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Débuter le coeur léger ?

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Academic year: 2022

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Débuter le coeur léger ?

MAULINI, Olivier, CAPITANESCU BENETTI, Andreea

Abstract

Les dix choses qu'il faut savoir quand on débute. Ou comment la formation peut aider les nouveaux enseignants dans leur passage du statut d'étudiant à celui de professionnel.

MAULINI, Olivier, CAPITANESCU BENETTI, Andreea. Débuter le coeur léger ? Cahiers pédagogiques , 2016, no. 43, hors-série numérique, p. 33-35

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:84706

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OLIVIER MAULINI, ANDREEA CAPITANESCU BENETTI.

Débuter le cœur léger ?

Les dix choses qu'il faut savoir quand on débute. Ou comment la formation peut aider les nouveaux enseignants dans leur passage du statut d'étudiant à celui de professionnel.

À Genève, la formation des instituteurs dure quatre ans, dont trente-quatre semaines de stages thématiques et en responsabilité, principalement réparties sur les trois dernières années. Dans le module de clôture « De la formation à la profession : entrer dans le métier » où nous encadrons les étudiants les plus avancés, nous avons l’intention de préparer collectivement ces presque enseignants à ce qui ressemble traditionnellement à un rituel d’initiation : le passage à la fois tangible et symbolique du statut de consommateur au statut de producteur d’éducation ; ce basculement du monde protégé des études (passives ?) aux soubresauts de la vie (dite active).

LES DIX DIFFICULTÉS DES DÉBUTANTS

Notre premier objectif est simple : ne pas faire comme si nous ne savions rien des inconnues qui peuvent préoccuper un débutant. Car nous en savons beaucoup, via les expériences de leurs prédécesseurs et de ce que nous apprennent leurs témoignages, leurs récits, leurs écrits, les recherches qui ont synthétisé ces informations

À partir de là, nous présentons la transition formation-emploi comme un phénomène universel, dépassant largement les frontières locales et même celles de l’enseignement. Nous insistons en particulier sur les dix facteurs suivants, qui peuvent plus ou moins conditionner la prise de fonction, à l’école et dans d’autres organisations :

1. Une intense sollicitation, une charge de travail démultipliée. Les enseignants débutants s’activent sur tous les fronts. Celui de la classe à organiser et des élèves à apprivoiser.

Celui du programme à planifier, des étapes à fixer, des repères à se donner. Celui des attentes de l’équipe, de la direction d’école et du ministère à concilier. Celui des parents devant lesquels faire bonne figure, en exposant ou non son statut de néophyte. La vie privée, les weekends et les premières vacances font souvent les frais d’un besoin de faire au mieux difficile à endiguer.

2. Un mélange de joie et d’anxiété, des deuils plus ou moins prononcés. Les jeunes maitres sont souvent enthousiastes de tenir enfin leur classe et d’accéder à l’indépendance (y compris financière !), mais préoccupés par la somme des tâches à assumer. Ils renoncent petit à petit à certains projets, voire à certaines espérances (« impossible de ne pas crier »), quitte à se donner du temps pour y revenir dans quelques semaines, ou mois, ou années.

3. Trois stades de préoccupation, des énigmes persistantes. Tout commence par l’euphorie de la liberté, à quoi succède le choc de la réalité, lui-même débouchant sur la stabilisation de certains acquis. Des insatisfactions peuvent toujours rester, mais on apprend peu à peu à apprécier les questions sans réponse. À condition bien sûr de ne pas se décourager trop tôt.

4. Des stratégies de survie, une hiérarchie des priorités. Les novices ne peuvent pas tout faire, même et surtout si leurs désirs sont plus grandioses que la réalité. Ils doivent réviser certains objectifs, conserver assez de sérénité, de santé et d’énergie pour enchainer les journées de travail. Notre conseil paternaliste aux étudiants : « Le premier devoir de l’enseignant n’est pas de répondre tout le temps à tous les besoins de tous ses élèves. C’est de

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répondre aux siens, au moins assez pour revenir le lendemain ! »

5. Un besoin de reconnaissance, des interlocuteurs à convaincre. Pour être bien dans leur peau, les débutants doivent être encadrés, soutenus et reconnus compétents par leurs pairs et par la hiérarchie. Le défi de convaincre les élèves et les parents est de taille, mais plus facile à relever s’il est collégialement posé dans les établissements.

6. Trois ans pour ne plus débuter, un turnoveur permanent. Toutes les recherches convergent : il faut trois ans pour s’installer pleinement dans la fonction. C’est le temps nécessaire pour ancrer vraiment sa barque, pour capitaliser du matériel et des procédures plus ou moins éprouvées, pour avoir l’impression de ne pas tout le temps tout réinventer.

Ce temps peut s’allonger si la relève est traitée comme la variable d’ajustement du système, donc si le dernier enseignant arrivé dans une école est le premier à devoir la quitter lorsqu’une classe vient à fermer.

7. Une formation critiquée, des demandes de conseil à double tranchant. Voilà un point délicat, puisque les formateurs que nous sommes sont ici juges et parties. La formation initiale peut servir deux fois de bouc émissaire : parce que les débutants lui reprochent de les avoir mal préparés ; ou parce que l’équipe d’accueil les accuse au contraire de trop s’y fier. Pris au piège, le néophyte a le choix entre crier haro sur le baudet pour se faire accepter, ou défendre la valeur de son diplôme contre vents et marées. L’idéal est de demander des conseils aux anciens, mais pas trop, histoire de s’affilier sans s’humilier.

8. Le soutien des pairs, un rapport ambigu à l’encadrement. La présence des collègues est le plus souvent rassurante et bienfaisante. Parfois menaçante, mais la hiérarchie peut prendre le relai en cas de manque criant de solidarité. Le dilemme est à nouveau d’alerter ou pas sa direction. Les choses se compliquent lorsque des anciens cultivent une forme ou une autre de déviance (« Le sixième chapitre du livre d’allemand ? On ne le fait pas ») qu’ils vous suggèrent, directement ou indirectement, de partager.

9. Un rapport sceptique aux réformes et aux luttes collectives. Question de génération ? Les jeunes enseignants semblent davantage pragmatiques et flexibles que leurs ainés. Peut-être sont-ils « convivialistes », c’est-à-dire adeptes d’un vivre ensemble immédiat, s’épargnant les conflits d’opinions. Ils se méfient des grands rassemblements idéologiques, des réformes ou des syndicats qui prétendent changer le monde par le haut et, au besoin, par des affrontements. En salle des maitres, cela peut inciter à la cohabitation prudente plutôt qu’à de franches explications.

10. Assurance et modestie comme gages de fiabilité. C’est le grand paradoxe de la légitimité démocratique : susciter la confiance en évitant à la fois la contrition et l’arrogance. On peut s’entrainer en formation, mais passer du statut d’étudiant à celui d’employé demande d’assumer différemment ses convictions. Nos contacts avec l’employeur montrent que certains étudiants peuvent confondre leur entretien d’embauche avec un examen oral, et qu’ils doivent apprendre la différence entre un débat d’idées (valorisé à l’université) et un cahier des charges (qu’un employeur impose par définition à ses employés).

LA FORMATION IDÉALE N'EXISTE PAS

L’autodidacte inquiet trouvera en librairie une pléthore de guides plus ou moins instructifs (ou prescriptifs) pour entrer dans le métier le cœur léger : Guide du jeune professeur, Ma première classe, Conseils pratiques pour bien débuter, etc. On connait la bonne ou la mauvaise réputation académique de ce genre de méthodes à suivre. Remplacent-elles une formation ? Vont-elles droit au but, là où de longues études ne font que compliquer les choses et noyer le poisson ? Notre module se veut moins le substitut qu’une sorte de relecture de la formation et de son rapport avec les critères de la bonne pratique en vigueur sur le terrain. Une des questions des étudiants (la nôtre aussi) est de savoir si un tel dispositif gagnerait ou non à venir plus tôt dans les études, éventuellement pour répondre à certaines impatiences, mais avec le risque aussi de tourner à vide par excès d’anticipation.

Dans notre dispositif, nous confrontons la volée sur le point de nous quitter aux témoignages d’ex-débutants (une, deux ou trois années d’expérience), y compris pour interroger nos hôtes sur ce qu’ils pensent du rapport entre le métier qu’ils exercent et celui qu’ils se représentaient au cours de leurs études. Il ne s’agit pas de donner tort à la fragilité DOSSIER DÉBUTER DANS L'ENSEIGNEMENT

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(hypothétique) des idéaux contre la brutalité (potentielle) des faits, mais au contraire de prendre acte de ces deux dimensions du réel et de penser leur relation. Comment fait-on, quand on entre dans le métier (et que le métier rentre peu à peu par ce biais), pour concilier le souhaitable et le possible, le travail espéré et le travail empêché ? De l’aveu de la plupart des débutants, mieux vaut se préparer à crouler sous les tâches administratives : celles qui doivent rendre compte du travail et donnent en même temps l’impression de l’étouffer. Mais l’essentiel est ailleurs. Tentés de foncer tête baissée, les bleus ont au contraire intérêt à observer les élèves et, plus largement, le milieu de travail dans lequel ils s’insèrent : les règles, les coutumes, les dits et les non-dits, les relations entre collègues et avec la hiérarchie. Tout d’abord : s’imprégner, regarder, écouter ! Se méfier des alliances existantes, de l’histoire qui a précédé notre arrivée, des clans qui peuvent chercher à nous enrôler.

S’affirmer sans donner de leçon, mais sans non plus raser les murs ni jamais prendre position.

Nous créons aussi un espace d’échanges entre les étudiants et les coordinateurs pédagogiques qui seront bientôt chargés de leur accompagnement dans les établissements.

L’objectif n’est pas de soumettre d’avance la relève au prescrit de l’employeur, mais d’expliciter des attentes et un fonctionnement institutionnel qui posent deux questions à distinguer : d’abord celle des bonnes manières d’enseigner ; puis celle du rapport entre les convictions personnelles et les choix collectifs à ce propos. Les jeunes enseignants ont souvent choisi leur métier par penchant pour l’altruisme (contre l’égoïsme), mais aussi pour la paix (contre le conflit) et pour l’« amour des enfants » (contre celui des grands ?). Il n’est pas sûr que leur formation leur inculque le réalisme et le gout du compromis. On sait que l’envie de bien faire peut occulter les bas instincts, les conflits d’intérêts, les rapports de force, les faux-semblants. Elle peut ajouter de l’idéal à l’idéal, en écrasant le travail réel et les pratiques ordinaires sous un prescrit incidemment prodigue et surplombant. En ce sens, consacrer un module à l’entrée dans le métier nous semble bien plus qu’une passerelle entre la fin des études et la prise de fonction. C’est une ressource pour porter un regard réflexif sur notre travail de formation, en impliquant les futurs enseignants dans sa critique et sa régulation.

OLIVIER MAULINI Université de Genève, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Laboratoire innovation formation éducation (LIFE) ANDREEA CAPITANESCU BENETTI Université de Genève, faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Laboratoire innovation formation éducation (LIFE)

1Olivier Maulini, « 6 sur 6 ? Ou les secrets de la gestion de classe à l’usage des enseignants débutants » (à paraître),2010.

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