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Une importante décision suisse en matière de transfert international de biens culturels : l'arrêt du Tribunal fédéral sur les pièces d'or anciennes du 8 avril 2005

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Une importante décision suisse en matière de transfert international de biens culturels : l'arrêt du Tribunal fédéral sur les pièces d'or

anciennes du 8 avril 2005

RENOLD, Marc-André Jean

RENOLD, Marc-André Jean. Une importante décision suisse en matière de transfert

international de biens culturels : l'arrêt du Tribunal fédéral sur les pièces d'or anciennes du 8 avril 2005. Uniform Law Review , 2006, vol. 11, no. 2, p. 399-404

DOI : 10.1093/ulr/11.2.399

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Une importante décision suisse en matière de transfert international de biens culturels : l’arrêt du Tribunal fédéral sur les pièces d’or anciennes du 8 avril 2005

Marc-André Renold*

La Suisse est en train de vivre une période de changements du point de vue de la lutte contre le trafic illicite des biens culturels. En effet, elle a ratifié avec effet au 3 janvier 2004 la Convention de l’UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’impor- tation, l’exportation et le transfert de propriété illicite des biens culturels. Cette Convention a été mise en œuvre en Suisse par l’adoption de la Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels (LTBC) et son Ordonnance d’application (OTBC), toutes deux entrées en vigueur le 1er juin 20051.

En revanche, le Conseil fédéral a décidé de ne pas ratifier pour l’instant la Convention d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés. Il n’est toutefois pas sans intérêt de relever que cette Convention a déjà été mentionnée à deux reprises par le Tribunal fédéral dans des arrêts concernant la revendication de biens culturels volés ou illicitement exportés. C’est le second arrêt, qui date du 8 avril 2005, qui fait l’objet du présent commentaire 2.

Après avoir exposé brièvement en quoi consistait le litige (I) et le raisonnement retenu par le Tribunal fédéral (II), nous étudierons celui-ci de manière critique (III).

I. – LE LITIGE

Le litige portait sur la propriété de deux pièces d’or de 12 kg et 1,1 kg, frappées respectivement en 1613 et en 1639, et ayant appartenu au Nizam de l’ancienne principauté indienne d’Hyderabad, Mir Osman Ali Khan. En 1988, le petit-fils de ce dernier, Mukarram Jah, avait remis ces pièces en nantissement au Crédit Agricole Indosuez (Suisse) SA (ci-après : la banque) à titre de sûreté contre un crédit de vingt-cinq millions de dollars accordé à deux sociétés qu’il contrôlait. L’Union de l’Inde estimait être devenue propriétaire des deux pièces en 1950 et contestait l’acquisition d’un droit préférable de la banque contre laquelle elle agissait en revendication.

* Professeur associé à l’Université de Genève (Suisse) ; Avocat au Barreau de Genève ; l’auteur remercie son ami et collègue le Professeur Bénédict FOËX de ses commentaires critiques et analytiques.

1 Voir à ce sujet P. GABUS / M.-A. RENOLD, Commentaire LTBC – Loi fédérale sur le transfert international des biens culturels, Genève/ Zürich/ Bâle (2006), B. FOËX, “La loi fédérale sur le transfert international des biens culturels : un point de vue de civiliste”, et U. CASSANI, “Les infractions à la loi fédérale sur le transfert international des biens culturels à l’épreuve des principes fondamentaux du droit pénal”, in : Criminalité, blanchiment et nouvelles réglementations en matière de transfert de biens culturels, Etudes en droit de l’art, vol. 17 (2006), 17 ss et 43 ss.

2 Union de l’Inde contre Crédit Agricole Indosuez (Suisse) SA, arrêt du Tribunal fédéral du 8 avril 2005 : ATF 131 III 418 = Journal des Tribunaux 2006 I 63 (résumé) = Semaine Judiciaire 2006 I 152.

Pour un premier commentaire, voir Art-Law Centre News N°12 (novembre 2005). Le premier arrêt date du 1er avril 1997, ATF 123 II 134. Il est également discuté infra : voir note 10 et le texte s’y rapportant.

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Sous le règne du Nizam, aucune distinction entre ses biens privés et les biens de l’Etat n’était faite. La principauté a rejoint l’Union de l’Inde en 1949. Dès cette date, il a été décidé que tous les biens du Nizam devaient être considérés biens de l’Etat, à l’exception de ceux que des accords spécifiques déclaraient comme biens privés de Mir Osman Ali Kahn.

Il ne fut pas établi que les deux pièces d’or litigieuses étaient expressément mentionnées dans les accords, mais en revanche il ressortait des faits qu’elles se trouvaient dans le palais de King Koti à Eden Garden, attribué avec tout son contenu aux biens privés du Nizam. Dès lors, ces pièces étant sa propriété privée, il était à première vue libre d’en disposer et de les transmettre par héritage à son petit-fils, Mukarram Jah.

En 1987, soit avant la signature du contrat de prêt, ces pièces avaient été mises en vente aux enchères 3, enchères qui s’étaient révélées infructueuses car le prix de réserve n’avait pas été atteint. Une enquête avait été conduite à cette époque par le Central Bureau of Investigation indien. Ce dernier avait alors conclu que les deux pièces d’or litigieuses n’avaient pas été exportées de manière illégale et qu’elles avaient été valablement remises à Mukarram Jah par succession à la mort de son grand-père.

La date de l’exportation des pièces hors de l’Inde était un élément important de l’affaire, mais controversé. En effet, certains témoignages affirmaient leur présence en Suisse depuis 1973, d’autres assuraient de leur présence en Europe depuis plus de 50 ans.

En 1992, l’Union de l’Inde déposa en Suisse une demande d’entraide pénale interna- tionale consistant tout d’abord en une saisie conservatoire des pièces, puis une saisie pénale probatoire suivie d’une saisie pénale conservatoire, au motif que les pièces d’or étaient devenues des biens nationaux lors du rattachement d’Hyderabad à l’Union de l’Inde.

En mai 1997, l’Union de l’Inde intenta une action civile contre la banque, fondée sur les articles 933 et suivants et 641 al. 2 du Code civil suisse (CCS), respectivement l’action mobilière fondée sur la possession et l’action pétitoire. L’Union de l’Inde alléguait que les pièces d’or en question étaient des biens culturels nationaux qui avaient été exportés illicitement du pays.

II. – LARRET DU TRIBUNAL FEDERAL4

C’est par une décision très fouillée que le Tribunal fédéral suisse arrive au rejet de la demande de l’État indien. Le Tribunal fédéral confirme les décisions des deux premières instances cantonales et admet ainsi le droit préférable de la banque fondé sur le gage. L’action en revendication de l’État indien est rejetée et la validité du gage est confirmée.

(1) La première question que le Tribunal fédéral examine est celle de la bonne foi de la banque 5. En effet en droit suisse l’acquisition d’un droit de gage, tout comme l’acquisition de la propriété, suppose la bonne foi du créancier gagiste (article 884 al. 2CCS). Selon le Code civil la bonne foi est présumée (article 3 al. 1 CCS), mais le propriétaire revendiquant peut faire valoir que le créancier gagiste n’a pas fait preuve de l’attention que les circonstances permettaient d’exiger de lui (article 3 al. 2 CCS).

3 Vente aux enchères du 9 novembre 1987 par Habsburg, Feldman SA “Sale of Two Giant Gold Mohur Coins”.

4 Pour être exact, il faudrait dires les arrêts, car le Tribunal fédéral a rendu le même jour deux arrêts, un arrêt sur recours en reforme, discuté ici, et un arrêt sur recours de droit public, déclaré irrecevable.

5 ATF 131 III 421-423.

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Déterminer si la banque a fait preuve d’une telle attention est une question d’appréciation qui doit être effectuée sur la base d’un critère objectif. Dans le milieu bancaire, un degré de diligence élevé est requis. Plusieurs conventions et règles existent en matière bancaire et elles doivent être respectées, notamment celles sur l’obligation de diligence des banques ou la lutte contre le blanchiment d’argent. Une banque qui respecte ces conventions et agit selon leurs exigences peut se prévaloir de sa bonne foi. Si une situation présente des doutes, il peut être reproché au créancier gagiste de ne pas avoir effectué certaines démarches, mais uniquement si celles-ci lui auraient permis de découvrir l’absence du pouvoir de disposer du constituant du gage.

Les pièces d’or litigieuses avaient été mises en vente aux enchères publiques en 1987 et avaient alors bénéficié d’une large audience et diffusion publique. La maison de vente avait quant à elle accepté ces pièces d’or comme garantie pour le paiement de ses frais. De plus, la propriété des pièces d’or avait été prouvée et n’était pas contestée : elles avaient appartenu à Mir Osman Khan, dont Mukarram Jah était l’héritier reconnu. Enfin, la banque avait quant à elle effectué des recherches et les représentants de celle-ci s’étaient rendus auprès de Mukarram Jah, alors domicilié en Australie. Ainsi, aucun doute quant à l’identité de leur propriétaire ne justifiait des vérifications supplémentaires. La banque avait pris les mesures nécessaires et aucun soupçon n’était légitime au vu des informations et renseignements rassemblés. Les circonstances n’incitaient pas à la méfiance et ne justifiaient pas de mettre en péril les relations commerciales existant avec Mukarram Jah.

(2) La seconde question que se pose le Tribunal fédéral a trait à la question de l’éventuelle exportation illicite des pièces d’or de l’Inde 6. En effet sur la base d’une loi indienne de 1972, l’

Antiquities and Art Treasures Act, des antiquités telles que les pièces d’or en question, n’auraient pu être exportées sans l’autorisation du Gouvernement indien. Citant la célèbre affaire anglaise Attorney General of New Zealand v. Ortiz and others 7, le Tribunal fédéral affirme que le droit public indien ne saurait trouver application hors du territoire de l’Union de l’Inde et que ce n’est que s’il existe un accord international spécifique que la Suisse serait tenue d’appliquer des règles de droit public étrangères. Aucune convention internationale n’ayant été en vigueur à ce sujet lors de la remise en nantissement des pièces d’or en 1988, la banque n’avait pas à tenir compte du droit indien. De plus, indique le Tribunal fédéral, de telles règles concernant l’exportation n’affectent pas le pouvoir de disposer de la chose qui ne découle que du droit de propriété. Or ce droit de propriété est indépendant d’une violation éventuelle des règles de droit public relatives à la protection du patrimoine.

(3) La troisième et dernière question discutée dans cet arrêt est celle de la validité du contrat de gage conclu en août 1988 8. En effet la création d’un gage doit reposer sur un titre d’acquisition valable et ce titre est le contrat de gage. Si ce contrat est nul, le gage l’est aussi. Le contrat de gage étant soumis au droit suisse en vertu des conditions générales de la banque, c’est selon le droit suisse que la question de sa validité doit en principe être examinée. Cela dit, en vertu de l’article 19 de la Loi fédérale sur le droit international privé (LDIP) ou encore de principes d’ordre public universel, un contrat qui, par hypothèse, violerait des règles étrangères sur l’interdiction d’exporter des trésors nationaux, pourrait être considéré comme nul de plein droit, et ce indépendamment du droit suisse normalement applicable au contrat.

6 ATF 131 III 423-425.

7 [1982] 3 All ER 432 ; [1983] 2 All ER 93.

8 ATF 131 III 425-430.

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Toutefois, le Tribunal fédéral se refuse à faire ce pas, il est vrai audacieux. Il faut dire qu’il n’était pas établi qu’il y avait eu une exportation illicite en Suisse 9, ni que la sanction d’une telle exportation eût été en droit indien la nullité du contrat. De plus, l’article 19LDIP soumet la prise en considération de règles impératives étrangères à la condition que des “intérêts légitimes et manifestement prépondérants au regard de la conception suisse du droit” l’exigent.

Or tel n’est pas le cas pour le Tribunal fédéral et ce pour les raisons suivantes :

(a) Le Tribunal fédéral ne conteste pas l’existence d’un ordre public international en la matière, tel qu’il avait été reconnu dans son arrêt du 1er avril 1997 10. Il relève toutefois que cette dernière décision avait été rendue dans le contexte de l’entraide judiciaire internationale en matière pénale et qu’elle a par ailleurs relevé que les normes internationales en question (Conventions de l’UNESCO de 1970 et d’UNIDROIT de 1995) préservent également les intérêts légitimes du possesseur de bonne foi.

(b) Les Conventions et textes législatifs qui seraient à la base d’une telle notion d’ordre public universel ne sont pas pertinents en l’espèce car :

• La Convention d’UNIDROIT de 1995, si elle a été signée par la Suisse le 26 juin 1996, n’a pas été ratifiée et ne peut de toute manière pas avoir d’effet rétroactif (article 10 Convention d’UNIDROIT) ;

• La Convention de l’UNESCO de 1970 n’a d’effet en Suisse que depuis le 3 janvier 2004, elle n’a pas d’effet rétroactif (article 7 Convention de l’UNESCO) et n’est pas self-executing ;

• La loi d’application suisse de la Convention de l’UNESCO, la LTBC, n’est en vigueur que depuis le 1er juin 2005 et elle n’a de toute manière pas d’effet rétroactif non plus (article 33LTBC).

(c) Quoi qu’il en soit, la manière dont la Convention de l’UNESCO a été mise en œuvre en Suisse par la LTBC confirme que la question de la lutte contre l’exportation illicite, si tant est qu’il y en ait une en l’espèce, doit être appréhendée par des mécanismes de droit public : l’article 7LTBC prévoit en effet la conclusion d’accords interétatiques qui permettront des actions en retour par les Etats concernés au sens de l’article 9LTBC. Ainsi les prétentions de droit public des Etats étrangers seront reconnues en Suisse mais à des conditions très précises, qui ne sont pas réalisées en l’espèce.

III. – EXAMEN CRITIQUE

Cette décision est intéressante à plus d’un titre, ne serait-ce déjà que par son état de fait. Les questions juridiques relatives à la circulation internationale de biens culturels sont souvent centrées sur la vente internationale de tels biens, beaucoup moins sur la création et la réalisation de gages. Or le présent arrêt montre que des intérêts très substantiels peuvent se cacher derrière de telles opérations : en l’espèce la mise en gage des deux pièces d’or a permis un prêt de vingt-cinq millions de dollars.

9 En effet, certains témoignages faisaient état de la présence en Suisse des pièces d’or depuis les années 1950, soit avant l’adoption de la loi indienne de 1972.

10 ATF 123 II 134 ; voir à ce sujet : P. LALIVE, “Réflexions sur un ordre public culturel” in : L’extranéité ou le dépassement de l’ordre juridique étatique, Paris (1999), 155 ss.

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L’intérêt des considérations du Tribunal fédéral réside aussi dans son affirmation claire de la non-rétroactivité des textes applicables en la matière, qu’il s’agisse des Conventions de l’UNESCO ou d’UNIDROIT ou de la loi suisse (la LTBC).

Quant à l’application du droit suisse et des principes relatifs à la bonne foi de l’acquéreur ou, in casu, du créancier gagiste, l’analyse approfondie de la question ne soulève pas de critique particulière, elle est au contraire fondée et conforme à l’évolution jurisprudentielle suisse en la matière 11. Tout au plus pourra-t-on regretter le refus du Tribunal fédéral de réexaminer sa jurisprudence selon laquelle une exportation illicite – à supposer qu’elle soit établie – n’affecte pas la bonne foi de l’acquéreur du droit réel, au motif que les règles sur l’exportation ne concernent pas la propriété du bien, mais son statut en droit administratif.

Par ailleurs, comme si souvent en matière de trésors nationaux, l’état de fait de ce litige est riche en enseignements historiques, qu’il s’agisse de l’origine de ces pièces frappées à l’époque de la dynastie moghole du XVIIe, de leur appartenance aux biens privés du dirigeant de la principauté indienne d’Hyderabad jusqu’à l’indépendance des Indes et du transfert du pouvoir des États indépendants à l’Union de l’Inde en 1949. Une question historique fort intéressante, et qui n’est pas discutée dans cet arrêt, est celle de l’État de provenance des pièces puisque le catalogue de la vente aux enchères de 1987 indique clairement que l’une d’entre elles, la plus grosse, a été frappée à Agra (aujourd’hui en Inde), alors que l’autre l’a été à Lahore (aujourd’hui au Pakistan). La question épineuse aurait ainsi pu être de savoir s’il n’eût pas fallu reconnaître l’appartenance de cette seconde pièce d’or au patrimoine culturel pakistanais, plutôt qu’indien avec les complications juridiques que l’on peut imaginer …

Quant au raisonnement juridique suivi par le Tribunal fédéral, deux points nous paraissent critiquables, l’un concernant l’application du droit public étranger, l’autre le droit comparé.

À propos de l’application du droit public étranger, ou plutôt sa non application, le Tribunal fédéral affirme péremptoirement que le droit public indien “ne saurait trouver appli- cation hors du territoire de l’Union de l’Inde” 12. Quel retour en arrière ! Il y a en effet fort longtemps que le principe de l’inapplicabilité du droit public a été battu en brèche par la doctrine et qu’il a même été spécifiquement rejeté par la législation suisse qui, à l’article 13 in fine LDIP, spécifie que “l’application du droit étranger n’est pas exclue du seul fait qu’on attribue à la disposition un caractère de droit public”. Comme le relève le Message du Conseil fédéral à l’appui de la LDIP, le but de cette disposition était précisément de vaincre les réti- cences du Tribunal fédéral face à l’application du droit public étranger 13. La décision ici commentée semble faire fi de manière injustifiée de cette importante évolution législative suisse.

Dans le domaine spécifique des biens culturels, le Tribunal fédéral tire argument du système d’accords bilatéraux mis en place par l’article 7LTBC pour en déduire qu’hormis de tels accords il n’y a pas lieu de tenir compte des règles étrangères interdisant l’exportation de biens culturels. Cela ne semble toutefois compatible ni avec l’objectif général de la Convention de l’UNESCO de 1970 ni avec celui de la LTBC dont l’article 1 al. 2 indique, sous forme de programme législatif, que “par la présente loi, la Confédération entend contribuer à protéger le patrimoine culturel de l’humanité et prévenir le vol, le pillage ainsi que l’exportation et l’importation illicites des biens culturels”. C’est dire que la LTBC n’a pas un rôle exclusif dans la

11 GABUS / RENOLD, supra note 1, art. 32 n° 11 à 13.

12 ATF 131 III 418, 424.

13 Message concernant une loi fédérale sur le droit international privé du 10 novembre 1982, FF 1983 I 255, 299-300.

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lutte contre le trafic illicite, et que le législateur n’entend pas, nous semble-t-il, proscrire d’autres moyens de lutte contre ce trafic illicite. Si donc, par le biais d’autres mécanismes de droit international privé, par exemple la prise en considération de dispositions impératives du droit étranger tel de prévu à l’article 19LDIP, ce résultat peut être atteint, cela nous paraît tout à fait conforme à l’ordre juridique suisse.

Quant au rôle du droit comparé, il nous semble qu’il doit être appréhendé avec une grande prudence. S’il est indiscutablement source d’enseignements, surtout dans une matière comme celle-ci où les décisions judiciaires sont relativement peu nombreuses, il doit être utilisé de manière à faire ressortir d’une façon aussi exhaustive que possible les solutions retenues à l’étranger. Ainsi, il est certes louable que le Tribunal fédéral fasse référence à l’affaire Attorney General of New York v. Ortiz pour justifier la non applicabilité du droit public étranger, mais, ce faisant, il omet de citer une décision allant dans le sens contraire, la non moins célèbre décision du Bundesgerichtshof allemand concernant les statuettes nigérianes 14. En effet, dans cet arrêt, la juridiction suprême allemande a reconnu la nullité d’un contrat d’assurance soumis au droit allemand, mais concernant des biens culturels, en l’occurrence six statuettes Nok, illicitement exportés du Nigeria. Ainsi, si le Tribunal fédéral suisse avait voulu faire un tour complet et objectif de la question, il eût dû ne pas s’arrêter au seul cas anglais précité. Dans ce sens, si le droit comparé peut indiscutablement aider, il doit à notre avis être utilisé de manière équilibrée et nuancée.

Pour conclure, on retiendra que l’arrêt du Tribunal fédéral suisse sur les pièces d’or anciennes est une décision riche en contenu et fort intéressante du point de vue de la protection internationale des biens culturels. Même si l’on peut critiquer le raisonnement suivi à cause de la réticence du Tribunal fédéral face à l’application du droit public étranger, il n’est cependant pas sans intérêt de relever que la Suisse, malgré le fait qu’elle n’ait pas ratifié la Convention d’UNIDROIT de 1995, est l’un des rares États, nous semble-t-il, à en faire régulièrement mention dans sa jurisprudence.

14 Bundesgerichtshof, 22 juin 1972, Allg Vers G.H. c/ E.K., BGHZ 59, 88 = International Law Reports 73 (1987) 226.

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