FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DEBORDEAUX
ANNÉE 1896-1897 I\'o 8?
ETUDE
SUR UN
Nouvel accident professionnel des Maîtres d'Armes
dûà la
rupture probable et partielle du tendon épicondylien
THESE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
présentée et soutenue publiquement le 4 Décembre 1896
PAR
Antoine COUDERG
Né à Château-Chinon (Nièvre), le 14 novembre 1873
Elève du Service de Santé de laMarine
Examinateurs de la Thèse:•
MM.BERGON1Ë. professeur Président.
deNABIAS. professeur i MESNARD. agrégé
(
Juges.BINAUD. agrégé...
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diversesparties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
1896
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROFESSEURS MM. MICÉ
AZAM Professeurs honoraires.
Clinique interne Physiologie
Hygiène Médecine légale Physique
Chimie
Histoire naturelle .. .
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Cliniquedes maladies chirurgicalesdes en¬
fants
Clinique gynécologique EXERCICE :
ie interne etMédecine MM. SABRAZÈS.
LE DANTEC
MM.
.10LYET.
LAYET.
MORACHE.
BERG0N1E.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
DE NABI AS.
FERRÉ.
BADAL.
PIECHAUD.
BOURSIER.
légale.) MM.
\ PICOT.
/ PITRES.
nv . , \ DEMONS.
Clinique externe...
j
laNEj.ONGUE.Pathologie interne... DUPUY.
Pathologie et théra¬
peutique générales. YERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecine opératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments MOUSSOUS.
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
A€tRÉCÉS EX
SECTION DE MÉDECINE(Patholog MM. MESNARD.
CASSAET.
AUCHÉ. |
SECTIONDE CHIRURGIE ETACCOUCHEMENTS
(MM. YILLAR. | .. , , \MM. RIVIÈRE.
Pathologieexterne BINAUD. |
Accouchements....
CHAMBRELENTl
BRAQUEHAYE |SECTION DESSCIENCESANATOMIQUES ETPHYSIOLOGIQUES
IMM. PRINCETEAU | Physiologie MM. PACHON.
'( CANNIEU. | Histoirenaturelle BEILLE.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie: M. BARTHE.
Chimieet Toxicologie DENIGÈS. |
C ShH' RS C RSI iB fi fi Si E X T AIR.JKS :
Clinique interne desenfants MM
Clinique des maladies cutanées etsyphilitiques Clinique des maladies des voies urinaires Maladies du larynx,des oreilles etdunez Maladies mentales
Pathologie externe Accouchements Chimie
Anatomie
Le Secrétairede
MOUSSOUS.
DUBREUILH.
POUSSON.
MOU RE.
RÉGIS.
DENUCÉ.
RIVIÈRE.
"
DENIGÈS
laFaculté: LEMAIRE.
Pardélibération du 5 août1879, la Facultéaarrêté que les opinions émises dans les Thèsesqui lui sontprésentées doivent être considérées commepropres à leursauteurs, et qu'ellen'entend leurdonner niapprobationniimprobation.
A MES CAMARADES
OORDS DE SANTÉ DE LA MARINE ET DES COLONIES
A tous ceux quim'ontporté quelque
intérêt.
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR
BERGONIÉ
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
DU SERVICE ÉLECTROTHÉRAPIQUE DE I/HOPITAL SAINT-ANDRÉ
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
OFFICIER DACADÉMIE
INTRODUCTION
Il s'est
présenté à la Clinique Ulectrothérapique de Bor¬
deaux. durantle mois dejuillet
1896, deux maîtres d'armes,
porteurs
d'une lésion identique et chez lesquels le traitement
électrique avait
donné d'excellents résultats. La lésion
n'étant pas
clairement établie et la science ne possédant pas
d'observations de ce genre, il nous a paru
intéressant
d'étudiercette
question dans notre thèse inaugurale.
La difficulté était
peut-être au-dessus de notre modeste
science, il est
possible
que nous ayonsémis des opinions
trop
hardies et trop personnelles, mais que nos juges par¬
donnent à notre inexpérience.
Une chose nous a
manqué dans notre travail, et nous le regrettons vivement, c'est Uanàtomie pathologique de la
lésion que nous
étudions.
Les
hypothèses,
eneffet, toutes rationnelles qu'elles puis¬
sent,êtrene
valent jamais
uneconstatation de visu. Nous ne
pouvons
cependant
envouloir à nos malades de nous avoir
privé de ce
plaisir.
Avant d'aborder notre
sujet,
noustenons à remercier vive¬
ment M. le docteur Debedat,
chef de clinique du servicélélec-
trothérapique,
dont l'obligeant désintéressement nous a
permis
d'avoir la primeur des observations que nous
publions.
M. le
professeur Bergonié, qui nous donna le sujet de ce
travail, a bien
voulu
nouspermettre de suivre les malades
de sa clinique;
il
ne nous aménagé ni ses conseils ni son
amabilité; enfin,
il
nousfait le grand honneur d'accepter la
présidence
de notre thèse
:qu'il reçoive ici l'expression de
notresincère gratitude.
DIVISION DU SUJET
Notre travail comprendra six chapitres.
Dans le premier, nous passerons en revue les travaux qui ont été faits sur les ruptures tendineuses.
Le second traitera del'anatomiedelà région où se produit
notre lésion.
Après avoir mis sous lesyeux les observations de nos
malades, dans un troisième
chapitre
nous nous demande¬rons quels sont les symptômes queceux-ci présentent et quel diagnostic il nous est permis de porter.
Le quatrième chapitre mettra en relieflescausesetle mode de production de notre lésion.
Dans le
cinquième,
nousdironsunmot du pronostic et de la marche de la maladie.Le sixièmesera consacré au traitement.
Nos six
chapitres
sedécomposeront
donc ainsi :Chapitre Premier. -
Historique.
Chapitre II. — Anatomie.
Chapitre III. —
Svmptomatologie
etdiagnostic.
ChapitreIV. — Etiologie et pathogénie.
ChapitreV. — Pronostic, durée, terminaison.
ChapitreVI. — Traitement.
CHAPITRE PREMIER
Historique.
On nomme rupture
tendineuse la solution de continuité
d'un tendon
produite
parunecontraction du muscle corres¬
pondant.
L'étude de cette lésion
remonte à
uneépoque assez éloi¬
gnée.
Dès ledébut, la
confusion entre les ruptures musculaires
et tendineuses fut
complète. Peu à peu cependant, à un mo¬
ment où la rupture
musculaire restait encore obscure, la
question des ruptures tendineuses avançait.
En 1723,
Jean-Louis Petit fit un travail assez complet sur la
rupture
du tendon d'Achille chez les gymnastes.
Avant lui, en 1720,
Ruysli avait, le premier, donné l'impul¬
sion
principale à cette étude.
A citer aussi les
observations intéressantes et très docu¬
mentées que
publièrent Schinschting (1712), Molinelli (17(57),
Saucerotte
(1801), Dupuytren (1816), SédiIlot (1817), Roger
(1826), Bell (1827), Martini (1838).
Enfin,
après les travaux de Malgaigne,Sédillot,Demarquay,
Binet, Duplay,
Richet et Gosselin, la rupture tendineuse était
parfaitement classée.
Depuis,
plusieurs auteurs, Mac-Donnel, Guérin, Bec.k, Des-
près, Ilenck, Schwartz, dans le Nouveau Dictionnaire de mé¬
decineet de
chirurgie pratiques, Delon, dans sa thèse inau-
gurale publiée en 1885, ont apporté de nouveaux documents à la question sans la faire
changer beaucoup
de face.Ces dernières annéesenfin, il a été publié diversesobser¬
vations de ruptures spéciales des tendons du
biceps,
du tri¬ceps, du long extenseur du pouce, du tendon rotulien, etc., etc.
Nullepart nous n'avons trouvé signalée la rupture, soit totale soitpartielle, du tendon
épicondylien.
Ën entreprenant l'étudede cette lésion, si nous ne sommes pas assez témé¬raire pour croire que nous offrons à nos juges un travail completet tel que le mérite la question, du moins aurons- nousla satisfaction de leur présenter des observations qui
nous paraissent dignes d'intérêt.
CHAPITRE II
Anatomie.
Puisquela
lésion
que nousvoulons étudier a pour cause,
nousle disons tout de suite, une
contraction musculaire
se passant
dans l'avant-bras, il
ne noussemble pas inutile
de rappeler en
quelques mots l'anatomie de la région, en
nous bornant simplement
à étudier les insertions et l'ac¬
tion desmuscles qu'elle
comprend.
M. Testut divise les muscles de
Pavant-bras
entrois
régions :
1° Région antérieure; 2° Région externe; 3° Région
postérieure.
1° La région antérieure
comprenant le rond pronateur, le
grand
palmaire, le petit palmaire, le cubital antérieur, tous épitrochléens et formant le premier plan ou plan superficiel.
Le deuxième plan est
constitué parle fléchisseur superficiel
desdoigts. Le
troisième plan
ouplan profond est formé par
le fléchisseurcommun
profond des doigts, le long fléchisseur
propre
du
pouceet le rond pronateur.
Ces muscles n'ayant
qu'une action tout à fait secondaire
dans les mouvements
auxquels
nousattribuons notre lésion,
nous n'insisterons pas
davantage.
2° La régionexterne
comprend quatre muscles.
Ce sont, enallant de
la partie superficielle
versla partie
profonde : le long
supinateur,
le premier radial externe,le deuxième radial externe, le courtsupinateur.
Le
long supinateur
a son insertion supérieure sur le bord externe del'humérus,"
un peu au-dessus del'épicondyle,
sur une longueur de 4 centimètres; delà,
il va s'attacher à la cloisonintermusculaire,
puis sedirige
en bas ets'insère,
par un
large
tendon, à la base del'apophyse styloïde
du radius.Quand il se contracte, ce muscle fléchitPavant-brassur le bras et place le radius dansune
demi-pronation.
11n'est véri¬tablement supinateurque
lorsque
l'avant-bras est en prona¬tion forcée.
Le premierradial externe, muscle aplati et charnu dans
son tiers
supérieur,
tendineux dans le reste de son étendues'attache,
en haut, surle bord externe del'humérus,
conti¬nuant ainsi le long supinateur; il
longe
la face externe du radiuset setermine par'un tendon qui, après avoir glissé dans une gouttière spéciale placée en dedans del'apophyse
styloïde du
radius,
vient s'attacher à la base du deuxièmemétacarpien.
Danssonaction, il étend le deuxième
métacarpien
sur le carpe et celui-ci surl'avant-bras. En raison de sonobliquité,
il serait encore abducteur de la main.
Le deuxième radial externe suit un trajet analogue au
précédent. Il s'attache en haut : t° sur
l'épicondyle,
par un tendon qui lui est commun avec les muscles superficiels de la région postérieuredePavant-bras;
2° sur uneaponévrose
placée à sa facepostérieure; 3°surleligament
latéral externe de l'articulation ; 4° sur une cloison fibreusequi le sépare de l'extenseur commun des doigts.En bas, son insertion se fait sur
l'apophyse
postérieure de la base du troisièmemétacarpien.
C'est,
d'après Duehcnnc,
deBoulogne,
un muscle exclusi¬vement extenseur de la main sur l'avant-bras.
Le courtsupinateur est le plus profond de cette couche musculaire. 11 prend naissance : en
arrière,
sur la facetterugueuse externe que
présente le cubitus à
sonépiphyse
supérieure; par
quelques faisceaux, et quelquefois seulement
sur lepicondyle, sur
le quart supérieur du bord externe du
cubitus, surle ligament
annulaire,
surle ligament latéral
externe de l'articulation du coude. De là, il contourne
le
tiers
supérieur du radius et vient
sefixer
surla face antéro-
externe de cet osdans tout son tiers supérieur.
Il est supinateur,
mais seulement dans l'extension com¬
plète de
Pavant-bras. Duchenne, de Boulogne,
aprouvé ce
dernier fait par des
expériences très précises.
3° La région
postérieure de l'avant-bras présente à consi¬
dérer deux couches musculaires : l'une
superficielle, l'autre profonde.
a)
Lacouche superficielle est formée de quatre muscles
confondus en haut à leurorigine et
s'insérant
surl'épicon-
dyle.Ces muscles sont, enallant de
dehors
endedans
: L'extenseur commun desdoigts.L'extenseur propredu
petit doigt.
Le cubital
postérieur.
L'anconé.
b)
Lacouche profonde comprend également quatre
muscles.
Leur action, trop spéciale,
est absolument
endehors de
l'étude que nous
faisons
; nous nouscontenterons de les
citer:
Ce sont, toujours
de dehors
endedans
:Le long abducteur
du
pouce.Le court extenseurdu pouce.
Lelongextenseur
du
pouce.L'extenseur propre
de l'index.
Si nouslaissons la couche
profonde de côté
nous ne sau¬rions trop insister sur
l'étude de la couche superficielle, car
c'est dansle tendon commun de ces
muscles
que nouspla¬
cerons notrelésion.
Vextenseur commun des
doigts, le plus externe, s'insère
en liant : 1° surla face postérieure de
Pépicondyle
; 2° sur lafaceprofondede
l'aponévrose antibrachiale;
3° sur les cloi¬sons fibreuses qui le
séparent
de l'extenseur propre du petitdoigt
en dedans etdu deuxième radial externe en dehors.Il seporte alors en baset sedivise en trois faisceaux don¬
nant eux-mêmes naissance à quatre tendons. Après avoir reçu sur ses bords lesexpansions des lombricaux et inter¬
osseux, chacun de ces tendons sedivise entrois
languettes
: unelanguette
médiane quise fixe surl'extrémité postérieure de la deuxièmephalange
: deuxlanguettes
latérales se fu¬sionnant sur la face dorsale de la deuxième
phalange
pour venir s'attacher sur l'extrémité postérieure de la troisième.Il en estainsi pour chaque
doigt
de la main àl'exception
du pouce.
Ce muscle est un extenseur des
phalanges
les unes sur lesajtrès, des
doigts
sur lemétacarpe,
de la main sur Pavant- braset de l'avant-bras sur lebras.L"extenseurpropre
dupetit doigt
s'insérant enhaut,
au tendonépicondylien,
se porte en bas, au petitdoigt,
sur les deux dernièresphalanges
duquel il s'insère après s'être fusionné avec le tendon que l'extenseur commun envoie àce
doigt.
Son nomindique
son action.Lqcubital postérieur prend naissanceen haut:
1° sur le tendon commun des muscles
épicondyliens
; 2° sur les cloi¬sons
fibreuses
environnantes ; 3° sur la face profonde del'aponévrose
antibrachiale; 4° sur la face postérieure et le bord postérieur du cubitus. Son tendon inférieuraprès avoir glissé dans une gouttière située en arrière de la tête cubi¬talese fixe sur le côté interne de l'extrémité postérieure du cinquième métacarpien.
Ce muscle est à la fois extenseur et adducteur de la main.
L"anconé,
petitmuscle pyramidal, s'insèrepar sonsommetsur la partie interne de
l'épicondyle
; par sa base sur le côté externe de l'olécrâne et un peu sur le bord postérieur du cubitus.Son action est limitée à l'extension de l'avant-bras sur le
bras,
— 17 —
Cette étudeanatomique
terminée il
noussera facile, ou du
moins plus aisé,
de saisir tout de suite, un mouvement quel¬
conque de
l'avant-bras étant donné, quels sont les muscles
qui
coopèrent à
saformation, une lésion étant produite sur
un muscle ou unde ses tendons,
quel muscle
ouquel ten¬
don estencause.
Ces deux points
élucidés,
nousle
verronsdans la suite,
nous aideront considérablement à trouver
la solution de
notre
problème, c'est-à-dire d'arriver au diagnostic de la
lésion quenous
voulons étudier.
Coudei'ô
!
>
OBSERVATIONS
Observation I
(Inédite).
(Recueillie dansle
service de M. le Pr Bergonié).
Ii..., trente-sept ans.
adjudant, maître d'armes
au0e hussards.
Le malade n'accuserien dans ses antécédents
héréditaires et
person¬nels, sicen'est quelques
douleurs rhumatoïdes dans
sajeunesse.
::i IIy a cinq ans, à
la fin d'un assaut ayant duré deux heures environ,
lemalade aressentiune lourdeuret unefatigue dans
l'avant-bras droit.
Pendant la nuitayant suivi
l'assaut, il est réveillé
par unedouleur très
forte qui
l'empêche de reprendre
sonsommeil. Cette douleur, principa¬
lement localisée au niveau de l'épicondyle,
s'irradie dans la suite
enarrièresur une longueur de
10 centimètres dans le
sensdu radius. Le
malade dit avoir observéunpetit gonflement au
niveau du point dou¬
loureux. Cette douleuraugmente à
la pression.
Après cet
accident, le malade reste longtemps sans pouvoir faire
assaut. Il continue à tenir un peu le
fer, mais
avecles plus grandes
difficultés.
La parade
de seconde
aufleuret, le mouvement de « prendre de flanc »
au sabre, mouvements
dans lesquels l'avant-bras est
enpronation forcée
et lepoignet
abaissé fortement, lui sont atrocement douloureux pendant
longtemps.
Le heurt du fer
ouune parade frappée dans le vide lui
jL . causentune douleurcorrespondant au
point épicondylien douloureux.
f. * Pendanttrois
mois, le malade
use, sanssuccès aucun, de massages,
frictions de teinture d'iode, bains
de
vapeur,etc.
Ilse décide alors à recourir à
l'électrité. Il est soigné à la Clinique
\
— 20 —
électrothérapiqueà l'aide ducourantgalvaniquecontinu etde massages
auxtamponsfaradiques auniveau de la partie douloureuse.
Au bout de quinze jours, c'est-à-dire après cinq à six séances, une
guérison complète estobtenue.
Pours'assurer que saguérison était bien effective, le malade se fati¬
gua, tint laplanche très longtemps sans réveiller la moindre douleur.
Observation II
(Inédite).
(Recueillie dans leservice de M. le Pr Bergonié).
R..., trente-septans, maître d'armes au6e hussards.
Rien àsignaler dans les antécédents du malade.
Il y a un mois, c'est-à-dire au commencement dejuin 1895, le malade
sefaitunelésion tout àfaitanalogueà celle (qu'il a eue il y acinq ans.
Aprèsun assaut très long, ilsent unegrande raideur dans son avant- bras droitet, une ou deux heures après,il estpris d'une vive douleuret observe un petit gonflement ayantpour siège un point situé au niveau de
l'épicondyle.
Cette douleurs'exagèretrès notablement àla pression ets'irradieà la face postérieure de l'avant-bras sur un trajet de 10 à 12 centimètres
suivant la direction du radius, la main étant dans la supination.
Tous les mouvementsexigeant une pronation forcéeet l'extension de la mainsur l'avant-brasaugmententla douleur.
Toutefois la pronation, faite doucement et sans poids dans la main, demeure indolore.
Lemalade ne peut soulever un poids relativement léger sans quela douleurse fassesentirvive.
Demême, quand il serre son poing et surtoutquand il faitune oppo¬
sitionassez forte entre le pouce d'une part et l'index et le médius de l'autre,il réveillesa douleur.
Lemalade serreunpeumoins de la main droiteque de la gauche.
Il incrimine les parades de seconde ou de « prendre de flanc » au sabrecommeétantles seulescausesde sa lésion.
Ces mouvements d'ailleurs lui sont
complètement impossibles, et
quand il les essaye
lui procurent les douleurs les plus aiguës.
Sensibilité à la piqûre
égale des deux côtés.
Venu à laClinique
électrothérapique
pour sefaire traiter, le malade
estsoumis, dèsle début, à
l'action du courant galvanique, dont l'inten¬
sité estportée à
15
etmême 20 milliampères.
Chaqueséance
d'électrisation
a unedurée de quinze minutes.
A la suite de quatre de ces
séances, le malade essaye de reprendre la
planche,
mais il
nepeut la tenir longtemps, bien qu'il constate une amé¬
lioration notable etunedouleur beaucoup
moins vive.
Les mouvements de pronation et
surtout
ceuxd'adduction et d'exten¬
sion luisont encore douloureux. La
parade de sixte et toute parade
frappantdans
le vide occasionne de la souffrance.
A cette époque,touten
continuant les applications de courant galva¬
nique à 15
milliampères, d'une durée d'un quart d'heure, il est soumis,
après cette
première application, à
unbadigeonnage faradique de cinq à
dix minutes.
L'amélioration s'est accentuéetous
les jours, et, après six séances de
ce nouveau traitement, le
malade quittait la Clinique complètement
guéri.
Nous l'avons revu au commencement
de novembre
aumoment
où il venait de faire un assaut de
deux heures, il n'accusait à la
suite dece longexercicequ'une
légère gêne, qu'il
nepouvait qualifier
de douleur,tellement c'était
chose
peusensible. Sa guérison ne peut
donc laisserle moindre doute.
Observation III
(Inédite).
(Recueillie dansle service
de M. le Pr Bergonié.)
I)..., adjudant
maître d'armes
au144° de ligne.
Rien à signaler dans
les antécédents du malade.
Il y atroisans,
c'est-à-dire dans le courant de juillet 1893, le malade
l'affirme nettement, dansuneparade de contre
de quarte (terme d'es¬
crime) et
frappant dans le vide, il
aressenti une violente douleur locali¬
sée à
l'épicondyle qui l'obligea à
cesserl'assaut. Il compare cette douleur
subite àcelleque doit produire un coup de
fouet. Interrogé
surles
autres symptômesqu'il
aprésentés à cette époque, le malade
nousdit qu'il n'a
jamais
remarqué ni dépression, ni saillie, ni coloration ecchymotique
encepoint.
Il accusetoutefois uneexagération notable de la douleur à la pression
faite sur
l'épicondyle.
Cettedouleur, dont le maximum estnettement localiséàl'épicondyle,
s'irradie dans les mouvementsprovoqués, et,
quelque
temps après ledébut-de lalésion, à la partiepostérieure
le long du radius.
Les mouvements de pronation et de
supination
sontdifficiles, mais
ceux d'extension et d'adduction de la main sont particulièrement dou¬
loureux.
Unpoids, même léger, ne peut
être supporté
sansréveiller
aussitôtla souffrance.
Quandle malade serre la main, la douleur épicondyliennese faitsen¬
tir en raison directe de l'intensité du serrement.
Laforce estnotablement diminuée dans la main droite.
Pendant trois mois le malade n'apu tenir le fer.
Durantce temps il aemployé des
frictions
aux baumes et huiles detoutessortes,lemassage, les bains, sans en ressentir le moindre soula¬
gement.
C'est alors que le malade estvenu àla Clinique
électrothérapique
de l'hôpital Saint-Andrépour se faire traiter.Ilfutsoumis, durantun mois, à raisonde trois séances par semaine,
à l'action du courant galvanique et des badigeonnages faradiques. Il ne peutdonner de renseignement sur l'intensité des courants employés.
Au bout des douze séances du traitement électrique le malade a obtenu uneguérison complète.
Observation IV
(Inédite).
(Recueillie dans le service de M. le Pr Bergonié.)
D..., adjudant maître d'armes au 144e de ligne, âgé de trente-
huit ans, se présente, dans le courant du mois de mai 1896. à la Clinique électrothérapiquede l'hôpitalSaint-André.
Il raconte avoirressenti, durant un assaut, une
douleur violente et
brusquedansune
parade de contre de quarte. Cette douleur est nette¬
mentlocaliséepar le
malade
auniveau de l'épicondyle.
Il accuseabsolument les mêmes symptômes que ceux
qu'il avait pré¬
sentés dansl'accident qui lui
était arrivé trois
ansauparavant, accident
qui afait
l'objet de l'Observation III.
Pasd'ecchymose, pas
de gonflement. Exagération de la douleur épi-
eondylienne àla
pression.
Dans lasuite, irradiation de cette
douleur dans les muscles posté¬
rieursde l'avant-bras, sur unelongueur de
10 centimètres.
Tous les mouvements, mais surtoutceux
d'extension et d'adduction de
la main, tout effort pour
lever
unpoids, occasionnent la douleur épicon-
dvlienne.
Lamain droiteserremoins énergiquement que
la gauche
; ce serre¬ment réveille lasouffrancedu malade. Toutes
les parades faites,
reçuesou frappant
dans le vide, répondent douloureusement au point épicon-
dylien.
Acetteépoque on
institue le traitement électrique à l'aide de courants
galvaniques
de 15 milliampères d'intensité.
Mais,par suite
de circonstances indépendantes de sa volonté, le malade
n'apas
suivi
untraitement régulier.
A la suite detrois ou quatre séances
qui avaient donné de l'améliora¬
tion, mais non laguérison
complète, le malade n'a repris
sontraitement
électriqueque deux
mois après; c'est-à-dire
aumois de juillet 1898.
Il est soumis de nouveau à l'action du courant
galvanique d'une
intensité de 15 à 20 milliampères et à
des badigeonnages faradiques
duranttroissemaines.
A la suitede cetraitement, le malade peutreprendre
l'assaut, mais le
point
épicondylien est
encorelégèrement douloureux dans les mouve¬
ments brusques, dans
les parades sèches
oufrappant dans le vide.
15novembre. Lemalade, que nousavions
été obligé de quitter durant
les mois d'août, septembreet
octobre, est
en cemoment-ci complètement
guéri. Ces
derniers temps il
asoutenu des assauts de plus d'une heure de
durée sans éprouver
de douleur.
— 24 —
Observation V
(Personnelle).
H..., maître d'armesail49e de ligne.
Lemaladearessenti, durant un assaut, une douleurbrusque leforçant
às'arrêter. Cette douleurestlocalisée au niveau de l'épicondyle. Pour lui, la parade de sixtereçue peutseule être miseen cause.
Impotence relative consécutive. Ilestobligé de travailler de la main gauche pour ne passouffrir.
La douleur serenouvelleàladite parade et seprolonge dans l'avant- bras/
L'action de verser du vin,d'agrafer le haut de la tunique réveillent la
douleur au pointépicondylien.
Le maladea souffert durant six mois, et, à l'heure actuelle, il redoute
encorela parade de sixte quiest restée douloureuse.
Ila essayéun traitement variésansrésultats. Pointes defeu,douches, massage, frictionsàl'huile et eau-de-vie camphrée, remède deMérignac
(panne
deporc),
aucun remède n'a agi.ObservationVI
(Personnelle).
DrD..., à Bayonne.
• A ressenti une violente douleurau niveau de l'épicondyle durant un assaut etdans une parade brusque qu'il ne peut préciser.
Malgré la douleur, le travail atoujours été continué.
Plusieurs mouvements sont douloureux. La douleur nette, surtout au
début, aupoint épicondylien s'irradie dans la suite au-dessous du coude
en avant et en arrière.
Difficultéàlever un poids, même léger. N'a pas remarqué de gon¬
flementau point douloureux.
Lapression augmentela douleur; le malade met longtemps àguérir,
mais il n'aappliqué aucun traitement.
Ladouleur s'est éteinte peu àpeu.
!
«
s
♦
CHAPITRE III
Symptomatologie et Diagnostic.
Après l'exposition des observations qui précèdent, voyons
quels
sont les symptômes importants que. présentent nos ma¬
lades et demandons-nous
à quelle sorte de lésion nous
avons affaire.
Ce qui nous
frappe tout d'abord, à l'analyse de ces obser¬
vations, c'est le
symptôme douleur accusé par tous nos ma¬
lades. Remarquons
toutefois
quedans les quatre dernières
la douleurest ressentie durant un
assaut et apparaît subite,
forçant
les malades à s'arrêter. Le malade qui fait l'objet de
nosdeux
premières observations continue son assaut, mais
est réveillé dans la nuit par une
violente douleur, c'est-à-dire
qu'il ne se
rend compte de son état que quelques heures
après
unassaut des plus acharnés et des plus longs.
Cettedouleur, nos
malades la localisent très bien
auniveau
de
l'épicondyie dès le début, et se prolongeant dans la suite,
endiminuant d'intensité, sur
la partie postérieure de l'avant-
bras, le long du
radius. De plus, cètte douleur, peu sensible
le membre étantau repos, se
révèle intense soit à la
pres¬sion, soit
dans certains mouvements et surtout ceux
nécessitant l'adduction ou
l'extension de la main, tels que
l'action de lever un poids,
de
verserdu vin, d'agrafer le haut
de la tunique.
Certaines parades reçues, ou frappant dans le
vide,
réveillent aussi la douleur
aupoint épicondylien.
Notons encorechez lemalade qui fournit nos deux pre¬
mières observations, une petite tuméfaction de la grosseur d'unpois,sanscoloration
ecchymotique,
observéeau niveau de Pépicondyle.D'après les symptômes que nous venons d'énumérer, à quelle
lésion
pouvons-nousavoir affaire ?Sommes-nous en
présence
d'unefracture ?Nous nele croyons pas.Eneffet,unefracture produite dans
des exercicesd'escrime dont lepoint douloureuxestlocalisé à Pépicondyle, ne peut être évidemment qu'une fracture par arrachement de cette
apophyse
osseuse due à une contrac¬tion musculaire. Or, dans ce cas, on sentirait le segment osseuxadhérant encore ou tendon des muscles mis.encause.
L'esquille osseuse ainsi arrachée pourrait être assez petite pour ne pas êtresentie à la palpation, mais il y aurait tou¬
jours, dans cecas, un épanchementsanguin dû à la lésion
osseuse elle-même et aux déchiruresproduites par
l'esquille
sur les tissus environnants. La conséquence de cet épanche¬
ment serait une ecchymose qui n'est signalée dans aucune denos observations. De plus, dons le cas de fracturo par arrachement, le tendon tout entier est ordinairement, on
peut même dire toujours, mis en cause, d'où dépression au point de la lésion par retrait du tendon et impotence fonc¬
tionnelle
complète.
Dans toutes nos observations il est pa¬tent que le tendon est sinon entièrementdu moinsengrande partie adhérent à son lieu ordinaire d'insertion.
Pouvons-nous penser à cette lésion décrite sous le nomde crampe des maîtres d'armes? Non; car nous n'avonsrien ici de la symptomatologie de la crampe, qui n'est qu'unspasme fonctionnel provenant de la contraction spontanée de cer¬
tains muscles.
En quoi pouvons-nous comparer, en effet, les symptômes
que
présente
notre lésion et ceuxprésentés,parexemple,par ce maître d'armes dontl'humérus, du côtéqui tenaitl'épée,
tournait en rotation sur son axe en dedans et dont l'avant-
bras s'étendait vivement et fortement sur
le bras lorsqu'il se
mettait en garde.
Pourrait-on avoir affaire à une entorse
de l'articulation
radio-liumérale ? Nous avons
d'abord songé
quec'était cette
lésion que
présentaient
nosmalades.
La douleur,le gonflement,
l'ecchymose, tels sont, en effet,
les
principaux symptômes de l'entorse et que nous pouvons
retrouver dans nos observations à
l'exclusion du dernier.
Mais, outre que
le gonflement, signalé chez nos malades et
dans deux cas seulement, est
très minime,
quela douleur est
nettementlimitée, du moins au
début,
aupoint épicondy-
lien, en fouillant
bien
nosobservations, nous constatons que
dans le mouvement de
pronation accompli
sanseffort, sans
objet pesantdans la main, la douleur n'existe pas, ce qui ne
saurait être dans une entorse de
l'articulation radio-lnimé-
rale, auquel cas,
les ligaments de cette articulation éprou¬
vant une extension, il devrait y
avoir douleur. De plus, la
douleur
épicondylienneprovoquée, par exemple, enfermant
la mainavec force, mettant
l'articulation dans un état de
relâchement et non de
tension,
nesaurait entrer comme symptôme dans le cadre de l'entorse radio-liumérale.
Nous restons désormais en
face de deux lésions qui, à
notre avis, méritent
discussion. Je
veuxparler de la rupture
musculaire etde la rupture
tendineuse. En effet, dans ces
deuxordres cle lésions,
produites toutes deux par un méca¬
nismeidentique, nous avons
des symptômes analogues pou¬
vant facilementprêter
à la confusion.
Nous chercherons
d'abord à établir si notre lésion est bien
une rupture; nous nous
demanderons ensuite si elle est de
nature tendineuse ou
musculaire, si elle est complète ou in¬
complète; enfin,
nous nousefforcerons d'assigner un siège
précis à cette lésion.
Devantles
symptômes suivants
:1° Douleur subite,
localisée exactement dans
unpoint pré¬
cis, survenue
dans
unexercice exigeant la contraction brus¬
que
et souvent répétée des muscles ;
2° Impotence fonctionnelle plus ou moins considérable, mais très nette, il nous semble indiscutable qu'il y ait rup¬
ture.
Si dans les deux observations fournies par notre premier malade la douleur n'est pas subite, cela n'estpas une preuve à rencontre de ce que nous
établissons,
car les exemples sont nombreuxqui nous font voir des malades atteints de rupture musculaireou tendineuse, ne s'apercevant de rien tant que dure 1exercice violent qui est la cause de la rup¬ture, et ne ressentant nettement leur douleur qu'après quel¬
que temps de repos.
Autre question à résoudre ; cette rupture est-elle muscu¬
laire ou tendineuse ?
Nous répondrons d'emblée que nous croyons à une rup¬
ture tendineuse.
Eneffet, si nous avons, dansles deuxlésions, dela douleur subite, de l'impotence
fonctionnelle,
nous avons aussi d'autres symptômes qui les séparent nettement.Dans la rupture musculaire, qu'elle soit
complète
ou in¬complète. nous avonsde
l'ecchymose.
Or. nos observationsne font mention nullepart de cesymptôme. Nousnevoulons pas dire cependant que la rupture tendineuse ne puisse pro¬
duire une
ecchymose;
quelquefois, surtput dans les rup¬tures totales d'un gros tendon,
l'ecchymose
apparaît; maiscette ecchymose, provenant de- ruptures vasculaires d'un organe qui ne contient que très peu de vaisseaux et de calibre très restreint, est excessivement légère et
disparaît
très vite.
Il n'en est pas de même de
l'ecchymose
de la rupture mus¬culaire. Celle-ci en rapport directavec la vascularisation du muscle, et par
conséquent
plus abondante, existetoujoursetse montre beaucoup plus tenace.
De plus, le muscle dans sa rupture présente une encoche plus ou moinsconsidérableet située soit en plein tissu mus¬
culaire. soit au niveau où il secontinue avec le tendon.
Or, la rupture
du tendon si elle est complète produit bien
un écartementdes deux
bouts et
unepetite encoche, mais
les dimensions de cette
encoche sont excessivement res¬
treintes par
rapport à celles de l'encoche musculaire, et son
siège est au
niveau du tendon lui-même.
Dans nosobservationsnous 11e
retrouvons pas ce signe de
l'encoche, mais est-ce à dire
qu'il n'y
a pasrupture ?
Pas le moinsdu monde. Le
défaut de
cesymptôme signifie
seulement que nous avons
probablement affaire à une rup¬
ture
partielle. Si
nousjoignons à cela le point douloureux
nettement situé au niveau
du tendon, l'impotence seule¬
ment relative des mouvements
d'adduction et d'extension,
le défaut de la plus
légère ecchymose, nous sommes amené
à conclure à unerupture
partielle. Mais la douleur même,
provoquée par
la pression sur l'épicondyle, indiquerait, à
notreavis, que cette
rupture s'est faite très près de l'inser¬
tion osseuse, et rien
d'étonnant dans ce cas qu'une légère
ostéiteou
ostéo-périostite limitée à l'épicondyle, soit la con¬
séquence
de cetté sorte de traumatisme. Nous expliquerons
enfin, pour
terminer, de la même façon cette douleur appa¬
raissant dans les muscles
postérieurs de l'avant-bras, quel¬
que temps
après le
coupde fouet initial.
Si, dans une
rupture musculaire, cela est suffisamment
démontré, il se
produit
unemyosite consécutive, pourquoi à
la suite d'unerupture
tendineuse
nepourrait-il pas exister
une ténosite et par
propagation
unemyosite, d'ailleurs assez
limitéedans notre cas.
Nous 11e voyons
absolument rien d'irrationnel dans cette
hypothèse et
nousl'acceptons comme la seule explication
plausible du symptôme dont nous venons de parler.
De ce chapitre
il
noussemble donc ressortir trois faits
capitaux :
1°La lésion
produite chez
nosmalades est une rupture
tendineuse;
2° Cette rupture est partielle et a son
siège
au niveau de l'insertion tendineuse surl'os ;3°Consécutivement à cette rupture il s'est
développé
une ostéite del'épicondyle,
et, par propagation, une myosite des muscles de la facepostérieure
de l'avant-bras.CHAPITRE IV
Etiologie et Pathogénie.
Tousles auteurs qui ont
écrit
surla question des ruptures
sous-cutanées, tant
musculaires
quetendineuses, attribuent
ces lésions à une
contraction musculaire très forte et sur¬
tout très brusque,
instinctive plutôt que volontaire. Dans les
observationsque nous
publions, l'action de la contraction ne
peutêtre
plus évidente puisque la lésion se produit dans le
cours d'un assaut et dans le
tendon des muscles qui agissent
le plus
activement dans cet exercice.
Mais, comme
le dit Delon, dans
sathèse sur les ruptures
tendineusessus-rotuliennes, «on
est frappé de ce fait que des
causes semblables en apparence
amènent des résultats diffé¬
rents ». Eneffet,qu'un
muscle
secontracte, et il peut amener
une fracture, une
luxation,
unerupture tendineuse et sa
propre
rupture.
« Est-il
possible,
commele dit encore Delon, dans l'état
actuel denosconnaissances,de
rapporter la localisation delà
lésion à un fait connu ?»
C'est ce que nous
essaierons de faire dans ce chapitre.
Après avoir glissé rapidement sur l'influence que peuvent
exercer l'âge etle sexe sur
la rupture tendineuse qui nous
occupe, nous nous
demanderons si c'est aux dispositions
anatomiques ou
à
unealtération antérieure de la partie bri¬
sée ou des parties
voisines qu'il faudra rattacher l'origine
de la rupture.
Et d'abord l'âge a-t-il une influence? Nous le croyons,car ces rupturesse produisent chez nos sujetsdans la force de l'âge, de
trente-cinq
à quarante ans, c'est-à-dire quand les muscles, à la suite d'unexercice souventetlongtemps répété,
ont acquis ce
développement
exagéré qui, nous le verronsplus bas, est, à notre avis, le facteur principalde la lésion.
Puisque dans toute étiologie on s'occupe de savoir quel est le sexe que la lésion affectionneleplus, nous dirons qu'heu¬
reusement pour elles les femmes n'ont pas les faveurs de cette rupture. Cela s'explique aisément à l'heure actuelle, puisque l'escrime n'estpas encore un art bien prisé du sexe féminin.
Mais, que nous réserve l'avenir?
La planche aura sûrement pour certaines l'attrait que l'amphithéâtre a pour d'autres; alors, peut-être, la part du
saxe dans Pédologie pourra-t-elle être discutable.
Quant à l'influence des dispositions
inatomiques,
nouscroyons qu'elle mérite d'être prise en considération.
Certains auteurs ont émis cette règle générale,
d'après
laquelle les muscles dont les fibres sont longues et les ten¬dons courts se rompent dans leur masse charnue, tandis que ceux dont les fibres sont courtes etLles tendons longs
se rompent dans leur partie tendineuse. Nous ne sommes
nullement de leur avis, car la
fréquence
des ruptures du tendon rotulien est en désaccord flagrant avec cetterègle.
Nous acceptons plusvolontiers la remarquefaite parNéla- ton surla
fréquence
plusgrande des ruptures musculaires dans les muscles fléchisseurs et des ruptures tendineuses dans les extenseurs.Notre lésion, en effet, produite dans le tendon supérieur des muscles épicondyliens, presque tous extenseurs, vient confirmer cette remarque.
Le rhumatisme, la syphilis, l'alcoolisme, la goutte, le dia¬
bète, toutes les diathèses en unmot, ont été mises en avant pouréclaircir
l'étiologie
des ruptures tendineuses. Nous ne»
g®'
- 33 —
mettons nullement en doute leur action efficace dans lapro¬
duction deces lésions, mais nous ne pouvons ici les appeler à notre aide, car rien dans les
antécédents de
nosmalades
ne révèlel'existence de
quelqu'une de
cesmaladies constitu¬
tionnelles.
Mais une altération antérieure de la partie
brisée
peut êtrel'effet de causes autres que des
diathèses; et,
pour nos malades, tous maîtres d'armes,professionnels consommés,
et tenant le fer depuis de
longues années,
nous pourrons trouver, à notre avis, unealtération inhérente à leur
pro¬fession môme. Ce faitseul quela lésion qui nous occupe est toujours la même et ne
s'est présentée jusqu'à
cejour
quechez des maîtres d'escrime,suffit à attirer notre attention de
ce côté.
Nous savonsque quand un
muscle travaille beaucoup et
souvent, s'il sedéveloppe
lui-même,
sontendon
ouplutôt la
gaine quil'entoure
ensouffre. Il
seproduit à
ceniveau
une inflammation légère, mais continue,qui prive le tendon du
liquidequi le tient toujours humecté et produit consécutive¬
ment une altération de cet organe.
Or, chez lesmaîtres
d'armes, les muscles extenseurs de la
main, commenous le prouverons
plus bas, sont continuelle¬
ment en travail. Ils acquièrent
ainsi
undéveloppement et
une force considérables. D'autre part, le tendon de ces mus¬
cles, par suite
même de
cetravail,
aété mis dans
unétat
d'infériorité relative.
Ne peut-on pas
admettre
quedevant
cedéveloppement
exagéré d'une masse
musculaire, composée des six muscles épicondyliens, s'attachant tous à
unmême tendon, ceux-ci
n'aient pu
acquérir
uneforce de contraction considérable
et
produire, dans
unmouvement brusque et instinctif
deparade, une
rupture de quelques fibres tendineuses.
Notre
hypothèse,
un peutrop hardie si
nousfaisions
por¬ter la rupture, sur
tout le tendon, devient,
nous croyons,parfaitement acceptable quand il ne s'agit plus que d'une
partie
assezrestreinte de
cetendon.
Couderc 3