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Prise en charge de la douleur de l’enfant

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0 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 267 La priorité dans la prise en charge d’un

enfant malade ou accidenté est le contrôle de la douleur. La perception et la compréhension de la douleur chez l’enfant ont longtemps été tributaires de croyances et de convictions. On leur a longtemps refusé le droit d’avoir mal. La no- tion de douleur de l’enfant n’est pas appa- rue avant le 20e siècle. Ce n’est qu’à partir des années 80 que l’on a commencé à parler de douleur chez le nouveau-né. Peu d’anes- thésistes prescrivaient un antalgique per ou postopératoire chez le nouveau-né ou le prématuré. Proportionnellement à l’adulte, l’enfant recevait 13 fois moins d’antalgie.1,2

Dès la naissance, il y a une mémoire cor- porelle de la douleur. L’exposition à une nou- velle douleur va entraîner une modification du comportement.3

Les maladies et les accidents s’accom- pagnent non seulement de douleur, mais aussi d’anxiété. Il est impossible de les dis- socier.

facteurs influençant la perception de ladouleur

De nombreux facteurs interviennent dans le ressenti de la douleur : l’âge, des facteurs culturels, le type de douleur, les expé- riences antérieures, le caractère de l’en- fant…4 Il s’agit d’un phénomène complexe avec une dimension subjective sensorielle, émotionnelle et cognitive.

Un bébé ou un enfant tout seul, ça n’existe pas. Pour que l’enfant comprenne et ac- cepte le soin, il faut que ses parents l’aient compris et accepté. L’attitude des parents durant le soin va influer le comportement de l’enfant.

La douleur attaque le corps et le psy- chisme de l’enfant. La morbidité peut être augmentée.

L’identification de la douleur est extrême- ment importante. Le comportement de l’en- fant doit être compris.

reconnaissance et évalua

-

tion de ladouleur

La reconnaissance de la douleur est la pierre angulaire de l’amorce de sa prise en charge. A partir de ce moment, elle peut être évaluée. Cela se fait par des échelles adaptées et validées pour l’âge et les cir- constances :5 échelle de douleur et d’incon- fort du nouveau-né (EDIN), échelle visuel le analogique (EVA) (figure 1), Face Pain Scale (FPS) (figure 2), échelle bernoise de la dou-

leur pour le nouveau-né, Objective Pain Scale (OPS, pour le postopératoire)… L’au- to-évaluation (EVA, FPS) est possible dès 5-6 ans. Sinon, l’hétéro-évaluation se fera soit par les parents, soit par les soignants.

Si l’on veut traiter efficacement la douleur, il faut l’évaluer, la traiter et ensuite évaluer l’effet du traitement.5 Le niveau de douleur va dicter, entre autres, la stratégie médica- menteuse qui se définit en paliers (tableaux 1 et 2).

Il faut connaître la sémiologie de la dou- leur de l’enfant. En cas de douleur faible, l’enfant concentre son attention sur la zone douloureuse, si la douleur est plus impor- tante, il est absorbé par la douleur et la con- solation est inefficace. En cas de douleur intense, l’enfant semble absent, il s’agit d’une expérience traumatique. Les manifes tations seront parfois évidentes, comme les pleurs ou les attitudes antalgiques. Mais il faut se méfier de l’atonie psychomotrice, d’un enfant trop calme. Un enfant peu mobile, désinté- ressé de son environnement, passif, peut être mal interprété, et pris pour un désin- vestissement dépressif, alors qu’il a tout simplement mal. L’enfant a mal par mécon- naissance et sous-utilisation des outils d’éva- luation de la douleur.

prise encharge

de ladouleur

L’antalgie va permettre de rendre le sé- jour à l’hôpital ou au cabinet moins trauma- tisant, la peur du prochain soin ou examen douloureux va diminuer, les parents seront moins angoissés et les soignants qui réa- lisent le geste a priori douloureux seront moins stressés.

Prise en charge de la douleur de l’enfant

Quadrimed 2014

Rev Med Suisse 2014 ; 10 : 267-70

Figure 1. Echelle visuelle analogique (EVA)

J. Llor

Dr Juan Llor Service de pédiatrie CHVR, Hôpital du Valais 1951 Sion

juan.llor@hopitalvs.ch

Figure 2. Echelle FPS (Face Pain Scale)

0 2 4 6 8 10

Niveaux Evaluations Types de de douleur EVA traitement Douleur légère EVA 1-3 Palier 1 Douleur EVA 3-5 Palier 1 ou 2 modérée

Douleur intense EVA 5-7 Palier 2 ou 3 Douleur très EVA L 7 Palier 3 intense

Tableau 1. Traitement de la douleur, avec pour objectif de ramener la douleur à une valeur inférieure à 3

EVA : échelle visuelle analogique.

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268 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 0 Les obstacles à la prise en charge adé-

quate de la douleur de l’enfant 6 sont :

• la difficulté d’évaluer la douleur ;

• la méconnaissance des produits et tech- niques ;

• la crainte des effets secondaires des trai- tements ;

• le manque de personnel ;

• la contrainte de temps.

Ainsi, pour traiter et diminuer la douleur chez l’enfant, il faut :

1. éviter les gestes inutiles, trouver d’autres stratégies (accès vasculaires permanents par exemple).

2. Prévenir : accepter la présence des pa- rents, expliquer ce qu’on va faire, utiliser une position idéale, appliquer de la crème EMLA (Eutectic Mixture of Local Anesthesics), utiliser du MEOPA (mélange équimolaire oxy- gène-protoxyde d’azote : Kalinox, Ento nox), connaître les délais et durées d’action des médicaments.

3. Utiliser des moyens physiques ou psy- chi ques : chaud, froid, positionnement, hyp- no se…

4. Utiliser des médicaments que l’on con- naît bien.

Le choix du produit analgésique dépend de plusieurs paramètres : importance de la douleur spontanée, douleur prévisible in- hérente au geste à effectuer, durée prévi- sible du soin, environnement (hôpital, pré- hospitalier, cabinet, personnel présent…).

quelques analgésiques utilisés chez l

enfant

L’analgésique utilisé dépendra de l’inten- sité de la douleur. Malheureusement, distin- guer douleur et anxiété n’est pas aisé. Il est donc parfois indiqué d’ajouter des anxiolyti- ques à l’antalgie.

Il y a une stigmatisation des opiacés. La crainte de leurs effets secondaires, celle de masquer trop efficacement la douleur, avec la peur de rater un diagnostic, freinent leur utilisation.

Cela est particulièrement observé pour les douleurs abdominales.6-8

Morphine

Analgésique majeur de référence, elle a l’avantage, outre son effet antalgique, d’avoir un effet anxiolytique. Elle est efficace contre les douleurs intenses et continues et peut être administrée par voie intraveineuse (IV) ou orale (PO). Par voie IV, son délai d’action est de cinq minutes et sa durée d’action de trois à quatre heures.

Ses effets secondaires, surtout l’hypo- ventilation, font que les soignants sont sou- vent réticents à l’utiliser pour soulager de fortes douleurs. La crainte de masquer une douleur qui serait primordiale pour préciser le diagnostic d’un abdomen douloureux est une cause fréquente de sous-utilisation de la morphine.5 Il en est de même pour le trai- tement des douleurs abdominales postchi- rurgie en raison de la crainte de l’iléus induit par le ralentissement du transit imputable aux opiacés.5 Il faut donc anticiper et parler à l’enfant et aux parents des implications d’une antalgie efficace : les effets indésira- bles doivent être présentés et anticipés.

On peut ainsi par exemple poser une sonde vésicale au bloc opératoire. En effet, la constipation et la rétention urinaire sont quasi la norme si l’usage de la morphine est nécessaire. Les réactions aux opiacés sont individuelles et les nausées et/ou vomisse- ments avec ou sans prurit sont très désa- gréables.

Fentanyl

Le fentanyl IV a comme avantage sur la morphine sa rapidité d’action, mais sa de- mi-vie est nettement plus courte (10 minu- tes). La forme intranasale est une alterna- tive à la morphine en l’absence d’abord vei- neux.9

Protoxyde d’azote (N2O)

Ce mélange équimolaire d’O2 et de N2O (MEOPA) est un bon analgésique de sur-

face et modifie les perceptions sensorielles et environnementales (= gaz hilarant). Il per- met une sédation consciente. Son effet apparaît après trois minutes. Si l’effet es- compté ne se produit pas, il est inutile de poursui vre l’administration du gaz. Il existe plusieurs contre-indications : l’altération de l’état de conscience, l’hypertension intra- crâ nienne, l’hypertension pulmonaire, toute ac cumulation d’air dans un espace fermé (pneu mothorax par exemple), le manque de collaboration de l’enfant et, la plus impor- tante, le fait de vouloir l’utiliser pour effec- tuer un geste très douloureux, comme par exemple la réduction d’une fracture. Son uti- lisation en association avec d’autres médi- caments de type benzodiazépine ou opia cé nécessite une grande prudence.

Crème EMLA

Cette crème, contenant 2,5% de lidocaïne et 2,5% de prilocaïne, s’applique sur peau saine. Il faut l’étendre 60 minutes avant le geste, sous pansement occlusif. La profon- deur d’anesthésie est alors de 3 mm. Il faut être prudent quant à la dose appliquée. Une forte quantité entraîne irrémédiablement une méthémoglobinémie.

Les dosages à utiliser sont les suivants :

• de 3 mois à 1 an : 0,5-1 g ;

• de 1 à 6 ans : 1-2 g ;

• de 6 à 12 ans : 2 g ;

• dès 12 ans : 2-3 g.

Succion et solutions sucrées

Dans les années 1990, l’administration de saccharose puis, plus tard, de glucose 30% associé à la succion d’une tétine, a montré une grande efficacité dans le con- trôle des douleurs brèves de type ponction chez le nouveau-né et le nourrisson jusqu’à l’âge de deux mois.10 Cet effet est lié à la libé ration d’endorphines.

Prise en charge des douleurs chroniques et neuropathiques

Les douleurs chroniques et neuropathi- ques sont un challenge pour les soignants, car il est absolument nécessaire de mettre en place une stratégie multimodale. L’asso- ciation de certaines molécules, parfois atypi- ques (gabapentine, clonazépam par exem- ple), permet de rendre le quotidien des pa- tients supportable.

conclusion

Le malade est le mieux placé pour parler de sa douleur. Si on veut la prendre en charge de manière efficace, il faut une éva- luation soigneuse. L’antalgie ne s’improvise

Palier 1 Palier 2 Palier 3

Paracétamol Tramadol Morphine

PO/IV 15 mg/kg q6h 1-2 mg/kg/dose q4-6h IV 0,05-0,1 mg/kg q4-6h IR 20 mg/kg q6h

Ibuprofène Codéine Fentanyl

10-12 mg/kg q8h 1 mg/kg q4-6h IV 0,5-1 mg/kg

IN 1-2 mg/kg

Ac. Méfénamique Nalbuphine PO 6,5 mg/kg q8h IV 0,2-0,3 mg/kg q6h IR 12 mg/kg q8h

Tableau 2. Indication et dosages des médicaments usuels selon les paliers Les opiacés doivent être titrés et ajustés jusqu’à obtention de l’effet désiré.

IN : intranasal ; IR : intrarectal.

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270 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 29 janvier 2014 0 pas. Il faut connaître les médicaments à

disposition et les administrer aux doses et aux fréquences adéquates. L’effet du traite- ment antalgique doit être évalué avec l’en- fant et/ou les parents.

Bibliographie

1 Anand KJ, et al. Randomised trial of fentanyl anaes- thesia in preterm babies undergoing surgery : Effects on the stress response. Lancet 1987;1:243-8.

2 Mather L, Mackie J. The incidence of post-operative pain in children. Pain 1983;15:271-82.

3 Taddio A, et al. Effect of neonatal circumcision on pain response during subsequent routine vaccination.

Lancet 1997;349:599-603.

4 Anand KJ, Craig KD. New perspectives on the defi- nition of pain. Pain 1996;67:3-6 ; discussion 209-11.

5 ANAES (Agence nationale d’accréditation et d’éva- luation en santé). Evaluation et stratégies de prise en charge de la douleur aiguë en ambulatoire chez l’enfant d’un mois à 15 ans. Arch Pediatr 2001;8:420-32.

6 Fein JA, Zempsky WT, Cravero JP ; Committee on Pediatric Emergency Medicine and Section on Anes- thesiology and Pain Medicine ; American Academy of Pe- diatrics. Relief of pain and anxiety in pediatric patients in emergency medical systems. Pediatrics 2012;130:e1391- 405.

7 Attard AR, Corlett MJ, Kidner NJ, Leslie AP, Fraser IA. Safety of early pain relief for acute abdominal pain.

BMJ 1992;305:554-6.

8 Carbajal R. Prise en charge de la douleur en pédia- trie. Centre national de Ressources de Lutte contre la Douleur. Hôpital d’enfants Armand Trousseau. AP-HP.

Paris.

9 Borland M, Jacobs I, King B, O’Brien D. A randomi- sed controlled trial comparing intranasal fentanyl to intra- venous morphine for managing acute pain in children in ther emergency department. Ann Emerg Med 2007;49:

335-40.

10 Carbajal R, Chauvet X, Couderc S, Olivier-Martin M.

Randomised trial of analgesic effects of sucrose, glucose, and pacifiers in term neonates. BMJ 1999;319:1393-7.

Site internet recommandé

www.pediadol.org : site de l’Association pour le traite- ment de la douleur de l’enfant. Référence pour l’antalgie pédiatrique en France.

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Références

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