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OUVELLES ANNALES DE MATHÉMATIQUESProgramme d’admission à l’école spéciale militaire, en 1851
Nouvelles annales de mathématiques 1resérie, tome 10 (1851), p. 139-142
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PROGRAMME D'ADMISSION A L'ÉCOLE SPÉCIALE MILITAIRE, EN 1 8 5 4 ( * ) .
INous avons en diverses occasions exprimé l'opinion que le mode d'examen pour l'École de Saint-Cyr était très-rationnel, et de beaucoup préférable à celui qui était en usage pour l'École Polytechnique -, toutefois, on a encore trouvé moyen d'empirer ce dernier mode d'examen, ce qui paraissait très-difficile. Par compen- sation, on a joint maintenant à ce mode d'entrée, un mode de sortie tout à fait inqualifiable-, les dispositions en sont tellement draconiennes, que les esprits les plus illibéraux n'auraient pas osé les proposer dans les jours les plus mauvais de la monarchie, tant impériale que royale. Mais parlons des programmes : celui de l'Ecole de Saint-Cyr, que nous avons sous les yeux, est une excellente esquisse faite d'après un très-mauvais modèle.
Les énoncés sont clairs, précis, allant droit au but, nommant les choses par leur nom, sans ambages, sans emphase. On dit tout simplement ce qu'il faut apprendre dans l'arithmétique, la géométrie, l'algèbre, sans ajouter des phrases oiseuses et prétentieuses, telles que celles-ci : Y arithmétique sera exposée avec simplicité, la géomé- trie sera pratiquée avec dextérité, les équations seront résolues avec fidélité, on passera légèrement sur tel théorème, on démontrera rapidement telle théorie, on insistera sur les mouvements naturels, etc. 5 et autres amé- nités de ce genre qui semblent échappées d'une plume en veine de gaieté. Au contraire, le style du programme de
(*) Extrait de l'Instruction pour l'admission à l'École spéciale militaire du 11 février 1851 ; 7 pages in-folio. Imprimerie nationale.
Saint-Cyr est partout convenable et adapté au sujet ; les matières y sont arrangées avec méthode, mises a la portée des candidats et appropriées aux besoins de l'enseigne- ment. Toutefois, il est à regretter que, forcé d'imiter un mauvais modèle, on n'ait pas admis les fractions continues dans l'arithmétique 5 d'autant plus que ces fractions ren- trent dans la théorie du plus grand commun diviseur qu'on a laissé subsister en arithmétique ; leur usage, d'ailleurs, est d'une utilité constante, puisqu'à chaque instant on a besoin de remplacer de grandes fractions irréductibles par des fractions plus simples et approchées.
Comment, sans les fractions continues, ramener 7r au rapport d'Archimède, ou à —-? Comment, sans ces355
fractions, expliquer Tintercalation grégorienne, etc II est fâcheux aussi, toujours en suivant un détestable guide, d'avoir retranché de la géométrie, la théorie des polyèdres symétriques5 formes que l'on trouve dans tout le système des êtres organisés, et qui, d'après des décou- vertes récentes, jouent un si grand rôle dans les phéno- mènes de la cristallisation. Lorsque nous voyons le Créateur accorder une si large part aux corps symétri- ques dans sa géométrie, est-ce le moment de les exclure de la nôtre? Il faut convenir qu'un célèbre rapporteur, homme du ciel, a montré en cette occasion peu de défé- rence pour le maitre de son domaine.
Il est à regretter aussi qu'on n'ait pas ajouté à la géomé- trie, à la suite des plans, les principaux théorèmes des projections coniques et cylindriques 5 c'est là leur véri- table place, et non dans la géométrie descriptive, dont les procédés ne sont que des applications de ces théorèmes, qui ont d'ailleurs des applications d'une extrême fécondité, indépendamment de leur utilité graphique.
Les articles de la géométrie descriptive ne se succèdent
peut-être pas dans un ordre bien naturel. Les rabatte- ments et les plans auxiliaires sont aujourd'hui à Tordre du jour et figurent partout. Un moyen certain de rendre ridicules les meilleurs procédés, est d'en prôner sans cesse et d'en prodiguer l'emploi outre mesure. Disons un mot du programme relatif à l'allemand : il y est dit qu'on expliquera à livre ouvert un auteur d'wrc texte facile; tout programme de ce genre devrait se réduire à ce peu de mots : celui qu'on a adopté pour l'École Poly- technique semble avoir été rédigé à Dresde pour des officiers saxons, dont les trois quarts peut-être n'y répondraient pas. Mais à Saint-Cyr comme à l'Ecole Po- lytechnique, on a grand tort d'attacher à cette langue une importance ridiculement exagérée. Aujourd'hui, Na- poléon , qui n'avait aucune aptitude pour les langues, ne serait admis ni à l'une ui à l'autre École. On rapporte même à ce sujet une anecdote d'une incontestable authen- ticité. Junker, professeur d'allemand à l'ancienne École militaire, a donné au jeune Bonaparte celte note remar- quable : sujet incapable et sans moyens. Pourquoi? pro- bablement qu'il ne savait pas conjuguer le verbe sejn.
Quel Junker a donc rédigé le factuni ultra-teutonique à l'usage de la seconde École militaire qu'on vient de fon- der à Paris (*)? Revenons à celle de Saint-Cyr.
Pourquoi exiger la connaissance des origines de l'his- toire de France et l'histoire de la géographie? Qu'un can- didat à l'Académie des Inscriptions fasse preuve de ces connaissances, soit-, mais on peut être un excellent officier
(*) Toute institution où le sabre prédomine est uniquement mili- taire, quelque nom qu'elle se donne, dût-elle s'appeler séminaire. Si l'on y tolère les services civils, tant pis pour ceux-ci; à moins qu'ils ne trouvent avantageux de s'exercer à l'humilité chrétienne. Ces services de- vraient désormais se recruter à l'École Normale, section des sciences ; là sera l'École Polytechnique ; ailleurs de nom. On pourrait alors réunir peut-être les deux Écoles militaires. Nous reviendrons là-dessus.
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français et très-instruit, sans jamais avoir entendu parler des recherches de Montfaucon, du père Daniel, de Bou- lainvillers, de Gosselin, de Ritter, de Mannen, etc. On ne saurait aussi blâmer trop sévèrement la prétention de vouloir rendre tout également obligatoire, et de n'admettre aucune compensation : une telle prétention ne s'accorde ni avec la justice, ni avec le bon sens. Certes, un candidat qui écrira très-bien la langue nationale, qui montrera une haute intelligence scientifique et des connaissances pas- sables en histoire et en géographie, dût-il même ignorer complètement l'allemand, sera certainement préférable à un concurrent médiocre sur tous ces points (*).
Ces critiques ne portent que sur des détails, sur des défauts empruntés, et, pourainsi dire, imposés#, l'ensemble du programme mérite des éloges, et procure une véritable consolation dans un temps où l'on en a tant besoin.