Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 11 mai 2011 1041 Il est bien connu que la tension arté
rielle (TA) de l’enfant montre une évo
lution dite «tracking» : les enfants hy
pertendus souffriront dans la plupart des cas d’une hypertension artérielle (HTA) à l’âge adulte également. La durée d’évolution cumulée d’une HTA non traitée étant déterminante quant à l’âge de la mani
festation et à la gravité de l’atteinte cardio
vasculaire ultérieure, un diagnostic précoce ainsi qu’un traitement efficace de l’hyper
tension dans l’enfance déjà, peuvent appor
ter une contribution décisive au maintien de la santé cardiovasculaire.
La définition de l’hypertension artérielle chez l’adulte résulte d’un «compromis» entre les études d’observation montrant que le risque cardiovasculaire croît régulièrement avec la pression artérielle, et les essais d’in
terventions cliniques qui ont documenté la réversibilité, au moins partielle, de ce risque sous traitement antihypertenseur. Chez l’en
fant, l’hypertension artérielle est définie sur la base de plusieurs études effectuées sur des populations d’enfants sains, permettant d’interpréter une tension artérielle donnée par rapport à la distribution des valeurs chez les enfants du même âge. Ayant constaté que la distribution des valeurs tensionnel
les est plus étroite pour une taille donnée que pour un âge donné, on retient normale
ment le diag nostic d’hypertension artérielle chez un enfant avec des valeurs dépassant constamment le 95e percentile des cour
bes américaines en fonction du sexe et de la taille.
Il est évident que ces courbes de valeurs normales ne peuvent être utilisées qu’à titre de référence pour l’identification des patients ayant une éventuelle HTA. Elles ne doivent en aucun cas être considérées comme re
présentant les valeurs cibles pour le traite
ment. Particulièrement en présence d’une néphropathie ou d’un diabète, il faut toujours viser les valeurs limites les plus restrictives.
Selon les toutes dernières connaissances, les valeurs cibles pour les enfants ayant une néphropathie sans protéinurie sont celles du percentile 75, avec protéinurie, celles du percentile 50 (tableau 1). Chez l’adulte également, on vise une TA l 130/85 mmHg dans des situations analogues.
A la préadolescence, une hypertension essentielle est rare, ce qui fait que la recher
che d’une forme secondaire est toujours in
diquée. Des mesures répétées de la TA su
périeures au percentile 95, ou une mesure ambulatoire sur 24 heures pathologique, imposent d’autres examens. Des mesures répétées entre les percentiles 90 et 95 exi
gent pour leur part des contrôles réguliers.
Les étiologies possibles d’une hypertension secondaire chez l’enfant sont nombreuses (tableau 2).
La perte pondérale chez les patients obè
ses, une alimentation pauvre en sel et riche en fruits et légumes, de même qu’une activité physique régulière occupent une place très importante dans le traitement de l’HTA. Ces mesures générales ont également fait leurs preuves chez les enfants, et doivent toujours
être intégrées aussi bien dans le cadre de la prévention que dans celui du traitement d’une HTA déjà manifeste. Pour obtenir un effet positif, il faut que toute la famille soit motivée à mettre ces mesures en œuvre.
Le choix des médicaments antihyperten
seurs n’est plus fondé sur les seules valeurs de TA. Si les antihypertenseurs centraux, les alphabloquants et les vasodilatateurs artériels ont effectivement une efficacité sur la tension artérielle, ces trois groupes de médicaments ne sont désormais plus con
sidérés comme médicaments de première intention, ni pour le patient adulte, ni pour le patient pédiatrique. Ceci sur la base de leur efficacité limitée sur les lésions organiques, ainsi que de leurs effets secondaires trop importants. On recommande actuellement l’utilisation des classes médicamenteuses suivantes : diurétiques thiazidiques et épar
gneurs de potassium, bêtabloquants, anta
gonistes du calcium (dihydropyridines et nondihydropyridines) de longue durée d’ac
tion, et antihypertenseurs agissant sur le système rénineangiotensine, c’estàdire in
hibiteurs de l’enzyme de conversion et anta
gonistes des récepteurs de l’angiotensine II. Ces antihypertenseurs possèdent une efficacité équivalente sur la tension arté
rielle et les lésions organiques chez les pa
tients adultes (et très probablement chez les enfants) souffrant d’une hypertension essentielle. Toutefois, chez les patients at
teints par une hypertension d’origine réna
le, y compris l’hypertension compliquant le diabète sucré, l’efficacité sur les lésions or
ganiques, la protéinurie et la progression de la maladie rénale des médicaments agis
sant sur le système rénineangiotensine II dépasse celle des diurétiques, des bêta
bloquants et surtout celle des antagonistes du calcium appartenant à la famille des dihy dropyridines. Cependant, la pression artérielle est relativement souvent insuffi
samment contrôlée par les médicaments agis sant sur le système rénineangioten
sine II, ceci même après augmentation de leur posologie. Dans ces cas, on ajoute un diurétique thiazidique (un diurétique de l’anse en cas d’insuffisance rénale relativement sé
vère). Lorsque l’hypertension d’origine rénale est déjà relativement sévère, la première prescription médicamenteuse peut être une bithérapie à doses fixes, combinant le plus
Hypertension chez l’enfant et l’adolescent
G. D. Simonetti B. S. Bucher S. Tschumi
Drs Giacomo D. Simonetti, Barbara S. Bucher et Sibylle Tschumi
Universitätsklinik für Kinderheilkunde Inselspital, 3000 Bern
giacomo.simonetti@insel.ch
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 1041-2
Percentile 50 (valeurs cibles pour les enfants ayant une néphropathie avec protéinurie) TA systolique 83 + âge (ans) × 2 TA diastolique 1-5 ans : 35 + âge (ans) × 4
6-17 ans : 50 + âge (ans) Percentile 75 (valeurs cibles pour les enfants ayant une néphropathie sans protéinurie) TA systolique 90 + âge (ans) × 2 TA diastolique 1-5 ans : 43 + âge (ans) × 4
6-17 ans : 58 + âge (ans) Percentile 90 (limite «normotension») Percentile 95 × 0,95
Percentile 95 (= limite «hypertension») TA systolique 100 + âge (ans) × 2 TA diastolique 1-10 ans : 60 + âge (ans) × 2
11-17 ans : 70 + âge (ans) Les percentiles 50 et 75 sont les valeurs cibles pour les enfants ayant une néphropathie avec et sans protéinurie. Les chiffres donnés par ces équations sont valables pour les deux sexes.
Tableau 1. Equations établies pour une estimation grossière de la référence tensionnelle supé- rieure (percentiles 95 et 90) et des percentiles 50 et 75 chez l’enfant et l’adolescent (jusqu’à dix-sept ans) dans la pratique quotidienne (chiffres en mmHg)
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souvent un antihypertenseur agissant sur le système rénineangiotensine II à un diuré
tique thiazidique.
Une monothérapie ne contrôle que rare
ment l’hypertension artérielle. Les quatre associations médicamenteuses ayant un effet additif prouvé sont par conséquent conseillées : inhibiteur du système rénine
angiotensine II + diurétique, inhibiteur du système rénineangiotensine II + antagoniste du calcium, bêtabloquant + antagonis te du calcium et bêtabloquant + diurétique. Par contre, les associations inhibiteur du sys
tème rénineangiotensine II + bêtabloquant et antagoniste du calcium + diurétique sont dépourvues d’effet additif prouvé. Les as
sociations moins favorables peuvent cepen
dant être prescrites lorsque la pression ar
térielle est insuffisamment contrôlée par les bithérapies de première intention. Enfin, la compliance au traitement peut être amélio
rée en prescrivant des médicaments qui provoquent moins d’effets indésirables, en respectant des intervalles de six semaines avant d’augmenter la posologie ou avant d’ajouter un nouveau médicament, ainsi qu’en utilisant des médicaments pouvant être pres
crits en une seule prise par jour.
Nouveau-nés et nourrissons
Fréquentes • Sténose de l’artère rénale (surtout thromboses et spasmes après cathétérisme de l’artère ombilicale)
• Sténose isthmique aortique
• Maladies congénitales du parenchyme rénal (hypoplasie, reins polykystiques)
• Maladies congénitales des voies urinaires efférentes (obstruction) Rares • Persistance du canal de Botal
• Dysplasie bronchopulmonaire
• Hémorragie cérébrale
• Tumeurs neuroendocriniennes
• Médicamenteuses
Petits enfants et enfants
Fréquentes • Pathologies aiguës et chroniques du parenchyme rénal (glomérulonéphrite, pyélonéphrite, post-traumatique)
• Maladies des voies urinaires efférentes (obstruction, reflux)
• Sténose isthmique aortique
• Hypertension essentielle (importante à partir de l’adolescence) Rares • Sténose des artères rénales
• Tumeurs neuroendocriniennes
• Hypercalcémie de toute étiologie
• Hyperthyroïdie
• Pathologies avec hypokaliémie (low-renin hypertension)
• Encéphalite, hypertension intracrânienne
• Médicamenteuses
Tableau 2. Etiologies de l’hypertension artérielle chez l’enfant et l’adolescent
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