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Enquête sur les vins valaisans du Moyen Age à 1850 : ce que révèlent les documents d'archives, les visites de caves, les techniques des experts et les témoignages de consommateurs

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Enquête sur les vins valaisans

du Moyen Age à 1850

Ce que révèlent les documents d’archives,

les visites de caves, les techniques des experts

et les témoignages des consommateurs

Arnaud MEILLAND, Christine PAYOT(Bureau Clio)

Depuis 2004, le Musée Valaisan de la Vigne et du Vin (MVVV) collabore avec le Bureau Clio pour mener des recherches historiques sur la vigne et le vin en Valais1. Plusieurs publications et rapports scientifiques ont vu le jour: en plus

de l’ouvrage de référence publié en 20092, plusieurs thèmes, choisis pour leur

originalité ou leur actualité, ont été étudiés: le vignoble de Conthey-Vétroz aux XIVe-XVesiècles3, l’histoire du vignoble de Sion4, la tonnellerie valaisanne5ou,

plus récemment, les murs en pierres sèches6.

Abréviations utilisées: AASM: Archives de l’abbaye de Saint-Maurice; AB: Archives bourgeoi-siales; AC: Archives communales; ACS: Archives du chapitre de Sion; AEF: Archives de l’Etat de Fribourg; AEV: Archives de l’Etat du Valais; AGSB: Archives du Grand-Saint-Bernard; AP: Archives paroissiales; ATL: Archives de Torrenté, Livres; CPT: Comptes; CHL: Chancellerie; CHN: Chanoine; CREPA: Centre régional d’études des populations alpines; GREMAUD: Jean GREMAUD, Documents relatifs à l’histoire du Vallais, 8 volumes, Lausanne, 1875-1898 (Mémoires et documents publiés par la Société d’histoire de la Suisse romande, 1re série, t. 29-33, 37-39); MIN: Minutaire; MVVV: Musée Valaisan de la Vigne et du Vin; REC: Reconnaissances; Th: Thèque; Tir: Tiroir.

1 Nous tenons à exprimer nos remerciements à Anne-Dominique Zufferey, directrice du MVVV, qui nous fait confiance depuis déjà 10 ans.

2 Anne-Dominique ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais: des origines à nos jours, Sierre/Salquenen-Gollion, 2009, 575 p. Le Bureau Clio a travaillé principalement à réunir un large corpus documentaire (archives et illustrations) pour le XIIe-XIXesiècle, qui a servi de base à la rédaction de la partie ancienne de l’ouvrage par Pierre Dubuis. Six encarts ont égale-ment été rédigés: ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais, p. 196-197, 198-199, 200-205, 206-207, 208-209 et 210-211.

3 Christine PAYOT, Denis REYNARD, «La vigne dans les ancêtres des cadastres. Région de Conthey et de Vétroz, XIVe-XVesiècles», dans Vallesia, 60 (2005), p. 311-346.

4 Arnaud MEILLAND, Christine PAYOT, Historique du vignoble de Sion, Rapport scientifique, 27.08.2008, 43 p. + annexes.

5 Cristina BUCHARD, Arnaud MEILLAND, Christine PAYOT, «Quelques aspects de la tonnellerie valai-sanne du XIIIeau XIXesiècle», dans Anne-Dominique ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Et le tonneau fût!, Sierre, 2008.

6 Arnaud MEILLAND, Christine PAYOT, Recherches historiques sur les murs en pierres sèches du vignoble valaisan, Rapport d’activités N°1, 30.12.2009, 26 p., et Rapport d’activités N°2, 30.12.2010, 39 p. Arnaud MEILLAND, Christine PAYOT, «Les murs du vignoble valaisan: état des

lieux des découvertes (XIIIe-XIXesiècles)», dans Vallesia, 66 (2011), p. 241-300. Anne-Domi-nique ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Murs de pierres, murs de vignes, Sierre-Gollion, 2012, 263 p.

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En 2012, le Musée a souhaité poursuivre cette collaboration en s’intéressant cette fois-ci aux vins valaisans anciens, antérieurs à 1850, un sujet qui suscite un grand intérêt de la part du public7. Aujourd’hui nous ne pouvons

malheureuse-ment plus goûter ces crus. Il est donc difficile de s’en faire une idée concrète. Pourtant, une source d’information peut encore nous en dire quelque chose: les archives. Que peuvent-elles bien raconter? L’ensemble des recherches menées ces dernières années sur la vigne et le vin en Valais a mis au jour de nombreuses données concernant ces vins anciens. Elles se retrouvent pourtant disséminées dans plusieurs articles, rapports ou ouvrages, et n’ont jamais été réunies à ce jour. Le présent travail a consisté à rassembler cette matière, à la trier, et, quand cela était envisageable, à approfondir, au cas par cas, les connaissances8.

Le choix d’une date limite fixée à 1850 est une décision arbitraire qui se fonde principalement sur les changements importants que connaît l’agriculture en Valais dans la seconde moitié du XIXesiècle, sous l’impulsion notamment des sociétés

agricoles qui voient le jour. Les connaissances viticoles se développent entre autres grâce aux ampélographes étrangers qui viennent visiter les vignobles valai-sans et qui l’analysent minutieusement9. La viticulture bascule alors dans une

autre ère. La documentation suit en devenant plus technique et pointue. Dans un souci de cohérence et d’unité, nous avons donc choisi de nous arrêter au milieu du XIXesiècle.

La documentation écrite offre plusieurs possibilités d’aborder le thème de la qualité de ces vins anciens. Nous avons privilégié quatre pistes différentes qui éclairent, chacune à leur manière, notre sujet. La première consiste à analyser avec attention les termes utilisés pour décrire ces vins: ce vocabulaire est-il suffisam-ment riche et précis pour se faire une idée de la qualité et de la saveur de ces vins? La deuxième piste suit la trace des vins jusqu’à la cave: que va-t-on découvrir lors de la visite de plusieurs d’entre elles? La troisième s’intéresse aux soins prodigués aux vins par des experts en la matière: que nous révèlent les recettes qu’ils utili-sent, les techniques qu’ils pratiquent ou les conseils qu’ils prodiguent? Enfin, la quatrième piste interroge les témoins, consommateurs locaux ou voyageurs étran-gers, qui ont goûté ces vins: quelles ont été leurs impressions? Ont-ils apprécié ou au contraire détesté ce vin offert le plus souvent en quantité généreuse et avec empressement et fierté?

Malgré l’étendue de la période étudiée, ces quatre angles d’approche devraient permettre d’esquisser un portrait assez précis de ces vins. Nous verrons si c’est effectivement le cas.

7 Nous avons pu le vérifier lors de conférences données depuis plusieurs années.

8 Deux rapports d’activités sont disponibles au MVVV: Arnaud MEILLAND, Christine PAYOT, Recherches historiques sur le goût des vins valaisans avant 1850, Rapport d’activités N°1, 13.02.2013, 46 p., et Rapport d’activités N°2, 27.01.2014, 9 p. Nos recherches complémentaires ont surtout porté sur les voyageurs qui ont traversé le Valais et qui ont laissé des commentaires sur les vins.

9 Marc MICHELI, «Description et synonymie des cépages cultivés dans le canton de Genève et notes sur quelques cépages valaisans. Communiqué à la Commission internationale ampélographique, le 23 septembre 1878», dans Bulletin de la Classe d’Agriculture de la Société des Arts de Genève, 76 (1878), p. 192-204; Victor PULLIAT, «Les vignobles du Haut-Rhône et du Valais», dans Bulletin

de la Société des agriculteurs de France(1885), p. 654-671, 680-689, 709-722; Arthur CADORET, «La vigne dans le Valais», dans Progrès agricole et viticole, 43 (1900), p. 518-523, 539-544; Eugène DURAND, «A travers le Valais. Notes sur ses cultures arbusives», dans La vigne américaine et la viticulture en Europe, 1903, p. 83-89, 110-113, 157-160, 181-183; Adrien BERGET, «Etude

ampélographique des vignobles du Léman, du Valais et du Val d’Aoste», dans Revue de viti -culture, 502 (1903), p. 117-122, 149-154, 177-181, 298-300, 351-354, 377-381.

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Des mots pour humer et déguster les vins d’autrefois

«Faute de pouvoir goûter les vins anciens, humons les mots qui les désignent dans les textes». Voilà comment débute l’analyse de Pierre Dubuis sur les goûts et les couleurs du vin dans l’Histoire de la vigne et du vin en Valais10. Il n’est

en effet plus possible aujourd’hui de déguster ces vins à jamais disparus. Les documents d’archives nous apportent pourtant une quantité d’informations. Sans remplacer la dégustation et tout en renvoyant à un système de valeurs différent du nôtre, ils nous fournissent des éléments qui leur redonnent un peu corps.

Les informations que nous avons récoltées dans les archives et dans les études récentes s’étendent du XIIIeau XIXesiècle. En sept siècles, les goûts ont

inévita-blement changé, les réalités aussi. Malgré cette contrainte, nous avons choisi de rassembler les termes par catégories et de les traiter de manière synchronique. La deuxième partie consacrée aux inventaires de caves, une des documentations les plus riches sur le sujet, permettra une approche plus contextuelle.

Un vocabulaire rudimentaire

Avant 1850, le vocabulaire utilisé dans les documents d’archives pour «écrire» le vin est plutôt sommaire. Cette pauvreté du verbe contraste fortement avec la terminologie sophistiquée du monde œnologique d’aujourd’hui. Ce constat ne constitue pas véritablement une surprise puisque les rédacteurs de l’époque ne cherchent pas à décrire les vins. Ils se contentent, selon les contextes de production des documents, de quelques caractéristiques prépondérantes qui leur permettent de distinguer un cru d’un autre. Le reste est tu, faute d’utilité. Pourtant, ce vocabulaire rudimentaire en dit déjà beaucoup sur les vins anciens. Voici une sélection de ce que l’on peut en dire11.

Le terme «vin» (vinum)

Arrêtons-nous pour commencer sur le terme vinum ou «vin». Aujourd’hui, son sens commun est: «boisson obtenue par la fermentation alcoolique de raisins frais, foulés ou non, ou de moûts de raisin»12. Avant 1850, le même mot colle à

plusieurs réalités différentes: il signifie à la fois raisin, moût, liquide en transfor-mation, et vin13. Il s’agit en quelque sorte d’un terme générique, qui peut à la fois

déterminer l’ensemble de ces états, ou l’un d’eux en particulier.

Les attestations sont nombreuses entre le XIIIe et le XIXe siècle. En voici

quelques exemples concernant le raisin: en 1216, Bernardier de Chalcro vend à Reimond de Conthay, chanoine de Sion, un cens de 4 setiers de vinum qui doit être pris dans sa vigne de Vois14. En 1239, Pierre de Rouma promet de payer chaque

année au chapitre de Sion quatre setiers de vinum in vinea de Valgirbout15. Au

XIVesiècle, la formulation «du vin qui croît sur cette vigne» (de vino crescente in

10 ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais, p.114.

11 Au début du projet, l’objectif était de rassembler toutes les connaissances sur les vins anciens. Pour des raisons de place, nous avons fait des choix. Des sujets comme le terroir ou la maturité du raisin n’ont pas été traités, même si la documentation aurait permis d’en dire quelque chose. 12 Définition tirée du Petit Larousse illustré, 2003, p. 1067.

13 Amélie CHAPUIS-FARDEL, «La vigne, son fruit et le travail des hommes. Vigne et vin au XIVe siècle à Ayent, Grimisuat et Savièse», dans Vallesia, 64 (2009), p. 86-89. Arnaud MEILLAND, «Aspects de la vitiviniculture valdôtaine à travers les comptes de cellérier de l’Hospice du Grand-Saint-Bernard (XVe-XVIe siècles)», dans Bulletin de l’Académie Saint-Anselme, 11 (2010), p.196.

14 GREMAUD, n°252. 15 GREMAUD, n°438.

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dicta vinea) est utilisée à plusieurs reprises notamment dans des actes enregistrés à la chancellerie de Sion16. Cette signification du mot «vin» est encore attestée au

XVIIIe siècle et même au XIXe siècle. Dans une lettre datée du 25 septembre

1758, une femme écrit à son fils, le capitaine de Lavallaz à Collombey; entre autres considérations, elle lui explique qu’à la veille des vendanges, «le vin [est] bein vere encore»17. Dans son cahier consacré à la gestion de ses vignes de Fully

et de Sion, le docteur Jean Joseph Emmanuel Gay note pour l’année 1822 qu’il n’a commencé les vendanges «que le 16 [septembre] à midi à cause d’un grand orage qui eut lieu au matin; en général le vin pouri au quart», même s’il s’en sort mieux que les autres18. L’année suivante, «le vin n’étant pas mûr», le docteur Gay ne

ven-dange que le 20 octobre et ajoute que son «vin a très bien mûri par ce renvois»19.

Cette diversité de sens complique parfois la compréhension des documents. Le contexte aide cependant dans la plupart des cas à se déterminer, même si, pour la période médiévale, les précisions sont souvent laconiques20.

Une distinction ancienne: la «fleur» et le «troylè»

Depuis le XIIIe siècle, la documentation témoigne d’une distinction entre

deux «vins» différents: la fleur (vinum de flore, floris) et le «troyle» (vinum de

trolly, trologium, trollis21). La fleur, également appelée vin de goutte, correspond

au jus obtenu des raisins sans qu’ils ne soient pressés, alors que le «troylè», dont le nom dérive du terme latin torcular (pressoir), s’obtient par pressurage; on l’ap-pelle aussi vin de presse22. Voici quelques exemples: en 1222, Jacques de Grellie,

chanoine de Sion, inféode à Guillaume Cocus une vigne contre une redevance tant en bon vin qu’en vin quod vulgo dicitur trollis23. Le 20 octobre 1335, une vigne

est acensée à Uvrier pour une rente de 8 setiers de meliori vino et primo flore

vini coste dictarum vinearum24. En 1358, Petellinus dou Tyl, habitant de Sion,

possède deux tonneaux de vin, dont un contient un muid de flori et l’autre un muid de trolys25. Le 30 janvier 1470, une rente de deux setiers de fleur de vin rouge bon

et recevable est vendue au notaire Pierre de Torrenté26. Dans son testament daté du

9 juillet 1439, Jean Pot, fils de feu Willermetus de Molendino, lègue à sa mère Francza six setiers de vin, dont deux de vinum de torculari27. En 1744, dans une

cave sédunoise, le vin est réparti dans les tonneaux selon qu’il est de fleur ou de «trolliez»; les deux sont parfois mélangés28. En 1820, le docteur Jean Joseph

Emmanuel Gay note, dans un cahier consacré aux vendangeurs de Fully qui

16 CHAPUIS-FARDEL, «La vigne, son fruit et le travail des hommes», p. 86. 17 AEV, Supersaxo I, 4/2/80.

18 AEV, Ambuel, R 16, p. 8. 19 AEV, Ambuel, R 16, p. 41.

20 MEILLAND, «Aspects de la vitiviniculture valdôtaine», p. 196. AMMANN-DOUBLIEZ, «Trois vieux cépages valaisans: neyrun, humagny et regy. Edition, traduction et commentaire d’un texte de 1313», dans Vallesia, 62 (2007), p. 221-222.

21 On trouve également l’expression: vinum de despense (voir Chantal et Hans-Robert AMMANN, «Vin et sorcellerie: de la vigne au pressoir. Vendanges dans les archives valaisannes (XVe -XVIIesiècles)», dans Vallesia, 60 (2005), p. 351).

22 CHAPUIS-FARDEL, «La vigne, son fruit et le travail des hommes», p. 89; AMMANN, «Vin et sorcel-lerie», p. 349.

23 GREMAUD, N°300. 24 ACS, Min. B 12, p. 82.

25 Chantal AMMANN-DOUBLIEZ, «Tonneaux du Moyen Age et des Temps modernes dans les caves valaisannes», dans ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Et le tonneau fût, p. 17.

26 ACS, Th. 80-75. 27 ACS, Min. A 76, p. 149.

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travaillent dans ses vignes, qu’il a laissé au pressoir une tine de «vin blanc fleur»29. Cette distinction est attestée jusqu’au XXesiècle30.

Vin de fleur et vin de presse n’ont pas la même qualité. La différence est en tout cas suffisante pour que les hommes les distinguent l’un de l’autre dans les textes. Le premier est considéré comme un produit meilleur que le second. Il existe d’ailleurs des équivalences pour le vin de fleur qui trahissent plus claire-ment sa qualité supérieure: vin pur (vinum purum, vinum merum), mais aussi moût (mustum) et «malta»31.

Une autre distinction ancienne: vin rouge et vin blanc

Les mentions de vin blanc (vinum album) et de vin rouge (vinum rubeum) deviennent de plus en plus fréquentes dans les textes dès le XIIIe siècle. Les

exemples sont nombreux. En voici quelques-uns: en 1291, Pierre Durand de Vouvry, son épouse Perrette et leurs enfants vendent à Pierre de Mallye, bourgeois de Vevey, pour 10 livres lausannoises un cens annuel de 10 setiers de vin blanc32.

En 1298, Girod dit Malmela, de Saint-Maurice, et sa femme Jaquemeta Li Bonery vendent à Martin Calli, bourgeois de Saint-Maurice, deux setiers de vin blanc33.

Le 28 février 1431, une reconnaissance fait état d’une redevance notamment en vin rouge due au prieuré de Vétroz appartenant à l’abbé de Saint-Maurice sur une pièce située en Seron (Vétroz)34.

Les couleurs rouge et blanc sont des éléments déterminants souvent utilisés par les rédacteurs pour distinguer les vins entre eux. Il s’agit d’un des critères distinctifs les plus employés. A la fin du XIVe siècle et au XVe siècle, les

rede-vances et rentes en vin perçues par l’abbaye de Saint-Maurice se font en vin rouge et en vin blanc35. L’inventaire de la cave de Jean Chevallier dressé en 1467 fait

mention de trois tonneaux de vin rouge et un de blanc36. A partir de 1468, les

cellériers de l’hospice du Grand-Saint-Bernard répertorient dans leurs comptes les achats de vin, selon qu’il est rouge ou blanc notamment37. En 1613, l’inventaire de

la cave de l’hôpital de Sion distingue les tonneaux remplis de vin rouge de ceux remplis de vin blanc38. L’usage de ces deux couleurs reste très fréquent dans les

textes jusqu’au XIXe siècle, malgré l’intensification de l’emploi des noms de

cépages dès le XVIIIesiècle.

29 AEV, Ambuel, R 27, p. 6.

30 Isabelle RABOUD-SCHÜLE, «La ‘fleur’ et le ‘trolyè’», dans Anne-Dominique ZUFFEREY-PÉRISSET (dir.), Le temps du pressoir, Sierre-Salquenen, 2002, p. 12-16.

31 CHAPUIS-FARDEL, «La vigne, son fruit et le travail des hommes», p. 88-89; AMMANN, «Vin et sor-cellerie», p. 349. La signification du terme «malta» reste inconnue, même si elle semble être proche de mustum (voir CHAPUIS-FARDEL, «La vigne, son fruit et le travail des hommes», p.

88-89; AMMANN, «Trois vieux cépages valaisans», p. 227, note 20). 32 AASM, CHL 0/0/1/958.

33 AASM, CHN 19/1/7. 34 AASM, REC 105, Pg 2-3.

35 Gaëlle BOURGUINET, Vignes de chanoines, vignes de bourgeois: la vigne aux environs de Saint-Maurice au Moyen Age, 2 vol., mémoire de licence présenté à l’Université de Genève, 2007, vol. 1, p. 118.

36 ACS, Min. A 243, p. 125-127; AEV, ABS, tir. 12, N°44; références tirées d’Antoine LUGON, «Lieux et gens de Bramois du bas Moyen Age au milieu du XVIIIesiècle», dans Annales valai-sannes, 60 (1985), p. 177.

37 Arnaud MEILLAND, L’approvisionnement en vin de l’Hospice du Grand-Saint-Bernard à la fin du Moyen Age: le témoignage des comptes de cellérier (1397-1530), 2 vol., mémoire de licence présenté à l’Université de Lausanne, 2006, vol. 1, p. 91.

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Deux mentions de vin noir (vinum nigrum) ont également été découvertes dans les comptes du curé de Saint-Léonard en 158039. Elles font écho aux vins «si

noir et espes, qu’on en pourroit faire de l’encre» de la région de Sion et Sierre que Sébastian Münster cite dans sa Cosmographie en 154440, ainsi qu’au cépage

neyrun cité dans un document de 131341. Les mentions de cépages

Les mentions de cépages apparaissent dans la documentation valaisanne dès le début du XIVesiècle. Il faut cependant attendre le XVIe siècle pour que leur

emploi devienne significatif et le XVIIIesiècle pour qu’il devienne plus

systéma-tique. Ces dernières années, les recherches et études sur le sujet se sont multi-pliées42.

Les découvertes récentes permettent de dresser une chronologie des premières mentions jusqu’en 1850: humagne (1313), rèze (1313), neyrun (1313)43, muscat

(vers 1360-1401)44, blantschier (1540)45, gouais (1540)46, heida (1586)47, arvine

(1602)48, lafnetscha (1627)49, diolle (1654)50, malvoisie (1675)51, amigne

(1686)52, himbertscha (1770)53, bailloz (1812)54, chasselas (vers 1780-1830)55,

39 ACS, Th 3-24, fol. 146r. et 148r (voir Chantal AMMANN-DOUBLIEZ, «Trois vieux cépages valai-sans», p. 236, note 65).

40 Voir annexe 4.

41 AMMANN-DOUBLIEZ, «Trois vieux cépages valaisans», p. 236.

42 Nous avons commencé nos recherches sur les mentions de cépages dès 2004 dans le cadre de nos travaux pour l’ouvrage Histoire de la vigne et du vin. Nous avons créé un tableau qui ras-semble les informations utiles pour chaque mention (date, lieu, cépage, vin, texte, référence archivistique, remarques). A la fin du projet, en 2007, le tableau faisait 60 pages. Sur notre modèle, Chantal Ammann a listé ses découvertes tirées des archives du chapitre de Sion. Tout ce matériel a été transmis à José Vouillamoz, spécialiste de l’ADN des cépages, pour qu’il puisse comparer les données historiques aux données biologiques. Il a ensuite utilisé ces données pour ses publications (voir les encarts sur les cépages dans ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais; José VOUILLAMOZ, Giulio MORIONDO, Origines des cépages valaisans et valdôtains, l’ADN rencontre l’histoire, Pontarlier, 2011, 223 p.).

43 Ces trois désormais fameux cépages ont connu une abondante publication: GREMAUD, N°1356, p. 235; Henri WUILLOUD, «Le ‘Rouge du Pays’ ou ‘Vieux rouge du Valais’», dans Essai d’ampé-lographie valaisanne, tiré à part du Valais agricole, Sion, 1953, p. 3-20; Paul AEBISCHER, «Elucu-brations bachiques et étymologiques sur les noms des vieux cépages valaisans», dans Les propos de l’ordre de la channe, 2 (1959), p. 19 et 28; Jean NICOLLIER, «Les cépages du vignoble valaisan autrefois et dans le vingtième siècle», dans Les propos de l’ordre de la channe, 29 (1985), p. 23; Claude-Henri CARRUZZO, Cépages du Valais, Chapelle-sur-Moudon, 1991, p. 15, 71, 74-75 et 89; AMMANN-DOUBLIEZ, «Trois vieux cépages valaisans», p. 221-260; José VOUILLAMOZ, «Premières

mentions de cépages dans le Registre d’Anniviers», dans ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais, p. 84-85; VOUILLAMOZ, MORIONDO, Origine des cépages, p. 22-24. 44 AASM, CPT 100/0/139, fol. 17 r.

45 Bernhard TRUFFER(éd.), Die Walliser Landrats-Abschiede seit dem Jahre 1500, t. 3, Sion, 1973, p. 242, 9 (21.09.1540).

46 Ibidem.

47 AB Viège, A 280, p. 5 (29.11.1586).

48 AEV, Evêché de Sion, 1982/59, comptes d’Adrien de Riedmatten, fol. 240 r.

49 Archives de Niedergesteln, sans référence (communication personnelle de Philipp Kalbermatter; cité dans VOUILLAMOZ, MORIONDO, Origine des cépages, p. 144).

50 ACS, Calendes 20 b/4, p. 153. 51 AEV, AV L 480, p. 10 b. 52 AEV, AV L 482, p. 27. 53 AEV, AV L 140, p. 7.

54 Hildebrand SCHINER, Description du département du Simplon ou de la ci-devant république du Valais, Sion, 1812, p. 475.

55 Jean NICOLLIER, «Les observations de Joseph-François Luder (1763-1830) sur le travail des vignes et la manipulation des vins», dans Vallesia, 22 (1967), p. 170, n°22 (fendant).

(7)

goron (1820)56, pinot noir (1848)57. Rappelons que ces premières mentions ne

correspondent pas à la date d’introduction du cépage sur le territoire valaisan, mais simplement à leur première apparition dans la documentation écrite. Des recherches complémentaires pourraient d’ailleurs modifier cette chronologie. Nous en voulons pour preuve la découverte inédite d’une mention d’achat de mus-cat (vinum mosmus-catel) dans une comptabilité tenue pour l’abbaye de Saint-Maurice entre 1360 et 1401 et concernant diverses redevances sur la vallée de Bagnes58.

Cette découverte vient «vieillir» de près de 150 ans la première mention de muscat dans la documentation valaisanne59.

La fréquence de ces mentions dans les documents varie fortement d’un cépage à l’autre: le muscat et l’humagne se rencontrent fréquemment; la rèze, le gouais, la malvoisie et l’arvine un peu moins; les autres sont relativement rares, comme l’amigne dont seules deux attestations antérieures à 1850 ont été découvertes60.

Ces disparités peuvent s’expliquer de différentes manières: par exemple par la présence plus importante d’un cépage plutôt qu’un autre dans le vignoble valai-san, ce qui semble être le cas de l’humagne, ou par l’influence d’une caractéris-tique particulière d’un cépage, comme la douceur du muscat.

Autre fait remarquable, jusqu’au XIXesiècle, seuls les cépages de vin blanc

sont cités dans les documents. Aucune mention de cépages de rouge n’a été ren-contrée. Est-ce un argument pour avancer que le vin blanc est plus répandu dans les vignobles valaisans? Ou peut-être que la diversité des vins rouges est faible? A l’heure actuelle, aucun élément ne peut expliquer cette situation.

Si elles viennent compléter nos connaissances sur les vins anciens, ces men-tions doivent cependant être prises avec précaution. Rien ne permet en effet de démontrer scientifiquement que tel cépage correspond au même aujourd’hui: qu’est-ce qui nous prouve, par exemple, que la rèze citée en 1313 correspond à la rèze d’aujourd’hui, ou que l’arvine de 1602 correspond à celle du XXIe siècle?

Pour répondre à cette question, il aurait fallu conserver jusqu’à nos jours des échantillons des vins de l’époque ou des pépins de raisins qui auraient permis des analyses ADN. En l’absence de telles informations, il est impossible de se déter-miner de manière absolue. D’ailleurs plusieurs indices montrent qu’il faut être prudent. Nous avons rencontré quelques textes qui attestent que le muscat ou la malvoisie sont parfois fabriqués à partir d’autres cépages61; de même Paul

Aebischer dans son article sur l’arvine, la rèze et la durize se fonde sur une citation d’un ampélographe qui remonte au début du XXe siècle pour affirmer que «[le]

nom d’arvine est assez fréquemment donné à des cépages en réalité tout différents: ‘dans une commune – dit [E. Durand] – le nom d’Arvine est convena-blement appliqué, alors que dans la commune voisine il désigne une autre vigne’,

56 AEV, Ambuel, R 16, p. 45.

57 Cité dans ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais, p. 522.

58 AASM, CPT 100/0/139, fol. 17r: Librata facta domino albati […] de predictis: […] primo pro vino moscatel et pro nuncio qui init que situm: II [solidos] […] Pro vino muscatel: II [solidos]. Ce vin muscat livré à l’abbé provient peut-être de Vétroz, lieu mentionné dans ce livre de compte au folio suivant (vinum rubeum de Vertro).

59 L’ancienne première mention date de 1535-1536 (voir AMMANN-DOUBLIEZ, «Trois vieux cépages valaisans», p. 237). Il faut toutefois préciser que du muscat valdôtain est consommé à l’hospice du Grand-Saint-Bernard au XVe siècle et qu’il est parfois envoyé à l’évêque de Sion (voir MEILLAND, L’approvisionnement en vin, 1, p. 90-93, 121, 122).

60 AEV, AV L 482; AEV, Augustin de Riedmatten I, P 273. 61 Voir annexe 3.

(8)

le silvaner parfois, la rèze également»62. Ces confusions volontaires ou

involon-taires sont autant de mises en garde contre une interprétation unilatérale de ces données. Les mentions de cépages constituent certes un indice solide, mais elles ne peuvent en aucun cas servir de preuve irréfutable de l’existence d’un cépage dans le vignoble valaisan à une certaine époque.

Les mentions d’autres vins

Outre le vin rouge, le vin blanc et les cépages, les documents attestent dès le XVIesiècle de l’existence en Valais d’autres vins particuliers, fabriqués grâce à

l’adjonction d’herbes, de racines ou de fruits ou importés de l’étranger.

On trouve ainsi des mentions de vin griset63ou de vin claret64, qui serait «un

vin à peine rosé provenant de raisins rouges pressés non cuvés ou faiblement»65

ou, selon d’autres sources, un vin épicé à base de vin rouge qui serait parfois chauffé66. Il y a également des attestations de fabrication d’hypocras67, un vin

épicé, de vin cuit68, de vin chaud69, de vin d’absinthe70, de vin de cerises71, de vin

de pommes72, de vin de gentiane73, de vin de palme74, de vin de Malaga75et de vin

de Lunel76, et des breuvages plus énigmatiques comme le vin des choux77ou le

vin du saint78. Il faut relever toutefois que, pour certaines boissons, notamment le

vin de pommes, il est difficile de savoir s’il s’agit d’un mélange entre du vin et des pommes, ou s’il s’agit de cidre. L’existence de recettes atteste en tout cas de vins mélangés à d’autres substances79.

62 Paul AEBISCHER, «Les noms de trois vieux cépages valaisans: l’arvine, la rèze et la durize», dans Vox Romanica, 2 (1937), p. 354.

63 AASM, CPT 500/0/3, fol. 13 r, 21 v (vers 1657-1662); AASM, CPT 500/0/5, fol. 20 v, fol. 58 r (1696); AASM, CPT 200/1/26, p. 11 et 13 (vers 1714); AEV, Charles Allet, R 9, p. 65 (1734). 64 AEV, AV L 480, p. 10b (vers 1671-1698); AGSB, ASBM L 2, 2epartie, p. 171 (vers 1709-1714). 65 NICOLLIER, «Les observations de Joseph-François Luder», p. 183.

66 Nicolas MORARD, «Les troubles du Valais vus à travers les comptes des trésoriers fribourgeois (1412-1419)», dans Vallesia, 33 (1978), p. 205, note 24. Cette hypothèse peut être corroborée par les comptes de Saint-Ours (Aoste) qui mentionnent à plusieurs reprises l’achat d’épices (can-nelle, poivre, gingembre,…) et de miel pour faire du claretum (voir MEILLAND, L’approvisionne-ment en vin, 1, p. 93, note 705).

67 AEV, AV L 480, p. 10 et 16 (vers 1675). L’hypocras est également consommé à l’hospice du Grand-Saint-Bernard aux XVe et XVIe siècles: les chanoines en achètent chaque année entre deux et quatre quarterons chez des apothicaires à Aoste, pour le consommer aux fêtes de Noël (voir MEILLAND, L’approvisionnement en vin, 1, p. 93).

68 AEV, AV 70, Bagnes, 18/3, p. 7.

69 Pierre DEVANTHEY, «Dossier relatif à la conjuration dite ‘des Crochets’ à Monthey, en 1791», dans Vallesia, 25 (1970), p. 194 (1791); Pierre FOLLONIER, «Vernamiège autrefois: souvenirs, légendes et contes», dans Annales valaisannes, 67 (1983), p. 43 (XXesiècle); AMMANN, «Vin et sorcellerie», p. 361.

70 AASM, CPT 400/0/3, page 7 (1699-1703); AEV, Barberini, N°51, p. 72 et 74 (vers 1758-1773); AASM, CPT 200/3/14, page 3 (1784-1786).

71 AEV, Barberini, N°51, p. 72 (vers 1758-1773).

72 AEV, Th. 73-42 e (1683); AASM, CPT 200/1/26, p. 11 (vers 1714).

73 AB Viège, F 13, fasc. 3, p. 46 (1607), voir AMMANN, «Vin et sorcellerie», p. 365. 74 AEV, Augustin de Riedmatten I, P 40, p. 113 (1697).

75 AEV, Ayent, Rp 5, p. 80. Vin liquoreux espagnol.

76 AEV, Ayent, Rp 5, p. 87. «Muscat de Lunel (Hérault), vin doux naturel produit à partir du muscat doré sur quelques communes de la région de Lunel, entre Nîmes et Montpellier.» (Marcel LACHI

-VER, Dictionnaire du monde rural: les mots du passé, Paris, 1997, p. 816). 77 AASM, CPT 500/0/3, fol. 51v (1661).

78 AEV, AV L 351, fol. 179r et 299 (1700 et 1698). 79 Voir annexe 3.

(9)

Des vins étrangers sont également présents en Valais, malgré la protection des produits locaux80: vins d’Italie81, vins de France82, vins de Chypre83, vins

de Bourgogne84, vins de la Vallée d’Aoste85 (notamment du muscat)86, vin de

Malaga87et vin de Lunel88. Ils sont surtout achetés par les familles aisées qui ont

les moyens de les importer. Les vins doux sont particulièrement recherchés89. Vin nouveau et vin vieux

Les textes distinguent parfois la production de l’année ou des années précé-dentes. Voici quelques mentions de vin nouveau: en 1467, dans la cave de Jean Chevallier de Bramois plusieurs tonneaux contiennent du vin de l’année (vinum

annis presentis). Gaspard Bérody, notaire, professeur puis chanoine de l’abbaye de Saint-Maurice, mentionne en 1617 dans sa chronique du novum vinum qui provient de ses propres vignes90. Le 15 octobre 1641, le capitaine Antoine de

Quartery fait venir 13 setiers de «vin nouveau» à la mesure de Martigny91. Deux

ans plus tard, il en achète 12 setiers92. Dans le livre de raison de Gaspard Antoine

Défago, il est fait mention en 1703 de «vin d’autun» qui a été avancé aux terriers des vignes de Martigny et que ces derniers doivent rendre93; il s’agit sans doute du

vin des dernières vendanges. Enfin, dans une lettre datée de 1831, Louis-Grégoire de Kalbermatten demande à sa femme d’acheter du «vin nouveau» pour remplir les tonneaux94.

Les mentions de vin vieux sont plus nombreuses. Comme les vins ne se conservent pas très longtemps, semble-t-il, l’ancienneté devient un critère parti-culier que les rédacteurs mentionnent pour distinguer ce type de vin de la masse des autres. En 1285-1286, l’abbaye de Saint-Maurice dépense 12 sous pro vino

veteri epmto [sic] pour l’abbé95. Le 25 août 1674, Jean de Montheys vend à un

80 ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais, p. 134-135. 81 AEV, Augustin de Riedmatten I, P 40, p. 5 (1694).

82 ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais, p. 137. 83 AEV, de Rivaz, Rz 25/9/20, p. 3 (1755).

84 AEV, de Rivaz, Rz 210/A, fol. 13r (1785).

85 L’importation de vins depuis la vallée d’Aoste est attestée depuis le XVe siècle (voir Pierre DUBUIS, Une économie alpine à la fin du Moyen Age. Orsières, l’Entremont et les régions voi-sines (1250-1500), 2 vol., Sion, 1990 (Cahiers de Vallesia, 1), vol. 1, p. 134 et 278-283; Hans-Robert AMMANN, «Quelques aspects de l’importation du vin valdôtain en Valais au XVIesiècle»,

dans Vigne et vini nel Piemonte moderno, L’Arciere, 1992, p. 461-480; Hans-Robert AMMANN, «Import von Aostatalerwein ins Wallis. Ein Beitrag zum inneralpinen Handel in der Frühen Neu-zeit», dans Louis CARLEN, Garbiel IMBODEN(éd.), Der Wein in den Alpenländern. Vorträge des vierten internationalen Symposiums zur Geschichte des Alpenraums, Brig 1995, Brig, 1997, p. 173-206.

86 AEV, de Rivaz, Rz 70/27, fol. 7r (1780).

87 AEV, de Rivaz, Rz 70/27, fol. 7r (1780); AEV, de Rivaz, Rz 210/A, fol. 13r (1785); AEV, Ayent, Rp 5, p. 80 (vers 1825-1872).

88 AEV, de Rivaz, Rz 70/27, fol. 7r (1780); AEV, Ayent, Rp 5, p. 87 (vers 1825-1872). 89 ZUFFEREY-PÉRISSET(dir.), Histoire de la vigne et du vin en Valais, p. 137.

90 Chronique de Gaspard Bérody, Le mystère de Saint-Maurice et de la légion thébéenne, éditée par Pierre Bourban, Fribourg, 1894.

91 AEV, Jean Marclay, Rb, fol. 164v. 92 AEV, Jean Marclay, Rb, fol. 132. 93 AEV, AV L 394, fol. 1.

94 AEV, Louis de Kalbermatten, N°206, p. 1. Autres occurrences de vin nouveau: «musquat noveau» en 1675 (AEV, Supersaxo I, 7/2/51, p. 12); «vin blanc nouvaux du meilleur», en 1702 (AEV, Philippe de Torrenté, ATL 5, N° 97, fol. 345r et 346v); «rouge nouveau» et «humaigne nouveau» en 1775 (AEV, Barberini, N°52, p. 50).

95 Lionel DORTHE, «La plus ancienne comptabilité générale de l’abbaye de Saint-Maurice (1285-1286): une contamination du modèle savoyard? Présentation et édition», dans Vallesia, 63 (2008), p. 269.

(10)

individu de Conthey deux setiers de «vielle arvina»96. L’année suivante, le 7

jan-vier, il vend à Jean Bovier de Vex deux setiers de «vin vieulx»97 destinés à

Palliola, la femme de l’acheteur, et, le 7 mars, deux setiers et un demi-pot de «vieulx» au lieutenant Pitteloud pour «des noces»98. Dans un livre de raison

de l’abbaye de Saint-Maurice, à la date du 16 décembre 1679, il est noté qu’un quarteron de «vin vieux» a été livré à la femme du charretier99. Le 15 octobre

1694, Pierre Maurice de Riedmatten note pour mémoire dans ses comptes de ménage que sa cousine lui doit un setier de «viellie humagne» qu’il a donné «au couche ou baptisé de son fils» en octobre 1693100. Un autre livre de raison de

l’ab-baye de Saint-Maurice contient deux ventes de «vin vieux» en 1697 et 1699101.

L’inventaire de la cave de l’abbaye vers 1714 contient un tonneau de «vin vieil d’humagnes de Vétroz»102. Dans le compte pour les enfants de feu le capitaine

du dizain Ambuel, il est fait mention d’«humagne vielle gaté» en 1778103. Le

17 mars 1802, Charles Emmanuel de Rivaz achète au président de Grimisuat un setier de «vin muscat vieux»104.

Une partie de ces textes semblent indiquer que le vin vieux est un vin recher-ché et qu’il est consommé dans des occasions particulières comme les mariages et les baptêmes. L’anecdote qui suit illustre bien ce constat: dans une chronique conservée aux archives de l’abbaye de Saint-Maurice et rédigée au milieu du XIXe

siècle, l’incendie de Sion, qui détruit une grande partie de la ville en 1788, est relaté. Quelques détails permettent de mieux cerner la valeur que peuvent repré-senter ces vins:

Dans ce grand incendie (à Sion), les châteaux de Tourbillon et de Valère105

s’écroulè-rent sous les flammes; c’est dans ce dernier lieu qu’étaient renfermées les archives de l’Etat et une collection complète des portraits de tous les évêques du Valais (plutôt à la Majorie) depuis S. Théodule jusqu’alors. Ce fut une perte immense pour la

science, mais ce qui fut le plus navrant c’était, selon Schinner106, de voir des tonneaux

entiers remplis de bonne et vieille humagne ensevelis sous les décombres sans que personne put en profiter. Désolation d’un ivrogne mêlant ses lamentations burlesques au ton sinistre du beffroi…

Un peu plus loin dans la chronique, l’incendie est décrit avec plus de préci-sion. On trouve notamment:

Par un mouvement instinctif, chaque bourgeois, trop grand seigneur pour se laisser

brûler107ainsi, s’était retiré pour mettre en un abri difficile à trouver ses objets les

196AEV, Supersaxo I, 7/2/51, p. 9. 197AEV, Supersaxo I, 7/2/51, p. 12. 198AEV, Supersaxo I, 7/2/51, p. 11. 199AASM, CPT 500/0/4, p. 35.

100 AEV, Augustin de Riedmatten I, P 40, p. 3. 101 AASM, CPT 500/0/5, fol. 9 et fol. 21. 102 AASM, CPT 200/1/26, p. 11. 103 AEV, Ambuel, R 6, 2ecôté, p. 12.

104 AEV, de Rivaz-famille, Rz 210 G, fol. 81 v. Autres occurrences de vin vieux: «vieux rouge» en 1675 (AEV, Supersaxo I, 7/2/51, p. 12); «vieux blanc» en 1702 (AEV, Philippe de Torrenté, ATL 5, N°97, fol. 345r et 346v); «humagne vieux» en 1775 (AEV, Barberini N°52, p. 50); «vin vieux servagnin» en 1793 (AEV, de Rivaz, Rz 210 B, fol. 23r).

105 Il s’agit en fait du château de la Majorie et non pas de Valère qui échappa à l’incendie, comme le prouve la phrase suivante.

106 Il s’agit d’Hildebrand Schiner, rédacteur d’une description du Valais, qui habitait Sion au moment de l’incendie. L’ironie de l’auteur de la chronique envers cet individu fait penser aux critiques du chanoine Anne-Joseph de Rivaz envers le même personnage, mais la chronique est trop tardive pour qu’elle puisse être son œuvre.

(11)

plus précieux: à travers la fumée et le feu, chacun courait à ce qui l’attirait le plus

davantage; l’un emportait108ses écus, ses vases d’or et d’argent dans un sac, l’autre

roulait ses tonneaux de vieille amigne, de malvoisie, tant bien que mal […].109

Qu’entend-on par vin vieux? S’agit-il de vins datant de 2 ou 3 ans ou la garde était plus longue? Selon certains auteurs, les vins anciens ne se conservaient pas bien110. De notre côté, nous n’avons trouvé que peu d’éclairages sur l’âge d’un vin

dans la documentation valaisanne. Le 6 février 1790, la servante des enfants de feu le capitaine de dizain Ambuel vend «du bon umanie de 1788»111. En août 1794,

c’est du «bon umanie de 91» qui est acheté112. Dans le premier cas, l’humagne est

vieille d’un an et demi, dans le deuxième de presque 3 ans. En mai 1794, Charles Emmanuel de Rivaz a acheté 6 setiers et 24 pots de «vin vieux de cinq ans»113.

Deux textes plus tardifs, tirés du Courrier du Valais du 18 et du 22 juillet 1857, dressent la liste des vins enregistrés au bureau du Comité cantonal du Valais pour l’Exposition suisse. Parmi les vins cités, on trouve des vins qui remontent à 1856, 1855, 1854, 1849, 1848, ainsi que deux bouteilles «d’Enfer» et deux «de Coquem-pey de Martigny» qui datent de 1834 et même du vin des glaciers de 1811; ces der-niers vins ont respectivement 23 et 46 ans!114Il s’agit vraisemblablement

d’excep-tions. La garde de la plupart des vins devait être relativement courte, de 1 à 5 ans environ.

Douceur, acidité, limpidité, force, dureté

Les rédacteurs des documents fournissent parfois des indications supplémen-taires qui proviennent plus directement de la perception des sens. Elles concernent la douceur, l’acidité, la limpidité ou le trouble, la force ou la faiblesse et également la dureté.

La douceur est prise très tôt en compte, car elle sert d’élément distinctif pour discerner les vins entre eux. C’est ce qui se produit avec le muscat, qui a un goût sucré. D’ailleurs, on trouve également pour désigner le muscat le nom de vinum

apianum115, qui renvoie aux abeilles qui aiment le sucre de ces raisins116. La

douceur naturelle du muscat en fait un vin singulier qui est traité de manière parti-culière. A l’hospice du Grand-Saint-Bernard aux XVe-XVIesiècles, les chanoines

achètent de grandes quantités de vin et notamment du muscat (vinum

muscatel-lum) qu’ils distinguent du vin blanc et du vin rouge117. De même, les mentions

de muscat dans les textes sont plus fréquentes que les autres cépages avant le XVIIesiècle.

108 Corrigé de «roulait».

109 AASM, DIV 2/0/5, p. 391, 397.

110 Marcel LACHIVER, Vins, vignes et vignerons: histoire du vignoble français, Paris, 1988, p. 224. Chantal AMMANN-DOUBLIEZ, «La vigne et le vin à travers les comptes de deux curés de Saint-Léonard: Martin Lambien (mort en 1573) et Adrien de Riedmatten (mort en 1613)», dans Annales valaisannes, 2009, p. 36.

111 AEV, Ambuel, R 6, 2ecôté, p. 22. 112 AEV, Ambuel, R 6, 2ecôté, p. 32. 113 AEV, de Rivaz, Rz 210 B, fol. 121r.

114 Voir annexe 2: Liste des vins inscrits au bureau du Comité cantonal du Valais pour l’Exposition suisse (1857).

115 ACS, Th 3-24, fol. 145r-146r (1578); ACS, Calendes 20 b/4, p. 153 (1654), AEV, de Kalbermat-ten-de Riedmatten, R 6, p. 153 (vers 1672-1726).

116 AMMANN-DOUBLIEZ, «La vigne et le vin à travers les comptes de deux curés de Saint-Léonard», p. 36.

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Il n’y a pas que le muscat qui est doux: les comptes du curé de Saint-Léonard mentionnent entre 1578 et 1585 de la dulcis ressi (rèze douce)118. Il y aussi de

l’hypocras, du vin clairet, etc.119

La saveur sucrée semble d’ailleurs particulièrement recherchée: outre les importations de vins doux étrangers par les familles aisées, il existe des recettes pour fabriquer des vins doux: muscat, malvoisie, vin doux ou liquoreux, hypocras120.

D’autres textes mettent en avant la force ou la faiblesse du vin. Vers 1675, du «plus fort vin» est nécessaire pour réaliser une recette médicinale destinée aux femmes enceintes121. Vers 1714, un inventaire dresse la liste des tonneaux de

la cave de l’abbaye de Saint-Maurice dont un qui contient du vin devenu «très foible», un autre du vin «fort faible et de mauvais goût de moysir» et un troisième du vin «fort faible» mais qui reçoit un apport de vin nouveau pour le tonifier, ce qui lui permet de gagner en qualité, sans toutefois atteindre des sommets puisqu’il est qualifié ensuite de «médiocre» (c’est-à-dire moyen)122.

La dureté d’un vin est également un aspect parfois mentionné dans les docu-ments. L’inventaire des caves de l’abbaye de Saint-Maurice daté approximative-ment de 1714 fait état de plusieurs tonneaux qui contiennent du «vin dur» ou «fort dur» ou «moitié dur». La dureté fonctionne comme une échelle de valeur. Elle n’est en tout cas pas gage de mauvaise qualité puisque le tonneau N°23 contient du vin dur qui est qualifié de «très bon» et le tonneau N°27 du vin dur qualifié de «médiocre». En 1820, Jean Joseph Emmanuel Gay indique dans son cahier de notes consacré aux vendangeurs qui ont travaillé dans ses vignes de Fully, qu’il a laissé dans la cave du midi une tine pleine de vin blanc de fleur «dur» et un tonne-let plein de «vin dur»123.

Les textes font aussi mention de l’acidité, parfois excessive, de certains vins. En 1581, 1595 et 1599, les vignes du chapitre de Sion produisent à plusieurs reprises du vin acerbe (vinum acerbum)124. En 1630, dans les caves du fabricien de

la cathédrale de Sion, du vin est mis dans une cuve faute de tonneau. Un couvercle est alors fabriqué pour rendre la cuve hermétique. Cette précaution n’aura servi à rien puisque le vin tourne au vinaigre. Quelques années plus tard, en 1636, la leçon est retenue: du vin est également mis dans une cuve, mais pour éviter qu’il ne devienne aigre, il est rapidement vendu ou envoyé à Valère125. La taxe d’une

cave de Lavallaz au XVIIIesiècle laisse entrevoir un tonneau de «vin aigre»126. En

1754, Charles Joseph de Rivaz mentionne qu’un «char et demi de vin rouge s’est aigri», dont un char qu’il a vendu à Joseph Chevalley et un demi char qu’il a été obligé de garder127. A la date du 14 février 1791, les comptes des enfants du

capi-taine de dizain Ambuel font état de l’achat de plusieurs ingrédients dont de la can-nelle et du citron pour «remèdes au vin aigre»128. Le 19 décembre 1797, Charles

Emmanuel de Rivaz se débarrasse de 6 setiers de vin blanc qui «était disposé à 118 ACS, Th 3-24.

119 Voir plus haut la partie consacrée aux mentions d’autres vins. 120 Voir annexe 3.

121 AEV, AV L 480, p. 10.

122 AASM, CPT 200/1/26, p. 11, 13, 14. 123 AEV, Ambuel, R 27, p. 6.

124 ACS, Comptes de la Fabrique, F 14.

125 AMMANN-DOUBLIEZ, «Tonneaux du Moyen Age et des Temps modernes», p. 21. 126 AEV, Supersaxo I, 5/10/60, p. 2 et p. 7.

127 AEV, de Rivaz, Rz 14/7/8. 128 AEV, Ambuel, R 6, p. 47.

(13)

aigrir» en les vendant. Dans ses notes écrites à la fin du XVIIIesiècle ou au début

du suivant, Jacques François Joseph Luder propose, d’«acheter des mauvais vins aigres pour le[s] convertir en vinaigre»129. L’aigrissement des vins semble donc

être un défaut fréquent, mais pas forcément rédhibitoire pour sa consommation ou sa vente.

La limpidité ou a contrario le trouble sont parfois évoqués. Un vin clair est signe de bonne qualité alors qu’un vin trouble est de mauvaise augure. L’inven-taire des caves de l’abbaye de Saint-Maurice mentionne, vers 1714, du vin «fort bon et bien clair» dans le tonneau N°7130. En 1764, Louis de Bons enregistre une

dépense pour six setiers de «vin clair» destiné à lui et à ses frères Gaspard et Jacques131. Dans les accords entre les seigneurs du fief Patrici et la communauté

de Martigny datés du 21 avril 1784, il est prévu que chaque tenancier ou consorts des fonds touchés par la dîme devront «un pot de vin clair» pour chaque fosso-rier132. Dans ses comptes, Charles-Emmanuel de Rivaz inscrit, pour les années

1800, 1801 et 1802, ce que rapportent ses vignes de Vouvry en «vin clair»133. Le

2 septembre 1838, dans un bail à loyer où il est question d’une rente en vin, un cer-tain Bonvin, notaire, doit fournir du «vin clair, c’est-à-dire dépouillé et de bonne qualité et de son cru». Si le vin est trouble, il perd de sa valeur. Il en devient même suspect: vers 1528, Jean Tardy, de Vex, sert du vin au notaire Claude Garrieti, d’Hérémence, qui se méfie car le vin est trouble. Il pense avoir échappé à un empoisonnement parce qu’il en a bu une petite quantité et parce qu’il a avalé un contrepoison134.

Il arrive enfin que le vin se gâte et qu’il soit désigné comme tel dans les docu-ments. En 1539, la vente des biens de feu le chanoine de Sion Jean Braseti permet de dresser la liste des tonneaux qui lui appartiennent: deux contiennent du vin corrompu135. En 1582, les comptes du curé de Saint-Léonard mentionnent un

setier d’humagne également corrompue136. En 1627, un tonneau prêté à la

fabrique de la cathédrale de Sion par le notaire Nicolas Lagger transmet un mauvais goût au vin. Il arrive une même mésaventure avec des tonneaux en 1645 et 1647137. Le 11 avril 1778, de l’«humagne vielle gaté» appartenant aux enfants

du capitaine de dizain Ambuel est vendue138. Le vin peut avoir un goût ou une

odeur de moisi: vers 1714, les caves de l’abbaye de Saint-Maurice contiennent plusieurs tonneaux de vin «moisir»139.

Pour préserver le vin de toutes les avaries possibles et pour le soigner en cas de détérioration avérée, il existe des conseils ou des recettes qui circulent en Valais140.

129 CREPA, Fonds Louis Luder, C 84, p. 280. 130 AASM, CPT 200/1/26, p. 11.

131 AEV, Jean Marclay, P 261, fol. 24v. 132 AEV, AcMy, mixte, 1621.

133 AEV, de Rivaz, Rz 210/G, fol. 27v. 134 AMMANN, «Vin et sorcellerie», p. 364.

135 AMMANN-DOUBLIEZ, «Tonneaux du Moyen Age et des Temps modernes», p. 24. 136 ACS, Th. 3-24.

137 AMMANN-DOUBLIEZ, «Tonneaux du Moyen Age et des Temps modernes», p. 21. 138 AEV, Ambuel, R 6, 2ecôté du cahier, p. 12.

139 AASM, CPT 200/1/26, p. 11-12. 140 Voir annexe 3.

(14)

Une affaire de qualité: bon, médiocre ou mauvais

Les vins sont jugés par les hommes qui les produisent et qui les consomment. Ces jugements apparaissent fréquemment dans les documents.

Un vin de qualité est qualifié le plus souvent de bon. Les mentions de «bon vin» sont très nombreuses. En voici quelques exemples: le 3 juin 1278, Gauthier de Gragnuruez, bourgeois de Sion, a acheté du vin pur et bon141. Le 2 janvier

1376, les bourgeois de Sion donnent une caution pour les 40 livres dues pour l’achat de 10 muids de bon vin rouge (vinum bonum rubeum) donnés à l’évêque Edouard de Savoie142. En 1687, un livre de raison de l’abbaye de Saint-Maurice

fait mention d’achats de bon vin blanc143. Les comptes dédiés aux enfants du

capi-taine de dizain Ambuel contiennent des ventes de «bon umanie» en 1790 et 1794144. Les rédacteurs vont parfois plus loin et précisent qu’il s’agit de vin de

bon goût: en 1643, dans l’inventaire des biens dressé par André Posse senior pour son pupille Barthélemy Posse, quatre setiers de vin rouge de bonne saveur (vinum

ruprum boni saporis) sont enregistrés145. Le 6 décembre 1745, Barthélemy Roioz

qui dresse l’inventaire des biens provenant de son aïeul Martin Cheseaux note entre autres quinze setiers de «vin de bon goust»146. Un autre inventaire daté du 19

janvier 1768 mentionne trois setiers de «vin de bon gouts»147.

D’autres termes sont employés pour qualifier un vin de qualité. En 1578, le desservant de la paroisse de Saint-Léonard envoie de l’excellent vin rouge (vinum

optimum rubrumou rubeum) aux bains de Loèche et à l’évêque de Sion148; en

1580, il encave 50 setiers d’excellent vin (rubrum optimum)149. La chronique de

Gaspard Bérody enregistre pour le 17 mars 1638: Hoc mense, pocolum vini optimi

emptum est Agauni 2 solidis150. Dans une autre chronique consacrée à Martigny, le

vin du lieu est signalé comme étant «d’une excellence admirable» en 1788151. Le

2 juillet 1796, une quittance de frais passée à la commune de Salvan par Jean-Antoine Antony, aubergiste à Martigny, mentionne «du vin de Lamarque extra remarquable»152. Le 28 juin 1818, le docteur Jean Joseph Emmanuel Gay offre

aux communiers de Fully qui viennent de l’accueillir au sein de la commune suite aux bons services rendus lors de la catastrophe du Giétroz, entre autres, quatre setiers «d’excellent vin»153.

Les termes utilisés pour les vins de qualités inférieures sont: «vin médiocre» ou «petit vin». En 1580, le curé de Saint-Léonard vend à Egidius Werlen 8 setiers de vin rouge médiocre154. Dans un livre de raison de l’abbaye de Saint-Maurice

contenant des inscriptions de la fin du XVIIesiècle au début du XVIIIesiècle, de

141 ACS Min. A 2, N°37. 142 ACS, Th. 64*-7.

143 AASM, CPT 500/0/4, p. 11 et 92.

144 AEV, Ambuel, R 6, 2e côté du cahier, p. 22 et 32. 145 AEV, Reymondeulaz, Pg 217.

146 AEV, Reymondeulaz, P 380. 147 AEV, Reymondeulaz, P 514.

148 ACS, Th. 3-24, fol. 145 r. (voir AMMANN-DOUBLIEZ, «La vigne et le vin à travers les comptes de deux curés de Saint-Léonard», p. 30.).

149 ACS, Th. 3-24, fol. 166 r (voir AMMANN-DOUBLIEZ, «La vigne et le vin à travers les comptes de deux curés de Saint-Léonard», p. 31).

150 Chronique de Gaspard Bérody, p. 157. 151 AEV, AcMy, mixte, 570, p. 502. 152 AEV, Salvan, CVI/54.

153 AEV, Ambuel, R 16, p. 3.

154 ACS, Th 3-24, fol. 145r (voir AMMANN-DOUBLIEZ, «La vigne et le vin à travers les comptes de deux curés de Saint-Léonard», p. 30).

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l’argent, du pain, du fromage et du «vin médiocre» sont promis à plusieurs travailleurs pour faucher des vergers155. Vers 1714, dans un inventaire de cave de

la même abbaye, deux tonneaux sont remplis de vin «médiocre»156. A l’hospice

du Grand-Saint-Bernard au début du XVIIIe siècle, les passants ordinaires, les

pauvres et les domestiques ont droit à trois verres de «petit vin» à chaque repas lors des jours «gras»157.

On peut également ajouter dans cette catégorie les vins dits «vin de ménage» qui servent aux usages quotidiens. Au mois d’avril 1637, puis en août 1639, un certain de Riedmatten fait livrer à sa sœur Suzanne du «vin de mesnage»158. Dans

le même journal de comptes, il indique également sous la date du 10 février 1638 que son frère doit lui régler 9 setiers de «vin du mesnage»159. Dans un livre de

rai-son de l’abbaye de Saint-Maurice, en date du 6 mai 1692, une note indique qu’il est promis à deux femmes réfugiées à Bex du «petit vin de ménage» pour qu’elles effeuillent et lèvent deux vignes. Le 9 septembre 1698, Pierre Maurice de Ried-matten prête à son oncle le châtelain de KalberRied-matten 3 setiers de vin de ménage qu’il devra lui rendre aux vendanges160. Une note présentée par F. P. Grossy,

aubergiste à la maison Ganioz à Martigny, pour les dépenses faites à l’occasion de la consécration de l’évêque François Joseph Supersaxo en 1702, relève, entre autres vins, du vin de ménage «à préparer pois[s]ons et autres viandes, comme aus[s]i pour ceux qui ont servi»161. Cette occurrence permet d’entrevoir l’usage du

vin de ménage qui était destiné aux usages domestiques, tels que la cuisine, ainsi qu’au personnel de maison. Dans une note concernant les vendanges 1744 d’un domaine patricien non identifié dans le Valais central, la récolte de «vin de ménage, fleur et trollie» se monte à 20 setiers162. Ici le vin de ménage renvoie à

une réalité comparable à celle d’un cépage. Il est traité comme un cru particulier que l’on obtient en partie sans presser le raisin et en partie avec pressurage. A noter enfin cette mention de vin familial en 1578-1580 dans les comptes d’Adrien de Riedmatten, curé de Saint-Léonard163.

Le vin peut aussi être mauvais. En 1756, Charles Joseph de Rivaz indique dans ses comptes que vingt barils de vin sont gâtés et que le vin est «si mauvais» qu’il n’a pas pu le vendre164. En 1784, un projet concernant le nombre de cabarets

à Saint-Gingolph, prévoit «qu’il soit en outre autorisé lorsqu’un cabaretier mécon-tenterait les étrangers en tenant du mauvais pain et du vin de mauvaise qualité ou autrement, à le supprimer et à établir un autre cabaretier à sa place qui soit agréable au public»165. Au début du XIXesiècle, un livre de raison appartenant à

un Kuntschen enregistre une vente de mauvais vin à un menuisier166. Dans un

inventaire des vignes et des caves de l’abbaye de Saint-Maurice en 1812, il est mentionné que les redevances en vin sur une partie des vignobles de Vétroz et Conthey se payent en vin «de très mauvaise qualité»167.

155 AASM, CPT 500/0/5, fol. 171r. 156 AASM, CPT 200/1/26, p. 14. 157 AGSB, ASBM L2, 2e partie, p. 20. 158 AEV, AV L 501, p. 29.

159 AEV, AV L 501, p. 29.

160 AEV, Augustin de Riedmatten I, P 40, p. 53.

161 AEV, Philippe de Torrenté, ATL 5, N°97, fol. 345r et 346v. 162 AEV, Allet Charles, P 127, p. 29.

163 ACS, Th. 3-24, fol. 145r-146v. 164 AEV, de Rivaz, Rz 14/7/8, p. 17. 165 AEV, de Rivaz, Rz 67/74/2, p. 2. 166 AEV, Charles Allet, R 9, p. 173. 167 AASM, CPT 100/0/123, p. 4.

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Autres indications ponctuelles

Les documents récoltés fournissent d’autres informations sur les vins, qu’il n’est pas toujours aisé d’interpréter. Dans les inventaires des biens meubles de l’hôpital de Sion, en 1598, 1609 et 1613, on trouve du «vin naturel» (vinum

natu-rale) ou «vin de serment», sans qu’on puisse savoir de quoi il s’agit véritable-ment168. Dans les comptes de Martin Lambien, curé de Saint-Léonard, on trouve à

deux reprises en 1563 du vin mélangé. S’agit-il de vin blanc mélangé avec du rouge? Ou plutôt d’un mélange de cépages de même couleur, ou de vins de prove-nances diverses169? Dans son livre sur le réaménagement de son domaine de Mont

d’Orge, Joseph Emmanuel Barberini note à deux reprises, en 1798 et 1801, la mention «vin mêlé blanc»170. Est-ce un mélange de cépages blancs? Cette

indica-tion renvoie-t-elle à une autre réalité? Dans sa chronique, Gaspard Bérody men-tionne du vin secondaire (vinum secundarium) en 1624171. S’agit-il de vin de

moindre qualité ou de vin vieux? A l’heure actuelle, il est impossible de répondre à ces questions.

Les inventaires de caves

La cave est un lieu emblématique du monde viticole. Dans cet espace confiné, à l’abri des regards, les vins sont élaborés et conservés. S’il est un lieu qui garde leur mémoire, c’est donc bien celui-là! A défaut de pouvoir arpenter les caves anciennes pour humer et goûter les vins, quelques inventaires de caves, datant du XVe au XVIIIe siècle, permettent d’approcher les tonneaux et leur contenu d’un

peu plus près. Ces documents, rares dans les archives valaisannes, ont été parti-culièrement utiles pour nos recherches. C’est pourquoi nous proposons d’en présenter quelques-uns ci-dessous. Les transcriptions des textes originaux se trou-vent en annexe172.

Inventaire du vin appartenant à Jean Chevallier alias Magnyr (17 février 1467) Certaines occasions singulières, dramatiques parfois comme dans le cas pré-sent, permettent de pénétrer dans les caves de particuliers. En 1467, Jean Cheval-lier alias Magnyr d’Hérens, habitant de Bramois, est exécuté pour sorcellerie. Selon les droits en vigueur, ses biens meubles reviennent au seigneur du lieu. Un inventaire qui répertorie les biens du condamné est alors dressé en date du 17 février 1467173. Outre des animaux, des ustensiles, des outils, des draps et de la

toile, la liste fait état de réserves alimentaires, notamment du fromage, du beurre, de la viande et, produit qui nous intéresse, du vin.

Sous la rubrique vinum, quatre tonneaux remplis de vin sont répertoriés. Ils sont conservés dans deux caves différentes, une appelée la cave à fruits (in celario

168 ABS, 34/413, fol. 2v; ABS 35/443, fol. 4; ABS 35/461, fol. 3.

169 AMMANN-DOUBLIEZ, «La vigne et le vin à travers les comptes de deux curés de Saint-Léonard», p. 51.

170 AEV, Barberini N°50, fol. 24r et petit billet volant entre fol. 22 et 23. 171 BOURBAN, Chronique, p. 71.

172 Voir annexe 1.

173 ACS, Min. A 243, p. 125-127; ABS, tir. 12, N°44. Voir LUGON, «Lieux et gens de Bramois», p. 177.

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pomorum), et l’autre sans dénomination particulière. La capacité des tonneaux varie entre 10 et 20 setiers (environ 400 à 800 litres174).

Qu’apprend-on sur le vin stocké dans ces deux caves? Peu de choses! Le vin est réparti dans les tonneaux selon sa couleur: trois tonneaux contiennent du vin rouge (vinum rubeum) et un seul du blanc (vinum album). Les cépages ne sont pas mentionnés. La provenance n’est précisée que dans un cas, mais tout en restant assez floue: on apprend que le vin blanc provient de treilles (berculae), sans qu’on en sache plus sur leur localisation. Le rédacteur fournit toutefois une information intéressante: le vin rouge de deux tonneaux et le vin blanc sont indi-qués comme des vins de l’année. Il s’agit donc de vin nouveau. Enfin, un des vins est un vinum rubeum ‘mustui’. Le mot reste mystérieux. Il s’agit peut-être de vin doux175.

Les indications sur les vins sont donc très limitées dans cet inventaire. Elles suffisent pourtant aux besoins du rédacteur qui ne cherche pas à décrire le contenu des tonneaux avec une grande précision, mais plutôt à dresser une simple liste exhaustive des biens du condamné.

Inventaire de la cave de l’hôpital de Sion (15 janvier 1613)

Un inventaire de la cave de l’hôpital de Sion daté du 15 janvier 1613 est conservé dans le fonds de la Bourgeoisie de Sion176.

La cave contient huit tonneaux numérotés. Le rédacteur fournit systématique-ment les quantités de vin de chaque contenant. Elles varient entre 1 et 17 setiers environ (entre 40 et 680 litres). Le vin est réparti selon sa couleur, rouge (rubeum) ou blanc (album), sans aucune autre indication.

Cet inventaire est à l’image de ce qui existe souvent dans les archives valai-sannes antérieures au XVIIesiècle. Les informations sur les vins sont quasi

inexis-tantes. Le seul élément déterminant est la couleur, rouge ou blanche177.

Inventaire des caves de Martin (IV) Kuntschen daté du 3 juin 1667

Le 3 juin 1667, sur les ordres de Jean de Montheys et d’Hildebrand Waldin, châtelains, un inventaire des biens de Martin Kuntschen est dressé178. Ce dernier,

décédé quelque temps plus tôt, occupa certaines fonctions importantes, dont celle de bourgmestre de Sion179. L’inventaire fait état entre autres de nombreuses

vignes dans le Valais central, notamment à Mont d’Orge, Châtroz, Conthey et Aproz, et de trois caves: la cave de sa maison d’habitation, celle de la maison dite inférieure et celle de la maison de Triono. Les deux premières caves contiennent 174 Il n’y a pas de système de mesure unique en Valais avant le milieu du XIXesiècle. La valeur du setier variait selon les régions. Elle était d’environ 40 litres dans la région de Sion (voir AMMANN, «La vigne et le vin à travers les comptes de deux curés de Saint-Léonard», p. 29), valeur que nous avons utilisée pour nos estimations.

175 Suggestion d’Antoine Lugon (voir LUGON, «Lieux et gens de Bramois», p. 177). 176 AEV, ABS, 35/462.

177 Il existe un autre inventaire de cave, daté de 1751, pour l’hôpital de Sion: AEV, ABS, 35/576. La description des vins est un peu plus précise: apparition de quelques indications quant à leur qua-lité et mentions de certains cépages (humagne, muscat).

178 Cet inventaire a déjà été exploité dans d’autres études: Janine FAYARDDUCHÊNE, «Une famille au service de l’Etat pendant six siècles: les Kuntschen de Sion», dans Vallesia, 48 (1993), p. 299; Arnaud MEILLAND, Christine PAYOT, «Historique du vignoble de Sion», rapport scientifique pour la ville de Sion et le Musée Valaisan de la Vigne et du Vin, 2008, p. 18; AMMANN-DOUBLIEZ,

«Tonneaux du Moyen Age et des Temps modernes», p. 19-21. 179 FAYARDDUCHÊNE, «Une famille au service de l’Etat», p. 354.

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Tableau histo-  rique
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Table  analytique
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