Progrèsenurologie(2016)26,435—436
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LETTRE À L’ÉDITEUR
Érythème pigmenté fixe bulleux du pénis induit par le tadalafil : à propos d’un cas
Bullousfixeddrugeruptionoftheglandsduetotada- lafil:Acasereport
Motsclés Érythèmepigmentéfixe;Pénis;Tadalafil; Toxidermie
Keywords Fixeddrugeruption;Tadalafil;Penis;Drug eruption
Introduction
L’érythème pigmenté fixe, toxidermie le plus souvent bénigne,sedéfinitparlaprésencedeplaquesarrondiesou ovalairesbienlimitées,érythémateusesouviolacées, par- fois bulleuses en leur centre survenant brutalement dans les 48heures après la prise d’un médicament etlaissant, leplussouvent,unepigmentationrésiduelle. Lesépisodes sereproduisentdelamêmefac¸onàchaquenouvelleprise dumédicamentresponsabledanslesmêmesdélaisetloca- lisationsavecuneextensionprogressive.Cettetoxidermie présentedeslocalisationscorporellespréférentielles.Parmi celles-ci,l’atteintegénitaleestparticulièrementfréquente chez l’homme. Les médicaments les plus fréquemment incriminés sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens, letriméthoprime-sulfaméthoxazoleetlesanticonvulsivants [1].Nousrapportonsuncasd’érythèmepigmentéfixebul- leuxdupénisaprèsprisedetadalafil.
Observation
Unhommede48ansconsultaitpour lasurvenued’unéry- thème circulaire et bien limité bulleux du gland ayant évolué vers une érosion post-bulleuse (Fig. 1). Il n’avait aucuneautre lésioncutanéo-muqueuse. Cettelésion était apparueenpost-coïtaletdanslesheuressuivantlaprimo- administrationparauto-médicationde20mgdetadalafil.Le patientn’avaitpasdedysfonctionérectileavéréemaissou- haitaitaméliorersesperformancessexuelles.Iln’avaitpas d’antécédentsmédicauxetn’avaitprisaucunautremédi- cament.LessérologiesdesyphilisetVIH,etleprélèvement localàlarecherche deHSVétaientnégatifs.Iln’étaitpas réaliséd’histologiecutanée.L’évolutionétaitspontanément résolutive.Lediagnosticd’érythèmepigmentéfixebulleux duglandautadalafilétaitretenu.Lepatientn’étaitpasrevu àdistance.
Figure1. Érosionpost-bulleusebienlimitéeduglandévoquant unérythèmepigmentéfixe.
Discussion
Le tadalafil est un inhibiteur de la 5-phosphodiestérase ayantuneautorisationdemisesurlemarchépourlaprise encharge des dysfonctions érectiles et del’hypertension artériellepulmonaire. Cettemoléculeest égalementindi- quée dans la prise en charge des troubles urinaires liés à l’hypertrophie bénigne de la prostate [2]. Le tadalafil fait fréquemment l’objet de mésusages et la propor- tion d’hommes jeunes utilisant les inhibiteurs de la 5-phosphodiestérase hors recommandations médicales, à l’instarde notre patient,est de plus enplus importante, jusqu’à21%chezleshommesde20—30ansdansl’étudede Becharaetal.[3].Lafréquencedeseseffetsindésirables estestiméeà3,7%[4].Cependant,lescomplicationscuta- nées,essentiellementàtyped’hyperhydrose,d’urticaireet desyndromedeStevens-Johnsonsontraresetlasurvenue d’unérythèmepigmentéfixedupénisaprèsprisedetada- lafiln’aprécédemment étédécritequ’à4 reprises[5—7].
Ils’agit, parailleurs età notre connaissance,du premier casd’érythèmepigmentéfixebulleuxavecatteinteexclu- sive du gland après prise de ce médicament.L’existence de cet effet indésirable a également été décrite avec la prise desildénafil [8]. En revanche,l’érythème pigmenté fixen’aencorejamaisétédécritaprèsutilisationd’avanafil, autreinhibiteurdela5-phosphodiestéraseindiquédansles dysfonctions érectiles. L’érythème pigmenté fixe est une manifestation d’hypersensibilité retardée. Le substratum
436 Lettreàl’éditeur physiopathologique repose sur la présence d’une popula-
tionhomogènedelymphocytesTCD8+distribuéslelongde lajonction dermo-épidermiqueet ressemblantphénotypi- quementàdeslymphocytesTmémoires.Cettepopulation lymphocytaire,retrouvéedefac¸onmajeure auniveaudes localisations antérieurement siège de lésions d’érythème pigmenté fixe, synthétise une importante concentration d’interférongamma enréponse à lastimulation antigé- niqueincriminéeaveclésionstissulairesenregard[9,10].Le caractèrebiendélimitédel’érythèmepigmentéfixereste incomplètementélucidé,cependant,ilpourraitêtremisen relationaveclaprésence,danslesangcirculant ainsique surleszonesantérieurementlésées,delymphocytesrégu- lateursTCD4+ qui juguleraient l’activité des lymphocytes TCD8+limitantlapropagationdelanécrosekératinocytaire [11].Les mécanismes physiopathologiquesexpliquant que la localisation génitale soit parmi les localisations préfé- rentiellesdel’érythèmepigmentéfixechezl’hommesont encoreincertains.Ilestévoquéuntempsd’expositionuré- traldumédicamentmajoréchezl’hommeparrapportàla femmeoulaprésence potentielledu médicamentausein dessécrétions vaginales avec miseencontactdirecte sur leszonessensibiliséesdes organesgénitauxmasculinslors desrapportssexuels[1,12].
Lediagnosticd’érythème pigmentéfixeestsurtout cli- nique avecla présence d’un érythème circulaire bulleux, éventuellement secondairement pigmenté sans argument clinique et biologique pour un autre diagnostic. Le diagnosticestconfortéparlaprised’unmédicamentpoten- tiellementinducteur peu de tempsavant etla répétition des épisodesavec le même médicament.La biopsie peut êtreutile avecà la phaseaiguë, une nécrosekératinocy- taireassociée àune vacuolisationde labasale avecbulle sous-épidermique, un oedème dermique et la présence d’uninfiltratàcellulesmononuclééesetpérivasculairepeu important[13].Cependant,l’aspecthistologiquepeutêtre semblableàceluid’unérythèmepolymorpheoud’unsyn- dromedeStevens-Johnson.Auniveaugénital,labiopsieest rarementréalisée.Elleestsansintérêtdiagnosticaustade d’érosionpost-bulleusecommecheznotre patient.Encas derécurrencedeslésionsd’érythèmepigmentéfixesurdes lésionsanciennes,laprésenced’uneatteintelichénoïdeest associéeauxsignesprécédemmentcités.Laréalisationd’un testdeprovocationoraleestvraisemblablementlemeilleur testdiagnostiquemaisestcontroverséeenraisondurisque d’acutisationdelasymptomatologie lorsdelaréintroduc- tiondumédicamentresponsableavecsurvenue,raremais existante,d’untableaucliniquemimantunenécrolyseépi- dermiquetoxique[1].Laréalisationdepatch-testssurles localisations sensibilisées est égalementproposée maisla sensibilitédecestestsn’estpasprécisémentconnueetles faux-négatifssontnombreux[1].
Conclusion
Nouspensonsrapporterlepremiercasd’érythèmepigmenté fixeisoléduglandaprèsprisedetadalafil.Lediagnosticde cetyperaremaisassezcaractéristiquedetoxidermierepose principalementsurlacliniqueetl’anamnèse.Cetteréaction toxidermique a également été observée après adminis- tration d’un autre inhibiteur de la 5-phosphodiestérase qu’est le sildénafil mais l’existence ou non de réactions
croisées entre les différents molécules de ce groupe est pourl’instantinconnueetn’apasdavantagepuêtreprécisé cheznotrepatient.Laconsommationrécréativecroissante d’inhibiteurs de la 5-phosphodiestérase rend probable la survenuefutured’autrescas.
Déclarationdeliensd’intérêts
Lesauteursdéclarentnepasavoirdeliensd’intérêts.
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X.Grimauxa,∗,P.Bigotb,C.Leclec’ha
aServicedermatologie,CHUd’Angers,HôtelDieu, 4,rueLarrey,49100Angerscedex9,France
bServiceurologie,CHUd’Angers,HôtelDieu,4, rueLarrey,49100Angerscedex9,France
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail: xavieralexandre.grimaux@gmail.com(X.Grimaux) DisponiblesurInternetle17juin2016
http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2016.05.001
1166-7087/©2016ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.