Dans tout ce document,E d´esigne unK-espace vectoriel de dimension finien∈N∗. On noteL(E) l’ensemble des endomorphismes deE. Siu∈ L(E), on noteun=u◦u◦ · · · ◦u
| {z }
nfois
.
1 Polynˆ omes d’endomorphismes
Dans tout ce paragraphe,u∈ L(E).
D´efinition 1.1
SoitP ∈K[X]. SiP =
r
X
k=0
akXk, on d´efinit l’endomorphismeP(u)parP(u) =
r
X
k=0
akuk.
Exemple 1.2
Siuest une homoth´etie de rapportλ∈K, alorsu:x7→λx. Dans ce cas, P(u) =
r
X
k=0
akuk et pour tout x∈E:
P(u)(x) =
r
X
k=0
akuk(x) =
r
X
k=0
akλkx=
r
X
k=0
akλk
!
·x=P(λ)·idE(x).
On a alorsP(u) =P(λ)·idE. Th´eor`eme 1.3
L’applicationφ:K[X]→ L(E)d´efinie parP 7→P(u)est un morphisme d’alg`ebres.
Preuve. Montrons que pour tousP, Q∈K[X] et toutα∈K,φ(P+αQ) =φ(P) +αφ(Q).
Soient P, Q ∈ K[X]. Quitte `a compl´eter un des polynˆomes par des coefficients nuls, on peut ´ecrire les polynˆomes P et Q avec la mˆeme puissance maximale : P(X) =
r
X
k=0
akXk et Q(X) =
r
X
k=0
bkXk. Alors (P+αQ)(X) =
r
X
k=0
(ak+αbk)Xk et on a :
φ(P+αQ) = (P+αQ)(u) =
r
X
k=0
(ak+αbk)uk=
r
X
k=0
akuk+α·
r
X
k=0
bkuk=φ(P) +αφ(Q).
Montrons maintenant que pour tous P, Q∈K[X],φ(P Q) =φ(P)◦φ(Q). Gardons les mˆemes notations que pr´ec´edemment. Montrons d’abord la propri´et´e avecXh `a la place deQ,h∈N.P Xh=
r
X
k=0
akXr+h.
φ(P Xh) =
r
X
k=0
akuk+h=
r
X
k=0
ak(uk◦uh) =
r
X
k=0
akuk
!
◦uh=φ(P)◦φ(Xh).
On en d´eduit : φ(P Q) =φ P·
r
X
k=0
bkXk
!
=φ
r
X
k=0
bkP·Xk
!
=
r
X
k=0
bkφ(P·Xk) =
r
X
k=0
bkφ(P)◦φ(Xk)
=φ(P)◦
r
X
k=0
bkφ(Xk)
!
=φ(P)◦φ
r
X
k=0
bkXk
!
=φ(P)◦φ(Q).
Il reste `a montrer que si P = 1, φ(P) =idE, ce qui d´ecoule imm´ediatement de la d´efinition d’un polynˆome
d’endomorphisme.
Corollaire 1.4
Pour tousP, Q∈K[X],P(u)◦Q(u) =Q(u)◦P(u).
Preuve. SoientP, Q∈K[X]. φ(P Q) =P(u)◦Q(u) etφ(QP) =Q(u)◦P(u).
Or P Q=QP doncφ(P Q) =φ(QP), c’est-`a-dire P(u)◦Q(u) =Q(u)◦P(u).
2 Polynˆ omes annulateurs d’un endomorphisme
D´efinition 2.1
SoitP ∈K[X]. On dit queP est un polynˆome annulateur deusiP(u) = 0.
Remarque 2.2
Tout endomorphisme admet un polynˆome annulateur. En effet,L(E)est un espace vectoriel de dimension finie et dim(L(E)) = n2. {idE, u, u2, . . . , un2} est une famille de L(E) ayantn2+ 1 donc cette famille est li´ee. Il existe donca0, a1, . . . , an ∈K, non tous nuls, tels que
n2
X
k=0
akuk = 0. SoitP ∈K[X]d´efini par
P(X) =
n2
X
k=0
akXk.P(u) = 0doncP est un polynˆome annulateur deu.
D´efinition 2.3
L’applicationφ d´efinit un morphisme d’anneaux. Son noyau est donc un id´eal I deK[X], non r´eduit `a {0}. Il existe donc un polynˆome πu ∈ K[X], unitaire, tel que I = πu·K[X]. πu est appel´e polynˆome minimal deu.
Th´eor`eme 2.4 (de Cayley-Hamilton)
Le polynˆome caract´eristique deuest un polynˆome annulateur deu.
Preuve. Soit x ∈ E, avec x6= 0. (uk(x))06k6n est une famille de E ayant n+ 1 ´el´ements. Cette famille est donc li´ee. Soitpx ∈N∗ le plus grand entier naturel tel que (x, u(x), . . . , upx−1(x)) soit libre. La famille (x, u(x), . . . , upx(x)) est alors une famille li´ee. Il existea0, a1, . . . , apx ∈K, non tous nuls, tels que
upx(x) =
px−1
X
k=0
akuk(x).
Soit Eu(x) = Vect(x, u(x), . . . , upx−1(x)). Comme upx(x) ∈ Eu(x), Eu(x) est donc stable par u. Soit vx
l’endomorphisme induit parusurEu(x). La matrice devxdans la base (x, u(x), . . . , upx−1(x)) est :
M =
0 0 a0
1 . .. ...
. .. . .. ... . .. 0 ... 0 1 apx−1
Si f est un endomorphisme, notonsχf son polynˆome caract´eristique.
χvx(λ) =
−λ 0 a0
1 . .. ...
. .. . .. ... . .. −λ apx−2
1 apx−1−λ
= (−1)px(λpx−apx−1λpx−1− · · · −a1λ−a0)
(voir document sur les matrices compagnon pour le calcul de ce d´eterminant).
(χvx(u))(x) = (−1)px(upx(x)−apx−1upx−1(x)− · · · −a1u(x)−a0x) = 0.
Par ailleurs,vx´etant l’endomorphisme induit parusurEu(x), il existeQ∈K[X] tel queχu=Qx·χvx (car la matrice deudans une base Bform´ee de (x, u(x), . . . , upx−1(x)) compl´et´ee pour former une base deE est de la forme M A
0 B
!
doncχu(X) =χM(X)·χB(X)).
On a alors χu(u) = Qx(u)◦χvx(u) puis (χu(u))(x) = (Qx(u))((χvx(u))(x)) = Qx(u)(0) = 0. On a donc montr´e que pour toutx∈E, (χu(u))(x) = 0. Par suite,χu(u) = 0.
3 Applications
Th´eor`eme 3.1 (de d´ecomposition des noyaux)
SiP1, . . . , Pr sont des polynˆomes deux `a deux premiers entre eux, alors : ker
r Y
k=0
Pk
! (u)
!
=
r
M
k=1
ker(Pk(u)).
Preuve. Effectuons la d´emonstration par r´ecurrence sur r. Pourr ∈ N∗, r > 2, notons H(r) l’´enonc´e du th´eor`eme.
Pour r = 2 : SoientP1, P2 ∈K[X] tels queP1 et P2 soient premiers entre eux. Pour montrer queH(2) est vraie, on doit montrer les trois points suivants :
ker(P1(u))∩ker(P2(u)) ={0}
ker((P1P2)(u))⊂ker(P1(u))⊕ker(P2(u)) ker(P1(u))⊕ker(P2(u))⊂ker((P1P2)(u))
P1 et P2 sont premiers entre eux donc, d’apr`es le th´eor`eme de B´ezout, il existe U1, U2 ∈ K[X] tels que P1U1+P2U2= 1. On a alorsP1(u)◦U1(u) +P2(u)◦U2(u) =idE. Soitx∈ker(P1(u))∩ker(P2(u)).
x=idE(x) = (P1(u)◦U1(u) +P2(u)◦U2(u))(x) =P1(u)◦U1(u)(x) +P2(u)◦U2(u)(x).
P1(u)◦U1(u) =U1(u)◦P1(u) doncP1(u)◦U1(u)(x) =U1(u)(P1(u)(x)) =U1(u)(0) = 0 car x∈ker(P1). De mˆeme,P2(u)◦U2(u)(x) = 0. Finalement, x= 0 et donc ker(P1(u))∩ker(P2(u)) ={0}. La somme est donc une somme directe.
Soitx∈ker((P1P2)(u)). On ax=P1(u)◦U1(u)(x) +P2(u)◦U2(u)(x).
P2(u)(P1(u)◦U1(u)(x)) =U1(u)◦P1(u)◦P2(u)(x) =U1(u)((P1P2)(u)(x)) =U1(u)(0) = 0 doncP1(u)◦U1(u)(x)∈ker(P2(u)). De mˆeme,P2(u)◦U2(u)(x)∈ker(P1(u)).
On a donc ker((P1P2)(u))⊂ker(P1(u))⊕ker(P2(u)).
Soitx∈ker(P1(u))⊕ker(P2(u)). il existe un uniquex1∈ker(P1(u)) et un uniquex2∈ker(P2(u)) tels que x=x1+x2.
(P1P2)(u)(x) = (P1P2)(u)(x1+x2) = (P1P2)(u)(x1) + (P1P2)(u)(x2)
=P2(u)(P1(u)(x1)) +P1(u)(P2(u)(x2)) =P2(u)(0) +P1(u)(0) = 0 + 0 = 0 doncx∈ker((P1P2)(u)) et donc ker(P1(u))⊕ker(P2(u))⊂ker((P1P2)(u)).
Fionalement, ker((P1P2)(u))⊂ker(P1(u))⊕ker(P2(u)).
H(2) est donc v´erifi´ee.
Soirr∈N,r>2. Supposons H(r) vraie. Soient P1, . . . , Pr+1∈K[X] deux `a deux premiers entre eux. Alors Pr+1 et
r
Y
k=1
Pk sont premiers entre eux. D’apr`esH(2), on a :
ker r+1
Y
k=1
Pk
! (u)
!
= ker r
Y
k=1
Pk
! (u)
!
⊕ker(Pr+1(u)).
Or, d’apr`es l’hypoth`ese de r´ecurrence, ker r
Y
k=1
Pk
! (u)
!
=
r
M
k=1
ker(Pk(u)) donc
ker r+1
Y
k=1
Pk
! (u)
!
=
r+1
M
k=1
ker(Pk(u)).
H(r+ 1) est donc v´erifi´ee. D’apr`es le rpincipe de r´ecurrence, on en d´eduit queH(r) est vraie pour toutr∈N,
n>2.
Th´eor`eme 3.2
Soient P1, . . . , Pr des polynˆomes deux `a deux premiers entre eux dont le produit annule u. Alors pour toutj∈J1 ;rK, la projection surker(Pj(u))parall`element `a
r
M
k=1k6=j
ker(Pk(u))est un polynˆome en u.
Preuve. SoientP1, . . . , Pr des polynˆomes deux `a deux premiers entre eux tels que
r
Y
k=1
Pk
!
(u) = 0. Pour i∈J1 ;rK, notonsQi =
r
Y
k=1k6=i
Pk. Les polynˆomes Qi sont premiers entre eux dans leur ensemble donc, d’apr`es
le th´eor`eme deB´ezout, il existeR1, . . . , Rr∈K[X] tels que
r
X
k=1
RkQk= 1.
Montrons que pour touti∈J1 ;rK,QiRi(u) est la projection sur ker(Pi(u)) parall`element `a
r
M
k=1k6=i
ker(Pk(u)).
Soitx∈E. Montrons queQiRi(u)(x)∈ker(Pi(u)).Pi(u)(QiRi(u)(x)) =Ri(u)◦((PiQi)(u))(x).
Or, PiQi =
r
Y
k=1
Pk est un polynˆome annulateur de udoncPiQi(u)(x) = 0 et donc Pi(u)(QiRi(u)(x)) = 0.
Par cons´equent,QiRi(u)(x)∈ker(Pi(u)). On a donc Im(QiRi(u))⊂ker(Pi(u)).
Soit x∈
r
M
k=1k6=i
ker(Pk(u)). Il existe une unique famille d’´el´ements (xk)16k6r k6=i
de E telle que x=
r
X
k=1k6=i
xk, avec pour toutk6=i,xk∈ker(Pk(u)).
QiRi(u)(x) =
r
X
k=1k6=i
QiRi(u)(xk) =
r
X
k=1k6=i
Ri(u)◦Qi(u)(xk).
Or, pour tout k ∈ J1 ;rK avec k 6= i, Qi(u)(xk) =
r
Y
j=1 j6=i
Pj(u)(xk) = 0 car Pk(u)(xk) = 0. On en d´eduit
QiRi(u)(x) = 0. Par suite,
r
M
k=1k6=i
ker(Pk(u))⊂ker(QiRi(u)).
Comme
r
M
k=1
ker(Pk(u)) = ker r
Y
k=1
Pk
! (u)
!
(d’apr`es le th´eor`eme de d´ecomposition des noyaux) et que
r
Y
k=1
Pk
!
(u) = 0, on en d´eduitE=
r
M
k=1
ker(Pk(u)). On a alors :
QiRi(u) :E= ker(Pi(u))
r
M
k=1 k6=i
ker(Pk(u))→E
x=xi+yi7→xi
QiRi(u) est donc la projection sur ker(Pi(u)) parall`element `a
r
M
k=1k6=i
ker(Pk(u)).
Th´eor`eme 3.3
uest diagonalisable si et seulement s’il admet un polynˆome annulateur scind´e `a racines simples.
Preuve. Supposons udiagonalisable. Notonsλ1, . . . , λr les valeurs propres deudeux `a deux disctinctes et E1, . . . , Er les sous espaces propres associ´es. SoitP ∈K[X] d´efini parP(X) =
r
Y
k=1
(X−λk).
P(u) =
r
Y
k=1
(u−λkidE).u´etant diagonalisable, on aE=
r
M
k=1
Ek. La r´eunion des bases desEk est une base deE. Soiti∈J1 ;rK. Soitxi ∈Ei.
P(u)(xi) =
r
Y
k=1
(u−λkidE)
! (xi) =
r
Y
k=1 k6=i
(u−λkidE)
◦(u−λiidE)(xi).
Or, (u−λiidE)(xi) = u(xi)−λixi. Si xi = 0, u(xi)−λixi = 0. Si xi 6= 0, alorsxi est un vecteur propre deuassoci´e `a la valeur propreλi doncu(xi)−λixi= 0. Par suite, P(u)(xi) = 0. Ceci ´etant vrai pour tout i∈J1 ;rK, et sachant que tout ´el´ement deE se d´ecompose en somme d’´el´ements desEk, on en d´eduit :
∀x∈E, P(u)(x) = 0.
Par cons´equent,P(u) = 0.P est donc un polynˆome annulateur deuscind´e `a racines simples.
On suppose maintenant queuadmet un polynˆome annulateur scind´e `a racines simples. NotonsPce polynˆome.
Il exister∈N∗,λ1, . . . , λr∈Kdeux `a deux distincts tels que P(X) =
r
Y
k=1
(X−λk). Lesλk´etant deux `a deux distincts, les polynˆomesX−λk sont deux `a deux premiers entre eux. D’apr`es le th´eor`eme de d´ecomposition des noyaux :
ker
r
Y
k=1
(u−λkidE)
!
=
r
M
k=1
ker(u−λkidE).
P est un polynˆome annulateur de u donc
r
Y
k=1
(u−λkidE) = 0 et donc ker
r
Y
k=1
(u−λkidE)
!
= E. On en d´eduit E =
r
M
k=1
ker(u−λkidE). E 6= {0} donc il existe k ∈ J1 ;rK tel que ker(u−λkidE) 6= {0}. Soit x∈ker(u−λkidE), avec x6= 0. Alors (u−λkidE)(x) = 0, c’est-`a-direu(x) = λkx. λk est donc une valeur propre de u et x est un vecteur propre de u associ´e `a la valeur propre λk. La r´eunion des bases des sous espaces ker(u−λkidE) non r´eduits `a {0}´etant une base deE, E admet donc une base form´ee de vecteurs
propres deu.uest donc diagonalisable.
Proposition 3.4
Soitv∈ L(E). On supposeuet v diagonalisables. Alorsu◦v =v◦usi et seulement s’il existe une base deEform´ee de vecteurs propres `a la fois pour uet v.
Preuve. Soitv∈ L(E). On suppose queuet vsont diagonalisables. Supposons qu’il existe une baseBdeE form´ee de vecteurs propres `a la fois pouruetv. Alors les matrices deuetv dans la baseBsont des matrices diagonales. Par cons´equent, elles commutent doncu◦v=v◦u.
Supposons maintenant queu◦v=v◦u. NotonsE1, . . . , Erles sous espaces propres deu.u´etant diagonalisable, on aE =
r
M
k=1
Ek. Soitk∈J1 ;rK.Ek est stable parv. En effet, pour toutx∈Ek, on a :
(u−λkidE)(v(x)) =u◦v(x)−λkv(x) =v◦u(x)−v◦(λkidE)(x) =v◦(u−λkidE)(x) =v(0) = 0.
Notons vk l’endomorphisme induit parv sur Ek. v ´etant diagonalisable, v admet un polynˆome annulateur P scind´e `a racines simples.Ek ´etant stable parv,Ek est stable parP(v).P(vk) est alors l’endomorphisme induit par P(v) sur Ek. P(v) = 0L(E) donc P(vk) = 0L(Ek). vk admet un polynˆome annulateur scind´e `a racines simples donc vk est diagonalisable. Il existe une baseBk de Ek form´ee de vecteurs propres de vk (et donc de vecteurs propres dev). Ceci est vrai pour toutk∈J1 ;rK. SoitB=
r
[
k=1
Bk.Best une base deE (car c’est la r´eunion de bases desEk et queE=
r
M
k=1
Ek) form´ee de vecteurs propres dev. Comme les ´el´ements de cette base sont dans les Ek, ce sont aussi des vecteurs propres de u. Il existe donc une base deE form´ee de
vecteurs propres `a la fois pouruetv.
Th´eor`eme 3.5
uest trigonalisable si et seulement si son polynˆome caract´eristique est scind´e.
Preuve. Supposonsutrigonalisable. Il existe alors une base deE dans laquelle la matriceA= (aij)16i,j6n
deuest triangulaire sup´erieure. En calculant son polynˆome caract´eristiquesχu, on obtient χu(X) =
n
Y
k=1
(ak,k−X).
χuest donc scind´e.
Nous allons prouver la r´eciproque par r´ecurrence sur la dimension n de E. Pour n ∈ N∗, notonsH(n) la propri´et´e :«siχu est scind´e, alorsuest trigonalisable.»
Pour n= 1, tout endomorphisme deEest trigonalisable.
Soitn∈N∗. SupposonsH(n) vraie. Soituun endomorphisme deE,E´etant de dimensionn+ 1, admettant un polynˆome caract´eristique scind´eχu.χuadmet au moins une racineλ. Soiteun vecteur propre deuassoci´e
`
a λ. Ke admet un suppl´ementaireF dansE, de dimension n. Soit B0 = (f1, . . . , fn) une base deF. Alors B= (e, f1, . . . , fn) est une base deE et la matrice deudans la baseBest
A=
λ a1 . . . an 0
... M 0
avec M ∈ Mn(K). Soitp la projection sur F parall`element `a Ke. p◦u laisse stable F. L’endomorphisme (p◦u)F induit par p◦usur F a pour matrice M dans la base B0. On a alorsχu = (λ−X)χM. χu ´etant scind´e, il en est de mˆeme pourχM. (p◦u)F est un endomorphisme deF (de dimensionn) dont le polynˆome caract´eristique est scind´e donc (p◦u)F est trigonalisable. Il existe une base (e1, . . . , en) deF dans laquelle la matriceT de (p◦u)F est triangulaire sup´erieure. SoitE= (e, e1, . . . , en).E est une base deEcarE=Ke⊕F. u(e) =λeet pour toutk∈J1 ;nK,u(ek) =bke+p◦u(ek), avecbk ∈K. Dans la baseE, la matrice deuest
λ b1 . . . bn
0
... T 0
.
Cette matrice est triangulaire sup´erieure donc H(n+ 1) est vraie. D’apr`es le principe de r´ecurrence, on en
d´eduit queH(n) est vraie pour toutn∈N∗.
Th´eor`eme 3.6 (d´ecomposition de Dunford)
Soitf ∈L(E)un endomorphisme trigonalisable. Alors il existe un unique couple(d, n)d’endomorphismes tel que :
• f =d+n;
• netdcommutent ;
• nest nilpotent ;
• dest diagonalisable.
Preuve.
Existence : Soitf ∈L(E) un endomorphisme trigonalisable. Alorsf admet un polynˆome annulateur scind´eP. Quitte `a diviserPpar le coefficient du terme de plus haut degr´e, on peut supposerP unitaire. P s’´ecrit sous la formeP(X) =
m
Q
k=1
(X−λk)αk, o`uλk ∈Ketαk∈N∗pour toutk∈J1, mK, lesλk´etant deux `a deux distincts.
Les polynˆomes X−λk sont alors deux `a deux premiers entre eux. D’apr`es le th´eor`eme de d´ecomposition des noyaux, on a : kerP(f) =
m
L
k=1
ker(f −λkidE)αk. Pour k ∈ J1, mK, on note Fk = ker(f −λkidE)αk. P est annulateur pour f doncP(f) = 0 et donc kerP(f) =E. On a donc E=
m
L
k=1
Fk.
Pour k∈ J1, mK, notons pk le projecteur sur Fk parall`element `a
m
L
i=1i6=k
Fi. Soient d=
m
P
k=1
λkpk et n=f −d.
D’apr`es ce qui pr´ec`ede, pk est un polynˆome en f pour tout entier k donc d est un polynˆome en f et n
´
egalement. On en d´eduit quenet dcommutent. Il reste `a montrer quedest diagonalisable etnnilpotent.
Soit k ∈ J1, mK. Soit x ∈ Fk. d(x) =
m
P
i=1
λipi(x). Par d´efinition des projecteurs pi, pi(x) = 0 si i 6= k et pk(x) = x donc d(x) = λkx. On en d´eduit que d stabilise les Fk. f stabilise les Fk car les applications (f−λkidE)αk sont des polynˆomes enf. On en d´eduit alors quen=f−dstabilise lesFk. Pourk∈J1, mK, on notenk,dketfk les endomorphismes induits parn,detf surFk. La r´eunion des bases de chaqueFk est une base deE (car E est somme directe desFk). Soit eun ´el´ement de cette base. Il existe un entierk∈J1, mK tel que e∈Fk. On a alorsd(e) =dk(e) =λke. La matrice deddans cette base est donc diagonale et doncd est diagonalisable.
Les endomorphismes nk sont nilpotents : en effet, si x∈ Fk, on a : nαkk(x) = (fk−λkidFk)αk(x) = 0 par d´efinition desFk. On en d´eduit quenest nilpotent : soit x∈E. xs’´ecrit de mani`ere uniquex=
m
P
k=1
xk, o`u xk∈Fk pour toutk∈J1, mK. Soitα= max{αk,16k6m}.nα(x) =
m
P
k=1
nα(xk). Pour toutk∈J1, mK: nα(xk) =nαk(xk) =nα−αk(nαk(x)) =nα−αk(0) = 0
On en d´eduit nα(x) = 0. Par cons´equent,nest nilpotent. D’o`u l’existence d’un tel couple (d, n).
Unicit´e : Soit (d0, n0) un autre couple d’endomorphismes satisfaisant les 4 points du th´eor`eme.
f =d+n=d0+n0. d0 commute avec f :
d0◦f =d0◦(d0+n) =d0◦d0+d0◦n0=d0◦d0+n0◦d0 = (d0+n0)◦d0 =f ◦d0
d0 commute avec tout polynˆome en f et donc laisse lesFk invariants. En effet, pour k∈J1, mKet x∈Fk : (f−λkid)αk◦d0(x) =d0◦(f−λkid)αk(x) =d0(0) = 0
ce qui prouve qued0(x) appartient `aFk. De mˆeme, on montre quen0 commute avecf et laisse stable lesFk. On noten0k,d0k etfk les endomorphismes induits parn0,d0 et f surFk, pour toutk∈J1, mK.
Soit k ∈J1, mK. d0k −dk =d0k−λkidFk est diagonalisable car d0k l’est. Par ailleurs, d0k−dk =nk −n0k. n0 commute avec tout polynˆome enf donc en particulier avecn. On en d´eduit alors quen−n0est nilpotent. En effet,nest nilpotent donc il existeβ ∈Ntel que nβ= 0. De mˆeme, il existeβ0∈Ntel que n0β0 = 0. Alors :
(n−n0)β+β0 =
β+β0
X
i=0
β+β0 i
(−1)β+β0−ini(n0)β+β0−i
Si i∈J0, βK, alors β+β0−i>β et n0β+β0−i = 0. Si i∈Jβ+ 1, β0K, alors i > β etni = 0. n−n0 est donc nilpotent (et donc il en est de mˆeme pour nk −n0k pour tout entier k ∈ J1, mK). Finalement, d0k−dk est diagonalisable et nilpotent doncd0k−dk = 0. On en d´eduitd0k=dk, puisn0k=nk. Ceci ´etant vrai pour tout
k∈J1, mK, on ad0 =detn0 =n, d’o`u l’unicit´e.
Exemple 3.7
Appliquer la d´ecomposition de Dunford`a la matriceA=
1 1 1
0 −1 2 0 −3 4
Calcul du polynˆome caract´eristique deA(on effectue successivement les op´erations ´el´ementairesC2←C2−C3
et L3←L3−L2) :
χA(X) =
1−X 1 1
0 −1−X 2
0 −3 4−X
=
1−X 2 1
0 1−X 2
0 1−X 4−X
=
1−X 2 2
0 1−X 2
0 0 2−X
= (1−X)2(2−X).
Aadmet 2 valeurs propres : 1 et 2. On noteE1(respectivementE2) le sous espace propre associ´e `a la valeur propre 1 (respectivement `a la valeur propre 2). Le calcul d´etaill´e des sous espaces propres est laiss´e au lecteur.
E1= ker(A−I3) = ker
0 1 1
0 −2 2 0 −3 3
= Vect
1 0 0
.
On note e01 = (1 ; 0 ; 0). dim(E1) 6= 2 donc A n’est pas diagonalisable. Le polynˆome caract´eristique ´etant scind´e,Aest trigonalisable.
E2= ker(A−2I3) = ker
−1 1 1
0 3 −2
0 3 −2
= Vect
5 2 3
.
On notee03= (5 ; 2 ; 3). On noteF2=E2et F1= ker(A−I3)2.
F1= ker(A−I3)2= ker
0 −5 5 0 −2 2 0 −3 3
= Vect
1 0 0
;
0 1 1
.
On note e02 = (0 ; 1 ; 1). On a E = F1⊕F2. On note p1 la projection sur F1, parall`element `a F2 et p2 la projection surF2, parall`element `a F1. Soitd= 1×p1+ 2×p2.
Mat(p1;B0) =
1 0 0 0 1 0 0 0 0
= et Mat(p2;B0) =
0 0 0 0 0 0 0 0 1
.
On en d´eduit :
Mat(d;B0) =
1 0 0 0 1 0 0 0 2
.
La matrice de passage de B (base canonique de R3) `a B0 = (e01;e02;e03) est P =
1 0 5 0 1 2 0 1 3
. Le lecteur
v´erifiera queP−1=
1 5 −5
0 3 −2
0 −1 1
. On en d´eduit :
Mat(u;B0) =P−1AP =
1 5 −5
0 3 −2
0 −1 1
1 2 0 0 1 0 0 0 2
1 1 1
0 −1 2 0 −3 4
1 0 5 0 1 2 0 1 3
=
1 2 0 0 1 0 0 0 2
.
n=u−ddonc Mat(n;B0) = Mat(u;B0)−Mat(d;B0) =
0 2 0 0 0 0 0 0 0
NotonsT = Mat(u;B0),N= Mat(n;B0) etd= Mat(d;B0). Pourn∈Navecn>2,Nn = 0. On montre, par une r´ecurrence imm´ediate, que An =P TnP−1. Pourn∈N, Tn = (D+N)n. Comme D etN commutent, on peut appliquer la formule du binˆome. On a ainsi, sachant queNk= 0 sik>2 :
∀n∈N, Tn = (D+N)n=
n
X
k=0
n k
NkDn−k =Dn+nN Dn−1=
1 2n 0
0 1 0
0 0 2n
.
N etD commutent donc on peut ´egalement exprimer la matrice de exp(A) dans la baseB0. On a :
Mat(exp(D) ;B0) =
e 0 0
0 e 0
0 0 e2
puis, sachant queNk = 0 sik>2,
Mat(exp(N) ;B0) =
+∞
X
k=0
Nk
k! =I+N =
1 0 0 0 1 0 0 0 1
+
0 2 0 0 0 0 0 0 0
=
1 2 0 0 1 0 0 0 1
On en d´eduit :
Mat(exp(A) ;B0) =
e 0 0
0 e 0
0 0 e2
1 2 0 0 1 0 0 0 1
=
e 2 e 0
0 e 0
0 0 e2
.
Remarque 3.8
Le calcul deAn, avecn∈Npermet d’´etudier les suites r´ecurrentes lin´eaires, par exemple :
u0, v0, w0∈Ret∀n∈N,
un+1=un+vn+wn
vn+1=−vn+ 2wn
wn+1=−3vn+ 4wn
Le calcul deexp(A)permet d’´etudier les syst`emes diff´erentiels, par exemple :
u, v, w∈ C∞(R), t0∈R, u0, v0, w0∈R,
u0=u+v+w v0=−v+ 2w w0=−3v+ 4w
, u(t0) =u0, v(t0) =v0, w(t0) =w0.
Exemple 3.9
Une particule se d´eplace sur les 3 sommets d’un triangle ABC, en partant de A. Son d´eplacement s’effectue de la mani`ere suivante, `a chaque seconde : Lorsque la particule est en A, elle y reste avec une probabilit´e de 0,25, elle va en B avec une probabilit´e de 0,5 et en C avec une probabilit´e de 0,25. Lorsqu’elle est en B, elle va en A avec une probabilit´e de 0,5 et en C avec une probabilit´e de 0,5. Lorsqu’elle est en C, elle va toujours en B. Lorsque le nombre de secondes devient grand, on a plus de chance de trouver la particule en B.
Pour n∈N, on noteAn l’´ev´enement «la particule est en A apr`esnsecondes». De mˆeme, on d´efinit Bn et Cn. Pour n ∈ N, on note an =p(An), bn =p(Bn) et cn = p(Cn). Pour n∈ N, An, Bn et Cn forment un syst`eme complet d’´ev´enements. On a alors :
p(An+1) =p(An+1|An)p(An) +p(An+1|Bn)p(Bn) +p(An+1|Cn)p(Cn)
c’est-`a-direan+1= 0,25an+ 0,5bn. De mˆeme, pour toutn∈N,bn+1= 0,5an+cn etcn+1= 0,25an+ 0,5bn. En posant pour tout entier natureln,Xn =
an bn
cn
, on a alors
∀n∈N, Xn+1=AXn avecA=
0,25 0,5 0 0,5 0 1 0,25 0,5 0
.
Une r´ecurrence imm´ediate montre que pour toutn ∈ N, Xn = AnX0. On cherche donc `a calculer An. Le d´etail des calculs suivants sont laiss´es au lecteur.
Le polynˆome caract´eristique deA est donn´e parχA(X) =X(X −1)(−X−0,75).A admet donc 3 valeurs propres r´eelles distinctes :−0,75, 0 et 1.χA´etant un polynˆome annulateur deAscind´e `a racines simples, on en d´eduit queAest diagonalisable. On noteE−0,75,E0etE1les sous espaces propres associ´es respectivement aux valeurs propres −0,75, 0 et 1. On a E−0,75 = Vect{e01} avec e01 = (−1 ; 2 ;−1), E0 = Vect{e02} avec e02= (2 ;−1 ;−1) etE0= Vect{e03}avece03= (2 ; 3 ; 2). NotonsBla base canonique deR3,B0 la base form´ee des vecteurs propres deA etP la matrice de passage deB`a B0. On a :
P =
−1 2 2
2 −1 3
−1 −1 2
et P−1= 1 21
−1 6 −8
7 0 −7
3 3 3
.
On a D=P−1AP, avecD=
−0,75 0 0
0 0 0
0 0 1
. On en d´eduit A=P DP−1 et
∀n∈N, An =P DnP−1= 1 21
(−0,75)n+ 6 −6×(−0,75)n+ 6 8×(−,075)n+ 6
−2×(−0,75)n+ 9 12×(−0,75)n+ 9 −16×(−0,75)n+ 9 (−0,75)n+ 6 −6×(−0,75)n+ 6 8×(−0,75)n+ 6
.
On en d´eduit :
Xn=AnX0=An
1 0 0
= 1 21
(−0,75)n+ 6
−2×(−0,75)n+ 9 (−0,75)n+ 6
puis
p(An) = 1
21((−0,75)n+ 6)−−−−−→
n→+∞
6 21 = 2
7, p(Bn) = 1
21(−2×(−0,75)n+ 9)−−−−−→
n→+∞
9 21 = 3
7 et
p(Cn) = 1
21((−0,75)n+ 6)−−−−−→
n→+∞
6 21 = 2
7.
Lorsque le nombre de secondes devient grand, on a plus de chances de trouver la particule enB.