• Aucun résultat trouvé

L'efficience de la Politique d'Achat Public Durable: des Attentes Théoriques à la Réalité Pratique

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "L'efficience de la Politique d'Achat Public Durable: des Attentes Théoriques à la Réalité Pratique"

Copied!
18
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02795353

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02795353

Preprint submitted on 5 Jun 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

L’efficience de la Politique d’Achat Public Durable: des Attentes Théoriques à la Réalité Pratique

Cécilia Darnault, Aurore Malvy

To cite this version:

Cécilia Darnault, Aurore Malvy. L’efficience de la Politique d’Achat Public Durable: des Attentes

Théoriques à la Réalité Pratique. 2020. �hal-02795353�

(2)

L’EFFICIENCE DE LA POLITIQUE D’ACHAT PUBLIC DURABLE : DES ATTENTES THÉORIQUES À LA RÉALITÉ PRATIQUE.

Cécilia Darnault, Docteure en droit (Université d’Aix-Marseille)

1

Aurore Malvy, Juriste en droit des marchés publics.

Résumé : Les pratiques économiques et sociales responsables intègrent de plus en plus les politiques contemporaines à l’aune du concept de développement durable, et le droit de la commande publique n’y fait pas exception. Les marchés publics, utilisés en tant que véritable levier pour les politiques de développement durable en Europe, ont fait l’objet de multiples réformes sous l’impulsion de l’Union Européenne, afin de pouvoir prendre en compte, via l’insertion des clauses sociales et environnementales, des critères de développement durable et tendre vers un marché d’achat public durable. Cependant, cette ambition institutionnelle de responsabilisation de l’achat public rencontre en pratique de nombreux freins, tenant tant aux restrictions normatives qu’à la complexité du fonctionnement du système administratif qui ne dispose pas nécessairement des moyens conjoncturels pour l’appliquer de manière efficiente.

Mots-clés : Achat public durable ; Marchés publics, Responsabilisation, Acheteur public, Clauses sociales et environnementales.

1

cecilia.darnault@gmail.com

(3)

Il y a quarante ans déjà, certains visionnaires annonçaient qu’il « n’y a pas seulement pour l’humanité la menace de disparaître sur une planète morte. Il faut aussi que chaque homme, pour vivre humainement, ait l’air nécessaire, une surface viable, une éducation, un certain sens de son utilité »

2

, afin que l’environnement ne devienne pas « une maladie honteuse des civilisations industrielles »

3

. Sur la base de ces problématiques, la notion de développement durable connait ces dernières décennies une place grandissante dans la gouvernance mondiale

« pour s’efforcer de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures »

4

. Si compte tenu de leur nature économique, les grandes entreprises ont été les premiers acteurs à intégrer des mesures en faveur du développement durable via la responsabilisation sociale des entreprises, de plus en plus d’organisations sont porteuses d’actions favorisant des comportements plus éthiques, fédérant aujourd’hui une majorité des acteurs économiques et sociaux

5

. Parmi eux, il y en a un auquel on ne pense pas nécessairement, il s’agit de l’administration publique. Et plus précisément des outils de la commande publique, c’est-à-dire tout « contrat conclu à titre onéreux par lequel une personne morale de droit public ou une personne privée contrôlée par une ou plusieurs personnes publiques ou ayant en charge la gestion des deniers publics se procure pour elle-même ou les usagers du service public dont elle a la responsabilité des biens corporels ou des services »

6

. En effet, les pouvoirs publics représentent un marché qui atteint 2 448 milliards d’euros, pour une valeur de 16 % du PIB de l’Union

7

, et 15 % du PIB

8

national français ; révélant ainsi l’importance des marchés publics européens en tant que levier pour les politiques de développement durable. Si les acheteurs publics disposent de plusieurs outils, cet article va s’intéresser tout particulièrement aux marchés publics ; autrement dit aux contrats à titre onéreux conclus entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs (l’État, les autorités régionales ou locales, les organismes de droit public, etc) et ayant pour objet l’exécution de travaux, la fourniture de produits ou la prestation de services

9

.

2

M. Yourcenar, Les yeux ouverts (entretiens avec Matthieu Galey), Éd. Du Centurion, 1980.

3

P. George, L’Environnement, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1971, p.6.

4

Définition « Développement Durable », Rapport dit Brundtland, 1987 in S. Brunel, Le développement durable, PUF, coll. « Que sais-je ? », 5

ème

Éd., 2012, p.3.

5

M-H. Depret, P. Le Masne, et C. Merlin-Brogniart. « De la responsabilité sociale des acteurs », Marché et organisations, vol. 8, no. 1, 2009, pp. 13-37.

6

G. Kalflèche, Des marchés publics à la commande publique : l’évolution du droit des marchés publics, thèse, Panthéon Assas, décembre 2004, 764 p.

7

M. Maciejewski, C. Ratcliff, Marchés publics, Fiches thématiques sur l’Union européenne, Parlement Européen, avril 2019, https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/34/marches-publics (consulté le 7 mai 2020).

8

A. Barilari, « Commande publique et politiques publiques », Gestion & Finances Publiques, vol. 3, n°3, 2017, pp. 99-103.

9

M. Maciejewski, C. Ratcliff, Marchés publics, Fiches thématiques sur l’Union européenne, ibid.

(4)

Ces contrats obéissent à un régime bien spécifique visant à garantir le respect de certains principes ; il s’agit notamment, pour les acheteurs publics de respecter le principe d'égalité de traitement des candidats, de liberté d'accès et de transparence des procédures aux fins d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics

10

. Dans le respect de ces principes, les achats publics doivent déterminer la nature et l'étendue des besoins à satisfaire avec précision en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économiques, sociales et environnementales

11

. Dans ce dessein, les acheteurs publics peuvent insérer dans leurs appels d’offre des clauses spéciales, dites environnementales et/ou sociales.

Ainsi, l’objet de cet article est d’explorer l’efficience de l’institutionnalisation des préoccupations de développement durable, partagée entre la volonté théorique d’une politique généralisée d’achat public durable (APD) et les restrictions juridiques qui viennent freiner cette ambition (I) ; mais il s’agira aussi d’aborder les difficultés d’application pratique qui viennent nuancer les attentes institutionnelles, les considérations sociales et environnementales étant encore trop peu utilisée dans les marchés publics (II).

I. L’AMBITION INSTITUTIONNELLE DE L’ACHAT PUBLIC DURABLE L’Union Européenne, et par analogie le droit français, se sont engagés pour la promotion de politiques de développement durable ambitieuses visant la généralisation de l’achat public responsable pour une meilleure prise en compte des considérations sociales et environnementales. Cependant, si le processus d’institutionnalisation progressif à apporter de nouveaux outils réglementaires et une commande publique réformée pour répondre à ces nouveaux objectifs ; ces clauses ne sont pas encore systématiquement présentes dans les marchés publics en raison de la priorisation législative d’autres principes directeurs de la commande publique et des appréhensions des acheteurs publics.

A. L'institutionnalisation d’une démarche d’achat public durable

A travers une prise de conscience internationale quant à la nécessité d’un développement plus durable, et sous l’impulsion de l’Union Européenne dont le droit français s’est fait le relai,

10

Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique, JORF n°0281 du 5 décembre 2018 (article L3).

11

Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, ibid (article L2111-1).

(5)

la considération de ces enjeux a progressivement été institutionnalisée dans les règles gouvernant la commande publique à travers l’insertion de clauses sociales et/ou environnementales (CSE) pour généraliser l’achat public durable (APD).

1) L’évolution institutionnelle de la démarche d’achat public durable

Montesquieu pensait qu’il faut éclairer l'histoire par les lois et les lois par l'histoire

12

; ainsi, pour aborder pleinement le sujet des considérations de développement durable dans l’achat public, il est nécessaire de remonter quelques décennies en arrière. En effet, revenons dans les années 1970 et 1980 durant lesquelles « un certain nombre d’écologistes, de scientifiques, d’économistes ou de philosophes alertent l’opinion publique internationale sur la dégradation de l’environnement mondial et sur les dangers de certaines croissances ayant pour conséquence l’insécurité sociale, la précarité croissante des emplois et la multiplication des scandales financiers »

13

qui voient apparaître une prise de conscience qui s’impose sur la scène internationale

14

. Produit direct de cette nouvelle vision plus durable, et certainement l’ancêtre des clauses sociales et environnementales, initié lors de la célèbre Conférence de Rio en 1992, le programme « Action 21 » adopté par les Nations-Unies, ensuite dénommé « Agenda 21 », prévoit que « les Gouvernements (...) devraient réexaminer les politiques d’achats de fournitures de leurs organismes et départements afin d’améliorer si possible l’élément environnement (...) » via l’implication des collectivités locales. Le programme Agenda 21 sera ensuite suivi de nombreuses initiatives et d’une forte mobilisation mondiale ; en témoigne l’adoption du Protocole de Kyoto en 1997 qui aborde le comportement des collectivités publiques, la Charte d’Aalborg

15

signée en 1994 qui constitue un outil dont la mise en œuvre passe par une prise en compte de l’environnement à travers ce levier d’action.

Mais ce n’est que dans une seconde phase, notamment au cours des années 2000, que le concept va véritablement se développer et évoluer à travers la normalisation de ces enjeux dans les marchés publics. Une consécration juridique qui se fera sous l’impulsion européenne qui a pris les devants de plusieurs initiatives « en faveur du développement d’une politique d’acquisition publique plus responsable tout en encourageant les États membres à déployer des plans

12

C. DE SECONDAT, De l’esprit des lois, 1748.

13

M-H. Depret, P. Le Masne, et C. Merlin-Brogniart. « De la responsabilité sociale des acteurs », op. cite.

14

S. Brunel, Le développement durable, op. cite.

15

Charte des villes européennes pour la durabilité adoptée lors de la conférence européenne sur les villes durables

d’Aalborg, 27 mai 1994.

(6)

nationaux »

16

. L’Union donne l’élan à travers la Communication de 2001 sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d’intégrer des considérations environnementales et sociales

17

en précisant les possibilités juridiques offertes pour y parvenir.

Sur ce point, « elle se fonde sur le renforcement du principe d’intégration de l’environnement dans les autres politiques publiques par le Traité d’Amsterdam et sur sa proposition relative au sixième programme d’action pour l’environnement pour les années 2001 à 2010 qui affirme que le domaine des marchés publics possède un potentiel considérable pour un marché plus écologique grâce au recours à la performance environnementale comme critère d’achat public »

18

. Une position consacrée par la Cour de Justice de l’Union Européenne en 2002 dans l’affaire Concordia Bus Finland

19

lorsqu’elle considère que le pouvoir adjudicateur peut décider d'attribuer un marché au soumissionnaire ayant présenté l'offre économiquement la plus avantageuse en prenant en compte des critères écologiques, tout en précisant que ces critères devaient être liés à l'objet du marché, sans conférer audit pouvoir adjudicateur une liberté inconditionnée de choix, et être expressément mentionnés dans le cahier des charges ou dans l'avis de marché et devaient respecter tous les principes fondamentaux du droit communautaire.

Par la suite, les directives de 2004

20

sont venues apporter des précisions pratiques en déterminant comment les acheteurs publics peuvent contribuer à la promotion du développement durable, notamment en les autorisant à insérer des critères environnementaux d’attribution des marchés. Un nouveau train de mesures sur les marchés publics adoptées en 2014

21

, et abrogeant les directives de 2004, vient établir un cadre européen de l’achat public responsable au prisme du critère du coût du cycle de vie.

16

F. Marty, Les clauses environnementales dans les marchés publics: perspectives économiques, 2012, pp.24.

17

Communication de la Commission sur le droit communautaire applicable aux marchés publics et les possibilités d’intégrer des considérations environnementales dans lesdits marchés, du 4 juillet 2001, COM (2001) 274 final.

18

H. Delzangles, « Commande publique et environnement, jusqu’où peut-on aller ? », Revue juridique de l’environnement, vol. 40, n° 1, 2015, pp. 13-40.

19

CJCE, 17 septembre 2002, Concordia Bus Finland, aff., C-513/99, JCP A, 2002, 1043 : Contrats-Marchés publics, 2002, comm., 225, note F. Llorens.

20

Directive 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (JOCE n°

L 134 du 30/04/2004, p. 1) ; Directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JOCE n° L 134 du 30/04/04 p. 114).

21

Directive 2014/24/UE du parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés

publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JOUE n° L 94/65 du 28/03/2014) ; Directive 2014/25/UE du

parlement européen et du conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans

les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE

(JOUE n° 94/243 du 28/03/2014).

(7)

Globalement, le droit français a timidement suivi les impulsions européennes. Le code des marchés publics (CMP) de 2001 mentionnait seulement la possibilité de prendre en compte des considérations sociales et environnementales dans le cadre des conditions d’exécution des marchés

22

; par la suite, le CMP de 2004 a ajouté les préoccupations environnementales dans les critères de jugement des offres et des candidatures

23

; mais il a fallu attendre la réforme de 2006

24

, notamment grâce à l’entrée en vigueur de la Charte de l’environnement, pour que le code permette au pouvoir adjudicateur de prendre en compte des exigences environnementales, économiques et sociales lors de l’achat public, dans le respect des principes généraux de la commande publique

25

; et 2013 pour que le Conseil d’État, plus réticent, admette la considération de tels critères

26

. L’ordonnance de 2015

27

, prise en application des directives de 2014, a abrogé le CMP de 2006, et a intégré la notion du coût de cycle de vie et des dispositifs favorisant la prise en compte du développement durable, ainsi que la responsabilité sociale des acheteurs publics. Aujourd’hui, l’actuel code de la commande publique (CCP), issu de la directive de 2014 et de ses actes de transposition

28

, a repris les apports des normes européennes et prévoit, notamment en son article L2111-1 que « la nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale » ; cela en permettant d’insérer des CSE dans les appels d’offre. Une évolution importante qui est passée en l’espace de quarante ans d’une prise de conscience de la nécessité d’un développement plus durable à un véritable objectif généralisé d’APD.

2) L’’ambition institutionnelle d’une politique d’achat public responsable

L’insertion de critères sociaux et environnementaux dans le processus de sélection des offres de marchés publics est significatif d’un changement de paradigme considérant que « les marchés publics peuvent grandement influencer l’innovation technologique, diminuer les impacts environnementaux directs et indirects, favoriser le développement économique de filières à triple dividende, à fort potentiel de croissance d’emplois non-délocalisables, citons par exemple la construction durable, les énergies renouvelables, la chimie verte, les

22

Décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant code des marchés publics (JORF du 8 mars 2001).

23

Décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004 (JORF 8 janvier 2004).

24

Décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant code des marchés publics (JORF du 4 août 2006).

25

H. Delzangles, « Commande publique et environnement, jusqu’où peut-on aller ? », op. cite.

26

Conseil d’État, 25 mars 2013, req. n° 364950.

27

Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics (JORF n°0169 du 24 juillet 2015).

28

Il est issu de l'ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 et du décret n° 2018-1075 du 3 décembre 2018.

Entré en vigueur le 1er avril 2019, il prend la suite du code des marchés publics désormais abrogé.

(8)

bioplastiques, le transport écologique, l’agriculture biologique, ... et plus largement tous les secteurs de l’économie sociale »

29

. Il advient ainsi que « l’un des symboles de cette nouvelle approche tient à l’adoption d’une logique conduisant non plus à une polarisation de la décision sur le coût d’acquisition mais au contraire amenant à tenir compte du coût global de possession de l’actif voire de son coût sur l’ensemble de son cycle de vie »

30

. Une démarche qui dote l’acheteur public à la fois d’un outil d’incitation des entreprises à s’engager en matière de responsabilité sociale, mais qui l’invite lui-même à agir sur ses propres pratiques en raisonnant différemment

31

, en sortant du seul spectre de l’avantage économique pour réfléchir à plus long terme en s’intéressant à tout le cycle de vie de l’achat. Ainsi, le droit de la commande publique a évolué de manière à intégrer la question environnementale et sociale au sein de l’ensemble de la procédure conduisant à conclure et exécuter des contrats responsables ; mais également en tant qu’outil à part entière utilisé à des fins spécifiques, directes ou indirectes, notamment de protection environnementale

32

, tels que les contrats de performance.

Ainsi, l’APD se traduit par l’intégration de dispositions de développement durable, en prenant en compte l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes concernées, toutes les étapes du marché et de la vie du produit ou de la prestation pour réaliser des économies intelligentes des deniers publics

33

. Cependant, il mérite encore de se développer via une démarche d’amélioration à la fois progressive et pédagogique. Dans cette optique, les travaux du groupe achats publics durables du Grenelle de l'environnement de 2007 et la circulaire de 2008

34

ont posé les bases d’un plan d’action national quant à l’exemplarité de l'État au regard du développement durable définissant les objectifs en la matière. Et l’ambition n’est pas des moindres, il s’agit « de s’attaquer de façon pragmatique, et sur la durée, aux obstacles qui ralentissent la montée en puissance de l’achat public durable : convaincre les décideurs, accompagner les acheteurs, dialoguer avec les autres acteurs essentiels que sont les entreprises et leurs organisations représentatives, montrer, démontrer, valoriser, évaluer... ». Cela dans le cadre d’objectifs précis à atteindre à l’horizon 2020 : 30% des marchés publics doivent avoir une disposition

29

R. Dugailliez, M. Martens, « Stimuler les performances environnementales et sociales des marchés publics », Etopia (Centre d’animation et de recherche en écologie politique), novembre 2006.

30

F. Marty, Les clauses environnementales dans les marchés publics: perspectives économiques, op. cite.

31

J. Rolland, A. Sobzack, « En matière de RSE, les collectivités doivent montrer l'exemple », L'Expansion Management Review, vol. 151, n°4, 2013, pp. 53-55.

32

H. Delzangles, « Commande publique et environnement, jusqu’où peut-on aller ? », op. cite.

33

Ministère de la transition écologique et solidaire, Les marchés publics durables, 24 février 2020, https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/achats-publics-durables (consulté le 8 mai 2020).

34

Circulaire du 3 décembre 2008 relative à l'exemplarité de l'État au regard du développement durable dans le

fonctionnement de ses services et de ses établissements publics (JORF n°0036 du 12 février 2009).

(9)

environnementale ; 25% avoir une disposition sociale ; 100% faire l’objet d’une analyse approfondie visant à définir si les objectifs du développement durable peuvent être pris en compte dans le marché ; 60% des organisations publiques doivent être signataires de la charte ; 80% des organisations réalisant des achats de bureau (fournitures, appareils technologiques) doivent prendre en compte la fin de vie de ces produits

35

. Par ailleurs, la démarche d’APD ne se limite pas à refonder le droit des marchés publics de manière autonome mais doit s’entendre de façon à englober toutes les normes tenant aux considérations sociales et environnementales.

Plus concrètement, la loi dite « économie circulaire » du 10 février dernier

36

poursuit des objectifs de développement durable qui, sans être consacrés uniquement aux marchés publics, impacte directement le droit de la commande publique. En effet, les articles 55, 56, 58 et 60 créent de nouvelles obligations en la matière, notamment l’obligation d’inclure des clauses relatives à l’économie circulaire dans les achats publics et à favoriser les produits issus du réemploi. L’idée étant de tendre vers un achat public durable de manière générale, le droit de la commande publique devenant un véritable instrument d’action pour d’autres normes sociales et environnementales. Des objectifs généraux louables certes, et bien que les statistiques tendent à montrer que les acheteurs publics intègrent de plus en plus ces enjeux dans les marchés publics, la mise en oeuvre réelle de ces considérations suscite quelques difficultés en raison des restrictions réglementaires connexes et du manque de mesures coercitives permettant une application effective en pratique.

B. L’ambivalence juridique de la démarche d’achat public durable

Si la démarche d’insertion de CSE dans les contrats de la commande publique se développe progressivement et constitue un vecteur incontestable de politique publique en matière de développement durable, son efficacité fait encore l’objet de nombreux débats

37

. En effet, loin des 30% des marchés publics comportant une disposition environnementale et des 25% avec une disposition sociale prévus pour 2020, les chiffres de 2018 font état d’un taux 18,6 % des marchés publics comportant une clause environnementale et de 17,4 % contenant une clause sociale

38

. En cause, principalement la crainte des acheteurs publics quant à leur mise en application en raison des incertitudes relatives à leur champ d’application et aux restrictions

35

Ministère de la transition écologique et solidaire, Les marchés publics durables, op. cite.

36

Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, JORF n°0035 du 11 février 2020.

37

F. Marty, « Les clauses environnementales dans les marchés publics : perspectives économiques », op. cite.

38

Observation économique de la commande publique, Direction des affaires juridiques, « 2ème Assemblée

plénière de l’OECP : présentation des données 2018 de la commande publique », 4 juillet 2019.

(10)

des autres normes réglementant le droit de la commande publique. En effet, matériellement un marché public comporte une disposition environnementale ou sociale :

- si l’objet du marché lui-même comporte une dimension environnementale ou sociale donnant lieu à l’inscription d’au moins une clause contractuelle dans le marché (prestation de services de restauration avec des produits issus de l’agriculture biologique, prestation de services réservée à des structures employant des handicapés, ...) ;

- ou bien dans les spécifications techniques par la définition d’exigences particulières de performance, de méthodes ou de processus de production (écolabels, que le matériel soit adapté à une utilisation par une personne handicapée, ...) ;

- mais également dans les conditions d’exécution du marché (clause sociale au titre de l’insertion par l’activité économique ou au titre de recours aux structures employant une majorité de travailleurs handicapés par exemple) ;

- ou encore via l’insertion d’au moins une clause contractuelle associée permettant la prise en compte de critères d’attribution liés au développement durable (performances de protection environnementale, coût global d’utilisation, cycle de vie, etc)

39

.

En soi, les CSE emportent de nombreuses possibilités de développement durable pour l’acheteur public. Le revers de la médaille pour celui-ci est de parvenir à appréhender ce vaste champ d’application et de le concilier aux limitations du droit de la commande publique qui viennent nuancer les possibilités offertes.

Déjà, la finalité initiale, et essentielle, de la commande publique à travers les marchés publics, reste d’approvisionner les services publics en biens, services ou travaux. Dans ce sens, le marché doit être attribué au(x) soumissionnaire(s) qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution

40

. Si le lien entre les critères d’attribution déterminés par l’acheteur public et l’objet du marché est présumé, notamment pour le coût du cycle de vie

41

, il s’avère que cette présomption n’est pas générale et crée une zone d’ombre sur ce qui est ou non considéré comme lié à l’objet du marché. Par exemple, le Conseil d’État considère que l’utilisation d’un critère d’attribution intégrant des aspects sociaux liés au nombre d'emplois locaux créés est possible dès lors qu’il est en lien direct avec les conditions d'exécution du

39

Ministère de la transition écologique et solidaire, Les marchés publics durables, op. cite.

40

Voir sur ce point les articles L.2112-2 et ss, L.2152-7 et L.2152-8 du Code de la Commande Publique.

41

Article L.2112- 3 du Code de la Commande Publique.

(11)

contrat

42

; mais a annulé la décision prise par une commune d’attribuer un marché public à une entreprise locale afin de favoriser le maintien des emplois locaux

43

, mais aussi qu’un critère relatif à la politique générale de l'entreprise en matière sociale ne peut être utilisé

44

. De la même manière, il est loisible de penser que l’introduction des considérations environnementales dans la commande publique aurait permis d’introduire un critère de proximité géographique pour favoriser les productions locales, tant en termes d’emploi que de réduction du transport ; mais le Conseil d’État a considéré qu’un critère d’attribution reposant sur l’origine, l’implantation ou la proximité géographique des concurrents méconnaissait

45

les principes de la commande publique. Et voici le second point d’inquiétude des acheteurs publics, la conciliation de CSE avec les grands principes directeurs des marchés publics et le droit de la commande publique.

A ce titre, les acheteurs et les autorités concédantes doivent respecter le principe d'égalité de traitement des candidats à l'attribution d'un contrat de la commande publique ; pour cela, ils doivent veiller à mettre en œuvre les principes de non-discrimination, de liberté d'accès et de transparence des procédures, afin d'assurer l'efficacité de la commande publique, la bonne utilisation des deniers publics et le respect des principes généraux de la concurrence

46

. De ce fait, pour reprendre l’exemple de considération géographique, l’attribution des contrats de marché public ne peut vraisemblablement reposer sur des critères liés à l’origine ou à l’implantation géographique des candidats contrevenant auxdits principes de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats

47

. L’acheteur public doit ainsi veiller à l’application stricte de ces règles dans la mise en œuvre des CSE au sein des marchés publics ; à défaut, le marché peut faire l’objet d’un contentieux voir d’une annulation. En effet, le respect des normes de la commande publique, et le lien entre les critères de sélection des offres et l’objet du marché peuvent être contrôlés par le juge qui, le cas échéant, peut considérer que l’acheteur public a fait preuve d’erreur manifeste d’appréciation, et décider de l’annulation du contrat de marché public qui aurait été conclu en méconnaissance desdites normes. Il existe ainsi une véritable appréhension quant à la mise en oeuvre des CSE dans la commande publique, de peur de fausser les règles de la concurrence. Qui plus est, les « procédures de passation des marchés publics étant relativement longues et complexes, les services des

42

Conseil d’État, 20 décembre 2019, société Lavalin, n° 428290.

43

Conseil d’État, 29 juillet 1994, n° 131562, Commune de Ventenac-en-Minervois.

44

Conseil d’État, 25 mai 2018, Nantes Métropole, n°417580.

45

Conseil d’État, 29 juillet 1994, req. n° 131562 ; Conseil d’État, 14 janvier 1998, req. n° 168688.

46

Article L3 du Code de la Commande Publique.

47

CJCE, 3 juin 1992, Commission c/ Rép. Italienne, aff. C-360/89 ; Décision Constitutionnelle n° 2003-473 DC

du 26 juin 2003 ; Assemblée Nationale, Question écrite n° 24584 de M. Benoit Potterie (La République en Marche

- Pas-de-Calais) aux Ministère de l’Économie et des Finances relative à la préférence locale pour l’attribution des

marchés publics, Question publiée au JO le 19/11/2019, Réponse publiée au JO le 25/02/2020 page 1485.

(12)

marchés peuvent être tentés de limiter l'utilisation de ces nouveautés juridiques » par la crainte latente d’un contentieux à venir

48

. Enfin, précisons que l’auteur de la décision d’attribuer un contrat public en méconnaissance des règles de la commande publique « peut voir sa responsabilité engagée sur le plan pénal, au titre du délit de favoritisme »

49

sanctionnant le fait

« de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires »

50

garantissant les principes de la commande publique. Il peut donc s’avérer risqué, et pas toujours aisé, pour l’acheteur public d’insérer des CSE dans la commande publique en fonction de l’objet de l’offre et de la délicatesse de la procédure déjà très réglementée. Il est donc question de rigueur, de pertinence et de compatibilité dans les procédures d’APD, surtout si ce critère compte comme un facteur sélectif de l’offre. Par ailleurs, la conformité du champ d’application des CSE n’est pas la seule difficulté à laquelle les acheteurs publics sont confrontés, dans la mesure où si le marché public est un excellent levier de développement durable, il n’en est pas moins complexe à actionner en pratique.

II. LA RÉALITÉ PRATIQUE DE L’ACHAT PUBLIC DURABLE

Comme susmentionné, le plan national d’action pour les achats publics durables (PNAAPD) fixait pour objectifs d’atteindre 25% des marchés passés au cours de l’année comprenant au moins une disposition sociale et 30 % au moins une disposition environnementale pour 2020

51

. Cependant, la réalité est-elle aussi satisfaisante ? Les outils mis en place sont-ils suffisants ? Comment les pouvoirs publics appliquent-ils ces clauses ? Pour y répondre, le sujet sera abordé à travers la distinction des deux étapes de l’achat public, lors de la préparation de l'achat public durable d’une part, puis lors de la rédaction et l’exécution du marché.

A. La difficile préparation des marchés publics durables

Il s’avère que « la feuille de route pour l'économie circulaire présentée par le Gouvernement met en place des outils qui doivent permettre à l'acheteur public de mettre en avant, dans le

48

F. Roussel, Clauses environnementales : les nouvelles pratiques des collectivités, Actu-Envrionnement.com, 2 novembre 2018,

https://www.actu-environnement.com/ae/news/Clauses-environnementales-32307.php4

(consulté le 8 mai 2020).

49

D. Tasciyan, La préférence locale dans la commande publique, Village de la Justice, 30 mars 2016, https://www.village-justice.com/articles/preference-locale-dans-commande,21815.html (consulté le 8 mai 2020).

50

Article 432-14 du Code pénal ; Cass. Crim., 22 janvier 2014, n° 13-80759.

51

Plan National d’Action pour les Achats Publics Durables 2015-2020, Ministère de l’Écologie, du

Développement Durable et de l’Énergie.

(13)

cadre d'une analyse circulaire, des clauses environnementales liées à l'objet du marché »

52

. La mise en place de clauses sociales et environnementales relève donc d’une volonté politique forte qui se formalise principalement au niveau local. Pour rappel, il existe en France 1258 établissements publics de coopération intercommunale regroupant 34 966 communes

53

. Dès lors, ce sont les pouvoirs locaux qui ont véritablement le pouvoir d’« acheter responsable ». Par ailleurs, des maires peuvent aussi faire le choix de mettre en place des clauses plus élaborées en vue de l’application de leur programme électoral. Par exemple, certains ont fait le choix du

« zéro phyto », autrement dit du zéro pesticide sur l’espace public communal et pour l’entretien de ces derniers malgré le coût supplémentaire, uniquement supporté par la commune.

Cependant, plusieurs facteurs peuvent mettre en péril cette volonté politique d’achat responsable.

En premier lieu, comme l’énonce R. Dugailliez et M. Martens, « le nombre de pouvoirs adjudicateurs est grand, il y a plusieurs milliers d’adjudicateurs qui ont chacun leurs habitudes et leurs pratiques »

54

. En l’espèce, cette multitude de personnes publiques complique la situation qui va naturellement différée d’un acheteur public à l’autre, tant en termes de fonctionnement interne que de moyens. Malgré ces disparités, il est nécessaire que chaque pouvoir adjudicateur maîtrise la législation en vigueur. Quoi de mieux pour cela que les formations offertes aux personnels des acheteurs publics ? Malheureusement, le besoin de formation de ces personnels se heurte à deux principaux écueils. Le premier étant que ce sont principalement les juristes en marchés publics ou les gestionnaires des marchés qui vont se former sur ces questions, cela alors même qu’ils ne disposent pas nécessairement des compétences techniques nécessaires à la prise en compte de ces considérations. Or, c’est, vraisemblablement lors de la définition du besoin que les impacts sociaux et environnementaux peuvent être le plus largement appréhendés. Ce sont donc les services prescripteurs qui devraient y participer alors que les techniciens vont, avant tout se former dans leur spécialité.

Et, bien que les formations relatives à la commande publique leur soient, bien évidemment, ouvertes, ces derniers s’emploient principalement aux spécificités techniques des marchés, se limitant à leur fonction, et se désintéressent de l’aspect juridique. D’autant plus que, pour

52

Assemblée Nationale, Question orale sans débat du 5 mars 2019 à 9h30 relative à la responsabilité sociale des entreprises et la commande publique, Réponse de Mounir Mahjoubi, Secrétaire d’état chargé du numérique.

53

Vie-publique.fr, Collectivités locales : les statistiques essentielles en 2019, 11 juin 2019, https://www.vie- publique.fr/en-bref/37902-collectivites-locales-les-statistiques-essentielles-en-2019 (consulté le 29 mai 2020).

54

R. Dugailliez, M. Martens, « Stimuler les performances environnementales et sociales des marchés publics »,

Op. Cite.

(14)

débuter en matière de marchés publics, ces clauses ne font pas une bonne entrée en matière en raison de la complexité de leur régime. Notons ici qu’une équipe bien formée sur ces problématiques pourraient être un véritable vecteur de développement de ces clauses dans leur collectivité. Le second est certainement le manque de temps à disposition du public concerné.

En effet, pouvoir accéder à la formation est une chose, mais encore faudrait-il avoir le temps d’en bénéficier, ce qui pose davantage de difficulté au sein de collectivité disposant toujours moins de moyens financiers et humains. A noter ici que si la formation est obligatoire dans la fonction publique, il s’agit d’une obligation exclusivement à l’attention du personnel disposant du statut de fonctionnaire, ou seulement tous les 5 ans pour la fonction publique territoriale. De surcroît, pour les personnels contractuels, en pratique, certaines collectivités refusent, à tort, la possibilité d’assister à des formations.

Ce besoin de formation se répercute de facto sur la définition du besoin. En ce sens, l’article L2111-1 du code de la commande susmentionné prévoit que le pouvoir adjudicateur a pour responsabilité de définir la nature et l'étendue des besoins à satisfaire avec précision avant le lancement de la consultation

55

. C’est en ce sens que, dès cette phase préalable d’élaboration du marché public et de définition des besoins, les acheteurs doivent délimiter les impacts sociaux et/ou environnementaux du marché envisagé

56

. Pour cela, le sourcing va ainsi pouvoir être un merveilleux outil pour le pouvoir adjudicateur ; celui-ci se définissant comme la possibilité pour un acheteur public « d’effectuer des consultations ou réaliser des études de marché, de solliciter des avis ou d’informer les opérateurs économiques du projet et de ses exigences » afin de préparer la passation d’un marché public

57

. Il permet ainsi de définir le besoin au plus près de la réalité, et favorise la possibilité d’actualiser ses connaissances dans le domaine de l’objet du marché. Cependant, il est nécessaire de contextualiser cette affirmation. Comment peut-on concrètement faire du sourcing quand toutes les demandes sont « urgentes » dans le sens où le besoin émerge rapidement et/ou le référent technique transmet sa demande tardivement aux services compétents ? Comment faire du sourcing pour le fonctionnement de toute une collectivité alors même que les effectifs des administrations sont insuffisants ? Dans certaines administrations, alors que les services en charge des marchés publics peinent déjà à s’en sortir

55

Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, ibid (article L2111-1).

56

Guide sur les aspects sociaux de la commande publique, Observatoire Économique de la Commande Publique, Version 3, Juillet 2018, p.8 : « Les acheteurs doivent s’interroger, dès la définition des besoins, sur les objectifs d’insertion susceptibles d’être portés par le marché ».

57

Direction des achats de l’État, Guide de l’achat public, Le sourcing opérationnel, Mars 2019,

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dae/doc/Guide_sourcing.pdf (consulté le 29 mai

2020).

(15)

avec les faibles moyens à leur disposition, la mise en œuvre du sourcing apparaît alors comme irréalisable.

Par ailleurs, un acheteur public doit satisfaire un besoin et dispose d'une enveloppe pour ce faire ; ce qui l’amène à devoir procéder à des arbitrages. Il est effectivement nécessaire de préciser que toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres ainsi que toute décision concernant leurs avenants, doit être prévue au budget

58

celui-ci devant respecter un équilibre réel

59

. Dès lors, le surcoût engendré par les clauses sociales et environnementales doit également être prévu en amont. Cela pèse d’autant plus sur les petites collectivités. Pour rappel, 52.9% des communes ont moins de 500 habitants et des moyens discutables

60

. Un surcoût global que toutes les collectivités ne sont pas nécessairement en mesure d’assumer. En conséquent, il y a donc, compte tenu du nombre important d’opérateurs, un grand besoin de formation pour partager les bonnes pratiques existantes, maîtriser les nouvelles possibilités de prendre le développement durable en considération, apprendre également à connaître et rédiger les clauses adéquates, mais également à maîtriser cette législation particulièrement complexe qui croise des compétences techniques, juridiques et économiques ; cela à travers un travail transdisciplinaire, de décloisonnement, tant humain que budgétaire pour insérer véritablement les marchés publics durables dans la pratique

61

. En somme, il n’est pas encore à la portée de tous les acheteurs publics de mettre en œuvre les CSE lors de l’élaboration du marché bien que certains essaient tout de même de tendre vers un achat public durable à travers d’autres moyens.

B. La mise en oeuvre des clauses durables dans les marchés publics

Si les moyens humains et financiers peuvent engendrer des difficultés lors de la phase préparatoire du marché public, il est nécessaire pour le pouvoir adjudicateur d’appliquer les dispositions légales mettant en oeuvre ces dispositions sociales et/ou environnementales lors de la rédaction du marché. En effet, en dehors des dispositions générales sur le développement de l’achat public durable, il existe des dispositions légales spéciales à prendre en compte. Par

58

Code Général des Collectivités Territoriales (article L2122-22).

59

L’article 1612-4 du CGCT prévoit ainsi : « Le budget de la collectivité territoriale est en équilibre réel lorsque la section de fonctionnement et la section d'investissement sont respectivement votées en équilibre ».

60

Gouvernement, « Les chiffres clés des collectivités locales », collectivites-locales.gouv.fr, https://www.collectivites-locales.gouv.fr/chiffres-cles-des-collectivites-locales (consulté le 29 mai 2020).

61

R. Dugailliez, M. Martens, « Stimuler les performances environnementales et sociales des marchés publics »,

Op. Cite.

(16)

exemple, lors de la rédaction de marché concernant la propreté, la reprise du personnel est obligatoire par le repreneur. La convention collective national des entreprises de propreté prévoit ainsi que « le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise »

62

. D’autres marchés sont dits « réservés », départagés entre les marchés réservés aux opérateurs économiques qui emploient des travailleurs handicapés et défavorisés (articles L2113-12 à L2113-14 du CMP) et les marchés réservés aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (articles L2113-15 à L2113-16 du CMP). Lors de la rédaction, le pouvoir adjudicateur peut ainsi choisir de mettre en oeuvre ces dispositions pour la prise en compte des considérations sociales et environnementales.

Lorsqu’il ne s’agit pas d’application légale, l’acheteur public peut s’aider des outils pédagogiques mis à sa disposition. Parmi eux, des « clauses types » sont proposées aux pouvoirs adjudicateurs

63

. Données à titre d’exemple, elles envisagent plusieurs situations et doivent être systématiquement adaptées à l’objet du marché. Elles favorisent largement l’insertion des CSE dans les cahiers des charges en facilitant la rédaction de ces dernières. En complément, l’émergence de différents guides à destination des pouvoirs adjudicateurs, ayant pour objectif d’aider les administrations à surmonter de façon pragmatique, les obstacles qui ralentissent la montée en puissance de l’achat public durable

64

, a pour mérite de pallier au manque de formation de certains acheteurs publics, bien qu’ils n’aient malheureusement pas toujours connaissance de l’existence de ces aides.

Concrètement, l’achat responsable se traduit dans la plupart des cas par l’exigence de label ou de certifications telles que la certification biologique pour les denrées alimentaires, ou encore la nécessité de performances environnementales dans les prestations et fournitures. En effet, afin de confirmer l’engagement des candidats en matière social et environnemental, les acheteurs peuvent faire le choix d’analyser leur performance. En ce sens, de nombreux acteurs publics choisissent de noter la performance sociale ou environnementale de la proposition du candidat. Toutefois, il faut nuancer ces propos en rappelant qu’en « premier lieu, l’offre irrégulière est une offre qui répond aux besoins du pouvoir adjudicateur mais qui est incomplète ou qui méconnaît la législation applicable, notamment en matière sociale et environnementale

62

Article 7.2, Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011, étendue par l’Arrêté du 23 juillet 2012 portant extension de la convention collective nationale des entreprises de propreté (n° 3043), JORF n°0174 du 28 juillet 2012 page 12353.

63

Guide sur les aspects sociaux de la commande publique, op. cite.

64

ibidem.

(17)

(mais également les règles relatives à la sous-traitance ou à la fiscalité) »

65

. Dès lors, alors même que ces éléments ne seraient pas notés par le pouvoir adjudicateur, les candidats, n’offrant pas une certaine garantie sociale et/ou environnementale, pourraient se voir écarter de l’analyse de l’offre. De plus, des critères génériques relatifs aux politiques internes des entreprises sont écartés par le juge administratif au motif que ces derniers ne sont pas en lien avec l’objet du marché ; par exemple, pour pouvoir apprécier de la politique sociale et/ou environnementale d’un candidat cela ne pourra se faire qu’à travers des critères en lien avec l’objet du marché et non seulement sur la politique générale de l’entreprise en matière de développement durable

66

. En conséquent, malgré la condition relative au lien avec l’objet du marché, le pouvoir adjudicateur dispose de nombreuses possibilités, autres qu’en déterminant lui-même les critères, via l’analyse de la performance de l'offre pour prendre en compte des considérations sociales et/ou environnementales. Par exemple, il est tout à fait loisible à l’acheteur public de noter la performance environnementale d’un chantier au travers des propositions du candidat pour atténuer les nuisances aux riverains d’une démolition ; ou encore de proposer un mode de collecte des ordures ménagères avec des véhicules électriques.

Par ailleurs, le marché peut, même en cours d’exécution, être susceptible d’évoluer pour diverses raisons contextuelles ou matérielles. Sur ce point, les dispositions légales nouvelles sont, bien évidemment, applicables d’office. Pour éviter toute difficulté, la plupart des pouvoirs adjudicateurs prévoient expressément cette possibilité d’évolution législative et son applicabilité dans leur marché. En effet, des modifications peuvent être envisagées en cas d’évolution sans nouvelle procédure de mise en concurrence, qu'elles soient apportées par voie conventionnelle ou, lorsqu'il s'agit d'un contrat administratif, par l'acheteur unilatéralement dès lors qu’il ne modifie pas « la nature globale du marché »

67

. Pour cela, de nombreux acheteurs publics prévoient que les possibles modifications soient contractualisées par avenant dans les documents contractuels initiaux afin de faciliter les améliorations sociales et environnementales qui s’avèreraient nécessaires en cours d’exécution du marché ou pour rester en conformité avec les nouvelles réglementations en la matière. Des outils qui permettent d’assurer un suivi, ou une évolution, des considérations de développement durable, pour assurer leur conformité aux attentes sociales contemporaines, tout au long de la vie du marché public.

65

F. Vallet, Nouvelle définition des offres irrecevable, blog.achatsolutions.fr, 8 août 2016, https://blog.achatsolutions.fr/nouvelle-definition-offres-irrecevables/ (consulté le 29 mai 2020).

66

Conseil d’État, 25 mai 2018, Nantes Métropole, n°417580 ; Conseil d’État, 20 décembre 2019, Société Lavalin, n°428290.

67

Article L2194-1 du code de la commande publique.

(18)

En conclusion, la prise en compte des considérations de développement durable dans les marchés publics à travers les clauses sociales et environnementales a connu de nombreuses évolutions au cours des dernières décennies, d’une prise de conscience internationale à l’ajustement des comportements locaux pour tendre vers un achat public durable global.

Cependant, si les régulateurs se sont saisis du sujet pour offrir les outils juridiques nécessaires à la mise en œuvre d’une ambition européenne d’achat public durable au cours d’une succession de réforme de la commande publique, l’application concrète des clauses sociales et environnementales présente un bilan pratique en demi-teinte. En effet, si à la base, l’ambition est grande, elle est largement nuancée par la suite. Déjà d’un point de vue purement juridique, si les politiques publiques européennes et nationales prônent l’utilisation des CSE, elles ne sont pas prêtes à en faire une priorité, celles-ci devant trouver à s’appliquer conformément, et de manière complémentaire, aux principes de la commande publique et de concurrence. Des conditions qui viennent substantiellement réduire les opportunités d’action des considérations sociales ou environnementales dans les marchés publics. Ensuite, fournir des outils juridiques d’intégration de CSE est un bon point de départ, mais permettre une utilisation concrète en est un autre. Sur ce point, il faut tenir compte à la fois de la diversité des pouvoirs adjudicateurs et des spécificités de chacun. La rigidité du système juridico-administratif qui les encadre participe aux difficultés que ces acteurs locaux peuvent rencontrer dans l’application des CSE.

Par exemple, les budgets à disposition n’ont pas la même envergure pour tous les acheteurs

publics et, étant déterminés à l’avance, ne laissent pas nécessairement une marge de manœuvre

suffisante pour l’intégration de critères sociaux ou environnementaux ; mais encore, les moyens

en termes de personnel, de communication entre les services techniques et juridiques, de

formation à la prise en compte de ces nouvelles considérations durables, peuvent interférer dans

l’insertion des CSE dans les marchés publics. De plus, les règles de la commande publique ne

sont pas les seules à s’appliquer tout au long de la procédure de marché public, il faut également

considérer les normes générales de droit public et les règlementations administratives

spécifiques à certains domaines. Tous ces facteurs participent à la complexification de la

procédure de passation des marchés publics, les considérations sociales et environnementales

étant noyées dans un ensemble normatif obscur de règlementations enchevêtrées et d’une

conjoncture où les acheteurs publics manquent de moyens humains et financiers, ce qui

complique l’insertion des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics par

certains pouvoirs adjudicateurs ; et donc, viennent nuancer l’efficience, en pratique, de

l’ambition institutionnelle d’achat public durable.

Références

Documents relatifs

Ainsi qu’il a été exposé, à l’exception des accords-cadres ayant pour objet des prestations de services sociaux et autres services spécifiques, le recours à une procédure

 86 % des élèves déclarent que cette correction collective leur a mieux permis de comprendre leurs erreurs et leur note (sur les 14 % qui disent que non, les

Le chapitre suivant commence par une etude des differents contextes. espaces on niveaux de participation. L'argument ici veutt que contrairement a l'usage de plus en plus repandu de

Pour garantir votre participation à une session de formation, nous vous conseillons de réserver rapidement votre place sans pour cela vous engager fermement. Ainsi vous aurez

- le marché de prestation de maintenance des autocommutateurs téléphoniques de petite capacité exploités par la Ville de Lyon avec la société ACTIPHONE pour un montant sur toute

Les deux marchés, objets de deux lots, à passer seront des marchés à bons de commande d’un montant total ttc annuel minimum environ de 95 680 euros et un total TTC annuel

« Pour l’entretien et le nettoyage des locaux, les services municipaux de la Ville de Lyon passent commandes de matériels de nettoyage divers, recensés dans la nomenclature Ville

1- Le lancement d’un appel d’offres pour le renouvellement du marché relatif aux déplacements individuels du personnel municipal en mission ainsi que des élus et ayant droit :