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Université de Bourgogne UMR CNRS 5561 Biogéosciences Equipe Ecologie Evolutive THESE

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Université de Bourgogne UMR CNRS 5561 Biogéosciences

Equipe Ecologie Evolutive

THESE

Pour l’obtention du grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE BOURGOGNE

Variation de la manipulation comportementale parasitaire par Pomphorhynchus laevis chez Gammarus pulex

Nathalie Franceschi

Soutenue publiquement le 21 septembre 2009

Jury

Loic Bollache Université de Bourgogne Directeur

Frank Cézilly Université de Bourgogne Examinateur

Yannis Michalakis CNRS Montpellier Examinateur

Serge Morand CNRS Montpellier Rapporteur

Thierry Rigaud CNRS Dijon Directeur

Frédéric Thomas CNRS Montpellier Rapporteur

Julien Varaldi Université Lyon 1 Examinateur

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Remerciements

Il est largement admis qu’une thèse représente le résultat d’un travail d’équipe. En conséquence, il me semble important de remercier ici tous ceux sans qui ce travail n’aurait pu être concrétisé. Ils sont nombreux et vous remarquerez ainsi qu’il s’en est fallu de peu pour que cette thèse ne voie jamais le jour…

De toute évidence, il me faut en premier lieu remercier les personnes qui ont permis mon existence. Contrairement à l’usage qui veut que des remerciements de thèse commencent avec la citation des personnes directement impliquées dans le travail présenté, je commencerai donc par remercier ma famille.

Merci déjà à mon père, sans qui je n’existerais évidemment pas et à qui, finalement, je dois sans doute beaucoup concernant mon caractère, ma détermination et ma volonté. Il faut savoir reconnaître ce que chacun nous apporte…

Merci, surtout, à ma mère ; merci maman pour ton soutien sans faille, tes encouragements, ton amour, ta présence quotidienne, ta compréhension et tout ce qu’il n’est pas possible de décrire ici.

Merci pour tout, tout, tout… Heureusement que tu étais là… Et mille fois pardon pour mon mauvais caractère qui ressort parfois plus avec toi qu’avec les autres, ce qui est profondément injuste et injustifié…

Merci également à Tatiana, petite sœur unique qui, bien que n’ayant évidemment pas participé directement à ma création, a malgré tout joué un rôle certain dans ce que je suis aujourd’hui.

Je remonterai un peu plus loin encore en remerciant mes grands-parents, mais rassurez-vous je m’arrêterai là, inutile de développer ici toute ma généalogie et l’enchaînement de hasards qui a abouti à ma conception. Merci donc à Béatrice et Iulius, Ma et Titou vous êtes, sans doute aucun, les grands- parents les plus merveilleux que l’on puisse rêver, même si je regrette de n’avoir pas eu plus de temps à passer avec vous durant ces quatre années de travail acharné… J’essaierai de me rattraper, autant que possible…

J’en arrive à présent aux personnes de l’Equipe Ecologie Evolutive, qui sont plus directement concernées par les travaux présentés ici.

Tout d’abord, un grand merci à Thierry Rigaud, directeur de thèse exemplaire. Merci pour l’aide que tu m’as apportée tout au long de ces années, merci de ta patience - principalement durant cette fin de rédaction quelque peu laborieuse - et de ta compréhension devant ma façon de mener les choses…

Merci pour ce que tu m’as appris.

Merci à Loïc Bollache, qui m’a également encadrée durant ma thèse, apportant dans nos discussions l’approche naturaliste qui me manque parfois. Merci pour ta franchise, ton soutien et ta confiance dans mes capacités.

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Merci à Frank Cézilly sans qui, étonnamment, cette thèse n’existerait pas non plus. Bien qu’engagée assez tôt dans la voie de la recherche, je ne suis pas du tout persuadée que j’aurais fait une thèse si je n’avais pas travaillé avec toi durant mes deux années de Master… La vie est ainsi faite…

Merci aux membres du jury d’avoir accepté d’en faire partie, de m’avoir consacré du temps et d’avoir patienté au rythme des délais successifs que je leur ai imposés…Merci à Frédéric Thomas et Serge Morand d’avoir accepté d’être rapporteurs de cette thèse, j’en suis très honorée, et merci à Yannis Michalakis et Julien Varaldi d’en être les examinateurs.

Merci aux membres de mon comité de thèse (Frank Cézilly, Yannis Michalakis et Fabrice Vavre) qui, au début de ma thèse, m’ont apporté d’intéressantes pistes de réflexion.

Merci également aux personnes qui ont participé ponctuellement à mes travaux : Rémi Wattier, Frédéric Hervant, Yannick Moret, Nicolas Kaldonski et François-Xavier Dechaume-Montcharmont.

Merci à Stéphane Cornet pour son aide et sa participation à de nombreuses expériences. Merci pour ton efficacité et ton perfectionnisme !

Merci infiniment à Mary Bouley pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Merci à Sébastien Motreuil pour son assistance sur le terrain et durant les expériences de labo.

Sans l’aide précieuse que tu m’as apportée, il est probable que toutes les expériences présentées plus loin auraient été différentes, et sans doute bien moins complètes.

Merci à Alexandre Bauer pour son aide lors des infestations expérimentales.

Merci à Maria Gaillard pour son aide en biologie moléculaire.

Merci à Karine Monceau pour son sourire et sa bonne humeur dans un bureau parfois un peu triste !

Merci également à tous les autres membres du laboratoire qui ont pu, à un moment ou à un autre, participer à mes travaux ou m’aider dans différents domaines.

Merci également aux stagiaires que j’ai eu la chance d’encadrer. En espérant n’oublier personne je citerai donc, dans l’ordre où ils sont intervenus : Denis Guvenatam, Matthias Galipaud, Guénaëlle Bouët, Thomas Tisin, Sébastien Poirier, Guillaume Martinaud et Lucile Dianne.

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Pour revenir à des personnes plus éloignées de la recherche mais plus proches de moi, je remercierai tous ceux qui ont été suffisamment patients durant ces années pour accepter de me voir encore moins que d’habitude et de recevoir des nouvelles de manière encore plus sporadique… Merci à Sylvie pour son amitié quotidienne, sa compréhension, son soutien et son écoute attentive. Merci à tous les autres que je ne peux citer ici mais à qui je pense…

Merci aux EI qui m’ont formée, qui m’ont appris une certaine sociabilité (je laisse ceux qui me connaissent imaginer ce que cela pouvait être avant…) et ont forgé la personne que je suis. Je sais que sans les camps et le reste je serais aujourd’hui bien différente…

Une pensée pour Jacky qui n’a pas attendu que je termine cette thèse pour que nous concrétisions notre projet commun. Peut-être aurai-je le courage de le mener seule à son terme…

Merci au soutien invisible que m’ont apportée le L., le P., le Z. et les autres. Pardonnez moi si je vous dis que j’attends avec impatience le jour où je pourrai enfin me débarrasser de vous !

Je terminerai avec celui qui partage ma vie depuis plus de cinq ans, Jean-François.

Jeff, merci. Infiniment. Pour tout. Pour ton aide, pour ta présence, pour ton soutien, pour ton amour, pour ta compréhension, pour ta patience, pour tes efforts... Il n’y a pas de mots pour dire tout ce que tu fais pour moi, chaque jour, et sans toi je ne sais pas comment j’aurais pu mener ce travail de front avec le reste, ni dans quel état je l’aurais terminé... Tu m’as aidée à tout surmonter, tu as été là dans les bons et les moins bons moments, sans jamais te désister, sans jamais baisser les bras, sans jamais me faire défaut… Moi qui ai toujours voulu me débrouiller seule pour tout, moi qui n’ai besoin de personne, j’ai besoin de toi…

Merci aussi à Odette et Gustave, beaux-parents formidables et si attachants qui m’ont si vite intégrée à la famille. Et de très très gros bisous à Emma, en espérant n’avoir jamais été une horrible marâtre !

Quoi qu’il en soit, quoi qu’il advienne ensuite, je suis profondément contente d’avoir fait cette thèse, d’avoir persévéré dans une voie qui me passionne et d’être allée au bout de ces études. J’ai appris énormément, bien que je n’aie pas réussi à répondre aux questions que je me posais en m’engageant dans cette voie. J’ai d’ailleurs compris que je n’y répondrai jamais. Mais je ne regretterai jamais d’avoir fait ce choix qui m’a enrichie, et j’espère avoir la possibilité de continuer, à ma façon, et sur le sujet qui me tient réellement à cœur. Et sinon, ma foi, il y a tant d’autres choses à faire et à découvrir…

« On me pardonnera ; chacun sa route après tout. »

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Avant-propos

Outre les articles présentés dans cette thèse, les travaux dont il est question ici ont également permis la publication de deux autres articles, donc le sujet est plus éloignés du thème principal de cette thèse, et qui ne seront donc pas inclus dans ce manuscrit.

En voici les références :

Cornet S., Franceschi N., Bauer A., Rigaud T., Moret Y., 2009. Immune depression induced by acanthocephalan parasites in their intermediate crustacean host: Consequences for the risk of super-infection and links with host behavioural manipulation. International

Journal for Parasitology, 39: 221-229.

Cornet S., Franceschi N., Bollache L., Rigaud T., Sorci G. Variation and covariation in infectivity, virulence and immune depression in the host-parasite association Gammarus pulex - Pomphorhynchus laevis. Soumis àProceedings of the Royal Society of LondonB.

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Table des matières

Introduction

1. Parasitisme et manipulation

2. Le caractère adaptatif de la manipulation parasitaire 3. Variabilité dans les associations hôte-parasite

4. Variation dans la manipulation comportementale 5. Modèle biologique

Méthode : Procédure générale d’infestation expérimentale 1. Récolte des individus

2. Identification moléculaire des parasites 3. Infestation des amphipodes

4. Suivi de l’infection

5. Mesure du phototactisme

Chapitre 1 : Variation intra-individuelle A - Répétabilité

B - Variation en fonction de l’âge du parasite et de l’intensité de l’infection

Chapitre 2 - Variation intra-populations, variation inter-familles A - Variation inter-familles dans la manipulation comportementale B - Compétition entre parasites dans le même hôte

Chapitre 3 - Variation inter-populations et adaptation locale

Discussion générale

Bibliographie

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Liste des figures

Figure 1. Cycle de vie de P. laevis

Figure 2. Etapes principales du protocole d’infestation expérimentale Figure 3. Dispositif de mesure du phototactisme

Figure 4. Localisation des différentes populations utilisées dans le chapitre 1B Figure 5. Localisation des différentes populations utilisées dans le chapitre 2A Figure 6. Localisation des différentes populations utilisées dans le chapitre 3

Liste des encarts

Encart 1. Association Cyathocephalus truncatus / Gammarus pulex : un indice de convergence évolutive ?

Encart 2. Infestations expérimentales de crustacés par des acanthocéphales

Annexe

Franceschi, N., Rigaud, T., Moret, Y., Hervant, F., Bollache, L., 2007. Behavioural and physiological effects of the trophically transmitted cestode parasite, Cyathocephalus truncatus, on its intermediate host, Gammarus pulex. Parasitology, 134, 1839-1847.

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Introduction

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Introduction

1. Parasitisme et manipulation

Le parasitisme est sans doute l’interaction durable la plus répandue dans le monde vivant, et l’on estime que plus de la moitié des espèces actuellement connues sont des espèces parasites (Combes 1995, Bush et al. 2001). Cette association est définie comme une relation étroite au sein de laquelle une espèce (le parasite) exploite durablement les ressources d’une autre (l’hôte). La survie du parasite dépend donc entièrement de son hôte, ce dernier pouvant être considéré comme son environnement de vie, et l'ensemble hôte-parasite devenant alors un écosystème à part entière. Le parasitisme est également défini par la relation coûts-bénéfices qu’il engendre ; en effet, il est admis que, dans le cas d’une association hôte-parasite, le parasite impose des coûts à son hôte (virulence, correspondant à la diminution du succès reproductif de l’hôte) et en retire des bénéfices pour son propre compte. D’autres types d’interactions durables se définissent par une autre distribution des coûts et des bénéfices, le mutualisme par exemple étant une relation où chaque partenaire bénéficie de l’association avec l’autre espèce. L’étude de ces interactions durables est essentielle car elles jouent un rôle considérable dans l’évolution et le fonctionnement de la biosphère (Combes 2001).

Parmi tous les parasites existants, une catégorie particulière retient l’attention des chercheurs depuis quelques dizaines d’années. Ces parasites possèdent un cycle complexe impliquant plusieurs hôtes successifs. La ou les formes immatures du parasite résident dans un ou plusieurs hôtes intermédiaires successifs où a lieu la croissance de la larve. Le parasite doit ensuite être transmis à l’hôte définitif, généralement par voie trophique, afin d’atteindre sa maturité et de se reproduire. Certains de ces parasites ont développé une capacité à modifier le phénotype de leur hôte intermédiaire. De nombreuses études ont d’abord suggéré, puis montré, que ces altérations avaient pour conséquence d’augmenter la transmission des

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parasites à l’hôte définitif (Combes 1991, Poulin 1995, Lafferty 1999, Moore 2002). Ces processus, favorisant le passage du parasite de l’hôte amont à l’hôte aval, sont désignés par le terme de “favorisation” (Combes 1991). En effet, toute modification du comportement, de l’apparence ou de la physiologie de l’hôte intermédiaire entraînant une augmentation de sa susceptibilité à la prédation par l’hôte définitif devrait être positivement sélectionnée et les parasites possédant ces gènes “manipulateurs” devraient donc augmenter en fréquence dans la population.

Dawkins, en 1982, a introduit le principe de “phénotype étendu” (extended phenotype) selon lequel le phénotype d’un individu peut résulter de l’expression non pas de son seul génome, mais de plusieurs génomes agissant en interaction. Seules les interactions durables permettent ce type de croisement d’information (Combes 2001). Ainsi, l’expression du génome d’un parasite peut s’étendre au-delà de son propre phénotype et s’exprimer dans le phénotype de son hôte, pourtant créé par un génome distinct du sien. L’altération observée chez cet hôte est alors le résultat de la sélection naturelle agissant sur le parasite qu’il abrite.

Un exemple frappant de ce processus, où même la frontière entre règne animal et végétal est franchie, est l’exemple des galles végétales qui se forment autour des larves d’insectes, leur formation étant induite par le génome de l’insecte parasite. La manipulation comportementale induite par les parasites est donc également considérée comme une manifestation classique de ce phénotype étendu.

Comme dans la plupart des associations hôte-parasite, la relation existant entre les parasites manipulateurs et leurs hôtes intermédiaires est extrêmement asymétrique. Tandis que les parasites sont soumis à une forte pression de sélection pour manipuler leur hôte et ainsi compléter leur cycle de vie, les hôtes, eux, ne sont pas forcément soumis à une telle pression pour résister ou tolérer la manipulation. Le principe suivant, énoncé par Haraguchi &

Sasaski (1996) concernant la mutation pourrait ainsi s’appliquer à la manipulation : “the

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parasite is mutating for his life while the host is only mutating for his health”. Le parasite doit en effet manipuler son hôte afin de compléter son cycle de vie, tandis que l’hôte ne doit résister au parasite que pour conserver de meilleures aptitudes. Cependant, dans le cas des parasites favorisant la prédation de leur hôte intermédiaire, les pressions de sélection devraient être plus importantes, puisque cette fois l’hôte devrait également lutter contre la manipulation pour sa vie.

Ce phénomène de manipulation parasitaire est bien documenté chez de nombreux parasites (voir par exemple les synthèses de Lafferty 1999, Moore 2002 ou Thomas et al.

2005) et en particulier chez des helminthes infectant des arthropodes ou des mollusques, comme par exemple des trématodes (Levri & Lively 1996, Thomas & Poulin 1998, Levri &

Fisher 2000, Seppälä et al. 2004, Hansen & Poulin 2005), des nématodes (Moore & Lasswell 1986, Maeyama et al. 1994, McCurdy, et al. 1999, Thomas et al. 2002), ou encore des cestodes (Poulin et al. 1992, Pasternak et al. 1995, Pulkkinen et al. 2000). C’est cependant chez les acanthocéphales que le phénomène est le mieux connu (Bethel & Holmes 1973, Dobson 1988, Helluy & Holmes 1990, Lafferty 1992, Bakker et al. 1997, Bauer et al. 2005, Perrot-Minnot et al. 2007). L’étude de la manipulation parasitaire et de ses effets est essentielle car elle peut affecter profondément la structure et la stabilité des communautés proies-prédateurs (Fenton & Rands 2006). Elle a donc été largement étudiée durant les 30 dernières années, avec un intérêt particulier pour sa nature adaptative (e.g. Moore 1983, Poulin 1995, Lagrue et al. 2007).

2. Le caractère adaptatif de la manipulation parasitaire

Comme évoqué précédemment, l’une des questions principales à propos de la manipulation parasitaire concerne son caractère adaptatif. Le mot “adaptation” est utilisé à la fois pour désigner un trait fixé chez un organisme et le processus qui a mené à l’apparition et à la fixation de ce trait. Poulin (1995), définit l’adaptation de la manière suivante : « Trait

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génétiquement déterminé qui est devenu […] dominant dans une population car il confère un avantage sélectif à celui qui le porte, à travers une amélioration de certaines fonctions. » Comme S.J. Gould et R.C. Lewontin l’ont fait remarquer en utilisant le dôme de la cathédrale San Marco de Venise pour leur démonstration devenue célèbre (Gould & Lewontin 1979), tout n’est pas forcément le résultat de la sélection naturelle et d’autres causes que l’adaptation biologique peuvent avoir façonné un caractère aujourd’hui fixé. Ainsi, même s’il est généralement admis que la modification du comportement ou de la physiologie de l’hôte intermédiaire est généralement adaptative pour le parasite (Poulin 1995, Lafferty 1999, Moore 2002, Thomas et al. 2005), des hypothèses alternatives ont également été émises. Ainsi, l’explication la plus simple des altérations phénotypiques subies par l’hôte est qu’elles ne sont que de simples sous-produits de l’infection, c'est à dire des effets pathogènes n’ayant aucune valeur adaptative pour le parasite et résultant simplement des dommages causés par le parasite, ou de la réponse de l’hôte à l’infection (Lafferty 1999, Levri 1999, Poulin 1995, Thomas et al. 2005). En revanche, l’hypothèse de la manipulation comportementale prédit que les parasites ne devraient altérer que des traits qui peuvent leur procurer un bénéfice en terme de transmission, tout en laissant les autres comportements intacts (Vyas et al. 2007). Si la modification induite par le parasite présente réellement une valeur adaptative, celle-ci devrait donc être sélectionnée au travers de la transmission trophique (avec donc une augmentation du succès de transmission du parasite à son hôte définitif), et aucune corrélation ne devrait être trouvée entre les intensités des différentes altérations. Dans le cas inverse, si les changements ne sont que des effets pathogènes collatéraux résultant de l’exploitation de l’hôte, toutes les modifications observées chez l’hôte devraient être corrélées, la condition générale de l’hôte étant globalement affectée.

En 1995, Poulin a défini plusieurs critères permettant une évaluation objective du possible caractère adaptatif des altérations observées dans le comportement des hôtes

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parasités. Ces critères offrent ainsi un cadre conceptuel au sein duquel étudier la manipulation parasitaire et son caractère adaptatif. En premier lieu, la modification doit être complexe. En effet, un changement complexe a moins de chances de se produire par hasard qu’un changement simple, et a donc moins de chances d’être un simple sous-produit de l’infection.

Deuxièmement, l’altération doit être en parfaite adéquation avec le but à atteindre. Les caractères adaptatifs correspondent en effet parfaitement à la fonction qui est la leur, et se conforment exactement à ce qu’on aurait pu prédire a priori en connaissant le cycle de vie d’un parasite. Prenons le cas des parasites acanthocéphales ayant comme hôte intermédiaire des crustacés amphipodes et comme hôtes définitifs des oiseaux aquatiques. Les crustacés vivant plutôt au fond des rivières, et les oiseaux se trouvant généralement à la surface, on peut prédire qu’altérer le géotactisme de l’hôte intermédiaire serait la meilleure façon pour le parasite d’atteindre son hôte définitif. Et c’est effectivement ce qui est observé, les crustacés infectés étant attirés vers le haut de la colonne d’eau (Bauer et al. 2005). Troisièmement, le caractère en question doit être apparu indépendamment dans plusieurs lignées phylogénétiquement distinctes. En effet, en l’absence de contraintes, des adaptations similaires peuvent se produire de manière indépendante dans des lignées soumises à des pressions de sélection comparables. Une telle convergence peut alors indiquer que le trait n’est pas un simple effet secondaire accidentel mais plus probablement une réelle adaptation aux pressions de sélection rencontrées par les organismes en question. Des parasites différents infectant le même hôte intermédiaire et ayant le même type d’hôte définitif devraient donc générer des modifications comportementales comparables chez leur hôte intermédiaire. Il est ainsi intéressant de remarquer que des parasites très différents utilisent globalement des mécanismes de manipulation comparables (Combes 2001). Ce point particulier a fait l’objet d’une étude ponctuelle menée au début de ma thèse. Cependant, cette étude étant quelque peu éloignée des travaux menés par la suite et concernant la variation de la manipulation, j’ai

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préféré la présenter sous forme d’un encadré dans cette introduction (voir Encart 1, page 22, sur le modèle Gammarus pulex / Cyathocephalus truncatus et l’article correspondant, page 201). Enfin, le dernier critère de Poulin (1995) concerne l’effet de la modification sur l’aptitude phénotypique des individus. En effet, il semble évident que le plus important est bien de démontrer que l’altération entraîne réellement une augmentation de l’aptitude de l’organisme qui l’initie. Mais l’aptitude phénotypique en elle-même étant difficile à mesurer, on se contente généralement d’une performance pouvant en rendre compte de manière indirecte, comme par exemple le taux de transmission du parasite.

De l’avis même de Poulin (1995), ce dernier critère (augmentation de l’aptitude phénotypique) est le plus important, mais également le plus difficile à démontrer et donc le plus rarement étudié dans les travaux sur la manipulation parasitaire. En effet, bien que les études en laboratoire aient démontré l’existence, chez les hôtes parasités, d’altérations variées pouvant raisonnablement être interprétées comme favorisant la prédation par l’hôte définitif, elles ont rarement été traduites en termes de degré de transmission trophique (Poulin 1995). Il faut néanmoins noter qu’il a été démontré à plusieurs reprises que les proies parasitées étaient davantage sujettes à la prédation, aussi bien in natura que dans des expériences contrôlées (Moore 1983, Hoogenboom & Dijkstra 1987, Lafferty & Morris 1996, Knudsen et al. 2001, Perrot-Minnot et al. 2007, Lagrue et al. 2007). Ainsi, dans la nature, les proies parasitées sont souvent trouvées plus fréquemment que ce que l’on attendrait dans le régime alimentaire des hôtes définitifs (Moore 1983, Hoogenboom & Dijkstra 1987, Lafferty 1992, Lafferty &

Morris 1996, Knudsen et al. 2001), corroborant donc plutôt la théorie de manipulations adaptatives. Malheureusement, il reste difficile de mener des expériences de prédation en laboratoire (et plus encore dans la nature) afin de mesurer l’augmentation de la susceptibilité à la prédation induite par la manipulation parasitaire (mais voir par exemple Bethel & Holmes 1977, Moore 1983, Aeby 1991, 1992, Lafferty & Morris 1996, Lagrue et al. 2007), et nous

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n’avons donc souvent que des preuves indirectes de cette favorisation. D’autre part, le moment du cycle parasitaire où la manipulation apparaît peut également donner une indication supplémentaire - bien qu’indirecte également - sur sa valeur adaptative pour le parasite. En effet, de nombreuses études ont démontré que les modifications comportementales n’intervenaient que lorsque le parasite avait atteint un certain degré de maturité, c'est à dire au moment où il devenait infectieux pour l’hôte définitif (Bethel &

Holmes 1974, Hurd & Fogo 1991, Levri & Lively 1996, Poulin et al. 1992, Tierney et al.

1993, Pulkkinen et al. 2000, Sparkes et al. 2006, Hammerschmidt et al. 2009), ce qui plaide donc bien en faveur du caractère adaptatif de la manipulation parasitaire (Moore 2002).

Cependant, l’évolution même des processus sous-tendant la manipulation demeure encore mal comprise et fait l’objet de nombreux débats. Divers modèles ont ainsi récemment été proposés pour expliquer l’apparition et l’évolution de la manipulation (e.g. Lefèvre et al.

2008, Parker et al. 2009). Par exemple, le modèle de Parker et al. (2009) décrit les conditions dans lesquelles deux types de manipulation peuvent évoluer et se répandre dans des populations de parasites non manipulateurs. Le premier type de manipulation modélisé est la diminution du risque de prédation tant que le parasite est immature est donc incapable de s’établir dans l’hôte définitif, tandis que le deuxième concerne l’augmentation de la susceptibilité à la prédation, ciblée sur l’hôte final adéquat, une fois que le parasite est devenu infectieux. Il est intéressant de noter que de nombreuses études se sont intéressées à l’augmentation de la transmission, alors que la diminution initiale de susceptibilité à la prédation est assez mal connue (Parker et al. 2009). Lefèvre et al. (2008) ont quant à eux proposé une nouvelle façon d’interpréter les modifications comportementales des hôtes infectés. L’interprétation classique des altérations phénotypiques dues à l’infection permet de distinguer les modifications non adaptatives (sous-produits de l’infection), les modifications bénéfiques pour l’hôte (adaptations visant à réduire l’impact de l’infection sur l’aptitude

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phénotypique de l’hôte), et les modifications adaptatives pour le parasite (altérations engendrant une augmentation de la transmission trophique). En opposition à cette catégorisation, Lefèvre et al. (2008) ont donc émis l’hypothèse que les altérations comportementales pourraient en réalité résulter d’un compromis entre les stratégies de l’hôte et du parasite. Plutôt que de manipuler activement son hôte, le parasite exploiterait dans certains cas la réponse compensatoire de l’hôte à l’infection, si celle-ci va dans un sens qui peut lui être bénéfique. La réponse compensatoire étant également bénéfique pour l’hôte (en contrant et diminuant les effets négatifs de l’infection), la sélection devrait effectivement favoriser ce type de stratégie bénéfique pour les deux partenaires.

Quoi qu’il en soit, il est difficile de savoir si la manipulation est un caractère fixé des parasites ou bien un processus dynamique sur lequel la sélection naturelle a encore prise, et qui continue donc à évoluer (Poulin 1994a, Cézilly & Perrot-Minnot 2005, Lefèvre et al.

2008). Pourtant, Poulin (1994a) évoque une “manipulation optimale”, sous-entendant ainsi qu’une évolution de la manipulation reste possible, par exemple en fonction des populations et des différentes conditions environnementales rencontrées localement par les parasites.

Ainsi, si les prévalences sont variables entre différentes populations du même parasite, la manipulation optimale sera également différente. Pourtant, aucune étude n’a spécifiquement étudié cet aspect de la manipulation, alors que ce type de comparaison a permis de tester des hypothèses évolutives dans d’autres domaines (Poulin 1994a). De plus, si l’on considère que certains traits des relations hôtes-parasites, comme l’infectivité ou la virulence, sont soumis à une constante coévolution (Ebert 1994, Lively & Dybdahl 2000), on ne peut écarter la possibilité qu’il en soit de même pour la manipulation comportementale. Il est ainsi possible que les parasites manipulateurs soient constamment soumis à une coévolution avec leur hôte, engendrant ainsi une course aux armements entre les défenses établies par l’hôte et les contre- attaques du parasite pour contourner ces défenses. L’étude de cette coévolution est

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extrêmement importante, car elle influence quantité de processus évolutifs et écologiques (Lopez-Pascua & Buckling 2008). La condition sine qua non pour qu’une telle coévolution puisse se mettre en place est l’existence d’une variation génétique chez l’hôte comme chez le parasite pour le trait considéré.

3. Variabilité dans les associations hôte-parasite

Au sein des associations hôte-parasite, des variations intraspécifiques concernant de nombreux paramètres de l’infection (résistance ou susceptibilité des hôtes, infectivité, virulence ou fécondité des parasites), ont été démontrées à plusieurs reprises, que ce soit à l’intérieur d’une même population ou entre populations (Saoud 1966, Warren 1967, Kassim et al. 1979, Jones et al. 1989, Freyre et al. 2001, Incani et al. 2001, Boothroyd & Grigg 2002, Kaltz & Shykoff 2002, Saeij et al. 2005). De nombreuses composantes de la variation ont donc été étudiées chez divers modèles, comme par exemple la composante génétique (Carius et al. 2001, Carton & Nappi 1991, Webster & Woolhouse 1998) ou environnementale (Blanford et al. 2003, Ferguson & Read 2002, Yourth et al. 2002), et ces travaux ont permis une meilleure compréhension des causes des variations observées. La plupart des études ont été menées sur des micro-parasites, mais certaines ont néanmoins porté sur des macro- parasites. Ainsi, chez les souris infectées par Schistosoma mansoni, de nombreux paramètres de l’infection sont influencés par les génotypes de l’hôte et du parasite, comme par exemple la fécondité du parasite, le nombre d’œufs produits et leur accumulation dans le foie de l’hôte, ou encore le sexe-ratio (Incani et al. 2001). Chez Toxoplasma également, la susceptibilité de l’hôte à l’infection semble être génétiquement déterminée (Freyre et al. 2001), tout comme la virulence, qui serait due au génotype du parasite. En effet, il semble que l’extrême virulence de certaines souches soit une propriété intrinsèque du parasite, la souche la plus virulente chez les souris étant également la plus virulente chez l’être humain (Boothroyd & Grigg 2002).

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Une association hôte-parasite implique également l’existence de pressions sélectives réciproques, conduisant à une course aux armements dans laquelle chaque protagoniste doit acquérir de nouvelles adaptations en réponse à celles élaborées par son adversaire, et réciproquement. En effet, la sélection imposée aux parasites par les défenses de l’hôte est généralement très forte et les parasites représentent également une pression de sélection pour leurs hôtes (Combes 2001). De nombreuses études ont démontré le polymorphisme génétique de la résistance des hôtes, tout comme le polymorphisme génétique de la capacité des parasites à infecter et/ou exploiter leurs hôtes (Ebert et al. 1998, Thrall et al. 2002). En effet, cette variation génétique interne aux populations et les interactions génotype-environnement sont les pré-requis indispensables à la coévolution (Kaltz & Shykoff 2002, Kawecki & Ebert 2004). Le résultat de la coévolution dépend à la fois de la force de la sélection et de la variation génétique disponible dans la population (Gandon & Michalakis 2002), cette dernière caractéristique étant sans doute la plus importante. C’est en 1973 que Van Valen a, pour la première fois, évoqué le processus de coévolution. Il a en effet suggéré, contrairement à ce qui était admis à l’époque, que le principal moteur de l’évolution d’un organisme donné était constitué non pas par l’environnement abiotique mais par l’environnement biotique, c'est à dire les autres organismes vivants avec lesquels il est en compétition. En effet, tout changement évolutif d’une espèce modifie son environnement, et donc celui des espèces proches, et oblige ces dernières à s’adapter, créant alors un nouveau changement face auquel les autres espèces doivent à nouveau réagir, et ainsi de suite. Il a appelé son hypothèse “Reine Rouge”, en référence à un passage précis du roman “De l’autre côté du miroir” de Lewis Carroll, où Alice et la Reine Rouge doivent courir aussi vite que possible pour rester au même endroit, le paysage dans lequel elles évoluent étant lui-même mouvant. L’hypothèse de la Reine Rouge s’applique donc particulièrement bien aux interactions durables, où le nombre de partenaires est réduit et où l’association entre les individus se maintient sur une longue

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période de temps (Combes 2001). Ainsi, lorsqu’une espèce vivante représente une source de pressions sélectives pour une autre, il va se produire un processus de coévolution entre les espèces concernées.

Etant donné les cycles de vie particuliers des organismes parasites, l’isolement génétique entre populations de parasites est beaucoup plus fréquent que chez les organismes libres (Moore 2002). En conséquence, on s’attend à trouver une variation géographique forte entre populations, ce qui est bien le cas pour différents aspects des relations hôtes-parasites (Schmid-Hempel & Koella 1994). Dans un environnement morcelé où les forces de sélection varient spatialement, la sélection divergente devrait conduire chaque population isolée à développer des traits particuliers conférant à leurs porteurs un avantage sélectif dans leur propre environnement, et ce indépendamment de l’effet que ces traits pourraient avoir dans un autre environnement (Kawecki & Ebert 2004). On parlera d’adaptation locale lorsque l’aptitude phénotypique moyenne d’une population est plus élevée dans son propre habitat que dans un habitat étranger (Gandon & Michalakis 2002). Appliqué à un système hôte- parasite, où l’hôte est l’habitat du parasite, ce concept revient à dire qu’il y a adaptation locale si une population parasite présente des performances plus élevées dans sa population hôte locale par rapport à une population hôte étrangère. Ces systèmes sont donc particulièrement adaptés à une étude de l’adaptation locale (Morand et al. 1996, Gandon & Van Zandt 1998, Kaltz & Shykoff 1998, Kawecki & Ebert 2004, Greischar & Koskella 2007). On considère généralement que les parasites ont un avantage sélectif dans la course aux armements avec leurs hôtes, dû à trois supériorités leur garantissant une importante variabilité génétique : des tailles de populations plus grandes, un temps de génération plus court, et des taux de mutation et de migration plus élevés (Hamilton et al. 1990, Ebert 1994, Combes 2001, Gandon &

Michalakis 2002). La méta-analyse récente de Greischar & Koskella (2007) a d’ailleurs confirmé ces prédictions théoriques et de nombreuses études ont démontré une adaptation

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locale des parasites à leurs hôtes (Ebert 1994, Morand et al. 1996, Lively & Dybdahl 2000).

Cependant, il faut également noter que d’autres travaux n’ont pas permis d’arriver à une telle conclusion et que d’autres ont même trouvé le pattern inverse (Dufva 1996, Kaltz et al. 1999, Oppliger et al. 1999, Kaltz & Shykoff 1998).

Bien que la sélection divergente soit la principale force menant à l’adaptation locale, ce phénomène est également influencé par d’autres facteurs environnementaux (Kaltz & Shykoff 1998) ou d’autres forces évolutives, en particulier le flux de gènes qui permet l’introduction de la variabilité génétique au sein des populations, variabilité sur laquelle la sélection peut ensuite agir (Gandon & Van Zandt 1998). L’un des paramètres les plus importants influençant l’adaptation locale est donc le taux de migration (Gandon et al. 1996, Kaltz & Shykoff 1998, Gandon & Michalakis 2002, Greischar & Koskella 2007), les parasites ayant plus de chance d’être localement adaptés s’ils migrent davantage que leurs hôtes, ce qui est généralement le cas (Gandon et al. 1996).

4. Variation dans la manipulation comportementale

Chez de nombreuses espèces d’hôtes infectés par des parasites manipulateurs, une variation inter-individuelle dans l’intensité de la manipulation a été observée, certains individus étant profondément manipulés tandis que d’autres sont très peu affectés par l’infection (Bauer et al. 2000, Cézilly et al. 2000). L’analyse de ces variations intraspécifiques est essentielle pour comprendre l’évolution de la manipulation parasitaire et la façon dont les parasites manipulent leurs hôtes (Moore et al. 2005, Thomas et al. 2005, Webster 2005). En effet, cette variation représente la base sur laquelle la sélection peut opérer, autorisant ainsi une adaptation du parasite et une contre-adaptation de l’hôte, et sa compréhension est donc essentielle. Pourtant, les causes et les conséquences de cette variation observée dans l’intensité des changements comportementaux est encore mal connue, bien que diverses hypothèses aient été avancées pour l’expliquer, incluant des différences génétiques

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des hôtes ou des parasites dans le degré de résistance ou la capacité à manipuler, ou encore des différences au sein même des interactions hôtes-parasites (Moore et al. 2005). A notre connaissance, une seule étude a réellement testé l’implication de la composante génétique de la manipulation parasitaire, dans un système hôte-parasite bien particulier. Hamilton et al.

(2006) ont ainsi utilisé différentes lignées consanguines de souris, différant initialement dans leur susceptibilité à l’infection par Toxocara canis. Leurs travaux ont montré qu’une charge parasitaire cérébrale élevée engendrait des altérations comportementales plus marquées, et que ces altérations induites par T. canis différaient entre les deux lignées de souris.

De nombreux autres paramètres peuvent également influencer le niveau d’altération comportementale et doivent donc être pris en compte dans les études concernant cet aspect du parasitisme, comme par exemple le sexe des individus (Moore & Gotelli 1990, Yan et al.

1994) ou l’âge de l’infection (Hay & Aitken 1984, Dolinsky et al. 1985). Mais souvent, les variations inter-individuelles ne sont pas analysées car la plupart des observations sont réalisées sur des individus naturellement infectés (Thomas et al. 2005), avec donc une impossibilité de contrôler les génotypes hôtes et parasites, l’environnement, ou la dynamique de l’infection. Quelques rares travaux dérogent à cette règle, concernant les parasites Toxoplasma et Toxocara infectant des rongeurs (Hamilton et al. 2006, Vyas et al. 2007), mais la difficulté à maintenir des parasites à cycle complexe en laboratoire est généralement un obstacle à une meilleure compréhension du phénomène (Thomas et al. 2005). L’une des principales critiques adressées aux expériences menées sur des individus naturellement infectés est qu’il est impossible de savoir si l’altération comportementale est la cause ou la conséquence de l’infection. En effet, certains animaux ayant naturellement un comportement aberrant pourraient, par ce comportement, augmenter leur exposition au parasite et donc s’infecter plus facilement. Tous les travaux portant sur la manipulation comportementale devraient donc idéalement être menés en infectant expérimentalement les individus, afin de

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s’assurer que les différences observées entre individus sains et infectés sont bien la conséquence de l’infection et non pas sa cause (Moore 2002).

Un autre problème potentiel pouvant être rencontré lors de l’étude de la variation de la manipulation parasitaire est que les couples hôtes-parasites ne sont pas des couples “modèles”

utilisés en parasitologie. Leur génétique est méconnue (malgré quelques avancées très récentes, voir par exemple Lagrue et al. 2009), et il est très souvent impossible de reconstituer leur cycle au laboratoire. Dans ce cadre, une autre façon d’aborder la variation de la manipulation comportementale est de soumettre, à l’aide de protocoles d’infections expérimentales évoqués plus haut, plusieurs souches de parasites issues de la nature à plusieurs souches d’hôtes, issues des mêmes populations, et d’effectuer des infections croisées entre populations. Un tel protocole permet de déterminer si une souche donnée de parasite induit plus d’effets qu’une autre, indépendamment de l’hôte rencontré. De plus, ceci revient en fait à tester l’adaptation locale des parasites à leurs hôtes. En fait, malgré toutes les études menées sur l’adaptation locale dans les systèmes hôte-parasite, elle n’a jamais été recherchée chez des parasites manipulateurs. En théorie, les hôtes devraient constamment tenter d’échapper à la manipulation tandis que les parasites devraient augmenter leur potentiel de manipulation, tout cela entraînant une classique course aux armements.

5. Modèle biologique

Parmi les parasites manipulateurs de comportement, les membres du phylum Acanthocephala sont considérés comme des modèles biologiques particulièrement pertinents pour l’étude de la manipulation. Chez les acanthocéphales, l’adulte parasite l’intestin d’un vertébré (poisson, oiseaux, etc.). Les sexes sont toujours séparés et, après accouplement, les femelles produisent des œufs qui sont libérés avec les fécès de l’hôte. S’ils sont ensuite ingérés par un arthropode approprié, celui-ci devient hôte intermédiaire du parasite qui se développe dans sa cavité générale jusqu’à un stade infectieux pour l’hôte vertébré définitif,

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stade appelé “cystacanthe”. Le parasite rejoint ensuite un nouvel hôte final lorsque l’hôte intermédiaire est prédaté. Bien que les acanthocéphales soient un groupe peu diversifié (environ 1000 espèces), ces parasites jouent un rôle important pour l’étude de la manipulation parasitaire. En effet, la capacité à manipuler les hôtes intermédiaires a été démontrée chez toutes les espèces d’acanthocéphales étudiées et semble donc être universellement utilisée par ce groupe comme stratégie de transmission (Moore 2002, Kennedy 2006), représentant donc probablement un caractère ancestral (Moore 2002). De plus, les modifications comportementales induites sont généralement très précises, caractérisées par une altération des réponses de l’hôte à des stimuli environnementaux, et donc difficilement attribuables à une diminution générale de l’état de santé de cet hôte (Moore 2002). Les travaux fondateurs de Bethel & Holmes (1973, 1977) ont utilisé les acanthocéphales pour démontrer que les changements comportementaux induits par le parasite chez son hôte amphipode étaient effectivement associés à une augmentation du risque de prédation par l’hôte définitif. Des études plus récentes ont ensuite combiné les études expérimentales et les études de terrain pour confirmer la manipulation comportementale chez d’autres espèces d’acanthocéphales (e.g. Moore 1983, Lagrue et al. 2007).

Le parasite acanthocéphale Pomphorhynchus laevis est l’un des acanthocéphales le plus largement distribué en Europe (Kennedy et al. 1989, Moravec & Scholz 1991). Il utilise diverses espèces d’amphipodes comme hôtes intermédiaires et différentes espèces de poissons comme hôtes définitifs (Kennedy 1999, Crompton & Nickol 1985, Lassiere & Crompton 1988, Kennedy 2006, et voir Figure 1). Chez certains de ses hôtes intermédiaires, il induit une castration partielle (Bollache et al. 2001, 2002), mais il est également capable d’induire diverses modifications augmentant leur vulnérabilité à la prédation par ses hôtes définitifs (Kennedy et al. 1978, Bakker et al. 1997, Kaldonski et al. 2007, Lagrue et al. 2007).

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GAMMARUS PULEX & POMPHORHYNCHUS LAEVIS

Transmission trophique

Cystacanthe

Cystacanthe Adulte

CROISSANCE

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+

Gammare Poisson

REPRODUCTION

(Hôte intermédiaire) (Hôte définitif)

Ingestion des œufs

Acanthelle

CROISSANCE

Figure 1 : Cycle de vie de Pomphorhynchus laevis

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Gammarus pulex est un crustacé amphipode d’eau douce, largement répandu en Europe.

Il représente une proie essentielle pour de nombreuses espèces de poissons, et peut abriter une large gamme de parasites, aussi bien des macroparasites (acanthocéphales, cestodes, nématodes) que des microparasites (microsporidies). Chez G. pulex, diverses altérations comportementales sont associées à l’infection par P. laevis (Brown & Thompson 1986, McCahon et al. 1991, Cézilly et al. 2000, Perrot-Minnot et al. 2007). Ainsi, on peut citer en particulier une modification du comportement anti-prédateur (Kaldonski et al. 2007) et une modification de la réaction à la lumière (Brown & Thompson 1986, Bauer et al. 2000, Cézilly et al. 2000, Perrot-Minnot 2004, Tain et al. 2006). C’est sur cette dernière modification comportementale que nous nous sommes concentrés durant ces travaux. En effet, la mesure du comportement de phototaxie peut se faire individuellement (voir par exemple Perrot- Minnot 2004), ce qui permet d’avoir accès à la variabilité inter-individuelle dans l’intensité des modifications comportementales, et de tester un grand nombre d’individus. En moyenne, les amphipodes sains sont photophobes et évitent donc la lumière, tandis que les gammares infectés deviennent indifférents à la lumière ou sont même attirés par elle (Brown &

Thompson 1986, Bauer et al. 2000, Cézilly et al. 2000, Perrot-Minnot 2004, Tain et al. 2006).

De plus, la valeur adaptative de certaines de ces modifications pour la transmission à l’hôte définitif a été récemment confirmée (Lagrue et al. 2007, Perrot-Minnot et al. 2007).

Cependant, il est clair que certains individus naturellement infectés sont profondément manipulés tandis que d’autres ne sont presque pas affectés par l’infection (voir par exemple Tain et al. 2006). Etant donné que, avant nos travaux, les infections n’étaient généralement pas contrôlées, les causes de la variation observée ne sont pas encore clairement identifiées.

Différents travaux antérieurs ont cependant pu déterminer quelques causes possibles de variations. Tout d’abord, une variabilité temporelle de la manipulation des hôtes infectés a été observée in natura par Lagrue et al. (2007). Ces travaux ont en effet permis de montrer que la

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prévalence de gammares infectés dans la dérive était plus forte durant les heures de faible intensité lumineuse. Cependant, les causes de cette différence n’ont pas été élucidées. En effet, cette plus forte manipulation des gammares aux heures crépusculaires pourrait être due directement à l’intensité lumineuse, mais également à un véritable rythme intrinsèque à la manipulation parasitaire. A un niveau mécanistique, Tain et al. (2006) ont montré que la variation de la réaction à la lumière était liée à des différences dans l’activité sérotoninergique du cerveau. Au sein d’une autre association gammare-acanthocéphale, Haine et al. (2005) ont montré qu’une portion de la variation dans les changements comportementaux pouvait également être expliquée par des conflits entre différents parasites. En effet, la manipulation comportementale induite par l’acanthocéphale Polymorphus minutus chez Gammarus roeseli était plus faible chez des individus déjà infectés par un autre parasite, la microsporidie Dictyocoela sp (roeselum), un microparasite transmis de manière verticale.

A notre connaissance, aucune étude ne s’est donc penchée sur la composante génétique des causes de la variation observée dans la manipulation. Dans une association gammare- acanthocéphale, il est difficile d’étudier l’effet des génotypes des hôtes ou des parasites, car ces deux organismes se reproduisent de manière sexuée, rendant impossible l’obtention de clones comme dans d’autres systèmes (voir par exemple Ebert 1994, Little & Ebert 2000). De plus, il est encore impossible de contrôler la reproduction des parasites - tout comme celle des gammares - en laboratoire. La meilleure approximation que l’on puisse faire est donc de travailler avec différentes portées de plein-frères ayant donc la même mère et le même père, afin de minimiser les différences génétiques entre les individus d’une même portée. En effet, après l’insémination de la femelle P. laevis, le mâle produit un bouchon copulatoire et scelle le gonopore de la femelle, empêchant ainsi des inséminations futures par d’autres mâles et évitant donc la compétition spermatique (Van Cleave 1949, Abele & Gilchrist 1977, Parshad

& Crompton 1981, Crompton 1985, Dezfuli et al. 1999). Cette caractéristique de la

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reproduction des acanthocéphales permet donc d’obtenir facilement des portées de plein- frères (voir Méthode : Procédure générale d’infestation expérimentale).

Les différents travaux présentés dans cette thèse ont donc eu pour but d’étudier les sources potentielles de la variation dans la manipulation comportementale. Différents niveaux d’étude ont été abordés : un niveau intra-individuel, concernant la variation pouvant survenir au sein du même individu hôte au cours de l’infection ; un niveau intra- populationnel, concernant la variation existant entre familles de parasites provenant d’une même population ; et enfin un niveau inter-populationnel, comparant cette fois les niveaux de manipulation entre différentes populations, et abordant ainsi la problématique d’une éventuelle adaptation locale entre hôtes et parasites.

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ENCART 1. Association Cyathocephalus truncatus / Gammarus pulex : un indice de convergence évolutive ?

Cyathocephalus truncatus est un parasite cestode très répandu en Europe, possédant un cycle hétéroxène et infectant divers salmonidés (Okaka 1984, 2000). Il utilise différents crustacés comme hôtes intermédiaires, et en particulier Gammarus pulex. L’infection chez les amphipodes semble être soumise à un patron saisonnier, la prévalence étant plus forte durant les mois les plus froids (Awachie 1966, Okaka 1984). Le procercoïde, forme immature du parasite, se développe durant environ 10 semaines dans la cavité générale de l’hôte intermédiaire avant d’atteindre le stade infectieux pour l’hôte définitif. Bien que le cestode présente alors une taille considérable par rapport à celle de son hôte, il semble que celui-ci soit capable de vivre avec ce parasite durant plusieurs mois (Wisniewski 1932, 1933, Okaka 1984). Une fois parvenu dans l’hôte final, le parasite se développe rapidement, atteignant sa maturité en 8 à 10 jours et ayant ensuite une durée de vie réduite après la production des œufs (Vik 1958, Okaka 1984). Chez l’hôte final, l’infection par C. truncatus cause de graves dommages au niveau du site d’attachement des parasites (Huitfeld-Kaas 1927, Wisniewski 1932, 1933, Vik 1954, 1958, Awachie 1966). De plus, le parasite semble engendrer une mortalité accrue de l’hôte final (Huitfeld-Kaas 1927, Wisniewski 1933, Vik 1954, 1958, Okaka 1984) ainsi qu’une réduction de sa fertilité et de la survie de ses descendants (Senk 1956).

In natura, les prévalences chez l’hôte intermédiaire sont toujours extrêmement faibles (de l’ordre de 0,5%) - ce qui explique le peu d’études en laboratoire réalisées sur ce modèle - alors qu’elles sont extrêmement élevés dans les hôtes définitifs, entre 37% et 71%, avec un maximum de 278 parasites trouvés dans un seul poisson (Knudsen et al. 2001, Amundsen et

al. 2003). Knudsen et al. (2001) ont montré que, dans la nature, les amphipodes parasités par C. truncatus étaient 8 fois plus consommés par Salvelinus alpinus (omble chevalier) l’un des

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hôtes définitifs du cestode. Les auteurs suggèrent donc que le parasite pourrait modifier le comportement ou l’apparence des hôtes intermédiaires afin d’augmenter leur susceptibilité à la prédation, ce qui pourrait expliquer la prévalence extrêmement faible enregistrée chez les hôtes intermédiaires par rapport celle retrouvée chez les hôtes définitifs (Awachie 1966, Okaka 1984). En fait, contrairement à la majorité des études portant sur des parasites manipulant potentiellement le phénotype de leurs hôtes intermédiaires pour mieux se transmettre aux hôtes définitifs, c’est cette fois l’augmentation du taux de transmission entre les deux hôtes qui a été démontrée en premier.

Les effets de C. truncatus sur ses hôtes intermédiaires demeurent mal connus et les résultats des quelques études menées à ce sujet sont parfois contradictoires. Beckman (1954) indique ainsi que les larves de C. truncatus induisent une stérilité chez les femelles amphipodes, tandis qu’Okaka (1984) a au contraire observé que les individus infectés possédaient des gonades normales et étaient impliqués dans la reproduction, les femelles étant tout à fait capables de porter des œufs. Toujours selon cet auteur, le procercoïde ne semble pas causer de dommages structurels aux organes des amphipodes, mais les individus infectés semblent plus léthargiques que les sains. Quoi qu’il en soit, aucune expérience formelle n’a jamais été menée en vue d’étudier le comportement des amphipodes infectés ou les dommages physiologiques causés par le cestode chez cet hôte.

Ce parasite est donc écologiquement très proche de P. laevis, puisqu’il possède le même hôte intermédiaire et le même type d’hôte définitif. Il est donc tout indiqué pour l’étude d’une possible convergence évolutive. En effet, puisque C. truncatus est soumis aux mêmes conditions et aux mêmes pressions de sélection que P. laevis pour atteindre son hôte définitif, on peut prédire qu’il devrait induire chez G. pulex les mêmes altérations comportementales, et ce, en dépit de leur éloignement phylogénétique.

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Nous avons donc testé l’hypothèse de la manipulation parasitaire, en mesurant le comportement des individus parasités de la même façon qu’avec P. laevis. Durant cette étude, d’autres mesures ont également été réalisées (survie, activité, géotactisme, immunocompétence, consommation d’oxygène) afin d’étudier d’éventuelles corrélations entre les modifications. En effet, dans le cas où la condition générale de l’hôte serait affectée par le parasite (ce qui est tout à fait vraisemblable vu sa taille gigantesque relativement à la taille de l’hôte), toutes les modifications observées devraient être corrélées entre elles, tandis que si le comportement est spécifiquement manipulé afin d’augmenter la transmission à l’hôte définitif, cette modification ne devrait pas être corrélée aux autres.

Les résultats de cette étude montrent que le parasite modifie effectivement le phototactisme des amphipodes, les individus infectés étant moins photophobes que les individus sains. Une autre taxie a été mesurée (géotaxie), mais n’est pas altérée par l’infection parasitaire. D’autres altérations ont également été trouvées (survie, activité, consommation d’oxygène), mais ne sont pas corrélées à la modification de phototactisme. Celle-ci semble donc bien être une altération ciblée, similaire à celle induite par un acanthocéphale ayant les mêmes types d’hôtes intermédiaires et finaux. Sachant que, chez P. laevis, cette altération augmente la susceptibilité des individus parasités à la prédation (Lagrue et al. 2007), on peut raisonnablement suggérer que la modification de phototactisme observée ici est également adaptative pour le cestode et pourrait donc être la cause du taux de prédation accru des individus parasités. Ce résultat permet également de conclure qu’il semble bien y avoir une convergence évolutive chez ces deux parasites phylogénétiquement éloignés mais évoluant dans les mêmes conditions écologiques et connaissant le même type de pressions de sélection pour terminer leur cycle et ainsi se reproduire.

L’une des caractéristiques intéressantes de C. truncatus est sa capacité à atteindre sa maturité et à se reproduire par autofécondation dans l’hôte intermédiaire (Amin 1978, Okaka

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1984, 2000). Dans ce cas, le parasite n’a plus besoin d’atteindre un hôte “final” et la manipulation de l’amphipode devient inutile, surtout si elle est coûteuse. Il pourrait donc être extrêmement intéressant d’étudier le devenir de la manipulation lorsque, en l’absence d’hôte final, le parasite devient sexuellement mature dans son hôte intermédiaire.

Voir Annexe page 201 pour l’article correspondant et les détails des expériences.

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Méthode : Procédure générale d’infestation expérimentale

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Méthode : Procédure générale d’infestation expérimentale

Le début de la thèse a été consacré à la mise en place d’un protocole d’infestation expérimentale de G. pulex par P. laevis. Diverses méthodes d’infestations expérimentales ont déjà été développées avec différents acanthocéphales (voir Encart 2 page 35), mais à notre connaissance elles n’ont jamais été utilisées pour tester la manipulation comportementale de l’hôte.

Nous présentons ici la procédure générale des infestations expérimentales, sachant que les détails (nombre de gammares infestés, dose d’œufs administrée, nombre de portées utilisées, etc.) peuvent changer d’une expérience à l’autre. Pour ces paramètres précis, se reporter aux chapitres et articles concernant chaque infestation en particulier. La Figure 2 récapitule les principales étapes de cette procédure générale.

1. Récolte des individus

Plusieurs semaines avant l’infection, les gammares sont récoltés dans les populations naturelles choisies, puis acclimatés au laboratoire dans des bacs de 37 ¯ 55 ¯ 10 cm. Au laboratoire, les conditions sont les suivantes : eau à 15 ± 1 °C, déchlorée et traitée par UV, renouvelée automatiquement six fois par jour, et cycle circadien de 12h-12h. Des pierres provenant des rivières d’origine sont placées dans les bacs afin de fournir un abri aux amphipodes, et des feuilles d’orme séchées et stérilisées par autoclave sont données comme nourriture.

Au début de la semaine de l’infection, les chevesnes (Leuciscus cephalus) sont récoltés par pêche électrique et rapportés au laboratoire. Ils sont aussitôt anesthésiés, tués et disséqués.

Les parasites femelles adultes sont récupérés dans leur intestin et leurs œufs sont collectés par

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Identification moléculaire de l’espèce de parasite

= =

Suspension d’œufs à la concentration voulue

Femelles P. laevis adultes

Suivi de l’infection :

- inspection des gammares chaque semaine

- isolation des individus infectés dès l’apparition d’un parasite, et isolation d’individus témoins

- mesure du phototactisme dès que le stade cystacanthe est atteint - dissection des individus

1cm² de feuille d’orme

48h Leuciscus cephalus

Poissons naturellement infectés

Œufs de P. laevis

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Ø = 6cm 0,5L

Figure 2 : Etapes principales du protocole d’infestation expérimentale

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dissection. Ils sont placés dans 400µL d’eau, et les tissus de l’acanthocéphale sont préservés dans 300µL d’alcool absolu pour l’identification moléculaire.

Et effet, deux espèces d’acanthocéphales proches cohabitent en Bourgogne, P. laevis et Pomphorhynchus tereticollis. Ces deux parasites étant morphologiquement très proches, il est très difficile de les distinguer l’un de l’autre à l’œil nu, et une identification moléculaire est donc indispensable (Perrot-Minnot 2004, Franceschi et al. 2008).

2. Identification moléculaire des parasites

L’ADN du parasite est extrait selon la méthode modifiée de Gloor et al. (1993). Un petit échantillon de tissu est prélevé puis broyé dans 300 µL de Tris–EDTA Buffer avec 10 µL de protéinase K (Promega), puis incubé à 57 °C durant 30 minutes. La protéinase K est ensuite inactivée par un passage de 3 minutes à 90°C, et la solution est centrifugée 4 minutes à 4°C, à 13,200 g. Les 100µL surnageant sont alors prélevés et dilués dans 500µL d’eau miliQ. Une PCR est utilisée afin d’amplifier une portion de l’ITS1 (modifié d’après Perrot-Minnot 2004).

Les primers utilisés pour la PCR sont les suivants : BD1f :

50GTCGTAACAAGGTTTCCGTA30 (Perrot-Minnot 2004) et AC/ITS1r : 50TTGCGAGCCAAGTGATTCAC30 (M.J. Perrot-Minnot et R.A. Wattier, données non publiées). Ils génèrent des produits d’amplification de 320 bp pour P. laevis et de 350 bp pour P. tereticollis (M.J. Perrot-Minnot et R.A. Wattier, données non publiées), permettant leur distinction par électrophorèse. Le volume final sur lequel la PCR est réalisée est de 10µL, contenant 3µL d’ADN, 200µM de chaque nucléotide, 200nM de chaque primer, et 2,5U de Taq DNA polymérase (Promega) avec Buffer à 2,5 mM de MgCl2. Les cycles de PCR commencent par une dénaturation à 95°C durant 3 minutes, suivie de 39 cycles à 95 °C (20 s), 50 °C (45 s), et 65 °C (45 s) et d’une incubation finale de 5 minutes à 65°C. La taille des produits de PCR est ensuite vérifiée par électrophorèse (10µL de produit de PCR) sur un gel

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d’agarose à 2%, en utilisant une échelle ADN standard (100 bp, Fermentas). Un témoin (solution de réaction sans ADN) et deux contrôles positifs (ADN provenant de P. laevis et de P. tereticollis identifiés, Perrot-Minnot 2004) sont ajoutés lors de chaque PCR.

3. Infestation des amphipodes

Après les résultats de l’identification moléculaire, les œufs correspondant aux parasites de l’espèce P. laevis sont examinés sous microscope afin d’évaluer leur degré de maturité.

Les œufs matures contiennent un stade développé appelé acanthor, visible sous microscope, et ont une forme caractéristique en fuseau (voir photo d’un œuf mature sur la Figure 1). Pour chaque prélèvement, les œufs matures sont comptés dans trois champs du microscope, et des portées contenant la même proportion d’œufs matures sont sélectionnées pour l’infestation.

Une fois les portées sélectionnées, un comptage des œufs est effectué : le nombre total d’œufs contenus dans 1µL de suspension est déterminée précisément, et ce pour 10 prélèvements d’1µL dans chaque portée. Les 10 comptages sont ensuite moyennés afin d’obtenir une estimation de la concentration des œufs dans la suspension. La suspension est ensuite diluée selon la dose d’œufs voulue pour l’infestation.

Durant les 24 heures précédant l’infestation, les gammares sont privés de nourriture. Ils sont ensuite placés par lots de 2 dans des cristallisoirs en verre de 6 cm de diamètre. Le volume adéquat de suspension d’œufs est déposé sur 1 cm² de feuille d’orme humidifiée, et le morceau de feuille est placé dans le becher. Le fait de déposer les œufs de parasites sur la nourriture des gammares permet d’augmenter la probabilité d’infection par rapport à d’autres méthodes, comme le dépôt direct des œufs dans l’eau ou leur incorporation à des boulettes d’huile et de farine (voir encart concernant ces tests préliminaires). Des groupes témoins sont également constitués et subissent exactement la même procédure, mais des feuilles sans œufs leur sont proposées.

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L’exposition aux œufs dure 48 heures, puis les gammares sont rincés et placés en groupes de 15 à 20 individus (nombre variable selon l’expérience considérée) dans des aquariums de 0,5L contenant des cailloux. Ces groupes sont constitués d’individus correspondant à une même série expérimentale. Au sein de chaque série, les individus ont été regroupés au hasard, mais les couples formés lors de l’exposition n’ont jamais été placés ensemble dans les mêmes aquariums. Les individus vont ensuite demeurer dans ces aquariums durant toute la durée de l’expérience, jusqu’à ce qu’ils développent une infection.

L’eau est changée automatiquement six fois par jour (chaque aquarium reçoit de l’eau provenant de la même cuve de stockage), des feuilles d’orme (préalablement séchées puis stérilisées par autoclave), sont régulièrement déposées pour servir de nourriture aux gammares, et tous les aquariums sont nettoyés entièrement une fois par semaine. Le nombre de gammares survivants est également relevé chaque semaine.

4. Suivi de l’infection

A partir de la cinquième semaine suivant l’exposition, chaque individu est observé une fois par semaine sous loupe binoculaire, afin de détecter la présence éventuelle d’un parasite.

En effet, les larves peuvent être détectées à travers la cuticule des gammares dès le stade acanthelle. Les acanthelles se distinguent facilement des cystacanthes, car elles apparaissent beaucoup moins pigmentées (légère couleur orangée), sont de plus grande taille et n’ont pas de forme définie. En revanche, les cystacanthes sont beaucoup plus colorés et prennent la forme de petites billes caractéristiques. Lorsque plusieurs cystacanthes infectent un même hôte il est même possible, dans la majorité des cas, de les compter précisément à travers la cuticule. Dès l’apparition d’un stade précoce, les gammares concernés sont isolés individuellement dans des pots de 0,20L contenant un caillou et une feuille d’orme. Dans le même temps, des individus témoins sont également isolés de la même façon. Le

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