M ATHÉMATIQUES ET SCIENCES HUMAINES
E. C OUMET
Logique, mathématiques et langage dans l’œuvre de G. Boole - III
Mathématiques et sciences humaines, tome 17 (1966), p. 1-12
<http://www.numdam.org/item?id=MSH_1966__17__1_0>
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LOGIQUE, MATHEMATIQUES ET LANGAGE
DANS L’OEUVRE DE G. BOOLE - III E . COUMET
Après avoir introduit l’idée d’une
"Algèbre"
à deux valeurs..dans la-quelle
sont vérifiées les loislogiques
fondamentales, ~ Boole- rencontre des expressionsqui
n ~ont aucunesignification 1 ogique
visible, dessymboles
C
L"’Algèbre"
à deux valeurs que Boole venait dedécouvrir
se révèle ainsi in- suffisante pour fonder laLogique
des Classes. Cela ne laisse pas desurprendre.
D’où vient que Boole ne soit pas allé au bout de son invention? Sans
imaginer.
bien
sûr,
yqu’il
ait pu se livrer à une axiomatisationrigoureuse
dont letemps n’était
pas encorevenuy
il n’est pas invraisemblable d’avancerqu’il
avait enmains suffisamment
d’éléments
pourcréer d’emblée
ce que sera laLogique
desclasses chez Schrôder. D’aucuns diront que, s’il ne l’a pas
faity
c’estqu’il
acommis des erreurs, ou pour le moins des ma,ladresses. Il sera, et
plus équitable,
et
plus exact, d’essayer
de cerner lesvéritables
obstacles depensée qu’a
dû af-fronter sa volonté de
mathématisation:
obstacles d’autantplus
difficilesqu’ils
venaient en
partie
de cette volontémême,
de l’effort pour définir lesystème
formé par les
opérations logiques élémentaires
et leurs inverses-
1
-a) L’addition
Lorsque
Boole introduit lesigne
"+" pourreprésenter
lesconjonctions
‘"~-‘~,’ *et "ou" du
langage courant,
il semble solliciter abusivement le sens de ces der- nières pour affirmerqu’elles
sont’’analogues
ausigne
+ ena,lgèbre,
et que leurs lois sontidentiques" (1).
Il affirme que ces motslorsqu’ils
sont inter-posés
entre les termesdescriptifs
de deux ouplusieurs classes, impliquent
ces classes sont tout à fait
distinctes,
y de tellemani ère qu" aucun
membre dene se trouve dans l’autre
(2).
Maisreprenant plus
loin cettequestion,
il1)
L. T. ~ p. 33.:2)
Ibid.est
beaucoup
moins affirmatif: tel est selonlui, précise-t-il.
0 le sensde ces
conjonctions,
mais il admet que les"jus
et normaloquendi"
semblentplu-
tôt favorables à uneinterprétation opposée.
On seraitporté généralement
à com-prendre
quel’expression
’’Ou 1 esy’s
ou les les chosesqui
sont enmême
temps y set, z’s,
avec les chosc-squi
sont seulementy’ s
ouqui
sont seule-ment,z’s (1 ).
Ainsi cette
expression
estambiguë;
aussiexige-t-elle,
selon le sensqu’on
lui
attribue~
y deuxéquivalents symboliques
différents:- si nous voulons dirp : choses
qui
sont x’s mais nony~s.
ou les cho-ses
qui
sontyi/S,
t mais non,z s" .l’expression
’sera :- si nous voulons dire : ’’Les choses
qui
sontx ’s,
ouqui,
si elles ne sontpas
x’ s ~
sonty’ s’l,«
, 11 expression
sera :expression qui
admet deschoses" qui
sont enmême temps
des x ’ ’s et desy’s.
On
peut ainsi,
endécomposant
une’’expressi.on disjonctive"
en"éléments réel-
lement
séparés
enpensée", respecter
ladéfinition donnée
dusigne
"~-"’(2).
Maisqu’en
serat-il,
si comme c’est l 1 intention essentielle deBoole,
on veut assurerque les
règles
demanipulation
de cesigne
soient les mêmes dans le CalculLogi-
que
qu"en Algèbre?
La double traductionprecedentp
vient de mettre en lumière que les lois duprocédé logique
d’addi.tiondépendent
d’unecondition d’,interpré- tation qui risque
de mettre enpéril
leprojet
d’un CalculLogique. Car
s’il est iné-vitable de maintenir cette condition
particulière,
la recherche d’uneméthode générale
semblecondamnée.
C’est en ces termes que seprésente
à Boole un choixfondamental,
dont l’issue commande à ses propres yeux le sort detoute
sa méthode.On a dé cidé
d’ aprè s
l’examen de certainsexemples,
quel’expression
x , -~ y sembleininterprétables
à moins que les chosesreprésentées
par x et y soiententièrement
séparés,
et les actes deconception
par l’étudedesquels ont
été obtenues les au-tres
opérations symboliques comportaient
des conditionsanalogues:
"Laquestion
se pose alors de savoir s’il est nécessaire de
restreindre application de ces
lois
symboliques
et de cesprocédés
par lesmêmes’
conditionsd’ interprétabilité.
Si une telle restriction est
nécessaire,
il est man.ifeste que seraimpossible quoi
que ce soitqui
ressemble à uneméthode générale
~enLogique.
D’autrepart,
si une telle restriction ne
s’impose
pasa sousquel angle
allons nousconsidérer
des
procédés qui appaxaissent ininterprétables
dans cettesphère
depensée
à la-,
quelle
on les destine àporter
leuraide?".(3)
l
b) La division
>-
.C’est
à un même choix que Boole se voitcontrainte
pour des raisons enquel-
que sorte
symétriques,
à propos de la division. ,°
Le sens
qu’il
a donné àl’addition, venait,
avons nousdit.
de cequ’il
avaitcru devoir poser comme
étant représentée
par lesigne "-’’ l’opération
inverse del’addition. Il ne
s’était
paspréoccupé,
dans sonpremier
ouvrage, de poser un(, i )
p. 56.(2)
1 b i d .~ 3)
PP~ 64-7.problème analogue
à propos del’opération "produit".
C’est par unscrupule
demathématicien désireux
desystématiser
leplus possible
les loissymboliques
élé.-mentaires
qu’il
le pose clairement dans The Laws of Il faut d’autantplus
dire de cescrupule qu’il était
louable que c’est enpartie
de lui que sont issus, lesaspects
de l’oeuvre de Boolequi paraîtront
au lecteur moderne lesplus
bizarres et lesplus caduques.
Pour vouloir poser lesigne "-",
Boole tom- bait sur uneexpression "x~-y" qui risque d’être ininterprétable; ici,
y c’est encherchant si la
multiplication
nepeut
pas avoir d’inverse que Boole rencontre à nouveau~ mais sous une forme bienplus énigmatique,
uneexpression
elle aussiininterprétable.
,Rappelons
que "l’axiome desalgébristes
selonlequel
les deuxcôtés
d’uneéquation peuvent
êtredivisés
par la mêmequantité"
n’estplus
valable pour lessymboles logiques.
Del’équation :
on ne
peut inférer
quel’équation
soit
vraie ~1).
’
Donc si nous
envisageons
lessymboles logiques
comme dessymboles
soumis àdes lois
formelles,
on voitqu’il
n’existe pour eux aucun"équivalent
formel" de 1 "’axiome"algébrique considéré.
Cette absence semble devoir
entraîner
de gravesconséquences
pour le CalculLogique qui
va buter dès sonpoint
dedépart
sur unproblème simple. Supposons qu’une proposition
soitexprimée
parl’équation:
On pourra se demander comment on
peut déterminer ’Z
comme une fonction inter-prétable
de x et de y. Or si nous obéissonsà
unréflexe qui
vient de"l’algèbre
communément
reçue"’
, nous écrirons :J
mais ce sera pour nous trouver devant une forme
ininterprétable (2).
Nous pouvonssans doute
exprimer
ainsi la relation que nouscherchons,
mais nous n’aurons pasle droit d’effectuer la division
(3).
Ce
désagrément
est d’autantplus pénible qu’en
cherchant à mimer ainsi leprocédé
de divisionalgébrique,
Boole voudrait traduire une"opération
mentale"essentielle : l’Abstraction
(4).
Obstacles de
pensée,
avons nousdit,
que cesdifficultés.
Sans doute Boolese serait-il
épargné
des soucis enoptant
pour le "ounon-exclusif",
mais lui re-procher,
commecertains,
d’avoir commis une erreur en ne le faisant pas, y serait(1)
p. 36.(2)
Id., pp. 86-87.(3) Cf.
Llsp. 89.
ps 89(4)
1 d.. p. 37.injuste. Rétro spe ctivement
onpeut
direqu’il
amanqué
son but: il n’afini une
véritable
structuremathématique
au sens moderne du mot. Mais sonéchec
prouve
peut-être
que celle-ciétait
difficile àdégager d’emblée,
etqu’en
po-sant le
problème
comme il lepo sait~
ilétait délicat,
de faire lepartage
entreanalogies fécondes
etanalogies
ma,lamorcées.
N’oublions pas que c’est enréflé-
chissant sur les conditions dedivisibilité
que Boole en viPnt àenvisager
uneAlgèbre
à deux valeurs... Ilest heureux
en toutcas
que Boole rencontrant sur son chemin desexpressions ininterprétables n’ait
pas cru l’obstacle insurmon-table:
luiqui
a vu dans lapossibilité
de s’ accommoder de tellesexpressions le pivot
de saméthodes
n’aurait pu songer ~ dans le cascontraire,
à mettresur
pied
un CalculLogique.
- 2 -
Première
condition àremplir
pour assurer cettepossibilité:
il faut montrer que toutes les formesd’équations auxquelles
conduit leprocédé
dedéveloppement peuvent être interprétées
d’unpoint de
vuelogique.
Des trois formessuivantes
la
troisième
est laplus générale;
dans les deuxpremières
lessymboles logiques
x, y, ... ne se trouvent pas sous forme fractionnaire.
’
Première
forme(1)
Soit
l’équation logique
V =01;
supposons que V necomporte
que deuxsymboles
x, y .
Représentons
ledéveloppement
del’équation donnée
par :où a,
b,
c, a d sont des coefficientsnumériques déterminés.
Supposons qu’un
coefficientquelconque,
parexemple a
soitdifférent
de 0.En
multipliant chaque
membre del’équation
par le constituant xy, y on auraet donc :
Ce
ré sultat’
tout à faitindépendant
de la nature des autrescoefficients peut être
ainsiinterprété:
"Il n’existe aucun individuappartenant
à la fois àla classe
représentée par x,
et à la classereprésentée
par.y".
Mais si le coefficient a est
égal
à0,
le terme a x yn’apparaît
pas dans ledéveloppement,
etInéquation
x y - 0 nepeut
doncêtre déduite.
Par
conséquent,
on pourra donner dechaque
terme dudéveloppement
dont lecoefficient est
différent
de0,
uneinterprétation analogue’
et en rassemblant toutes lesinterprétations semblables~
on aura"l’ interprétation complète
del’équation
V == 0".Soit
y parexemple,
a uneproposition représentée
par :x -yz _0
(1)
1 d., pp. 82-5.Le
développement
dupremier
membre sera :Les termes dont les coefficients sont
différents
de0,
nous donnent leséquations
suivantes :On
peut
ainsidécomposer
uneProposition exprimée
par V = 0 en ses"éléments
séparés" qui
sont autantd’équations exprimant
chacune pour leurpart que telle
classe
déterminée
n’existe pas: aussipeut-on appeler
la forme àlaquelle
onaboutit ainsi une
Denial, appellation
que nouspourrions
traduire par:conjonction
denégations.
Deuxième forme
(1)
Elle
peut être illustrée
directement parl’analyse
del’exemple précédent.
Puisque
nous avonsdéduit
deInéquation
la
négation conjointe
de Inexistence des classesreprésentées
par certains cons-tituants,
y il enrésulte
que les autres constituantsreprésentent
des classesqui réunies
forment l’univers.Ce
qui équivaut
à affirmer que toutes les choses existantesappartiennent
àl’une ou l’autre des classes
représentées
par chacun des constituants. Cette forme de conclusionpeut
êtreappelée
affirmationdisjonctive (Dis ’unctive Affirmation).
Boole
amorçait
ainsi l’étude des formes dites actuellement "forme normaleconjonctive"
et "forme normaledisjonctive"
d’une "fonction deBoole"; mais
dans sa
perspective,
cen’étaient
là que des formesparticulières.
_Troisième forme
(2)
’
V est une fonction des
symboles logiques X,
y ~ z,etc; w
est unsymbole
lo-gi que quP 1 co nque .
C’est ici que se
poseront
les difficultés lesplus délicates d"interpréta- tion, ;
cela n’a rien desurprena,nt’
car uneéquation
de cette forme seprésentera
dans des circonstances où nous avons vu
plus
haut que cessaitl’analogie
entrelps
symboles logiques
et lessymboles algébriques.
Soit en effet uneproposition qui est exprimée
parl’équation :
x = y z
Id. pp. 85-6.
’
(2)
(d. pp. 86-90.Si nous cherchons à
exprimer’z
comme fonctioninterprétable
de x et y. nouspouvons tout
d’abord,
s enconsidérant x,
y ~ z comme dessymboles numériques,
dé-duire de
l’équation donnée
la relation :mais
l’équation
se trouve alors sous une formeininterprétable.
v Disonsplus
exac-tement que nous ne savons pas
l’interpréter
sous cette forme. Maisn’y
a-t~-il pas moyen de trouver une autre formequi
admette uneinterprétation logique?
La même
question
sp reposera si nous posons 1 Pproblème général
suivant :"Etant
donné
uneéquation logique quelconque
liant lessymboles x,
y ~ y z, w, on demanded’exprimer
sous une formeinterprétable
la relation entre la classe re-présentée
par w et les classesreprésentées
par les autressymboles x.
y, z, etc.."Nous pouvons
toujours
mettreInéquation donnée
sous la forme :E,
E!étant
desfonctions
dessymboles logique
autresE **
Si le
numérateur
et ledénominateur
de la fraction ont des termes com- E- Emuns en facteur, 1 nous n’avons pas le droit de
simplifier
à moinsqu’il
nes’agis-
se de
symboles numériques.
car, ainsi que nous l’avons vu. larègle
desimplifi-
cation admise par ceux-ci n’est pas valable pour les
symboles logiques
AIl ne reste
qu’une
voie pourrésoudre
leproblème: développer 1 v expre s sion.
Mais ne
risquons
nous pas alors de rencontrer une multitude de coeffici.ents - rien moins que tous les nombres fractionnaires -qui
nouscréeront
encoreplus
d’em- barras ?La situation va
cependant
sesimplifier considérablement:
il va se trouverqu’il
suffira deconsidérer
lesquatre
cas suivants :Aussi la
difficulté
va-t-elle se ramener à chercherquelle interprétation
onpeut
donner de ces coefficients
lorsqu’on
les rencontre dans ledéveloppement
de :1 er cas: "Soit le coefficient 1 ~ a Comme c’est là le
symbole
del’univers,
etcomme le
produit
de deuxsymboles -
de - classequelconques représente
les in-dividus
qui
se trouvent dans les deuxclasses,
tout constituantqui
al’unité
pour coefficient doit être
interprété
sanslimitation, c°est-~à-dire qu’est.
concer-né en ce cas l’ensemble de la classe
qu’il représente".
2ème
cas: "Soit le coefficient o, Comme PnLogique.
ainsiqu’en Arithmétique
c’est là le
symbole
deRien,
aucunepartie
de la classereprésentée
par le coef- ficient du constituantauquel
il estpréfixé
ne doit êtrepriSE-".
3ème
Cas:Supposons
que le coefficientsoit ) .
0 Unexemple
va nous montrerquelle
est savéritable signification.
Considérons
laproposition :
"Les hommes non mortels n’existentpas";
sinous
représentons
"hommes" par y et "êtres mortels" par x, elle estreprésentée
par
1’(--’quation :
Quelle
est la valpur de x ? Autrementdit, quelle
est la définition des "êtres mortels" en termes d" ’hommes"?Nous avons :
Nous n’avons pas le droit de diviser les deux membres de
l’équation
par y."Nous avons alors la ressource
d’exprimPr l~opération~
et dedévelopper
le ré-sultat par la
méthode précédentee
Ceci
implique
que la classe des mortels estconstituée
- par la classe
comprenant
tous leshommes,
y- avec en
plus
un restant d’êtresqui
ne sont pas hommes.Le rôle du
coeff icient ~
est doncd!indiquer q u’ il
fautprendre quelque
chose dans la classe à
laquelle
il estpréfixé;
mais ce"quelque
chose" est in-déterminé.
Car
quel
est ce reste des "non hommes"qui
estimpliqué
par laprémisse?
Nous n’en savons
rien. ce qui
revient à direqu’il peut correspondre
à chacundes trois cas
possi-bles: "que
ces êtres non hommes soient tous lesmortels,
ouquelques
uns d ’entre eux, ouaucune
d’entre eux, y lavérité
de laprémisse qui
affirme virtuellement que tous les hommes sont
mortels,
y en sera aussi peu affec-tée
et parconséquente
’l’expression 2013 indique
i.ci.qu’on
doitprendre tous,
quelques,
ou aucun membres de la classe surlaquelle porte
cetteexpression".
Boole se satisfait de ce seule
exemple, (il
affirmequ’il
estgénéralisable)
pour
adopter
unesignification
quesuggérait
unecomparaison
avecl’ArithmétiquP;
où § représente
un nombreindéterminé : ici
cesymbole représentera
une classeindéterminée.
On pourra leremplacer
par lesymbole
v, soumis à la loi fondamen- talev ( 1- v)
- 0 ~ 41’
4ème
cas: Le coefficient d’un constituantn’ appartl.ent
à aucun des 3 casprécédentes.
Il
s’agira
donc d’un coefficientqui., n’étant égal
ni à0,
ni à1, n’obéit
pas à la loi fondamentale :
Telle
étant
lacaractéristique
de cescoefficients.
Boole endétermine
lasignification
par lethéorème
suivant :"Si une fonction
V,
destinée àreprésenter
une classe ou une collectionquel-
conque
d’objets, w ,
estdéveloppée,
et si le coefficientnumérique, a,
d’unconstituant
quelconque
se trouvant dans cedéveloppement,
nevérifi e
pas la loi:alors le constituant en
question
doitêtre ,
Le
4ème
cas seprésente
p usuellement sous laforme 1 0
y et onécrira
souscette forme tous les coefficients
différents
deO.1..
e Le sens de ces coeffi-0
cients est
qu’il faut,
dans ledéveloppement
de w, ne ri’enprendre
des classessur
lesquelles
ilsportent
ou pour le direautremPnt,, égaler
à 0 les constituantsauxquels
ils sontpréfixés.
Nous pouvons
dès
lors donner lesCanons
del’interprétation.
Pardéveloppe-
ment,
y on obtiendra uneexpression
de la forme :et la solution du
problème
seradonnée
par les deuxéquations
suivantes :où v est un
symbole
de classeindéterminée
qui
montrequelles
relations ont entre eux, tout à faitindépendamment
de w, les
éléments
duproblème considérée
Ces Canons
permettent
derésoudre
leproblème formulé
apriori
commeétant
le
problème
leplus général
de laLogique,
y et ilsle résolvent complètement puisque
les deux
équations
finales fournissent sur la classe w toute l"iniormation’’qui était
contenue dansl’équation
initiale. Par lasuite,
Bool-esystématise
avec unegrande habileté
saméthodea
traite duproblème
del~éliminat~ion
de termesdéter-
minés dans deséquations données,
de la solution de"systèmes
depropositions",
w et donne des
méthodes
pourabréger
les Calculs(1).
Saméthode
sconclura-t-il ~
est par sa
simplicité,
sabeauté, proche
’de cequ’on peut exiger
d’uneméthode parfaite.
Et
pourtant,
au coeur de cetteméthode, était "l l ininterprétable",
dont Boolea senti
qu’elle
serait une notion difficile à faire admettre.(1)
Remarquons que dans toute équation V = 0. où V consiste en une suitede-symboles logiques
ayant des coefficients positifs, nous pouvonsremplacer
"X + xy"
par "x",et "2 x" par
.x.. (ld.,
p.131).
’D
Boole a,va,it bien senti d’où
pouvait
venir Il a,pressenti
que sonrecours à, des
procèdes ininterprétables
heurteraient leso g i c 1 e ns
deprofession accoutumes
àprofesser
que lalogique,
science de la,pensée
sepensant elle-même
yde la
pensée
claireayant
lamaîtrise
J ucide de toutes sesdémarches, répugne_
àadmettre des constructions
symboliques
qtii, a.u sens propre, ne veulent rien dire.rpconnH’ît que dans
applications
ord ina,ires de la raison on n..: pasd’opérations
dont lasignification
et1 application,
ne soientpas et pour la
plupart
despspri-ts, il ,3tiffit-pas
queprémisses
etcon=clusions soient
liées
seulement par un raisonnement formel:chaque étape, chaque résultat
intermédiaire doit êtreégalement intelligible,
m "Nombreux sontpeut- 3tre ceuxquJ
seraientdisposés
â,étendre
lemême principe
à 1 usagegénéral
dula,ngage symbolique
comme instrument du raisonnement"(1).
Ca.rces.symboles,
dontvous avez établi i les toi s en examina.nt Les seuLs cas où leur
interprétation
soitpossible,
avez-vous le droit - demanderaient-ils à Boole -d’étendre
leurappli-
cation â, d’autres cas où leur
interprétation
estimpossible-,
; oudouteuse ?Même
si on la cantonne aux
étapes intermédiaires
de lad~émonstration
unetelle application
n’est-elle pas radicalementillégitime ?
Boole
pouvait
enappeler
ausuccès
de saméthode
ypuisqu’elle
-luipermet-
f,a>1 t de retrouver les
résultats
dessyllogismes trô 1 ti o n ne 1 s ;
mais il avoulu
affronter
l’objection
dans toute saforce,
et à une condamnation deprincipe,
ail
répond
pa,r des"principes généraux liés
àl’ usage
desméthodes symboliques".
On devine
q.uel
sera lestyle
de saréponse.
C’est uneexigence
abu8ive derécla-
.
me.r (Je ta
méthode symbolique
unecorrespondance
termeà
terme entre chacune desmanipulations qu’elle
effectue et lacompréhension ,.pleine
etentière
de ce ques l graï fï a
cettemanipulation.
"C’est un fait indubitableque La validité
conclusion à
laquelle
conduit unprocédé symbolique quelconque
deraisonnement
ne
dépend
pas de notre’aptitudé à interpréter
lesrésultats-formel.s qui
se sontprésentés
auxdifférentes étapes
de la recherche"(2).
Onpourrait
dire que Boole est ici ducôté
de Leibnizdéfendant
contre lesexigences. qu’ avaient formulées Descartes~
les droits et lafécondi.té
des"pensées aveuizles"
oude
la"pensée
sourde", qu’on
rencontre "dansl’Algèbre où
l’on pense 4mixsymboles à,
laplace
des choses": loin de ne vouloir admettre que les
chaînes
deraison où
lapensée
va d’intuition claire en intuition
claire,
ilest légitime d’étendre
par tous les moyens lechamp
de la connaissancesymbolique.
Lesdébats
et lesrecherches
que nous voyons se consacrer
actuellement à.
la"pensée
natureJle"permettraient
-.également d’éclairer
la situation deBool.e;
on saitqu’il
estdes degrés diffé-
rents
d’adéquation
entre lessystèmes
formes d’unc6té,
et lapens4e
nal:ve ounaturelle de l’autre. Boole
juge
suffisantel’adéquation
entre sonsystèyne
et lamanière
ordinaire deraisonner,
parce que les "lois decombin-ataon"
de sesboles
reflètent
bien les lois dulangage ordinaire,
etqu’aux
conclusionqdes
raisonnements
menés
à l’ai.de de cessymboles correspondent
desrésultats
consi-dérés
comme vrais parqui
use desprocédés "ordinaires";
mais ce serait une con-dition
trop contraignante d’imposer
que ces dernierstrouvent
unetraduction
exacte dans lesprocédés symboliques.
Boole menait ici le combat en faveur du
formalisme,
comme l’atteste encoremieux ce texte
manuscrit, postérieur à 1855e où
ilaborde è,
nouveau cequ’il
"
( 1 )
p. 67.(2)
1 d. pp. 67-8.considère comme
étant, "peut-être
laquestion
la.plus profonde
de la PhilosoDhie de laLogique" : "Lorsque
nous manions au moyen dulangage
lesprocédés
de rai-sonnement ~
sommes nous tenus de conserverconstamment présentes a l’esprit
lesconditions
d’interprétabilit4,
et deréemployer
parconséquent
des formesqui imposent
de telles conditions quelorsque
ces c°anci .SO.D.tremplies?.
LaLogique
nécessairement uncaractère
Ou bien cequi,
enLogique.
gouverne
laprocédure lnt-el!.ectuelle,
n’est ce pas ce parquoi
celle-ci est liée à des formes et à des lois
abstraites ?
Si ce dernierpoint
devue était adopté,
laLogique
devrait êtredécrit.e ., comme- éta_nt,.non
une science ostensi- ve, mais une sciencenoétique" (1).
Boole soutient le secondpoint
devue. Sa
méthode remplace
en effet"implicitement
et d"unemanière
très remarqua- ble cetteconsidération
directe des conditionsd’interprétabilité
que la vue os- tensive dusujet
rendraitnécessaire" (2).
Tout n’est pas dit
pourtant
même si on admet que cette sciencenoétique
estun substitut satisfaisant de la science
ostensive.
car il y a bien dumystère
dans la notion
d~"ininterprétable":
Boole avaitplus
à fairequ’à revendiquer
ledroit aux
symboles;
le formalisme en tantqu’il
sedéfinit
par le fait de combiner 1P ssymboles
sans avoir souci de leursignification
est unechose;
introduire~
y dans unsystème, quitte
à les fairedlspaxaitre
au bout ducompte,
ydes
symboles ininterprétables,
, en est une autre. C!esi trèsprécisément
ce der-nier
procédé
que Boole se devait deprendre
encharge
comme un des"principes gé-
néraux
liés
àl’ usage
desméthodes symbolique s"’
. Iln’y
manque pas. * Il affirme mêmequ’il
suffit d-’un seulexemple
pour se lavalidité
de ceprin- cipe.
Orquel
estl’expmple qu’il
va choisir pour l’illustrer?"L’emploi
du sym- bole,ininterprétable -~1
y dans lesprocédés intermédiaires
de latri.gonomé- trie,
fournit une illustration de cequi
a été dit"(3).
Un texte manuscrit an-téri.eur
aux Laws ofThought
laisse penser que cetexemple-est-
tout autre chosequ’une illus’tiiion mentionnée
auhasardf
etqu il a peut-être été
pourBoole,
àla fois le fil directeur et le
modèle
rassurantqui
l’ont’guidé
dans une recher-che à
première
vue hasardeuse: "Il fautobserver-que
danstoute
branche de l’ ana-lyse,
les lois formelles de combinaison dessymboles
ont un domaineplus
vasteque les lois de leur
interprétation.
En nous conformant strictement à ceslois,
nous pouvons passer ddun
résultat interprétable
à un-résultat ininterprétable,
et repasser de ce dernier à un
résultat interprétable. Ainsi-,
entrigonométrie,
ynous
employons
avec unesécurité parfaite ~
laforme B/ -1~
areprésentation
d’uneopération
tout à faitininterprétable
enarithmétique
Ilm’apparaît
que le fon- dementphilosophique
de cetteapplication
est le suivant; nous tirons-les
loisde nos
symboles
de l’examen des casinterprétables
nous constituons unlangage
ou une
notation,
dont lessymboles
sont soumis à la seule restriction suivante:ils doivent
obéir
à ceslois,
mais non à la restriction selonlaquelle
toute com-binaison ainsi obtenue devrait
être interprétable;
leprocédé
de raisonnement conduit à l’ aide de celangage général
estformel,
a etdépend
seulement des loisgénérales auxquels
sontsujets
lessymboles utilisés;
touteinterprétation
quenous avons la
possibilité d6assigner
à un tellangage
estparticulière;
et lavalidité
d-’une conclusiondépend
des deux conditions suivantes: -toutque
l’int-erprétati.on
soitcompatible
avec les lois formellesauxquelles
sont sou-mis les
symboles,
etqu’ensui.t~e.
ces lois formelles n’aientjamais été
violées a,ucours du raisonnement"
(4)
s _(1)
p. 233.(2)
Id. p. 234.(3)
(4)
A n’ en pas
douterr
ce novateur dont d’autres textes renderit un son si mo-derne’
ySlen rapporte
ici à cettephilosophie
des nombresimaginaires, qui
tlintsi
longtemps
ces nombres pour vraiment"imaginaires",
et ne leva lasuspicion qui pesait
sur eux que pour des raisonspragmatiques. Ininterprétables certes,
ymais d°un usage sans
risque,
y et duplus grand profit.
Et c’est alors mêmequ’en
ce milieu du
XLXème siècle,
ils cessaientd’être "ininterprétables"
en recevantleur
véritable légitimité mathématiques
que Boole eux pourjustifier l’usage
desymboles ininterprétables
enlo gique - ( 1 )
.,Son
projet
avaittiré
sa source a et sa force de novation d ~ unemathématique
de
pointe,
y celle du groupe desAlgébristes Anglais;
il reflue enquelque
sorteici, signe
certain defaiblesse,
vers unemathématique déjà dépassée.
~
(1)
Cf. de Mlle Suzanne BACHELARD, à qui nous devons, alnst que d’autres indications pré- cieuses, ces remarques:~La
représentation géométrique des quantités imaalnalres au début du XlXème siècle,à paraitre
dans la Collectton des Conférences du Palals de la Découverte.CONCLUSION
La construction de Boole
apparaît
ainsi comme l’enchaînementhybride
d’uneidée forte,
d’uneanalogie
malplacée,
et des efforts pour parer aux fâcheusesconséquences
de celle-ci. *L~ idée forte,
celle d’un"système
formel desymboles",
n’aboutit pas à une véritable structure
mathématique
au sens moderne du mot.D’où l’appareillage compliqué
destiné àpréserver
lesjeux
dessymboles ininterprétables.
Cet
appareillage
devaits’écrouler,
ylorsque
la structure que visait Boole fut mieuxdégagée.
Ilconviendrait~
et de voir comment cela se fithistoriquement,
y et de por-ter ~
parailleurs
sur lesystème
deBoole
y unjugement
sérieusementmotivé
à par- tir desexigences
dela’logique
moderne. C.I. Lewis avaitdéjà
demandéqu’on
donnede ce
système
une axiomatisation satisfaisante(~). Feys
avaitrécemment pris
ladéfense de
Boole, jusqu’ab’ légitimer l’usage
dessymboles "ininterprétables" (2),
mais ses
arguments
sontjugés inacceptables
par Dummetqui précise quelles
restric-tions il faut
imposer
aux conventions de Boole pourqu’on puisse
vraimentjustifier
ses
procédés (3).
Nous avons tenté
seulement~
pour notrepart,
de rendrecompte
desdémarches, principales
deBoole,
en restant aussiprès
quepossible
de ses intentionsdéclarées Démarches
enzîg-zag.
,pourrait-on dire~
etqui déconcertent.
C’est que Boole mêleconstamment des tâches que nous sommes
accoutumés
à voirséparées.
On reconnaîtrapourtant
la subtilité aveclaquelle
il fait de la notion de "concordance formelle"une
technique d’analyse féconde:
elle le conduit non seulement à un CalculLogique qui
mathématise leraisonnementï
maisaussi,
t selon nous, à viser une formalisation de lapensée
et dulangage.
Ainsitraduite~
sa convictionqu’il atteignait,
les loissecrètes
del’esprit~ paraît
moins venir d’une soumissionregrettable
de ce nova-teur à la
philosophie
ambiante que d’unegrande
confiance dans lapuissance
d’ana-lyse
et de découverte du nouvel organonlogique.
Une même confianceinspire aujour-
d’hui ceux
qui
tiennent latechnique logistique
pour un instrumentindispensable
de la
psychologie
et de la théorie de la connaissance.L’oeuvre de Boole est
peut-être
moinsprofonde
que solidementcharpentée.
Depar la foule de
problèmes
que Boole n’a passoupçonnés,
à causejustement
de laprétention qu’il
eutd’apporter
un calculproche
de laperfection,
son oeuvrepeut paraître
un peu courte à certainségards.
* Mais ce que nouspourrions
teniraujourd’hui
en elle pour faiblessefit,
sur lemoment,
sa force. Pour contredire lemythe
d’uneLogique
close dans saperfection,
il ne fallait pas moinsqu’un
nouveau
système logique, parachevé
selon uneperfection
d’un autre ordre.Simple-
ment pour
imposer
l’idée que lalogique symbolique
étaitpossible,
y il fallaitqu’un
telsystème frappât
lesesprits
par sasolidité.
Or Boole en avait assezfait pour citer
(4)
avecquelque
ironie un arrêt de Kant:"depuis l’époque
d’A,ristote, la
logique
n’aguère gagné
encontenu,
et aussi bien sa nature le lui interdit". Lemérite
de Boole fut de montrer la marche enmarchant ;
et laLogique
commença à marcher du même pas que les
Mathématiques.
*(1)
C. 1. Lewis, A Survey of SymbolicLogic,
..., New-York, Dover Publications, 1960,p. 56. "*’
(2)
"Boole as aLogician", Proceedings
of theRoyal
Irish Academy, sec. A, vol. 57, 1955, n° 6, pp. 97 - 106.(3)
The Journal of Symbolic Logic, 1959, pp. 203-209.(4)
p. 239. Boole renvoie à l’Introduct6on de laLogique
de Kant.(Cf.
E. Kant,Logiques
trad. par L. Guil lermlt, 1966,
p. 20; cf.
CHUgue de laraison pure.
trad.