FACULTÉ
DEMÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXANNEE 1897-1898
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE
30
"11 " * 1 8
m Clnii i Goilre HÉ
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 8 Décembre 189 7
PAR
Lucien DUBO
Né à Bénac (Hautes-Pyrénées), le 24 FévriISi868
Examinateurs de la Thèse
MM. DEMONS professeur Président.
ARNOZAN professeur....j
DUBREUILH agrégé Juges.
AUCHE agrege.
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
189 7
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
■•IlOFKSSBlUItS MM. M1GE...
AZAM. .
DUPU Y.
Clinique interne...
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANEcONGUE.
N.
Clinique externe..
Pathologie interne...
Pathologie et théra¬
peutique générales.
VERGELY.
Thérapeutique ARNOZAN.
Médecineopératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments MOUSSOUS.
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIAULT.
AGRÉGÉ!»» BSA'
skction de MÉDECimi<(Path olog MM. MESNARD. |
CASSAET.
AUCHci. I
Professeurs honoraires.
MM.
Physiologie JOLYET.
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Médecinelégale MORACHE.
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fants P1ÉCHAUD.
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ie interne etMédecine légale.) MM. SABRAZÈS.
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section de chirurgie et accouchements 1MM.
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COURS COHI»lii;illl\l A I rISS :
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Cliniquedes maladies cutanées et syphilitiques.
Clinique desmaladies desvoies urinaires
Maladies dularynx, des oreilles etdunez Maladies mentales
Pathologieexterne Accouchements Chimie
DUBREUILH.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
DENUCÉ.
RIVIÈRE.
DENIGES LeSecrétaire de la Faculté: LEMA1RE.
Pardélibération du 5 août 1879, la Facultéaarrêté que les opinions émises dans les
Thesesqui luisontprésentées doiventêtre considérées commepropres à leurs auteurs, et qu'elle n'entendleur donnerni approbation niimprobation.
A MON
PÈRE,
A MA MERETémoignage d'affection et de reconnaissance.
A MES FRÈRES ET SŒURS
A MES PARENTS
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR DEMONS
PROFESSEUR DE CLINIQUE CHIRURGICALE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE
OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
INTRODUCTION
Les observations degoitre malin nesont pastrèsrares. Le goitre cancéreuxestconnu dans ses
principaux traits. La
thèse de Coulon
(1883)
etla thèse d'Orcel (1889) ont mis
au pointce que nous savons surla question. Malgré l'impor¬
tance des documents qu'elles nous ont
fournis le sujet n'est
pas
complètement épuisé, puisque de temps à autre des ob¬
servations viennent modifier ou compléter les résultats
obtenus.
En effet,si le goitre malin donne
ordinairement naissance,
en raison de la situation de l'organe intéressé, à un
grand
nombre d'accidents bien mis en lumière dans tous les trai¬
tés, il peut, d'autres fois,
évoluer d'une façon bien différente.
A côté de la marche ordinaire, classique pour
ainsi dire, du
goitre malin, il estune formede cette affection
surlaquelle
on n'a pasinsisté, croyons-nous.
Nous voulons parler de ces
goitres qui, bien
quemanifes¬
tement malins, évoluent sourdement,
lentement,
sans com¬pression de la trachée ni de
l'œsophage,
sansulcération des
vaisseaux du cou, présentant enun
mot tous les attributs
d'une tumeurbénigne, mais
qui cependant,
aubout d'un
certain temps,
variable selon le
cas,peuvent tourner court
et donner lieu alorsaux redoutables accidents tels que
dou¬
leurs vives au niveau delà tumeur et irradiées,
accès
de suf¬focation, troubles violents de
la déglutition et parfois même
des hémorragies foudroyantes.
Après avoir fait l'historique
de la question,
nousplacerons
les observations que nous avons
recueillies et
noustâche-
rons de tirer profit des unes etdes autres. Nous essaierons surtoutde faire ressortir la
bénignité
d'évolution de ces tu¬meurs pendant un temps indéterminé, la difficulté extrême de les diagnostiquer, malgré l'examen le plus
serré
et enfinl'utilité d'une intervention précoce dont les résultats sont très encourageants.
Avantd'entrer dans l'étude de notre sujet, nous prenons ici l'occasion d'exprimer notre profonde gratitude à M. le professeur Démons qui, enacceptant la
présidence
de notre thèse, nous a fait un honneur auquel nous n'avions aucun titre particulier.Que M. le professeur agrégé Villar, qui nous a prodigué
avec tant debienveillance sesexcellents conseils pour mener cet ouvrage à bonne fin, veuille bien agréer aussi l'expres¬
sion de notre plus grande reconnaissance.
Nous remercions également M. le Dr Hobbs de nous avoir
inspiré
l'idée de ce travail.M. le professeur Picot nous permettra de lui réserver une bonne place dans ce juste tribut de reconnaissance : ses
leçons cliniques, ses longues causeries aulit du malade, son enseignement de tous les instants ont été pour nous d'un
intérêt et d'une utilité inappréciables.
Que tous nos maîtres à la Faculté et dans les hôpitaux reçoivent ici nos remercîments pour la bienveillance dont ils
ont toujours fait preuve à notre égard.
CHAPITRE PREMIER
Historique.
Nous nepouvons songer
à faire ici
unhistorique du goitre
cancéreux. Nous sortirions des limites de notre sujet. Nous
avons simplement
l'intention de rappeler les auteurs qui
ont signalé les formes insidieuses
du goitre malin. Ils
nesont pas très nombreux. Nous en
rapportons tout
aulong
les observations dans notre thèse.
En 1881, dans les
Bulletins de la Société d'anatomie, de
Paris, le DrMayor fait une
communication
sur un casde
tumeur carcinomateuse du corps
thyroïde
avec noyaux se¬condaires ducerveau etdu poumon. Il insistesur
révolution
sourde de la tumeur. « L'observation que j'ai
l'honneur de
présenter à la Société,dit-il,
estd'un intérêt purement
ana- tomique, lecôté
clinique yfait
presqueentièrement défaut.
» En 1884, Giraudeau, dans laRevue de médecine, de Paris,
fait paraître un
travail qu'il intitule
: «Contribution à l'étude
ducancerlatentdu corps
thyroïde».
Desonobservation, il fait
ressortir le peu de
volume du néoplasme primitif et de l'en¬
gorgement ganglionnaire,
l'intégrité de la
peau,l'absence de
troubles
respiratoires,
cequi légitime, dit-il, la dénomina¬
tion que nous avons
proposée
:forme latente du
cancerdu
corps thyroïde.
Dans un mémoire
publié
en1884 dans les Bulletins de la
Société de
chirurgie, de Paris, le D1' Marchand rapporte le
cas d'une femme atteinte d'un cancer thyroïdien. Il remar¬
quel'âge peu avancé
de
samalade et la lenteur relative du
développement
de la tumeur. Il n'existait pas de ganglions ; la déglutition n'avait pas été gênée.Nous arrivonsensuite
jusqu'en
1895: MM. Brindelet Liaras font paraître dans les Bulletins de la Sociétéd'anatomie,
de Bordeaux, un très intéressant mémoire sur trois cas de tumeurs malignes ducorps thyroïde. Ces trois observations, qui sont rapportées toutau long dans notre thèse, sont sui¬vies de longues considérations auxquelles nous avons lar¬
gement puisé.
Bennecke et Kœnig, dans la Sociétédesmédecins de la Cha¬
rité, en 1896, rapportent aussi deuxcas d'anénomes malins de la glande thyroïde. Ces adénomes étaientrestés petits,
développés
lentement, sansdonner lieu auxsymptômes phy¬siques et fonctionnels qui caractérisent les tumeurs mali¬
gnes du corps
thyroïde.
Ilsavaient été pris d'abordpour des ganglions tuberculeux.En1896, MM. Mermet et Lacour, internes des hôpitaux de Paris, publient aussi un cas
d'épithélioma
tubulédu corps thyroïde avec propagation laryngo-trachéale et mort. Le début de l'affection remontait à trois ou quatre ans.Enfin, dans les Bulletins de la Société
d'anatomie,
de Bor¬deaux (1897), MM.lIobbset
Bégouin
fontuneétudeclinique
etanatomo-pathologique
d'un épithélioma du corps thyroïde à évolution lente.A cette occasion, M. Villar cite un autre cas
d'épithélioma
de laglande thyroïdeà marcheégalement très lenteet
n'ayant
donné lieu à aucun des symptômes habituels au cancer thy¬
roïdien.
CHAPITRE II
OBSERVATIONS
Observation I
(Mayor, Bulletin de la Société d'Anatomie, Paris, 1881.)
Dans le courant de 1880 entra dans le service de M. le DrSiredey, à Lariboisière, une femme d'unecinquantaine d'années qui
présentait des
phénomènesnerveux quel'on attribuaàl'existence probable d'une tu¬
meurcérébrale, et commela malade semblait avoir eu autrefois
quel¬
ques accidents que l'on pensait
pouvoir
rapporterà la syphilis,
on institua le traitementspécifique, quiresta, du reste,sansrésultat. D'au¬
tre part,la malade possédait unetumeur
thyroïdienne de la
grosseurdu
poing, dure, bien limitée, mobile, quiremontait à plusieurs années,
disait-elle. Lesrenseignements qu'elle pouvait
donner étaient, du reste,
sansgrande importance et sans
exactitude
sur sonétat cérébral. En
1881, cette malade mourutaprès unesorted'attaque apoplectiforme.
Al'autopsie, les trois organes
qui parurent présenter quelque alté¬
rationfurent le cerveau, le poumon et le corps
thyroïde. Ce dernier
constituait unetumeurdu volume du poing, nettement limitée,
facile¬
ment énucléable, n'ayant
nullement entraîné la dégénérescence des
gan¬glions voisins, et qui, ouverte,se
montrait constituée,
enmajeure partie,
par desnoyaux caséeux,volumineux,
confluents
ouséparés seulement
par des travées fibreuses,
Eccdmén
hislolôgiqûe
: 1° Corpsthyroïde.— Une
coupe,portant à la
— 12 —
fois surlesparties centrales caséeuses de la tumeur et sur la mince écorce non dégénéréeen apparence, montre que cette dernière est for¬
mée d'alvéoles allongées parallèlement à la surface du néoplasme et séparées parfois par des travées de tissu conjonctif très solides, qui pénètrent jusque dans la massecaséeusepours'y perdre.
Les alvéoles superficiellessont remplies de cellules assez grandes, mul- tinucléées, irrégulières dans leur forme. A mesure que l'on s'enfonce
vers le centre de latumeur, ces cellules changent d'aspect. Tout d'abord
ellesdeviennent vitreuses, homogènes; ellesse colorent d'une façon uni¬
forme en rougejaunâtre. Le noyau n'est indiqué alors que par une zone
plus fortement teintée etmal délimitée. Dans les alvéoles plus profon¬
des, les cellules sechargent de graisse ; cesontd'abord des granulations qui apparaissent dans le protoplasmaet auxquelles se joignent bientôt
de véritablesgouttelettes. Tuméfiées par cette accumulation de matières
grasses, les cellules dilatent les petites cavités qui les contiennent, amin¬
cissant les cloisons alvéolaires. Bientôt les corps cellulaires altérés et confondus ne forment plus qu'une masse granuleuse, les tractus les
moinsvolumineuxdisparaissent, le centrede la tumeur setrouveformé
de cesnoyaux caséeux qu'on aperçoit à l'œil nu. Dans ce caséum, le miscroscope montre, au milieu de fines granulations, des corps réfrin¬
gents affectant la forme de sphères parfois diviséesen secteurs inégaux,
et qui ne sont autre chose qu'une matière grassespéciale, dont la réac¬
tion caractéristique estsa coloration vive etfacile par la purpurine. Les vaisseaux, rares, peu volumineux,ne se rencontrentquedans lestractus fibreuxd'une certaineimportance.
2° Ladescription des nodules pulmonaires neserait qu'une répétition
decelle que nous venons de donner de la tumeur thyroïdienne.
3° La tumeur cérébrale est fort altérée par l'existence d'hémorragies
dans son épaisseur. Dans les parties cependant où l'on peut reconnaître
sastructure, on yrencontre les mêmes cellules volumineuses que dans les alvéoles superficielles du néoplasmethyroïdien. Mais ici elles n'ont
subi d'autre altération que la dégénérescence vitreuse. En outre, les
travées qui séparent les groupes cellulaires sont infiniment moins régu¬
lières, moins complètes quedans les tumeurs que nous avons décrites
tout d'abord.
Donc,noyaux cancéreuxnettement circonscrits dans les poumons et
le cerveau, et dégénérescence
cancéreuse complète du
corpsthyroïde
tout entier, dégénérescence
évidemment primitive.
Observation II
(Giraudeau, Revuede médecine deParis,
1884.)
Bernard C..., âgé de soixante etun ans,
entre le 14 avril 1883 dans
leservice de M. le D1'Hallopeau, à
l'hôpital Saint-Antoine. Cet homme
atoujours
joui d'une excellente santé jusqu'au mois de janvier ; à par¬
tirde cetteépoque, il
s'aperçut qu'il maigrissait. Peu à
peu,il perdit
l'appétit etdut, à cause
de
safaiblesse, interrompre son travail au com¬
mencementde février. Quelquesjours après
il fut pris de frissons, qui
se répétèrent
quelques jours de suite à des intervalles irrégulièrs : en
même tempsil semit à tousser
et bientôt il dut garder la chambre à
causedel'essoufflementsans cesse croissantqu'il
éprouvait
aumoindre
mouvement.
Aucune améliorationne se produisant
dans
sonétat, et
sesforces di¬
minuantdejour en
jour, il
sedécida à entrer à l'hôpital.
Au momentde son entrée, il était très
amaigri,
saface était pâle,
légèrement cyanosée, sa
respiration courte, superficielle, l'obligeait à
s'interrompre fréquemment
lorsqu'il parlait. Son pouls était petit, dé-
pressible, mais
régulier, et le nombre des pulsations n'était pas aug¬
menté.
Lorsqu'onexaminaitsa
poitrine,
onconstatait une voussure notable du
côtédroit du thorax et une matitécomplète
qui occupait toute l'étendue
de ce côtéen arrière eten avant.L'auscultation
faisait entendre
unsouf¬
fle amphorique dontle
maximum
setrouvait
enavant et au-dessous de
la clavicule droite et en arrière dans lamoitié
supérieure du côté droit,
mais qui se
retrouvait j usqu'à la base de la poitrine. Les vibrations tho-
raciques étaient
complètement abolies, enfin le foie débordait de trois
travers dedoigtle
rebord des fausses côtes. Tous ces signes concor¬
daientdoncavecles symptômes
accusés
parle malade et permettaient
de conclure àl'existenced'un épanchement
abondant, siégeant dans la
plèvre droite.
— 14 —
A gauche, la respiration était supplémentaire.
Les bruits du cœurétaientsourds, mal
frappés,
mais sans souffle.Enfin le malade accusait au niveau de lapartie antérieure du cou une douleur continue, accrue parla pression, dont le début remontait à en¬
viron six mois. A cette époque il existait une hypertrophie générale mais très peuprononcée du corpsthyroïde; la consistance de ce dernier était cependantnotablementaccrue. La peau était saine, mobile sur la tumeurqui suivait elle-même les mouvementsdu larynx;enfin les gan¬
glions lymphatiques dela région ne paraissaientpasengorgés. L'appétit
était nul, les urinespeu abondantes contenaient de l'albumine.
Ily a de la fièvre, 38° 4 dansle rectum.
Le 15, l'état général est le mêmeque la veille. On pratique dans le septième espaceintercostal droituneponction aspiratrice qui donne issue à 800 grammesde liquide séreux coloré en rose et qui, examiné au
miscroscope, contientun grand nombre deglobules sanguins.
Après la ponction, la sonorité a reparu au-dessous de la clavicule ;
on entend àce niveau le murmurevésiculaire. En arrière, la matité ne remonteplus quejusqu'à l'angle de l'omoplate; dans la moitié infé¬
rieure duthorax,les signes physiques sontlesmêmes qu'avant laponc¬
tion, en outre, onentend de la pectoriloquie aphonebeaucoup plus nette quelaveille.
Latempérature prise avant la ponction estde 37°8 ; le soir le ther¬
momètre nemarque que38° 2.
Ladyspnée est unpeu moins vivequela veille.
Le 16, même état,pas de fièvre.
Le17, frisson violent dans l'après-midi, la température qui n'était le
matin quede 38°, montele soir à 41° 1; le liquide s'est reproduit en
partie.
Le 18, abattement desplus prononcés; peu à peu le malade tombe dans lecomaet meurt dansl'après-midi.
AYautopsie, on trouve un cancer infiltré ayant envahi presque la totalité du corpsthyroïde, des granulations cancéreuses dans laplèvre
et des- noyauxde mêmenature dans le foieetles reins.
\Jexamen
histologiqice
pratiqué au niveau des parties du corps thy¬roïde, quisontles plus dégénérées,montre queles follicules closqui, à l'étatnormal, constituent lapartie essentielle de laglande, sont comblés
— 15 —
parde grosses
cellules à
noyauxvolumineux pressées les
unescontre les
autres etdisposées sans ordre apparent. En
quelques
pointsde la prépa¬
ration, ces cellules apparaissent isolées et affectent alors une
forme
polyédrique avec un noyauarrondi volumineux
et unprotoplasma
clair.Dans lespoints du corps
thyroïde
moins malades,les follicules
closnesontcomblés qu'en partie. Le reste de la cavité est alors comblé
par la matière
colloïde.
Dans certainsfollicules clos,
cettesubstance
remplit toute la cavité sans que laprolifération cellulaire soit bien
nette.
Entreces follicules plusou moins malades,et dont beaucoup ont dis¬
paru, on trouve de grosses travées
conjonctives
aumilieu desquelles
sontplongées des cellules embryonnaires interposées aux
faisceaux
con-jonctifs. Indépendammentde celles-ci, et
c'est là le point particulière¬
ment intéressant de cette altération, car nous laretrouverons dans tous
les autres organes envahis par les noyaux secondaires, on trouve des pseudo-tubes coupés sous diverses
incidences, les
unssuivant le
sens transversal, d'autres longitudinalement,quelques-uns anastomosés entreeux et tapissés par des cellules cubiques
fortement colorées
en rouge.Dans quelques-uns,cescellules ne forment qu'une paroi de
revêtement
etsont alors disposées sur uneseule couche, mais en
d'autres points elles
s'entassent et tapissent tout l'intérieur du tube dont
la lumière
aalors
disparu. Ces tubes sont très nombreux et d'autant plus que la travée conjonctive est elle-même plus épaisse. Enfin dansl'intérieur des travées
ontrouve des vaisseauxembryonnaires peuabondants.
Dansle foie, danslaplèvreet dans
le rein les
noyauxcancéreux
ontmême structure.
Lesganglionslymphatiques cervicaux
dégénérés reproduisent
en tous points lastructure du foyer cancéreuxprimitif..
Donc, néoplasmes essentiellement constituéspar unstromaconjonctif,
àparois plus ou moins épaisses suivant l'organe
examiné,
etcontenantdansson intérieur*des cellules embryonnairesinterposées aux
faisceaux
conjonctifsetdespseudo-tubes remplisde cellulescylindriques
sinueux etanastomosés par places les uns auxautres. Il s'agissait
donc là d'une
tumeurd'origine épitbéliale dont le corps
thyroïde avait été le point de
départ, etqui s'était développée sourdement,lentement,
sans engorge¬ment ganglionnaire,etce n'est que par suite de manifestations eancéreu-
— 16 —
sessecondaires dans des organeséloignés que l'attention est attirée du
côté de ces derniers. Le point exact, du mal n'est découvert qu'à l'autopsie.
Observation III
(Marchand, Bull, et mém.Soc. chir., Paris, 1884.)
Mme B...5 trente-deuxans, estnée à Paris. Forte, grande,-bien cons¬
tituée, elle atoujours joui d'une bonne santé. Son père a succombé, ily
alongtemps déjà, à une affection indéterminée. Sa mère, âgée de cin¬
quante-neufans, est vivante et bien portante. Elle est mariée depuis
douzeans, atoujours été bien réglée et est mère de troisenfants. Son
dernier accouchement remonte àcinqans.
Cette malade vint me consulter au commencement du mois d'août 1883,ausujetd'uneaffectionducouqui, depuis quelquetemps,lui causait
de vives inquiétudes.
Ellea toujours eu, dit-elle, le cou un peu fort; mais depuis dix-huit
mois une vraie tumeur s'est développée lentement à la partie antérieure
du cou et dans larégion qui répond exactement au corps thyroïde.
L'accroissementde cette tumeur s'est fait progressivement et'lente¬
mentsans causer aucune douleur,nilocale ni à distance, qui ait éveillé l'attention.
Ellene tarda pasà susciter des accidents de compression des voies aériennes qui ne firent que causer une gêne médiocre d'abord, mais s'accentuèrentbientôt. C'était au début,un sentiment d'oppression qui
semanifestait àla suite d'exercices augmentant le nombre et l'ampli¬
tude des mouvements respiratoires
(l'action
de marcher vite, de monterun
escalier).
Puis ces phénomènes dyspnéiques s'accompagnèrent d'un cornage, qui, disparaissant lorsque la respiration reprenait son rythme normal,
devientplus tard permanent. Plusieurs médecins furent consultés et
aucun n'hésitaà rapporter ces accidents à la compression quecausait la thyroïde hypertrophiée. Diverstraitements dont la base était toujours l'iode (éponge calcinée, diverses préparations
iodurées),
avaient étémis
en usage sans procurer une amélioration sensible. Bienau contraire,
— 17 —
la tumeur s'accroissant,la sténose des voiesrespiratoires augmente au
point que lecornage devient permanent.
Un mois environ avantl'époque àlaquelle la malade me fut adressée, de nouveaux accidents, d'un caractère trèsgrave, s'étaient montrés. La malade avaiteu, sans cause occasionnelle, deux accès de suffocation,
dontl'un avait étéassezprolongépourlui faire perdre connaissance. Je constatai, à monpremier examen, dans la région thyroïdienne du cou,
l'existence d'une tumeur, du volume d'un grosœuf de poule, se prolon¬
geant de chaque côté versdes parties latéralesetsaillant un peu plus du
côtédroit. En haut, la tumeur était terminée par uneligne assez nette s'arrêtantà peu de distance de la saillie du cartilage thyroïde. Les limites en bas étaientmoins nettes ; onsentait au-dessus de la fourchette sternale un épaississement qui mefit d'abord croire à l'existence d'un prolongement rétro-stem al. Cette supposition était d'autant plus admis¬
sible
(malgré
le peude netteté des sensations fourniesparl'exploration)
qu'à la suite de deuxexamens danslesquels j'avais cherché à souleverfortementlatumeur, enl'accrochant avec les doigts, la malade avait éprouvé unsoulagement quiune fois dura plusieurs jours. La tumeur était dureste immobile, adhérente à la trachée dont elle suivait les mouvementspendant la déglutition. Sasurface était très lisse sans au¬
cune saillie ni bosselure. Sa consistance étaitpartout ferme, résistante, donnant audoigt la sensation d'un tissu dur, comme ligneux. Les pres¬
sions exercées à sonniveau n'étaientpoint douloureuses du reste, mais ellesaugmentaient la dyspnée en donnant un sentiment de constriction fort visible. Cette sensation était tellement marquée queje dus à main¬
tesfois suspendremes manœuvres d'exploration, très modérées assuré¬
ment. Surles côtés elles'enfonçaitsous les sterno-mastoïdiens dans la profondeur du cou, où elle devenait difficilement accessible. Malgré le cornage qui était devenuconstant, lorsque je vis la malade la voix n'a¬
vaitsubiaucune altération. Il n'existait du rested'autres phénomènes, décelant une compression des organesvoisins, que ceux queje viens de signaler.
Je demandaià suivre la malade quelque temps avant deprendre une détermination qui me semblaitparticulièrement sérieuse dans l'espèce.
Les deuxaccès de suffocation, la gêne croissante de la respiration, les instances de la malade, qui avaitle sentiment de la gravité de son état,
D.
- 18 —
m'invitaient àprendre unedécision
radicale. D'autre
part,le volume
relativement exigu de la tumeur,sadureté, ses
adhérences profondes,
jetaient unecertaine incertitude
surle diagnostic et de là
surla façon
dont il convenait d'intertervenir.
Les accidentsde sténose trachéale étaient bienle fait delatumeur,mais
les autres caractères présentés parelle ne
laissaient
pas quede jeter
quelque obscurité sur sa nature et sesconnexions anatomiques exactes.
Un nouvel accès grave de suffocation leva tous mes
doutes
surla
nécessité d'une intervention opératoire et je me
décidai
àpratiquer la
thyroïdectomiemalgré
lepressentiment
quej'avais des difficultés
que devait rencontrer l'acte opératoire.Le J8 août 1883je procédai à
l'opération.
Lamalade se releva peu à peu du choc
opératoire et,
à part une dysphagie très douloureuse,elle
neprésenta
aucundes phénomènes
fâcheux qui parfois
signalent les suites de la thyroïdectomie. Trois
semaines aprèsl'opération la malade
était livrée
à sesoccupations.
J'ai revu la malade le 23 novembre dernier, c'est-à-dire plus de quinze mois après sa
guérison. Sa santé est restée parfaite depuis lors
; lacicatrice verticale s'est élargie et déformée. Elleconstitue
unesortede
cordon légèrementsaillantàla
face antérieure du
cou.A part cette
légère difformité,la régionn'a
riend'anormal,
etl'exploration la plus
minutieuse nepermetpas de sentir
profondément la moindre
traced'une
repullulation locale dumal.
Latumeur après son ablation
avait bien la forme du
corpsthyroïde
dont l'isthme etle lobe droit auraient été notablementhypertrophiés.
Elle avait 9centimètres danssonplus grand diamètre vertical et
8
en¬viron dans son plus grand sens
transversal.
Onsentait distinctement
qu'elle étaitconstituéepardeqx tissus de consistance bien différente. Le
plus superficiel était rose
grisâtre,
mou commele tissu sain de la thy¬
roïde. Au-dessous d'une couche mincede cetissu, et formant lapresque totalité de la tumeur, on sentait unepartie résistante, ligneuse,de
forme
ovoïde.
En divisantlenéoplasme par une coupe
verticale le séparant
endeux
moitiéssymétriques, onreconnaissait
qu'en effet le
centreétait constitué
par un tissu blanc jaunâtre,
friable quoique dur, fournissant
unsuc abondant par le raclage. A la partiesupérieure de
cettepartie, il exis-
— 19 —
taitun point ramolli, infiltré de sang,véritables infarctus de formation manifestement récente.
La coque
périphérique
qui se confondait avecle tissu pathologique, à partla coloration un peu moins foncée, avait tout à fait l'apparence granuleuse du tissu thyroïdien normal.L'examen
hislologique
pratiquépar M. Malassez a justifié entière¬mentla prévision quefaisait naîtrel'aspect macroscopique.
L'enveloppe
était bien du tissu thyroïdien et le noyau central ducancer avec quelquesparticularitésde texture que cethabilehistologiste
se réserve de signaler ultérieurement, et qui sont le résultat de la structure propreau tissudans lequel s'est développé primitivement le néoplasme.
Observation IY
(Brindel et Liaras, Bull. Soc. Anat., Bordeaux 1895.)
Camille I)..., quarante-deux ans, entre à l'hôpital Saint-André, salle 10, lit 30, le 20 avril 1894, pour deux tumeurs dont le début remonte à un an etdemi.
Aucun antécédent morbide. HabiteBordeaux. Constitution robuste.
Présente au cou, dans larégion sous-maxillaire gauche, deuxtumeurs mesurantchacune le volume d'un gros œuf de poule. Ces tumeurs arrondies, àsurface régulière,sontmobiles ; l'inférieure
(car
elles sont superposées, la plus haute se cachant derrièrel'angle
dumaxillaire)
ne semble pourtant pas complètement indépendante de la ligne médiane; elles sont dures, assez profondes, ne suivent pas lesmouvements dularynx
pendantla déglutition. Plusieurs chirurgiens qui les ont exami¬nées, ontpensé qu'il s'agissait là d'une double adénite, probablement tuberculeuse malgré l'embonpoint du sujet qui enest porteur.
L'interventionaeu lieu le 21 avril. Il estfaitunincisiontransversale, parallèle aupli dé la peau ducou. Après section de lapeau et du peau- cier, on cherche à circonscrire avec le doigt la tumeur inférieure de manière à l'énucléer ; mais cette décortication semble trèslaborieuse; elle est commencée, mais on doit l'interrompre. On a alors des doutes
surla réalité del'adénite ; enyregardant de prèson voit quela tumeur
— 20 —
estentouréepar un
tissu noirâtre
:le diagnostic s'impose, on est en pré¬
sence d'un goitre.
M. Dubourg
incise alors la capsule qui environne la tumeur, la coque
sous-jacente et,couche
parcouche, arrive enfin sur une paroi très nette
dontl'énucléation sefaitsans
difficulté
;le contenu est liquide et citrin.
On nefaitaucuneligature;
le suintement sanguin provenant de la sec¬
tion dutissus'arrêtepar simple
compression.
Ons'aperçoit
ensuite
quela deuxième tumeur est reliée à la première
parun
pédicule
assezvolumineux
;pour l'amener dans l'axe de la plaie
et rendreson ablation possible, on
doit la tirailler
un peu,puis on
procèdecomme pourla première
parune incision, couche par couche,
aubistouri. Commelacapsule ne
touche
pas surle reste de la glande,
M. Dubourgsectionne
profondément dans llépaisseur de cette tumeur,
dont le contenu vients'effriter entre
les lèvres de la plaie.
Letissu malade estenlevéfacilement ;
la face interne de la capsule intra-glandulaire apparaît alors et est enlevée par lambeaux (car elle
est
friable), mais
entotalité.
Les parois de
la poche qui contenait le goitre parenchymateux sont
suturées ; l'intérieur est
drainé
àla
gazeiodoformée, de même que la
cavitélaissée libre par
l'ablation du kyste, et
unesuture des parties
mollesréunit les divers étagesde la
plaie.
Le soir le maladeparlebien,
il n'a
pasde fièvre.
Lelendemain onobserve uneaphonie
complète
etun peude dysphagie.
preuve d'une
irritation du laryngé inférieur. L'aphonie et la dysphagie
disparaissent dans
la journée du surlendemain.
Le 27avril, sixjours après
l'opération, premier pansement, la mèche
de gaze estretirée; pas
de suintement. Le malade sort le 28 avril n'é¬
prouvant aucune
douleur et
avecunsimple petit pansement occlusif au
collodion. Il revientle 2 mai. La plaie est
complètement cicatrisée et
tout vapourle
mieux
Icis'arrête cette
première partie de l'observation, mais il
nous a étédonné de suivre le malade
dans les mois qui se
sont écoulés après sa
thyroïdectomie partielle et voici ce que
nousavons observé.
— 21 —
Unpoint de
la cicatrice est toujours resté induré profondément, et peu
à peu nous avonsvu se
développer
unetumeur analogue en tout aux précédentes et qui atteignait,
aumoment où M. Dubourg jugea une
nouvelle intervention
indispensable, le volume d'un œuf de pigeon
environ. Ceci se passait en
décembre dernier, c'est-à-dire huit mois
après la
première opération. Il s'était fait là
unerécidive sur place qui
progressait lentement mais qui n'en inquiétait
pasmoins le malade.
Larécidived'ungoitre
simple
aprèsénucléation intraglandulaire étant
très peu commune,
notre attention fut éveillée ainsi
quecelle de
M,Dubourg qui
voulut bien
nousconfier la tumeur après l'ablation.
L'opération fut
du reste des plus simples,
entous points analogue à
laprécédente et
l'énucléation du
noyaumalade fut
encorepossible, nous
dirons même relativement facile. Laréunion de la plaie se
fit
par pre¬mière intention etle malade sortit de l'hôpital pour
la deuxième fois
huitjours après cette
nouvelle intervention.
Cette dernièreopération date de sept
mois
; nousavons revule malade
il y a quelques
jours à peine et il n'y
apastrace de récidive. Il est aussi
vigoureux que
l'an dernier et
sacicatrice à peine visible ne présente
plus aucune
induration.
Examen liistologique. —Dans
les
coupes,colorées
aupicro-carmin,
onvoit deux substancesbien différentes par la
coloration. L'une, vive¬
mentcoloréeenrouge,estuniquement
formée de cellules. Elle est disposée
sous forme d'îlots présentant un aspect
arborescent et quelquefois
simplement
arrondi.
Aleur périphérie, dont la limite est très nette, les
cellulessonttasséesles unescontreles autres,allongées
.perpendiculaire¬
ment à la circonférence, au nombre de deux ou
trois rangées, elles
forment unliséréqui
paraît plus coloré
quele reste de l'îlot. Au centre
de cet îlot existe unespace clair, très
rond, limité
pardes cellules plus
aplaties queles autres,
formant là
uneespèce d'endothélium qui ne se
distingue pas des autres
cellules
parla coloration. Ces cellules ont été
repoussées par une
substance rosée, occupant l'espace clair, substance
dans laquelle onn'observe pas
de formes cellulaires et qui n'est autre,
selontoutes probabilités,
qu'un liquide colloïde accumulé dans une
cavité kystique. Ce
liquide
neremplit
pascomplètement la cavité. Les
cellules qui occupentl'espace
compris entre la périphérie de l'îlot et la
circonférence dukyste sont
plus espacées
queles autres et plus petites ;
— 22 —
ellesontdes formes variées, tantôt arrondies, tantôt cubiques, tantôt allongées. De-ci, de-là dans lesîlots, qui ne renferment pas de cavités kystiques etque l'onvoitsousformede tubes pleins, on trouve un ou deux globesépidermiques absolument caractéristiques.
Le restede la coupe est occupépar du tissu cellulaire mal coloré par lepicro-carmin, dont les fibres, sous formede faisceaux parallèles sont dirigées dans touslessens. A leur surface, on voit ces cellules allongées jalonnantpourainsi dire les fibres.
Sur certainespréparations existent delarges bandes de tissu fibreux circonscrivantcomplètement cinq, six, dixîlots, et ceux-ci sont ordinai¬
rementmoins colorés que ceux dont nous venons de parler; ils n'offrent
ni cavitéskystiques, ni globes épidermiques; les cellules qui les consti¬
tuent ont toutes à peu près les mêmes dimensions, le même aspect et rappellent en toutpoint les follicules clos hypertrophiés de
l'amygdale.
C'est là, croyons-nous, de
l'hypertrophie
simple des follicules du corps thypoïde, autrement dit du goitre simple. Mais à côté de ces points, ilest desîlots complètement entourés de tissu fibreux adulte etqui n'en sont pas moins épithéliauxet kystiques.
Sur des coupes faites à lapériphérie du néoplasme, on voit nettement
une large coque de tissu fibreux, enveloppant le tissu malade, et s'enfoncer dans l'intérieur de latumeur pour former les cloisons que
nous venons de décrire.
Unfragment de latumeur provenant de la première opération avait étéporté au Laboratoire d'anatomiepathologique de la Faculté ; nous avons pu leretrouver etpratiquer l'examen descoupes qui avaient été faites en mai 1894. On voit également souslechamp du microscope un tissu composé de deux substances différentes : une pâle, jaunâtre, for¬
mée defibres de tissuconjonctif, dont les faisceauxparallèlesenungrand
nombre d'endroits sont, dans d'autres, dirigés dans tous les sens. Des noyauxallongés accompagnent les fibres qui, par places, sont dissociées pardes cellulesrondeset des éléments analogues à ceux qui composent la deuxièmesubstance, plus colorée que la première et composée de cellulesépithélioïdes.Cetteseconde substancese trouve sousforme d'îlots arrondis, ovalaires ou munis de prolongements parfaitement limités dans la majeure partie de la coupe par des cellules unpeuplusallongées
quele restede la masseet pressées les unescontre les autres. Le reste
— 23 —
de l'îlotn'est qu'un amasde
cellules polygonales,
ànoyauxvolumineux,
laissantsouvent à son centre un espace rempli par de
la substance
colloïde et dont les dimensions varient à l'infini. Les deux outrois rangées decellules
avoisinant la lumière de l'îlot sont toujours aplaties
etil arrive queles parois de cette
cavité kystique
necomprennent
que deux, trois ou quatrerangées de cellulesseulement. Nous n'avons
pasdécouvertde globes
épidermiqués
dans cespréparations. Les cellules
épitliélioïdesinfiltrent
en unpoint le tissu conjonctif et
nesont plus
réunies en une masse parfaitement limitée. Les
parois des vaisseaux
sont sclérosées,épaissies etinfiltrées
de cellules épithéliales. La paroi
endothéliâle offre des franges dans
l'intérieur du vaisseau. Il s'agit là
encore d'unépithélioma.
Observation Y
(Brindel et Liaras, Bull. Soc. Anat.,
Bordeaux 1895.)
Mlle Mélanie R...,quinze ans,
tailleuse, entre à l'hôpital Saint-André
le 15 mai 1893, dans leservicede M. Dudon, pour une tumeur
du
cou.Aucun antécédent héréditaire, la malade a habité Pau et Tarbes ; dans sa famille personne ne présente
de goitre. Elle
a euà Pau
une coqueluche très prolongée;elle
ad'assez fréquentes épistaxis
;elle n'est
régléeque depuis huit mois.
Lajeunefillene sait pastrop à
quel âge
satumeur
acommencé
;il
yatroisou quatreans,elle
était
grosse comme unepetite cerise. M. le Dr
Piéchaud, consulté à ce moment, lui proposa
l'ablation, la famille refusa
etn'accepta qu'un traitement à
la teinture d'iode.
La tumeurallaen augmentant, surtout
depuis six mois, et la jeune
fille éprouvant déjà quelques
troubles de la phonation,
surlesquels
nousn'avons malheureusementpas de
renseignements précis, et de temps à
autrede lagènepourrespirer, acceptaune
intervention
quelui
propo¬sait M. le I)r Dudon.
Au moment de son entrée àl'hôpital, on constate
les phénomènes sui¬
vants: la tumeur est située partie
au-dessous, partie
endedans du
sterno-cléido-mastoïdien droit, à la hauteur du cricoïde;
elle
a un peu— 24 —
plus du volume d'une grosse cerise. Pas de fluctuation nette, mais réni- tence faisantsupposer la présence probable d'un liquide à l'intérieur.
M. Dudon faitune ponction àla seringue de Pravazet retire unliquide hématique.
Le 24 mai, opération. Incision au niveau du kyste; à peine com- mence-t-ilà être dégagé que l'on constate la présence d'un second, puis d'un troisième kyste; sansles séparer etsans agrandir son incision pri¬
mitive, M. Dudon retirepeuàpeu touteune masse de petitskystes,gros
comme descerises,qui s'enlèvent complètement par simple décollement.
Il reste aprèsl'opération unevaste cavité correspondant à la situation de laportion enlevée, et aux deux extrémités de la cavité uneportion
saine du corps thyroïde; la plus volumineuse se trouve à gauche de l'incision. Chaque kyste contient un liquide hématique.
Les suites furentassezbonnes; ilyeut pendant quatre jours un peu de dysphagie, mais pas de gêne respiratoire; on note pendant quatre jours unpeu d'élévation de la température. Quelque gouttes de pus vinrent sourdre danslepansement, mais la guérison fut rapide néan¬
moins,car la malade sortit del'hôpital,vingt jours après son opération?
entièrement guérie. De plus, sa phonation avait repris ses caractères
normaux. Malheureusement l'examen histologique de cette tumeur n'a
pas été pratiqué, car les pièces ont été égarées.
Quoiqu'il en soit, dix-neufmois après cette intervention, c'est-à-dire
en janvier 1895, la malade rentrait de nouveau à l'hôpital, dans le
même service, avec une récidive sur place et datant déjà de plusieurs mois. Ellevenaitréclamer une nouvelle opération, parsimple coquet¬
terie, carelle n'éprouvait ni gène ni douleur.
M. Dudon fait son incision sur l'ancienne cicatrice; il découvre un
kyste thyroïdien, puis un deuxième, ainsique deux petits noyaux con¬
sistants,qu'il enlève par la même occasion. Dans les kystes setrouvait
encore unliquide hématique. Le dixièmejourla malade sortait complè¬
tement guérie. La guérison s'est maintenue depuis lors et son état géné¬
ralnes'est pasmodifié. Il est comme avantl'opération aussi satisfaisant
quepossible, et cette fille est actuellement employéedans un des plus grands magasins de Bordeaux.
Nous avons recueilliavec soinles pièces enlevées et, après fixation dans l'alcool absolu, nous les avons traitéesde la même façon que celles