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L ' ESPACE D U LIV RE • •
l e po in t de v ue des éd i teurs
Quiconque a vu un enlant, un jeune enfant surtout, s'emparer d'un livre, d'un album, mesure ce que vaut dire pour lui, BU sens concret du terme,
"prendre contact» avec la lecture. C'est bien par le plaisir de toucher les pages lisses, de les manipuler, de voyager à travers les images, les graphismes et les couleurs. que l'enfant s'approprie le livre avant d'en pénétrer le sens.
N'arrive·t-il pas aux adultes d'en faire autant? Au-delà de ce plaisir immédiat, la lecture proprement dite est étroite- ment liée à la disposition matérielle de l'écrit, aux rapports texte-imago, tex te- blanc.
Dans les ouvrages destinés aux enfants, la grosseur des ca ractères utilisés, le découpage des phrases, peuvent tout simplement faciliter la lec ture mais une mise en page peut, de surcroît. créer des accords subtils entre le tex te et sa forme matérielle qui agrancUssent le plaisir de lire. C'est vra i aussi pour les livres destinés aux adultes.
Les éditeurs pour ln jeunesse, depuis quelques a nnées, ont fa it de gros efforts dans ce domaine. Avec, pour certains,
le souci de faciliter la compréhension du tex te, pour d'autres, le désir de stimuler la lecture a u risque de la
rendre un peu plus dirricile. On trou- vera ici à travers quelques points de vue, un écho de ces dirré rentes préoccupations.
Les responsables des albums du Père Castor donnent un rôle pédagogique précis à l'image, rôle qui évolue à mesure que l'enfant grandit. Da ns l'Ima- gier, écUté pour les plus jeunes, «l'image
d oit
êtresen sibl e , li sible
parle
jeune enfant. EUe respectela vérit é
dons Jesf orm es
etles
couleurs,privilég ie les d é tail s indi spen s abl es à la
reconnais- sance, à l'identification. Lesalbum s
dela
série Premières images permettentune seconde étape dons le déchiffrage de
l'ima ge :
le moment de l'identification des événements et des actions,le
moment dele ur
description. Puisvie nt
une troisième étape dons le déchiffrage del'ima ge:
le moment où apparaît•
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'0 ,
&~ I •
dlo
1,
- - • -
le
récit, né dela lecture
d'unes ucce s-
siond'a c tions . L' e nse mble
des images del'album
raconte une histoire avec un début et une fin. Biensar,
choque image garde sa propresignification ,
mais une hiérarchie logique e tc hr on olog iqu e
existe entre chacune d 'eUes, àdes
degrés diversse l on les
histoires.»Dans les Petits Costors, une phrase courte accompagne chaque image. L'en- fant pourra . lire» ou . relirelt l'album, lier et relier chaque image sans le secours du texte en suivant les étapes de l'lùstoire présenté. à choquo page.
Ailleurs le rapport tex te-image est saisi d'une autre façon.
(( Te xt e
et image n'ont pas de rapports de simple juxtaposition, de commentaire, l'image illustrantle tex te,
mais ils agis- sent l'un sur l'outre commeamplifi-
cateur ouré vé lat e ur .
IlD'Au Editeur
«Pour qu'U y oit ha rmonie du
tex te
avec l'illustration, ilf aut
deux condi-tians:
- Le
tex te
doit suggérer des images sans troples
décrire, el ildoit
pouvoir êtrelu
et compris sans l'apport de l'image.L'illustra tion ne doit pas être Iitté·
raI e ,
l'iJlustrateur doit donner sa propre interpréta tion dutex t e
et chaque image doit raconter une histoire à eUese ul e.
IlBernard Girodroux, Hachette
«Le tex te e t J'illustra tion se répondent et remplissent chacun un rôle na rratif différent. L'un sert de contre-point à l'autre. Si l'illustra teur est
le
conteur, c'estlui
qui trouve Je vraiporta ge
entre ses deux instruments. Si dans j'espace d'un livre, un écrivain rencontre un illustrateur, chacun doit s 'exprimerplein eme nt
et il n'est pas question d'imposerà l'un
une priorité ou unefid élité
a bsolue à J'a utre.»Colline Poirée, Hachette ccLes illustrations, selon
les c as ,
doivent imaginer certains tempsfort s
ou parti- culièrement visualisables dutex te
ou doiventfair e
dons d'autres cas partie intégrante du récit. Dansle
premier cas, eHes sontdes halt es
àla
respi- ration, dansle
deuxièmecas , ils
se partagent à égalité le pouvoir del'a
Urac tian. 1)Jean-Pierre Delarge
«Pour nous l'image doit
alle r
beaucoupplu s loin
que sas impl e fon c tion
d'illustration (trop souvent simple redon- dance ou décoration ... ). Par une arti-c ulati on,
par unevéritable
syntaxe dute xte
et de l'image, nous essayons de donnerà
j'image toute sapl ace
nar-rative. Chaque histoire est travaillée comme un scénario de
film :
plon parplan, plan c he
parplan c h e,
nou s essayons de peser ce quide vra
c(pas- serI) porle
texte, par l'image, ou donsle
contraste,le
contrepoint,l' é lu cidati on
réciproque ou au contrairela poly sémi e
induite ... En trava monf en collaboration étroite, nousvoulon s
contribuer ou mouvement qui cherche à réhabiliter J'image donsles cla sses
d'ôgequ i
croient avoir dépasséc ett e
approchese nsibl e.
Nous croyons qu 'iJ y a unelec tur e
de J'image aussi importante queceUe du
tex te.
1)Le sourire qui mord Des recherches sont effectuées à propos des caractères utilisés e t de la mise en
page.
(c N'ayant
tr o uv é
a ucun caractère d'imprimerie dont Je tracé correspondail àl' outillage actu el
desen fa nt s,
nous avons créé · un caractère en nous appuyant surles co n seils
de psycho- logues. d'éducateurse t
de grapho-thérapeutes. Les
boucl es,
hampes etacc roc hages
ont été étudiés pour cor-respondre
l e
mieux possiblea u x
gestesles
plus naturels.L 'e nfant
qui com- menceà
lire et écrire trouvera untex te q u'il
peut reproduiref ac ile me nt.
))Le Père Castor ccEn typographie, nous
av ons
un grand souci d'adapterle type
d'illustration etle
caractère choisi. Par exemple,le
Gill,caract è re fin
eté lancé
a ccompagne très bienles
dessins deLion e l
Koechlin,le
graphisme plus troppu d'un Philippe Coren lin demande, Jui, un caractèreplu s fort.
Quant àla
mise en page, eUe est pour nousprimordial e.
Il s'agit de trouver un équilibre entrele
dessin,le
texte etle bla nc
qui constitue ici J'espace e t donne toute son importance àla pe rspec tiv e.
Leblan c
permet aulec te ur
de s 'introduire dansle li v re ,
dans l'histoire.)lColline Poirée, Hachette Comment réagissent nos enfa nts deva nt cette invita tion au voyage à travers l'image e t l'écrit? Comment lisent-ils les images ? La diversité des recherches des auteurs et des illustra teurs per- mettent de mul tiples approches de l'image associée ou non au tex te e t, bien avant l'âge de la lecture, les enfants sont capables de lire très fine- ment une image, des e nsembles d'images et, selon les cas, d 'en pénétre r précisément le sens ou de l'inte rpréte r de façon très riche. Il est dommage qu'on néglige à l'âge scolaire de déve·
lopper ce pouvoir d'analyse.
y a-t-il une rela tion entre la lecture d'images et la lecture de l'écrit ? Impliquent-elles des comportements a nalogues? Le déba t n'est pas clos et il serait bien intéressant de conf t on ter nos observa tians à ce propos. .
Synthèse de Michèle DELCOS
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