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Prise en charge de la douleur postamygdalectomie

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Academic year: 2022

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14 | La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • N° 347 - octobre-novembre-décembre 2016

DOSSIER

ORL pédiatrique

Prise en charge de la douleur postamygdalectomie

Relief of post-tonsillectomy pain

S. Pondaven-Letourmy*

* Service de chirurgie pédiatrique de la tête et du cou, hôpital Clocheville, CHU de Tours.

Depuis avril 2013, la codéine n’est plus auto- risée comme antalgique après une amygda- lectomie. Cette restriction est intervenue après l’observation, aux États-Unis, d’une majo- ration du risque respiratoire chez des enfants en ayant reçu après adéno-amygdalectomie.

La publication de ces cas a permis de mettre en évidence des profils différents de métabolisme de la codéine. Cette dernière est une prodrogue, transformée en morphine dans l’organisme par le cytochrome P450 2D6. Or, l’activité de cette enzyme varie d’un sujet à l’autre. Il existe ainsi des “métaboliseurs rapides” ou “ultra rapides”

qui transforment plus rapidement la codéine en morphine. Les taux sanguins de morphine sont donc plus élevés chez ces patients, ce qui majore le risque toxique, notamment l’effet dépresseur respiratoire.

Cette alerte a été relayée par le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmaco- vigilance puis par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) aboutissant aux restrictions d’autorisation de mise sur le marché (AMM) suivantes :

possibilité d’utilisation de la codéine chez l’en- fant de plus de 12 ans uniquement après échec du paracétamol et/ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ;

contre-indication chez l’enfant de moins de 12 ans ;

contre-indication après adénoïdectomie ou amygdalectomie quel que soit l’âge ;

contre-indication chez la femme enceinte.

Dans la perspective de recherche d’alternatives thérapeutiques, la Société française d’ORL (SFORL) a publié en 2014 une recommandation intitulée

“Prise en charge de la douleur dans le cadre de l’amygdalectomie chez l’enfant et l’adulte”, dont le texte intégral est téléchargeable sur le site ORL- France (www.orlfrance.org) [1].

Consultation préopératoire

Les auteurs de cette recommandation rappellent que la prise en charge de la douleur débute dès la consultation préopératoire. En effet, la sous- consom mation d’antalgiques (2) peut s’expliquer par un défaut d’information des parents qui peuvent ne pas savoir évaluer le niveau de douleur, et donc ne pas adapter efficacement le traitement. Il est donc nécessaire d’informer sur l’intensité de la douleur attendue, sa durée et ses répercussions sur l’activité de l’enfant. Cette information doit être délivrée à l’enfant et sa famille en utilisant des sup- ports adaptés à l’âge du patient. Il est recommandé, au cours de cette consultation préopératoire, de remettre la prescription des antalgiques qui seront utilisés à la maison afin que les médicaments soient disponibles à domicile au retour de l’enfant. Cette ordonnance devra également faire l’objet d’expli- cations claires (prises simultanées des antalgiques, en systématique, sans attendre les manifestations douloureuses), même si ces informations seront réitérées avant la sortie.

Techniques complémentaires

De plus en plus de familles nous interrogent sur la place des techniques complémentaires. Nous devons pouvoir apporter une information claire tout en gardant à l’esprit que peu d’entres elles ont fait l’objet d’évaluation, et que le bénéfice ressenti dépend de l’attente du sujet.

Concernant les techniques comportementales, la distraction (écouter de la musique, jouer à un jeu vidéo) permet de diminuer, dans une certaine mesure, l’intensité de la douleur perçue. Le froid, les bains de bouche au peroxyde d’hydrogène, le chewing-gum, la tétine diminuent de façon transitoire la douleur post- opératoire immédiate. Enfin, l’analyse de la littérature

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La Lettre d'Oto-Rhino-Laryngologie • N° 347 - octobre-novembre-décembre 2016 | 15

Résumé

La douleur est intense dans les suites d’une amygdalectomie. Elle doit être prise en charge dès le début, sans attendre que l’enfant ne la manifeste. Le paracétamol est souvent insuffisant. La codéine a été inter- dite dans cette indication du fait du risque de dépression respiratoire. Le tramadol expose probablement aux mêmes risques. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont efficaces et sûrs, même s’ils augmentent un peu le risque de saignement. Les corticoïdes demandent à être évalués.

Mots-clés

Amygdalectomie Codéine

Paracétamol

Anti-inflammatoires non stéroïdiens Tramadol Morphine

Summary

Pain is very important after tonsillectomy. Pain relief has to be initiated before the child ask for it. Paracetamol is often insufficient. Codeine is forbidden due to the risk of respiratory problems. Tamadol has probably the same adverse effects. Non steroidal anti- inflammatory drugs are effi- cient and safe, except for a very slight increase of the risk of bleeding. Corticosteroids have to be evaluated.

Keywords

Tonsillectomy Codeine Paracetamol Non-steroidal anti- inflammatory drugs Tramadol

Morphine n’a pas permis de conclure à la nécessité de prescrire

un régime alimentaire à visée antalgique. En revanche, les auteurs s’accordent sur la nécessité d’une reprise alimentaire orale rapide.

Médicaments

Concernant les procédés pharmacologiques, 4 schémas thérapeutiques sont proposés pour essayer de résoudre la difficile équation antalgie/

nausées-vomissements/risque hémorragique.

La prescription repose donc sur un compromis opti- misé en fonction de la cible principale et selon le niveau de risque encouru par le patient. Il faut consi- dérer le risque de dépression respiratoire lorsque l’on utilise des produits antalgiques opioïdes ou dérivés, notamment chez des enfants présentant un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) car leur sensibilité à ces effets dépresseurs est augmentée. Quel que soit le protocole choisi, il est nécessaire de le débuter avant la sortie afin de vérifier son efficacité et ses effets indésirables.

La recommandation de la SFORL

La SFORL propose les schémas suivants (tableau) :

Option AINS

Ibuprofène (20 à 30 mg/kg/j en 3 prises) + para- cétamol (60 mg/kg/j en 4 prises ou 30 mg/kg/j en 4 prises si poids < 10 kg) en association et en systé-

matique (horaires programmés). Dans cette option, on ne peut exclure formellement une majoration du risque hémorragique. La surveillance sera donc adaptée, ainsi que l’information délivrée aux parents.

Ce schéma ne sera pas proposé si l’enfant présente des risques accrus de saignement.

Option AINS modifiée

Identique au schéma précédent, mais on n’utilise pas de déxaméthasone en peropératoire afin de ne pas majorer le risque hémorragique lié à l’utilisation de corticoïde + AINS en postopératoire.

Option tramadol

Tramadol (1 à 2 mg/kg toutes les 6 heures, maximum 400 mg/j) + paracétamol (60 mg/kg/j en 4 prises ou 30 mg/kg/j en 4 prises si poids < 10 kg), prises programmées en systématique. Dans cette option, la survenue de signes de surdosage de type mor- phinique est possible (vomissements, sédation et surtout dépression respiratoire) ; la surveillance sera donc adaptée ainsi que l’information délivrée aux parents. La notion d’un SAOS préopératoire fera préférer l’option AINS. En cas d’insuffisance de l’analgésie, on peut proposer, après consultation médicale, l’administration d’ibuprofène.

Option corticoïdes

Corticoïdes par voie orale (par exemple, predni- solone 1 mg/kg/j) + paracétamol aux doses pré-

Tableau. Les 4 schémas de traitement de la douleur postamygdalectomie proposés par la Société française d’ORL (1).

Le traitement oral est à débuter en hospitalisation, avant la sortie.

Option AINS Option AINS modifiée Option tramadol Option corticoïdes

À l’hôpital Peropératoire Dexaméthasone Dexaméthasone

SSPI Morphine Morphine Morphine Morphine

Avant la sortie Paracétamol Ibuprofène

Paracétamol Ibuprofène

Paracétamol Tramadol

Paracétamol

À la maison Paracétamol

Ibuprofène

Paracétamol Ibuprofène

Paracétamol Tramadol

Paracétamol Prednisolone SSPI : salle de réveil.

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Prise en charge de la douleur postamygdalectomie

DOSSIER

ORL pédiatrique

cédemment citées, selon un schéma programmé.

Cette option, qui n’est pas validée dans la littérature, correspond à la pratique de certains praticiens, mais doit cependant faire l’objet d’évaluations.

Haute Autorité de santé : précisions sur l’utilisation des morphiniques

Plus récemment, en janvier 2016, la Haute Autorité de santé (HAS), sur saisine de la Direction générale de la santé, a publié une recommandation intitulée

“Prise en charge médicamenteuse de la douleur de l’enfant : alternatives à la codéine” (3). Ce rapport, très détaillé et documenté, traite de toutes les situations cliniques pédiatriques pour lesquelles la codéine était utilisée et propose des traitements alternatifs.

Les conclusions de la HAS sont que, pour une douleur postamygdalectomie modérée, les publications récentes vont dans le sens de l’attitude proposée par la SFORL en faveur des AINS (ibuprofène) associés au paracétamol en première intention (sauf cas particulier indiquant des risques hémorragiques spécifiques) ; l’utilisation de corticoïdes associés au paracétamol reste à évaluer.

En cas de douleur intense, les auteurs de ce rapport proposent le recours au tramadol ou à la morphine orale en association avec le paracétamol.

En cas de SAOS, du fait de l’hypersensibilité aux effets dépresseurs respiratoires des morphiniques, leur indication doit être limitée aux douleurs intenses, avec une prescription à des doses réduites et une surveillance en unité de surveillance continue.

Actuellement, les formes galéniques de morphine orale disponibles ne sont pas adaptées pour les jeunes enfants et les traitements de courte durée. Les flacons actuels avec compte-gouttes contiennent de grandes quantités de morphine, ce qui expose à des risques de surdosage.

Le traitement par morphine orale doit donc être débuté durant l’hospitalisation, sous surveillance et à faible dose (0,1 mg/kg/prise). Si la morphine est probablement la plus efficace pour contrôler les douleurs sévères, elle est cependant fréquemment responsable de nausées et de vomissements qui sont à éviter après une amygdalectomie.

Enfin, les auteurs du rapport de la HAS signalent la publication récente d’un cas clinique français de dépression respiratoire sévère chez un enfant après une prise orale de tramadol aux posologies recom- mandées (1 mg/kg/prise) [4]. Les dosages ont mis en évidence un ultramétabolisme, de mécanisme identique à celui de la codéine…

Conclusion

La douleur postamygdalectomie est souvent intense.

Elle doit être traitée efficacement. Le retrait de la codéine a modifié les pratiques.

Actuellement, il est recommandé de prescrire du paracétamol + ibuprofène ou du paracétamol + tramadol en systématique, à horaires programmés.

Le choix de l’option thérapeutique dépendra du terrain (risque hémorragique accru) et de l’indi-

cation (SAOS).

S. Pondaven-Letourmy déclare avoir des liens d’intérêts avec Pfizer (participation au board pédiatrique).

1. Société française d’ORL. Recommandation pour la pratique clinique. Prise en charge de la douleur dans le cadre de l’amygdalectomie chez l’enfant et chez l’adulte. 2014.

www.orlfrance.org

2. Rony RY, Fortier MA, Chorney JM, Perret D, Kain ZN. Parental postoperative pain management: attitudes, assessment, and management. Pediatrics 2010;125(6):

e1372-8.

3. Haute Autorité de santé. Recommandation de bonne pratique. Prise en charge médicamenteuse de la douleur chez l’enfant : alternatives à la codéine. Janvier 2016.

www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2010340/fr/prise-en-charge-medicamenteuse-de- la-douleur-chez-l-enfant-alternatives-a-la-codeine

4. Orliaguet G, Hamza J, Couloigner V et al. A case of respiratory depression in a child with ultrarapid CYP2D6 metabolism after tramadol. Pediatrics 2015;135(3):e753-5.

Références bibliographiques

Références

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