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La péremption en droit de la responsabilité civile

CHAPPUIS, Christine

CHAPPUIS, Christine. La péremption en droit de la responsabilité civile. In: Werro, Franz. Le temps dans la responsabilité civile : Colloque du droit de la responsabilité civile 2005, Université de Fribourg . Berne : Staempfli, 2007. p. 107-138

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:11756

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La péremption en droit de la responsabilité civile

Christine Chappuis*

Professeure à la Faculté de droit de l'Université de Genève

I. Introduction

A. La notion de péremption B. La terminologie

Il. Cas de péremption en responsabilité civile A. Les cas clairement prévus

1. L'art. 10 LRCN 2. L'arr. 16 LA VI 3. L'art.IOLRFP B. Les cas douteux

1. L'art. 60 al. 1 CO ? 2. Les art. 20-21 LRCF 3. La réserve de révisÎOIl III. Cours de la péremption

A. Le point de départ et la durée du délai B. Les modalités de respect du délai IV. Conclusion

Le temps est compté pour les droits comme pour les hOiIDnes. Sur le plan juridique, le passage inéluctable du temps se traduit par deux instirutions, la prescription - traitée par Pascal PICHONNAZ1 - et la péremption qui fait l'objet

*

Tous mes remerciemenLS vont à Hamid Taieb. assistant à la Faculté de droit de Genève, puis à JoëUe Beçker, assistante et doctorante à la Faculté de droit de Genève, pour leur aide lors de la recherche, ainsi qu'à Olivier Unternaehrer. avocat, assistant et doctonmt à la Faculté de droit de Genève, pour sa relecture attentive.

Contribution de P. PICHONNAZ, La prescription de l'action en dommages-intérêts: Un besoin de réforme, dans le présent ouvrage.

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de la présente contribution. Contrairement à la prescription, la péremption n'exisle pas. Alors que le Code des obligations consacre seize dispositions de la Partie générale à la prescription; il ne règle pas la péremption en tant que telle2 Les principes qui la régissent doivent par conséquent se déduire des dispositions particulières qui la prévoient.

Institution juridique développée en marge de la loi, la péremption nécessite pour commencer quelques éclaircissements matériels et terminologiques (l.).

J'identifierai ensuite les cas dans lesquels la loi soumet une prétention en dommages-intérêts à un délai de péremption (II.) avant d'examiner le cours de la péremption (ilL). Quelques considérations critiques me permettront de conclure (IV.).

1_ Introduction

La prescription constitue la référence fondamentale par opposition à laquelle la péremption trouve une définition bien établie (A.). La terminologie, en revancl.e, Il'a été 4uC prugrc:ssivcmcnt fixét: (H.).

A. La notion de péremption

Selon une définition toute générale, la péremption provoque l'extinction définitive d'un droit du fait que le créancier n'entreprend pas, dans le délai tixé, un acte nécessaire à l'exercice de ce droit'. Le tenne de péremption est généralement utilisé dans un double sens. Il vise à la fois la durée du délai' et l'effet juridique de l'échéance du délai'.

Jurisprudence et doctrine ont pour habitude d'opposer la péremption et la prescription, en définissant la première par opposition à la seconde. C'est ainsi qu'elles caractérisent la péremption en trois points. Premièrement, la péremption provoque l'extinction véritable du droit, contrairement à la prescription qui n'entraine que la perte du droit d'action6. La créance périmée

«est totalement rayée du monde juridique» selon la belle expression de

4

6

BUCI-lER, 449; V. BOREN, 371; WySS, 48.

TERCrER, N 1433; ENGEL, 798 ; GUHllKOUER, § 38 N 43.

Ainsi dans la formule courante, « la péremption est de 10 ans ».

Ainsi dans la [onnule courante, « la péremption est acquise ».

ATF 86 1 60, c. 5. CR CO I-PICHONNAZ, art. 127 N 7; G,\UCHISCHLUEP/SCHMIDlREy, N 3574 s. ; GUHllKoLLER, § 38 N 53 ; ENGEL, 798; v. TuHRlPETER. 162; v. BORm, 371 ; BEGUELIN, 2.

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La péremption en droit de la responsabilité civile

P. ENGEL7 La place des règles sur la prescription dans le Titre Ille consacré à

« l'extinction des obligations » est trompeuse à cet égard8

Deuxièmement, une fois que le délai de péremption a commencé à courir, rien ne l'arrête plus. Cette caractéristique est essentielle du point de vue du créancier. La péremption ne peut être empêchée ou suspendue, ni, surtout, interrompue9. Les art. 134 et 135 ss CO sont inapplicables dans la mesure où ils ont pour effet de modifier la durée totale du délai. De manière parallèle, lorsque le délai est respecté, par exemple par l'introduction d'une action en justice, nul besoin de faire courir un nouveau délai. En effet, la péremption n'intervient pas en cours d'instancelO Elle échappe ainsi à l'une des modalités très contestables!! de la prescription fondée sur l'art. 138 CO.

Troisièmement, la péremption est relevée d'office par le juge et n'a pas à être invoquée par le débiteur (cf art. 142 CO pour la prescription)!'. TI ne s'agit donc pas d'une exception au sens technique, que doit soulever le débiteur, mais d'une objection!3 TI est intéressant de relever que le droit public, qui emprunte les notions de prescription et de pêremption au droit civil lorsque cela est nécessaire, diverge sur ce point. Alors que la péremption, comme en droit civil, est toujours relevée d'office, la prescription ne l'est pas dans l'hypothèse où c'est l'Etat qui est débiteur!'.

Nombre de délais fixés par le Code des obligations sont des délais de prescription. En effet, «c'est avant tout aux droits fonnateurs et aux actions formatrices que s'applique la péremption »!5. Sont, par exemple, des délais de péremption le délai d'un an pour invalider un contrat pour lésion ou vices du

ENGEL,798.

Cf TERCIER, N 1309.

ATF 119 II 429, c.3b (art. 839 al.2 CC). CR CO I-PrCHONNAZ, art. 127 N 8 ; V. TuHRIPEfER, 162 ; V. BÜREN, 371 ; BEGUELIN, 2.

10 A TF 119 II 429, c. 3b et la jurisprudence constante citée. CR CO I-PrCHONNAZ, art. 127 N 8; ENGEL, 798; BUCHER, 451 ; SelRa II, § 397, 1031; NABHOLZ, 77 (3), 125 (3);

WYSS, Il 0 ch. 7 et n. 74.

Il L'obligation faite au créancier de continuer à interrompre la prescription une fois l'action introduite ct l'affaire en mains de la justice n'est pas raisonnable. Cf la contribution de P. WESSNER dans le présent ouvrage, vers fl. 168-169; WYSS, JdT, 270 s., qualifie la solution légale d' « irrationnelle »).

12 CR CO I-PrCHONNAZ, art. 127 N 8; ENOEL, 798; V. TuHRiPETER, 162; BÉOUELlN, 2.

Il TERCIER, N 264, 1424, 1433; GAUCH/SCHLUEPiScHMID/REy, N 3574; BUCHER, 451.

n. 31 ; T ANIXXJAN, 43 s. (sur la différence entre objection et exception) ; WYSS, 49.

14 S'agissant de prétentions de droit public: ATF 111 V 135, c. 3b; 112 V 6, c. <k. Sur la différence entre prescription et péremption de prétentions fondées sur le droit public : ATF 101 lb 348; ATF 111 lb 277, c. 3a.bb, JdT 19871524.

15 ENOEL, 798 ; BUCHER, 449, n. 24 ; V. BÜREN, 373 ; WYSS, 46 s.

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consentement (art. 21,31 al. 1 et 2 CO) ou le délai de trois mois pour exercer le droit de préemption de l'art. 216eCO.

Les dispositions fixant une limite temporelle aux droits tiennent compte à la fois d'intérêts privés, celui de la partie lésée à obtenir la réparation de son dommage indépendamment de restrictions dans le temps et celui du débiteur à ne pas être soumis indéfiniment à des prétentions tombées dans l'oubli, mais également de l'intérêt public à la sécurité juridique et à la paix sociale".

Schématiquement, on peut caractériser la péremption comme obéissant avant tout à l'intérêt public, alors que la prescription servirait d'abord des intérêts privés!'.

B. La terminologie

La «péremption », également appelée «déchéance» en français, est rendue par «Verwirkung»

«<

Priiklusivfrist» ou «Ausschlussfrist ») en allemand et ({ perenzione ») en italien. De tout temps, on insiste sur le manque de rigueur tenninologique du législateur!', qui rend malaisée la qualification d'un délai.

Désignés comme prescription par la loi, certains délais sont en réalité des délais de péremption!9 TI en va de même de délais dont la nature n'est pas précisée (comme le délai annal pour invalider un contrat en raison d'un vice du consentement selon l'art. 31 al. 1 CO"'). En 1960, le Tribunal fédéral, partant de la constatation que le Code des obligations n'use jamais du tenne péremption, a relevé qu'il ne fallait pas «se fonder sur le fait que le législateur utilise ou non ce tenne ( ... ). Il convient d'examiner pour chaque disposition légale si le délai fixé est un délai de prescription ou de péremption »21

S'il est vrai qu'à cette époque, le tenne de« péremption» n'existait pas dans le Code des obligations - à l'exception tout de même de l'art. 1166 al. 3 CO -la version allemande du CO utilisait le mot « Verwirkung ,,22. Comme le montre

16 WIDMER/WESSNER. Rapport explicatif, 206 ; SCHWENZER, N 83.06.

17 ENGFJ.., 798; WYSS, 18 ss; LE MÊME, JdT, 259 ; BËGUEUN, 2. TANDOGAN, 60-61 (pour la prescription).

18 Déjà, NABHOLZ, 52 s. ; BÉGUELIN. 2. Cf aussi, SCHWENZER, N 83.05; BUCHER, 450, n. 29. Pour le droit public: GADOLA, 56 s. et n. 144.

19 Par exemple, les art. 521, 533, 929 al. 2 CC [STEINAUER, N 351a et réf. cit. (conlro- versé)) ; art. 251 CO (CR CO I-BADDELEY. art. 251 N 13 et réf. cit. n. 26).

20 Autres exemples: art. 21, 38 al. 2,107 al. 1, 177 CO.

21 AlF 86 1 60, 65, c. 5 (Steiner). Cf aussi, AlF III V 135, c. 3b; 112 V 6, c. 4c; 9S II 225, c. 9, JdT 19701 554, 566.

22 Par exemple. aux art. 433 (titre marginal) et 452 (titre marginal) CO.

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La péremption en droit de la responsabilité civile

NABHOLZ23, le droit romain des différentes époques distinguait la péremption de la prescription, jusqu'à une confusion partielle des deux institutions dans le droit de Justinien, La notion de prescription est ensuite conçue de manière si large en droit commun qu'elle englobe également les cas de péremption, Contrairement à la prescription, les grandes codifications ne règlent pas l'institution comme telle, mais prévoient de nombreux délais de péremption24 11 est intéressant de noter que les textes récents - Principes d'Unidroit, Principes européens de droit des contrats, etc,25 - se contentent de régler la prescription, mais n'abordent pas la péremption en tant qu'institution,

L'histoire de la notion se reflète dans le Code suisse des obligations, Le législateur de 1881 et celui de 1911 n'ont pas distingué les deux institutions juridiques'6 Ce sont des textes relativement récents qui font une utilisation fiable de la notion de péremption, On peut mentionner les nouvelles dispositions sur la résiliation du contrat de travail adoptées en 1988, L'art, 336b al, 2 CO soumet l'indemnité pour résiliation abusive à un délai de 180 jours dès la fin du contrat et l'art. 337d al. 3 CO fixe à l'employeur un délai de trente jours à compter de la non-entrée en place ou de l'abandon de l'emploi pour exercer son droit à indemnité pour résiliation en temps inopportun, dans les deux cas «sous peine de péremption» 27. On peut également citer à titre d'exemple l'art. 216e CO, au chapitre des droits de préemption, introduits par la Loi fédérale du 4 octobre 1991 sur la révision du CC (droits réels immobiliers) et du CO (vente d'immeubles)2'. Le titre marginal de cette disposition, qui soumet l'exercice du droit de préemption à un délai de trois mois, confond les mots « préemption» et «péremption »,

amusante coquille signalée en note de bas de page du Recueil officiel.

23 NABHOLZ, 52 ss.

24 NABHOLZ, 54 s.

25 Le Chapitre 14 des Principes européens et le chapilfe 10 des Principes d'Unidroit traitent d'un délai qui peut être suspendu (art. 14:301 ss PE, art. 10.5 ss PU), interrompu (art. 14:401 s. PE, art. 10.4 PU), dont l'échéance doit être soulevée par le débiteur et n'a pas l'effet d'éteindre le droit (art. 14:501 PE, art. 10.9 PU). Voir aussi § 194-218 BGB.

Toutefois, l'art. 14:307 PE institue un délai au-delà duquel la prescription ne peut pas être étendue par l'effet de la suspension ou de la prorogation. Ce délai (longstop) de durée invariable n'est pas un délai de prescription. Voir aussi l'art. 10.2(2) PU et § 199 BGB.

26 Si l'on en croit BEGUELlN, 2, le législateur aurait commencé à surveiller sa tenninologic en 1936.

27 ZK-STAEHELlN, art. 336b N 6; CR CO I-AuBERT, art. 337d N 5. Ces dispositions particulières au droit du travail ne seront pas examinées plus avant dans le présent cadre.

28 FF 1991 III 1537, 1988 III 889,1019 s.

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Christine Chappuis

Quelques années auparavant, l'art. ID al. 1 de la Loi fédérale sur la responsabililé en matière nucléaire (LRCN) de 1983 distinguait déjà clairement deux délais, un délai de prescription de trois ans (dès la connaissance du dommage et de la personne qui en assume la responsabilité ou la couverture) et un délai de péremption de trente ans (dès l'événement dommageable). De même, la Loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits (LRFP) de 1993 prévoit deux dispositions distinctes. L'art.9 LRFP institue un délai de prescription de trois ans (dès la connaissance du dommage, du défaut et de j'identité du producteur), alors que l'art. 10 LRFP prévoit un délai de péremption de dix ans (dès la mise en circulation du produit)29 Les art. 20 à 22 de la Loi fédérale sur la responsabilité de la Confédération (LRCF) de 1958 utilisent à la fois les notions de J'éremption et de prescription, mais ont causé bien du souci à la jurisprudence3 .

Il ressort de ce bref tour d'horizon que le législateur de langue française a introduit le terme (et la notion) de péremption dans la deuxième moitié du XXe siècle. Quant au législateur de langue allemande, il continue d'utiliser le vocable « Venvirkung ».

II. Cas de péremption en responsabilité civile

La péremption peut être fondée sur la loi, le contrat' 1 ou la jurisprudence32 Seuls les délais légaux nous intéresseront dans la présente étude. En l'absence de dispositions des lois spéciales de responsabilité, ce sont les règles du Code des obligations qui régissent les effets de l'écoulement du temps sur les prétentions en réparation, soit essentiellement l'art. 60 CO et l'art. 46 al. 2 CO.

La grande majorité des délais en matière de responsabilité civile sont des délais de prescription, à commencer par le délai ordinaire d'une année prévu par la règle générale de l'art. 60 al. 1 CO. Les lois spéciales prévoient des délais de deux ans (art, 14 LRespC, art, 16 al. 3 LA VI) ou trois ans (art, 10 al. 1 LRCN, art. 9 LRFP), voire trente ans s'agissant de dommages différés en matière nucléaire (art. 10 al. 1 LRCN). Le délai subsidiaire est de dix ans conformément à l'art. 60 al. J C033, sous réserve des cas où la prescription pénale de plus longue durée s'applique à l'action civile.

29 Sur les délais institués par ces deux lois spéciales de responsabilité, voir KELLER, 266 et 267.

30 Voir infra, ll. B. 1.

31 En paniculier. le contrat d'assurance.

32 L'inaction du créancier peut conduire à la déchéance fondée sur ['abus de droit (art. 2 al. 2 CC).

D Pour l'interprétation de cette disposition, voir infra, II. B. 3.

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La péremption en droit de la responsabilité civile

Dans de rares hypothèses, le Code des obligations ou les lois spéciales de responsabilité prévoient des délais de péremption, sous réserve des problèmes termiuologique et d'interprétation déjà signalés. Dans les dispositions plus anciennes, les délais fixés sont parfois qualifiés de prescription, parfois non qualifiés. Dans les textes plus récents, le législateur a clarifié la qualification par un usage délibéré et différencié des tennes de prescription et de péremption. Nous allons examiner ces cas, en commençant par les dispositions récenunent introduites.

A. Les cas clairement prévus

Examinées dans leur ordre chronologique d'adoption, trois dispositions de lois spéciales instituent des délais de péremption, clairement voulus et signalés comme tels par le législateur.

1. L'art. 10 LRCN

La Loi fédérale sur la responsabilité en matière nucléaire du 18 mars 1983 (LRCN) vise principalement à régler la responsabilité civile des exploitants d'installations atomiques3'. S'agissant de la réparation de dommages d'origine nucléaire, susceptibles de se produire de nombreuses années après une irradiation, la limitation des prétentions dans le temps est particulièrement importante.

L'art. 10 al. 1 LRCN prévoit le système du double délai3'. Le délai ordinaire est de trois ans. Son point de départ est dit relatif parce qu'il dépend du «jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de la personne qui en assume la responsabilité ou la couverture ». Le délai subsidiaire est de trente ans. Son point de départ est qualifié d'absolu, car il ne dépend pas de la connaissance du

34 Message du Conseil fédéral du 10 décembre 1979, FF 1980 1 172 SS, 173.

35 Art. 10 LRCN Prescription et péremption, al. 1: «Les prétentions résultant de la présente loi se prescrivent par trois ans à compter du jour où le lésé a eu connaissance du dommage et de la personne qui en assume la responsabilité ou la couverture. Elles se périment, à l'exception de celles qui "[Xntent sur les dommages différés (an. 13), si aucune action n'est intentée dans les trente ans qui suivent l'événement dommageable;

lorsque le dommage est dû à une influence prolongée, ce délai court à partir du moment où elle cesse) [caractère gras ajouté]. Sur Je système du double délai, cf WIDMERlWESSNER, Rapport explicatif, 211 ss.

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lésé, mais de la survenance de l'événement dommageable. L'opposition entre délai relatif et absoluJ6 n'est pas dénuée d'ambiguïté, comme on le verraJ7 L'art. \0 al. 1 LRCN précise la nature des deux délais en utilisant, dans le titre marginaI, les tennes «Prescription et péremption» (<< Verjiihrur'g und Verwirkung », «Prescrizione e perenzione »). Le texte de la disposition, de manière cohérente, prévoit que les prétentions « se prescrivent» (<< verjiihren », ~< si prescrivono») par trois ans ou ( se périment) (<< sie erlOschen », « sono perenle») par trente ans.

Le délai de trois ans est désigné comme un délai de prescription auquel s'applique l'alinéa 4 de l'art. \0 LRCN. Cette disposition prévoit que «la prescription interrompue contre l'une des parties concernées (personne responsable, assureur ou Confédération) l'est également contre les autres ».

Elle étend à la solidarité imparfaite existant entre les parties concernées la règle de l'art. 136 al. 1 CO régissant la solidarité parfaite3". Elle vise le délai de prescription, seul susceptible d'interruption39.

En revanche, le délai de trente ans est un délai de péremption dont 1.' échéance fait « s'éteindre» la prétention de la partie lésée, comme l'indiqu~nlles textes allemand et italien de l'art. \0 al. 1 LRCN40 Le délai subsidiaire n'est ainsi pas susceptible d'être interrompu et son échéance n'a pas à être soulevée par le débiteur, mais doit être relevée d'office par le juge.

Les tennes utilisés par le titre marginal sont en cohérence avec le texte lui- même. La loi met en place, d'une part, un délai de prescription relatif, de l'autre, un délai de péremption absolu41 La méfiance préconisée par le Tribunal fédéral en 196041 n'est ici plus de oùse. L'art. 10 LRCN est un texte récent dont la fonnulation a été conçue par le législateur de manière à clarifier la situation juridique. Le Message du Conseil fédéraI est clair à cet égard:

« Pour l'avenir, il conviendrait ( ... ) de choisir une fonnulation qui précise sans équivoque jusqu'à quel moment les revendications doivent être adressées à l'exploitant civilement responsable (ou à son assureur) et à partir de quel

" Sur cette tenninologie, voir par exemple, TERClER, N 1758-1759 (art. 60 CO), N 1701- 1702 (art. 67 CO); en allemand, la doctrine oppose également «relative» et« absolute

Frist~): par exemple. BasK OR I-DAPPEN, art.6O N 6, 9 (chez v. TlrHRI PETER. 437-439: «kul7.e» et« subsidiiire Verjiihnmg »)).

37 Cf infra, II. B. 1.

lS CR CO I-PICHONNAZ. art. 136 N 3 et jurisprudence citée n. 7 ; CR CO 1-WERRO, Intro.

art. 50-51 N tO et critiques mentionnées n. 22 ; ÜFTlNCERISTARK 11/3, § 29 N 506 s.

39 Voir supra, ll. 9.

40 OFTINCERISTARK W3, § 29 N 484 58.

41 KELLER, 255, 266.

42 Voir supra, n. 21

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La péremption en droit de la responsabilité civile

moment il faut appliquer les dispositions éventuelles régissant les dommages différés. Nous pensons donc qu'on ne peut se contenter d'une simple norme de prescription. Il conviendrait d'adopter un délai de péremption, qui créerait une véritable césure par rapport à la période de réparation des dommages différés >,43. Le caractère péremptoire du délai de trente ans trouve son origine dans une convention intemationale44

Il découle de ce qui précède que l'adoption d'un délai de péremption est motivée par le besoin de déterminer de manière non équivoque le moment jusqu'auquel l'exploitant d'une installation nucléaire peut être tenu pour responsable. Une fois le délai à compter de l'événement dommageable écoulé, la LRCN met un terme définitif à toute éventualité d'actionner l'exploitant en dommages-intérêts. Ne subsistera que la possibilité de réclamer à la Confédération la réparation d'un dommage qualifié de différé (art. 12 et 13 LRCN).

En conclusion, le délai de trente ans prévu par l'art. 10 al. 1 LRCN est clairement un délai de péremption au-delà duquel (sous réserve des dommages différés) le dommage n'est plus réparé.

2. L'art. 16 LA VI

La Loi fédérale sur l'aide aux vlcllmes du 4 octobre 1991 (LA V!) vise à fournir une aide efficace aux victimes d'infractions sur trois plans: les conseils, la procédure pénale, l'indemnisation et la réparation morale (art. 1"

LA VI). En ce qui concerne le troisième volet, il s'agit notamment« pour l'Etat de se substituer, ne serait-ce que provisoirement, à l'auteur de l'infraction lorsque celui-ci est défaillant pour une raison ou pour une autre et que nulle autre personne ou institution n'est tenue d'intervenir pour couvrir effectivement, rapidement et dans une mesure suffisante le dommage subi par la victime >,45. Le but de cette responsabilité subsidiaire de l'Etat46 est d'assurer à la victime une indemnisation aisée et rapide47

43 Message du COllseil fédéral du 10 décembre 1979, FF 19801172 ss, 190.

44 Convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité dans le domaine de l'énergie nucléaire (modifiée par des Protocoles additionnels des 28 janvier 1964 et 16 novembre ] 982) signée mais non ratifiée par la Suisse: WIDMER/WESSNER, Rapport explicatif, 209 ll. 1052 et 12 ll. 47.

45 Message du Conseil fédéral du 25 avril 1990, FF 1990 il 909 SS, 912.

46 Art. 14 aJ. 1 LA VI.

47 ATF 126 II 97, c.2e, JdT 2002 IV 26, 28. Voir aussi, WIDMERlWESSNER, Rapport explicatif, 336 s.

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Selon l'art. 16 al. 3 LAYI, la demande doit être introduite dans un délai de deux ans à dater de l'infraction. A défaut, ceUe disposition prévoit que les

{< prétentions sont périmées»

« (

venvirkt», « decadono »). Son titre marginal

«<

Procédure et péremption». « Verfahren und Venvirkung ), <~ Procedura e

peremJone") confirme qu'il s'agit bien d'un délai de péremption. Le législateur a volontairement introduit un délai de péremption court48. La solution est confonne à la Convention européenne du 24 novembre 1983 relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes dont la ratification était proposée en même temps que le projet de LA Yr'9

La brièveté et la nature du délai ont été critiquées dès l' origine'O La jurisprudences 1 s'est vue contrainte à certains aménagements de ce délai pour en adoucir les effets drastiques. Un projet de révision totale qui en tient compte est actuellement en cours. Il porte le délai de deux à cinq ans dès la date de l'infraction ou de la connaissance de l'infraction (art. 25 du projet), tout en maintenant la péremption pour les motifs suivants: « La péremption est adaptée au système de la LA YI, dès lors que la décision doit être rendue à un moment où il est encore possible d'élucider rapidement les circonstances exactes de l'infraction à la base de la demande et de détenniner si le préjudice allégué par la victime a bien été causé par l'infraction; en outre, l'autorité doit constater les faits d'office ,,". La nécessité d'élucider les circonstances de l'accident, en particulier le lien de causalité, justifierait tout aussi bien un délai de prescription, mais n'explique pas pourquoi l'on s'en tient au délai de péremption. Le message de 1990 donnait l'explication suivante: « En instituant un délai de péremption relativement court, on oblige les victimes à se décider rapidement. Le but de l'indemnisation est en effet de permettre aux

48 Message du Conseil fédéral du 25 avril 1990, FF 1990]] 909 55, 942.

49 Message du Conseil fédéral du 25 avril 1990, FF 1990 n 909 55, 949 s. Gol'.fMI

STEINIZEHNTNER (1995), art. t6 N 28; GoMM IZEHNTNER (2005), art. 16 N 28.

'" GOMMISTEINIZEH,nNER (1995), art. 16 N 29; GOMMIZEHNTNER (2005), art. 16 N 29 ss; GO~1}..f, 203 ss; WIDMER/WESSNER, Rappon explicatif, 337 et n.1615. Le Message (FF 1990 fi 909 5S, 942) lui-même pressentait la difficulté: « Certes, on peut se demander si les victimes sont toujours en mesure d'agir dans un délai de deux ans, en paniculier parce que l'on peut assez fréquemment constater chez les victimes d'infractions des conséquences différées d'ordre psychiatrique» .

.'il AlF 123 II 241 et 126 II 348, JdT 2002 IV 17, sur le point de départ du délai de deux

ans et la restitution du délai en cas d'absence d'infonnation de la victime; ATF 126 II 97, JdT 2002 IV 26, sur la possibilité de déposer une requête par précaution et de fonnuler des demandes d'indemnisation non chiffrées .

.'i2 Message du Conseil fédéral du 5 novembre 2005, FF 2005 6683 5S, 6747.

(12)

La péremption en droit de la responsabilité civile

vlclimes de sunnonter les difficultés qui surgissent immédiatement après l'infraction

,,53,

ce qui justifie la courte durée, mais non la nature du délai.

La question est de savoir pourquoi le délai - qu'il soit de deux ou de cinq ans- ne peut pas être prolongé. S'agissant d'une responsabilité subsidiaire, encourue indépendamment d'un quelconque reproche adressé à l'Etat, il peut se justifier d'en tracer des limites les plus claires possibles. La prévisibilité en matière de délais peut résulter de la durée et du point de départ de ceux-ci. La nature péremptoire d'un délai rend la durée de celui-ci certaine, du fait que le délai est soustrait à toute prolongation par le fait du créancier (art. 135 ch. 2 et 137 CO).

Un délai péremptoire fixé à deux ans est échu exactement deux ans après son point de départ. En ajoutant l'exigence de la connaissance de l'infraction à celle du jour de l'infraction'·, le projet introduit, en revanche, un élément d'incertitude quant au point de départ du délai55. Refuser toute protection à la victime dans les cas identifiés par la jurisprudence aurait certes augmenté la prévisibilité en faveur de l'Etat, mais allait à l'encontre du but même de la LAY!.

L'idée de maintenir la responsabilité subsidiaire de l'Etat dans des limites aussi clairement définies que possible est de nature à justifier l'existence d'un délai de péremption.

3. L'art. la LRFP

Derniers en date, les art. 9 et 10 de la Loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits du 18 juin 1993 (LRFP) distinguent un délai relatif de prescription de trois ans et un délai absolu de péremption de dix ans56. Ce système de double délai correspond à celui instauré par la LRCN57 Il provient des art. 10

53 Message du Conseil fédéral du 25 avril 1990, FF 1990 TI 909 ss, 942. Voir aussi, ATF 126 II 97, c. 2c, JdT 2002 IV 17; ATF 123 II 241, 243, c. 3e.

54 L'ATF 126 Il 348, c. 5-7, JdT 2002 IV 17, fait partir le délai de la connaissance par la victime du dommage et de la lésion, dans le cas d'un diagnostic de SIDA posé plus de cinq ans après un viol, qui avait pennis de découvrir une nouvelle infraction et un autre préjudice.

55 L'ATF 123 II 241 avait déjà admis exceptionnellement qu'une restitution du délai était possible en faveur de la victime qui n'a pa..>; été infonnée de ses droits.

56 WERRO, Traité, N 832 s. ; ROBERTO, N 382 s.

57 Voir supra, IL A. 1.

(13)

et 11 de la ~irective européenne sur la responsabilité du fait des produits défectueux" dont la LRFP constitue une transposition volontaire'9.

A nouveau, le titre marginal de l'art. 10 LRFP comportant le ternle

«Péremption» (<< Verwirkung », «Peren'lione correspond au texte lui- même. Celui-ci mentionne le fait que les prétentions «s'éteignent»

(<< verwirken », «si estinguono ») à j'échéance du délai. La Directive européenne n'emploie pas la notion de péremption, mais son texte prévoit également que les droits de la victime «s'éteignent»

« <

erliischerp» à l'expiration du délai de dix ans60. Critique sur la sévérité de la règle, F. WERRdl considère que le régime de la péremption confère au producteur une protection exorbitante du droit commun au détriment de la victime. Sa proposition de laisser subsister, en concours avec la LRFP, le régime commun qui prévoil un délai subsidiaire de prescription décennal dès le fait dommageable (au lieu d'un délai de péremption de même durée depuis la mise en circulation) mérite approbation.

Cette limite dans le temps, voulue par le législateur européen, et reprise par le droit suisse. a pour but de rendre supportable le poids d'une responsabilité sans faute pour le producteur, de ne pas décourager l'innovation technologique et de rendre accessible la couverture du risque par les assurances62. L'institution d'un délai de péremption mettant le producteur (et son assureur) à l'abri de toute prétention, passé une certaine date, peut se comprendre comme une prise en compte équilibrée des intérêts des deux parties.

COirone la LRCN et la LA VI, la LRFP fait partie de ces lois modernes qui emploient le mot « péremption» à bon escient. Le but de celles-ci est de mettre un teffile définitif à l'incertitude liée à l'éventualité d'une action en réparation d'un dommage, d'inciter la partie lésée à faire valoir ses droits au plus vite et de limiter plus strictement la responsabilité dans le temps. L'intérêt public n'est pas réellement en cause. D'ailleurs, de manière générale, les litiges de responsabilité civile mettent essentiellement en jeu les intérêts de la victime, du responsable et de leurs assureurs. Les intérêts de tiers ne sont pas touchés comme ils le sont dans d'autres cas nécessitant que soit instauré un délai de

58 Directive du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, (85/374/CEEl, JO n' L 210/29 .

.59 Cf à ce sujet récemment, la contribution de WESSNER, Responsabilité produits.

60 Directive 85/3741CEE, art. JI. HEss. art. 10 N 1.

61 WERRO, Péremption et responsabilité produits, 577 s., 583 S.

62 Livre Vert, 24 $. Critique sur cette justification, WERRO. Péremption et responsabilité prodUÎlS, 578, relève que «le régime de la péremption constitue l'exception en matière de resJX)nsabilité civile el que la sévérité de la responsabilité mise en place n'y change en priocipe rien ».

(14)

lA péremption en droit de la responsabilité civile

péremption'3 En matière de responsabilité civile, l'intérêt public, habituellement invoqué pour motiver le choix de la péremption par opposition à la prescription64, n'est guère une justification valable.

B. Les cas douteux

Fondées sur des textes antérieurs aux années 1980, en revanche, les dispositions instaurant des délais sont sujettes à interprétation. La méfiance à laquelle le Tribunal fédéral appelle en 196065 est de mise. Ainsi en va-t-il des textes qui suivent.

J. L'art. 60 al. 1 CO ?

La règle fondamentale sur la prescription des prétentions extra-contractuelles est inscrite à l'art 60 C066. A première vue, cette disposition prévoit un délai de prescription, comme l'indique son titre marginal, sous réserve des problèmes d'interprétation mentionnés plus haut. L'art. 60 al. 1 CO prévoit un délai relatif (ordinaire) d'un an et un délai absolu (extraordinaire) de dix ans.

Le caractère de prescrigtion - sujette à interruption - du délai d'un an n'a jamais été mis en doute . En revanche, la tentation est grande de considérer le délai de dix ans « dès le jour où le fait dommageable s'est produit» comme un délai de péremption. Si l'on compare l'art. 60 al. 1 CO au système double de la LRCN ou de la LRFP, ce délai «absolu» pourrait apparaître comme une péremption.

C'est probablement le vocable « absolu}) qui invite à interpréter le délai de dix ans comme une péremption. La doctrine va dans ce sens lorsqu'elle parle de

«nuancer le caractère 'absolu' de ce délai» du fait que celui-ci peut être

63 S'agissant du délai pour attaquer la décision de l'assemblée générale d'une société anonyme (art. 706 al. 4 aCO), le Tribunal fédéml relève que «En général, des délais d'action sont fixés par la loi afin qu'on sache rapidement si un acte est attaqué.

éventuellement annulé; souvent l'intérêt de tiers au procès le commande ( ... ), comme c'est le cas dans l'application de l'art. 706 CO ( ... ), le jugement étant opposable aussi aux actionnaires qui n'ont pas participé au procès (art. 706 al. 5 CO)>> : ATF 110 II 387, 389-390.

64 Cl supra, n. 17.

65 Cl supra, n. 21.

66 Sur cette disposition, de Lege lata et de [ege ferenda, voir la contribution de Pascal PICHONNAZ, II. B. et II.C.

67 WERRO, Traité. N 1405 S5, 1409, 1427 S5; BK-BREHM, art.60 N 4 S5, 20 S5 : SCHWENZER, N 84.07.

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interrompuM Le Tribunal fédéral s'est, en effet, prononcé sur le caractère du délai extraordinaire dans une décision de 198669 en se référant à la solution adoptée en relation avec l'art. 14 al. 1 LRespC70 Pour intéressante que soit la comparaison, elle n'est pas peninente. En effet, l'art. 14 al. 2 LRespC prévoit expressément - ce que ne fait pas l'art. 60 CO - que la suspension et l'interruption de la prescription sont régies par le Code des obligations.

Avec OFTrNGER et STARK7l, on relèvera que si la loi ne précise pas que les deux délais de l'art. 60 al. 1 CO peuvent être interrompus, elle ne dit pas non plus le contraire. En effet, il est admis que le délai armai posé par l'art. 60 al. 1 CO est de prescription, tout comme celui de l'art. 67 al. 1 CO ou le délai décennal de l'art. 127 CO. On ne voit pas pour quelle raison la nature du délai devrait changer selon son point de départ et sa durée.

En particulier, le tenme «absolu », que n'utilise d'ailleurs pas la 10i72, signifie seulement que la survenance du dommage constitue le point de départ (objectif) du délai décennal indépendamment de la connaissance (subjective) du dommage et de son auteur par la partie lésée. Une décision de 1997, tout en confmnant la possibilité d'interrompre le délai de dix ans, entretient la confusion de manière regrettable: «Le délai de dix ans peut également être interrompu C ... ); en effet qu'il repose sur l'an. 127 CO, l'art. 60 al. 1" CO ou l'an. 67 al. le, CO, il ne constitue pas un délai absolu C ... ) »13 Il faut lire que le délai de dix ans « ne constitue pas un délai de péremption », en revanche, son point de départ est « absolu » en ce qu'il ne dépend pas de la connaissance de la partie lésée.

La solution de l'Avant-projet de révision du droit de la responsabilité civile rejoint cette interprétation. L'art. 55 AP prévoit un délai ordinaire (relatif) à

68 WERRO, Traité, N 1446 (italiques ajoutées) ; dans le même sens, ROBERTO, N 571. Voir aussi, BasK OR I-DAprEN, art. 60 N 10; OFllNGERISTARK ]]JI, § 16 N 346. 366 ".

" ATF 112 Il 231, c. 3e ... ; confirmé in ATF 123

m

213, c.6, ldT 2000 1 208. La

question était controversée en 1986: DESCHENAUxffERCŒR, 203 N 28, admettaiem la possibilité d'inlerrompre le délai de dix ans, ce que BUCHER (1~~ éd.), 402, refusait (<< Die 'absolUle' VeIjahrungsfrist ist eine uneigentlîche VeIjahrungsfrist. »); cet auteur semble maintenir sa posilion dans la 2e éd., 460 S., en affinnant que, une fois les dix ans écoulés, la prescription annale n'est plus susceptible de commencer à courir.

70 ATF8411211,c.2.

" OmNoERISTARK IDI, § 16 N 369 ss.

71 Exemple d'utilisation dans la jurisprudence : ATF 117 IV 233, c. 5d.aa, 243, JdT 1994 IV 40. Pour la docbine, cf supra, n. 36. Le qualificatif d' « absolu» est effectivement irrefilhrend, comme le note BK-BREHM, art. 60 N 18.

B ATF 123 III 213, c. 6a, JdT 2000 1 208, 214 (italiques ajoutées), décision qui cite l'ATF 117 IV 233, c. 5d.aa, mentionné en note72.

(16)

La péremption en droit de la responsabilité civile

l'alinéa 1" et un délai subsidiaire (absolu) à l'alinéa 274 Il utilise la même fonnule dans les deux cas: «l'action se prescrit par ... à compter de ... »:

seuls la durée et le point de départ sont différents. Le Rapport explicatif"

confIrme que le délai subsidiaire peut aussi être interrompu. Le doute n'est plus permis: les deux délais prévus par l'art. 60 al. 1 CO sont des délais de prescription, et non de péremption.

2. Les art. 20-21 LRCF

La Loi fédérale sur responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires (LRCF) du 14 mars 195876 contient un chapitre VI, intitulé «Prescription et péremption », dont deux dispositions sont intéressantes dans le présent cadre (italiques ajoutées) :

Art. 20

1 La responsabilité de la Confédération (art. 3 et s.) s'éteint si le lésé n'introduit pas sa demande Je dOIllmages-intérêts ou d'indemnité à titre de réparation morale dans l'année à compter du jour où il a eu connaissance du donunage, et en tout cas dans les dix ans à compter de l'acte dommageable du fonctionnaire.

2La demande doit être adressée au Département fédéral des finances.

3 Si, dans les cas visés à l'article 10, 2e alinéa, la Confédération conteste la demande ou si elle ne prend pas position dans les trois mois, le lésé doit introduire action dans un nouveau délai de six mois sous peine de péremption.

Art. 21

Le droit de recours de la Confédération contre le fonctionnaire se prescrit par un an à compter de la reconnaissance ou de la constatation exécutoire de la responsabilité de la Confédération et en tout cas par dix ans à compter de l'acte dommageable du fonctionnaire.77

L'art. 20 al. 3 LRCF utilise la notion de péremption, l'art. 21 LRCF, celle de prescription. Quant à l'art. 20 al. 1 LRCF, il prévoit un délai à l'issue duquel la

74 Telle est la tenninologie utilisée par WIDlvlERlWESSNER, Rapport explicatif, 207.

75 WlDMERlWESSNER, Rapport explicatif, 213.

76 RS 170.32.

77 Art. 22 LRFP:

1 La prescription de la poursuite pénale est régie par les dispositions du droit pénal.

2 La responsabilité disciplinaire des fonctionnaires se prescrit confonnément aux dispositions disciplinaires spéciales, mais par un an au plus après la découverte de l'acte disciplinairement répréhensible et en tout cas trois ans après la dernière violation des devoirs de service.

3 La prescription est suspendue pendant la durée de la procédure pénale engagée en raison du même fait ou jusqu'à droit connu sur les recours exercés dans la procédure disciplinaire.

(17)

responsabilité de la Confédération «s'éteint» si la demande d'indemnisation n'est pas introduite. Se pose dès lors la question de savoir si le délai de l'an. 20 al. 1 LRCF est un délai de prescription sujet à interruption ou un délai de péremption qui ne l'est pas. C'est précisément en relation avec l'interprétation de ces dispositions que le Tribunal fédéral, dans l'affaire Steiner78, met en garde contre les difficultés terminologiques et retient, à l'issue d'un considérant (ardu) de cinq pages, que le délai de l'an. 20 al. 1 LRCF n'est pas sujet à interruption selon les règles du Code des obligations sur la prescription.

JI ne prend, par ailleurs, pas la peine de distinguer les notions, puisqu'il conclut que la « prescription dudit an. 20 al. 1 » n'est pas soumise à l'an. 135 CO.

La décision Steiner ne convainc pas, et sur plusieurs points:

- Elle attache une grande importance au fait que l'an. 20 al. 1 LRCF prévoit que la responsabilité de la Confédération «s'éteint» et non que l'action est prescrite à l'image de l'an. 60 al. 1 C079 Pourtant, le Tribunal fédéral insiste, «la terminologie n'est pas encore bien fixée, surtout en droit public» 80 On ajoutera que le Code des obligations lui-même range la prescription au chapitre de l'extinction des obligations81 et qu'il n'est donc pas plus clair sur la question.

- L'an. 20 al. 1 LRCF mentionne que la demande d'indemnisation doit être

« introduite » dans le délai, ce dont les juges dédu.isent qu'il s'agit du « seul moyen» d'éviter la déchéance8'. Rien dans le texte ne laisse entendre qu'il s'agit là du seul moyen et que les règles générales du Code des obligations sont écartées.

- Les panies demanderesses s'étaienl appuyées sur l'an. 26 al. 2 LRCF83 pour soutenir que l'an. 20 LRCF prévoyait aussi bien un délai de prescription qu'un délai de péremption (respectivement à l'alinéa 1er et à l'alinéa 3). Après avoir concédé la valeur (apparente) de l'argument, l'arrêt retient que «l'emploi de ce demier terme [prescription] ne serait guère conforme à la doctrine, ni à la terminologie du Code fédéral des obligations et des lois qui s'y réfèrent »"'. Mais, quelques lignes plus hauI, le Iccleur est

78 ATF 86 1 60, c. 5, 64-65, cité supra, n. 21.

79 ATF86 1 60, c. 5. 66 et 67.

80 ATF 86 [60, c. 5, 67 (italiques ajoutées).

81 Cf supra. n. 8.

82 ATF 86 1 60, c. 5. 66.

Il) ~( L'l ConfédératÎon répond aussi en vertu des art. 3 et suivants du dommage causé avant

l'entrée en vigueur de la présente loi, s'il n'y a ni prescription, ni péremption en vertu de l'art. 20 )).

84 ATF 86160, c. 5.67.

(18)

La péremptioll en droit de la responsabilité civile

averti du fait qu'on ne peut pas se fonder sur le fait que le législateur utilise l'un ou l'aulre termeSl

Enfin, il est dit que le «caractère péremptoire du délai, en cas de réclamation pécuniaire contre la Confédération, est justifié par les intérêts de l'administration» '6 L'on se demande bien entendu pourquoi les intérêts de l'administration devraient l'emporter sur ceux de la partie lésée". En outre, la solution du Tribunal fédéral créerait une inégalité en faveur de la Confédération: alors que la prétention de la partie lésée contre la Confédération se périmerait selon l'art. 20 al. 1 LRCF, celle, récursoire, de la Confédération contre le fonctionnaire se prescrirait selon l'art. 21 LRCF.

Nonobstant le caractère ru convainquant du raisonnement, une partie de la jurisprudence ultérieureS s'est référée à la décision précitée sans la remettre en cause. Cependant, dans l'arrêt Banque de crédit international (1980)89, le Tribunal fédéral se demande si la prétention des créanciers contre la Confédération n'est pas «éteinte par prescription en vertu de l'art. 20 al. 1 LRCF oU par péremption en vertu de l'art. 20 al. 3 LRCF? »,n il ne tranche pas le fait 99ue la Confédération n'avait soulevé ni ,la prescription'!, ~i la pérempllon -. Les Juges semblent partlf de l'Idee - non dlscutee - que l'alinéa 1" vise la prescription et l'alinéa 3 la péremption, ce qui est contraire à la jurisprudence citée plus hauë3 Plus récemment, dans l'affaire

85 AlF 86 1 60. c. 5, 65.

86 ATF 86 1 60. c. 5, 66.

81 Même réflexion: STARK, 12.

8B A TF 108 lb 97. c. 1 a ; Commission fédémle de recours en matière de persoJUlel fédéral.

12 août 1999, JAAC 64 (2000) W 31, c.3b.bb. Dans le même sens, JAAG, 86;

WTDMERlWESSNER. Rapport e:tplicatif, 313, partent également de l'idée. sans la criliquer. que les délais de l'art. 20 aL 1 LRCF som de péremption.

89 ATF 106 lb 357, c. 3a. Voir J'analyse de GROSS. 182. n. 9. Un arrêt subséquent dans la même affaire (ATF 108 lb 97) est consacré au point de départ du délai prévu à

"art.

20

al. 1 LRCF, soit à la question de savoir à quel moment les créanciers avaient une connaissance suffisante du dommage; on notera avec intérêt que le Tribunal fédéral se contente d'exantiner le « délai» de l'art. 20 al. 1 LRCF, tout en évitant soigneusemem les Lerrnes de « prescription» ou de « péremption ».

90 ATF 106 lb 357, 364, c. 3a.

91 « ... la prescriplion de créances de droit public ne doit pas êlre examinée d'office lorsqu'elle joue au délriment du citoyen qui actionne ,'Elat (ATF 101 lb 250)>> (ATF 106 lb 357, 364, c. 3a). Sur ceUe question, cf GAOOLA, 50.

92 La péremption est certes exantinée d'office (AlF 101 lb 350; 86 [ 62), mais la Confédération avait accepté sans réserve d'entrer en matière sur le problème de fond (ATF 106/b 357. 364, c. 3a).

93 Cf supra, n. 78 et 88.

(19)

Spring94, le Tribunal fédéral, apparemment sensible aux cnuques de la doctrine", s'interroge sur la question centrale du caractère péremptoire du délai institué par l'art, 20 aL 1 LRCF, Il renonce une nouvelle fois à trancher parce que le délai, quelle qu'en soit la nature, était échu depuis une quarantaine d'années dans le cas d'espèce,

La question de l'interprétation - mal résolue par l'arrêt Steiner96 - de cette disposition demeure, S'il est vrai que l'on ne doit pas accorder une importance décisive aux termes utilisés par le législateur, comment faut-il alors interpréter l'art 20 al, 1 LRCF? L'on considèrera tour à tour les arguments historique, systématique et téléologique,

- Le projet de loi, soumis aux Chambres en 1956 et débattu en 1957-1958, se référait déjà aux notions de prescription et de péremption (art, 18-21 du projet), Cependant, ni le Message du Conseil fédéral du 29 juin 1956, ni les débats aux Chambres ne fournissent la moindre explication Sur ces notions97, Les interventions traitent surtout de la canalisation (nouvelle) de la responsabilité sur la Confédération et du fait que, contrairement à la loi de 1850, le lésé n'a plus d'action contre le fonctionnaire fautif (art, 3 al, 3 LRCF), Suite aux débats relatifs aux art, 18-21 du projet, le délai proposé de cinq ans est prolongé à dix ans dans l'intérêt de la partie lésée9 , «ceci par analogie avec l'article 60 du Code des obligations ,,99-100 La nature du délai n'ayant pas fait l'objet de discussion, les travaux préparatoires n'amènent à aucune conclusion décisive.

- Dans l'affaire Steinerlol, les parties lésées avaient invoqué un argument systématique intéressant, que balaye le Tribunal fédéraL L'art. 26 aL 2

.. ATF 126 Il 145, c. 2a, JdT 2003 1 70. Voir toutefois, l'arrêt du Tribunal fédél1ll, 2P.33612005, du 3 février 2006, c_ 3.2, selon lequel le délai de l'art. 20 LRCF ne peut pas être jmerrompu.

9S BAlZ. 181 s. ; voir aussi. STARK, Il s.

96 Cf supra, n. 78.

97 Message du Conseil fédéral du 29 juin 1956, FF 195611420; BQ CE 1958 27 SS, 29;

BO CN 1957804 55, 833 s., BO CN 1958 13 S.

98 Intervention VON MOOS, BO CE 195829.

99 Intervention GUISAN (rapporteur de la majorité), BO eN 1957 833.

100 On note que la seconde phrase de l'art. 18 al. 1 du Projet (qui correspond à l'actuel art. 20 LRCF) a été biffée en raison de la suppression d'une autre disposition. Art. 18 al. 1, 2e phrase du Projet: « Ce délai est interrompu par l'exercice d'un moyen de droit au sens de l'article 3, 3e alinéa, et il ne court pas tant que dure la procédure)} ; art. 3 al. 3 Projet: « La responsabilité de la Confédération n'est pas engagée lorsque le lésé n'a pas fait usage des moyens de droit à sa disposition pour s'opposer à J'acte ou à J'omission dommageable ». Ces deux alinéas sont supprimés par les Chambres.

lOI A 1F 86 1 60, 67, c. 5, mentionné supra, n. 78.

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