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S’ L’impact des NTIC sur les auteurs,les éditeurs et les libraires

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les éditeurs et les libraires

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Marie Lebert

il est peut-être contaminé par l’emprise des multinationales et celle du cybercommerce, le web n’en est pas moins devenu aussi une gigantesque encyclopédie, une énorme bibliothèque, un organe de presse des plus complets, sans parler des répertoires de musique et de films en cours de constitution.

Si le web est la partie visible de l’iceberg, et joue souvent le rôle de vitrine, les NTIC comprennent aussi les autres services offerts par l’internet : courrier électronique, forums de discussion, IRC (Internet relay chat), TCP (transfer control protocol), visioconférence, etc. A ceci s’ajoutent un certain nombre de services purement informatiques, notamment la production de textes électroniques sous diverses formes et divers formats, et la numérisation des œuvres imprimées en mode texte et/ou en mode image.

Nous avons analysé, dans un travail paru en 1999, la manière dont le monde de l’imprimé prenait alors en compte l’internet et les NTIC, et réciproquement. Le monde de l’imprimé et celui de l’internet sont-ils antagonistes ou complémentaires ? Quelle est l’influence de l’un sur l’autre ? Comment le monde de l’imprimé accepte-t-il ce nouvel outil d’information et de communication qu’est l’internet ? De quelle manière l’internet prend-il en compte cet outil pluricentenaire qu’est l’imprimé ? Travaillent-ils de concert ? Se font-ils concurrence ? Quel est leur avenir commun ? Le monde

1. Cet article est issu d’une thèse de doctorat à l’Ecole pratique des hautes études, De l’imprimé à l’internet [LEB 99], parue en avril 1999 en français et en anglais.

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de l’internet va-t-il complètement avaler l’univers de l’imprimé, ou l’imprimé va-t-il au contraire domestiquer l’internet en tant qu’outil de communication supplémentaire ? Quelles sont les implications pour tous les professionnels de l’imprimé : auteurs, bibliothécaires, éditeurs, imprimeurs, journalistes, libraires, traducteurs, etc. ? L’internet reliant moins les machines que les êtres humains, de nombreux professionnels ont été sollicités par courrier électronique pour relater leur expérience.

Cette étude faisait le point de la situation à un moment donné, en 1998, avec en filigrane une analyse attentive du réseau – y compris francophone – dès ses débuts significatifs, en 1995. Nombre de questions posées à l’époque n’ont maintenant plus de raison d’être. Le monde de l’internet est rapide.

Deux ans après, ce premier bilan, déjà historique, est à verser dans les archives.

Désormais, les nouvelles technologies sont partout. Elles ont parfois durement secoué le monde de l’imprimé, réputé pour sa stabilité, mais le livre n’est pas mort pour autant, loin s’en faut. En revanche, l’expression

« professionnels de l’imprimé » s’avère de moins en moins adéquate, car les versions imprimées – elles-mêmes issues de documents électroniques – sont de plus en plus concurrencées par les versions numériques. Signe des temps, depuis l’automne 2000, les libraires et les éditeurs montent de véritables services de vente de livres numériques, avec impression uniquement à la demande.

Nous allons étudier l’impact des NTIC sur l’activité des auteurs, des éditeurs et des libraires, et présenter quelques perspectives. Nous donnerons toute la place qu’elles méritent aux expériences vécues et aux récits de ceux et celles qui n’ont pas hésité à se lancer dans l’exploration d’un « nouveau continent ». Qu’ils soient ici chaleureusement remerciés pour leurs contributions.

L’impact des NTIC sur les auteurs

Poète et plasticienne, Claude Bitout (qui écrit sous le pseudonyme de Silvaine Arabo) [LEB 00] a publié à ce jour quinze recueils de poèmes, ainsi que plusieurs recueils d’aphorismes et deux essais. Elle est également l’auteur du site « Poésie d’hier et d’aujourd’hui », sur lequel elle propose de nombreux poèmes, y compris les siens.

« Pour ce qui est de l’internet, je suis autodidacte (je n’ai reçu aucune formation informatique quelle qu’elle soit), explique-t-elle. En 1997, j’ai eu l’idée de construire un site littéraire centré sur la poésie : l’internet me semble un moyen privilégié pour faire circuler des idées, pour communiquer ses

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passions aussi. Je me suis donc mise au travail, très empiriquement, et j’ai finalement abouti à ce site sur lequel j’essaye de mettre en valeur des poètes contemporains de talent, sans oublier la nécessaire prise de recul (rubrique : Réflexions sur la poésie) sur l’objet considéré. »

L’utilisation de l’internet a-t-elle eu des incidences sur son activité de poète ?

« Disons que la gestion d’un site internet – si l’on veut qu’il demeure vivant – requiert beaucoup de temps. Mais je fais en sorte que ma création personnelle n’en souffre pas. Par ailleurs, l’internet m’a mise en contact avec d’autres poètes, dont certains fort intéressants... Cela rompt le cercle de la solitude et permet d’échanger des idées. On se lance des défis aussi... L’internet peut donc pousser à la créativité et relancer les motivations des poètes, puisqu’ils savent qu’ils seront lus et pourront même, dans le meilleur des cas, correspondre avec leurs lecteurs et avoir les points de vue de ceux-ci sur leurs textes. Je ne vois personnellement que des aspects positifs à la promotion de la poésie par l’internet : tant pour le lecteur que pour le créateur. »

Anne-Bénédicte Joly est écrivain. Avec l’aide de son époux, elle a récemment créé son propre site, afin de présenter son parcours et ses livres auto-édités et de donner la possibilité de commander ses ouvrages publiés.

C’est après avoir utilisé le circuit traditionnel des éditeurs – et avoir été passablement déçue par celui-ci – qu’elle a décidé d’utiliser le web pour auto-éditer ses propres œuvres. Dans un entretien daté de juin 2000 [LEB 00], elle s’expliquait en ces termes :

« Mon site (mis en ligne en avril 2000) a plusieurs objectifs : présenter mes livres (essais, nouvelles et romans auto-édités) à travers des fiches signalétiques (dont le format est identique à celui que l’on trouve dans la base de données Electre) et des extraits choisis, présenter mon parcours (de professeur de lettres et d’écrivain), permettre de commander mes ouvrages, offrir la possibilité de laisser des impressions sur un livre d’or, guider le lecteur à travers des liens vers des sites littéraires. (...) Créer un site internet me permet d’élargir le cercle de mes lecteurs en incitant les internautes à découvrir mes écrits. L’internet est également un moyen pour élargir la diffusion de mes ouvrages. Enfin, par une politique de liens, j’espère susciter des contacts de plus en plus nombreux. »

Comment lui est venu ce choix d’auto-éditer ses œuvres ?

« Après avoir rencontré de nombreuses fins de non-recevoir auprès des maisons d’édition et ne souhaitant pas opter pour des éditions à compte d’auteur, j’ai choisi, parce que l’on écrit avant tout pour être lu (!), d’avoir recours à l’auto-édition. Je suis donc un écrivain-éditeur et j’assume

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l’intégralité des étapes de la chaîne littéraire, depuis l’écriture jusqu’à la commercialisation, en passant par la saisie, la mise en page, l’impression, le dépôt légal et la diffusion de mes livres. Mes livres sont en règle générale édités à 250 exemplaires et je parviens systématiquement à couvrir mes frais fixes. (...) L’internet devra me permettre d’aller à la rencontre de lecteurs (d’internautes) que je n’aurai pas l’occasion en temps ordinaire de côtoyer. Je pense à des pays francophones tels que le Canada qui semble réserver une place importante à la littérature française. Je suis déjà référencée dans des annuaires et des moteurs de recherche anglo-saxons, et en passe de définir des accords d’échange de liens avec des sites universitaires et littéraires canadiens. »

A l’heure de l’internet, les auteurs ont-ils encore besoin des éditeurs ?

« Je pense que l’internet est avant tout un média plus rapide et plus universel que d’autres, déclare-t-elle. Mais je suis convaincue que le livre “papier” a encore, pour des lecteurs amoureux de l’objet livre, de beaux jours devant lui.

Je pense que le problème réside davantage dans la qualité, pour ne pas dire la frilosité de certains éditeurs devant les coûts liés à la fabrication d’un livre, lesquels préfèrent éditer des livres “vendeurs” plutôt que de décider de prendre des risques avec certains écrits ou certains auteurs moins connus ou inconnus. »

Jean-Paul (pseudonyme) [LEB 00], musicien, écrivain, et webmaster des

« cotres furtifs », un site qui raconte des histoires en 3D (trois dimensions), résume fort bien la situation, dès juin 1998, après quelques mois d’activité sur la Toile.

« Mon avenir sur la toile est plus personnel que professionnel. L’internet va me permettre de me passer des intermédiaires : compagnies de disques, éditeurs, distributeurs... Il va surtout me permettre de formaliser ce que j’ai dans la tête (et ailleurs) et dont l’imprimé (la micro-édition, en fait) ne me permettait de donner qu’une approximation. Puis les intermédiaires prendront tout le pouvoir. Il faudra alors chercher ailleurs, là où l’herbe est plus verte... »

L’impact des NTIC sur les éditeurs

L’édition électronique est désormais en bonne place à côté de l’édition traditionnelle, du fait des perspectives qu’elle offre : diffusion plus facile, accès plus rapide, coût moins élevé, etc.

L’interaction entre document imprimé et document électronique est maintenant omniprésente, et elle s’accentuera encore dans les prochaines années, à tel point qu’il deviendra probablement ridicule d’établir une

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distinction entre document électronique et document imprimé. De plus en plus de documents n’existent désormais qu’en version électronique. Tous les documents imprimés récents sont issus d’une version électronique sur traitement de texte, tableur ou base de données. Quant aux documents imprimés plus anciens, nombre d’entre eux sont maintenant numérisés, notamment par les bibliothèques nationales, et sont maintenant regroupés dans des bibliothèques numériques, par exemple Gallica (issue des collections de la Bibliothèque nationale de France) ou bien l’American Memory (issue des collections de la Library of Congress).

Pour la publication d’ouvrages et de périodiques à caractère scientifique, dans lesquels l’information la plus récente est primordiale, la numérisation a conduit à repenser complètement la signification même de publication, et à s’orienter vers une diffusion en ligne qui rend beaucoup plus facile les réactualisations régulières. Point n’est besoin d’attendre une nouvelle édition imprimée soumise aux contraintes commerciales et aux exigences de l’éditeur. Si nécessaire, une édition imprimée est toujours possible, mais uniquement à la demande. De nombreux organismes proposent des fac- similés à l’unité. Certaines universités produisent aussi des manuels « sur mesure » composés d’un choix de chapitres sélectionnés dans une très importante base de données, choix complété par des articles et des commentaires de professeurs. Pour un séminaire, un très petit tirage peut être effectué à partir de textes électroniques transmis à un imprimeur.

On ne va pas entamer ici un débat stérile sur la disparition du papier à plus ou moins brève échéance. L’internet ne supprimera sans doute pas plus l’imprimé que la télévision n’a supprimé le livre, ou que le livre de poche n’a supprimé le beau livre. « Toute ma vie, j’ai eu une histoire d’amour avec les livres et la lecture. Elle continue sans être affectée par l’automatisation, les ordinateurs, et tous les gadgets du XXe siècle », écrivait Robert Downs dans Books in My Life ([DOW 85], p. 30). Pour Pierre Perroud ([PER 97], p. 60), fondateur d’Athena, bibliothèque électronique hébergée par l’université de Genève, « les textes électroniques représentent un encouragement à la lecture et une participation conviviale à la diffusion de la culture », notamment pour la recherche textuelle et l’étude des textes. Ces textes « sont un bon complément au livre imprimé – celui-ci restant irremplaçable lorsqu’il s’agit de lire ». S’il est persuadé de la nécessité de suivre de près l’évolution technologique et d’y adapter le monde du livre et celui de l’enseignement, il n’empêche que le livre reste pour lui « un compagnon mystérieusement sacré vers lequel convergent de profonds symboles : on le serre dans la main, on le porte contre soi, on le regarde avec admiration ; sa petitesse nous rassure autant que son contenu nous impressionne ; sa fragilité renferme une densité qui nous fascine ; comme l’homme il craint l’eau et le feu, mais il a le pouvoir de mettre la pensée de celui-là à l’abri du Temps ».

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Il ne s’agit donc pas de nier le plaisir procuré par le livre imprimé, mais de reconnaître les avantages représentés soit par la numérisation du livre imprimé pour une plus grande diffusion et une étude plus facile (il est désormais possible de faire des recherches textuelles sur l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, les différentes versions de la Bible, les œuvres de Dante ou de Shakespeare, etc.), soit par l’élaboration d’un document qui sera d’abord électronique, pour les mêmes raisons, ce qui n’empêche pas de l’imprimer si nécessaire.

Michael Hart [LEB 00], fondateur du « Project Gutenberg », un vaste programme de numérisation en mode texte des œuvres du domaine public, précise :

« Nous considérons le texte électronique comme un nouveau médium, sans véritable relation avec le papier. Le seul point commun est que nous diffusons les mêmes œuvres, mais je ne vois pas comment le papier peut concurrencer le texte électronique une fois que les gens y sont habitués, particulièrement dans les établissements d’enseignement. »

Concilier édition électronique et commerce en créant l’édition en ligne ? C’est le pari qu’ont fait Jean-Pierre Arbon et Bruno de Sa Moreira, respectivement directeur de Flammarion et directeur de Flammarion Multimédia, en lançant en mai 1998 les éditions 00h00.com, dont le nom a été choisi pour exprimer « cette idée d’origine, de nouveau départ ». Comme l’explique le site web :

« C’est en effet la première fois au monde que la publication sur l’internet de textes au format numérique est envisagée dans le contexte d’un site commercial, et qu’une entreprise propose aux acteurs traditionnels de l’édition (auteurs et éditeurs) d’ouvrir avec elle sur le réseau une nouvelle fenêtre d’exploitation des droits. Les textes offerts par 00h00.com sont soit des inédits, soit des textes du domaine public, soit des textes sous copyright dont les droits en ligne ont fait l’objet d’un accord avec leurs ayants droit. »

Tous les titres sont disponibles sous la forme d’un exemplaire numérique et d’un exemplaire imprimé. Les exemplaires numériques représentent 85 % des ventes. Les collections sont très diverses : 2003 (nouvelles écritures), actualité et société, communication et NTIC, poésie, policiers, science-fiction, etc.

Pas de stock, pas de contrainte physique de distribution, mais un lien direct avec le lecteur et entre les lecteurs en revanche. Sur le site, les cybernautes/lecteurs qui le souhaitent créent leur espace personnel dans

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lequel ils peuvent rédiger leurs commentaires, recommander des liens vers d’autres sites, inviter leurs amis et participer à des forums. Voilà ce qu’on peut lire sur le site :

« L’internet est un lieu sans passé, où ce que l’on fait ne s’évalue pas par rapport à une tradition. Il y faut inventer de nouvelles manières de faire les choses. (...) Le succès de l’édition en ligne ne dépendra pas seulement des choix éditoriaux : il dépendra aussi de la capacité à structurer des approches neuves, fondées sur les lecteurs autant que sur les textes, sur les lectures autant que sur l’écriture, et à rendre immédiatement perceptible qu’une aventure nouvelle a commencé. »

L’impact des NTIC sur les libraires

De nombreuses librairies « traditionnelles » ont créé un site web, à commencer par la FNAC (qui a acheté la librairie en ligne Alibabook), Virgin, France Loisirs, Le Furet du Nord (chaîne de librairies du nord de la France), Decitre (chaîne de librairies de la région Rhône-Alpes), etc.

D’autres librairies n’ont ni murs, ni vitrine, ni enseigne sur rue. Leur vitrine est leur site web, et toutes leurs transactions s’effectuent sur la Toile.

Dans le monde francophone, ces librairies en ligne ont pour nom Alapage (acheté par France Télécom), Amazon France, BOL France (filiale du français Havas et de l’allemand Bertelsmann) ou Chapitre.com, pour ne citer que les plus connues. Les grandes librairies en ligne anglophones sont Amazon.com, Barnes & Noble.com, Internet BookShop, Chaptersglobe.com, etc.

Grâce au web, le client dispose d’un catalogue en ligne répertoriant tous les titres disponibles, avec recherche par auteur, par titre ou par sujet. Il peut aussi se tenir informé de l’actualité du livre, lire le résumé ou des extraits des livres qui l’intéressent, et passer sa commande, qu’il règle au moyen de sa carte de crédit. S’il a commandé un exemplaire imprimé, il ne lui reste plus qu’à attendre de recevoir le livre. S’il a commandé un exemplaire électronique, celui-ci lui parvient dans les minutes qui suivent, et il peut commencer sa lecture aussitôt.

En France, la loi sur le prix unique du livre laisse peu de latitude sur les prix, et n’offre pas les possibilités de réduction qui existent dans les pays où le prix du livre est libre, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis par exemple. En revanche, les libraires en ligne sont optimistes sur les perspectives d’un marché francophone international. En France, la vente de livres en ligne ne représente pour le moment que 0,3 à 0,5 % du marché (contre 5,4 % aux Etats-Unis) : sur un million de livres vendus chaque jour, seuls 5 000 sont vendus sur le net.

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Voici par exemple l’expérience d’Hélène Larroche, responsable de la librairie Itinéraires, située au cœur de Paris, dans l’ancien quartier des Halles. « Le monde en mémoire », est-il écrit sur le dépliant de la librairie.

Du plancher au plafond, on y trouve tous les ouvrages permettant de préparer, accompagner et prolonger un voyage : guides, cartes, manuels de conversation, reportages, récits de voyage, livres de cuisine, livres d’art et de photographie, ouvrages d’histoire, de civilisation, d’ethnographie, de religion et de littérature étrangère, et cela pour plus de 160 pays et 250 destinations. Dès 1985, la librairie avait créé une base de données informatisée avec classement des ouvrages par pays et par thèmes.

« En 1995, nous avons rendu la consultation de notre catalogue possible sur Minitel, explique Hélène Larroche [LEB 00]. Nous effectuons aujourd’hui près de 10 % de notre chiffre d’affaires avec la vente à distance. Passer du Minitel à l’internet nous semblait intéressant pour atteindre la clientèle de l’étranger, les expatriés désireux de garder par les livres un contact avec la France et à la recherche d’une librairie qui “livre à domicile” et bien sûr les “surfeurs sur le net”, non minitélistes. La vente à distance est encore trop peu utilisée sur l’internet pour avoir modifié notre chiffre d’affaires de façon significative.

L’internet a cependant eu une incidence sur le catalogue de notre librairie, avec la création d’une rubrique sur le web, spécialement destinée aux expatriés, dans laquelle nous mettons des livres, tous sujets confondus, qui font partie des meilleures ventes du moment et/ou pour lesquels la critique s’emballe. Nous avons toutefois décidé de limiter cette rubrique à soixante titres quand notre base en compte 13 000. Un changement non négligeable, c’est le temps qu’il faut dégager ne serait-ce que pour répondre au courrier que génèrent les consultations du site. Outre le bénéfice pour l’image de la librairie que l’internet peut apporter (et dont nous ressentons déjà les effets), nous espérons pouvoir capter une nouvelle clientèle dans notre spécialité – la connaissance des pays étrangers, atteindre et intéresser les expatriés... et augmenter nos ventes à l’étranger. (…) [Le site web amène] un net regain de personnes qui viennent à notre librairie après nous avoir découvert sur le web. C’est donc plutôt une clientèle parisienne ou une clientèle venue de province pour pouvoir feuilleter sur place ce que l’on a découvert sur le web.

Mais l’expérience est très intéressante et nous conduit à poursuivre. »

Créé dès novembre 1995 et désormais quadrilingue (français, anglais, italien et allemand), le site Livre-rare-book propose un catalogue de livres anciens regroupant les catalogues de plusieurs librairies de la région, ainsi qu’un annuaire électronique international des librairies de livres d’occasion.

En juin 1998, Pascal Chartier, créateur du site et gérant de la librairie du Bât d’Argent (Lyon), considérait que le web lui avait « ouvert une vaste porte », à la fois pour lui et pour ses clients. L’internet est « peut-être la pire et la meilleure des choses, la pire parce qu’il peut générer un travail constant sans

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limite et la dépendance totale. Le meilleur parce qu’il peut s’élargir encore et permettre surtout un travail intelligent ! » En janvier 2000, son site répertoriait trente-trois librairies et 85 000 livres. Un nouveau module de gestion permettait aux libraires d’intégrer facilement leurs livres sur le site.

Autre expérience, celle du Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM), seul syndicat professionnel français des libraires de livres anciens, livres illustrés, autographes et gravures. Créé en 1914, il regroupe aujourd’hui quelque 220 membres.

Le site web leur permet de proposer des livres anciens, que l’on peut commander directement par courrier électronique et régler par carte de crédit, avec expédition dans le monde entier. « Notre meilleur souvenir est notre étonnement initial face aux premières ventes réalisées, relatait Alain Marchiset [LEB 00], vice-président du SLAM, en juillet 2000 ; nous avions en effet du mal à imaginer des personnes pianotant sur un clavier pour faire leurs achats. » Il expliquait aussi :

« L’Association des libraires de livres anciens – le Syndicat national de la librairie ancienne et moderne (SLAM) – avait déjà créé un premier site internet il y a trois ans, mais ce site ne nous appartenait pas et la conception en était un peu statique. Ce nouveau site plus moderne de conception a été ouvert il y a un an. Il intègre une architecture de type “base de données” et donc un véritable moteur de recherche, qui permet de faire des recherches spécifiques (auteur, titre, éditeur, et bientôt par sujet) dans les catalogues en ligne des différents libraires. Le site contient l’annuaire des libraires avec leurs spécialités, des catalogues en ligne de livres anciens avec illustrations, un petit guide du livre ancien avec des conseils et les termes techniques employés par les professionnels, et aussi un service de recherche de livres rares. De plus, l’association organise chaque année en novembre une foire virtuelle du livre ancien sur le site, et en mai une véritable foire internationale du livre ancien qui a lieu à Paris mais dont le catalogue officiel est visible aussi sur le site. »

Que pensent ses collègues de la vente en ligne ?

« Dans l’ensemble, la profession envisage assez sereinement ce nouveau moyen de vente. Les libraires de livres anciens vendaient déjà par correspondance depuis très longtemps au moyen de catalogues imprimés adressés régulièrement à leurs clients. Ce nouveau moyen de vente n’a donc pas été pour nous vraiment révolutionnaire, étant donné que le principe de la vente par correspondance était déjà maîtrisé par ces libraires. C’est simplement une adaptation dans la forme de présentation des catalogues de vente qui a été ainsi réalisée. »

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Perspectives

Plutôt qu’une conclusion, difficile à envisager dans un domaine en mutation profonde, on proposera plutôt des perspectives. Les changements affectant l’édition ne datent pas d’hier. Dans les années 1970, le marché de l’imprimerie traditionnelle avait d’abord été ébranlé par l’apparition des machines de photocomposition. Avaient suivi ensuite les procédés d’impression assistée par ordinateur, les photocopieurs, les photocopieurs couleur et le matériel d’impression numérique. L’impression est maintenant souvent assurée à bas prix par des ateliers de PAO (publication assistée par ordinateur) et par des entreprises d’arts graphiques.

Au Royaume-Uni par exemple, les fonctions de correction d’épreuves et de rédaction sont désormais effectuées à domicile, le plus souvent par des travailleurs qui ont pris le statut d’indépendants par suite de fusions d’entreprises, de délocalisations ou de licenciements. « Or, cette forme d’emploi tient plus du travail précaire que du travail indépendant, car ces personnes n’ont que peu d’autonomie et sont généralement tributaires d’une seule maison d’édition », expliquait Peter Leisink ([ILO 97], p. 70), professeur associé d’études sociales à l’université d’Utrecht (Pays-Bas), lors du Colloque sur la convergence multimédia organisé par le Bureau international du Travail (BIT) en janvier 1997 à Genève.

Si les problèmes liés à l’emploi sont vraiment préoccupants, les côtés positifs des NTIC sont cependant nombreux. L’internet a considérablement renforcé les relations de l’auteur avec le lecteur. Le courrier électronique permet à l’auteur de discuter avec ses lecteurs bien davantage que par le passé, sans contrainte de temps ni de lieu. Lassés du circuit traditionnel, certains auteurs s’interrogent même sur l’utilité d’un éditeur, puisqu’un site web leur permet d’éviter les intermédiaires – éditeurs et distributeurs- diffuseurs – et de faire connaître directement leurs œuvres.

Le web permet à l’éditeur de présenter son catalogue, de proposer l’intégralité du premier chapitre des nouveautés, de discuter avec les lecteurs et de mettre en ligne leurs commentaires personnels. De plus en plus d’ouvrages ont à la fois une version électronique et une version papier.

Certaines publications n’existent désormais qu’en version numérique, moins coûteuse et plus facile à diffuser.

Pour un libraire « traditionnel », la présence sur le web lui permet de renforcer son activité et d’avoir une vitrine auprès de clients géographiquement éloignés. En plus de son activité en magasin, il peut également monter une librairie en ligne. Quant aux librairies en ligne, leur vitrine est leur site web, et toutes leurs transactions s’effectuent par le biais de l’internet.

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Il semble tout à fait inopportun de pleurer la mort prochaine de l’imprimé. On a désormais deux supports possibles (numérique et imprimé) au lieu d’un seul ; à chacun de choisir, en fonction de ses habitudes de travail et de ses goûts personnels. Depuis peu, on assiste toutefois à un changement majeur dans la production : nombre de libraires et d’éditeurs sont en train de créer de véritables secteurs de vente de livres numériques, avec impression uniquement à la demande. Certains proposent même la vente de chapitres à l’unité, avec la possibilité de réaliser son livre « à la carte ».

Il reste à trouver une expression remplaçant « professionnels de l’imprimé », qui semble quelque peu dépassée maintenant, et quelque peu réductrice aussi. Le site des éditions 00h00.com nous invitait à « inventer de nouvelles manières de faire les choses » sur l’internet. Il faudra donc aussi, probablement, inventer une nouvelle terminologie.

Bibliographie

[DOW 85] DOWNS R. B., Books in My Life, Library of Congress, Washington, 1985.

[ILO 97] INTERNATIONAL LABOUR OFFICE (ILO), Symposium on Multimedia Convergence, Geneva, 27-29 January 1997 : Final Report, ILO, Geneva, 1997.

<http://www.ilo.org/public/english/dialogue/sector/techmeet/smc97/smcrep.htm>

[LEB 99] LEBERT M., De l’imprimé à l’internet, Editions 00h00.com, Paris, 1999.

<http://www.biblionline.com/html/mlebert/index.htm>

[LEB 00] LEBERT M., Entretiens/Interviews/Entrevistas, auto-édition sur le web, 1998-2000.

<http://ourworld.compuserve.com/homepages/mlebert/interviews.htm>

[PER 97] PERROUD P., « Voulez-vous abandonner vos enfants à Big Gate ? », Informatique-informations, n° 32, février 1997, CIP, Genève.

<http://un2sg4.unige.ch/athena/perroud/cip_info.html>

Principaux sites mentionnés

American Memory : <http://lcweb2.loc.gov/amhome.html>

Athena : <http://un2sg4.unige.ch/athena/html/athome.html>

Des cotres furtifs : <http://www.cotres.net/>

Editions 00h00.com : <http://www.00h00.com/>

Gallica : <http://gallica.bnf.fr/>

Site d’Anne-Bénédicte Joly : <http://ab.joly.free.fr/>

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Librairie Itinéraires : <http://www.itineraires.com/>

Livre-rare-book : <http://www.livre-rare-book.com/>

Poésie d’hier et d’aujourd’hui : <http://www.multimania.com/mirra/>

Project Gutenberg : <http://www.gutenberg.net/>

Syndicat de la librairie ancienne et moderne (SLAM) : <http://www.slam-livre.fr/>

Références

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