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Méthode : Procédure générale d’infestation expérimentale

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Méthode : Procédure générale d’infestation expérimentale

Le début de la thèse a été consacré à la mise en place d’un protocole d’infestation expérimentale de G. pulex par P. laevis. Diverses méthodes d’infestations expérimentales ont déjà été développées avec différents acanthocéphales (voir Encart 2 page 35), mais à notre connaissance elles n’ont jamais été utilisées pour tester la manipulation comportementale de l’hôte.

Nous présentons ici la procédure générale des infestations expérimentales, sachant que les détails (nombre de gammares infestés, dose d’œufs administrée, nombre de portées utilisées, etc.) peuvent changer d’une expérience à l’autre. Pour ces paramètres précis, se reporter aux chapitres et articles concernant chaque infestation en particulier. La Figure 2 récapitule les principales étapes de cette procédure générale.

1. Récolte des individus

Plusieurs semaines avant l’infection, les gammares sont récoltés dans les populations naturelles choisies, puis acclimatés au laboratoire dans des bacs de 37 ¯ 55 ¯ 10 cm. Au laboratoire, les conditions sont les suivantes : eau à 15 ± 1 °C, déchlorée et traitée par UV, renouvelée automatiquement six fois par jour, et cycle circadien de 12h-12h. Des pierres provenant des rivières d’origine sont placées dans les bacs afin de fournir un abri aux amphipodes, et des feuilles d’orme séchées et stérilisées par autoclave sont données comme nourriture.

Au début de la semaine de l’infection, les chevesnes (Leuciscus cephalus) sont récoltés par pêche électrique et rapportés au laboratoire. Ils sont aussitôt anesthésiés, tués et disséqués.

Les parasites femelles adultes sont récupérés dans leur intestin et leurs œufs sont collectés par

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Identification moléculaire de l’espèce de parasite

= =

Suspension d’œufs à la concentration voulue

Femelles P. laevis adultes

Suivi de l’infection :

- inspection des gammares chaque semaine

- isolation des individus infectés dès l’apparition d’un parasite, et isolation d’individus témoins

- mesure du phototactisme dès que le stade cystacanthe est atteint - dissection des individus

1cm² de feuille d’orme

48h Leuciscus cephalus

Poissons naturellement infectés

Œufs de P. laevis

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Ø = 6cm 0,5L

Figure 2 : Etapes principales du protocole d’infestation expérimentale

dissection. Ils sont placés dans 400µL d’eau, et les tissus de l’acanthocéphale sont préservés dans 300µL d’alcool absolu pour l’identification moléculaire.

Et effet, deux espèces d’acanthocéphales proches cohabitent en Bourgogne, P. laevis et Pomphorhynchus tereticollis. Ces deux parasites étant morphologiquement très proches, il est très difficile de les distinguer l’un de l’autre à l’œil nu, et une identification moléculaire est donc indispensable (Perrot-Minnot 2004, Franceschi et al. 2008).

2. Identification moléculaire des parasites

L’ADN du parasite est extrait selon la méthode modifiée de Gloor et al. (1993). Un petit échantillon de tissu est prélevé puis broyé dans 300 µL de Tris–EDTA Buffer avec 10 µL de protéinase K (Promega), puis incubé à 57 °C durant 30 minutes. La protéinase K est ensuite inactivée par un passage de 3 minutes à 90°C, et la solution est centrifugée 4 minutes à 4°C, à 13,200 g. Les 100µL surnageant sont alors prélevés et dilués dans 500µL d’eau miliQ. Une PCR est utilisée afin d’amplifier une portion de l’ITS1 (modifié d’après Perrot-Minnot 2004).

Les primers utilisés pour la PCR sont les suivants : BD1f :

50GTCGTAACAAGGTTTCCGTA30 (Perrot-Minnot 2004) et AC/ITS1r : 50TTGCGAGCCAAGTGATTCAC30 (M.J. Perrot-Minnot et R.A. Wattier, données non publiées). Ils génèrent des produits d’amplification de 320 bp pour P. laevis et de 350 bp pour P. tereticollis (M.J. Perrot-Minnot et R.A. Wattier, données non publiées), permettant leur distinction par électrophorèse. Le volume final sur lequel la PCR est réalisée est de 10µL, contenant 3µL d’ADN, 200µM de chaque nucléotide, 200nM de chaque primer, et 2,5U de Taq DNA polymérase (Promega) avec Buffer à 2,5 mM de MgCl2. Les cycles de PCR commencent par une dénaturation à 95°C durant 3 minutes, suivie de 39 cycles à 95 °C (20 s), 50 °C (45 s), et 65 °C (45 s) et d’une incubation finale de 5 minutes à 65°C. La taille des produits de PCR est ensuite vérifiée par électrophorèse (10µL de produit de PCR) sur un gel

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d’agarose à 2%, en utilisant une échelle ADN standard (100 bp, Fermentas). Un témoin (solution de réaction sans ADN) et deux contrôles positifs (ADN provenant de P. laevis et de P. tereticollis identifiés, Perrot-Minnot 2004) sont ajoutés lors de chaque PCR.

3. Infestation des amphipodes

Après les résultats de l’identification moléculaire, les œufs correspondant aux parasites de l’espèce P. laevis sont examinés sous microscope afin d’évaluer leur degré de maturité.

Les œufs matures contiennent un stade développé appelé acanthor, visible sous microscope, et ont une forme caractéristique en fuseau (voir photo d’un œuf mature sur la Figure 1). Pour chaque prélèvement, les œufs matures sont comptés dans trois champs du microscope, et des portées contenant la même proportion d’œufs matures sont sélectionnées pour l’infestation.

Une fois les portées sélectionnées, un comptage des œufs est effectué : le nombre total d’œufs contenus dans 1µL de suspension est déterminée précisément, et ce pour 10 prélèvements d’1µL dans chaque portée. Les 10 comptages sont ensuite moyennés afin d’obtenir une estimation de la concentration des œufs dans la suspension. La suspension est ensuite diluée selon la dose d’œufs voulue pour l’infestation.

Durant les 24 heures précédant l’infestation, les gammares sont privés de nourriture. Ils sont ensuite placés par lots de 2 dans des cristallisoirs en verre de 6 cm de diamètre. Le volume adéquat de suspension d’œufs est déposé sur 1 cm² de feuille d’orme humidifiée, et le morceau de feuille est placé dans le becher. Le fait de déposer les œufs de parasites sur la nourriture des gammares permet d’augmenter la probabilité d’infection par rapport à d’autres méthodes, comme le dépôt direct des œufs dans l’eau ou leur incorporation à des boulettes d’huile et de farine (voir encart concernant ces tests préliminaires). Des groupes témoins sont également constitués et subissent exactement la même procédure, mais des feuilles sans œufs leur sont proposées.

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L’exposition aux œufs dure 48 heures, puis les gammares sont rincés et placés en groupes de 15 à 20 individus (nombre variable selon l’expérience considérée) dans des aquariums de 0,5L contenant des cailloux. Ces groupes sont constitués d’individus correspondant à une même série expérimentale. Au sein de chaque série, les individus ont été regroupés au hasard, mais les couples formés lors de l’exposition n’ont jamais été placés ensemble dans les mêmes aquariums. Les individus vont ensuite demeurer dans ces aquariums durant toute la durée de l’expérience, jusqu’à ce qu’ils développent une infection.

L’eau est changée automatiquement six fois par jour (chaque aquarium reçoit de l’eau provenant de la même cuve de stockage), des feuilles d’orme (préalablement séchées puis stérilisées par autoclave), sont régulièrement déposées pour servir de nourriture aux gammares, et tous les aquariums sont nettoyés entièrement une fois par semaine. Le nombre de gammares survivants est également relevé chaque semaine.

4. Suivi de l’infection

A partir de la cinquième semaine suivant l’exposition, chaque individu est observé une fois par semaine sous loupe binoculaire, afin de détecter la présence éventuelle d’un parasite.

En effet, les larves peuvent être détectées à travers la cuticule des gammares dès le stade acanthelle. Les acanthelles se distinguent facilement des cystacanthes, car elles apparaissent beaucoup moins pigmentées (légère couleur orangée), sont de plus grande taille et n’ont pas de forme définie. En revanche, les cystacanthes sont beaucoup plus colorés et prennent la forme de petites billes caractéristiques. Lorsque plusieurs cystacanthes infectent un même hôte il est même possible, dans la majorité des cas, de les compter précisément à travers la cuticule. Dès l’apparition d’un stade précoce, les gammares concernés sont isolés individuellement dans des pots de 0,20L contenant un caillou et une feuille d’orme. Dans le même temps, des individus témoins sont également isolés de la même façon. Le

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développement du parasite est ensuite suivi chaque semaine sous loupe binoculaire. Le phototactisme du gammare est ensuite mesuré à divers stades du développement du parasite.

Selon les expériences, le comportement pourra ainsi être mesuré dès l’apparition d’une acanthelle ou dès l’apparition du premier cystacanthe, et à nouveau quelques semaines plus tard.

La prévalence (nombre d’hôtes infectés / nombre total d’hôtes survivants) est estimée à une date précise, variable selon les expériences, mais correspondant toujours à la semaine suivant le pic d’apparition des infections (environ 2 mois et demi après l’exposition).

5. Mesure du phototactisme

La réaction à la lumière des gammares est mesurée selon le protocole suivant. Chaque individu est introduit dans un tube horizontal entièrement rempli d’eau et formé de deux zones de taille égale, l’une sombre et l’autre éclairée (Figure 3). Après une acclimatation de 5 minutes, la position du gammare - à l’ombre ou à la lumière - est enregistrée toutes les 30 secondes durant 5 minutes. Lors de chaque relevé, la valeur 0 est attribuée si le gammare est du côté sombre du tube, et la valeur de 1 est attribuée s’il est à la lumière. A la fin de l’expérience, le score de chaque individu est donc compris entre la valeur minimale de 0 (toujours à l’ombre) et la valeur maximale de 10 (toujours à la lumière).

A la fin de l’expérience, tous les gammares sont tués, mesurés (hauteur de la quatrième plaque coxale (mesure permettant une bonne estimation de la taille totale de l’individu, Bollache et al. 2002), et disséqués afin de déterminer le nombre exact de parasites et leur stade de développement.

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Zone sombre = 0 Zone éclairée = 1

Figure 3 : Dispositif de mesure du phototactisme

ENCART 2. Infestations expérimentales de crustacés par des acanthocéphales

Pour mener à bien les travaux présentés dans cette thèse, la maîtrise d’infestations expérimentales en laboratoire, permettant de contrôler l’infection de G. pulex par P. laevis, était nécessaire.

Des infestations expérimentales d’invertébrés par des acanthocéphales ont été réalisées à plusieurs reprises depuis de nombreuses années, avec par exemple différents parasites infectant l’amphipode Hyalella azteca (Uznanski & Nickol 1980, Barger & Nickol 1999, Duclos et al. 2006), avec Polymorphus minutus et Echinorhynchus truttae infectant Gammarus pulex (Hynes & Nicholas 1957, Awachie 1967), ou encore avec des parasites infectant l’isopode Asellus aquaticus (Brattey 1986).

Diverses méthodes ont été testées, comme par exemple l’incorporation des œufs de parasites dans un mélange de feuilles sèches broyées et d’alginate de calcium (Polymorphus minutus, Hynes & Nicholas 1957), méthode satisfaisante, mais qui s’est révélée extrêmement fastidieuse. Le fait d’incorporer les œufs dans des boulettes de farine fonctionne plutôt bien avec certaines espèces, mais pas avec d’autres (Bentley 1993). La façon la plus simple d’infecter les amphipodes, le dépôt des œufs directement dans l’eau ne semble donner qu’un très faible taux d’infection, et ce pour différentes espèces d’acanthocéphales (Polymorphus minutus: Hynes & Nicholas 1957; Pomphorhynchus bulbocolli: Jensen 1952). C’est finalement le dépôt des œufs sur une feuille d’orme humide qui semble être la méthode la plus efficace, avec 70 à 80% d’infection chez Polymorphus minutus (Hynes & Nicholas 1957), ce qui est cohérent avec le fait que les fibrilles des œufs d’acanthocéphales s’accrochent à la végétation afin d’augmenter la probabilité d’ingestion par les amphipodes (Crompton 1985).

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Au vu de ces différents résultats, nous avons donc décidé d’utiliser cette dernière méthode pour infecter G. pulex avec des œufs de P. laevis (voir Méthode générale : procédure d’infestation expérimentale). Une première expérience a permis de déterminer la dose d’œufs idéale à administrer aux gammares, permettant ainsi un équilibre entre la prévalence obtenue et l’intensité moyenne de l’infection (voir Chapitre 1B et l’article correspondant).

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Chapitre 1