CORPS LÉGISLATIF.
CONSEIL DES CINQ-CENTS.
DISCOURS
PRONONCÉ
PAR MALES,
RÉSIDENT DU CONSEIL DES
'CINQ-CENTS
,
"
*
'A
laféance du 30
ventojean j Jour
anniverfairede
lafête confacréc à
laSouverainaé du Peuple^
Mes COLLÈGUES,
Ce
n’eft pasune
inftltution fans importanceque
cellé qui confacre le3o
ventofe dechaque année
àune
fêtee»
l’hQipeurde
la fouverainetédu
peuple : elle appuc
3
lUENEWBîiKâYa
UBRAEY
' / (
1
#
objet de perpétuer le fouvenir de la
conquête du
plu^grand
de nos droits,
&
d’avertir annuellement le peit-;pie français qu’il lui inlporte d’être vigilant Sc vertueux,
s’il
ne
veutretomber
dans les fers.Gloire, en ce jour, gloire à l’Étre
fuprême
, qui
nou^
arma
de force&
d’énergie contre lestyrans ! Qu’il préfîdeà
cette fête,
comme
il préfîde ànos deftinées.Depuis
vingt fîècles lemonde
étoit dfclave;Rome
avoit tout vaincu
, tout enchaîné'; des
empereurs
féroces avoient ufurpé la fouveraineté de-Rome même
; d’autres tyrans avoient détiuit à leur tour cesempereurs,
6c s’étoient partagé légouvernement
tjesnations ; laliberté n’avoit plus d’afylefurlaterre.O
liberté fainte!On
n’ofoit plus proférer tonnom
; à peine relloit-ril encore dansIçs coeurs quelqueétincelle de ton feu facré.Le
fanatifme, digneauxiliairede la tyrannie, ajoutoît
U
la dégradation de l’elpècehumaine
; fes apôtres ,prê-choient
en
tous lieux la foumiffîon l’efdayage aunom
d’un dieu qu’ils avoient fait
comme eux
opprelfeur 6c cruel, toujoursmenaçant
6«: toujours prêt à frapper. Ils entretenoient fur tous les pointsdu
globeune
ignorance farouche,8cdévouoieniaux
poignards,ou aux
échafauds,quiconque
étoitfoupçonné
de concevoirune
idéegrande ou
de manifellerune
penfée.^géliéreufe.Dans
cet état d’abbattement univerfel fe montrèrcnccependant
quelqueshommes
douésde
.lumières 8cde
prudence.Donnant
àlafagelfelescouleurs de'l^^aîté-folle^ils firent avancer le genro
bimain
vers la raifon;, en.neKïi parlant
que ae
ictes ùl ae pmîirs, 6c ic dilposcrcnt lentement àrecevoir
un
jour deplusmâles
leçons.Enfin parut au milieude
nous un homme
^un
philo-' fophecourageux
, qui vit la dégr|dation générale,
&
forma
le projetderamener
les fociétesàladignitéde leur inftitution.Guide
par fon génie, il
remonte
à leur ori- gine; ilen
rapporte la charte denos
droits^
& proclame
la Souveraineté des peuples
...•••• La Souve-
raineté des peuples l : . . • . . à cecri la terretre&
faille;
Thomme
fe réveillef les tyrans font épouvantésy ôc le fanatifme harcelé, battu, rugit dans fes cavernes;
mais
fes traits fe brifent; fes attaques font repouffées; It jnonftre
va
bientôt lâcherfa proie.O
Jean-Jacques îhonneur
de notreFrance
8c detonCède,
püiffele coinde
terre, quit’adonné
Fêtre, n’en- gendrerque
des fages, êcne
voir luireque
des joursheureux
Iln’y
aqu’un
Jourque
tunous
enfeignois le grande art d’êtreEbres;&
, déjà,combien de Républiques
ontremplacé
desmonarchies
!La Sou-
veraineté des peuples l’emporte Jîir la Souveraineté
des
rois. ^
La
Souveraineté desroisn’‘efl qu’ufurpation,aftrice ou:violence foutenues par la force,
La
nature fit-eRe
desmaîtres 8c dbs efclaves, des
hommes pour commander 8c
deshommes pour
obéir î-Le genre humaiai, à fon‘ tour, a-t-il figné le
pade
qui le livreroit, fans réferve,
à
quelques capitaines , le tranfmettroit de raceen
race à leur poflérité ,comme une ferme ou comme un
troupeau?
'4
ta
Souveraineté despeuples^ au contraire
^afon prin- cipe dans la nature. Fille
du
ciel ^ elle eftnée
avecrhomme
; elle dérivedu
droitque chacun
reçut aucom- mençement
detoutes chofes^ de veiller à fa propre
con-
fervation, de difiger fes affaires félon les vues qu’îl fe feroit propofées. L’état focial a bien
pu
modifierce
droit primitifJmais
il n’adû
le faireque pour
le plus grand avantage de tous Scpour
la sûreté plus fpécialede
la perfpnne Sçdes intérêts,de chacun
; conditions quine
fe rencontrentque
làoù
le peuple eft appeléau Con-
feil,foie en co^ps,foitpar des repréfentans de fon choix, }à
où
il peut direjeveux
, &:
demander compte
del’exé- cution de ce qu’il avoulu
y
que
là^ par conféquent
,
où
il eft Souverain,
SanslaSouveraineté
du
Peuple^pointdeliberté
pour une
nation
, point defûreté
,pointde
bonheur
,nul
bienà
efpé- rer. L’expériencedestemps
anciens^ celledes peuples quinous
entourent,&
notrepropre expériencenouslaiffent-ellesquelque
chofe àdélirerpour
-completter la démonftratioTi de cette vérité de fait ?Quel
futlefortdelaFrance
dèslemoment que
nos pères eurentperdu
devue
leurschamps de mars ou
demai
;du moment
qu’ils eurent confiéà
des chefs, d’adord éledifs 6ç devenus enfuite hérédi- taires,le
pouvoir
deparler aunom du
peuple& de
fairedes lois
pour
luifans le confulter? laFrance
futinondée
de crimes, couverte de baftiües &: d’inftrumeris de
mort
;les peuples furent avilis, morcelés, attachés à la glèbe
,
fournis à la fçrvitude la plus accablante, livrés àl’hupii- liation,
O
§
.
La-lVançe
feçou^b joug
desroîsên 178g
; ellebrifaau
jeude.peaumeleur
fceptre de fer, ébranla leurtrône au^4
juillet ,&
le renverfa en1792;
elle futun
inftantSouveraine ; elle fut
un
inftant libre.Le
peuple,
en
1793
, perdit encoreun moment
fa Souveraineté; la re*préfentatioii nationale fut
opprimée
par dix brigands;Sc aufîi-tôt
,
comme
autemps
des rois , plus de liberté,plusde bonheur pour
le peuple,La France
fut encoreune
fois déchirée
, enfanglantée;les baftillesfe rouvrirent
, les échafauds furent relevés; le
crime
8c la vertu furent encoreune
-fois jetés dans lamême tombe.
Autrefois
, dans Athènes, le peuple fubît le
même
fort. Il avoit chafle fes rois
, parce qu’ils étoientoppref- feurs ;
un
fage luidpnna
deslois populaires 8c le rendit libre 8cheureux
: mais ce peuple ne veilla point autour de fes lois;ilécoutaja flatterie , 8c Pyfiftrate le chargea bientôt aprèsde
nouvelles chaînes. L’Attique aufti-tôt fut traitéecomme
autemps
des rois; les délateurs 8c lés' ficaires furent penfionnés 8c le citoyen vertueux profcritou condamné
au filence, jufqu’à ce qu’enfîndeux hommes, que
la poftéritéhonore
8cque
laGrèce mit au
rang de fes immortels, arrachant à l’ufurpateur lepouvoir
8c la vie, rétablirentla République.Peuple
français ! ton bras puiflant a renverfé toutesles tyrannies ; Capets 8c décemvirs ont également difpaiude
cette terreque
fouillotf leur préfence: la Liberté te fourit, laLiberté
, cette fille de ta Souveraineté.
L’une
cftle fluit 8c Fautre eft l’arbre
; le
bonheur
6c la fécuritémarchent
àleur fuite;fabondance
6c la gloire lesaccom- pagnent
, 8cleur char eft orné de mille trophées.Di/cours
Malès,
^ ,A §
6
Vois
dans le lointain le defpôtifme^ à l’œi!farôitclie: il afui; maisiltourneun
regard avidefur la.proie qui lui fut ravie. Il appelle à grands cris fon horrible cor- tège 5 la haine, les divifions
, les difcordes civiles
, le
mépris
des lois, la bafTelTe Sc l’infàme corruption
,
l’anarchiequi toujours leprécède.
Oppofe,
fituveux
être vainqueurdu
monfire , oppofe à fes attaques le refpeélpour
la conflitutionque
tafageffe s’eltdonnée
; excite tesnombreux
enfans au courage, àla confiance ,
aux
fentimens généreux;honore
Sc pratique la vertu. C’efi par cet artque
fe font élevées les nations puiflTantes; c’efipar luiqu’ontbrillé furla terre tantde peuplesmagna- nimes
, dont l’hifioirenous
a tranfmis lesnoms
Sc les hauts-faits; c’efi par
une marche
contraire qu’ont enfin péri leurs races dégénérées.Tous ceux
qui ont médité fur la conduite des nations s’accordent à penfer qu’il n’efi pas facile àun
peuple,qui futdominé
long-temps par des rois, de conquérir fa li-
berté 8c qu’il lui eft bien plus difficile encore dela con- ferver après qu’i! l’aconquife.
On compare un
telpeupleà un
lion généreux, mais élevé dans la
dépendance,
qui brifefachaîne.Le
voilà rendu àlui-même
; il efi libre, il erre dans la
campagne
; mais,
ne
fachantcomment
ildoitfe conduire, 8c ignorantles retraites
où
il pourroic fe mettre à couvert, il
ne
tarde pas àtomber
dans lespièges
du
premier qui cherche àle réenchaîner.Nous fommes
cette nation trop long-temps dépen- dante 8cdevenue
libre parun heureux
élan.Quatorze
fiècles de royauté
nous
ayoient façonnés au joug ; ils'''
• 7
,
-T - : .
avoîent infufétous lespoifôiis dans^les veines du’ corps politique. Atiflî avons-nou's d^abôrd fait dans la carrière des pas inconfidèrés; c’elî ainfi qu’^après avoir arrêté le tyran dansfa fuiteversfes coi'njplicès^ nous
eûmes
l’impru-dence décompter
furun
repentir qu’ilne fentoitpoint, furune
loyauté qu’ilfmuloit, maisqui n’étoitque
dansnotreame.
G’eft ainfî qu’unpeu
plus tard/nous nous
laiiTâmes prendreàl’hypOcrifie d’unlâche, Scque
nous.remîmcslepouvoir
à une- poignées de traîtres, qui
nous décimè-
rent, Scqui
nous
eufîentrendusaux
rois, fans l’effort qui culbuta tout-à-la-fois leurs projets&
leur puilfanceMais
enfin l’expérience Sc lemalheur
ontdû nous
ren- dre fages; nosennemis eux-mêmes
,
en nous
attaquantde
tous côtés, en
nous
preffant fur tous les points,en nous
faifantuné
guerrelongue8ccruelle,en excitant fa^s eeffe notre courage Scnous
préparantaux
privations Scaux
facrificesen
faveur de la patrie, auront peut-êtreconcouru
plus qu’ilsne
penfent à nous préferver denou- veaux
fers.Non, mes
collègues, les trophées denos
guerriers,
ne
ferontpoint flétris;tant d’aélions immortelles , qui onthonoré
notre révolution,ne
feront point perduespour
le•peuplefrançais.Sa Souveraineté, j’en jure par
lui-même, ne
lui feraplus ravie, Sc
nous pouvons
efpérerqu’un
jour,quand
letemps
aura fonnépour nous
l’heure fa-tale, notre' cendre ira repofer en paix fous
une
terreque ne
fouleront jamais le piedd’unefclave ni celui d’un tyran.La
conftitudoii de l’an3
, voilà le vrai garant de nos8
droitspolitiques8c
de
latranrmiflîon de ces droits â notre poftéricé laplus reculée; voilà,pour
le peuplefrançais,une
retraite sûre,un
port de falutoù
le vaiffeau de l’Etat bravera, fans danger
, les orages
, 8c pourra réfif- ter à l’effort des vents.
La
conflitution de Tan3
divife les pouvoirs 8c en prévient la réunion dans lesmêmes mains;
elle affure la maturité des délibérations dans leCorps
légiflatif; elle concentre le pouvoir exécutif alTezpour
favorifer le fecret 8c la rapidité de l’adion,8c nele concentre pas trop; elle lailTe à ce fujet la liberté fans alarmes.La
sûreté perfonnelle 8c la propriété font garan- ties : l’égalité n’ade
limitesque
celles qu’indiquoit la raifon : tout citoyen peut prétendreaux
emplois 8caux
dignités, félonque
la nature lui adonné
plusou moins de
talens.Quel
feroit l’infenfé qui pourroit lui préférer lerégime abhorré desrois,
ou
celui,nonmoins
exécrable,
des mille comités del’anarchie ?
La
conllitution de l’an3
efl favorableaux
peuplesmemes
quinous
entourent 8c ne fauroit les avoirpour ennemis
; elle nenous permet
point de garder des fu- jets.Sommes -nous
forcés parune
légitime défenfede
battre leursgouvernails;
nous nous
affocions cespeuples,s’ils fe trouvent dans de certaines limites
, 8c à l’inftanr.
ils deviennent nosfrqres &:partlgent nos droits ; autre-
ment
placés,nous
les aflfranchilTons 8c ilsfe gouvernent,eux- mêmes
: dans lesdeux
cas, la liberté leur efl affu- rée.
Les
roismêmes
,quand
letemps
auracalmé
les haines 8c rendu la raifon à certains miniftres , fendront'qu’ilsn’ont à nous craindre
qu’autam
qu’ilsnous
auroient provoqués.9
La
libertédu
peuple français eftdéformais aflîfe fur lé roc.Loin
denous
les difcordes civiles; cultivons Fhar-monie
des pouvoirs,
honorons
la‘magnanimité^ le
cou-
rage, le
dévouement
à lapatrie, 8c faifons des lois qui entretiennent la paix dansles familles
, êcpar lefquelles il foit enfin
rendu
juftice à tous les intérêts.La Répur
blique, fondée par la vidoire 8c défendue par des hé- ros5ne pourra
plus périr. J^ive la République!EXTRAIT
» - ^ .J , ^DU PROCÈS-VERBAL
DES SÉANCES DU CONSEIL DES CINQ-CENTS.
Dg
24ventofe, Tan feptième de la République françaife, une&
indivifîble.Le
Confeil desCinq-Cents
arrête ce qui fuit:Articli: premier.
La
fetedu 3o
ventofe confacrée à la fouverainetédu peuple
fera celébree tousles ansparole Confeil-des-Cinq-Cents
dans Fenceintedu
lieu de fesféances.. .
IL
.-
...
Jjà
commiflion
de$ inlpedeurs efl chargée des pré-8.
'
'
"
=3t
L
DE L’IMPRIMERIE NATIONALE
Qerniinal
an 7
.I
paratifs néceffaîres
que
cette fêteait lieu avec Tordre&
Féclat convenables.I I 1.
Le
préfîdentdu
Confeilprononcera un
difcours dans lequel feront exprimés le zèle 8c le refpeétdu
Confeil desCinq
-Centspour
les droits 8c la fouverainetédu
peuple.Collationné à Foriginal par
nous
y préfîdent 8c fecré- taires
du
Confeil des Cinq-Cents.iignésy
G. Males
préfident,5