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Prise en charge de la douleur post-amygdalectomie

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Médecine

& enfance

décembre 2016 page 320

Depuis avril 2013, la codéine n’est plus autorisée comme an- talgique après une amygdalec- tomie. Cette restriction est intervenue après l’observation, aux Etats-Unis, d’une majoration du risque respiratoire chez des enfants en ayant reçu après adéno-amygdalectomie.

La publication de ces cas a permis de mettre en évidence des profils différents de métabolisme de la codéine. Cette der- nière est une prodrogue, transformée en morphine dans l’organisme par le cyto- chrome P450 2D6. Or, l’activité de cette enzyme varie d’un sujet à l’autre. Il existe ainsi des «métaboliseurs rapides» ou «ul- tra rapides», qui transforment plus rapi- dement la codéine en morphine. Les taux sanguins de morphine sont donc plus élevés chez ces patients, ce qui ma- jore le risque toxique, notamment l’effet dépresseur respiratoire.

Cette alerte a été relayée par le Comité pour l’évaluation des risques en matière de pharmacovigilance puis par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), aboutis- sant aux restrictions d’autorisation de mise sur le marché (AMM) suivantes :

possibilité d’utilisation de la codéine

chez l’enfant de plus de douze ans uni- quement après échec du paracétamol et/ou des anti-inflammatoires non sté- roïdiens (AINS) ;

contre-indication chez l’enfant de moins de douze ans ;

contre-indication après adénoïdecto- mie ou amygdalectomie quel que soit l’âge ;

contre-indication chez la femme en- ceinte.

Dans la perspective de recherche d’al- ternatives thérapeutiques, la Société française d’ORL (SFORL) a publié en 2014 une recommandation intitulée

«Prise en charge de la douleur dans le cadre de l’amygdalectomie chez l’enfant et l’adulte», dont le texte intégral est té- léchargeable sur le site ORL-France (www.orlfrance.org)[1].

CONSULTATION PRÉOPÉRATOIRE

Les auteurs de cette recommandation rappellent que la prise en charge de la douleur débute dès la consultation pré- opératoire. En effet, la sous-consomma- tion d’antalgiques [2]peut s’expliquer

par un défaut d’information des pa- rents, qui peuvent ne pas savoir évaluer le niveau de douleur, et ainsi ne pas adapter efficacement le traitement. Il est donc nécessaire d’informer sur l’in- tensité de la douleur attendue, sa durée et ses répercussions sur l’activité de l’enfant. Cette information doit être dé- livrée à l’enfant et à sa famille en utili- sant des supports adaptés à l’âge du pa- tient. Il est recommandé, au cours de cette consultation préopératoire, de re- mettre la prescription des antalgiques qui seront utilisés à la maison, afin que les médicaments soient disponibles au domicile au retour de l’enfant. Cette or- donnance devra également faire l’objet d’explications claires (prises simulta- nées des antalgiques, en systématique, sans attendre les manifestations dou- loureuses), même si ces informations seront réitérées avant la sortie.

TECHNIQUES

COMPLÉMENTAIRES

De plus en plus de familles nous interro- gent sur la place des techniques complé- mentaires. Nous devons pouvoir apporter

La douleur est intense dans les suites d’une amygdalectomie.

Elle doit être prise en charge dès le début, sans attendre que l’enfant ne la manifeste. Le paracétamol est souvent insuffisant. La codéine a été interdite dans cette indication du fait du risque de dépression respiratoire. Le tramadol

expose probablement aux mêmes risques. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont efficaces et sûrs, même s’ils augmentent un peu le risque de saignement. Les corticoïdes demandent à être évalués.

Prise en charge de la douleur post-amygdalectomie

S. Pondaven-Letourmy,service de chirurgie pédiatrique de la tête et du cou, hôpital Clocheville, CHU de Tours 06 déc16 m&e douleur amyg 22/12/16 17:36 Page320

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Médecine

& enfance

décembre 2016 page 321 une information claire tout en gardant à

l’esprit que peu d’entres elles ont fait l’ob- jet d’une évaluation et que le bénéfice res- senti dépend de l’attente du sujet.

Concernant les techniques comporte- mentales, la distraction (écouter de la musique, jouer à un jeu vidéo) permet de diminuer, dans une certaine mesure, l’intensité de la douleur perçue. Le froid, les bains de bouche au peroxyde d’hydrogène, le chewing-gum, la tétine diminuent de façon transitoire la dou- leur postopératoire immédiate. Enfin, l’analyse de la littérature n’a pas permis de conclure à la nécessité de prescrire un régime alimentaire à visée antal- gique. En revanche, les auteurs s’accor- dent sur la nécessité d’une reprise ali- mentaire orale rapide.

MÉDICAMENTS

Concernant les procédés pharmacolo- giques, quatre schémas thérapeutiques sont proposés pour essayer de résoudre la difficile équation antalgie/nausées- vomissements/risque hémorragique.

La prescription repose donc sur un com- promis optimisé en fonction de la cible principale et selon le niveau de risque en- couru par le patient. Il faut considérer le risque de dépression respiratoire lorsque l’on utilise des produits antalgiques opioïdes ou dérivés, notamment chez des enfants présentant un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), car leur sensibilité à ces effets dépresseurs est augmentée. Quel que soit le protocole choisi, il est nécessaire de le débuter avant la sortie afin de vérifier son efficacité et ses effets indésirables.

Les quatre schémas thérapeutiques pro- posés par la SFORL sont décrits ci-des- sous et résumés dans le tableau.

OPTION AINS

Ibuprofène (20 à 30 mg/kg/j en 3 prises) + paracétamol (60 mg/kg/j en 4 prises ou 30 mg/kg/j en 4 prises si poids < 10 kg) en association et en sys- tématique (horaires programmés).

Dans cette option, on ne peut exclure formellement une majoration du risque hémorragique. La surveillance sera

donc adaptée, ainsi que l’information délivrée aux parents. Ce schéma ne sera pas proposé si l’enfant présente des risques accrus de saignement.

OPTION AINS MODIFIÉE

Schéma identique au précédent, mais on n’utilise pas de déxaméthasone en peropératoire afin d’éviter la majora- tion du risque hémorragique par l’asso- ciation au corticoïde d’un AINS en post- opératoire.

OPTION TRAMADOL

Tramadol (1 à 2 mg/kg toutes les 6 heures, maximum 400 mg/j) + para- cétamol (60 mg/kg/j en 4 prises ou 30 mg/kg/j en 4 prises si poids < 10 kg), prises programmées en systématique.

Dans cette option, la survenue de signes de surdosage de type morphinique est possible (vomissements, sédation et sur- tout dépression respiratoire) ; la sur- veillance sera donc adaptée ainsi que l’information délivrée aux parents. La notion d’un SAOS préopératoire fera préférer l’option AINS. En cas d’insuffi- sance de l’analgésie, on peut proposer, après consultation médicale, l’adminis- tration d’ibuprofène.

OPTION CORTICOÏDES

Corticoïdes par voie orale (par exemple, prednisolone 1 mg/kg/j) + paracéta- mol aux doses précédemment citées, se- lon un schéma programmé. Cette op- tion, qui n’est pas validée dans la litté- rature, correspond à la pratique de cer-

tains praticiens, mais doit cependant faire l’objet d’évaluations.

HAUTE AUTORITÉ

DE SANTÉ : PRÉCISIONS SUR L’UTILISATION DES MORPHINIQUES

Plus récemment, en janvier 2016, la Haute Autorité de santé (HAS), sur sai- sine de la Direction générale de la san- té, a publié une recommandation intitu- lée «Prise en charge médicamenteuse de la douleur de l’enfant : alternatives à la codéine» [3]. Ce rapport, très détaillé et documenté, traite de toutes les situa- tions cliniques pédiatriques pour les- quelles la codéine était utilisée et pro- pose des traitements alternatifs.

Les conclusions de la HAS indiquent :

« pour une douleur post-amygdalectomie modérée, les publications récentes vont dans le sens de l’attitude proposée par la SFORL en faveur des AINS (ibuprofène) associés au paracétamol en première in- tention (sauf cas particulier indiquant des risques hémorragiques spécifiques) ; l’utilisation de corticoïdes associés au pa- racétamol reste à évaluer ». En cas de douleur intense, les auteurs de ce rapport proposent le recours au tramadol ou à la morphine orale en association avec le pa- racétamol. En cas de SAOS, du fait de l’hypersensibilité aux effets dépresseurs respiratoires des morphiniques, l’indica- tion de ces derniers doit être limitée aux Les quatre schémas de traitement de la douleur post-amygdalectomie proposés par la Société française d’ORL [1]

Le traitement oral est à débuter en hospitalisation, avant la sortie

Option AINS Option AINS Option Option

modifiée tramadol corticoïdes

A l’hôpital

peropératoire . . . Dexaméthasone. . . Dexaméthasone

salle de réveil . . . Morphine . . . Morphine . . . Morphine . . . Morphineavant la sortie . . . Paracétamol . . . Paracétamol . . . . Paracétamol . . . Paracétamol

Ibuprofène . . . Ibuprofène . . . Tramadol

A la maison . . . Paracétamol . . . Paracétamol . . . . Paracétamol . . . Paracétamol Ibuprofène . . . Ibuprofène . . . Tramadol. . . Prednisolone 06 déc16 m&e douleur amyg 22/12/16 17:36 Page321

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Médecine

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décembre 2016 page 322 douleurs intenses, avec une prescription

à des doses réduites et une surveillance en unité de surveillance continue.

Actuellement, les formes galéniques de morphine orale disponibles ne sont pas adaptées pour les jeunes enfants et les traitements de courte durée. Les flacons actuels avec compte-gouttes contiennent de grandes quantités de morphine, ce qui expose à des risques de surdosage.

Le traitement par morphine orale doit donc être débuté durant l’hospitalisa- tion, sous surveillance et à faible dose (0,1 mg/kg/prise). Si la morphine est probablement la plus efficace pour contrôler les douleurs sévères, elle est cependant fréquemment responsable de nausées et de vomissements, qui sont à éviter après une amygdalectomie.

Enfin, les auteurs du rapport de la HAS signalent la publication récente d’un cas clinique français de dépression respira- toire sévère chez un enfant après une prise orale de tramadol aux posologies recommandées (1 mg/kg/prise) [4]. Les dosages ont mis en évidence un ultra- métabolisme, de mécanisme identique à celui de la codéine…

CONCLUSION

La douleur post-amygdalectomie est souvent intense. Elle doit être traitée efficacement. Le retrait de la codéine a modifié les pratiques. Actuellement, il est recommandé de prescrire du para- cétamol + ibuprofène ou du paracéta- mol + tramadol en systématique, à ho-

raires programmés. Le choix de l’option thérapeutique dépendra du terrain (risque hémorragique accru) et de l’in- dication (SAOS). 첸

S. Pondaven-Letourmy déclare avoir des liens d’intérêts avec Pfizer (participation au board pédiatrique).

Références

[1] SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ORL : « Recommandation pour la pratique clinique. Prise en charge de la douleur dans le cadre de l’amygdalectomie chez l’enfant et chez l’adulte », 2014, www.orlfrance.org.

[2] RONY R.Y., FORTIER M.A., CHORNEY J.M. et al. : « Parental postoperative pain management : attitudes, assessment, and management », Pediatrics,2010 ; 125 :e1372-8.

[3] HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ : « Prise en charge médicamen- teuse de la douleur chez l’enfant : alternatives à la codéine », re- commandation de bonne pratique, janvier 2016, www.has-sante.

fr/portail/jcms/c_2010340/fr/prise-en-charge-medicamenteuse- dela-douleur-chez-l-enfant-alternatives-a-la-codeine.

[4] ORLIAGUET G., HAMZA J., COULOIGNER V. et al. : « A case of respiratory depression in a child with ultrarapid CYP2D6 meta- bolism after tramadol », Pediatrics,2015 ; 135 :e753-5.

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