orcbrufquement
d’un long efclavagepour de
jeter dans la liberté. 11ne
peut pas tout-à-coup
fe dépouiller des habitudes oc des vices qui Favi- lilïoient; fa raifon relie encore obfcurcie par l’ignorance 8c les préjugés.Une
pafîîon paroît ledominer
principale-ment
j c’ell lahaine desmaux
8c des outrages qu’il eHiiyoit auparavant.Dans
cet état , s’il arriveque
cette haine foie encore aigrie par des rélillances 8c des trahifons , li elle eflexaltée par des têtes ardentes, 8c dirigée par deshommes
perfides
, elle peut fe porter
aux
plus grands excèsde
lavengeance
8cde
l’injuftice,non- feulement
contre fes enne-mis
,mais
plus encore contre fes amis.Telle a été à
beaucoup
d’égards la*fituationdu
peuple françaispendant
le coursde
la révolution. Il femontra
d’abord paffionnépour
la liberté :mais
il n’en avoit pas,M ne
pouvoir pasen
avoir des idées nettes* ilne
la voyoit guèreque
dans la deftruélionde
tout ce qui tenoit à l’an- cienrégime
,ne
connoilTant pas bien ce qu’il convenoiçde
lui fubflituer.Les maux dont
cerégime
Favoit accablé, étant encore récens, c’ell par la haine qu’ilen
avoir con- çue, qu’il étoit le plus facilede
l’entraîner; 8c c’efi par- laqu’on
s’enempara. Les amis de
la vraie liberté , les patriotes fincères eurent bienrarement
fur lui l’afcendant qu’il eut été à defirer qu’ils confervaflent toujours.Des hommes
, bien intentionnés fansdoute
,mais peu
éclairés,
eurent fou vent la préférence,
en
lui préfentant des idées exagérées 8c faufles. Ils éroient fupplantés à leur tour par d’autreshommes
qui , dévorés d’ambitionou
d’avarice,
ne
cherchaient qu’à flatterfes pallions ,comme
le plus sûrA 3
6
moyen
d’en accaparer lafaveur.Mais
fesplus cruelsennemis
furent ceux qui, guidés par la perfidie, 8c couverts
du mafque du
patriotifme , n’ayant jamais dans labouche que
lesmots
qui ponvoient l’aigrir&
l’exafpérer, le pouf- fèrent d'excès en excès, 8camenèrent
enfin le règnedu
bri-gandage
8cde
la barbarie.Vous
Tentez, citoyens rep-réfentans ,que
jeveux
parlerde
cerégime
qui fera célèbre à jamais fous lenom de gouvernement
révolutionnaire , lerégime de
la terreur.Mais
fi j’en parle ici , ce n’eft pas,comme on
lefaifoitnaguère
dans cette enceinte , 8ccomme
les lâches parti-fans
de
l’ancienrégime
le font continuellement, ce n’eft pas dans l’intention criminelle deconfondre
la liberté avec la terreur, 8c les vrais patriotes avec les terroriftes :non
,non
, je connois trop bien , je détefie trop cet excès d’in- juftice 8cde
perfidie.Mais
je rappelle cet affreuxrégime pour
faire fentirque
, s’il a été de la partdu
peuplel’effetde
l'ignorance ,de
la partde
quelques patriotes l’effetd’un zèleimprudent
8c aveugle , c’eft fur-tout à l’atrocité froi-dement
calculée des chefs 8c des partifansde
la tyrannie royale qu’il faut l’attribuer.Oui
, j’ai toujours foutenu , 8c je foutiendr.n toujours cette importante véritédont je fuisprofondément
convaincu.Et
certes, il ne faut qu'un peude bon
fenspour
en être pénétré.Quel
étoit en effet le meijleurmoyen
ie faire re- gr tter 1ancienrégime
,&
d’en favorifer le rétabliffement?N
ecoit-ce pas de rendre lenouveau
tellement odieux , qu'il fît oublier les abus de l’ancien ?Or
, quoide
plus propre à produire ce réfuhar,que
ce qui s'eft paffe au milieude
nous
fous lerégime
révolutionnaire ?Tout
ce qu’il y ade
plus effentiel au maintiende
l’ordre focial, tout ce qu’il y ade
plus facré dans l'opinion deshommes
, n’a t-il pas été attaqué&
foulé aux pieds avecun
mépris , avecune
fureur épouvantable ?N’avons-nous
pas été accablésde
tous lesmaux
,de
toutes les humiliations,de
tous lesgenresde
crimes ?Et remarquez
bienque
tout.cela fe faifoitau nom
7
de
la liberté 3de
légalité ,de
la fouverainetédu
peuple.Et pourquoi
? parcequ’on
vouloir les rendre odieules à ja»niais ,
en
les préfencantcomme
les eautesde
la licence ,du
brigandage ,en un mot du malheur &
de la difloluttonde
toute fociété. Voilà , dis-je , cequ’on
fe propoloiten nous
jetant dans les excèsdu régime
révolutionnaire j Sc voilàmaiheureufement
l’effetqu’on
a produit furune
partiede
la nation. Ilen
eft réfultéune
crainte ,une
fortede
maladie générale,qui eft
devenue
entre lesmains du
roya- lifme le reflort le plus dangereux.Le
9thermidor
prépara la chutedu gouvernement
ré- volutionnaire , Stoccahonna un mouvement
rétrograde. Il falloirque
cemouvement
eût lieu, puifqu’il étoit
impof-
fibie , fans fe dévorer tous fucceffivement
de
relierdans
l’horrible fituationoù
l’on étoir.Les
vraisamis de
la li- berté le favorifèrent d’abord , encombattant
avec énergie»Sc toujours avec fuccès, les efforts qui furent faits
en
diffé- renstemps pour
rétablir cet exécrablerégime
.ou du moins pour
en confervçr les relies.Mais
touten
luttant,d’un
coté, contreles partifansaveuglesou
perfidesde
cerégime,
il falloir , d’un autre coté
, qu’ils arrêtaient la violence
de
cemouvement
, qui par lanature des pallions
humaines,
Sc par la rapiditéque
le royalifme vouloir luiimprimer
,
pouvoit
nous
rejeterdans
l’extrême oppofé.C’eft au milieu
de
cette lutte péniblequ’on
vit paroître la conllitutionde
i’an 3, Elle fut acceptée à l’unanimité,
Sc
on ne
peut douterque
ce n’ait étéde
très-bonne foide
la part
de
lagrande
majoritéde
la nation ,comme un moyen de
terminer enfin la révolution , Sc d’alïiirer lerègne
de
la liberté Scde
l’ordre.Mais
fion
fut d’accord fur la conllitution ,on
ne le fut pas àbeaucoup
près fur les décrets des5 &
i3
fmétidor.Il y eut, à cet égard dans toute la
République un grand déchirement
d'opinions.Le i3 vendémiaire
termina cette guerre mteftine , maisen
lailiantdans beaucoup
d’efpritsA 4
s
un ferment
d’aigreur 8cde
vengeance.La
loidu 3
bru-maire
parut , ëc futune
nouvelle fourcede
divifion.C’eft dans ces circonftances
que
legouvernement
confti- tutionnel fut inflallé.Le
choix desmembres du
Diredtoire, celui des minilhes , celui des agensdu gouvernement
, tout fut préfentécomme
l’ouvrage odieuxa une
faCtiondange-
reufe.Cependant
, il falloit foutenirune
guerreîmmente
, 8c il n’y avoit pasun
fou dans le trélor public.Des
opéra- tionsde
finances, véritablement forcées, ajoutèrentencore au
bouleverfement des fortunes :toutconcouroitdonc
àfaireun grand nombre de
mécontens.Dans
cette fituationde
chofes , le royalifme,que
Téta- blifiemenc de laconftitution fembloit avoir abattu, fe releva plusque
jamais, 8c conçut l’efpoirde
1etonfièr dans fon berceau,Le grand
point pour lui étoltd’abordde dépopula-
riferle
gouvernement, &,
pour cela, il fe fervithabilement
,
dans
toute laFrance
, des circonftances péniblesdans
les- quelleson
fe trouvoit.Mais
,
quelfut fonprincipal refiort le point
de
ralliementde
fescombinaifons
les plus perfides 8c les plus fuues?Ce
fut le parti
d
oppofition qui fe manifeftadansleCorps
légis- latif , 8cdont
les chefs étoienc aufh ceux d’une fociétédevenue
célèbre fous lenom de
Çlichy.On
faitque
cette réunion s’etoitformée
dans le fein de laConvention
après le 9thermidor
, 8cque
fon but avoit été d’écrafer les reftesde
la faétion dçcemvirale.Pour en
venir plus facile-ment
à bout, elle fut quelquefois obligé d’appeler à fon fecours les royalties,
& on
conçoit facilementcomment
ilput
dès-lors feformer une
forte d’affinité entreceux-ci ccquelques
uns deschefsde
Clichy. D’ailleurs, il leur arriva ce qui arrive ptçfque toujours dans tous les partis qui pré- tendent à la direction exclusive deshommes &
des évène-mens
-, l’orgueil, la vanité, l’ambition, les rivalités, leshaines 3 les corrompirent infenfiblement , 8c leur
donnèrent
une
direction réactionnaire.Ces
funeftes difpofitions, qui lî’^tirgi^ntpasdû
furvivre àréçablifiementde
la çonftitution5f
s'aigrirentbien davantage par la nature deschoix quifurent faits
pour
les premiers emploisdu gouvernement.
Jufqu’au i3 vendémiaire
, les chefsde
Clichy avoienteu
lagrande
influenceau dedans
ôcau
dehorsde
laConvention. Mais
a cetteépoque
il fefitun
revirement d’opinionsÔcde ma-
jorité,
au moyen duquel
toutes les prétentions, toutes les vues desmeneurs de Clichy
échouèrentcomplètement. Pour peu qu’on
aitde
connoiflancedu cœur humain
,on
conçoit encorecomment un
efpoirfi cruellementtrompé
fechangea
naturellementen
averfion contre lesgouvernans
, ôccom- ment de
cegrouppe de mécontens
il feforma dans
leCorps
légiflatifun
parti d’oppofition très-mal
intentionné*Ce
parti,dont
lenoyau, comme on
voit, n’étoit d’abordque
d’ex-conventionnels , fe fortifia par lesmauvais choix
qui fe firent dans l’éle&ion des députésdu premier
tiers.Dans
cetteéledion, quifut
généralement bonne,
il fe glifla desroyaliftes décidés.On
y vit aufli reparoître deshommes
qui , ayant figuré avec éclat
dans
la légiflatnrede 1792,
&
s’étant trouvésau 10
août dans le parti vaincu&
prof-crit, apportoient
dans
leCorps
légiflatif plus d’ungenre de
contrariétés, fur-touten y
revoyant deshommes qui
avoient étédu
parti qui fut alors vainqueur.Ces deux
efpècesde
députés fe réunirent naturellementau
parti d’op- pofitiondont
je viensde
parler.Or, on
conçoit avec quelempreflement
le royaiifme le circonvint par tous les genres d’artifices ôcde
féduétions P Ôc lui prêta l’appuide
toutes fes reflources : fon but,
en
cela, étoitde
détruire legouvernement
;mais
,ne
fe fentant pas aflèz fort, il avoir befoinde
femafquer
avecbeaucoup
d’art.Convaincu
qu’un excellent pas à faire étoitde
renverferd’abordlesgouvernans
,&
trouvant deshommes
aflez aigris
pour
le tenter, il s’uniiïoit fortement àeux en
paroiflant n’avoir d’autre but
que
le leur.Cependant
, lagrande
majoritédu Corps
légiflatif fentoit la nécefliténon-feulement de
mainteniriaconftitun tion ,mais
d’environner legouvernement
ôc lesgouvernans
d’unegrande
forcemorale
ôc politique : cette confiderationOpinion
deBoulay
(
de
laMeurthe
).A &
id
étoit ft frappante,
que
le partide
loppofition fut feuvent©bligéd’y céder.
Voyant
la difpofltion générale des efprits, ilcomprit
qu’ildevoir s’envelopperde beaucoup de
circonf- pection 8c d’hypocrifle. Il fe couvritdu manque
de la conf- titution$ ilmit
en avant les grands principes dejullicedcde
liberté,bien perfuadé qu’aveccetonde
févérité,il rallieroit'
à
lui tous les rigoriftes, tous leshommes de bonne
foi qui n’étoient pas à portéede démêler
fes vues particulières, 8c réufliroit aumoins
à dépoptilarifer les gouvernailsdont
lacondinte, dansune
portion h nouvelle8c li embarraiTante,
devoir néceflairemeut fournir
beaucoup d
Jalimensà lacen-
fure.
Ce
partide
l’oppofition paroiflbitdonc
fouvent le plus Jufte 8c le pluscourageux; il étoit d’ailleurs le plus brillant par fa nature : il n’eftdonc
pas étonnantqu’il ait eu quel- quefois la majoritédans
leCorps
légiflatif; 8c peut être lauroit- il confervée pluslong- temps
fans les indifcrétionsde
quelques-unsde
lesorateurs*,indifcrétionsqui 5 deflïllanc les yeuxde
tous leshommes
debonne
foi, rejetèrent lama-
jorité dans le parti
franchement
conftitutionnel.Cependant
a tout en perdant lafupériorité dans leCorps
légiflatif, le parti
de
l’oppofitionne
la perdoir pas au de- hors’y iln’y gagnoit pas
meme
tous les joursdavantage.Le
royalifme s’agitoit
dans
tonslesfenspour
l’augmenter :une
fouiede journaux
le préfentoient par-toutcomme
le plusferme
foutiende
la conftitution ,comme
le défenfeur in- trépide desprincipes,de
lajuflice 8cde
l’humanité.C’eA
fousleprétexte fpécieuxde
rétablirdans
toute leur pureté le règnede
ces principes,
que
ce partidemanda
le rapportde
la loidu 3
brumaire. Il y eut à cet égarddans
JeCorps
légiflatifune grande
8c folemnelle difcuflion, à la- quelle toute lanation prit le plus vif intérêt.Le gouver-
nement
,Tentantla néceflitéde
maintenir cette loi, crutde-
voir feprononcer hautement pour
fa confervation.Cepen-
dant
,malgré
cette efpèce d’intervention , le parti qui Vouloir lemaintien de
la loine put triompher
complète-»îï
tuent,
&
futobligéde
faire des concefiions importantes an
parti
oppofé,
qui avoitpour luil’éclatdes principes 8c letor**rent
de
la faveur.Ce que
l’oppofitîon obtintde
plus avantageux fut le rap*port
de
l’arricle10 de
la loi.Comme
cet article étoitU
feule difpofition légale qui avoit fait revivre les lois
de dé-
portation 8cde
réclufion contre les prêtres infermentés,fon
rapport pur 8c fimpie fut interpréta, avec afiezde
raifon,
comme
leurdonnant
la facultéde
rentreren France
8cde
reparoîtrehautement.
C’étoit afiurément la meilleure avant-garde du
royalifme; 8con
fent avec quel zèle ils fèrvoient cette caufe, qu’ils
ne
féparoient pasde
la leur.Sous
lepré- texteféduifantpour
la foule ignorante 8c crédulede
rétablir lu religion de nos pèresj ils répandoientdans
lamafie du
peuple
le poifon contre-révolutionnaire.Ceft
dans cette fituation des efpritsque
les dernières élections fe firent.On
vit pàroître par-toutdans
les affemblées primairesun©
foule
d’hommes
qui avoient affe&éde ne
s’ymontrer
jamais; 8c quelshommes
? C’étoient précisémentceux
qui s’étoient confiarament
fignaléscomme
lesennemis du nouveau
ré-gime.
Telle
étoitdéjà la corruptionde
lopinionpublique, que
prefque par-tout ils eurent la
prépondérance
, êcque,
remplifiant
en grande
partie les corps électorauxa la plu- part des choix furent leur ouvrage.On
peut réduire à i’analyfe fuivante lenouveau
tiersdé-
putéau Corps
légiflatif.La
minorité étoitdes patriotes pro-»
nonces
;une
portion plusnombreufe
étoit des royaiifies la plupartforcenés*-, laportion intermédiaire, ayant fansdoute de bonnes
intentions,mais
pointde
caractère décidé,S&
peu de
connoifiancede
la fituation des chofes, étoit très- propreàfe laifierégarer parun
parti entreprenant 8c adroir.Qu'arriva-t-il? les royaiifies , à
peine
arrivés , coururent fe jeterdans
le partide
Clichy.Plufîeurs autres s’y réunirentde bonne
foi, croyant y trouverun
foyerde
lumières êcd§
A é
î
2
fageffe5 8c le meilleur guide
de
leur conduite. Il eft certainque
, dès avantlepremier
prairial, ce parti avoir fu, par tous lesmoyens
poflibles, accaparer lagrande
majorité desnouveaux
députés.Ce
jour, cegrand
joury ce jour tant défirê 3 parut enfin.Que
vit-on
dans l’aflèmblée?un
partiimpétueux
,mena-
çant, infultant,ne
fouffrantaucune
contradidion, acca- blantde
huées^ d’injures,
&
quelquefoisde
voies défait, toutce qui avoir l’airde
vouloir lui réfifter.A
lavue de
ce torrent pouOTé par l’efpritde vengeance
8cde
deftruc- tion, il fut facile à tous les obfervateursde
prévoirque
la tranquillité publique alloit courirde
grands dangers; les
royaliftes fe crurent allurés
du
fuccès, 8c lesamis de
laIL
berténe purent fe diilimuler quelleétoit
menacée
d’unpérilimminent.
Citoyens repréfentans
, je n’ai pas le projet
de déve^
lopper ici dans tous fes détails le plan contre-révolution- naire
que
vous avezvu
fucceffivement fè dérouller dans cette enceinte. Je n’en rappelleraique
quelques traits principaux,non
pas pour vous quien
avez été lestémoins
,mais pour ceux
quin’ont pas été à portéede
les fuivre; car c’eft
de
cette tribuneque
la vérité doit partir 8c répandreau
loin foninfluence.Voyons
d’abord quelle étoit la pofitiondu gouvernement
& de
laRépublique
àl’époquedu
premier prairial.Â
la vérité, leDire&oire
exécutif, chargéde
mettreen
activité
un gouvernement nouveau,
8c s’étant trouvédans
des circonftances prodigieufement difficiles, avoir
pu com- mettre
des erreurs 8c des faures.Mais
fanscompter
ce qui doit toujours être attribué à la force des chofes 8c à la naturehumaine,
fur-toutdans unefituation auffî embarraffimte, ces fautes 8c cestortsn
etoient-ilspascompenfés
,8cbienau-delà,
par
de
grands8c d’utiles réfultats?La
tranquillité intérieure avoit étémenacée
par des faéfcions contraires; il les avoitégalement comprimées,
8c nulle fecoullè n’avoiteu
lieu*La
guerre avoit été conduite avecune
aélivité 8c des fuçç^s13
miraculeux.
Les ennemis,
écrafésde
tour coté, fe croyoientheureux que nous
vouluftîonsconfentir à lapaix.Au dedans,
le papier-
monnoie
étoittombé doucement pour
faire place àla circulationdu numéraire
métallique, qui reparoiflbit par- toutalfezabondamment. Le commerce
j tous les genresd’in- duftrie,n’atteudoientquelapaixpourfe
déployer avecénergie.Enfin
toutannonçoitun
avenirheureux
; Sc, certes, leDi-
redtoiredevoir êtreconfidéré
comme
ayantune
part éclatante à cetteaméliorationde
chofes.Dans
cet état,que
devoir faire leCorps
légiflatif? Suivre lemouvement donné,
Scmarcher, de
concert avec le Direc- toire, vers la félicité publique. Sansdoute,
c’étoit levœu
bien fincère
de
la majorité;
mais
ce n’étoitpas celuidu
parti qui la tyrannifoit. Renverfer le Direétoirepour
renverfer enfuire legouvernement,
c’étoit-là ce qu’il vouloit.Que
c’aitétéfon projet, c’eftce
que démontrent
bien fenfiblement les diverfes pièces déjàconnues
&: cellesqui le feront bientôtdu
public• c’eft ceque
favent très-bienceux
qui ont été à portéede
connoître les vues Scde
recueillir lesaveux des
principauxchefsde
ce parti.Mais,
je le répèteencore,
in-dépendamment de
cesdifférentes preuves, ilen
eftune qui
doitfaifir tous leshommes de bon
fens; tousceux qui,
dans
le
calme
d’une raifon éclairéeSc pure, ont obfervé les caufes&
les progrèsde
la révolution, Scontréfléchi fur lesmoyens
parlefquels
on
peutlafairerétrograderjufqu’au rétabliflementde
l’anciengouvernement.
Si cesmoyens
fontprécifément ceux
qu’employoit le partidont nous
parlons, s’il eftmême
impoflible d’expliquer fa conduite
en
luidonnant un
autre butque
celuide
lacontre-révolution, fi c’étoit-là le réfultat naturel Sc forcé de fa tendance,de
famarche
foutenue, il doit en réfulter pour touthomme
impartial&
raifonnabîeune
preuve fuffifantepour
motiver faconviéfcion.Or
, ilne
faut pour celaque
confidérer attentivement le planque
ce parti avoit adopté, Sc qui auroitpeut-êtreréufti,ou
qui,du
moins
,eût étéplusdangereux
s’ilne
l’eût pas poufféavecun
acharnement
, ayçcune
fureurmêlée
fouvent d’extrava- gançe.1
*
Citoyensrepréfentans,depuislong-
temps
iîétoitdémontré
tous les partifans
de
la contre-révolution, qu’il étoit
im-
poffible
de
l’opérer par là force des armes.Le
courage des Français, les
triomphes de
nosarmées
étaientune
preuve fans répliqueque
l’Europeentière, conjurée contre nous,ne
pourroit jamaisnous
faire oublier legrand
principede
1 indé-pendance & de
la fouveraineté nationale,& nous
forcer àrétablir
un gouvernement que nous
avions profcrit. G’eftdonc
par la guerre iriteftine, par la corruptionde
l’opinion blique, qu’il falloitnous
attaquer. Il falloirdonc
, d’un coté, affoibiir par degrés&
faireenfin haït les principesde
philofophie&rde
libertéqui avoientamené
la révolution,&
,de
l’autre, rendre aux antiques préjugés leur faveur&
leurconfiance.
Il falîoit fur-tout avilirou
rendre odieux les au- teurs Se les partifansdu nouveau régime,
leur fubftituerin- fenfiblement Se faire enfin reparoître avec éclat tous leshommes
qui en étoient les ennemis. Il falloir parconféquenc qu’une
partiede
ces derniers occupât les places&
dirigeâtfans ceffe vers ce but l'influence
morale &
politique qui' étoitâ leur difpofitLon.
En
conduifantainfï les efprits&
leschofes,il étoit à croire
que
la contre-révolution étoit infaillible.Or
,comme nous
l’avonsvu,
ce plan,profondément com-
biné, avoir déjà reçuune
partiede
fou exécutionau
premier prairial* il n’étoit plus queftionque de
l’achever* dec'eftde quoi
le partidont nous
parions étoit fpécialement chargé. Ildevoir d’abord s'aflurer la majorité
du Corps
législatif&
lade
la tribune; car il étoit fur par-là non-feule- re les lois,mais
encorede donner
aux efprits la direction favorableà fesvues : car ce n'eft pas feulement fur les décrets,mais
plus encore fur les difeoursque
l'onpro-nonce
â cette tribune ,&
fur lamanière dont
ils y font accueillis,que
feforme
Se fe dirige l’opinion publique.Or,
vous connoiffez toutes lesefpèces d’intrigues &cde
tyranniesque
ce parti aconftamment employées pour
obtenir&
con-server lafupérioritédans les
deux
Confeils. Ilétoitfûrencôrede
T avoir dans la plupart des autoricés conftituées , grâce - tout à la naturedesderniers choix^quiavoient étéfaits.f#
Une
foulede
journauxcorrompus
6c perfidesagiffoît abfo*îument
dans fon fens. Il avoitpour
luinon-
feulement les royalties décidés,nuis
tous leshommes corrompus,
6c par cela feui naturellementennemis du gouvernement
républi- cain.Je ne
parlerai pas icide
ces êtres légers, oififs,connus dans
l’ancienrégime
fous lenom de
petits maîtres,& dont
Voltaire difoirque
c’étoic Tefpèce la plus vile quirampoi&
avec orgueil fur lafurface
de
la terre;de
ceshommes
cher-chant
à fe rallier tantôt fousun coftume
3c tantôt fousun
autre, 3ccroyant, avantle18
fruélidor, qu’ils alloiencfaire la contre-révolution avec des cadenettes3c des collets noirs.Non
, j’aime à penferque
le partidonc nous
parlons , avoir allezde bon
fenspour ne
placeraucune
confiancedans
cette efpèced’hommes
quine
fur jamais entreprenante qu’en paroles 3cen
infolence;mais
il croyait, 3c avec raifon, trouverun
appui plus alluré dans les prêtresromains
3c les émigrés , lesdeux
efpècesd’hommes
qui fe font le plus fignalés par leur haineadive
contrela révolution_, 3c les plus intérelfés àla renverfer totalement.Or,
vous connoifiez le§efforts
de
ce partien
leur faveur.Ce
n’étoit pas a fiezque
les premierseufient la facultéde
rentrer 3cde
reprendre leur ancien miniftère :on
vouloitabfolument
jufiifier toute leurconduite pafiee;
on
vouloitles difpenferde
toute efpècede
foumillionaux
loisde
l’état;,on
vouloit lever tous les fcrupules qu’ils auroientpu
avoir,
3c les encourager
hautement
parun
brevetde
contre-révolu- tion.Quant
aux émigrés, déjàdeux
réfoltitions leur avoienc préparéde
larges portes; d’autres projets étoient
mis en
avantpour
leuren
ouvrirde
plus larges encore.On
fait d’ailleursquune grande
quantitéde
ceshommes-la
s’étoît glifiee dans l’intérieur,&
y reftoit paifiblementà l’abride
çes idéesde
juftice 3cd’humanité
prétendues,dont on
avoir faitune
efpèce d’opinion publique.À
tous cesmoyens on en
ajoutoitun
autre plus capable encorede
garantirle fuccès :on
favoirquà
peine forcie des horreursdu gouvernement
révolutionnaire, le fouvenijrde
16 ^
ces horreurs étoit
pour
la nation françaife le fentiment le plusvif ôc le plus entraînant.Que
faîfoientleshommes donc nous nous
plaignons? ils qualifioientde
jacobins ,de
ter- toriftes,tousceux qui vouloient lutter contre eux.La
réfif-rance la
mieux
fondée, la plus folidement, la plus paifible-ment
motivée , ils la préfentoientcomme une
tendanceau
rétablifiementde
laterreur.La
vie la plus pure&
les opi- nions les plusmodérées
, rienné
pouvoit vous fouftraire à leurscalomnies}
Ôccependant, (ô aveuglement
!ô
fureurde
refpritde
parti!) ces
hommes
quife diloient leshonnêtes gens ,comptoient parmi eux
, ils accordoient leur princi- pale confiance à des êtresdont
la vie révolutionnaire étoit fouillée par tous les genresde
crimes ôcde
fcélératefiej
que
dis-je? tous
ne
refpiroientque vengeance
ôc profcription.Ils étoient les jacobins avouésdu
prétendant, ôc avoient érigé autourde
cette tribuneune
nouvellemontagne non moins
odieufeque
cellede
Robefpierre.Sa
voix rerentiffoitdans
toute laFrance,
ôc profcrivoit par-tout, fous lesnoms
les plus odieux, lesamis de
la liberté.C’eftainfi
que
le royalifme, profitant habilement
de
fescombinaifons
perfides, fouîevoit la nationen
fa faveur par le fouvenir ôc la crainte des horreursdont
il avoit été lui-même
la caufe principale.Mais
fuivons le plande
ceparti deftrudeur, c’eft fur legouvernement
qu’il dirigeoit fur-tout fon attaque. Il étoitparvenu
à mettredans
fes intérêtsdeux
directeurs , ôc à jeter la divifion dans le Diredoire. Cette divifion feule étoitune
calamitéque
toutbon
citoyen auroit defiré d’étoufferàfa naifiance,ou de
fouftraireau moins
àla con- noifiancedu
public : or,on
fe rappelleavecquel empreffe-ment on
vint la dévoiler à cette tribune} quel éclat
,
quelles couleurs
fombres
Ôc terribleson
luidonna:
cela feuî fuffi- roitpour
mettreen
évidence la perfidiede
ceux qui le firent.Difpofant ainfi
de deux membres du Diredoire
, ilne
teftoit plus à ce partiqu’à fedéfaire des trois autres, d’une
manière ou
d’une autre. Il failoic d’a&ordlesrendre odieuxi
7
Bc les
empêcher de gouverner
:on
leur refufadonc
tons lesmoyens de
le faire,eu
leur enlevant les refiources pécuniai-res,
& en
dépouillant fuccefiivement legouvernement de
fes attributions conftitutionnelles.
On
trouvoit à celadeux
grands avantages : le premier8
c le plusimmédiat
étoit d’enlacer plus facilement les diredeurs; le fécond
,
qu’on
auroit fait valoiren temps
utile, étoitde
rendre fenfible la foiblelTe conftitutionnelle d’un telgouvernement
, 8c la né- cefiïcéde
lefortifieren
le concentrant davantage.De
lài’idéedu
rétablifiementde
la royauté& du
rappeldu
prétendant.Or, pour mieux
tueriegouvernement, on
afie&oitde
vanter fes reiïources&
fa prérogative;
on
foiitenoit qu’elles étoient trop grandes&
tropdangereufes,8
c qu’il falloir lesrefirein- dre dans des limites plus étroites :de
là les lois 8c les pro- jets qui luiôtoient fon autorité fur la force publique,fur la police intérieure;
de
là l’idée d’envahir cellede
Paris8
cmême du
rayon conftirutionnel, idée qui étoit bien certaine-ment
ia leur;de
là ces éternelles déclamations contre ce pouvoir 8c la prétendue irrefponfabilitéde
fes agens ,&
le projet
formé de
les fouftraireabfolument
à fon autorité,
pour
les mettreimmédiatement
fous lamain du Corps
lé- gifiatif.Au
milieude
tout cela , le Directoire, fous lenom
odieux de
triumvirat, étoit, fous l’infiiience 8claprotectionde
ce parti, infulté, accufé,calomnié
fanspudeur
8c lans frein.On
fuivoirexactement
contre lui lemême
planqu’on
avoit fuivi en1792
contre legouvernement
alors établi.La
refiemblance étoit frappante
pour
ceux qui rapprocboient lesdeux
époques.Seulement en 1792 on
vouloir ren-verfer le trône ;
8
c ici c’étoit legouvernement
républi- cain.En 1792
,on
agifioit contreune
cour juftemenc fuf- peétede
détefterun régime
qui l’avoir déjà dépouillée d’undefpocifme devenu
le premierde
fes befoins; ici,
on
atta- quoicun gouvernement fondé
fur les principesde
la li- berté ,&
à la confervationduquel
fes dépofiraires étoient attachés parles intérêtslesplus chers.En un mot, en 1792
,
estaientlesrépublicainsquirévolutionnoiçnc,&içic’étoienr les
1S
royaltiesquî voulaient contre-révolutionner.
Mais du
refie, le plan, lamarche
, touslesmoyens
d’exécution,étoientab-folumenc
lesmêmes. Encore un coup
, ceux qui fontun peu
verfés dans la connoifiance des révolutions,&
qui ontîiiivi la nôtre avec
un
œil obfervateur, ne pouvoient passy
méprendre.
Mais
leDireéloiren’avoit pas l’envie de lai(Ter abattre legouvernement,
8cde
fubir le fortde
Louis Capet.Depuis
long-temps il avoit découvert&
fuivi les tramesdu
parti contre-révolutionnaire.Voyant qu’on
étoit bien décidé àl’at-taquer il prenoit fes précautions , il arrangeoit fes
me-
fures, 8c difpofoit fes batteries.
Quand
il lui futdémontré que
leschofesen
étoient venues à ce point d’aigreur 8cde
fermentation qu’une explofion étoit inévitable , il quittabrufquement
la défenfrve, prit à fon tour l’attitude
mena-
çante , 8c lit le
mouvement
extraordinairedu 18
fruéli- dor,mouvement que
leCorps
iégifiatif afan&ionné
8c régularifé.i es
hommes
pallionnésou
aveugles fe récrient 8c fe récrieront toujours contre cettemefure
, qu’ils préfentent
comme
deftmélive de la confiûtution 8c des droitsdu
peuple; mais les
amis de
la liberté , leshommes
vrai-ment
fages, n’y verront jamaisqu’un coup
d’état ,une mefure de
fureté généraledevenue
néceffaire.Quelle étoit en effet notre {filiation politique ? .Au-
dedans
, lesdeux
pouvoirs principaux, au lieude marcher de
concert fe trouvoient dansune
oppofition qui étoitun
véritable étatde
guerre;
un Corps
Iégifiatif voulant lebien
& ne pouvant
le faire; délirant d’affermir laRépu-
blique, 8c concourant tous les jours à fa deftru&ion; tour-
menté
, tyrannifé, déchiré par les intrigues 8c les fureurs d’un parti qui luiimprimait un mouvement
direétementoppofé
à celui qu’il auroitvoulu
fuivre :un DireéLure
divifélui-même,
attaqué dans tous les fens , 8c réduit à l’impoHibilitémorale &
politiquede
gouverner ; l’opinionpublique égarée 8c
corompue;
le peuple pouffé parune
impulfion contraire à fon intérêt; enfin tous leséiémens
19
de
la diïcorde 8cde
la guerre civile,commençant
à fe heurter&
à produireun choc
épouvantable.Au-dehors
,des puiffances
ennemies
qui naguères, fevoyant
circonf- crites dans le cerclede Popiüus
, n’âvoient plus d’efpoirque dans
notreamour
pour la paix,devenues
tracaflîeies à lavue de
nos divifions politiques, 8c croyant pouvoir fe jouerimpunément
d’ungouvernement
qui ,occupé de
fa propredéfenfe ,
ne
pouvoïc faire ni lapiix ni la guerre.
Il eft
donc
évidentqu’une
telle fîtuationne
pouvoit durer pluslong-temps
, fansnous
expoferàune diüoluuen
totale,&
qu’ungrand coup
écoit nécelfairepour nous en
arracher.
Le
Directoire ayant frappé cecoup
, leCorps
législatifdevoit
donc
l’approuverj d’abord pour rétablir la
marche
entravéede
ia conftirution,
pour empêcher
la guerre civile 8c l’effuGondu
fangj
en
fécond lieu,
pour
fauver la République.Qui
pourroitdouter ,en
effet,
que
fi l’explofion s’étoit faiteen
faveurdu
parti quimenaçoit
leDirectoire, elle n’aittourné tonte entièreauprofitdu
royalifme?Ah
! c’eitune
vérité
qu’aucun homme
éclairé 8cde bonne
foine pourra jamais concéder.Sans examiner
ici fi tous lesmeneurs de
ce parti vouloient allerjufques-là,
fiquelques-uns
d’entreeux
n’auroient pas cherché peut-être à arrêterou du moins
à circonfcrire le torrent, en accordant
même
qu’il y avoiren-
tre eux des différences d’opinions 8c d’intentions
comme de
moralité, je disque
ce torrent auroit bientôt entraîné ceux qui auroientvoulu
luioppoferde
la réfiftance -, je dis qu’il auroitramené au
milieu denous
le prétendanr, les princes, les émigrés , la nobiefle , le clergé,en un mot
les chefs,
les appuis , tous les inflrumens
de
l’ancienrégime
, qui n’au- roit
pu
fe rétablir 8c fe foutenirque
fur la profcriptionde
toute idée phiîofophique 8c libérale, fur les cadavresde
tousceux
qui auroient prisune
partquelconque
à l’éta-bliffement
du nouveau
régime. Ainfinous retombions dans une abîme de
calamités , 8c fousun
joug plus humiliant 8c plusdur
cent fois qu’auparavantj ainii la nation françaife étoit couverte d’un