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LE GTiAJ\I)-PÈT{E
DU MEME AUTEUR
La Comédie des Familles, un acte en vers. Bernard Grasset, éditeur.
Les Petites Ames,poèmes (2^édition). Vanier-Mbssein,éditeur.
Toi et Moi, poèmes(5* édition).Stock, éditeur.
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PAUL GÉRALDY
lE GTiAT^B-PÈliB
Poème
ditpar M. de FERA UD Y
à la ComédieFrançaise
le22
Mai
1915vi
""Mit
Librairie Armand Colin
103, Boulevard Saint-Michel,
PARIS
Le Grand -Père
Nous
ne lesavions pas,nous
autres, que l'envie Contre nous, près de nous, s'armaitetnous
guettait.Quand
on est bien portant,on
ne croit qu'à la vie.Le
travail et l'amourétaient ce qui comptait.Fiers denotre sol gras et de nos villes Hnes,
Nous
cultivions notre nature et nos esprits.Nous
pressions nos raisins et chaurtîons nos usinesEn
chantant les chansons qu'on taisait à Paris.Leur
guet-apens sur|)rit la bellehumeur
française.Mais alors s'éveilla le vieux sangendormi.
Les
drapeaux
poussiéreux, au vent des Marseillaises, Refleurirent soudain des couleurs de Valmy.—
6—
On
brisa d'un élanles plus fortesattaches.On
couraitdans la rue.On
s'étreignait les mains.Les rudes ouvriers relevaient leurs moustaches.
Les délicatschantaient en
montant
dans les trains.Mais,
comme on
s'élançait, des riresplein labouche, Versle Nord, curieux de ceux qui s'approchaient, Lespremiers,emportés
parleur ardeurfarouche.Se brisèrent lefront contre
un mur
qui marchait.Et laFrance, si
prompte
àchanger de visage, S'étonna. Qu'étaientdonc
ces soldats griset lourdsQue
ses clairons, ses cris, sa fougue, son courage.N'avaient pas à l'instant fait refuir
pour
toujours?Le maître cependant,Joffre
—
des sourcils rudes Surun
visage large inondé de clarté—
Restait calme, etsemblait l'Ordre et la Certitude Tandis ques'énervaientleschefs déconcertés.
Peut-être savait-il, cegrand sage, d'avance.
Ce que
seraitun
choc contreun
telmur
de fer.Maisqu'on
n'empêche
pas facilement laFranceDe
bondir enavant, fût-cecontreun
enfer.Il laconnaissait folle, ardente,généreuse, Vite prèle à mourir. Peut-être savait-il
Qu'un
peu
de sangverséla rendraitmoins
fougueuse Et que soncalme
seul vaincraitun
tel péril.Tranquille, il
commanda
qu'on reculât. Les routes Furent péniblement reprises àrebours.On
espérait: »Demain
l'on se battra sans doute. » Maisles jours sesuivaient : on reculait toujours.Coteauxpicards, forêts etplaines
champenoises
Repassaient.Les
pommeaux
s'incrustaientdans lesmains.Lesofficiers rageaient. «C'est la Meuse!... C'est l'Oise!...
C'est Sentis!...
—
Reculez.—
C'est la Seinedemain!
Quoi
! malgré Guiseet Dun, nosfemmes
étonnéesNous
verraient revenir!—
Reculez.—
Songez-y,Nous
chantions, et la fleur n'estmême
pas fanée Qu'ellesont au départ mise au bout des fusils.Nos
uniformes sontencor neufs, etnosarmes Ont
à peineservi !—
Reculez. « Accablés,Trois millions de
cœurs
étouffaient sous les larmes.« N'avons-nous pasle droit de
mourir? —
Reculez. «On
recula.La
brèche, ùchaque
heure augmentée, Béait.On
recula.Le
pays prenait peurEt voyait le
moment
où sachair rétractée, Cédant encoreun
peu, mettrait ànu
son cœur.Enfin, lorsque l'espoir n'animait pluspersonne.
Lancé
parmille autosdans l'ombre et dans levent, Crié parmille voix dansmille téléphones,L'ordre brusque arriva : <i Maintenant, en avant! »
L'armée
alors,ressort tendu qui se déclanche, Arc-boutée à lafois surVerdun
etParis, Revint surelle et fitun
si terrible criQu'on vit s'évanouiraussitôt l'avalanche.
Et ces routiersépais,dont lerire allemand Salissaitce Parisqu'ils possédaient d'avance, Sentant sur leurs talons le refiux de laFrance, Oubliantleur butin, fuyaient éperdûment...
Il nous manquait, hélas! des
armes
assez fortesPour
les poursuivre aussi longtempsqu'il eût fallu.Ils purent s'arrêteret se terrer. « N'importe, Dit Joffre, maintenantils ne reviendrontplus. »
-
9—
Il ourla leurs terriers d'un fil de meurtrières Courant lelong de longs fossés qu'il étaya
De
terre et de soldats, et sûrde lui,derrière Cethéroïsme
et cette boue, il travailla.Laissantson ennemi, taureauqui souffle et fume, Buter
du
front ets'épuiser dans le tauril :« J'ai besoin d'un outil plus solide », dit-il.
Et laFrancevibra de toutes ses enclumes...
Et, tandis
que
son poingforge ainsipatiemment La
lourdeDurandal
dedemain, ses prunelles Loin, là-bas, pardelà les pays allemands, Guettent le ralliementd'enseignes fraternelles.Ses soldatssubjugués, qu'eurent bientôt conquis Ses petits j'eux d'acier, sa
bonhomie
austère Et sa simplicité,l'appellent : le Grand-Père.Le
Grand-Père, en efTet, n'est-ce pas celui qui.Les fils ayant senti que cédaient leurs épaules
Sous un
fardeau trop lourd, leurdit où l'appuyer.Raffermit leur effort, et n'abdique son rôle
Que
s'illaisse l'orgueil et lajoie au foyer?10
Et s'il faut être cncor,
pour
être le Grand-Père,Un
aïeuldoux
etbon quand
letravail est fait,Un
père exactet durquand
latâche est à faire, JofTre ne fut-il pas le Grand-Fère en effet?Lorsque
les Allemands,pour
glacer d'épouvante Toutl'univers, multipliaientles moulinets, Et, brandissant surnous une hache
géante.De
tout lepoids de tout ce fernous
assénaientDes
coups qui bosselaient à peine notre armure,Il menait froidement son fabuleuxtravail;
Mais ilallait le soir
pendre un morceau
d'émail Sur des héros blessés etsacrerdes blessures...Et
nous
qui maintenant avonscompris
ces gens.Usiniersqui pensaient fabriquer desvictoires.
Savants qui n'omettaient
que
d'être intelligents.Parvenus
de laforce, assez naïfspour
croireQu'on est un grand vainqueur avec
un grand manteau
Qui flotte sousun
casque au traversd'une escorte,—
Pourrons-nous adorer d'une ardeur assez forte Celuiqui, dédaigneuxdes gestes etdes mots.
—
11—
Ayant
faitun cœur
graveaux... Gauloisque nous sommes,
S'assieddans un hameau,
s'arrêteaubord
d'unchamp,
Salue
un
roi, décoreun
chef,embrasse un homme, Sauve
le monde... etvadormir comme un
enfant.S